Nations Unies

CAT/C/DEU/5

Convention contrela torture et autres peinesou traitements cruels,inhumains ou dégradants

Distr. générale

15 février 2011

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Cinquième rapport périodique des États parties devant être soumis en 2007

*,**

[15 décembre 2009]

Table des matières

ParagraphesPage

I.Introduction1−173

II.Principales questions18−1415

A.Coopération internationale18−495

B.Menaces de torture par la police de Francfort50−6510

C.Collecte et utilisation d’informations66−8813

D.Bundeswehr (Force fédérale de défense), police et justice89−14117

III.Déclaration concernant les conclusions du Comité142−16825

A.Conclusion figurant à l’alinéa a du paragraphe 4143−14526

B.Conclusion figurant à l’alinéa b du paragraphe 4146−15026

C.Conclusion figurant à l’alinéa c du paragraphe 4151−15427

D.Recommandations figurant aux alinéas c et g du paragraphe 5155−16228

E.Recommandation figurant à l’alinéa d du paragraphe 5163−16429

F.Recommandation figurant à l’alinéa h du paragraphe 5165−16629

G.Recommandation figurant à l’alinéa i du paragraphe 5167−16829

I.Introduction

1.Le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne présente ci-après son cinquième rapport périodique conformément au paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (ci-après «la Convention»). Ce rapport couvre la période allant de 2004 à 2008. S’agissant des affaires individuelles, les informations ont été actualisées jusqu’en juin 2009.

2.Le rapport initial de la République fédérale d’Allemagne a été présenté en 1992. Le deuxième périodique, présenté en 1996, a été examiné par le Comité en mai 1998; les troisième et quatrième rapports périodiques, présentés en un seul document en 2002, ont été examinés en mai 2004.

3.Dans le présent rapport, la République fédérale d’Allemagne a pour la première fois appliqué les principes de la nouvelle procédure de présentation des rapports instituée par les directives harmonisées du 21 mai 2007 concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme. Le document de base de la République fédérale d’Allemagne a été révisé conformément à ces directives harmonisées et adopté par le Conseil des ministres le 3 juin 2009.

4.Les principes constitutionnels relatifs à la protection des droits de l’homme en Allemagne étant exposés dans le document de base, le présent rapport passera d’abord brièvement en revue les principes fondamentaux de l’ordre juridique allemand concernant la protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que certaines mesures prises pour prêter assistance aux victimes de la torture.

5.Le rapport examinera ensuite quatre questions clefs. Il se termine par une déclaration du Gouvernement fédéral relative aux conclusions et recommandations du Comité en date du 11 juin 2004. Étant concentré sur les questions clefs les plus importantes, le présent rapport envisage les problèmes actuels et pressants malgré sa brièveté due à l’application des directives harmonisées. Le Gouvernement fédéral est convaincu que, s’il a besoin d’éclaircissements sur d’autres questions, le Comité lui donnera en temps voulu des indications avant sa présentation.

6.La République fédérale d’Allemagne a fait de l’inviolabilité de la dignité humaine et de l’adhésion aux droits de l’homme des valeurs suprêmes qui occupent une place prééminente dans sa constitution (art. 1, par. 1 et 2 de la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne). La torture, considérée comme l’une des atteintes les plus graves à la dignité humaine que l’on puisse concevoir, est ainsi proscrite par la Constitution. Le droit à la vie et à l’intégrité physique de chacun est consacré au début du paragraphe 2 de l’article 2 de la Loi fondamentale. Ce droit à être protégé (Abwehrrecht) ne s’applique pas seulement en cas d’atteinte par l’État à l’intégrité physique de la personne, mais également, selon une jurisprudence bien établie de la Cour constitutionnelle fédérale, à la torture mentale ou psychique ou toute autre méthode d’interrogation similaire. Le paragraphe 1 de l’article 104 de la Loi fondamentale stipule expressément que les personnes détenues ne doivent pas être maltraitées, ni moralement, ni physiquement.

7.En Allemagne, toutes les formes concevables de torture ou autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants font l’objet d’un certain nombre de dispositions répressives. On citera en particulier, outre le droit pénal général, le Code des crimes réprimés par le droit international, qui est entré en vigueur en 2002 et qui adopte la définition des crimes réprimés dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale en date du 17 juillet 1998 (génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre). Aux termes de cette loi, les crimes contre l’humanité comprennent notamment la torture. Elle stipule en outre, dans sa section intitulée «Crimes de guerre», que quiconque traite une personne «de manière cruelle ou inhumaine» en lui causant une douleur ou souffrance physique ou mentale aiguë, en particulier en «la torturant ou la mutilant», est passible d’une peine.

8.Le paragraphe 3 de l’article premier de la Loi fondamentale stipule que les droits fondamentaux garantis par la Constitution lient directement les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Ceci signifie que l’interdiction de la torture est directement applicable et doit être respectée par toutes les autorités exerçant des prérogatives de puissance publique. Le respect effectif de cette disposition est garanti par les autorités de contrôle compétentes ainsi qu’au moyen d’un système diversifié de recours juridiques et judiciaires. En vertu du droit de recours juridictionnel garanti par le paragraphe 4 de l’article 19 de la Loi fondamentale, quiconque allègue une violation de l’interdiction contre la torture a un droit effectif de saisir les tribunaux. Le principe de la séparation des pouvoirs, en particulier l’indépendance de la magistrature, garantissent un examen indépendant des affaires.

9.Le Parlement fédéral (Bundestag) s’est doté de sa propre Commission des droits de l’homme et de l’aide humanitaire, qui a pour tâche spécifique de suivre la situation des droits de l’homme en Allemagne. De plus, le Gouvernement fédéral présente tous les deux ans au Parlement fédéral un rapport sur les droits de l’homme dans lequel la situation du pays en la matière est examinée en détail.

10.Divers organes internationaux de contrôle veillent également au respect de l’interdiction de la torture en Allemagne, en particulier la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. La République fédérale d’Allemagne est partie à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH) du 4 novembre 1950. Aux termes de l’article 3 de cette convention, nul ne peut être soumis à la torture ou à une peine ou un traitement inhumain ou dégradant. Durant la période considérée, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu deux arrêts au sujet de l’article 3 de la CEDH dans des instances introduites contre l’Allemagne; ces arrêts seront examinés plus en détail au chapitre II, section A 2 c) ci-dessous.

11.La République fédérale d’Allemagne est aussi partie à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants adoptée le 16 novembre 1987. Dans le cadre du programme de visites régulières du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) institué par cette convention, une délégation du Comité est venue en Allemagne en novembre et décembre 2005. Le Comité a adopté son rapport le 7 juillet 2006. La République fédérale d’Allemagne a présenté ses observations sur ce rapport en février 2007.

12.Des mécanismes internationaux de contrôle ont également été créés dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies. C’est ainsi que, sous couvert d’une note verbale du 17 octobre 2001 adressée à l’Organisation, la République fédérale d’Allemagne a déclaré reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant d’États ou de particuliers.

13.La République fédérale d’Allemagne n’a pas eu jusqu’ici à répondre à des communications présentées par des États en vertu de l’article 21 de la Convention. S’agissant de la seule communication présentée par un particulier en application de l’article 22 de la Convention contre le Gouvernement fédéral, le Comité a jugé le 12 mai 2004 que la décision attaquée des autorités allemandes ne violait pas l’article 3 de la Convention et qu’il ne voyait aucune raison de contester cette décision.

14.De plus, durant la période à l’examen, la République fédérale d’Allemagne a ratifié le Protocole facultatif à la Convention, et le Sous-Comité pour la prévention de la torture (SPT) peut maintenant exercer sa fonction de contrôle à l’égard de l’Allemagne. Davantage de détails sont fournis à cet égard au chapitre II, section A 1 ci-après.

15.Dans le cadre des conseils et de l’assistance fournis aux réfugiés étrangers, le Gouvernement fédéral finance depuis des années quatre centres psychosociaux qui s’occupent et prennent soin des victimes de la torture et de violations des droits de l’homme. Ces centres dispensent des soins de santé et psychosociaux aux réfugiés et aux victimes de la torture, et ce sans tenir compte du sexe, de la race, de la religion ou des opinions politiques des intéressés. Ces organismes, qui reçoivent des fonds du budget fédéral, sont les suivants: le Centre berlinois pour le traitement des victimes de la torture (Croix-Rouge allemande), le Centre psychosocial de Cologne pour les réfugiés (Association allemande Caritas Welfare), le Centre psychosocial de Francfort-sur-le-Main pour les réfugiés et les victimes de la criminalité organisée, et le Centre psychosocial de Düsseldorf pour les réfugiés (relevant tous deux du Diakonisches Werk). La plus grande partie des 790 000 euros alloués chaque année à ces centres sert à rémunérer les spécialistes qui y travaillent.

16.Ces centres s’occupent et prennent soin de ceux qui ont été victimes de violences ou de torture aux mains de l’État à l’étranger, des réfugiés gravement traumatisés venant de zones de guerre et, dans certains cas individuels, des victimes d’infractions à motivation raciale commises en Allemagne. Il s’agit pour moitié d’hommes et de femmes. Quelque 1 500 personnes, des femmes pour la plupart, commencent une forme ou une autre de thérapie chaque année. L’une des principales activités des centres consiste en un travail thérapeutique avec des jeunes et des réfugiés non accompagnés, qui ont souvent perdu leurs familles et leurs proches.

17.Par l’intermédiaire de ses représentations à l’étranger et d’organisations non gouvernementales (ONG) locales, le Gouvernement fédéral finance régulièrement des projets dans le monde entier pour lutter contre la torture. Dans le cadre de l’appui qu’il apporte au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, il a en 2008 versé 500 000 euros au Fonds de contribution volontaire des Nations Unies pour les victimes de la torture et pour les activités du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

II.Principales questions

A.Coopération internationale

1.Le Protocole facultatif à la Convention contre la torture

18.La République fédérale d’Allemagne a signé le Protocole facultatif à la Convention (le «Protocole»), qui est entré en vigueur le 22 juin 2006, à New York le 20 septembre 2006. La procédure législative interne a depuis été achevée. La loi de ratification exigée par le droit constitutionnel pour incorporer le Protocole dans la législation nationale a été promulguée le 2 septembre 2008 (Journal officiel, 2008 II, p. 854); l’instrument de ratification a été déposé le 4 décembre 2008. Le Protocole est ainsi entré en vigueur pour l’Allemagne le 3 janvier 2009.

19.En application de la quatrième partie du Protocole, l’Allemagne est tenue de mettre en place un mécanisme national de prévention indépendant. L’Allemagne étant un État fédéral, ce mécanisme national de prévention comprendra deux institutions: un office fédéral pour la prévention de la torture, créé par l’ordonnance organique du 20 novembre 2008 pour ce qui relève de la compétence de la Fédération (établissements de détention administrés par la Bundeswehr et la Police fédérale) et un comité conjoint des Länderqui sera créé par traité entre les Länderfédéraux pour ce qui relève de leur compétence (système pénitentiaire, gardes à vue, établissements psychiatriques fermés). Comme la conclusion d’un traité entre les Länder exigeait l’intervention des organes législatifs de ceux-ci et qu’on ne pouvait prédire avec certitude quand le processus serait achevé, l’Allemagne s’est prévalue, lorsqu’elle a ratifié le Protocole, de sa faculté d’ajourner l’application de la quatrième partie de celui-ci pour une période initiale de trois ans. Toutefois, comme le traité entre les Ländera été signé le 24 juin 2009, il semble que la procédure pourra être achevée à la fin de 2009, de telle manière que les mécanismes nationaux de prévention seront totalement mis en place dans le délai prévu à l’article 17 du Protocole.

