Nations Unies

CRC/C/87/D/86/2019

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

16 juin 2021

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no 86/2019 * , **

Communication présentée par :

D. R. (représenté par un conseil, Sarah Vincent)

Victime(s) présumée(s) :

G. R., H. R., V. R. et D. R.

État partie :

Suisse

Date de la communication :

15 mai 2019

Date des constatations :

31 mai 2021

Objet :

Expulsion vers Sri Lanka ; accès aux soins médicaux

Questions de procédure :

Non-épuisement des recours internes ; défaut de fondement des griefs ; justiciabilité des droits consacrés par la Convention

Questions de fo nd :

Intérêt supérieur de l’enfant ; recours effectif ; droit à la santé ; torture et mauvais traitements

Articles de la Convention :

3, 4, 6 (par. 2), 24 et 37 (al. a))

Article s du Protocole facultatif :

7 (al. e) et f))

1.1L’auteur de la communication est D. R., né en 1982. Il soumet la communication au nom de ses enfants, G. R., et H. R., nés respectivement en 2019 et en 2014, et de sa femme, V. R., née en 1990, ainsi qu’en son nom propre. Tous sont de nationalité sri-lankaise. L’auteur et sa famille risquent d’être renvoyés à Sri Lanka. L’auteur allègue qu’un tel renvoi constituerait une violation de leurs droits, notamment des droits reconnus à G. R. par les articles 3 et 4 de la Convention. La plainte soulève également, sur le fond, des questions au regard des articles 6 (par. 2), 24 et 37 (al. a)) de la Convention, même si ces articles ne sont pas expressément cités par l’auteur. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Étatpartie le 24juillet 2017. L’auteur et sa famille n’étaient pas représentés par un conseil au moment de la soumission de la lettre initiale. Ils sont représentés par un conseil depuis le 16 août 2019.

1.2Le 20 mai 2019, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a demandé à l’État partie de s’abstenir de renvoyer l’auteur et sa famille à Sri Lanka tant que la communication serait à l’examen.

1.3Le 22octobre 2019, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité, a décidé de ne pas accéder à la demande de l’État partie tendant à ce que la question de la recevabilité soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 30 juin 2014, l’auteur, V. R. et H. R. ont déposé une demande d’asile auprès du Secrétariat d’État suisse aux migrations qui, le 5 août 2015, a rejeté leur demande et a ordonné leur renvoi vers Sri Lanka. Un recours introduit auprès du Tribunal administratif fédéral a été rejeté le 13 septembre 2016. Le 3 mars 2017, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré la requête de l’auteur irrecevable.

2.2Le 29 mars 2019, l’auteur et sa famille ont soumis au Secrétariat d’État aux migrations une demande de réexamen de leur demande d’asile, faisant valoir que G. R., qui était né deux mois auparavant, subirait un préjudice irréparable à son retour à Sri Lanka, en violation des articles 3 et 4 de la Convention. Ils ont soumis un certificat médical daté du 12 mars 2019, établi par une pédiatre, attestant qu’à la naissance l’enfant présentait une incapacité à maintenir une température corporelle suffisante et qu’une semaine plus tard, il avait reçu un diagnostic d’hypothyroïdie congénitale, conduisant à la mise en place, le jour même, d’un traitement de substitution hormonale. Différents examens ont mis en évidence une inactivité totale de la glande thyroïde et un retard de la maturation osseuse. Le traitement hormonal consiste en une combinaison de plusieurs substances que l’enfant devra prendre quotidiennement et à vie. D’après la pédiatre, il devra faire des analyses de sang. Son traitement à l’Euthyrox devra être ajusté tous les trois mois et ce suivi, crucial pour son développement et sa croissance, doit être effectué par un spécialiste en endocrinologie pédiatrique. Si le suivi ne peut pas être correctement assuré, soit par manque de ressources médicales soit par manque de ressources financières, G. R. souffrira des dommages irréversibles, potentiellement au point de ne pas pouvoir devenir autonome. Le certificat mentionne également qu’envoyer l’enfant dans un pays comme Sri Lanka sans ressources et sans que le suivi médical ait été organisé à l’avance de manière claire et fiable rend quasiment impossible un suivi correct de la maladie, « extrêmement sévère » si elle n’est pas traitée correctement. La pédiatre indique que ses collègues pédiatres endocrinologues confirment qu’il serait dangereux, pour l’avenir de G. R., d’envoyer l’enfant dans un pays qui présente « autant d’incertitudes quant au suivi possible ».

