CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/461/Add.319 mai 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESCONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Troisièmes rapports périodiques que les États parties devaient présenter en 2004

Additif

Afrique du Sud*, **

[2 décembre 2004]

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

I.INTRODUCTION1 − 293

II.INFORMATIONS RELATIVES AUX ARTICLES 1 À 7DE LA CONVENTION30 − 2799

Article 1er: Le concept de discrimination raciale30 − 579

Article 2:Mesures tendant à éliminer les discriminationset à promouvoir l’égalité58 − 10917

Article 3:Prévention, prohibition et élimination de laségrégation raciale et de l’apartheid110 − 11631

Article 4:Mesures visant à éliminer toute propagande et toutesorganisations qui s’inspirent de théories fondées surla supériorité d’une race117 − 13133

Article 5:Mesures visant à promouvoir l’égalité et lanon-discrimination dans l’exercice des droits civilset politiques et des droits et libertés économiques,politiques et culturels132 − 22237

Article 6:Droit de bénéficier d’une protection et d’une voiede recours effective, y compris d’une satisfactionou d’une réparation juste et adéquate, devant lestribunaux nationaux et autres organismes d’Étatscompétents223 − 22763

Article 7:Mesures prises dans les domaines de l’enseignement,de l’éducation, de la culture et de l’information pourlutter contre les préjugés conduisant à la discriminationraciale et favoriser la compréhension, la tolérance etl’amitié ainsi que pour promouvoir les buts et lesprincipes de la Convention et des autres instrumentsinternationaux pertinents228 − 27965

III.CONCLUSION280 − 28375

I.  INTRODUCTION

CONTEXTE HISTORIQUE

1.Comme en témoignent les découvertes archéologiques faites dans les grottes de Sterkfontein, dans la région de Magaliesberg, non loin de Johannesburg, l’Afrique du Sud a abrité certains des plus anciens ancêtres de l’homme moderne connus à ce jour. Elle a ensuite accueilli d’autres peuplades autochtones, parmi lesquelles des communautés d’éleveurs nomades, des royaumes épars d’agriculteurs sédentaires pratiquant l’agriculture mixte (cultures et élevage), des communautés de chasseurs/cueilleurs et des cités‑États hautement organisées, tels que Mapungubwe et Thulamela.

2.L’histoire moderne de l’Afrique du Sud commence au XVIIe siècle, lorsque s’y établirent les premiers colons hollandais. L’histoire de l’occupation coloniale est l’histoire d’une conquête marquée par de graves violations des droits de l’homme. Les puissances coloniales hollandaise et britannique ont gouverné tout ou partie de l’Afrique du Sud de 1652 à 1910. Au milieu du XIXe siècle, les descendants des premiers colons hollandais parvinrent, à force de conquêtes militaires, à prendre le contrôle de vastes régions du pays au nord de l’Orange, et y établirent des républiques indépendantes des puissances coloniales européennes. Dans les colonies britanniques, comme dans les deux républiques boer, les gouvernements blancs établirent des régimes dans lesquels les Blancs détenaient le pouvoir, les richesses et les privilèges au détriment de la population noire, réduite à la pauvreté et à l’impuissance.

3.Les frontières actuelles de l’Afrique du Sud furent tracées en 1910 lorsque la minorité blanche décida d’unir les deux colonies britanniques et les deux républiques boer qu’elle avait fondées. L’«Union d’Afrique du Sud» fut une conséquence de la guerre anglo‑boer de 1899‑1902. Trois protectorats britanniques, le Botswana, le Lesotho et le Swaziland, ne furent pas intégrés à ce nouvel État et devinrent plus tard des États indépendants. La décision raciste fondamentale fut celle de créer l’«Union» elle‑même. Avant 1910, dans les deux colonies britanniques du Cap et du Natal, tous les propriétaires fonciers jouissaient théoriquement du droit de vote, sans «considération raciale». La loi sur l’Union (Act of Union), adoptée en 1909 par le Parlement de la puissance coloniale britannique, mit explicitement fin à ce régime et restreignit le droit de vote à la seule communauté blanche. Dans les provinces du Cap et du Natal, un droit de vote très restrictif empêchait les Noirs de se présenter aux élections parlementaires mais les autorisait néanmoins à voter pour des candidats blancs. La promulgation de la loi sur les terres autochtones (Natives Land Act) de 1913, qui octroyait à la minorité blanche un droit de propriété exclusif sur 87 % de la surface du pays, apposa le sceau de la légalité sur la conquête coloniale du XIXe siècle et la dépossession des Africains. La population africaine majoritaire se vit accorder un accès à 13 % de la surface du pays, dans les réserves autochtones appartenant à l’État. Ce système de gouvernement était dûment reconnu comme étant celui de la «domination blanche», dont la discrimination raciale institutionnalisée constituait l’aspect aussi bien officiel qu’informel.