20.L’indépendance du mécanisme national de prévention est garantie. Tant l’ordonnance créant l’Office fédéral que le traité entre les Länder stipule expressément que les institutions concernées ne reçoivent aucune instruction et sont indépendantes. Le secrétariat qui assistera le mécanisme national de prévention dans ses activités aura ses bureaux à l’Institut allemand de criminologie, un institut universitaire mixte de la Fédération et des Länder, et il disposera de ses propres ressources.

21.Le Gouvernement fédéral est conscient que le mécanisme de prévention a été critiqué de part et d’autre comme étant de dimensions trop réduites et insuffisamment équipé. Une fois que le Comité conjoint des Länder aura présenté ses premiers rapports, il sera donc nécessaire d’examiner si le mécanisme dispose des équipements nécessaires. Les évaluations de l’Office fédéral et du Comité des Länder elles-mêmes seront ainsi d’une importance décisive.

22.Le Secrétariat de l’Office fédéral, qui comprend un assistant de recherche et un administrateur, a commencé ses activités le 1er mai 2009. Le Gouvernement tient à souligner que la compétence de l’Office fédéral est limitée aux institutions relevant de la Fédération dans le cadre du système fédéral (Bundeswehr et Police fédérale). L’immense majorité des établissements où des personnes sont détenues (police, justice et établissements psychiatriques) relève de la compétence des Länder et du comité conjoint qui doit être créé (par. 19). L’Office fédéral a déjà annoncé qu’il procéderait à ses visites initiales prochainement.

23.À la demande du Sous-Comité pour la prévention de la torture, l’Allemagne a, par une note verbale du 2 février 2009, nommé cinq experts en application de l’article 13 (troisième phrase) du Protocole; leur nom a été ajouté à la liste des experts.

2.Coopération au niveau européen

a)Coopération avec le Comité européen pour la prévention de la torture

24.Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) a effectué sa quatrième visite régulière en Allemagne du 20 novembre au 2 décembre 2005. Dans son rapport, le Comité s’est félicité de l’excellente coopération dont il a bénéficié durant sa visite de la part des autorités fédérales et de celles des Länder.

25.Dans les conclusions de ce rapport, le Comité se félicite expressément d’améliorations apportées à divers lieux de détention compte tenu du rapport précédent du CPT (2000). Il avait notamment critiqué:

L’utilisation d’entraves physiques (Fixierung) pour immobiliser les détenus, et en particulier l’immobilisation physique à long terme sans supervision continue directe et personnelle d’un membre du personnel (Sitzwache) et l’utilisation de dispositifs d’entrave inadéquats;

Les conditions matérielles dans divers lieux de détention (en particulier les lieux de détention avant expulsion);

L’insuffisance du personnel médical;

L’insuffisance des effectifs et la surpopulation dans divers centres.

26.Le Gouvernement fédéral a présenté une réponse au rapport du CPT; ce rapport et la réponse du Gouvernement fédéral ont été publiés le 18 avril 2007. Les autorités compétentes ont été informées des observations du Comité et priées de faire le nécessaire.

27.En deux occasions, le CPT a demandé au Gouvernement fédéral de faire des observations sur les mesures de précaution prévues en cas où les personnes devraient être détenues dans le cadre d’événements sur une grande échelle.

28.En mai 2007, le CPT a posé des questions sur les mesures qui étaient prévues à l’occasion du Sommet du G-8 devant se tenir à Heiligendamm. Il s’est vu fournir des informations détaillées à cet égard; les rapports de situation de la police locale ont aussi été rapidement mis à sa disposition. En mars 2009, le CPT a posé des questions comparables s’agissant des mesures prises à l’occasion du Sommet de l’OTAN devant se tenir à Strasbourg et à Kehl. Les informations demandées lui ont également été fournies. De plus, le CPT s’est vu donner par la police locale la possibilité d’inspecter les lieux de détention en question à l’avance. Dans l’un et l’autre cas, le CPT a souligné que la coopération avec le Gouvernement fédéral avait été bonne.

29.Le CPT a en outre demandé des informations sur le cas de Ö., au sujet duquel des détails sont fournis à la section D 2 ci-dessous. Le résumé des événements ainsi que l’ordonnance finale rendue par le Bureau du Procureur de Hagen ont été communiqués au CPT.

b)Coopération avec le Secrétaire général et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe

30.Le 22 novembre 2005, le Secrétaire général du Conseil de l’Europe, Terry Davis, a demandé au Gouvernement fédéral de répondre à des questions concernant des informations faisant état de l’arrestation et du transport de personnes effectués en secret par des «services étrangers». Le Gouvernement fédéral a répondu à ces questions dans une lettre du Ministre fédéral des affaires étrangères, M. Frank-Walter Steinmeier, datée du 17 février 2006.

31.Dans sa lettre, le Ministre détaillait les textes juridiques destinés à prévenir les privations secrètes de liberté, les poursuites pénales dont étaient passibles les auteurs de violation et les options ouvertes aux éventuelles victimes pour demander des dommages-intérêts.

32.En novembre 2005, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a chargé sa Commission des questions juridiques et des droits de l’homme d’enquêter pour déterminer si des lieux de détention secrets étaient établis en Europe en rapport avec la lutte internationale contre le terrorisme et si des transferts illicites de détenus avaient été effectués. La Commission a nommé M. Dick Marty Rapporteur, et celui-ci a présenté un rapport intérimaire en juin 2006 et un rapport final en juin 2007.

33.Dans son rapport à la Commission parlementaire de contrôle du Parlement fédéral sur les événements liés à la guerre en Iraq et à la lutte contre le terrorisme international, le Gouvernement fédéral a répondu ce qui suit s’agissant des interrogatoires menés par les services de renseignement allemands de personnes emprisonnées à l’étranger.

34.«Les interrogatoires ont toujours été menés en coopération étroite avec les autorités de sécurité compétentes des États concernés. Ces interrogatoires ne sont possibles que si des conditions préalables sont remplies, à savoir qu’ils doivent être volontaires et que les personnes interrogées y consentent expressément. Il n’est pas procédé à un interrogatoire lorsque, dans les cas individuels, des indices concrets donnent à penser que la personne concernée a été soumise à la torture dans le pays où elle se trouve. Lorsque de tels indices apparaissent durant l’interrogatoire, il y est immédiatement mis fin. (…) À l’avenir, les membres des services allemands d’enquête ne participeront plus à de tels interrogatoires.»

35.Le Gouvernement fédéral souhaiterait saisir l’occasion que lui offre le présent rapport pour réitérer et réaffirmer expressément ces déclarations.

36.Lors de sa seizième session, le Parlement fédéral a créé une commission d’enquête pour déterminer, notamment, si, dans divers cas individuels que le rapport de M. Marty avait également évoqués, des fonctionnaires fédéraux avaient participé à des interrogatoires après que les personnes concernées eurent été soumises à la torture ou à des traitements comparables à la torture. La Commission a jugé que tous les aspects clefs du rapport présenté à la Commission parlementaire de contrôle étaient corrects. Elle a estimé qu’en ce qui concerne la violation des droits fondamentaux de suspects en détention dans un pays étranger, la responsabilité incombait exclusivement aux États étrangers concernés. Le Gouvernement fédéral, ses fonctionnaires et les agents de ses organes avaient toujours agi conformément aux lois en vigueur.

c)Arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme

37.Durant la période à l’examen, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu deux arrêts contre l’Allemagne qui touchent des questions relatives à l’article 3 (Interdiction de la torture) de la CEDH.

i)J. c. Allemagne (requête no 54810/00)

38.La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme, statuant sur une requête de J. dirigée contre l’Allemagne, a jugé, dans un arrêt du 11 juillet 2006, que l’article 3 de la CEDH (Interdiction de la torture) et l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (Droit à un procès équitable) avaient été violés.

39.La principale question que soulevait la requête était de savoir dans quelle mesure l’administration de force d’un émétique afin d’obtenir la preuve d’une infraction à la législation sur les stupéfiants en application de l’article 81 a du Code de procédure pénale était incompatible avec la CEDH. Le requérant soutenait notamment que l’administration de force d’un émétique qu’avait ordonnée le ministère public constituait un traitement inhumain et dégradant interdit par l’article 3 de la CEDH. Il estimait également que l’utilisation de ces éléments de preuve, recueillis selon lui de manière illicite, dans le cadre de la procédure dirigée contre lui, avait porté atteinte à son droit à un procès équitable garanti par l’article 6 de la CEDH, en particulier au principe nemo tenetur.

40.Pour conclure à une violation de l’article 3 de la CEDH, la Cour a expliqué dans son arrêt qu’elle n’était pas convaincue que l’administration d’un émétique par la force était indispensable pour obtenir les preuves en cause ni que le risque de cette administration pour la santé du requérant devait être négligé. De plus, le requérant avait été maintenu au sol par quatre policiers durant l’administration de l’émétique et l’introduction d’une sonde nasogastrique avait dû être douloureuse et angoissante pour lui. Par ailleurs, toute l’opération, y compris le fait que le requérant avait été contraint à vomir, avait été humiliante. L’autre solution possible − le placement du requérant en détention en attendant qu’il évacue les stupéfiants naturellement − était moins humiliante. Enfin, la Cour a dit douter que le requérant, qui ne parlait pas allemand et ne s’exprimait que dans un mauvais anglais, ait été suffisamment informé à l’avance de l’intervention qu’on allait pratiquer.

41.S’agissant de la violation de l’article 6 de la CEDH, la Cour a d’abord fait observer que l’administration de l’émétique par la force avait violé l’une des garanties fondamentales énoncées dans la Convention; ceci signifiait que les éléments de preuve ainsi obtenus ne pouvaient plus être utilisés. De plus, l’utilisation comme preuve du sachet de stupéfiants que le requérant avait vomi avait porté atteinte au droit de l’intéressé de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

42.Sept juges ont formulé des opinions dissidentes et deux des opinions concordantes qui ont été jointes à l’arrêt.

43.En exécution de cet arrêt, le Gouvernement fédéral, tout en versant au requérant les dommages-intérêts que la Cour européenne des droits de l’homme lui avait accordés − a informé tous les Länder que la pratique consistant à administrer un émétique par la force était incompatible avec la CEDH. Les cinq Länder qui, à l’époque, utilisaient toujours cette technique, ont immédiatement cessé de le faire après que le jugement a été rendu et ont confirmé ultérieurement que la pratique serait abandonnée.

ii)G. c. Allemagne (requête no 22978/05)

44.On trouvera des détails sur cette affaire au chapitre II, section B ci-dessous.

3.Coopération avec l’Organisation des Nations Unies

45.Durant la période à l’examen, le Rapporteur spécial a adressé à l’Allemagne deux demandes d’informations qui relèvent de la compétence du Comité.

46.Le 16 décembre 2005, le Rapporteur spécial sur la torture a demandé à l’Allemagne d’ouvrir une enquête judiciaire et d’engager des poursuites contre M. Almatov, ex-Ministre de l’intérieur de l’Ouzbékistan, au motif notamment qu’il aurait été responsable de violations de la Convention, car il se trouvait en Allemagne à l’époque. Le Rapporteur spécial faisait état dans sa communication d’une plainte déposée le 12 décembre 2005 par des personnes qui avaient été victimes de la torture.