2.3La demande de réexamen indiquait aussi que V. R. devait être traitée pour un trouble dépressif récurrent accompagné de symptômes psychotiques (hallucinations auditives). Elle faisait aussi référence à des informations selon lesquelles l’accès aux soins de santé n’était aucunement garanti à Sri Lanka, les traitements dans les institutions privées étaient très chers et le coût presque intégralement à la charge des patients. De plus, si les services sont généralement gratuits dans les établissements publics, toute une série de frais peuvent être à la charge du patient. Il arrive souvent que les médicaments et le matériel nécessaires ne soient pas disponibles dans les établissements publics et que les patients doivent les acheter dans des pharmacies privées, à un coût très élevé. En outre, le secteur public de la santé n’est souvent pas en mesure de fournir un traitement adéquat pour les maladies chroniques non transmissibles. Seuls les médicaments et traitements bon marché sont généralement disponibles dans les établissements publics. Les listes d’attente pour certains diagnostics sont souvent très longues. Enfin, l’approvisionnement en médicaments gratuits n’est pas assuré, car les stocks sont souvent épuisés.

2.4Le 24 avril 2019, le Secrétariat d’État aux migrations a décidé de ne pas donner suite à la demande de réexamen au motif que l’auteur et sa famille n’avaient pas respecté la règle selon laquelle une demande de réexamen doit être déposée dans les trente jours à compter de la découverte du motif de réexamen, étant donné qu’ils avaient appris que G. R. souffrait d’une hypothyroïdie le 24 janvier 2019. Il a également fait valoir qu’il s’était déjà prononcé sur la santé psychique de V. R. Compte tenu du caractère impératif de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme), le Secrétariat d’État aux migrations a procédé à un examen préliminaire pour déterminer si la demande contenait des faits ou des motifs de portée significative propres à soulever sérieusement, sous un angle objectif, la question de l’existence d’obstacles à l’exécution du renvoi relevant du droit international. Il a rappelé le cadre établi par la Cour européenne des droits de l’homme dans N. c. Royaume-Uni (requête no26565/05), D. c. Royaume-Uni (requête no30240/96) et Paposhvili c. Belgique (requête no41738/10) et a estiméque la ville de Colombo disposait d’infrastructures médicales suffisantes, notamment des hôpitaux publics et des cliniques privées, pour soigner G.  R. Le Secrétariat d’État aux migrations a donc conclu qu’aucun obstacle ne s’opposait à l’exécution de la décision de renvoi.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur soutient que G.R. ne pourra pas obtenir le traitement médical nécessaire pour son hypothyroïdie à Sri Lanka. Même si ce traitement existe, l’auteur ne pourra pas le payer car il sera trop coûteux. Il demande que le droit de G.R.de bénéficier d’un traitement médical en Suisse soit respecté. Il fait valoir également que V.R. a, elle aussi, besoin de poursuivre son traitement médical en Suisse, et il a fourni un certificat attestant qu’elle bénéficie d’une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique. Ilévoque aussi sa propre situation médicale et fait référence à un certificat médical qui mentionne un « très vraisemblable » défaut d’accès, à Sri Lanka, aux soins et aux médicaments nécessaires pour son diabète de type 2, son hypertension artérielle, son hypercholestérolémie et ses troubles mictionnels mixtes. De plus, quand la famille est arrivée en Suisse, H.R. avait 2 mois et il est maintenant scolarisé en Suisse.La famillecraint toujours de retourner à Sri Lanka pour des raisons politiques.

3.2L’auteur fait valoir que la famille n’a pas pu soumettre la demande de réexamen dans les trente jours suivant la découverte de l’hypothyroïdie congénitale de G. R. en raison d’un retard dans la réception du certificat médical et parce que la famille avait des difficultés à communiquer avec les médecins en français. Il n’a pas introduit de recours contre la décision du 24 avril 2019 parce qu’il n’avait pas les moyens de payer un avocat et que l’association qui l’avait aidé gratuitement a refusé de rédiger un recours.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations du 16 juillet 2019, l’État partie indique que, le 5 août 2015, le Secrétariat d’État aux migrations a refusé la demande d’asile de l’auteur, de V. R. et de H. R. au motif que leurs déclarations n’étaient pas crédibles ; cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif fédéral le 13 septembre 2016. Le 17 novembre 2016, le Secrétariat d’État aux migrations a déclaré irrecevable une première demande de réexamen de la décision au motif que des documents de la Commission sri-lankaise des droits de l’homme, présentés comme constituant des faits nouveaux, n’avaient pas été soumis dans le délai légal de trente jours à compter de la découverte du motif de réexamen. De plus, un examen préliminaire au titre de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme n’a pas été jugé comme faisant obstacle à l’exécution de la décision de renvoi. Le 1er décembre 2016, le Tribunal administratif fédéral a annulé cette décision au motif que la requête aurait dû être traitée comme une demande de révision, mais a déclaré la requête irrecevable compte tenu de l’absence d’éléments nouveaux.

4.2L’État partie note que, le 16 novembre 2018, le Secrétariat d’État aux migrations a refusé, en raison du non-respect du délai de trente jours, de donner suite à une deuxième demande de réexamen à l’appui de laquelle étaient invoqués notamment les problèmes médicaux de l’auteur et de V. R., ainsi que la grossesse de celle-ci. Le 13 décembre 2018, le Tribunal administratif fédéral a déclaré le recours irrecevable, jugeant d’emblée abusifs la demande de réexamen et le recours formé.

