Nations Unies

CAT/C/BGD/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

26 août 2019

Français

Original : anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le rapport initial du Bangladesh *

1.Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial du Bangladesh (CAT/C/BGD/1) à ses 1769e et 1771e séances (CAT/C/SR.1769 et CAT/C/SR.1771), les 30 et 31 juillet 2019, et a adopté les présentes observations finales à ses 1781e et 1782e séances (CAT/C/SR.1781 et CAT/C/SR.1782), le 8 août 2019.

A.Introduction

2.Le Bangladesh a adhéré à la Convention le 5 octobre 1998. Conformément au paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention, il était tenu de soumettre son rapport initial au plus tard le 4 novembre 1999. De 2000 à 2018, le Bangladesh était inscrit sur la liste des États parties dont le rapport est attendu et qui figure dans le rapport que le Comité soumet tous les ans aux États parties et à l’Assemblée générale. Par une lettre datée du 10 décembre 2018, le Comité a rappelé à l’État partie qu’il n’avait toujours pas soumis son rapport initial et qu’il était possible d’examiner la situation dans le pays en l’absence de rapport. Le 16 janvier 2019, l’État partie a fait savoir au Comité qu’il établirait son rapport initial et le lui enverrait. Le 18 janvier 2019, le Président du Comité a indiqué à l’État partie les dates auxquelles son rapport initial serait examiné. Le dialogue du Comité avec la délégation de l’État partie s’est tenu les 30 et 31 juillet 2019 et a été constructif. Le rapport initial de l’État partie a été reçu le 23 juillet 2019.

3.Le Comité regrette que le rapport initial de l’État partie ait été soumis avec vingt ans de retard et n’ait été reçu qu’une semaine avant la date de l’examen. Il se félicite toutefois du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de l’État partie ainsi que des réponses qui lui ont été apportées oralement et par écrit.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme ci-après, ou y a adhéré :

a)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 1998 ;

b)La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, en 1998 ;

c)La Convention de 1962 sur le consentement au mariage, l’âge minimum du mariage et l’enregistrement des mariages, en 1998 ;

d)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en 2000 ;

e)Le Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en 2000 ;

f)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2000 ;

g)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armé, en 2000 ;

h)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2007 ;

i)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapée, en 2008 ;

j)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en 2010 ;

k)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2011.

5.Le Comité accueille également avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour réviser sa législation dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)L’adoption, en 2000, de la loi sur la prévention de la cruauté à l’égard des femmes et des enfants ;

b)L’adoption, en 2000, de la loi sur les services d’aide juridictionnelle ;

c)L’adoption, en 2010, de la loi sur la violence familiale (prévention et protection) ;

d)L’adoption, en 2012, de la loi sur la prévention et la répression de la traite des êtres humains ;

e)L’adoption, en 2013, de la loi sur la prévention de la torture et des décès en détention ;

f)L’adoption, en 2013, de la loi sur les droits des personnes handicapées et leur protection ;

g)Les modifications apportées en 2013 à la loi sur les enfants, prévoyant des sanctions en cas d’administration de châtiment corporel à un enfant, sous quelque forme que ce soit ;

h)L’adoption, en 2018, de la loi portant interdiction de la pratique de la dot.

6.Le Comité salue les initiatives que l’État partie a prises pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives afin de donner effet à la Convention, notamment :

a)La création de comités de prévention de la violence à l’égard des femmes et des enfants au niveau des districts, des upazilas et des unions ; l’élaboration du Programme multisectoriel de lutte contre la violence à l’égard des femmes par le Ministère de la femme et de l’enfance ; la publication en 2008, en réponse à la requête no 5916, de directives établissant des mesures de protection contre le harcèlement sexuel des femmes dans les établissements d’enseignement et sur les lieux de travail ;

b)La création, en 2009, de la Commission nationale des droits de l’homme du Bangladesh ;

c)La publication en 2010, en réponse à la requête no 5684, de directives de la Cour suprême visant à mettre fin à toutes les formes de châtiments corporels dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire ;

d)La publication par la Chambre de la Haute Cour de la Cour suprême du Bangladesh de 15 directives sur les mesures de protection à prendre en cas d’arrestation sans mandat, de placement en détention et de placement en détention provisoire, et sur le traitement des personnes arrêtées par les forces de l’ordre ; la publication subséquente, en 2016, par la Cour suprême, de directives à l’intention des magistrats et de la police concernant l’arrestation, le placement en détention, les enquêtes et le traitement des personnes accusées.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Allégations de recours généralisé à la torture et aux mauvais traitements

7.Le Comité accueille avec satisfaction les dispositions constitutionnelles prévoyant la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et l’adoption, en 2013, de la loi sur la prévention de la torture et des décès en détention, mais il s’inquiète des informations reçues selon lesquelles les agents de la force publique auraient recours de manière généralisée et systématique à la torture et aux mauvais traitements pour obtenir des aveux ou demander des pots-de-vin. Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie selon lesquelles 17 procédures ont été engagées contre des membres des forces de l’ordre en vertu de la loi sur la prévention de la torture et des décès en détention, mais est préoccupé par le fait qu’aucun renseignement sur ces affaires ne soit accessible au public ni n’ait été fourni par la délégation, ainsi que par les informations reçues selon lesquelles aucune procédure engagée en vertu de cette loi depuis son entrée en vigueur n’a été menée à terme. En outre, il relève avec inquiétude que selon certaines informations, des fonctionnaires de la police et d’autres autorités ont demandé à plusieurs reprises que la loi soit modifiée ou abrogée pour éviter à certaines forces de faire l’objet de poursuites au titre de cette loi ou pour réduire l’éventail des comportements interdits. Le Comité salue la déclaration de la délégation selon laquelle aucune modification ne serait apportée à ladite loi et que le Gouvernement applique une politique de « tolérance zéro » à l’égard des comportements criminels des membres des forces de l’ordre, et prend note de la déclaration faite par le Premier Ministre durant la « Semaine de la Police 2019 », dans laquelle il a affirmé qu’« aucun innocent ne devait être victime d’actes de torture et de harcèlement », mais il reste gravement préoccupé par le fait que les forces de l’ordre demandent de telles dérogations et continuent de considérer qu’il est nécessaire et acceptable de se livrer à des actes constitutifs de torture et de mauvais traitements dans le cadre de leur travail. En outre, il constate avec une vive inquiétude que la loi de 2013 sur la prévention de la torture et des décès en détention n’est pas effectivement appliquée dans la pratique. Il souhaite rappeler à l’État partie que le paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention dispose qu’« [a]ucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre ou de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture » (art. 2, 4, 15 et 16).