4.La population noire majoritaire ne fut pas consultée lors de la formation de l’Union et les autorités coloniales ne tinrent pas compte de ses protestations contre ses principes d’exclusion raciale. Maintenue à l’écart de la gouvernance de l’Union au motif de sa race, la majorité noire, composée d’Africains (75 %), de Métis (7 %) et d’Indiens (3 %), opposa naturellement une résistance à la domination blanche. Un petit nombre, néanmoins significatif, de Blancs du pays rejoignirent leur lutte. La création du Congrès national africain (African National Congress) en 1912, première formation politique nationale moderne du pays, est l’une des grandes étapes historiques de la lutte menée par des Sud‑Africains noirs et blancs contre la domination blanche et la violation des droits fondamentaux des Noirs d’Afrique du Sud.

L’APARTHEID ET LA LUTTE CONTRE CE RÉGIME

5.Les premiers germes de l’apartheid ont été semés bien avant 1910, durant la période coloniale. C’est en 1948 qu’il fut proclamé comme étant l’idéologie et la politique officielles de l’État, lorsque le Parti national (National Party) remporta les élections, réservées aux Blancs, et forma le gouvernement. L’oppression des Noirs s’intensifia, alors que les privilèges des Blancs devenaient la norme et que le Parti national cherchait à consolider la base de son pouvoir et à résoudre ce qu’il appelait «le problème des Blancs pauvres».

6.Parmi les éléments essentiels de l’apartheid figuraient le système de dépossession et de ségrégation imposé aux Noirs, institué principalement par la loi sur l’habitat séparé de 1951 (Group areas Act), qui contraignait la population noire à des déplacements forcés et à subsister dans les conditions sordides des «townships noirs» où ils n’avaient pas le droit de posséder des terres et où, par conséquent, toute activité commerciale leur était inaccessible. Les autres lois fondatrices de ce système étaient notamment la loi de 1951 sur les autorités bantoues (Bantu Authorities Act), qui institutionnalisa le système d’administration indirecte et créa un organe judiciaire et administratif séparé pour la population africaine. La loi sur l’éducation bantoue de 1953 (Bantu Education Act) plaça l’instruction des Africains sous la supervision directe du Ministère des affaires indigènes, avec l’objectif avoué de faire en sorte qu’ils aient accès à un enseignement au rabais. La loi de 1953 sur les aménagements publics séparés (Separate Amenities Act), instaura des aménagements publics séparés et de moindre qualité pour les Noirs. La loi de 1953 sur la suppression des laissez-passer (Abolition of Passes Act) renforça les lois adoptées précédemment pour restreindre la liberté de mouvement des Noirs et introduisit les livres d’identité. La loi de 1956 sur les emplois réservés (Job Reservation Act), réservait un certain nombre d’emplois aux Blancs, dans le droit fil de la précédente politique pour l’emploi préférentiel des Blancs (White labour policy). Cet ensemble de lois ségrégationnistes comprenait aussi notamment la loi de 1949 sur les mariages mixtes (Mixed Marriages Act) et la loi sur les conduites immorales (Immorality Act), qui avaient pour objectif de renforcer le caractère ségrégationniste de la politique gouvernementale en rendant illégal tout contact sexuel interracial. Confinés dans les zones rurales les plus pauvres et dans les villes, les Noirs se voyaient systématiquement refuser l’accès aux services même les plus élémentaires. Entre 1951 et la fin des années 60, la loi a spolié les Africains de leur citoyenneté sud‑africaine. Les Métis et les Indiens furent également relégués au statut de citoyens de seconde ou de troisième classe, privés de tous droits hormis ceux que la minorité blanche voulait bien leur concéder.

7.L’officialisation de l’apartheid comme idéologie d’État se traduisit par un renforcement de la discrimination raciale et le racisme fut complètement institutionnalisé. En réaction, la lutte pour instaurer en Afrique du Sud un régime démocratique et non racial s’intensifia et bénéficia d’un large soutien de la communauté internationale, dont une partie a été apportée directement par des États membres et une autre par l’intermédiaire du système des Nations Unies.

8.Le régime d’apartheid répliqua à la lutte pour les droits de l’homme et la démocratie en multipliant et en intensifiant les violations des droits de l’homme sous diverses formes, notamment la violence et la répression exercées par l’État. Le massacre de manifestants non armés qui s’étaient réunis à Sharpeville, près de Johannesburg, en mars 1960, pour protester contre la loi sur les laissez-passer choqua la communauté internationale tout entière. Cet événement, ainsi que l’interdiction des mouvements de libération, le refus d’engager des négociations avec eux, l’incarcération de leurs dirigeants et d’autres formes de violence, conduisit les mouvements de libération à entrer dans la lutte armée. La réaction de l’État d’apartheid, soucieux de maintenir la domination des Blancs, fut notamment d’arrêter et d’emprisonner les militants et les dirigeants de cette lutte. La détention sans jugement devint la règle. La torture des détenus politiques devint la norme appliquée par la police de sécurité. Les militants politiques furent réduits à vivre dans des conditions très pénibles ou contraints de quitter le pays munis de passeport n’autorisant pas leur retour.