47.Les autorités allemandes chargées des poursuites pénales avaient appris que M. Almatov résidait en Allemagne lorsqu’une première plainte avait été déposée contre lui le 5 décembre 2005. Il avait toutefois quitté l’Allemagne à ce stade. Pour cette raison, le Procureur général a décidé de ne pas ouvrir d’enquête judiciaire contre M. Almatov.

48.Le 18 décembre 2006, le Rapporteur spécial pour la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le Rapporteur spécial sur la torture ont conjointement demandé à l’Allemagne de prendre toutes les mesures nécessaires pour engager la responsabilité pénale des personnes qui s’étaient rendues responsables, au sein du siège du Commandement Europe-États-Unis (EUCOM), du transfert illégal de six personnes soupçonnées d’être des terroristes de Bosnie-Herzégovine à Guantánamo. De plus, le Rapporteur spécial a demandé à l’Allemagne de veiller à ce que ni les autorités allemandes ni le territoire allemand ne puissent être utilisés pour transférer illégalement des personnes en violation des conventions relatives aux droits de l’homme signées par l’Allemagne.

49.Par une lettre datée du 16 février 2007, l’Allemagne a rendu compte au Rapporteur spécial dans le délai stipulé de l’examen par le Bureau du Procureur de Stuttgart des allégations formulées contre des officiers de liaison allemands en poste à l’EUCOM.

B.Menaces de torture par la police de Francfort

50.Le débat général sur la torture qui a aussi eu lieu dans les médias allemands a pris une ampleur très émotionnelle en 2002 à la suite de l’affaire D., qui a été largement débattue dans l’opinion publique. Le Gouvernement fédéral juge donc nécessaire d’exposer les événements liés à cette affaire. Le 27 septembre 2002, l’étudiant en droit G. a enlevé et tué un garçon de 11 ans. Dans le cadre de l’enquête diligentée par la police de Francfort-sur-le-Main, l’accusé a été interrogé le 1er octobre 2002, et c’est durant cet interrogatoire que la police l’a menacé de lui infliger des souffrances s’il ne révélait pas où se trouvait l’enfant.

1.Les faits

51.Le 1er octobre 2002 en début de matinée, l’inspecteur E., agissant sur les ordres de D., le Directeur adjoint de la police de Francfort, indiqua au requérant qu’un policier spécialement formé à ces pratiques lui infligerait de vives souffrances s’il ne révélait pas où se trouvait l’enfant. Le policier lui donna alors un coup sur la poitrine et le secoua si violemment que sa tête heurta le mur en une occasion. Craignant de subir les mesures dont on le menaçait, le requérant révéla précisément où l’enfant se trouvait au bout de dix minutes environ d’interrogatoire. Il fut alors conduit avec de nombreux policiers à Birstein, où la police découvrit le corps de l’enfant sous la jetée d’un étang.

52.Le 1er octobre 2002, dans une note destinée au dossier de la police, le Directeur adjoint de la police de Francfort, D., écrivit que ce matin-là, la vie de l’enfant, s’il était toujours en vie, serait en danger faute de nourriture et compte tenu de la température ambiante. Afin de sauver la vie de l’enfant, il avait donc donné à l’inspecteur E. l’ordre d’interroger celui qui était alors l’accusé G. en le menaçant de souffrances qui ne causeraient aucune lésion. L’intervention elle-même se déroulerait sous supervision médicale. D’après la note en question, l’interrogatoire du requérant visait exclusivement à sauver la vie de l’enfant et non à faciliter les poursuites pénales relatives à l’enlèvement. Comme G. avait déjà fait des aveux après que l’inspecteur E. l’eut menacé de souffrances, aucune mesure ne fut mise à exécution.

2.La procédure pénale contre G.

53.Le 9 avril 2003, le premier jour d’audience, le tribunal régional de Francfort-sur-le-Main jugea que le 1er octobre 2002 l’inspecteur de police E. avait utilisé des méthodes d’interrogatoire prohibées au sens de l’article 136 a, paragraphe 1, du Code de procédure pénale en menaçant l’accusé de souffrances s’il ne révélait pas où se trouvait l’enfant. Dès lors, en application de l’article 136 a, paragraphe 3, deuxième phrase, du Code de procédure pénale, les déclarations que l’accusé avait faites par la suite ne pouvaient être utilisées comme preuves. Seules pouvaient être utilisées les déclarations que l’accusé avait faites une fois qu’il eut compris qu’il pouvait prendre une décision entièrement nouvelle sur le point de savoir s’il voulait déposer ou garder le silence, c’est-à-dire seulement après qu’on lui eut donné les informations requises (concernant son droit de garder le silence et le fait que la totalité de ses déclarations antérieures ne seraient pas utilisées comme preuves).

54.Après que le tribunal régional l’eut expressément informé qu’il avait le droit de garder le silence et que ses déclarations antérieures ne seraient pas utilisées, G. a avoué, le deuxième jour d’audience, qu’il avait tué l’enfant. Dans sa déclaration finale à la clôture du procès, des pièces à conviction ayant été présentées entre le 9 avril et le 28 juillet 2003, il admit qu’il avait dès le début projeté de tuer l’enfant et qu’il avait agi dans ce dessein. Il voyait dans son aveu la seule manière d’accepter sa profonde culpabilité et le meilleur moyen de s’excuser pour le meurtre de l’enfant.

55.Le 28 juillet 2003, le tribunal régional reconnut le requérant coupable, entre autres, d’enlèvement d’enfant avec demande de rançon, suivi du meurtre de la victime. Il le condamna à la réclusion criminelle à perpétuité en soulignant que la culpabilité était d’une particulière gravité. Le 21 mai 2004, la Cour fédérale de justice rejeta le pourvoi en cassation du requérant comme étant infondé. Le 14 décembre 2004, la Cour constitutionnelle fédérale, siégeant en tant que chambre composée de trois juges, rejeta le recours constitutionnel du requérant comme irrecevable.

3. La procédure pénale dirigée contre les policiers

56.Sur la base des événements du 1er octobre 2002, le Bureau du Procureur de Francfort-sur-le-Main ouvrit une instruction et dressa un réquisitoire contre les policiers en cause. G. fut témoin lors de cette instance. Le 20 décembre 2004, le tribunal régional reconnut l’inspecteur E. coupable de contrainte illicite par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, lui adressa un avertissement et le condamna à une amende, assortie du sursis avec mise à l’épreuve, équivalant à soixante jours-amendes de 60 euros qu’il serait tenu de payer s’il commettait une nouvelle infraction au cours de la période de mise à l’épreuve. Le tribunal reconnut aussi D., le Directeur adjoint de la police de Francfort, coupable de complicité du même délit pour en avoir ordonné la commission. Il lui adressa aussi un avertissement et le condamna à une amende, assortie du sursis avec mise à l’épreuve, équivalant à quatre-vingt-dix jours-amendes de 120 euros. Dans son jugement, le tribunal réaffirma qu’il était absolument interdit de faire subir des violences ou de menacer de faire subir des violences à un accusé, et rejeta fermement toute possibilité de justifier la menace de violence par l’urgence. Il souligna que la prohibition absolue de la torture trouvait son fondement dans la nécessité de protéger la dignité humaine qui, eu égard aux enseignements de l’histoire, avait été délibérément consacrée au tout début de la Loi fondamentale allemande et qui, aux termes du paragraphe 3 de l’article 79 de cette Loi fondamentale, était intangible même si une majorité était favorable à la modification de la Loi fondamentale. Le respect de l’interdiction absolue de la torture était essentiel au bon fonctionnement de l’administration de la justice et à la préservation de l’état de droit.

57.La procédure a aussi eu des conséquences sur la carrière des deux policiers, car le Ministère de l’intérieur du Land de Hesse les a mutés à des postes auxquels ils ne participeront plus directement à des enquêtes pénales.

4.La décision de la Cour européenne des droits de l’homme

58.Après le rejet de son concours constitutionnel, G. a introduit une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le 30 juin 2008, la cinquième session de la Cour a jugé que G. ne pouvait plus se prétendre victime d’une violation de l’article 3 de la CEDH et qu’il n’y avait eu aucune violation de l’article 6 de celle-ci.

59.La Cour européenne des droits de l’homme a indiqué que G. ne pouvait plus se prétendre victime d’une violation de l’article 3 de la CEDH pour les raisons suivantes:

Le fait que le tribunal régional avait jugé sans ambiguïté lors du procès des policiers que le traitement qu’avait subi G. avait constitué une violation de l’article 3 de la CEDH; l’Allemagne avait donc admis qu’une violation s’était produite;

Le fait que les preuves obtenues par la force n’avaient pas été utilisées; et

Le fait que les policiers avaient été condamnés et mutés.

60.Sur requête du requérant, l’affaire a été acceptée pour décision par un comité de cinq juges de la Grande Chambre, qui doit se prononcer de nouveau.

5.Le débat général sur la torture

61.Un débat sur les dérogations possibles à la prohibition de la torture avait déjà eu lieu en Allemagne après les attaques contre le World Trade Center à New York le 11 septembre 2001. Ce débat, qui s’est déroulé dans les médias et parmi les juristes, a revêtu une nouvelle pertinence du fait de l’affaire D.

62.Par exemple, de vives divergences de vues se sont faites jour entre les associations professionnelles de magistrats sur le point de savoir si, dans certaines circonstances, la torture était concevable, à savoir si un intérêt juridiquement protégé pouvait être violé afin de préserver un intérêt juridiquement protégé de valeur supérieure. Quelques jours après l’incident, l’Association des magistrats allemands a toutefois indiqué clairement que toutes les formes de violence ou menaces de violence utilisées pour contraindre quelqu’un à faire une déclaration étaient interdites en droit interne et en droit international, et que cette interdiction était absolue.

63.Les attaques contre le World Trade Center et l’affaire D. ont suscité un grand nombre d’articles de doctrine. Dans ce contexte, les tentatives visant à justifier d’un point de vue académique l’abolition de l’interdiction absolue de la torture ont été de plus en plus nombreuses. Le professeur Winfried Brugger est un des principaux partisans de la relativisation de l’interdiction de la torture. Même avant les attaques contre le World Trade Center, sa position était que la torture devait être admise dans des cas exceptionnels strictement limités. Après les attaques contre le World Trade Center et l’affaire D., d’autres universitaires ont déclaré partager au moins en partie cette opinion.

64.L’immense majorité des milieux universitaires a néanmoins rejeté l’idée de relativiser l’interdiction de la torture. Ils soulignent dans ce contexte que les suspects ne doivent être torturés en aucune circonstance, même si l’on peut légitimement espérer mettre ainsi au jour des informations susceptibles de sauver une vie. Le Directeur de l’Institut allemand des droits de l’homme, le professeur Bielefeldt, donne un bon aperçu du débat qui a eu lieu parmi les juristes dans un essai intitulé «Menschenwürde und Folterverbot − Eine Auseinandersetzung mit den jüngsten Vorstößen zur Aufweichung des Folterverbots» (Droits de l’homme et prohibition de la torture − Une analyse des tentatives récentes de relativiser la prohibition de la torture). Cet essai répond en détail aux arguments avancés par ceux qui souhaiteraient que la torture soit autorisée dans des cas exceptionnels et fournit des arguments détaillés en faveur du caractère absolu de l’interdiction de la torture. Selon Bielefeldt, une nette majorité de ceux qui se sont exprimés dans les milieux académiques sur la question de la torture défendent le caractère absolu de cette interdiction.