4.3L’État partie fait valoir en outre qu’à la suite de la soumission de la troisième demande de réexamen et de la décision d’irrecevabilité rendue par le Secrétariat d’État aux migrations le 24 avril 2019, aucun recours n’a été interjeté dans le délai légal de cinq jours.

4.4L’État partie note que l’auteur semble affirmer que le renvoi de la famille constituerait une violation des droits de l’enfant en raison de l’état de santé de G. R. et du fait qu’il va dépendre toute sa vie de médicaments et de thérapies spécifiques qui ne sont pas disponibles ou financièrement accessibles à Sri Lanka. Le reste de la communication fait référence aux problèmes de santé de l’auteur et de V. R. ainsi qu’à l’intégration de H. R. en Suisse, sans qu’il soit possible de mettre ces éléments en relation avec des griefs particuliers sous l’angle des droits garantis par la Convention.

4.5L’État partie affirme que la communication est irrecevable parce que les voies de recours internes n’ont pas été épuisées, aucun recours n’ayant été introduit contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations du 24 avril 2019. L’auteur n’a pas dit avoir été dans l’impossibilité, pour des raisons valables, de respecter le délai imparti pour l’introduction d’un recours. Il ne prétend pas non plus qu’un recours auprès du Tribunal administratif fédéral n’aurait pas été utile. La décision du Secrétariat d’État aux migrations est dûment motivée, ne présente aucun vice de forme et énonce les voies de droit ainsi que le délai de cinq jours et les conditions à remplir. En outre, la famille avait déjà interjeté trois recours auprès du Tribunal administratif fédéral et connaissait donc la procédure à suivre.

4.6L’État partie indique que le recours formé auprès du Tribunal administratif fédéral contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations du 24 avril 2019 constituait une voie de recours ordinaire. Le tribunal aurait dû trancher la question de la recevabilité et il aurait pu annuler la décision et demander au Secrétariat d’État aux migrations d’examiner la demande de réexamen. Cette voie de recours était donc de nature à fournir une réparation utile. L’État partie rappelle que le Comité contre la torture a confirmé que, lorsqu’un recours est formé auprès du Tribunal administratif fédéral en dehors des délais, sans justification, les voies de recours internes n’ont pas été épuisées. Les motifs d’ordre financier ne sont pas admissibles, car l’auteur aurait pu déposer une demande d’assistance judiciaire gratuite s’il estimait ne pas pouvoir payer les honoraires de son conseil ni prendre à sa charge les frais de procédure. En outre, le Tribunal administratif fédéral peut, à titre exceptionnel, entièrement remettre les frais de procédure normalement mis à la charge de la partie qui succombe. L’État partie fait valoir que la question de savoir si l’auteur pourrait bénéficier d’une assistance judiciaire en raison de son manque de moyens financiers ou s’il pourrait être dispensé des frais de procédure doit être tranchée par le juge et non pas par l’auteur lui-même. Il ajoute qu’en vertu du principe de subsidiarité, il appartient en premier lieu aux autorités nationales de réparer une éventuelle violation de la Convention.

4.7L’État partie soutient que la communication est irrecevable également au motif qu’elle est insuffisamment motivée. Il affirme, en premier lieu, qu’elle ne précise pas quelle(s) personne(s) doit ou doivent être considérée(s) comme l’auteur ou les auteurs ni en quoi les griefs emporteraient une éventuelle violation des droits garantis par la Convention. En second lieu, ce n’est qu’à la lumière du contenu de la troisième demande de réexamen qu’il est possible de tenter de comprendre ce que souhaite celui qui a été considéré comme l’auteur de la communication, bien que la demande porte sur un objet différent de celui de la présente communication. L’État partie note que, face à la communication à l’examen, le Comité a dû adresser un questionnaire à l’auteur pour en comprendre la motivation et que la réponse « particulièrement laconique » qui y a été apportée ne saurait remédier aux insuffisances de la lettre initiale. Enfin, la communication expose les faits de manière simplifiée et renvoie à des éléments de fait qui ne concernent pas G. R. et ses droits.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité

5.1Dans ses commentaires du 2 octobre 2019, l’auteur conteste l’argument de l’État partie selon lequel les voies de recours internes n’ont pas été épuisées et fait valoir l’existence de motifs valables pour le non-respect du délai de recours contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations du 24 avril 2019. Après avoir été informé de cette décision, il s’est immédiatement rendu dans une permanence juridique gratuite, qui a refusé de rédiger de recours en raison de sa charge de travail. Le délai de cinq jours étant très court, et les horaires de permanence à Genève étant restreints, il n’a pas pu s’adresser à une autre permanence à temps. À cette même période, V. R. et G. R. se trouvaient à l’hôpital dans un état critique, ce qui signifie que l’auteur devait en même temps effectuer ces démarches et rendre visite à sa femme et à son enfant à l’hôpital. En outre, il n’avait pas les moyens de payer un avocat. De plus, il ne parle pas le français, ne comprenait pas la décision et ne connaît pas la marche à suivre pour rédiger un recours, les recours précédents ayant été rédigés et soumis par un conseil professionnel. Il affirme n’avoir pu déposer de demande d’assistance judiciaire gratuite, puisque ce n’est qu’après le dépôt du recours que le Tribunal administratif fédéral peut trancher la question d’une éventuelle indigence. Étant donné que le Protocole facultatif reconnaît les grandes difficultés que peuvent avoir les enfants à se prévaloir des recours disponibles en cas de violation de leurs droits, les exigences quant à l’épuisement des voies de recours internes devraient, en l’espèce, être assouplies.