8. L ’ État partie devrait  :

a) Reconnaître publiquement, aux plus hauts niveaux de l ’ État, que la lutte contre le recours systématique à la torture et aux mauvais traitements par les membres des forces de l ’ ordre est une préoccupation urgente, et déclarer sans ambiguïté que la torture et les mauvais traitements ne seront tolérés en aucune circonstance et à l ’ encontre de personne  ;

b) Déclarer publiquement que l ’ État n ’ a pas l ’ intention de limiter le champ d ’ application de la loi sur la prévention de la torture et des décès en détention, qu ’ il considère que la loi s ’ applique à toutes ces forces, y compris celles qui ne figurent pas sur la liste des forces de l ’ ordre, et que quiconque commet des actes de torture, en est complice ou les autorise tacitement sera tenu personnellement responsable devant la loi  ;

c) Veiller à ce que les fonctionnaires qui commettent des actes de torture et infligent des mauvais traitements, notamment les personnes exerçant des fonctions de commandement ou de hautes responsabilités, soient poursuivis et condamnés à des peines à la mesure de la gravité de ces actes  ;

d) Veiller à ce que les membres des forces de l ’ ordre reçoivent une formation aux méthodes d ’ enquête médico-légales non coercitives et appliquent ces méthodes dans la pratique, et à ce que tous sachent qu ’ il est inacceptable d ’ infliger des actes de torture et des mauvais traitements à une personne soupçonnée d ’ une infraction pénale pour la forcer à faire des aveux  ;

e) Prendre des mesures pour garantir que tout aveu obtenu d ’ une personne soupçonnée d ’ infraction pénale par la torture ou des mauvais traitements ne puisse pas être invoqué, dans la pratique, comme preuve de sa culpabilité  ;

f) Recueillir systématiquement des données statistiques au niveau national sur l ’ application de la loi sur la prévention de la torture et des décès en détention, notamment sur le nombre de plaintes, d ’ enquêtes, de poursuites, de procès et de déclarations de culpabilité auxquelles ont donné lieux des faits de torture ou de mauvais traitements, sur les peines infligées aux personnes qui ont été reconnues coupables et sur les mesures de réparation prises en faveur des victimes, en particulier les mesures d ’ indemnisation et de réadaptation.

Inadéquation des enquêtes menées sur les plaintes pour actes de torture

9.Le Comité est vivement préoccupé par les informations qu’il a reçues selon lesquelles les mécanismes mis en place par l’État partie pour recevoir et examiner les plaintes pour torture et mauvais traitements infligés par des fonctionnaires ne permettent pas, dans la pratique, de rendre les auteurs de tels faits véritablement comptables de leurs actes. Il est préoccupé par les informations selon lesquelles les agents de police refusent fréquemment d’enregistrer les plaintes pour torture ou disparition déposées par des victimes ou des membres de leur famille. Il s’inquiète en outre de ce que, d’après ce qu’il a été rapporté, les victimes d’actes de torture et leurs familles qui cherchent à porter plainte ou à attirer l’attention du public sur ces actes font fréquemment l’objet de harcèlement, de menaces et de représailles de la part des auteurs de ces actes. Il accueille avec satisfaction la déclaration de la délégation selon laquelle l’État partie envisage d’adopter une loi sur la protection des victimes et des témoins et de consulter les parties prenantes à cette fin, mais est préoccupé par les informations selon lesquelles un projet de proposition sur cette question établie par la Commission des lois est à l’examen depuis de nombreuses années, mais qu’il n’y a toujours pas été donné suite.

10.Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles il n’existe pas d’organe indépendant autorisé à mener des enquêtes sur les allégations d’actes de torture commis par des fonctionnaires, ces enquêtes étant confiées à des agents appartenant aux mêmes unités ou ayant le même grade hiérarchique que les auteurs présumés des actes, ce qui crée des conflits d’intérêts. Il regrette que la délégation n’ait pas fourni d’informations sur le résultat des enquêtes menées sur les 77 plaintes pour torture qui ont été transmises au Gouvernement par la Commission nationale des droits de l’homme du Bangladesh entre 2012 et 2019, à l’exception d’une plainte concernant le photojournaliste Shahidul Alam adressée directement par le Comité. Il regrette aussi que l’enquête concernant M. Alam ait été close après que les médecins de l’Hôpital universitaire de Bangabandhu auraient déterminé que M. Alam n’avait pas subi de blessures graves, bien qu’il ait affirmé avoir fait l’objet d’actes de torture physique et psychologique et de mauvais traitements alors qu’il était détenu par des membres du Bureau des enquêtes de la police le 5 août 2018.

11.Le Comité prend note avec satisfaction des informations fournies par la délégation selon lesquelles, en 2017, les organes de contrôle interne ont infligé des sanctions disciplinaires « pour diverses infractions » commises par des membres des forces de l’ordre, mais est préoccupé par le fait que les sanctions les plus sévères appliquées ont été des révocations et des rétrogradations, sanctions qui ne sont pas à la mesure de la gravité des infractions de torture et de mauvais traitements.

12.Le Comité constate avec satisfaction que la loi de 2013 sur la prévention de la torture et des décès en détention permet aux plaignants de saisir directement les tribunaux pour demander l’ouverture d’une enquête judiciaire sur des allégations de torture. Bien que le Comité se félicite de cette procédure, il est préoccupé par les informations selon lesquelles celle-ci n’est pas efficace dans la pratique, car il arrive souvent que les membres des forces de l’ordre n’achèvent pas les enquêtes dans les délais prévus par la loi et que les agents concernés ne fassent pas respecter ces délais. Il regrette que la délégation n’ait pas fourni d’informations sur les cas portés à son attention dans lesquels des enquêtes sur des allégations de torture auraient été ordonnées mais n’auraient pas été menées à bien (dans les cas de Parvez et de Bashir Uddin) ou auraient conduit à des procès s’étalant sur plusieurs années (dans le cas d’Imtiaz Hossain) (art. 2, 4, 10, 12, 13, 15 et 16).

13. L ’ État partie devrait veiller à ce que les autorités procèdent immédiatement à des enquêtes pénales impartiales et efficaces sur toutes les plaintes pour torture et mauvais traitements. À cette fin, le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De mettre en place un mécanisme d ’ enquête chargé de traiter les plaintes pour actes de torture et mauvais traitements visant des membres des forces de l ’ ordre qui soit indépendant de ces forces, notamment de la hiérarchie policière  ;

b) D ’ adopter dans les plus brefs délais une loi garantissant la protection effective des victimes et des témoins  ;

c) De veiller à ce qu ’ un organe de contrôle suive l ’ avancement des enquêtes menées sur les allégations de torture et garantisse que les délais fixés par la loi sur la torture pour mener à bien les enquêtes et les procès soient strictement respectés  ;

d) De renforcer la formation des professionnels de la santé et de veiller à ce que les examens médicaux ordonnés pour apprécier les allégations de torture soient effectués conformément au Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d ’ Istanbul).

Détention non reconnue et disparitions

14.Le Comité est vivement préoccupé par les nombreuses informations concordantes selon lesquelles des agents de l’État partie ont arbitrairement privé des personnes de leur liberté, dont elles ont ensuite tué un grand nombre, et n’ont pas révélé l’endroit où elles se trouvaient ni le sort qui leur était réservé. Ce type de fait est qualifié de disparition forcée par le droit international des droits de l’homme, que la victime ait été tuée ou non ou qu’elle réapparaisse plus tard ou pas. Le Comité note que la délégation de l’État partie réfute l’affirmation selon laquelle les disparitions forcées sont fréquentes au Bangladesh et que, dans le seul cas dont la délégation reconnaisse l’existence, dans lequel des fonctionnaires ont été poursuivis au pénal pour un acte constitutif de disparition forcée visant plusieurs personnes à Narayanganj, les membres des forces de l’ordre concernés ont été condamnés pour les infractions d’« enlèvement » et de « meurtre ». Il note également que selon la délégation de l’État partie, les allégations selon lesquelles les autorités ont commis des disparitions forcées devraient être considérées comme fausses lorsque la victime présumée réapparaît, comme dans le cas de Hummam Quader Chowdhury.

15.Le Comité note que le cas de M. Chowdhury a été soulevé par le Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires en 2017, ainsi que les cas de Mir Ahmed Bin Quasem et d’Abdullahil Amaan Al Azmi, qui auraient tous été détenus par des autorités non identifiées après avoir fait campagne pour la libération de leurs pères, condamnés par le Tribunal pour les crimes internationaux du Bangladesh. Le Groupe de travail s’est également déclaré très préoccupé par le recours de plus en plus fréquent aux disparitions forcées au Bangladesh. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas indiqué s’il avait enquêté sur les allégations selon lesquelles des forces de l’ordre ont détenu ces hommes pendant de longues périodes sans que leur détention ne soit reconnue et qu’il n’ait pas donné d’informations sur l’état d’avancement des enquêtes menées sur d’autres affaires dans lesquelles les autorités se seraient livrées à des actes répondant à la définition de la disparition forcée, comme le décès en garde à vue d’Ekramul Haque et la disparition de Sheikh Mokhlesur Rahman (art. 2, 4, 12, 13, 11 et 16).

16. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ a ffirmer sans ambiguïté, au plus haut niveau de l ’ État, que les forces de l ’ ordre doivent immédiatement mettre un terme à la pratique de la détention non reconnue  ;

b) De publier une liste de tous les lieux de détention reconnus et de veiller à ce que nul ne soit détenu secrètement ou au secret dans tout le territoire de l ’ État partie  ;

c) De veiller à ce que tout fonctionnaire dont il est établi qu ’ il a maintenu une personne en détention non reconnue soit poursuivi et condamné à des peines proportionnelles à la gravité de l ’ infraction commise, y compris dans les cas où la personne a ensuite été libérée  ;

d) De v eiller à ce que toutes les allégations de détention non reconnue, de disparition et de décès en détention fassent immédiatement l ’ objet d ’ une enquête approfondie, menée par un organe qui soit indépendant des autorités auxquelles le placement en détention est imputé  ;

e) De veiller à ce que tous les lieux de privation de liberté dans l ’ État partie fassent l ’ objet d ’ une surveillance exercée par une autorité indépendante habilitée à effectuer des visites inopinées dans les lieux de détention et à s ’ entretenir en toute confidentialité avec les détenus, et à ce que les représentants des organisations non gouvernementales (ONG) soient également autorisés à se rendre dans tous les lieux de détention  ;

f) D ’ e nvisager de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants  ;

g) D ’ incriminer la disparition forcée en tant qu ’ infraction distincte dans la législation, en en reprenant la définition qui figure dans la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, étant donné que des infractions telles que celle d ’ enlèvement ne reflètent pas suffisamment la gravité de la détention non reconnue d ’ un individu par des agents de l ’ État ou avec leur complicité, et d ’ envisager de ratifier la Convention.

Bataillon d’intervention rapide

17.Le Comité est vivement préoccupé par les nombreuses informations reçues concernant des cas dans lesquels des membres du Bataillon d’intervention rapide de l’État partie, composé à la fois de policiers et de militaires en détachement, auraient, selon des allégations crédibles, été responsables de la torture, de la détention arbitraire, de la détention non reconnue, de la disparition et de l’exécution extrajudiciaire de personnes placées sous leur garde. Il s’inquiète également de ce que, à la seule exception de l’affaire Narayanganj susmentionnée, les membres de ces forces n’ont pas été tenus pénalement responsables de ces violations. Il est préoccupé par le fait que l’article 13 de la loi sur le Bataillon armé de la police, qui exonère de leur responsabilité les membres des forces de police ayant « commis des actes de bonne foi ou ayant l’intention de les commettre », a donné l’impression, dans la pratique, que les membres des forces de police jouissaient d’une immunité de poursuites pour les actes de torture ou les exécutions extrajudiciaires. Il constate avec regret que l’État partie n’a pas mené d’enquête indépendante sur les allégations qu’aurait formulées un haut responsable anonyme du Bataillon dans une émission de la radio nationale suédoise diffusée en 2017, selon lesquelles des membres de la force ont régulièrement enlevé, torturé et tué des personnes désignées par leurs supérieurs et se sont débarrassés des corps sans laisser de traces ou auraient placé des armes à côté des corps de manière à faire croire qu’il s’agissait de cas de légitime défense. Il regrette en outre que des informations ne lui aient pas été fournies sur la composition de la cellule d’enquête interne du Bataillon et sur les mesures prises à l’encontre des membres de ces forces dans les cas où les plaintes les visant ont été vérifiées par la cellule. Il est aussi préoccupé par les informations selon lesquelles des anciens membres du Bataillon d’intervention rapide ont fréquemment été déployés pour servir dans des opérations de maintien de la paix des Nations Unies (art. 2, 4, 12, 13 et 16).

18. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De faire procéder une enquête indépendante sur les allégations selon lesquelles des membres du Bataillon d ’ intervention rapide se rendent régulièrement responsables d ’ actes de torture, d ’ arrestations arbitraires, de détentions non reconnues, de disparitions et d ’ exécutions extrajudiciaires et de veiller à ce que les personnes chargées de l ’ enquête bénéficient d ’ une protection efficace contre le harcèlement ou l ’ intimidation  ;

b) D ’ a broger la disposition relative à la « bonne foi » qui figure à l ’ article 13 de la loi portant modification de la loi de 2003 sur le Bataillon armé de police  ;

c) De mettre un terme à la pratique consistant à détacher des militaires pour servir dans le Bataillon et de veiller à ce que le Bataillon soit exclusivement composé de civils et que ceux-ci soient, au même titre que les membres des forces de l ’ ordre, passibles de poursuites et de sanctions pénales, plutôt que de simples mesures disciplinaires internes, dans les cas où ils sont présumés être responsables d ’ actes de torture, de mauvais traitements, de disparitions ou d ’ exécutions extrajudiciaires  ;

d) De mettre en place, en suivant les indications pertinentes de l ’ ONU, une procédure indépendante pour contrôler les antécédents de tous les militaires et les policiers qu ’ il est proposé de déployer dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations U nies et de veiller à ce qu ’ aucune personne ou unité impliquée dans des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires, des disparitions ou d ’ autres violations graves des droits de l ’ homme ne soit recrutée.

Détention provisoire et garanties juridiques fondamentales

19.Le Comité est gravement préoccupé par les informations selon lesquelles, dans bien des cas, les forces de l’ordre n’assurent pas aux personnes privées de liberté le bénéfice des garanties juridiques fondamentales contre la torture que le Comité a définies comme étant essentielles pour remplir l’obligation de prévenir la torture énoncée à l’article 2 de la Convention. Selon certains renseignements, les personnes privées de liberté ne sont pas informées des accusations portées contre elles, ne peuvent pas s’entretenir avec un avocat qualifié et indépendant dès le début de leur privation de liberté, n’ont pas accès à une aide judiciaire immédiatement après leur arrestation et à tous les stades de la détention, notamment pendant les interrogatoires et les audiences, ne sont pas examinées par un médecin indépendant dans les 24 heures suivant leur arrivée dans un lieu de détention, gratuitement et en dehors de la présence des policiers, n’ont pas le droit de demander et d’obtenir un examen médical effectué dans le respect du droit à la confidentialité par un médecin indépendant de leur choix et n’ont pas le droit d’informer un membre de leur famille ou toute autre personne de leur choix de leur détention immédiatement après leur arrestation.

20.En outre, le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles les fonctionnaires de l’État partie omettent fréquemment d’enregistrer tous les cas de privation de liberté dans un registre sur le lieu de détention et dans un registre central des personnes privées de liberté. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles souvent les personnes privées de liberté ne sont pas présentées à un juge dans les délais fixés par la loi.

21.Le Comité est particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles les forces de l’ordre demandent souvent, et les magistrats autorisent généralement, que des personnes soupçonnées d’une infraction pénale soient maintenues en détention provisoire à des fins d’interrogatoire pour une période allant jusqu’à quinze jours sans accès à un avocat, procédure prévue par les articles 54 et 167 du Code de procédure pénale. Il prend note des informations selon lesquelles plus de 80 % des personnes détenues dans l’État partie sont en détention provisoire. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles, bien que la Chambre de la Haute Cour de la Cour suprême du Bangladesh ait établi dans le cadre de l’affaire Legal Aid and Services Trust v. Bangladesh des principes directeurs à l’intention des forces de l’ordre et des magistrats sous la forme de 15 directives, celles-ci ne sont pas suivies dans la pratique. En outre, bien que la Cour ait demandé au Gouvernement de modifier les articles pertinents du Code de procédure pénale de 1898, du Code pénal de 1860 et de la loi de 1872 relative à l’administration de la preuve pour les rendre conformes à son jugement, ces modifications n’ont pas été apportées (art 2, 4, 11, 12, 13, 15 et 16).