9.Dès 1976, les jeunes scolarisés entrèrent dans la résistance. Au cours de cette année, les enfants furent victimes de brutalités policières sans précédent, alors qu’ils manifestaient pacifiquement dans les rues contre la médiocrité de l’enseignement au rabais prévu par la loi sur l’éducation bantoue et l’emploi obligatoire de l’afrikaans comme langue d’enseignement dans les écoles africaines. La communauté internationale fut choquée par le massacre insensé d’enfants et renforça son appui à la lutte visant à mettre un terme à la domination blanche en Afrique du Sud.

10.L’État raciste lança également une série d’opérations secrètes, qui devaient être révélées plus tard par les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, notamment les «disparitions» de personnes, les meurtres de détenus et un certain nombre d’attaques contre des États voisins qui soutenaient le mouvement de libération. Le Botswana, le Mozambique, le Lesotho, l’Angola, la Zambie et le Zimbabwe en furent les victimes. Le Royaume-Uni lui‑même ne fut pas épargné puisque Londres fut la cible d’attaques à la bombe et que certains individus furent menacés d’assassinat et de coup monté.

11.Le régime affina encore ses stratégies fondées sur la cooptation et le principe de «diviser pour régner» en vue de maintenir la domination blanche sur le pays. L’État accorda une pseudo‑indépendance à un certain nombre de territoires arides ou sous-développés du pays dénommés «bantoustans» (foyers bantous) et «territoires autonomes». Les banlieues africaines soumises à la ségrégation, appelées «townships», se virent également attribuer un certain degré d’autonomie, sous le contrôle de dirigeants noirs cooptés. Plusieurs tentatives basées sur la cooptation furent faites pour rallier les communautés indienne et métisse à une forme de participation limitée au système raciste. Cela donna lieu à la mise en place d’un dispositif politique appelé «parlement tricaméral», produit de la Constitution de l983 aménageant l’apartheid, composé de trois chambres pour les Blancs, les Indiens et les Métis.

12.Le mouvement de libération s’opposa au système des bantoustans, des administrations locales soumises à la ségrégation, et du système tricaméral. Diverses composantes de la société civile, notamment une partie de la communauté religieuse et de la communauté internationale, s’impliquèrent davantage encore dans l’action. L’isolement international du régime raciste et l’exclusion de l’Afrique du Sud de nombreux organismes et événements internationaux, notamment des Jeux olympiques, accélérèrent l’effondrement de l’apartheid. La lutte se poursuit  et l’une des principales mesures internationales qui y contribuèrent fut l’adoption de sanctions contre l’Afrique du Sud de l’apartheid.

Le rôle des tribunaux

13.Le système judiciaire sud‑africain n’a pas joué un rôle significatif dans la défense des droits de l’homme en général, et des droits des Noirs en particulier. Alors qu’au début du XXe siècle, beaucoup avaient espéré que les tribunaux empêcheraient peut-être le nouvel État sud‑africain, institué par l’Union d’Afrique du Sud, de priver les Noirs du Cap et du Natal du droit de vote limité dont ils jouissaient, le judiciaire renonça finalement à limiter les pouvoirs de l’exécutif et du Parlement réservé aux Blancs.

14.Les tribunaux ne furent pas capables de faire appliquer les normes relatives aux droits de l’homme lorsqu’ils furent confrontés à diverses formes de discrimination raciale qui constituaient de graves violations de la dignité des Noirs. Les juristes renoncèrent même à défendre des membres du barreau lorsque les avocats noirs se virent refuser l’accès aux chambres instituées à l’usage des membres de la profession. Un président du tribunal, le défunt Ismail Mahomed, fut l’une des victimes de ce type de traitements indignes. Les tribunaux refusèrent, même face à des protestations, d’autoriser les Blancs et les Noirs à assister ensemble aux audiences.

15.La justice administrative et le droit du travail sont sans doute les seuls domaines dans lesquels les tribunaux essayèrent timidement d’intervenir pour la défense des droits de l’homme. En matière de justice administrative, certaines affaires portèrent sur la détention sans jugement. Celles concernant le droit du travail portèrent sur les licenciements abusifs. Par ailleurs, les tribunaux utilisèrent le droit romain néerlandais pour interpréter le droit coutumier africain, au grand détriment de ce système de droit et des droits des femmes et des enfants africains.