5.2Concernant l’observation de l’État partie selon laquelle la communication est insuffisamment motivée, l’auteur fait valoir qu’il convient de se rappeler qu’il a rédigé la soumission initiale et sa réponse aux questions du Comité sans représentation, dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle. Ainsi, les exigences concernant la forme, les conclusions et la motivation ne devraient pas être trop élevées. En outre, il a été possible pour le Comité et l’État partie de comprendre ce qu’il demande, d’identifier les griefs et de comprendre la motivation. La communication est donc suffisamment motivée.

Observations complémentaires de l’État partie sur la recevabilité et le fond

6.1Dans ses observations du 14 février 2020, l’État partie note que le délai de recours contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations du 24 avril 2019 était de cinq jours ouvrables à compter de la notification. Vu que l’auteur connaissait les démarches à entreprendre, il ne saurait prétendre qu’il n’a pas pu s’adresser à une autre permanence juridique gratuite. L’État partie conteste le fait qu’il ne parle pas le français, étant donné qu’il a précédemment fait valoir qu’il prenait des cours de français intensifs, niveau A1, et que « plusieurs personnes ont confirmé qu’il avait maintenant un très bon niveau de français ». Il réitère ses observations quant à l’absence de moyens financiers pour introduire un recours et au principe de subsidiarité, soulignant que les griefs invoqués n’ont jamais été portés devant le Tribunal administratif fédéral. Bien que le Protocole facultatif reconnaisse que les enfants peuvent avoir de grandes difficultés à se prévaloir des recours disponibles, les circonstances du cas d’espèce et les motifs mis en avant ne justifient pas un assouplissement des exigences à cet égard. L’État partie réaffirme que la communication est insuffisamment motivée.

6.2L’État partie estime que les articles 3 et 4 de la Convention ne fondent aucun droit subjectif et ne sont donc pas directement applicables. À l’exception de l’interdiction de la torture et des peines et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’État partie ne voit pas quelle disposition applicable aux griefs soulevés accorderait à G. R. un droit subjectif et directement applicable. En ce qui concerne l’article 3 de la Convention, l’État partie note que c’est le non-respect du délai légal de trente jours qui a empêché le Secrétariat d’État aux migrations d’entrer en matière sur la demande de réexamen. Le Secrétariat a toutefois examiné, à titre préjudiciel, si la demande contenait des faits ou des motifs de portée significative qui pourraient sérieusement soulever, d’un point de vue objectif, la question de l’existence d’obstacles à l’exécution de la décision de renvoi. Concernant les problèmes médicaux invoqués, le Secrétariat d’État aux migrations a conclu que la ville de Colombo disposait d’infrastructures médicales suffisantes, dont des hôpitaux publics et des cliniques privées, pour soigner G. R. Il a donc dûment déterminé et apprécié l’intérêt supérieur de l’enfant. Quant à l’article 4 de la Convention, l’État partie estime que, dans le cas d’espèce, les autorités ont pris les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les droits conventionnels. Dans la mesure où la communication concerne des droits économiques, sociaux et culturels, l’État partie renvoie à l’article 10 (par. 4) du Protocole facultatif.

6.3S’agissant des griefs de nature générale formulés par l’auteur, l’État partie fait valoir que l’auteur ne démontre en aucune manière qu’il ne serait pas possible d’obtenir les traitements médicaux nécessaires pour G.R. et affirme qu’au contraire, l’hypothyroïdie est une maladie courante et les traitements médicaux nécessaires sont disponibles et accessibles à Sri Lanka. Selon les informations disponibles, les autorités sri-lankaises sont parfaitement conscientes que l’hypothyroïdie congénitale est la première cause de handicap intellectuel chez les enfants. Elles ont lancé un programme national de dépistage de l’hypothyroïdie congénitale chez les nouveau-nés et publié des lignes directrices pour le traitement de l’hypothyroïdie. En outre, la communauté médicale sri-lankaisea publié plusieurs études sur le sujet. L’État partie conclut que le traitement de l’hypothyroïdie est disponible à SriLanka.