22. L ’ État partie devrait  :

a) Modifier les articles 54 et 167 du Code de procédure pénale, le Code pénal et la loi sur les preuves afin de rendre compte de la décision rendue dans l ’ affaire Bangladesh Legal Aid and Services Trust v. Bangladesh et de garantir le respect des obligations internationales relatives aux droits de l ’ homme  ;

b) Veiller à ce que les forces de l ’ ordre et les magistrats appliquent sans tarder la totalité des directives émises par la Haute Cour et confirmées par la Cour d ’ appel dans l ’ affaire Bangladesh Legal Aid and Services Trust v. Bangladesh , notamment en organisant des formations et en renforçant la surveillance  ;

c) Prendre des mesures efficaces pour faire en sorte que tous les détenus, y compris les personnes arrêtées et celles placées en détention avant jugement ou en détention provisoire, jouissent dans la pratique de toutes les garanties juridiques fondamentales, telles qu ’ énoncées ci-dessus, dès le début de leur privation de liberté, conformément aux normes internationales. En particulier, l ’ État partie devrait veiller au respect du droit des personnes arrêtées d ’ être présentées à un magistrat dans les 24 heures, garantir le respect de leur droit d ’ avoir accès à un avocat dès leur l ’ arrestation ainsi que par la suite, et veiller à ce que les membres de leur famille soient rapidement informés de l ’ heure et du lieu de leur arrestation et de leur détention  ;

d) Veiller à ce que l ’ application des garanties fondamentales aux personnes privées de liberté fasse l ’ objet d ’ un contrôle régulier et à ce que tout agent de l ’ État qui, dans la pratique, ne respecte pas ces garanties soit l ’ objet de sanctions disciplinaires ou d ’ une autre mesure appropriée  ;

e) Faire le nécessaire pour que la détention provisoire soit réglementée au moyen de critères juridiques conformes aux normes internationales et soumise en tout temps à un contrôle judiciaire afin d ’ assurer le respect des garanties juridiques et procédurales fondamentales  ;

f) Contrôler régulièrement la légalité de la détention de toutes les personnes placées en détention provisoire et libérer celles qui ont été placées en détention provisoire pour une durée supérieure à la peine maximale prévue pour l ’ infraction  ;

g) Prendre des mesures pour que les autorités recourent moins souvent à la détention provisoire et davantage aux mesures non privatives de liberté, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) .

Violence à l’égard de minorités indigènes, ethniques et religieuses et d’autres groupes vulnérables

23.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des membres de minorités autochtones, ethniques et religieuses sont soumis à des actes d’intimidation, de harcèlement et de violence physique, y compris de violence sexuelle, notamment par des agents de l’État ou avec leur coopération. Il convient à cet égard de mentionner l’attaque perpétrée le 6 novembre 2016 à Gobindaganj (district de Gaibandha), au cours de laquelle 3 membres de la communauté indigène des Santals ont été tués et plus de 50 autres ont été blessés ; le 28 juillet 2019, le Bureau d’enquête de la police a soumis un rapport sur cette attaque indiquant qu’aucun policier n’avait été impliqué dans l’incendie de maisons et d’écoles et le pillage d’autres biens, malgré les images télévisées montrant le contraire. Le Comité a également pris note des récentes allégations selon lesquelles des membres des communautés hindoues de Pirojpur ont été victimes de violences et de harcèlement et ont vu leurs maisons incendiées. Il a également pris note du cas du militant et avocat hindou Palash Kumar Roy, qui a été détenu pour avoir insulté le Premier Ministre et qui aurait ensuite été agressé et brûlé pendant sa garde à vue, ce qui a entraîné sa mort, que la délégation de l’État partie a qualifiée de suicide. Le Comité a également pris note des informations faisant état du viol et de l’agression sexuelle, en janvier 2018, de deux adolescentes dans les Chittagong Hill Tracts par des membres de l’armée ainsi que de la disparition, le 9 avril 2019, du militant des droits des peuples autochtones, Michael Chakma, qui vivait dans la même région, fait qui, a indiqué la délégation, faisait l’objet d’une enquête. Il est également préoccupé par les actes de violence perpétrés contre des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres par des particuliers et des membres des forces de l’ordre, violences qui sont favorisées par le fait que les relations sexuelles librement consenties entre personnes de même sexe, caractérisées de « comportement contre nature », sont érigées en infraction pénale (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

24. L ’ État partie devrait  :

a) Veiller à ce que les signalements d ’ agressions et d ’ actes de violence dirigées contre les minorités autochtones, ethniques, religieuses et d ’ autres minorités vulnérables, notamment celles mentionnées ci-dessus, donnent lieu à des enquêtes indépendantes  ;

b) Envisager d ’ abroger les lois incriminant « l ’ atteinte aux sentiments religieux », telles que la loi de 2018 sur la sécurité numérique, étant donné qu ’ il serait courant que ces dispositions soient invoquées de manière abusive pour inciter les autorités à harceler des populations minoritaires et qu ’ elles soient considérées comme légitimant des actes de violence commis à titre privé contre des personnes accusées de cette infraction  ;

c) Assurer la sécurité des membres des minorités autochtones, ethniques et religieuses et veiller à ce qu ’ elles aient accès à un mécanisme de plainte indépendant  ;

d) Accorder des mesures de réparation, notamment des mesures d ’ indemnisation et de réadaptation, à la communauté Santal et aux membres d ’ autres minorités et groupes vulnérables qui ont été victimes de violences physiques et dont les biens ont été endommagés et pillés, et appliquer, dans la pratique, la loi de 2001 sur la restitution des biens dévolus (loi n o 16) afin de garantir la restitution des biens « dévolus » à leurs propriétaires d ’ origine  ;

e) Abroger l ’ article 377 du Code pénal, qui incrimine les « comportements contre nature » et qui permet à l ’ État partie d ’ interdire les relations sexuelles consenties entre personnes du même sexe  ;

f) Recueillir et publier des données statistiques sur les agressions et les violences dont sont victimes des minorités autochtones, ethniques et religieuses et d ’ autres groupes vulnérables, notamment les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres  ;

g) Poursuivre et punir tous les membres de la police et les acteurs non étatiques ayant commis des actes de violence contre des membres de groupes vulnérables.

Commission nationale des droits de l’homme

25.Rappelant les observations finales formulées par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels en 2018 (E/C.12/BGD/CO/1), le Comité se déclare préoccupé de ce que la Commission nationale des droits de l’homme n’ait pas un mandat suffisamment étendu ou ne fasse pas pleinement usage de son mandat actuel pour enquêter directement sur tous les cas allégués de torture et de mauvais traitements, notamment les faits de ce type imputés à des acteurs étatiques tels que des membres de la police, de l’armée et des forces de sécurité. Il est également préoccupé par le processus de sélection et de nomination des membres de la Commission et par le fait que la celle-ci ne dispose pas de ressources humaines et financières suffisantes pour s’acquitter de son mandat conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (art. 2, 12, 13 et 16).