La chute de l’apartheidofficiel

16.La lutte multiforme s’intensifia. La création du Front démocratique uni (United Democratic Front) en 1983 marqua une utilisation créative du juridique visant à compléter la lutte armée. Les sanctions et d’autres formes de pressions vinrent appuyer les efforts du peuple sud‑africain. Cela conduisit finalement aux premières étapes du processus de démocratisation, marqué par la libération de Walter Sisulu et d’autres dirigeants politiques emprisonnés pendant presque trois décennies. Lorsque Nelson Mandela sortit de prison en 1990, la situation était mûre pour l’ouverture de négociations officielles avec les dirigeants du mouvement de libération.

17.Ce processus fut officialisé dans le cadre de négociations multipartites, appelées «Convention pour une Afrique du Sud démocratique» (CODESA), qui se déroulèrent à Kempton Park, dans la province de Gauteng. La CODESA se déroula en deux phases et ouvrit la voie au Conseil exécutif de transition qui supervisa la transition vers les premières élections démocratiques non raciales en 1994. Le Conseil fut également chargé d’établir la Constitution intérimaire.

18.La Constitution intérimaire sud‑africaine en 1993 (loi no 200 de 1993) institua une démocratie constitutionnelle en Afrique du Sud; elle servit ensuite de fondement à l’établissement, à la promotion et à la protection des droits de l’homme, notamment au respect du principe d’égalité.

19.Durant la période qui précéda les élections de 1994, certaines des lois qui fondaient la ségrégation raciale et les privilèges et privaient les Noirs des possibilités élémentaires et des droits de l’homme ont été abrogées.

L’HÉRITAGE SOCIAL DU RACISME LÉGAL

20.Lorsque le premier gouvernement non racial élu de manière véritablement démocratique prit ses fonctions en 1994, un grand nombre de lois fondées sur la suprématie blanche et l’infériorité noire avaient été abrogées. Toutefois, les conséquences sociales de ces lois et politiques appliquées pendant des décennies continuent à définir le paysage économique, social et culturel de l’Afrique du Sud. De flagrantes inégalités économiques et sociales fondées sur des critères raciaux font encore partie de la vie en Afrique du Sud, où la plus grande partie du pays reste en possession des Blancs, bénéficiaires de la loi sur les terres autochtones de 1913 (Natives Land Act). Tous les autres indicateurs économiques et sociaux, notamment le contrôle de l’économie et la répartition des revenus, l’accès à l’emploi et d’autres possibilités offertes aux individus, sont encore définis selon des critères raciaux. La domination culturelle de la minorité blanche trouve son expression dans le système de valeurs qui alimente les médias sous toutes leurs formes. De nombreux aspects de la réalité sociale du pays ont été influencés par des mentalités produites par l’apartheid.

21.La réalité forgée par les politiques et les lois décrites ci-dessus constitue un défi majeur pour la jeune démocratie constitutionnelle de l’Afrique du Sud, notamment pour ce qui concerne le respect de ses obligations découlant de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci‑après dénommée «la Convention») et d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme tels que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et la Déclaration universelle des droits de l’homme.

22.Les auteurs de la Constitution étaient conscients du fait que si l’égalité est l’un des principaux piliers du nouvel ordre démocratique établi par cet instrument, il s’agit dans de nombreux cas d’un objectif à atteindre, car une discrimination structurelle et systémique persiste selon les habitudes historiques inscrites dans l’héritage social du colonialisme et de l’apartheid. La réalisation de l’égalité est l’un des principes fondamentaux de la Constitution. Les auteurs de la Constitution ont accordé une telle importance au respect de l’égalité et à l’élimination de la discrimination que cet instrument prévoit des lois impératives visant à promouvoir l’égalité et à lutter contre les discriminations injustes, qui devront être appliquées, dans un délai de trois ans. Cette exigence a été satisfaite grâce à l’adoption de la loi sur la promotion de l’égalité et la prévention de la discrimination (Promotion of Equality and Prevention of Discrimination Act) (loi no 4 de 2000), qui est commentée en détail dans le présent rapport. Il s’agit également du principal texte de loi visant à intégrer, bien qu’avec certaines lacunes, la Convention dans le droit interne de l’Afrique du Sud.

23.Les services publics et les services connexes de l’État ont également constitué un problème majeur pour l’application de la Convention. Le gouvernement démocratique a hérité d’un système fragmenté de prestation des services publics, notamment d’infrastructures, de lois et de systèmes compartimentés façonnés pour préserver la suprématie et les privilèges des Blancs. Il a fallu refondre et réorganiser ce système ces dernières années afin de le réorienter vers la satisfaction des besoins de tous les individus indépendamment de leur race. Le gouvernement démocratique a hérité de fonctionnaires et de magistrats qui ont été formés par l’État d’apartheidet qui lui demeurent dans une large mesure fidèles. Il a fallu les amener à accorder leur système de valeurs avec la nouvelle Constitution et avec les normes internationales relatives aux droits de l’homme.