6.4Concernant l’argument selon lequel les traitements médicaux ne seraient pas financièrement accessibles, l’État partie indique que la gratuité des soins est une priorité pour le Gouvernement sri-lankais. En outre, l’auteur a indiqué aux autorités suisses qu’il souhaiterait pouvoir travailler et être financièrement indépendant. L’État partie note que l’auteur a vécu et travaillé à Colombo avant de quitter le pays, qu’il a reçu une formation scolaire et professionnelle et qu’il parle le cinghalais. Il est donc en mesure de gagner sa vie à Sri Lanka et de subvenir aux besoins de G. R. De plus, l’auteur et sa famille peuvent demander une aide au retour de 1 000 francs suisses par adulte et 500 francs suisses par mineur, ainsi qu’une aide additionnelle matérielle pouvant atteindre 3 000 francs suisses pour financer un projet individuel de réintégration. Pour des besoins spéciaux de réintégration, il est possible d’obtenir une aide complémentaire majorée allant jusqu’à 5 000 francs suisses et, en cas de problèmes de santé, une aide médicale au retour. L’auteur pourra également se tourner vers les autorités sri-lankaises en cas de besoin. L’État partie conclut que le renvoi de G. R. ne constituerait pas une violation de la Convention.

6.5Rappelant le principe de non-refoulement, l’État partie fait valoir que le Secrétariat d’État aux migrations a examiné, sous l’angle de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, la question de savoir si les problèmes médicaux de G. R. faisaient obstacle à son renvoi. Il s’est référé à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et a conclu que les cas très exceptionnels pouvant soulever des questions au regard de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme correspondent à un seuil élevé pour l’application de cette disposition dans les affaires relatives à l’éloignement d’étrangers gravement malades. Enfin, le Secrétariat d’État aux migrations a conclu que Colombo disposait d’infrastructures médicales suffisantes. Considérant que les soins médicaux nécessaires sont disponibles et financièrement accessibles à Sri Lanka, et qu’il n’existe aucun risque réel, sérieux et concret pour la santé de G. R., l’État partie estime que le renvoi de l’enfant ne violerait pas le principe de non-refoulement. Enfin, Sri Lanka est aussi partie à la Convention et, si l’auteur estime que Sri Lanka viole ses obligations à l’égard de G. R., il pourra faire valoir ses griefs auprès des autorités sri-lankaises.

Commentaires complémentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

7.1Dans ses commentaires du 16 juin 2020, l’auteur allègue que le fait d’avoir suivi des cours de français de niveau A1 ne lui permettait pas de comprendre seul une décision juridique, et encore moins de rédiger un recours. Par ailleurs, dans sa décision du 24 avril 2019, le Secrétariat d’État aux migrations précise que l’usage d’une voie de recours n’aura pas d’effet suspensif. Selon la jurisprudence du Comité, tout recours qui ne suspendrait pas l’exécution de la décision de renvoi ne saurait être considéré comme utile. L’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif ne fait donc pas obstacle à la recevabilité de la communication.

7.2L’auteur note que, selon le Comité, l’article 3 (par. 1) de la Convention est directement applicable et peut être invoqué devant un tribunal.

7.3L’auteur conteste que ce soit le non-respect du délai légal de trente jours à compter de la découverte du motif de réexamen qui a empêché le Secrétariat d’État aux migrations d’examiner la demande de réexamen. Il relève que, d’après la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, la découverte de motifs de réexamen implique que le requérant ait une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau et des problèmes médicaux pour pouvoir les invoquer et il faut pouvoir offrir la preuve de ces problèmes en produisant un certificat médical. Le diagnostic d’hypothyroïdie a été posé le 24 janvier 2019 mais, à ce moment-là, les parents ne pouvaient se rendre compte de toutes les implications. Un certificat médical était nécessaire pour apporter une preuve de ce fait nouveau. Étant donné que le certificat du 12 mars 2019 a été soumis le 29 mars 2019, le Secrétariat d’État aux migrations aurait dû examiner la demande.

7.4L’auteur fait valoir qu’au vu de la vulnérabilité de G. R., enfant migrant malade pour qui l’interruption de son traitement aurait des conséquences irréversibles, arguer simplement de l’existence d’infrastructures médicales à Colombo ne suffit pas au regard de l’article 3 de la Convention.

7.5L’auteur fait remarquer qu’aucun des documents cités par l’État partie ne fait référence à l’accès effectif à un traitement pour l’hypothyroïdie congénitale à Sri Lanka. Il fait valoir que l’État partie fait dépendre l’accès de G. R. aux soins de la capacité de l’auteur de financer ces soins. Aucune garantie n’a été donnée concernant la capacité de G. R. d’avoir accès à un suivi médical pour une durée indéterminée. à Sri Lanka, une part élevée des coûts de santé est à la charge des patients et les assurances maladie ne jouent quasiment aucun rôle. Un certificat médical daté du 11 juin 2020 indique que le coût annuel du suivi médical de G. R. s’élève à 2 500 francs suisses. Il est peu probable que l’auteur, qui travaillait dans la restauration, puisse subvenir aux besoins de sa famille et payer pour le traitement de G. R. à Sri Lanka. En outre, lui-même a besoin d’un traitement médical. L’obtention d’une aide au retour ne donne aucune garantie sur le long terme. De plus, l’aide au retour n’est pas censée servir exclusivement à couvrir des besoins médicaux. En outre, G. R. pourrait être mis en danger par la fragilité émotionnelle de V. R. Selon l’auteur, l’État partie, en jugeant que G. R. pouvait être renvoyé à Sri Lanka, a violé l’article 3 de la Convention.