6.Réactions du Gouvernement fédéral

65.Le Gouvernement fédéral a lui aussi pris clairement position dans ce débat. Il confirme son attachement à l’interdiction absolue de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, même, et cela sans réserve, également durant l’état d’urgence. C’est pourquoi, quelques jours après que l’incident se soit produit, le Gouvernement fédéral a vigoureusement rejeté un amendement à la loi qui aurait permis d’utiliser la torture dans certaines circonstances. Il a clairement indiqué que toutes les formes de torture ou de traitements dégradants ainsi que l’utilisation des informations obtenues en utilisant de tels traitements étaient interdites.

C.Collecte et utilisation d’informations

66.Des questions concernant la collecte et l’utilisation d’informations destinées à être utilisées dans le domaine de la prévention et les instances pénales ont, ces dernières années, régulièrement été adressées au Gouvernement fédéral par des organismes nationaux et internationaux ainsi que par des ONG. Le Gouvernement fédéral voudrait saisir l’occasion que lui offre le présent rapport pour exposer au Comité les règles juridiques relatives à la collecte et l’utilisation des informations.

1.Mesures préventives et répressives en vigueur dans l’ordre juridique allemand

67.Premièrement, comme on l’a déjà indiqué clairement dans l’introduction, il convient de souligner que pour la République fédérale d’Allemagne, la prohibition absolue de la torture est intangible. La participation de fonctionnaires allemands à des actes de torture est réprimée par le droit allemand et n’est en aucun cas tolérée. Dans des instructions adressées aux services fédéraux de renseignement, la Chancellerie fédérale a expressément souligné que pour interroger une personne il était indispensable que celle-ci y consente expressément et volontairement. Si, dans des cas particuliers, il existait des indices concrets attestant que la personne concernée avait été soumise à la torture dans le pays où elle se trouvait, elle ne pouvait être interrogée. Lorsque de tels indices se font jour durant l’interrogatoire, celui-ci doit prendre fin immédiatement.

68.Dans un État régi par l’état de droit, les informations dont il est établi qu’elles ont été obtenues par la torture ne peuvent être utilisées comme preuve dans un procès pénal, et cela sans aucune réserve. Il faut toutefois faire une exception lorsqu’il existe seulement des soupçons de torture qui ne peuvent être confirmés. Les tribunaux se prononcent alors au cas par cas sur la valeur des preuves produites. Si l’origine de celles-ci est suspecte à cet égard, le poids qui leur sera accordé sera limité en conséquence.

69.Il en va de même de l’utilisation de preuves pour écarter une menace. Là encore, l’existence d’indices attestant que la torture a été utilisée affaiblit la force probante de la déposition. Les services de sécurité tiennent compte de ce fait dans le cadre des mesures de prévention qu’ils prennent. L’évaluation des indices, compte tenu de la qualité de la source, est une des fonctions essentielles de ces services et elle est indispensable dans leurs activités pratiques.

2.Interrogatoires menés à l’étranger par des fonctionnaires allemands

70.On se reportera en premier lieu à la réponse du Gouvernement fédéral, citée à l’alinéa B.I.2.b. ci-dessus, à la Commission de contrôle parlementaire, dans laquelle il a expressément confirmé que les enquêteurs allemands n’étaient plus associés aux interrogatoires menés par des membres des services secrets.

71.Le principe selon lequel les fonctionnaires allemands ne peuvent se faire les complices d’actes de torture s’applique également aux interrogatoires menés dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale. Si, durant un interrogatoire, les enquêteurs relèvent des indications attestant que la personne interrogée a été soumise à la torture ou à des mauvais traitements, ils doivent le consigner par écrit. Le tribunal doit ensuite décider si les preuves obtenues ne peuvent pas être utilisées en application de l’article 136 a du Code de procédure pénale ou − si les indices sont insuffisants pour cela − si la déposition conserve une valeur probante. La cour doit motiver sa décision à partir de tous les éléments de preuve disponibles en application du principe de l’enquête judiciaire énoncé à l’article 244 2) du Code de procédure pénale dans le cadre de la liberté de la preuve (Freibeweis). Ainsi, lorsqu’elle a évalué les dépositions dans le cadre du procès intenté contre une personne accusée d’avoir assisté les assassins du 11 septembre 2001, la Haute Cour régionale hanséatique a tenu compte du fait que les circonstances dans lesquelles les trois témoins avaient été interrogés, alors qu’ils étaient détenus en un lieu inconnu aux États-Unis, ne pouvaient être déterminées avec certitude.

3.Assurances diplomatiques

a)Extradition

72.La pratique actuelle de l’Allemagne consistant à extrader des personnes vers certains États si l’État requérant donne des assurances que certaines conditions quant au traitement réservé à la personne extradée seront remplies est parfois critiquée dans l’opinion publique. Pour le Gouvernement fédéral, de telles assurances diplomatiques peuvent néanmoins, dans certains cas, être un bon moyen de contribuer au respect des droits de l’homme. La loi sur l’assistance internationale en matière pénale prévoit également la possibilité de demander des assurances par voie diplomatique comme condition préalable à l’extradition. Les points ci-après sont pertinents à cet égard.

73.Sur la base de l’article 3 de la CEDH, l’État requérant doit donner des assurances que les normes minimales en matière de conditions de détention énoncées dans la CEDH seront respectées. Selon la jurisprudence bien établie des tribunaux allemands, de telles assurances doivent être demandées selon que de besoin. En pratique, des assurances peuvent aussi être données que, par exemple, les suspects seront détenus dans des prisons déterminées et non ailleurs. Si ces assurances sont honorées, les traitements contraires aux dispositions de la CEDH peuvent être évités.

74.La question de savoir si les assurances données sont suffisantes et si elles sont honorées doit faire l’objet d’un examen. Dans le cadre de la loi sur l’assistance internationale en matière pénale, cet examen a déjà eu lieu dans le cadre de la procédure d’appréciation de la recevabilité qui se déroule devant la Haute Cour régionale avant l’extradition. Selon la jurisprudence de la Cour de justice fédérale, aux fins de cet examen, le tribunal doit avoir connaissance de la situation interne qui prévaut dans l’État qui donne les assurances. Sont également prises en compte les assurances précédemment données par l’État requérant et la mesure dans laquelle on peut compter qu’elles seront honorées. À cette fin, l’avis du Ministère fédéral des affaires étrangères est régulièrement sollicité.

75.Le Ministère fédéral des affaires étrangères examine chaque cas particulier sur la base des critères suivants:

Risque existant et une analyse de la menace sur la base de la situation concrète de la personne concernée;

Portée des assurances données du point de vue du contenu et de la durée;

Forme du contrôle requis (notamment la possibilité pour des ONG de rendre visite à la personne concernée), et sanctions possibles;

Conditions formelles des assurances.

76.Afin de pouvoir vérifier si les assurances sont honorées, des mesures sont régulièrement prises au niveau consulaire. Elles sont autorisées selon que de besoin. Elles peuvent comprendre une visite à la personne persécutée en prison. La permission pour un agent consulaire d’être présent au procès ainsi que des droits d’accès au profit d’ONG sont d’autres possibilités.

77.Lorsque les conditions préalables ci-dessus ne sont pas réunies − soit parce qu’aucune assurance formelle n’a été donnée par écrit soit parce qu’il n’y a pas de moyens de contrôle −, les assurances qui peuvent être données ne réduisent pas le risque que court la personne que l’on envisage d’extrader au point de permettre son extradition.

78.Par contre, si les principes ci-dessus sont observés, la Cour européenne des droits de l’homme est également d’avis que les assurances diplomatiques peuvent être un bon moyen de prévenir les violations des droits de l’homme de la personne dont on envisage l’extradition. Durant la période à l’examen, la Cour européenne des droits de l’homme a, dans deux décisions concernant l’Allemagne, jugé que les assurances données avaient été honorées et que l’Allemagne avait mené l’examen et effectué le contrôle requis. Les requêtes ont donc été déclarées irrecevables dans les deux cas.

b)Expulsion

79.Comme ceux d’autres États européens, le Gouvernement fédéral allemand considère que les assurances diplomatiques sont utiles pour expulser une personne sans qu’elle fasse ensuite l’objet de poursuites. Il convient toutefois d’examiner au cas par cas si les assurances données suffisent effectivement pour réduire le risque que la personne que l’on envisage d’expulser soit soumise à un traitement en violation de la Convention. Lorsque l’on formule des assurances, il convient de tenir compte des obligations de la République fédérale d’Allemagne au regard du droit international. De plus, l’accord doit permettre de contrôler effectivement que les assurances ont été honorées.

4.Affaires individuelles

a)M. K.

80.M. K., un Turc qui a grandi et vit en Allemagne, a été arrêté au Pakistan en novembre 2001 et emmené à Guantánamo par les forces des États-Unis en janvier 2002, et il y est resté emprisonné jusqu’en août 2006.

81.Une fois libéré, M. K. a affirmé qu’il avait été maltraité par des soldats allemands du Commandement des forces spéciales en Afghanistan au début de 2002. L’enquête qui a alors été ouverte contre deux membres du Commandement des forces spéciales par le Bureau du Procureur de Tübingen, compétent pour connaître de l’affaire, a pris fin en mai 2007, aucune preuve ne pouvant être produite à l’appui des allégations. Après que deux codétenus eurent été nommés comme témoins, le Bureau du Procureur de Tübingen a rouvert l’enquête, mais il y a de nouveau mis fin en mars 2008 car, même après que les témoins eurent déposé, il n’était pas possible d’établir que l’infraction avait été commise.

82.La Commission de la défense du Parlement fédéral, agissant en qualité de commission d’enquête, a examiné les allégations formulées contre les membres du Commandement des forces spéciales. Elle a entendu 49 témoins au total. Elle a conclu à l’absence de preuves établissant que l’infraction avait été commise. Il n’était pas possible de conclure, sur la base de l’immense majorité des éléments de preuve, qu’il y avait eu mauvais traitement.

b)K. E.-M.

83.En décembre 2003, E.-M., de nationalité allemande, a été arrêté en Macédoine. Selon ses dires, il a été emmené dans une prison secrète en Afghanistan par des membres de la CIA à la fin de janvier 2004 et il y est resté détenu jusqu’à la fin de mai 2004. Il a été libéré à la frontière entre l’Albanie et la Macédoine.

84.Sur la base de ses déclarations, le Bureau du Procureur de Munich I a ouvert une enquête contre X à la fin de 2004. Après qu’une série de noms d’éventuels suspects ait été établie durant l’année 2006, notamment sur la base de demandes d’aide judiciaire, le Bureau du Procureur de Munich I a, le 31 janvier 2007, demandé que des mandats d’arrêt pour préjudice corporel grave et privation de liberté soient délivrés contre 13 personnes résidant aux États-Unis d’Amérique. Le tribunal local de Munich a délivré les mandats d’arrêt demandés. Un mandat d’arrêt international a ensuite été émis contre ces 13 personnes mais, après que les États-Unis d’Amérique eurent indiqué qu’ils ne feraient droit à aucune demande d’extradition pour des raisons de sécurité nationale, aucune demande d’extradition n’a été présentée.

85.En juin 2008, M. E.-M. a introduit une instance contre le Ministère fédéral de la justice devant le tribunal administratif de Berlin pour obliger le Ministère à présenter une demande d’extradition. Cette instance, qui a maintenant été transférée au tribunal administratif de Cologne qui est compétent pour en connaître, est encore pendante.

c)M. Z.