26. L ’ État partie devrait  :

a) Modifier la loi de 2009 sur la Commission nationale des droits de l ’ homme afin d ’ élargir le mandat de la Commission de manière à ce qu ’ elle puisse enquêter directement sur tous les faits de torture et les mauvais traitements qui auraient été commis par des membres de l ’ armée, de la police et des forces de sécurité de l ’ État, et veiller à ce qu ’ elle soit largement accessible  ;

b) Veiller, compte tenu de l ’ absence de mécanisme national de prévention, à ce que la Commission puisse exercer pleinement son mandat actuel et ait accès à tous les lieux où se trouvent les personnes privées de liberté  ;

c) Doter la Commission de ressources financières et humaines suffisantes pour lui permettre de s ’ acquitter de son mandat en toute impartialité et indépendance  ;

d) Instaurer une procédure de sélection et de nomination qui soit claire, transparente, participative et fondée sur le mérite, conformément aux Principes de Paris  ;

e) Veiller à ce que le personnel de la Commission reçoive une formation appropriée sur la manière d ’ enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements.

Indépendance du pouvoir judiciaire

27.Le Comité s’inquiète des informations ce que les juges feraient l’objet de menaces et de pressions dans le cadre de leur travail. Il prend note des explications fournies par la délégation, mais est particulièrement préoccupé par les allégations de l’ancien Président de la Cour suprême, Surendra Kumar Sinha, qui affirme avoir subi des pressions de la part de hauts fonctionnaires lors des délibérations sur l’affaire du seizième amendement, puis avoir été harcelé, ce qui l’a contraint à démissionner et à fuir le pays. À cet égard, le Comité prend également note des déclarations du chef de la délégation, qui affirme que la démission du Juge Sinha n’était pas liée à l’affaire du seizième amendement mais à des allégations de corruption. Compte tenu des efforts soutenus que déploie le Gouvernement pour modifier la Constitution afin de donner au Parlement le pouvoir de révoquer les juges de la Cour suprême, le Comité demeure préoccupé par la question de l’indépendance du pouvoir judiciaire. En outre, la pression exercée au quotidien sur les membres de l’appareil judiciaire les oblige à accepter que des arrestations soient effectuées sans mandat, à prolonger les délais de garde à vue sans contrôle et à accepter d’autres mesures qui affaiblissent les garanties juridiques fondamentales destinées à protéger les personnes contre des violations tels que les mauvais traitements et la torture (art. 2).

28. L ’ État partie devrait  :

a) Renforcer l ’ indépendance du pouvoir judiciaire à l ’ égard du Ministère du droit, de la justice et des affaires parlementaires  ;

b) Protéger les membres de l ’ appareil judiciaire contre l ’ intimidation, le harcèlement et l ’ ingérence injustifiée, notamment de la part de hauts fonctionnaires  ;

c) Veiller à ce que tous les juges et procureurs reçoivent une rémunération adéquate et soient inamovibles tant qu ’ ils n ’ ont pas atteint l ’ âge obligatoire de la retraite ou la fin de leur mandat.

Représailles, harcèlement et actes de violence visant les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes

29.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles des militants de la société civile, des avocats et des journalistes qui ont critiqué le comportement des autorités ou du Gouvernement et ont fait état d’allégations de torture, de disparition et d’exécutions extrajudiciaires, ainsi que l’impunité dont jouirait les auteurs de tels actes, ont fait l’objet de harcèlement et de violences ainsi que de poursuites engagées en représailles par les autorités du parti au pouvoir pour ces critiques et ont été accusés d’atteinte à l’autorité de la justice pour avoir critiqué des procès inéquitables. Il est alarmé par les informations selon lesquelles des militants de la société civile, des avocats et des journalistes ont été soumis à la torture et à des mauvais traitements lors de leur détention en raison des accusations portées contre eux en lien avec leur travail. Il s’inquiète de ce que des lois récemment adoptées par l’État partie, notamment la loi de 2006 sur les technologies de l’information et de la communication et la loi de 2018 sur la sécurité numérique, ont été invoquées pour commettre des actes de harcèlement. Il est particulièrement préoccupé par le cas de Mahmudur Rahman, rédacteur en chef par intérim du journal Daily Amar Desh, qui a été maintenu en détention provisoire pendant plusieurs années sur la base de dizaines d’accusations de sédition, de diffamation, d’atteinte à l’autorité de la justice et d’autres accusations connexes portées contre lui en lien avec son travail. Il regrette que la délégation n’ait pas indiqué si les allégations selon lesquelles Mahmudur Rahman a été soumis à la torture en détention provisoire ont fait l’objet d’une enquête, comme l’exige la Convention.

30.Le Comité accueille avec satisfaction la déclaration, faite au cours du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation par le chef de celle-ci, le Ministre du droit, de la justice et des affaires parlementaires, selon laquelle le Gouvernement souhaitait « faire clairement savoir » qu’il protégerait contre les représailles les membres de la société civile et les ONG qui ont coopéré avec le Comité dans le cadre de l’examen du rapport initial de l’État partie (art. 2, 4, 11, 12, 13, 15 et 16).

31. L ’ État partie devrait  :

a) Faire savoir au plus haut niveau que les militants de la société civile, les avocats et les journalistes qui publient des informations ou des allégations concernant des violations des droits de l ’ homme jouent un rôle essentiel dans la société et ne devraient pas faire l ’ objet de représailles sous la forme d ’ accusations d ’ atteinte à l ’ autorité de la justice, de diffamation ou de sédition pour avoir critiqué des dirigeants politiques ou leur travail  ;

b) Enquêter sur toutes les allégations d ’ arrestation illégale ou arbitraire, de harcèlement, d ’ actes de torture, de mauvais traitements ou d ’ actes de violence visant des défenseurs des droits de l ’ homme, notamment des acteurs de la société civile, des avocats et des journalistes  ;

c) Modifier la législation, notamment la loi de 2006 sur les technologies de l ’ information et de la communication, la loi de 2018 sur la sécurité numérique et la loi de 2016 portant réglementation des dons étrangers (activités bénévoles) afin d ’ en supprimer les dispositions interdisant les remarques dénigrantes à l ’ égard de la Constitution et des organes constitutionnels, le fait de participer à des « activités antiétatiques » et de « ternir l ’ image de la nation », ainsi que les dispositions similaires qui ont servi de fondement à l ’ arrestation et à la poursuite de personnes qui ont rendu publiques des allégations de torture, de disparition, d ’ exécutions extrajudiciaires ou de mauvais traitements ou qui ont critiqué la réponse que l ’ État partie a apportée à ces allégations  ;

d) Veiller à ce que les membres de la société civile et les ONG qui ont coopéré avec le Comité dans le cadre de l ’ examen du rapport initial de l ’ État partie soient protégés contre toute forme de représailles ou de harcèlement, notamment sous la forme d ’ accusations de violation de la loi sur les technologies de l ’ information et des communications, conformément à l ’ engagement pris par le Ministre du droit, de la justice et des affaires parlementaires.