7.6En l’absence de toute garantie claire et solide de la part de l’État partie concernant la poursuite du traitement de G. R. à Sri Lanka, et étant donné que G. R. a déjà commencé ce traitement, qui est supportable économiquement pour la Suisse, l’État partie aurait dû permettre à G. R. de poursuivre son traitement en Suisse pour mettre en œuvre les principes de l’intérêt supérieur de l’enfant et l’interdiction de la torture. L’auteur affirme que l’État partie a donc violé l’article 4 de la Convention.

7.7L’auteur soutient que, si le suivi médical de G. R. n’était pas assuré correctement, il en résulterait un préjudice irréparable pour l’enfant. Étant donné qu’il n’est pas possible de garantir un suivi correct de l’hypothyroïdie congénitale à Sri Lanka, le renvoi de G. R. violerait le principe de non-refoulement. L’auteur ajoute que l’objet de ce principe est d’éviter qu’il doive faire valoir ses griefs devant les autorités sri-lankaises.

Observations complémentaires de l’État partie

8.1Dans ses observations du 23juin 2020, l’État partie fait valoir que l’auteur aurait pu demander au Tribunal administratif fédéral de rétablir l’effet suspensif de son recours ou, à titre de mesures provisoires, de suspendre l’exécution du renvoi. S’il l’avait fait, aucune mesure de renvoi n’aurait été prise avant que le Tribunal administratif fédéral ne statue, ce qu’il aurait été tenu de faire sans délai.

8.2L’État partie réaffirme que l’hypothyroïdie est une maladie courante et qu’elle peut tout à fait être soignée à Sri Lanka puisque les traitements médicaux nécessaires y sont disponibles et accessibles. Il réaffirme également que la gratuité des soins est une priorité pour le Gouvernement sri-lankais et que l’auteur sera à même de gagner sa vie et de demander une aide au retour individuelle. En outre, l’auteur ne démontre nullement que G. R. serait privé des traitements nécessaires à Sri Lanka et n’apporte pas le moindre élément concret à l’appui de ses dires. En particulier, il ne dit pas qu’il a cherché à obtenir un traitement médical à Sri Lanka et que cela lui a été refusé. L’État partie fait valoir que, dans ces circonstances, des garanties ne sont pas nécessaires. En outre, il n’est pas pertinent de comparer le coût du traitement médical en Suisse avec le coût à Sri Lanka, et la question du coût n’est pas déterminante puisqu’aucune obligation de prise en charge de ces coûts ne peut être déduite de la Convention.

Commentaires de l’auteur sur les observations complémentaires de l’État partie

9.1Dans ses commentaires du 22 juillet 2020, l’auteur fait remarquer que l’article 55 de la loi fédérale sur la procédure administrative ne précise pas les motifs pour lesquels l’autorité de recours peut rétablir l’effet suspensif d’un recours, et que l’autorité doit procéder à une évaluation des intérêts en jeu, pour laquelle elle dispose d’une large marge de manœuvre. Elle ne rétablit l’effet suspensif que s’il s’avère prima facie que la première autorité n’a pas pris en considération ou a manifestement mal évalué des intérêts prépondérants, ou si la solution retenue préjuge de manière inadmissible de la décision finale et contourne ainsi le droit fédéral. Concrètement, il faut que l’exécution immédiate de la décision soit justifiée par des raisons impérieuses, comme le risque d’un préjudice important, sans que des circonstances extraordinaires soient nécessaires. Par ailleurs, le retrait de l’effet suspensif doit être proportionnel. L’auteur affirme que, dans le cas d’espèce, il est hypocrite de la part de l’État partie de soutenir que l’auteur n’avait qu’à demander l’effet suspensif, sachant qu’il n’avait aucune garantie que cela lui serait accordé. Il note que le Secrétariat d’État aux migrations considère que, dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, les recours en matière d’asile n’offrent pas de protection efficace contre une expulsion s’ils n’ont pas d’effet suspensif.

9.2L’auteur affirme qu’il était pertinent de présenter le coût annuel du traitement de G.R. puisque les considérations économiques sont au cœur de la question de l’accessibilité du traitement. Il réaffirme qu’au vu des risques graves et irrémédiables pour la santé de G.R., l’absence de toute garantie concernant l’accès de G.R. à un traitement médical constitue une violation de l’article 3 de la Convention et du principe de non-refoulement.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

10.1Avant d’examiner tout grief formulé dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