86.M. M. Z., de nationalité allemande, était déjà surveillé par les autorités allemandes à la suite des attaques du 11 septembre 2001 en raison du rôle qui était le sien dans les milieux islamistes violents à Hambourg. Alors qu’il était au Maroc, fin 2001, il fut arrêté par la police locale puis emmené en Syrie. L’Allemagne n’en fut pas officiellement informée. Le Ministère fédéral des affaires étrangères et les ambassades allemandes à Damas et à Rabat contactèrent à plusieurs reprises les autorités marocaines et syriennes pour savoir où se trouvait M. Z. et pour lui offrir l’appui consulaire qui pouvait être nécessaire. Toutefois, comme, suivant la pratique qui est la sienne, la Syrie ne reconnaissait pas que M. Z. avait renoncé à sa nationalité syrienne, aucun agent consulaire n’a pu le voir, encore que brièvement, avant 2006.

87.En novembre 2002, M. Z. a été interrogé à Damas par des membres du Service de renseignement fédéral, de l’Office fédéral pour la protection de la Constitution et de l’Office fédéral de police criminelle. Le Gouvernement fédéral a fait des observations sur cette affaire dans le cadre de ses rapports à la Commission de contrôle parlementaire pour les services de renseignement (voir chap. II, sect. A 2 b) ci-dessus).

88.En février 2007, M. Z. a été condamné à mort par un tribunal syrien, notamment pour son appartenance à l’organisation interdite des Frères musulmans; la sentence a ultérieurement été commuée en une peine de douze ans d’emprisonnement.

D. Bundeswehr (Force fédérale de défense), police et justice

Bundeswehr

a)Cas de mauvais traitements en cours de formation

89.Pour que les soldats de la Bundeswehr soient affectés à des missions à l’étranger, il faut qu’ils aient les qualifications requises et qu’ils aient déjà reçu une formation complète en Allemagne pour les préparer aux difficultés particulières auxquelles ils seront confrontés durant leur mission. Des incidents survenus dans une unité de formation de base à Coesfeld, lors desquels des soldats auraient été soumis à des traitements dégradants durant leur formation, en particulier lors de simulation de prise d’otages et d’interrogatoires, ont éveillé l’intérêt de l’opinion publique.

i)Les faits

90.Une fois par trimestre, l’unité de formation de base d’un bataillon de la Bundeswehr stationné à Coesfeld dispensait une instruction générale de base aux membres du bataillon lui-même et à ceux d’autres unités. Aux deuxième et troisième trimestres de 2004, 30 instructeurs ont en quatre occasions «pris en embuscade» des recrues durant des marches de combat, leur ont lié les mains derrière le dos au moyen de câbles, leur ont bandé les yeux et les ont emmenés en un autre lieu dans des véhicules. Ils les ont alors «interrogés comme des otages». Certains ont été physiquement maltraités. Certaines recrues ont, par exemple, été soumises à des électrochocs au moyen de téléphones de campagne. D’autres ont été victimes de coupures et d’ecchymoses durant le transport. Ces recrues étaient censées pouvoir mettre fin à l’exercice à tout moment en prononçant un mot de passe, même si seuls quelques-uns l’ont fait.

91.Les exercices «prise d’otages» et «comment se comporter en captivité en tant qu’otage» ne faisaient pas et ne font pas partie de la formation générale de base. Ils ne font pas non plus l’objet d’instructions ni d’autres ordres écrits concernant la formation des soldats au sein de l’unité. Ils auraient uniquement dû se dérouler dans le cadre d’une formation supplémentaire liée à une mission. Ce n’est que dans un tel cadre que les spécialistes voulus, par exemple des psychologues militaires ou du personnel médical, sont présents. L’état-major l’a expressément indiqué dans des instructions du 26 février 2004 et du 12 avril 2004.

92.Les incidents survenus à Coesfeld ont été révélés parce que l’une des recrues concernées a ultérieurement été affectée comme aide de camp d’un conseiller juridique de l’ex-Commandement de l’appui aux troupes d’active et a demandé à son supérieur si ce type de formation était légal. Le conseiller juridique a immédiatement ouvert une enquête disciplinaire. Une fois les soupçons initiaux corroborés, le Ministère fédéral de la défense en a été informé le 22 octobre 2004 et le Président de la Commission de la défense du Parlement fédéral le 12 novembre 2004. La Commission de la défense a alors ouvert une enquête sur les incidents de Coesfeld le 24 novembre 2004.

ii)Conséquences pénales et disciplinaires

93.Le 1er juin 2005, le Bureau du Procureur de Münster a inculpé un officier et 17 sous-officiers, notamment pour mauvais traitements à subordonnés.

94.Après que le tribunal régional de Münster eut reçu les accusations pour les personnes accusées à titre individuel, la Haute Cour régionale de Hamm a engagé l’instance principale contre tous les accusés après que le Bureau du Procureur eut dressé un réquisitoire. En 2007, des jugements ont été rendus contre 5 des 18 accusés, à savoir une peine d’emprisonnement, deux amendes et deux relaxes. Dans quatre cas, le Bureau du Procureur de Münster a formé un pourvoi, dans trois cas les accusés ont fait de même. Deux affaires ont pris fin en 2007 après le prononcé de peines d’amendes. Une instance a été suspendue parce que l’accusé est tombé malade. Sur les 10 accusés restants, cinq ont été condamnés à des peines d’emprisonnement par le tribunal régional de Münster le 12 mars 2008, notamment pour mauvais traitements et traitements dégradants infligés à des subordonnés (art. 30 et 31 du Code pénal militaire), dont quatre à des peines d’emprisonnement supérieures à un an et un à une peine d’emprisonnement de dix mois. Les peines d’emprisonnement ont été assorties du sursis avec mise à l’épreuve. Un accusé a été condamné à payer une amende de 7 500 euros; quatre des accusés ont été relaxés. Le Bureau du Procureur de Münster a introduit un pourvoi contre trois des jugements de relaxe.

95.Sur les pourvois introduits par le Bureau du Procureur de Münster, la Cour de justice fédérale a cassé les jugements de la cour régionale de Münster les 27 août et 26 novembre 2007 en ce qui concerne quatre accusés et a, par arrêt du 14 janvier 2009, renvoyé les affaires à une autre chambre de la cour régionale compétente en matière pénale pour un nouveau procès. Dans chaque cas, les faits établis concernant l’incident ont été confirmés. D’autre part, la Cour de justice fédérale a rejeté les pourvois en cassation des accusés comme étant sans fondement; la condamnation pour coups et blessures associés à des mauvais traitements (art. 30 1) du Code pénal militaire) et à un traitement dégradant (art. 31 1) du Code pénal militaire) à une peine d’emprisonnement d’un an et six mois prononcée contre un accusé est ainsi définitive. Les pourvois introduits contre l’arrêt du 12 mars 2008 sont toujours en instance.

96.Une procédure disciplinaire a immédiatement été engagée par la hiérarchie. Dans le même temps, les soldats concernés ont été suspendus en application de l’article 22 de la loi sur le statut juridique du personnel militaire. Dans quatre des cas où une procédure disciplinaire judiciaire a été engagée, les intéressés ont été temporairement suspendus, pour certains avec une retenue sur leur solde en application de l’article 126 du Code de discipline militaire. Une fois que les jugements dans les instances pénales en cours seront devenus définitifs, la procédure disciplinaire reprendra. À ce jour, deux soldats qui effectuaient leurs premières quatre années de service ont été révoqués sans préavis en application de la loi sur le statut juridique du personnel militaire. Deux soldats dont les condamnations à une peine d’un an d’emprisonnement étaient devenues définitives ont perdu leur statut de soldat par détermination de la loi. Un autre l’a de même perdu parce que sa condamnation à plus d’un an d’emprisonnement était devenue définitive. Le cas des trois derniers soldats dont le procès pénal a été abandonné ou s’est conclu par un jugement devenu définitif fait déjà l’objet d’une évaluation disciplinaire.

iii)Autres mesures

97.Par une lettre datée du 26 novembre 2004, le chef d’état-major de l’armée s’est déclaré préoccupé par les actes de harcèlements et la méconnaissance des dispositions applicables lors de la formation. Il a souligné qu’en aucun cas il ne tolérerait d’atteintes aux valeurs consacrées dans la Loi fondamentale ou aux principes de base du commandement interne (innere Führung).

98.La Commission de la défense du Parlement fédéral a été tenue informée régulièrement du déroulement des enquêtes et des mesures prévues ou mises en œuvre. Le Gouvernement fédéral a suivi de près l’affaire de Coesfeld, même si aucun autre enseignement n’a pu en être tiré.

b)Formation des militaires d’active

99.Dans l’intervalle, la participation à des cours de formation au Centre de formation au commandement et d’éducation civique a été rendue obligatoire pour les commandants et officiers supérieurs, commandants de bataillon, sergents majors et officiers de rang comparable, tout comme la participation au cours de formation intitulé «Formation au commandement en vue d’un déploiement à l’étranger» a été rendue obligatoire pour tous les officiers commandant des contingents opérationnels, des sous-officiers aux officiers supérieurs.

100.Le concept adopté en mai 2005 par le chef d’état-major de l’armée et intitulé «Formation préalable au déploiement pour la prévention des conflits et le règlement des crises» contient lui aussi une référence expresse au fait que les droits fondamentaux, la dignité humaine, l’inviolabilité et la liberté de l’individu et les principes du commandement interne doivent toujours être respectés durant la formation préalable au déploiement, et que la formation pratique au «Comportement en situation de prise d’otages/Comportement en captivité en tant qu’otage» ne peut être dispensée que dans des centres de formation spécifiques. Ce concept a également été rapidement mis en œuvre par les chefs d’état-major chargés du contrôle hiérarchique ou de l’organisation des unités militaires; c’est ainsi que le chef d’état-major de l’armée de terre a remanié les instructions concernant le «Comportement en situation de prise d’otages/Comportement en captivité en tant qu’otage» et que le chef d’état-major du service médical des armées a promulgué des instructions sur la mise en œuvre de la «Formation préalable au déploiement pour la prévention des conflits et le règlement des crises» au Service médical interarmées de la Bundeswehr.

101.De plus, les soldats qui doivent être déployés à l’étranger suivent durant leur formation un enseignement sur les règlements internationaux et nationaux applicables et reçoivent des instructions sur le placement en détention et le traitement des détenus. Les conditions concrètes qui doivent être remplies préalablement au déploiement sont ainsi fondées sur les principes du droit international et du droit constitutionnel, auxquels leur forme finale a été donnée dans les règles de déploiement et le manuel intitulé «Règles concernant l’emploi de la force militaire».

102.Outre les instructions et règlements susvisés en ce qui concerne les missions, le document explicatif relatif aux obligations des membres de la Bundeswehr en matière de placement en détention en dehors des conflits armés, que le Ministère fédéral de la défense devrait mettre en vigueur sous peu, décrit les principes fondamentaux − y compris les fondements juridiques et les normes minimales en ce qui concerne la procédure de placement en détention ainsi que le traitement qui doit être accordé aux personnes placées en garde à vue ou en détention durant les missions de la Bundeswehr en dehors des conflits armés. Les règles juridiques visant à prévenir les traitements arbitraires et inhumains sont ainsi naturellement appliquées par les membres des forces armées. Le document explicatif tient dûment compte de l’objectif fondamental de la Convention contre la torture et peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

2.Police

a)L’affaire O. J.

i)État actuel de la procédure

103.À la suite d’un incendie survenu le 7 janvier 2005 dans les cellules de ce qui était alors le poste de police de Dessau lors duquel O. J., demandeur d’asile sierra-léonais, a perdu la vie, le procureur a achevé ses investigations le 6 mai 2005 en mettant en accusation deux policiers qui étaient en service à l’époque. S. a été accusé d’avoir causé la mort d’un blessé sous la qualification d’atteinte à l’intégrité physique par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions (art. 227, par. 1; 224, par. 1, no 5; 340, par. 3 du Code pénal). M. a été accusé d’avoir causé la mort par négligence et omission en application des articles 222 et 13 du Code pénal.