Conditions de détention

32.Le Comité est gravement préoccupé par :

a)Les informations selon lesquelles les conditions de détention dans l’État partie sont très en deçà des normes internationales et ont même été décrites, dans des cas extrêmes, comme constituant des mauvais traitements ou des actes de torture ;

b)La gravité du problème de la surpopulation carcérale, le taux d’occupation dans les prisons conçues pour accueillir 40 000 détenus dépassant les 200 %, voire davantage en période électorale, ce qui est largement dû au recours généralisé à la détention provisoire et oblige les détenus à dormir à tour de rôle, si bien que les autorités pénitentiaires ont envisagé d’installer des abris de fortune à l’intérieur des prisons et qu’une centaine de personnes ont été détenues dans un entrepôt abandonné en janvier 2019 ;

c)Les très mauvaises conditions de détention, qui auraient causé la mort de 74 détenus en 2018, ainsi que les piètres conditions d’hygiène, le manque de nourriture et d’eau potable, le nombre insuffisant de toilettes et de lits, l’insuffisance de l’éclairage et de la ventilation et le manque d’activités récréatives et de stimulation mentale ;

d)La corruption dans les prisons, notamment le chantage aux services essentiels pratiqués par des gardiens de prison contre les détenus et leurs proches, le système de « parrainage » dans les prisons, dans le cadre duquel les détenus les plus anciens contrôlent les autres, notamment leur accès à la nourriture et leurs conditions de détention, et infligent souvent des sanctions au nom des autorités pénitentiaires, et le fait que les détenus subissent des représailles dès qu’ils se plaignent ;

e)Le fait que seules 12 des 68 prisons de l’État partie disposent d’un hôpital et que sur les 170 postes de médecins, seule une douzaine sont pourvus parce que les médecins craindraient pour leur santé en raison des mauvaises conditions sanitaires ;

f)Le nombre élevé de décès en détention, que les autorités attribuent à des causes naturelles ou à des suicides, mais dont certains résultent en réalité de blessures causées par la torture et l’usage excessif de la force par la police, ainsi que les mauvaises conditions de détention, la négligence des autorités pénitentiaires et le manque d’accès aux soins. Il est également très préoccupé par le fait que 11 personnes sont mortes de maladie dans les prisons entre janvier et mars 2019 et que presque tous les détenus entrent en contact avec des personnes atteintes de maladies transmissibles et non transmissibles et contractent des maladies ;

g)Le fait que les mineurs sont détenus avec les adultes, que les femmes peuvent être détenues avec des hommes et que les prisons n’ont pas été adaptées aux détenus handicapés (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

33. L ’ État partie devrait  :

a) Prendre d ’ urgence toutes les mesures nécessaires pour améliorer les conditions de détention dans tous les lieux de privation de liberté afin de les rendre conformes aux normes internationales, notamment l ’ Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok)  ;

b) Prendre d ’ urgence des mesures pour réduire la surpopulation carcérale en veillant à ce que les personnes ne soient pas placées en détention avant jugement pour des périodes excessives et réduire sensiblement le nombre de personnes placées en détention provisoire ou faisant l ’ objet d ’ une autre forme de détention avant jugement, en assouplissant les conditions de mise en liberté sous caution, en accélérant la procédure de libération conditionnelle, en prévoyant le recours à une justice réparatrice et en s ’ employant activement à promouvoir des mesures de substitution à la détention, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (les Règles de Tokyo)  ;

c) Prendre d ’ urgence des mesures pour améliorer les conditions matérielles dans les lieux de privation de liberté, notamment en fournissant une nourriture de qualité et en quantité suffisante, en améliorant les conditions sanitaires, les conditions d ’ hygiène, la literie, l ’ éclairage et la ventilation et en proposant des activités récréatives et d ’ autres activités utiles, et construire de nouvelles prisons et rénover les anciennes  ;

d) Éliminer la corruption dans les prisons, notamment le chantage fait aux détenus et à leurs proches, prendre des mesures pour lutter contre la collusion du personnel de surveillance avec les bandes criminelles dans le système carcéral, garantir le droit des détenus d ’ être traités avec humanité et dignité et réduire la violence, notamment la violence entre détenus  ;

e) Maintenir la politique de « tolérance zéro » à l ’ égard des décès en détention causés par l ’ action ou l ’ omission des forces de l ’ ordre et à l ’ égard de la torture ou de toute autre forme de mauvais traitement, conformément à ce qu ’ a déclaré le Ministre du droit, de la justice et des affaires parlementaires lors du dialogue constructif tenu avec le Comité, et veiller à ce que tous les décès en détention fassent l ’ objet d ’ une enquête diligente et indépendante, quelle qu ’ en soit la cause  ;

f) Garantir que des soins de santé adéquats soient fournis aux détenus en recrutant, à titre prioritaire, des médecins supplémentaires pour pourvoir tous les postes vacants, y compris des spécialistes, ainsi que des infirmières, qui soient disponibles 24 heures sur 24, veiller à ce que les personnes qui en ont besoin puissent être rapidement dirigées vers des services de soins en dehors des lieux de détention et transportées en ambulance, faire subir aux détenus un examen de dépistage avant leur admission dans un lieu de détention, ainsi qu ’ à l ’ ensemble de la population carcérale, et prendre des mesures énergiques afin que les détenus qui sont en bonne santé au moment de leur incarcération ne soient pas contaminés pendant leur détention  ;

g) Mettre en place des systèmes pour séparer les mineurs des adultes et les condamnés des détenus provisoires, assurer la séparation stricte des femmes et des hommes, faire en sorte que les femmes soient détenues dans des conditions tenant compte de leurs besoins et veiller à ce que les personnes handicapées soient détenues dans des conditions humaines et à ce que les prisons soient adaptées à leurs besoins  ;

h) Autoriser des organismes de contrôle indépendants, notamment des organismes internationaux, des organismes de santé spécialisés et des ONG, à effectuer des visites inopinées et des inspections médicales dans tous les lieux de détention et à s ’ entretenir en privé avec les détenus.

Usage excessif de la force

34.Le Comité est profondément préoccupé par les allégations persistantes faisant état d’un usage excessif de la force par des membres des forces de sécurité, des services de renseignement et de la police, par exemple de la pratique qui consiste à tirer à bout portant au niveau du genou, de la jambe ou du coude et qui entraîne souvent une invalidité permanente, notamment une amputation. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles les autorités ont commis des actes de violence dans le cadre des élections récentes et passées, notamment qu’elles se sont livrées à des attaques contre des manifestants, qu’elles se sont saisies de bureaux de vote et qu’elles ont eu recours à l’intimidation et à la violence pour supprimer des votes (art. 2, 10, 12, 13 et 16).

35. L ’ État partie devrait  :

a) Mettre en place un mécanisme de plainte efficace à l ’ intention des victimes d ’ usage excessif de la force et veiller à ce que celles-ci ne subissent pas de représailles pour avoir dénoncé des actes de torture et des mauvais traitements commis par les forces de l ’ ordre et d ’ autres agents publics, et garantir que ces plaintes donnent lieu sans délai à des enquêtes impartiales et efficaces  ;

b) Dispenser une formation aux responsables de l ’ application des lois sur les Principes de base sur le recours à la force et l ’ utilisation des armes à feu par les responsables de l ’ application des lois et sur l ’ Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d ’ emprisonnement .

Détention arbitraire

36.Le Comité est préoccupé par les informations selon lesquelles, en janvier et février 2018, les autorités ont arrêté près de 5 000 partisans du Parti nationaliste du Bangladesh, parti d’opposition, notamment des citoyens ordinaires soupçonnés d’être des sympathisants de l’opposition, avant que n’ait été rendu le jugement dans l’affaire de corruption contre la dirigeante du parti, Khaleda Begum Zia. Il est également préoccupé par les allégations selon lesquelles des milliers de partisans de l’opposition ont été arrêtés au moment des élections et par le fait que nombre de ces personnes sont toujours en détention. Il est en outre préoccupé par les allégations selon lesquelles des personnes ont été arbitrairement privées de leur liberté parce qu’elles étaient soupçonnées d’avoir des liens avec des groupes militants (art. 2, 11, 12, 13 et 16).

37.L ’ État partie devrait veiller à ce que toutes les personnes détenues, notamment les militants politiques, les manifestants et les personnes arrêtées et détenues dans le cadre d ’ actions de « maintien de l ’ ordre » visant à prévenir la violence, bénéficient, dans la pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès leur placement en détention (comme indiqué au paragraphe 19 ci-dessus) et soient rapidement déférées devant un juge. Il devrait ouvrir sans délai des enquêtes efficaces sur toutes les plaintes pour torture déposées par des personnes détenues dans le cadre des opérations préventives décrites ci-dessus et poursuivre ou libérer les personnes détenues, selon les résultats des enquêtes.