24.Toutefois, comme l’indique le présent rapport, cette réorientation a rencontré une certaine résistance, particulièrement dans l’appareil judiciaire. Le personnel judiciaire en poste avant 1994 a été reconduit dans ses fonctions sans devoir prêter serment d’allégeance à la nouvelle Constitution, alors que ces mêmes personnes avaient prêté serment de fidélité à la Constitution de l’apartheid, qui reposait ouvertement sur le racisme.

25.Le dispositif de mise en œuvre a été renforcé par la création d’institutions d’État chargées d’appuyer la démocratie, dont un bon nombre ont été établies au titre du chapitre 9 de la Constitution. Les principales institutions intéressant particulièrement la réalisation des objectifs de la Convention, sont notamment la Commission sud‑africaine des droits de l’homme, la Commission de l’égalité des sexes, l’Autorité indépendante des communications d’Afrique du Sud, la Commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques, et la fonction de Défenseur des droits du citoyen.

STRUCTURE DU RAPPORT

26.Conformément au format de présentation prévu par la Convention, le présent rapport décrit brièvement le contexte dans le cadre duquel la Convention doit être appliquée dans le pays. À cet égard, le rapport attire l’attention sur les réalités du racisme et de la discrimination raciale résiduels en Afrique du Sud, héritage des injustices institutionnalisées du passé. Il esquisse brièvement les principales mesures prises depuis 1994 pour éliminer le racisme et la discrimination raciale du présent, tout en prévenant de nouveaux actes de cette nature, conformément à la Convention et à la Constitution de l’Afrique du Sud. Le rapport traite également des nouveaux problèmes en matière de racisme et de discrimination raciale, et des réponses apportées à ceux‑ci.

27.Le rapport présente les principaux obstacles qui entravent les mesures visant à réaliser les objectifs de la Convention et des instruments connexes relatifs aux droits de l’homme, tout en faisant apparaître la volonté inflexible d’instaurer une démocratie non raciale fondée sur les droits de l’homme et les mesures concrètes qui sont prises pour surmonter ces obstacles. Lorsque cela est utile, le rapport met en évidence les lacunes des mesures qui ont déjà été adoptées en application de la Convention et l’action qui est menée pour combler lesdites lacunes.

28.Le rapport suit la présentation de la table des matières, qui est conforme au plan de la Convention.

29.À propos de chaque article, est examiné le cadre de politique générale dans lequel les dispositions de la Convention sont mises en application. Dans la plupart des cas sont d’abord présentées les dispositions pertinentes de la Constitution et une brève esquisse des lois nationales et des arrangements administratifs. Lorsque cela est utile, on offre des exemples succincts d’incidents à caractère racial et de la jurisprudence relative à l’égalité qui se développe peu à peu dans les tribunaux sud‑africains. On mentionne également certaines activités importantes de l’État et de la société civile visant à atteindre les objectifs définis dans la Convention.

II. INFORMATIONS RELATIVES AUX ARTICLES 1 À 7DE LA CONVENTION

ARTICLE PREMIER: LE CONCEPT DE DISCRIMINATION RACIALE

Cadre politique de l’élimination de la discrimination

30.Le cadre politique de l’élimination de la discrimination raciale en Afrique du Sud est défini par la nouvelle Constitution du pays et par un certain nombre de textes de loi qui ont été récemment adoptés pour donner effet à la Constitution. À cet égard, les textes principaux sont notamment la loi no 4 de 2000 sur la promotion de l’égalité et la prévention de toute discrimination injustifiée (Promotion of Equality and Prevention of Unfair Discrimination Act) (ci‑après dénommée loi sur la promotion de l’égalité), qui est entrée partiellement en vigueur le 1er septembre 2000, la loi no 55 de 1998 sur l’égalité en matière d’emploi (Employment Equity Act), entrée en vigueur le 9 août 1999 et la loi no 5 de 2000 sur le cadre pour la passation de marchés à des conditions préférentielles (Preferential Procurement Policy Framework Act), entrée en vigueur le 3 février 2000. L’intégration des concepts d’égalité et de non‑discrimination dans la Constitution et les lois a pris en considération la Convention et d’autres instruments internationaux relatifs à l’élimination de la discrimination et à la réalisation de l’égalité.

31.Les alinéas a et b de l’article premier de la Constitution disposent que:

«La République d’Afrique du Sud est un État indivisible, souverain et démocratique, fondé sur les valeurs suivantes: la dignité humaine, la recherche de l’égalité et la promotion des droits de l’homme et des libertés, le refus du racisme et du sexisme.».