104.Les investigations du tribunal régional ont permis d’établir que O. J., totalement ivre, harcelait les passants et a été arrêté par une patrouille de police à Dessau non sans opposer une résistance. Après que son identité eut été établie au poste de police et qu’il eut été examiné par un médecin, il a été placé de force dans une cellule de détention. Un incendie a éclaté dans la cellule, et a causé la mort de O. J. Les policiers de service ont été accusés de ne pas avoir réagi assez rapidement lorsque le système d’alarme anti-incendie s’est déclenché.

105.Lors de la procédure interlocutoire, le tribunal régional a ordonné un complément d’enquête avant de décider s’il y avait lieu ou non d’engager l’instance pénale principale. Après que le tribunal régional eut refusé d’engager une instance pénale contre l’accusé M. à l’automne 2006 et que cette décision ait été infirmée par la Haute Cour régionale de Naumburg sur l’appel interjeté immédiatement par le parquet, le procès a commencé en mars 2007. Le jugement a été rendu le 8 décembre 2008, au bout de cinquante-neuf jours d’audience. La sixième chambre criminelle du tribunal régional de Dessau-Roßlau − siégeant en formation de jugement − a acquitté l’accusé S. contrairement aux réquisitions du ministère public et aux conclusions des parties civiles et l’accusé M. conformément aux réquisitions du ministère public et aux conclusions des parties civiles.

106.Le parquet avait pour sa part requis la condamnation de l’accusé S. pour avoir causé le décès de la victime par négligence et omission − contrairement aux dispositions de l’acte d’accusation. Le parquet a estimé qu’il existait des preuves établissant que S. avait omis de veiller à ce que le détenu, M. J., soit secouru en temps voulu, alors qu’il en avait les moyens et la possibilité. L’accusation d’atteinte à l’intégrité physique ayant abouti au décès de la victime n’a pu être retenue au procès faute de preuve établissant l’intention criminelle.

107.D’autre part, la partie civile a estimé que l’accusation d’atteinte à l’intégrité physique ayant entraîné la mort par dépositaire de l’autorité publique avait été prouvée et a donc demandé la condamnation. L’accusé M. a été acquitté parce qu’il n’a pu être établi qu’il n’avait pas remarqué qu’un briquet se trouvait dans une poche du pantalon de M. J. lorsqu’il l’avait fouillé avant de le placer en cellule de détention. Le procureur et les parties civiles ont introduit un pourvoi en cassation contre l’acquittement de l’accusé S. dans le délai prescrit. L’acquittement de l’accusé M. est définitif.

ii)Déroulement de la procédure

108.Le tribunal avait initialement prévu six jours d’audience dans cette affaire qui pour diverses raisons en a finalement occupé cinquante-neuf. Il a par exemple été nécessaire, outre les investigations menées par un expert en incendies nommé aux fins de l’enquête préliminaire et de la procédure interlocutoire, de procéder à de nouvelles expériences en la matière, et à cette fin de reproduire la cellule de détention du poste de police de Dessau à l’Institut de protection contre les incendies de Saxe-Anhalt.

109.Les dépositions de divers témoins importants, en particulier des policiers, différaient des déclarations faites durant l’enquête préliminaire, ce qui signifiait − du point de vue des diverses parties au procès − qu’outre les témoins susvisés il a fallu entendre un grand nombre de policiers qui étaient en service au poste de police de Dessau le 7 janvier 2005 pour savoir ce qu’ils avaient vu et ce qu’ils savaient de l’incendie.

110.Les déclarations faites par certains policiers sont actuellement examinées par le parquet pour savoir s’ils n’auraient pas fait de fausses déclarations alors qu’ils n’étaient pas sous serment. Outre les nombreux représentants des médias du monde entier, le procès a été essentiellement suivi par des citoyens d’origine africaine et des visiteurs de pays africains, ainsi que par des observateurs d’organisations internationales comme Amnesty International. En outre, des membres de la famille du défunt étaient venus d’Afrique pour assister à l’ouverture et à la clôture du procès.

iii)Réactions de l’administration compétente du Land

111.Cette affaire a amené le Land de Saxe-Anhalt à adopter une réglementation additionnelle en ce qui concerne la garde à vue. De plus, lors d’une réunion tenue le 23 février 2005, les chefs de la police de Saxe-Anhalt ont reçu pour instructions d’appliquer cette réglementation dans le cadre des gardes à vue; cette réglementation complète le Règlement de police sur la garde à vue en vigueur depuis 1995. Elle stipule en particulier que la personne détenue doit être fouillée à corps par deux policiers, et que ceux-ci doivent pénétrer dans la cellule pour effectuer cette fouille. De plus, lorsqu’un médecin est appelé pour examiner si la personne concernée peut supporter la détention, l’examen médical doit être exhaustivement documenté.

112.Un groupe de travail créé par une ordonnance du 14 février 2005 a examiné l’état physique et l’équipement technique des cellules utilisées par la police pour les gardes à vue. Il s’est aussi penché sur les questions suivantes et a remis son rapport le 14 septembre 2005:

Dispositions juridiques relatives à la garde à vue;

Réglementations structurelles et administratives régissant la garde à vue dans les divers services et bureaux;

Nécessité de procéder à des améliorations.

113.Par ordonnance du 28 février 2006 (publiée au Journal officiel de Saxe-Anhalt, p. 137 et 219), le Règlement de police relatif à la garde à vue qui était applicable depuis 1995 a été amendé pour tenir compte des propositions présentées par le Groupe de travail. Le Règlement de police relatif à la garde à vue tel qu’amendé contient un résumé de la réglementation additionnelle adoptée à la suite de l’affaire sous la forme d’une disposition administrative, énonce une réglementation détaillée sur les mesures que doivent prendre les fonctionnaires de police lorsqu’ils placent en garde à vue des personnes ayant des problèmes de santé et indique le formulaire à utiliser pour établir si une personne est apte à supporter la garde à vue.

114.La procédure disciplinaire engagée contre les policiers acquittés demeure suspendue en application de l’article 22 de la loi disciplinaire de Saxe-Anhalt. Elle reprendra une fois que les instances pénales auront pris fin par un jugement définitif; ces instances ne sont pas encore achevées parce que le procureur s’est pourvu en cassation.

b)L’affaire Ö.

115.Durant la nuit du 16 février 2008, la police de Hagen a été appelée en raison d’un incident qui se produisait au centre de la ville. Deux policiers y ont trouvé A. Ö., un homme de 26 ans, qui semblait désorienté et qui, malgré le froid, n’était pas complètement vêtu. Questionné, il a déclaré qu’il sentait qu’il était suivi par un «homme en noir». Sur le chemin du poste de police, Ö. s’est comporté bizarrement. Par exemple, il a vainement tenté d’ouvrir la porte du véhicule de police alors que celui-ci roulait. Lorsque les policiers sont arrivés au poste de police avec M. Ö., le responsable a appelé une ambulance en raison de l’état mental de M. Ö. Avant l’arrivée de l’ambulance, l’intéressé a soudain sauté sur un bureau et menacé ceux qui étaient présents. Lorsque l’ambulance est arrivée, plusieurs policiers ont essayé de calmer M. Ö. Ils ont finalement fini par le plaquer au sol parce qu’il se débattait furieusement. Les ambulanciers sont allés chercher une civière. M. Ö. y a été déposé sur le ventre. Il a continué à se débattre, et il a donc fallu l’attacher à la civière. Finalement, comme il ne se calmait pas, un ambulancier a appelé un médecin d’urgence. Il a continué à se débattre alors même que l’on entendait la sirène de la voiture du médecin. Peu après que celui-ci fut arrivé au poste de police, M. Ö. s’est soudainement calmé. Il a fallu une ou deux minutes pour enlever les sangles utilisées pour le maintenir sur la civière. Le médecin a constaté une défaillance de ses fonctions vitales et pendant vingt minutes a tenté de le réanimer; finalement, malgré son état critique, M. Ö. a tout de même pu être transporté à l’hôpital général de Hagen. À son arrivée, les médecins ont diagnostiqué un œdème cérébral massif, avec risque de hernie, et, après examen, ont constaté une polytoxicomanie et des réactions positives attestant la présence de cocaïne. Bien qu’ayant été placé en réanimation, M. Ö. est décédé le 5 mars 2008 à l’hôpital général de Hagen.

116.Le parquet de Hagen a engagé des poursuites pour atteinte à l’intégrité physique par dépositaire de l’autorité publique contre, notamment, 11 policiers. L’enquête policière a été transférée au siège de la police de Dortmund pour garantir l’impartialité des enquêteurs. Le parquet a mis fin aux poursuites par ordonnance du 20 juin 2008 en application de l’article 170, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, l’autopsie ayant montré que le décès était manifestement dû à une hémorragie cérébrale causée par la drogue et ayant exclu toute blessure à la tête ou que le décès soit dû au fait que l’intéressé avait fait l’objet d’une contrainte physique.

117.Les 24 et 25 juin 2008 et le 9 juillet 2008, des avocats représentant la famille Ö. ont relevé appel du non-lieu. Par notifications du 16 octobre 2008, le parquet général de Hamm a rejeté cet appel comme étant sans fondement. Par décision du 22 janvier 2009, la Haute Cour régionale a rejeté une requête lui demandant de statuer comme étant irrecevable.

118.Après qu’il a été mis fin à l’instance pénale, le quartier général de la police de Hagen, en tant qu’autorité hiérarchique, a évalué le dossier d’enquête du parquet de Hagen dans le cadre d’une appréciation disciplinaire du comportement des policiers concernés. À l’issue de cette appréciation, il a été conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’indices factuels pour imputer aux policiers concernés une faute dans l’exercice de fonctions officielles au sens de l’article 47, paragraphe 1, de la loi sur le statut des fonctionnaires qui aurait pu justifier des mesures disciplinaires.

119.Les Ministres de l’intérieur et de la justice du Land ont, les 2 avril, 11 juin et 20 août 2008, rendu compte de l’incident à la Commission des affaires juridiques et, le 10 avril 2008, à la Commission des affaires intérieures du Parlement du Landde Rhénanie-du-Nord-Westphalie.

c)Statistiques judiciaires (mise en cause de policiers)

120.Les statistiques criminelles publiées par l’Office fédéral de police criminelle au niveau fédéral rendent compte des infractions criminelles dont la police a eu connaissance, y compris les tentatives passibles d’une peine. Ces statistiques ne comprennent pas les contraventions, les atteintes à la sécurité de l’État ni les infractions au Code de la route. Chaque parquet tient ses propres statistiques quant aux poursuites engagées, qui sont publiées annuellement par l’Office fédéral de statistiques, ventilées pour la Fédération et pour chacun des Länder. Elles contiennent des données concernant les affaires dont ont connu les parquets et sont classées selon divers critères, par exemple la forme de l’engagement des poursuites, la manière dont celles-ci se sont terminées et la durée de la procédure. Les modalités de l’achèvement de celles-ci sont évaluées d’une part du point de vue judiciaire et de l’autre du point de vue de chaque accusé. Des statistiques de l’activité des juridictions pénales sont tenues par chaque tribunal et publiées actuellement par l’Office fédéral de statistiques, pour la Fédération et pour chacun des Länder. Elles contiennent des données sur le nombre et l’état des instances pénales et de police. Les statistiques relatives aux poursuites pénales publiées par l’Office fédéral de statistiques contiennent des données sur tous les accusés contre lesquels une ordonnance définitive a été rendue dans le cadre d’une procédure accélérée, contre lesquels un jugement définitif a été rendu dans le cadre d’une instance pénale ou qui ont bénéficié d’un non-lieu après l’ouverture de l’instance. Ces statistiques ne comprennent pas les contraventions, les décisions prises avant l’ouverture du procès ou après que le jugement est devenu définitif. Les données relatives aux poursuites pénales sont réunies par les bureaux de statistiques des Länder et la synthèse en est faite à l’échelle fédérale par l’Office fédéral de statistiques.