10.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable au regard de l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif car aucun recours n’a été soumis au Tribunal administratif fédéral contre la décision du Secrétariat d’État aux migrations du 24 avril 2019. Il note que l’introduction d’un tel recours n’aurait pas suspendu automatiquement l’exécution de la décision du Secrétariat d’État aux migrations. Il note également que, selon l’État partie, l’auteur et sa famille auraient pu demander au Tribunal administratif fédéral d’accorder un effet suspensif à un tel recours ou de suspendre l’exécution de la décision de renvoi. Cependant, il découle des informations soumises par l’auteur, qui n’ont pas été réfutées par l’État partie, que le Tribunal administratif fédéral dispose d’une marge d’appréciation pour statuer sur une telle demande. En outre, le Comité constate que l’État partie n’a pas fourni d’éléments concrets indiquant qu’une telle demande aurait pu être approuvée en l’espèce. De plus, l’État partie fait valoir que la décision du Secrétariat d’État aux migrations est dûment motivée et qu’elle ne présente aucun vice de forme. Le Comité considère par conséquent que rien n’indique concrètement que l’introduction d’un recours contre une telle décision, prise pour un motif formel, aurait pu conduire à la suspension de l’exécution de la décision de renvoi. Un tel recours ne saurait donc être considéré comme utile. En outre, le Comité note que, dans l’affaire soumise au Comité contre la torture qui est invoquée par l’État partie, l’auteur n’avait nullement justifié la non-saisine du Tribunal administratif fédéral, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisque l’auteur a justifié son incapacité à introduire ce recours dans le délai de cinq jours par le fait qu’il n’avait pas les moyens de payer un avocat et que la permanence juridique gratuite à laquelle il s’était adressé avait refusé de rédiger une demande d’assistance judiciaire. Au vu de tout ce qui précède, le Comité considère que l’article 7 (al. e)) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la communication.

10.3En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les droits de l’auteur et de son épouse seraient violés, compte tenu des conséquences que leur renvoi aurait pour leur santé, le Comité rappelle que la Convention protège les droits des enfants et non ceux des adultes, et considère que cette partie de la communication est incompatible avec les dispositions de la Convention. Il déclare donc cette partie de la communication irrecevable au regard de l’article 7 (al. c)) du Protocole facultatif.

10.4En ce qui concerne l’invocation de l’article 4 de la Convention, le Comité rappelle que cet article énonce des obligations générales qui ne peuvent être invoquées que conjointement avec d’autres droits garantis par la Convention dans le cadre de la procédure de présentation de communications au titre du Protocole facultatif. Il considère que, dans la présente communication, les griefs soulevés au titre de cet article sont insuffisamment étayés aux fins de la recevabilité. En outre, il note qu’aucune plainte particulière n’a été formulée concernant la scolarisation de H. R. en Suisse. De même, l’auteur dit brièvement craindre d’être renvoyé à Sri Lanka pour des raisons politiques, mais il n’étaye pas ses dires. Le Comité considère que ces éléments ne sont pas suffisamment étayés aux fins de la recevabilité au regard de l’article 7 (al. f)) du Protocole facultatif, et les déclare irrecevables.

10.5Le Comité considère toutefois que la communication semble soulever des questions de fond au regard de la Convention en ce qu’elle concerne la décision d’expulser la famille vers Sri Lanka dans le contexte du traitement médical de G. R. Il estime que cette partie de la communication est suffisamment étayée, aux fins de la recevabilité, au vu des griefs soulevés au titre de l’article 3 de la Convention, pour autant que l’invocation par l’auteur du droit de G. R. au développement, de son droit à la médication et du principe de non‑refoulement s’entendent comme faisant référence, respectivement, aux articles 6 (par. 2)), 24 et 37 (al. a)) de la Convention.

10.6Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel les articles 3 et 4 de la Convention ne fondent aucun droit subjectif dont la violation peut être dénoncée devant le Comité. À cet égard, il rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant, consacré à l’article 3 de la Convention, est un triple concept qui est à la fois un droit de fond, un principe interprétatif et une règle de procédure.Il note qu’aux termes de l’article 5 (par. 1 a)) du Protocole facultatif, des communications peuvent être présentées contre un État partie à la Convention par des particuliers ou des groupes de particuliers ou au nom de particuliers ou de groupes de particuliers qui affirment être victimes d’une violation par cet État partie de l’un quelconque des droits énoncés dans la Convention. De ce fait, le Comité estime que rien dans l’article 5 (par. 1 a)) du Protocole facultatif ne permet de conclure à une approche limitée des droits dont la violation peut être dénoncée dans le cadre de la procédure de présentation de communications. Il rappelle qu’il a déjà eu l’occasion de se prononcer sur des violations alléguées de l’article 3 de la Convention dans le cadre de ce mécanisme. Par conséquent, il déclare la communication recevable dans la mesure où elle est suffisamment étayée, et passe à son examen au fond.

Examen au fond

11.1Conformément à l’article 10 (par. 1) du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations que lui ont communiquées les parties.