La disposition relative à la recherche de l’égalité doit être mise en perspective en tenant compte de l’héritage des inégalités structurelles endémiques en Afrique du Sud, fondées principalement sur les critères de race et de sexe héritées de la discrimination institutionnalisée par le colonialisme et, ensuite, par l’apartheid. Tenant compte de ce passé, les auteurs de la Constitution ont défini l’égalité comme une aspiration plutôt que comme une réalité. L’accent mis sur les valeurs de refus du racisme et du sexisme est également une façon de faire face à l’histoire et à l’héritage de discrimination institutionnalisée du pays.

32.Conformément aux termes de la Convention, le cadre national de l’action politique interdit aussi bien les formes directes qu’indirectes de discrimination et préconise leur élimination. La Constitution et la législation qui en découle reflètent la conscience du fait que la discrimination peut être de facto ou de jure. Par ailleurs, la discrimination est associée à la privation du plein exercice de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés dans des conditions d’égalité. L’article 9 de la Constitution dispose que:

«1)Tous les individus sont égaux devant la loi et ont droit à une protection et à une jouissance égales de la loi;

2)La notion d’égalité inclut le plein exercice, dans des conditions d’égalité, de toutes les libertés et de tous les droits. Pour promouvoir l’égalité, des mesures législatives et autres peuvent être prises afin de protéger ou de promouvoir des personnes ou des catégories de personnes défavorisées par une discrimination injuste;

3)L’État ne peut soumettre quiconque à une discrimination injuste, directe ou indirecte, fondée sur un ou plusieurs des motifs suivants: la race, le sexe, la grossesse, la situation matrimoniale, l’origine ethnique ou sociale, la couleur de la peau, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, la religion, la conscience, la croyance, la culture, la langue ou la naissance;

4)Nul ne peut soumettre quiconque à une discrimination injuste, directe ou indirecte, fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés au paragraphe 3;

5)Toute discrimination fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés au paragraphe 3 est injuste à moins qu’il soit établi qu’elle est justifiée.».

33.Pratiquement toutes les dispositions qui constituaient des discriminations de jure ont été supprimées de la législation sud‑africaine. La principale difficulté à laquelle se heurte l’application de la Convention est la discrimination résiduelle, qui est généralement de facto et indirecte. La Constitution, et les lois et politiques visant à donner effet à ses dispositions relatives à l’élimination de la discrimination et au respect de l’égalité constituent ensemble le cadre nécessaire pour y parvenir. La Constitution relève également le défi que représentent les conjonctions de discriminations. Par exemple, la situation des femmes africaines a tendance à être aggravée par la conjonction des discriminations liées à la race et au sexe. Des facteurs tels que le handicap, l’âge et la situation matrimoniale renforcent également la discrimination endurée par les victimes de la discrimination raciale. La Constitution, les textes de lois et les politiques visant à leur donner effet prescrivent et assurent l’interdiction et l’élimination d’autres formes de discrimination ainsi que la discrimination fondée sur une conjonction de motifs.

Le concept sud-africain de discrimination injuste

34.Comme il apparaît dans les sections précédentes, la terminologie relative à la discrimination est un peu différente de celle utilisée dans la Convention. La Constitution sud‑africaine et les lois sur la promotion de l’égalité et sur l’égalité en matière d’emploi font une distinction entre discriminations juste et injuste. Seule la discrimination injuste est interdite. Malgré cette différence, le résultat est le même que celui de la Convention. Le cadre politique sud-africain interdit et tend à éliminer les formes illégitimes de distinction, d’exclusion ou de préférence. La distinction, la classification, l’exclusion ou la préférence lorsqu’elles sont légitimes, sont autorisées en Afrique du Sud, comme dans la Convention. Les éléments pris en compte pour déterminer si un acte ou des circonstances constituent une discrimination injuste en Afrique du Sud sont similaires à celles qui sont utilisées par des juridictions comparables dans d’autres pays.

Approche adoptée par les tribunaux

35.Les tribunaux sud-africains se sont principalement fondés sur les dispositions de la clause limitative énoncée dans la Constitution pour déterminer les circonstances dans lesquelles différentes formes de distinction, de classification, d’exclusion ou de préférence sont légitimes, par opposition à celles qui constituent une discrimination injustifiée. L’affaire Harksen v.Lane NO and Another (1998(1)SA 300(CC)) est instructive à cet égard. Comme l’a montré cette affaire, les enquêtes ont porté essentiellement sur le caractère raisonnable et justifiable de toute limitation du droit à l’égalité dans une société ouverte et démocratique fondée sur la dignité humaine, l’égalité et la liberté. Les facteurs pris en considération ont notamment été les circonstances, la nature du droit considéré, l’importance et le but de la limitation, la nature et l’étendue de cette limitation, le rapport entre la limitation et son but, et l’existence de moyens moins restrictifs. Compte tenu de l’histoire de l’Afrique du Sud en matière de violation de la dignité humaine, cette dernière, bien qu’elle constitue un droit en soi, a été considérée comme l’un des facteurs à prendre en compte pour déterminer si un acte ou des circonstances constituent une discrimination injustifiée. Une fois encore, l’affaire Harksen est instructive à cet égard.