121.En 2004, la rubrique suivante a été ajoutée à la classification des statistiques des ministères publics et des juridictions pénales: «procédures intentées contre des auxiliaires de justice, des magistrats, des notaires ou autres officiers ministériels et des avocats à raison d’infractions pénales liées à l’exercice de leur profession (à l’exclusion des infractions concernant la corruption)»; les statistiques correspondantes sont maintenant recueillies.

122.Dans le cadre des efforts accomplis pour réunir des statistiques concernant les allégations de mauvais traitements aux mains de dépositaires de l’autorité publique, une première mesure a été prise en 2006 en matière de statistiques criminelles, de telle manière que la définition de l’atteinte à l’intégrité physique par dépositaire de l’autorité publique (art. 340 du Code pénal) doit maintenant viser le lieu où l’infraction a été commise, par exemple «locaux officiels/de police» ou «locaux officiels/pénitentiaires», ce qui permet au moins de tirer des conclusions en ce qui concerne les infractions que peuvent commettre les policiers et le personnel de l’administration pénitentiaire.

123.Pour améliorer encore les données disponibles, le Comité des statistiques judiciaires des Länder est convenu en avril 2008 de modifier l’ordonnance relative à la collecte de statistiques par les ministères publics et les procureurs près les tribunaux locaux (statistiques des ministères publics).

124.En conséquence, à compter du 1er janvier 2009, les actes suivants commis par des fonctionnaires de police dans l’exercice de leurs fonctions font l’objet de statistiques distinctes:

Homicides volontaires;

Violences et négligence;

Contrainte et abus de l’autorité publique.

125.Cette modification devrait amener une amélioration considérable dans l’établissement des statistiques relatives aux infractions pénales commises par des fonctionnaires de police et ainsi accroître la transparence conformément à l’état de droit.

d)Formation en cours d’emploi

126.La question de l’interdiction de la torture fait l’objet de séminaires en préparation d’une affectation à l’étranger et à l’issue de celles-ci, ou est étudiée à l’occasion d’activités de formation dans le domaine des compétences interculturelles dans le cadre du sujet «Droits de l’homme» ou «Droit international». Les cours de formation permanente enseignent aux policiers comment ils doivent se comporter et l’attitude qu’ils doivent avoir pour assumer comme il convient leur rôle et leurs responsabilités de policiers dans un État libre et démocratique régi par l’état de droit.

3.Appareil judiciaire

a)Protection contre les agressions de codétenus

127.Il y a eu dans les prisons allemandes des cas isolés d’agressions de détenus par des codétenus. Un incident en particulier, survenu en novembre 2006 et lors duquel un détenu a été tué par ses codétenus, a donné lieu à un débat sur la sécurité dans les prisons. Le système pénitentiaire relève de la compétence des Länder, qui ont depuis pris de nouvelles mesures pour prévenir de tels incidents. À titre d’exemple, on trouvera ci-après des détails sur le rôle particulièrement actif que joue le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie dans la mise en œuvre de mesures propres à prévenir les violences entre détenus.

128.Le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a récemment investi quelque 500 millions d’euros dans la construction de nouvelles places de prison et d’ateliers supplémentaires. Ces mesures doivent remédier à la surpopulation carcérale et donner aux détenus de nouvelles possibilités de travailler et de recevoir une formation.

129.Le nombre de fonctionnaires de l’administration pénitentiaire a été considérablement accru, la priorité étant donnée aux établissements pour mineurs. Au total, plus de 500 nouveaux emplois ont été créés.

130.Les prisons pour mineurs emploient des éducateurs qualifiés. Leurs tâches sont en particulier les suivantes:

Organiser et assister des groupes de loisirs;

Offrir des cours, notamment de rattrapage, à l’appui du programme éducatif;

Apporter un appui individuel aux jeunes détenus connaissant des problèmes de comportement;

Organiser des activités récréatives adéquates à l’intention des jeunes détenus libérés dans le cadre des mesures de suivi;

Organiser des activités de loisirs à visée pédagogique plus large, en particulier durant les week-ends.

131.L’éventail des cours offerts aux membres du personnel des établissements pour mineurs s’est élargi, en particulier en ce qui concerne la prévention de la violence.

132.Les mesures suivantes se sont révélées particulièrement efficaces s’agissant de prévenir la violence entre les détenus:

La suppression des dortoirs;

Un test de compatibilité avant de placer les détenus dans une cellule commune;

Davantage de visites impromptues dans les cellules comportant plusieurs détenus, en particulier le week-end;

Fourniture à l’organe de supervision d’informations sur tous les cas de violence, quelle que soit leur gravité.

133.Afin de donner effet au principe de l’encellulement individuel (art. 25, par. 1, de la loi sur les prisons pour mineurs de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, entrée en vigueur le 1er juillet 2008), seuls des mineurs peuvent désormais être accueillis dans des prisons pour mineurs.

134.La loi sur les prisons pour mineurs susvisée contient des dispositions clefs visant à prévenir la violence:

Multiplication des loisirs et activités sportives le week-end et lorsque les détenus ne travaillent pas;

Multiplication des possibilités de visite;

Accroissement du nombre des établissements par groupes résidentiels, compte tenu des besoins particuliers des jeunes détenus en matière d’éducation.

135.Des principes directeurs sur la prévention de la violence ont été élaborés sur la base d’une étude menée au début de 2006 par le Service criminologique de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Leur mise en œuvre est suivie régulièrement afin que ceux qui travaillent pour l’administration pénitentiaire demeurent conscients de ce problème et fassent preuve de davantage de vigilance.

136.Les recommandations du Comité pour la prévention de la violence dans les établissements pénitentiaires de Rhénanie-du-Nord-Westphalie font l’objet d’une évaluation et sont mises en œuvre lorsque cela est possible.

137.Un poste de médiateur indépendant a été créé, et peut s’adresser au médiateur quiconque a jamais été détenu. Les rapports qu’établit le médiateur contiennent souvent des idées précieuses sur l’organisation des prisons, et les mesures préventives propres à éviter la violence entre les détenus.

b)Procédures d’enquête contre des policiers

138.Dans la plupart des Länder, les ministères publics d’une certaine importance comportent un département spécial chargé des enquêtes visant les dépositaires de l’autorité publique, voire spécifiquement les policiers, soupçonnés d’avoir commis une infraction pénale dans l’exercice de leurs fonctions. De plus, la hiérarchie veille à ce que les enquêtes soient menées par des policiers ne relevant pas du même commissariat que ceux qui sont accusés.

139.Il convient de mentionner en particulier une pratique qui est devenue la norme à Hambourg. La police de Hambourg s’est dotée d’un département des enquêtes internes qui comprend plus de 50 fonctionnaires chargés d’enquêter dans les affaires mettant en cause des policiers et de s’attaquer à la corruption. La même règle de roulement s’applique aux membres du ministère public et aux policiers, à savoir qu’ils sont mutés après qu’ils ont passé un certain temps au même poste.

c)Formation en cours d’emploi

140.La formation en cours d’emploi du personnel pénitentiaire relève de la compétence des Länder. Là encore, la Rhénanie-du-Nord-Westphalie est en pointe. Son programme actuel de formation comprend déjà des modules clefs sur la prévention de la violence et le rétablissement de conditions normales. Le nombre d’heures consacrées à ces questions durant l’année que dure la formation de base et spécialisée a de nouveau été augmenté à compter du 1er juillet 2009. L’École de la magistrature propose des cours de formation avancée sur les rapports avec les détenus ayant des problèmes psychologiques et sur la manière de dissiper les tensions.

141.Les établissements de formation du personnel pénitentiaire des autres Länder organisent également des conférences spécialisées à l’intention des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire en général lors desquelles sont abordées des questions d’actualité et la manière de traiter les détenus difficiles (par exemple malades mentaux), ainsi que des cours de formation antiagression.

III.Déclaration concernant les conclusions du Comité

142.Le Gouvernement fédéral a déjà fait des observations sur les recommandations faites par le Comité aux alinéas a, b, e et f du paragraphe 5 dans ses premières observations au Comité contre la torture (CAT/C/CR/32/7/RESP/1), qui devaient être présentées dans un délai d’un an. Les observations qui suivent ne porteront donc que sur les conclusions et recommandations qui n’en ont pas encore fait l’objet. On se reportera également à la réponse complémentaire de la République fédérale d’Allemagne à la lettre de la Rapporteuse du Comité chargé du suivi des observations finales et des recommandations du Comité contre la torture (CAT/C/DEU/CO/3/Add.1).

A.Conclusion figurant à l’alinéa a du paragraphe 4

143.Le Comité se déclare préoccupé par le temps considérable mis pour mener à terme les procédures pénales engagées à la suite d’allégations de mauvais traitements infligés à des personnes placées sous la garde de représentants de la force publique, notamment dans les cas particulièrement graves où la victime a perdu la vie, comme celui d’Amir Ageeb, décédé en mai 1999.

144.Les cas de mauvais traitements infligés à des personnes en garde à vue dans les locaux de la police ne font pas actuellement l’objet de statistiques distinctes. Les statistiques pertinentes élaborées par l’administration de la justice, qui sont publiées par l’Office fédéral de statistiques, ne font pas la différence entre les auteurs des infractions ni les lieux où celles-ci ont été commises. Il sera possible à compter de 2009 de disposer de détails sur les infractions pénales commises par des policiers, mais il n’est pas encore possible de consigner séparément les infractions pénales commises par le personnel judiciaire. Aucune observation ne peut donc être faite quant à la durée des procédures dans de tels cas. En pratique toutefois, rien n’indique que les procédures soient habituellement trop longues, et on peut donc supposer que leur durée est égale à la durée combinée de l’instruction et de l’instance pénale.

145.Dans l’affaire Ageeb, l’action disciplinaire a été engagée immédiatement après que la possibilité d’une infraction commise dans l’exercice de fonctions officielles se soit fait jour et elle a été suspendue pendant toute la durée de l’instance pénale. Toutefois, une fois les attendus du jugement reçus et examinés, la procédure disciplinaire a été rapidement menée à terme. Les documents relatifs à cette procédure ont depuis été détruits en application de la loi.

B.Conclusion figurant à l’alinéa b du paragraphe 4

146.Le Comité se déclare préoccupé par certaines allégations selon lesquelles des accusations pénales ont été portées, à des fins punitives et dissuasives, par des représentants de la force publique contre des personnes qui avaient formulé des allégations de mauvais traitements aux mains de la police.