11.2Le Comité prend note de l’argument de l’auteur selon lequel la décision de renvoyer sa famille à Sri Lanka constitue une violation du principe de non-refoulement parce que G. R. ne pourra pas bénéficier d’un traitement pour l’hypothyroïdie congénitale, ce qui n’aurait pas été dûment pris en compte par le Secrétariat d’État aux migrations. Il note également que l’État partie fait valoir que l’hypothyroïdie est une maladie courante, que, selon les informations disponibles, le traitement de l’hypothyroïdie est disponible à Sri Lanka et que l’auteur pourra subvenir aux besoins de sa famille en exerçant une activité rémunérée et, possiblement, grâce à l’aide financière ou matérielle dont il pourrait bénéficier. De plus, l’auteur ne démontre pas, selon l’État partie, qu’il ne serait pas possible pour G. R. d’être traité à Sri Lanka.

11.3Le Comité rappelle que les États sont tenus de ne pas renvoyer un enfant dans un pays où il y a des motifs sérieux de croire que cet enfant sera exposé à un risque réel de dommage irréparable, comme ceux, entre autres, envisagés aux articles 6 et 37 de la Convention. Le risque de violation grave devrait être apprécié eu égard à l’âge et au sexe de l’intéressé, par exemple compte tenu des conséquences particulièrement graves pour les enfants d’une alimentation insuffisante ou d’une carence des services de santé. Le risque de violation grave devrait être évalué conformément au principe de précaution et, lorsqu’il existe des doutes raisonnables quant à la protection que l’État de destination peut assurer à l’enfant contre ce risque, les États parties devraient s’abstenir d’expulser l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale dans les décisions concernant l’expulsion d’un enfant et ces décisions devraient donner l’assurance − selon une procédure prévoyant des garanties appropriées − que l’enfant sera en sécurité, sera correctement pris en charge et jouira de ses droits.

11.4Le Comité rappelle également qu’il appartient aux autorités nationales d’examiner les faits et les éléments de preuve, ainsi que d’interpréter et d’appliquer la loi nationale, à moins que l’appréciation faite par ces autorités ait été manifestement arbitraire ou ait constitué un déni de justice. Il n’appartient donc pas au Comité de se substituer aux autorités nationales dans l’interprétation de la loi nationale et l’appréciation des faits et des preuves, mais de vérifier l’absence de caractère arbitraire ou de déni de justice dans l’appréciation des autorités, et de s’assurer que l’intérêt supérieur de l’enfant a été une considération primordiale dans cette appréciation. Dans le cas d’espèce, le Comité note que, dans sa décision du 24 avril 2019, le Secrétariat d’État aux migrations a examiné les circonstances particulières dans lesquelles l’auteur et sa famille devaient être renvoyés à Colombo. À cet égard, il a relevé que Colombo disposait d’infrastructures médicales suffisantes, notamment d’hôpitaux publics et de cliniques privées, pour traiter G. R. Le Comité considère que, compte tenu des informations figurant dans le dossier, il ne peut pas conclure que cette évaluation était manifestement arbitraire ou équivalente à un déni de justice, ou que l’intérêt supérieur de G. R. en tant qu’enfant n’était pas une considération primordiale dans cette évaluation.

11.5Le Comité note en outre que, lors de l’examen du risque qu’encourrait G. R. en cas de renvoi à Sri Lanka, le Secrétariat d’État aux migrations s’est fondé sur des informations qui montrent que les autorités sri-lankaises sont conscientes que l’hypothyroïdie congénitale cause des déficiences mentales, et qu’elles ont lancé un programme national de dépistage et publié des lignes directrices pour le traitement de cette maladie. L’État partie renvoie également à des informations publiées par le Ministère sri-lankais de la santé, de la nutrition et de la médecine indigène. Ces informations ne fournissent pas seulement des directives aux différentes institutions de santé sri-lankaises sur le dépistage de l’hypothyroïdie congénitale, mais elles indiquent également que le traitement est simple, peu coûteux, efficace et disponible dans les systèmes de santé public et privé.

11.6Le Comité considère que le principe du non-refoulement ne confère pas un droit à rester dans un pays sur la seule base d’une possible différence entre l’État d’origine et l’État d’asile en matière de services de santé, ou pour poursuivre un traitement médical dans l’État d’asile, sauf si ce traitement est essentiel pour la vie et le bon développement de l’enfant et ne serait pas disponible et accessible dans l’État de renvoi. En l’espèce, le Comité observe que, sur la base des informations figurant dans le dossier, le traitement de G. R., qui est essentiel pour son développement, est disponible et accessible à Sri Lanka. Ainsi, le Comité conclut que le renvoi de G. R. à Sri Lanka ne créerait pas d’obstacles à l’accès de l’enfant au traitement dont il a besoin et ne constituerait pas une violation, de la part de l’État partie, de ses droits au titre des articles 3, 6 (par. 2), 24 ou 37 (al. a)) de la Convention. Il rappelle toutefois que, lorsque des enfant sont renvoyés dans leur pays d’origine, des mesures effectives de réinsertion, y compris des mesures immédiates de protection, en particulier pour assurer un accès effectif aux soins de santé, devraient être prises.

11.7Le Comité, agissant en vertu de l’article 10 (par. 5) du Protocole facultatif, constate que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation des articles 3, 6 (par. 2), 24 ou 37 (al. a) de la Convention.