36.La loi sur la promotion de l’égalité adopte une démarche comparable qui comprend l’exemption des actes qui font des différences raisonnables et justifiables entre les personnes, en fonction de critères objectifs et intrinsèques à l’activité concernée. La définition de la discrimination inscrite dans la loi est comparable à celle énoncée au paragraphe 1 de l’article premier de la Convention. La loi définit la discrimination comme étant «tout acte ou omission, y compris toute politique, loi, règle, pratique, condition ou situation, qui, directement ou indirectement:

a)Impose une charge, des obligations ou des désavantages;

b)Prive de certains bénéfices, possibilités ou avantages, toute personne en se fondant sur un ou plusieurs des motifs proscrits».

Cette disposition doit être lue parallèlement à l’article 13, qui prévoit que la discrimination fondée sur un ou plusieurs des critères proscrits doit être présumée comme étant injuste à moins que le défendeur ne puisse apporter la preuve du contraire. Cette disposition s’inspire de l’article 9, paragraphe 5 de la Constitution, qui stipule que «toute discrimination fondée sur un ou plusieurs des motifs proscrits énumérés au paragraphe 3 est injuste à moins que l’on puisse établir la preuve du contraire». L’article 11 de la loi sur l’égalité en matière d’emploicontient une disposition similaire.

La protection des non‑citoyens contre la discrimination raciale

37.La Constitution sud-africaine reconnaît de manière générale le droit de tous, y compris les non‑citoyens, au plein exercice de tous les droits de l’homme. Toutefois, quelques‑uns des 35 droits fondamentaux consacrés dans la Constitution sont exclusivement réservés aux citoyens. Il s’agit notamment des droits, privilèges et avantages de la citoyenneté, ainsi que des responsabilités qui s’y attachent (art. 19). Il s’agit également des droits relatifs à la liberté d’exercer une activité commerciale, un emploi et une profession (art. 22). Les tribunaux ont reconnu des limitations légitimes de l’exercice égal des droits de l’homme par les non‑ressortissants fondées sur l’article 36, c’est-à-dire la clause limitative.

38.Bien que la nationalité ne soit pas un motif de discrimination interdit par la Constitution, une grande latitude est permise pour la considérer comme l’un de ceux qui sont énumérés dans la liste. Les motifs pour lesquels s’est établie une jurisprudence sont notamment l’origine ethnique ou sociale, la naissance et la nationalité, laquelle ne figure pas dans la liste. La nationalité est l’un des motifs énumérés dans la loi sur l’égalité en matière d’emploi.Par contre, la nationalité figure parmi les motifs additionnels possibles énumérés dans la loi sur la promotion de l’égalitéqui pourront faire l’objet d’une enquête, dans un délai d’un an, menée par le Comité de contrôle de l’égalité.

39.Dans le document l’affaire concernant l’homologation du texte amendé de la Constitution de la République d’Afrique du Sud, 1996 1997(1) BCLR 1(CC), la Cour constitutionnelle a été appelée à statuer sur une disposition qui garantissait à «tout citoyen» la possibilité de «choisir librement son métier ou profession». L’argument était que cette disposition excluait les non‑ressortissants de l’Afrique du Sud. Cependant, après examen des instruments internationaux, notamment de l’article premier, paragraphe 3 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Cour a estimé que ces instruments n’exigent pas que les citoyens et les non-citoyens bénéficient d’un traitement égal en ce qui concerne le droit de choisir librement une profession. En d’autres mots, la Cour a estimé que cette discrimination était justifiée conformément à l’article 9, paragraphe 5 de la Constitution, d’autant plus que l’exclusion ne visait pas une nationalité particulière (conformément à l’alinéa 3 de l’article premier de la Convention).

40.Le cadre juridique de l’Afrique du Sud concernant la citoyenneté a été aligné sur les dispositions de l’alinéa 2 de l’article premier de la Convention. Auparavant, il était assez facile aux personnes d’origine européenne d’obtenir la nationalité sud‑africaine, alors qu’il était pratiquement impossible aux étrangers africains de l’obtenir. Toutefois, la discrimination résiduelle, manifeste dans les pratiques des fonctionnaires de la police et de l’intérieur, a pour effet que les non-ressortissants d’origine africaine risquent plus d’être victimes de harcèlement que les non-ressortissants originaires d’autres continents, particulièrement ceux d’ascendance européenne.