147.Il est exact que lorsque des accusations pénales sont portées contre des policiers ceux-ci portent également des accusations pénales contre la personne qui les accuse, mais ils ne le font pas à des fins punitives ou de dissuasion. Il faut distinguer entre la notification des faits de la cause au ministère public et, par ailleurs, les accusations pénales portées par des policiers ou leurs supérieurs.

148.En application de l’article 163 du Code de procédure pénale, les autorités et fonctionnaires des services de police ont l’obligation d’enquêter sur les infractions et d’informer le ministère public du résultat de leurs investigations; le ministère public décide alors de la procédure à suivre et il doit procéder à une appréciation juridique des faits. Ceci résulte du principe de l’obligation de poursuivre consacré à l’article 152, paragraphe 2, du Code de procédure pénale, qui oblige les ministères publics à engager des poursuites en cas d’infraction pénale sauf si la loi en dispose autrement. En principe, les policiers sont donc tenus d’enquêter sur les incidents lors desquels quiconque oppose une résistance aux mesures qu’ils prennent ou les agresse, et d’informer le ministère public en conséquence, le comportement en question pouvant notamment constituer l’infraction de résistance à une personne dépositaire de l’autorité publique au sens de l’article 113 du Code pénal. Si les autorités ou fonctionnaires de police ne signalent pas l’incident au ministère public, ils risquent d’être sanctionnés pour obstruction aux poursuites pénales dans l’exercice de leurs fonctions.

149.Il faut toutefois distinguer les cas dans lesquels les policiers en cause sont eux-mêmes victimes ou lorsque leurs supérieurs déposent une plainte au pénal parce qu’ils ont été victimes, dans l’exercice de leurs fonctions, d’une infraction pénale qui va au-delà de la résistance à agent de la force publique. Il peut s’agir notamment d’atteinte à l’intégrité corporelle, intentionnelle ou par négligence (art. 223 et 229 du Code pénal) ou d’injures (art. 185 du Code pénal). Il s’agit là d’infractions pénales dont les auteurs ne sont poursuivis que sur plainte de la victime (Antragsdelikte). Les injures ne font l’objet de poursuites que si la partie lésée dépose une plainte au pénal (art. 194 du Code pénal). Aux termes de l’article 230, paragraphe 1, du Code pénal, une atteinte à l’intégrité corporelle intentionnelle ou par négligence ne peut également faire l’objet de poursuites que si la victime porte plainte, sauf si les autorités de police compétentes considèrent d’office que l’engagement de poursuites pénales est dans l’intérêt général. Aux termes de l’article 194, paragraphe 3 et de l’article 230, paragraphe 3, du Code pénal, en cas d’injures ou d’atteinte à l’intégrité physique, la plainte peut aussi être déposée par le supérieur hiérarchique si l’infraction a été commise contre un dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions. Ainsi, en cas de plainte, le ministère public est tenu d’évaluer les faits pour déterminer s’il y a eu atteinte à l’intégrité corporelle ou injures au détriment du policier également et, s’il ne donne pas suite aux allégations et met fin aux poursuites, d’informer l’intéressé des motifs de sa décision contre laquelle ce dernier peut exercer un recours. Parfois, néanmoins, les policiers se contentent de notifier l’infraction sans déposer plainte pour atteinte à l’intégrité corporelle ou injures s’ils jugent qu’il n’y a pas lieu de le faire étant donné que de tels incidents sont pour le quotidien et qu’étant la partie lésée ils ne souhaitent pas que des poursuites soient engagées. D’autre part, ils peuvent décider, comme ils en ont le droit − comme toute personne lésée par une infraction − de déposer plainte ultérieurement s’ils sont eux-mêmes accusés de mauvais traitements ou font l’objet de plaintes et souhaitent de ce fait que l’infraction qui a été commise contre eux fasse aussi l’objet de poursuites.

150.Si, lorsque des policiers ou leurs supérieurs déposent plainte au pénal pour résistance opposée à des policiers, ce n’est pas pour punir les personnes alléguant qu’elles ont été maltraitées par lesdits policiers ni pour les dissuader. Les autorités et fonctionnaires de police sont de toute façon tenus d’informer les ministères publics de tous les faits relevant de l’affaire. Le dépôt d’une plainte au pénal atteste seulement que le policier concerné souhaite que les infractions commises contre lui, par exemple une atteinte à son intégrité corporelle ou des injures, fassent l’objet de poursuites comme celles commises contre quiconque.

C.Conclusion figurant à l’alinéa c du paragraphe 4

151.Le Comité se déclare préoccupé par le fait que, dans de nombreux domaines visés par la Convention, l’État partie n’ait pas été en mesure de fournir des statistiques ou de ventiler comme il convient celles dont il disposait, comme cela a été le cas au cours des échanges avec l’État partie en ce qui concerne par exemple l’engagement de poursuites, les cas présumés de fausses allégations de mauvais traitements, les cas de contre-accusations portées par les autorités de police, les données concernant les auteurs d’infractions et les victimes et les détails factuels des accusations de mauvais traitements.

152.Les statistiques de police criminelle publiées par l’Office fédéral de police criminelle portent sur les infractions traitées par la police, y compris les tentatives punissables. Elles ne concernent pas les contraventions, les atteintes à la sécurité de l’État ni les infractions au Code de la route. Les paramètres appliqués sont «affaires», «suspects» et, pour certaines infractions, «victimes». Les statistiques de police criminelle ne font actuellement pas de distinction entre les groupes d’auteurs d’infractions (par exemple des policiers ou des enseignants dans le cas d’atteinte à l’intégrité corporelle par dépositaire de l’autorité publique au sens de l’article 340 du Code pénal).

153.Néanmoins, du fait de l’application des nouveaux principes régissant les statistiques de police criminelle, celles-ci seront bientôt plus détaillées car elles comporteront des données individuelles (alors qu’actuellement les tableaux sont consolidés par Land). Les informations seront pour l’essentiel les mêmes, mais elles comporteront néanmoins un code des infractions pénales à six chiffres au lieu du code actuel à quatre chiffres. Cette modification prendra effet le 1er janvier 2009 au plus tard.

154.La seconde mesure consistera à instaurer de nouvelles catégories exhaustives dans les statistiques de police criminelle, y compris sur les caractéristiques de l’infraction intéressantes en l’occurrence (atteinte à l’intégrité corporelle par dépositaire de l’autorité publique, éventuellement associée au lieu de la commission de l’infraction − «autorité de police»).

D.Recommandations figurant aux alinéas c et g du paragraphe 5

1.Recommandation figurant à l’alinéa c du paragraphe 5

155.Le Comité recommande que l’État partie prenne des mesures vis-à-vis des Länder pour faire en sorte qu’ils adoptent et appliquent toutes les dispositions qui ont contribué au niveau fédéral à améliorer le respect de la Convention, telles que les règles fédérales sur le renvoi forcé par la voie aérienne.

156.Le Gouvernement fédéral a communiqué cette recommandation aux Länder en leur demandant de la commenter. Il a reçu des réponses de tous les Länder. Ceux-ci lui ont indiqué qu’ils avaient reçu les «Règles sur l’expulsion des étrangers par voie aérienne». Les Länder procèdent au renvoi des étrangers par la contrainte exclusivement en coopération avec la Police fédérale, de telle manière que l’application et le respect des règles susmentionnées sont garantis. C’est pourquoi ils n’ont pas adopté eux-mêmes de dispositions disciplinaires.

157.L’applicabilité et le contenu des règles susmentionnées sont régulièrement examinés dans le cadre du Groupe de travail sur les renvois forcés, une instance créée par les Länder à laquelle la Fédération est également associée et qui relève de la Conférence permanente des ministres de l’intérieur des Länder.

2.Recommandation figurant à l’alinéa g du paragraphe 5

158.Le Comité recommande que l’État partie assure systématiquement des examens médicaux à la fois avant chaque renvoi par voie aérienne et, le cas échéant, après l’échec d’un tel renvoi.

159.Pour le Gouvernement fédéral, la réglementation figurant actuellement dans les instructions internes de la Police fédérale sur le renvoi des étrangers par voie aérienne répond largement aux vœux du Comité. Selon cette réglementation, les autorités du Land procède à un nouvel examen médical avant de remettre la personne renvoyée à la Police fédérale afin de déterminer si elle est apte à voyager par voie aérienne à chaque fois qu’il existe des indices donnant à penser qu’elle a des problèmes de santé ou qu’il existe des risques susceptibles de compromettre le renvoi par voie aérienne.

160.Il n’est actuellement pas nécessaire de procéder à un examen médical avant chaque renvoi par voie aérienne dans le cas où les personnes renvoyées ne sont pas accompagnées, ce qui constitue l’immense majorité des cas.

161.Le renvoi peut échouer pour diverses raisons. Par exemple, les autorités du pays d’origine peuvent refuser à leur propre national l’entrée du territoire. C’est pour cette raison que l’on juge qu’il n’est pas nécessaire de procéder à un examen médical lorsqu’une tentative de renvoi d’un étranger a échoué.

162.La pratique actuelle, qui consiste à procéder à un examen médical si la personne devant être renvoyée a l’air d’être malade ou de souffrir, ou affirme être malade ou souffrir, ou si pour d’autres raisons un traitement médical est nécessaire, semble donc appropriée puisque en dernière analyse un médecin intervient dans tous les cas où l’intéressé semble avoir des problèmes de santé.

E.Recommandation figurant à l’alinéa d du paragraphe 5

163.Le Comité recommande que l’État partie regroupe toutes ses dispositions pénales relatives à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

164.Le Gouvernement fédéral est conscient qu’un tel regroupement pourrait accroître la visibilité et l’importance particulière de la prohibition de la torture et présenter des avantages du point de vue de l’établissement des statistiques criminelles. Toutefois, le droit pénal allemand s’est développé au cours de nombreuses décennies. Regrouper les dispositions pénales relatives à la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en affecterait considérablement la structure, affectant par là même de nombreuses définitions d’infractions dans de nombreux domaines, y compris hors du champ d’application du Code pénal. De plus, l’objectif du Parlement allemand est de créer un vaste corpus autonome de règles de droit pénal international qui reflètent le développement du droit international humanitaire et du droit pénal international. Le Gouvernement fédéral ne voit pas actuellement la possibilité d’une réforme globale mais il tiendra compte des recommandations du Comité dans le cadre des délibérations futures.

F.Recommandation figurant à l’alinéa h du paragraphe 5

165.Le Comité recommande que l’État partie songe plus sérieusement à utiliser les mécanismes d’extradition prévus dans la Convention en ce qui concerne les ressortissants allemands qui sont accusés d’actes de torture commis à l’étranger ou dont des ressortissants allemands auraient été victimes, ou d’être complices dans de tels actes.

166.Cette conclusion du Comité a été transmise aux autorités judiciaires allemandes. Les autorités de police compétentes ont également été informées du fait que dans de tels cas elles doivent tirer activement parti des mécanismes d’extradition. Néanmoins, à l’exception du cas de E. M. exposé au chapitre II, section C, 4 b) ci-dessus, le Gouvernement fédéral n’a connaissance d’aucun cas dans lequel cette recommandation aurait été pertinente.

G.Recommandation figurant à l’alinéa i du paragraphe 5

167.Le Comité recommande que l’État partie fasse tout ce qui est nécessaire pour ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

168.Le Gouvernement fédéral a donné suite à cette recommandation, comme indiqué au chapitre II, section A 1 ci-dessus.