Violence à l’égard des femmes

38.Le Comité se félicite de la volonté exprimée par l’État partie de lutter contre la violence à l’égard des femmes. Toutefois, il prend note avec préoccupation des informations selon lesquelles, ces dernières années, les autorités n’ont poursuivi et déclaré coupables les auteurs de viols que dans un très faible pourcentage des cas qu’elles avaient enregistrés, ainsi que des renseignements faisant état d’une augmentation du nombre de plaintes pour agression sexuelle d’enfants reçues par les autorités ces dernières années. Il s’inquiète de ce que des obstacles juridiques dissuaderaient les femmes victimes de violences sexuelles de déposer plainte pour viol auprès des autorités. Il est en outre préoccupé par le fait qu’une disposition juridique récente autorisant le mariage de filles de moins de 18 ans dans des « cas particuliers » pourrait avoir pour effet d’accroître davantage les taux déjà élevés dans le pays de ce que l’on nomme les « mariages précoces ». Il s’inquiète de ce que les lois de l’État partie érigent en infraction pénale l’interruption de grossesse, sauf lorsque la vie de la femme enceinte est en danger, ce qui peut entraîner pour elle de grandes souffrances physiques et psychiques (art. 2, 4, 12, 13, 14 et 16).

39. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) De veiller à ce que toutes les allégations de violence fondée sur le genre exercée contre des femmes ou des filles, en particulier en cas d ’ action ou d ’ omission d ’ autorités de l ’ État ou d ’ autres entités engageant la responsabilité internationale de l ’ État partie en vertu de la Convention, donnent lieu à une enquête approfondie et efficace, à ce que les auteurs présumés des faits en cause soient jugés et, s ’ ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés, et à ce que les victimes obtiennent réparation, notamment sous la forme d ’ une indemnisation adéquate  ;

b) De supprimer le délai de 24 heures prévu par la loi de 2000 sur la prévention des agressions contre les femmes et les enfants (modifiée en 2003) pour l ’ obtention d ’ un rapport médical et le dépôt d ’ une plainte pour viol  ;

c) De supprimer la dérogation faite à l ’ interdiction du mariage des filles de moins de 18 ans dans des « cas particuliers », ainsi que l ’ exclusion du viol conjugal des femmes de plus de 13 ans du champ de la définition du viol figurant dans l ’ article 375 du Code pénal  ;

d) De veiller à ce que des services médicaux et juridiques, des hébergements d ’ urgence sûrs et des refuges soient mis à la disposition des femmes victimes de violences domestiques et de violences fondées sur le genre dans l ’ ensemble du pays, et à ce que ces services soient accessibles pour toutes les victimes de tels faits, y compris les non-ressortissantes  ;

e) De revoir sa législation de façon à autoriser une dérogation à l ’ interdiction de l ’ avortement dans des circonstances particulières où la poursuite de la grossesse est susceptible de causer des douleurs et souffrances aiguës, par exemple lorsque la grossesse résulte d ’ un viol ou d ’ un inceste ou en cas de malformation mortelle du fœtus, de garantir aux femmes la fourniture de soins postavortement, que l ’ avortement pratiqué ait été légal ou illégal, et de faire en sorte que ni les patientes qui sollicitent des soins ni les médecins qui les prodiguent ne s ’ exposent à des sanctions pénales ni à d ’ autres formes de menace.

Traite des personnes

40.Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a adopté en 2012 une loi incriminant la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou par le travail, mais est préoccupé par les allégations crédibles selon lesquelles la grande majorité des victimes de traite choisissent de ne pas engager de poursuites contre les trafiquants, souvent par crainte de représailles et d’actes d’intimidation, car nombre d’entre elles pensent qu’elles ne recevront pas une protection efficace de la police. Il est également préoccupé par les informations selon lesquelles, dans plus de 100 cas, des Rohingya ont été soumis au travail forcé et à la traite à des fins d’exploitation sexuelle au Bangladesh, et par le fait qu’il arrive que des gardes frontière et des membres de l’armée et de la police bangladaises contribuent à faciliter la traite des femmes et des enfants rohingya. En outre, la Haute Cour du Bangladesh a jusqu’à présent refusé de connaître des affaires ayant trait à la lutte contre la traite des êtres humains soumises par les Rohingya, et les autorités n’ont pas ouvert d’enquêtes (art. 2, 4, 10, 11, 14 et 16).

41. L ’ État partie devrait  :

a) Enregistrer les plaintes pour traite à des fins d ’ exploitation sexuelle ou par le travail des Rohingya au Bangladesh et veiller à ce que les allégations de complicité des autorités donnent lieu à des enquêtes et des poursuites  ;

b) Permettre aux étrangers victimes de la traite, y compris les Rohingya, d ’ avoir accès aux services publics, notamment aux centres pour les femmes et les enfants victimes de violence, et à une aide juridictionnelle, et veiller à ce qu ’ ils puissent porter plainte devant les tribunaux du pays pour les violations dont ils estiment être victimes  ;

c) Créer des conditions pratiques et un climat permettant aux victimes de la traite de bénéficier d ’ une protection efficace contre les représailles si elles choisissent de porter plainte.

Réfugiés et non-refoulement

42.Le Comité félicite le Gouvernement bangladais d’avoir appliqué le principe du non-refoulement aux plus de 1 million de réfugiés rohingya du Myanmar qui résident actuellement sur son territoire et d’avoir reconnu qu’ils risqueraient d’être soumis à la torture et à des mauvais traitements s’ils étaient renvoyés dans leur pays. Il regrette que l’État partie n’ait pas fourni d’informations sur les efforts qu’il déploie pour respecter en droit le principe de non-refoulement ni sur les données demandées par le Comité concernant les pays où il a renvoyé des personnes et les mesures prises pour garantir que nulle ne soit renvoyée dans un pays où elle risque d’être soumiss à la torture et à des mauvais traitements (art. 2, 3, 10, 12, 13, 14 et 16).

43. L ’ État partie devrait  :

a) Continuer de respecter le principe du non-refoulement à l ’ égard de tous les réfugiés rohingya du Myanmar se trouvant sur son territoire  ;

b) Adopter une loi générale sur l ’ asile qui soit conforme aux normes internationales relatives aux droits de l ’ homme et aux dispositions de l ’ article 3 de la Convention  ;

c) Établir une procédure individualisée par laquelle toute personne craignant qu ’ un renvoi l ’ expose personnellement à un risque réel d ’ être soumise à des actes de torture et des mauvais traitements peut demander à rester au Bangladesh en faisant valoir que son renvoi violerait l ’ obligation de non-refoulement qui incombe à l ’ État partie en vertu de la Convention  ;

d) Dispenser une formation sur le principe du non-refoulement à tous les fonctionnaires concernés de l ’ État partie  ;

e) Veiller à ce que les autorités mettent en place des mesures permettant d ’ identifier toutes les victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements, y compris les ressortissants étrangers, et de leur offrir réparation, et permettre à celles-ci de bénéficier de soins de santé et de services psychologiques  ;

f) Envisager d ’ adhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 s ’ y rapportant  ;

g) Coopérer à l ’ enquête menée actuellement par le Procureur de la Cour pénale internationale sur les infractions comportant des actes de torture commises contre les Rohingya sur le territoire de l ’ État partie.

Réparation et réadaptation

44.Le Comité est préoccupé par le manque de renseignements fournis par l’État partie sur les réparations accordées aux victimes de torture et de mauvais traitements et par les informations selon lesquelles l’État n’a accordé que très peu de réparations dans la pratique. Il s’inquiète en outre de ce que la loi sur la prévention de la torture et des décès en détention prévoit des montants d’indemnisation des victimes qui sont très faibles et ne contient aucune disposition relative à la réadaptation, et que dans la pratique, des indemnisations n’ont pas été accordées en vertu de cette loi en raison de l’absence de déclaration de culpabilité. À cet égard, il prend note avec satisfaction de la déclaration de la délégation selon laquelle le Gouvernement envisagera d’augmenter le montant des indemnisations dues aux victimes de torture fixé par la loi. Il est aussi préoccupé par le fait que le Bangladesh maintient sa réserve à l’article 14 de la Convention (art. 14).

45. L ’ État partie devrait  :

a) Garantir à toutes les victimes d ’ actes de torture le droit d ’ obtenir réparation, y compris le droit d ’ être indemnisées équitablement et d ’ une manière adéquate et de bénéficier des moyens nécessaires à leur réadaptation la plus complète possible. À ce propos, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son observation générale n o 3 concernant l ’ application de l ’ article 14 de la Convention  ;

b) Veiller à ce que toutes les victimes de torture et de mauvais traitements dans l ’ État partie, y compris les réfugiés résidant sur son territoire, puissent accéder rapidement à des services psychosociaux appropriés, à des soins de santé mentale et à des services de réadaptation spécialisés, et garantir que l ’ accès à ces services ne soit pas subordonné au dépôt d ’ une plainte en bonne et due forme pour torture ou à la reconnaissance de culpabilité de l ’ auteur des faits  ;

c) Eu égard à la gravité de l ’ infraction de torture, m odifier la loi sur la prévention de la torture et des décès en détention afin d ’ offrir aux victimes de torture et de mauvais traitements une indemnisation appropriée  ;

d) Envisager de retirer la réserve faite à l ’ article 14 de la Convention.

Châtiments corporels dans la législation

46.Le Comité note que le paragraphe 5 de l’article 35 de la Constitution dispose clairement que « nul ne doit être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », mais est préoccupé par le fait que la législation du Bangladesh autorise la flagellation à titre de sanction et l’utilisation d’entraves en fer, et qu’en vertu du paragraphe 6 de l’article 35 de la Constitution, l’interdiction de la torture ne s’applique à aucune peine prévue par la loi (art. 1, 2, 4, 11 et 16).

47. L ’ État partie devrait prendre les mesures législatives nécessaires pour éradiquer et interdire expressément les châtiments corporels sous toutes leurs formes et dans tous les contextes, vu qu ’ ils sont constitutifs d ’ actes de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et sont donc contraires à la Convention. Il devrait notamment modifier la loi de 1894 sur les prisons.

Châtiments corporels infligés aux enfants

48.Le Comité prend note des directives publiées en 2010 pour mettre fin à toutes les formes de châtiments corporels dans les établissements d’enseignement primaire et secondaire et de la déclaration faite par la Haute Cour du Bangladesh selon laquelle tous les types de châtiments corporels à l’école, notamment la bastonnade, les coups, l’enchaînement et l’enfermement, sont « illégaux et inconstitutionnels » et constituent une forme de mauvais traitement, mais est préoccupé par le fait que l’État partie n’ait pas interdit les châtiments corporels dans tous les contextes et que ceux-ci continuent d’être administrés à grande échelle, y compris dans les écoles (art. 2 et 16).

49. L ’ État partie devrait  :

a) Apporter de nouvelles modifications à la loi sur l ’ enfance, au Code pénal et à d ’ autres lois nationales afin d ’ interdire expressément et clairement les châtiments corporels dans tous les contextes ;

b) Prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les châtiments corporels, notamment dans les établissements scolaires, enquêter sur les enseignants qui continuent d ’ administrer des châtiments corporels dans les établissements d ’ enseignement et prendre les mesures voulues à leur encontre ;

c) Mener des campagnes d ’ information pour sensibiliser la population aux effets néfastes des châtiments corporels et encourager le recours à des méthodes de discipline non violentes en lieu et place des châtiments corporels.

Peine de mort

50.Le Comité est préoccupé par les nombreuses condamnations à la peine de mort prononcées. La délégation a déclaré que le Gouvernement remplaçait progressivement la peine de mort par d’autres formes de sanctions telles que l’emprisonnement à perpétuité. Toutefois, elle a confirmé qu’entre 2013 et 2017, alors que 1 119 condamnations à mort avaient été prononcées, « seulement » 130 d’entre elles avaient été confirmées par la Haute Cour, 239 avaient été commuées en d’autres peines et 17 avaient été exécutées. Le Comité est préoccupé par l’incertitude que ces peines causent au grand nombre de détenus qui y ont été condamnés, par les mauvaises conditions de détention de ces détenus et par les informations selon lesquelles l’État partie accroît le nombre de crimes passibles de la peine de mort, en adoptant des lois telles que la loi de 2018 sur le contrôle des stupéfiants (art. 2, 11 et 16).

51.Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ instaurer un moratoire sur la peine de mort  ; de poursuivre les efforts pour commuer toutes les condamnations à mort en d ’ autres peines  ; d ’ améliorer les conditions de détention des condamnés à mort  ; d ’ examiner attentivement, à la lumière des obligations internationales qui lui incombent, la question de l ’ application de la loi relative à la lutte contre le terrorisme, de la loi sur le contrôle des stupéfiants et d ’ autres lois pertinentes prévoyant la peine de mort  ; d ’ envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.

Procédure de suivi

52.Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir au plus tard le 9 août 2020 des renseignements sur la suite qu’il aura donnée à ses recommandations concernant la nécessité d’assurer la pleine application, par les forces de l’ordre et les magistrats, des directives émises par la Chambre de la Haute Cour ; la surveillance de tous les lieux de privation de liberté par une autorité indépendante et des représentants d’ONG ; l’établissement d’un mécanisme de plainte à l’intention des personnes détenues arbitrairement ; les mesures prises pour que les membres des organisations de la société civile qui ont coopéré avec le Comité dans le cadre de l’examen du rapport initial de l’État partie soient protégés contre toute forme de représailles ou de harcèlement, conformément à l’engagement pris par le Ministre de la justice et des affaires parlementaires (voir par. 22 b), 16 e), 35 a) et 31 d)). Dans ce contexte, l’État partie est invité à informer le Comité des mesures qu’il prévoit de prendre pour mettre en œuvre, d’ici à la soumission de son prochain rapport, tout ou partie des autres recommandations formulées dans les présentes observations finales.

Autres questions

53. Le Comité encourage l ’ État partie à étudier la possibilité de faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention et à retirer sa réserve à l ’ article 14 de la Convention.

54. Le Comité invite l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l ’ homme auxquels il n ’ est pas encore partie, notamment la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

55.Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ autoriser l ’ accès au pays aux neuf titulaires de mandat au titre des procédures spéciales qui ont demandé à effectuer une visite et d ’ adresser sans délai une invitation au Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants  ; à la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires; au Groupe de travail sur la détention arbitraire; au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires  ; au Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits de la personne.

56. L ’ État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues voulues, au moyen des sites Web officiels et par l ’ intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales, et à informer le Comité des activités menées à cette fin.

57.Le Comité prie l ’ État partie de soumettre son prochain rapport périodique, qui sera son deuxième, le 9 août 2023 au plus tard. À cette fin, il invite l ’ État partie à accepter d ’ ici au 9 août 2020 la procédure simplifiée d ’ établissement des rapports, dans le cadre de laquelle le Comité communique à l ’ État partie une liste de points avant que celui-ci ne soumette le rapport attendu. Les réponses de l ’ État partie à cette liste constitueront alors le deuxième rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 19 de la Convention.