Mesures spéciales pour la promotion de certaines catégories de personnes

41.La Constitution sud‑africaine prévoit que des mesures législatives et autres peuvent être adoptées pour protéger ou assurer le progrès de certaines personnes ou catégories de personnes défavorisées par une discrimination injuste. Cette disposition est conforme à l’article premier, paragraphe 4 de la Convention, qui prévoit que des mesures spéciales peuvent être prises à seule fin d’assurer comme il convient le progrès de certains groupes raciaux ou ethniques, ou d’individus ayant besoin de la protection qui peut être nécessaire pour leur garantir la jouissance et l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans des conditions d’égalité. La Constitution sud‑africaine vise ici spécifiquement les victimes d’une discrimination injuste et envisage les mesures visant à les mettre sur un pied d’égalité avec les autres personnes en matière d’exercice des droits de l’homme dans une perspective d’égalité et non comme une déviation tolérée du principe d’égalité, comme c’était le cas dans la Constitution intérimaire de 1993.

42.La loi sur la promotion de l’égalité prévoit de prendre des mesures préférentielles pour assurer le progrès de tout groupe ou de toute personne défavorisés par une discrimination injuste commise pour l’un des motifs prévus par cette loi, en accordant la priorité aux personnes soumises à une discrimination injuste au motif de la race, du sexe ou d’un handicap. Cette disposition tient compte du fait que la discrimination structurelle et systématique d’aujourd’hui reflète principalement les lois et politiques discriminatoires de l’époque coloniale et de l’apartheid, lesquelles exerçaient une discrimination fondée surtout sur l’un ou plusieurs de ces motifs.

43.D’autre part, la loi sur l’égalité en matière d’emploi ainsi que le Livre blanc sur la réforme des services publicset le Livre blanc sur la discrimination positivedans les services publics, désignent spécifiquement les Noirs (terme générique désignant les Africains, les Métis et les Indiens), les femmes et les handicapés comme les groupes cibles de mesures préférentielles à finalité progressiste. Le cadre politique de la transformation des services publics comprend également des mesures préférentielles visant à répartir équitablement les services entre les personnes qui ont été historiquement privilégiées ou défavorisées dans le pays. Cette idée est exposée dans le document intitulé «Batho Pele: Livre blanc sur la réforme de la prestation des services publics». Ces politiques sur l’égalité d’accès à l’emploi et l’égalité en matière de services sont inscrites dans la Constitution, et plus spécifiquement dans l’article 195, paragraphe 1 du chapitre 10, qui traite des valeurs et des principes fondamentaux régissant l’administration publique.

44.La mise en œuvre de mesures préférentielles pour assurer le progrès des Noirs, des femmes et des handicapés dans les services publics s’est traduite par une augmentation de la proportion de Noirs et de femmes occupant des postes de direction, qui a atteint respectivement 50 % et 33 %, les femmes noires restant moins nombreuses que les blanches. Les objectifs définis dans les Livres blancs sur la transformation des services publics et sur la discrimination positive dans les services publics, qui doivent être révisés tous les trois ans, étaient respectivement de 50 % et 30 % pour l’un et l’autre groupe, avant l’an 2000.

Quelques indicateurs de la discrimination raciale systémique résiduelle

45.La représentation des Noirs parmi les propriétaires, les cadres et les postes de contrôle et les postes clefs du secteur privé ne s’est pas améliorée sensiblement depuis le début du processus de démocratisation. Les hommes blancs, qui constituent environ 7 % de la population adulte du pays, contrôlent pratiquement tous les secteurs d’activité commerciale. Ils dominent également les professions libérales et les organes qui contrôlent les différents secteurs professionnels. C’est le cas de secteurs tels que la finance (y compris les assurances), l’ingénierie, la science, la médecine et les professions juridiques. Les Noirs et les Africains en particulier, sont surreprésentés dans les statistiques du chômage et des emplois marginaux. En Afrique du Sud, les emplois à bas salaire et subalternes sont pratiquement tous occupés par des Africains. Par exemple, les emplois domestiques, qui occupent un million de travailleurs, sont exclusivement occupés par des femmes africaines et les travaux agricoles emploient majoritairement des Noirs. Les travaux domestiques et agricoles sont des emplois mal payés et très peu protégés par la loi.

46.Le Rapport sur la pauvreté, auquel il est fait référence précédemment, indique que les femmes noires constituent la majorité des personnes vivant dans la misère. Cette étude a également montré qu’il existe une corrélation entre la pauvreté et la vulnérabilité à de nombreuses maladies, notamment au VIH/sida, ainsi qu’entre la pauvreté et l’exposition à la violence, notamment à la violence familiale, au viol et au meurtre. Suite à cette étude, un rapport mondial sur le développement humain a confirmé que l’Afrique du Sud est l’une des sociétés les plus inégalitaires du monde et que les inégalités y sont fortement liées à la race et au sexe.

47.La situation des familles dirigées par des femmes noires est compliquée. Les femmes noires sont à la tête des trois quarts des 50 % de familles monoparentales vivant au‑dessous du seuil de pauvreté en Afrique du Sud. Une des principales causes de ce problème est le système d’exploitation des travailleurs migrants qui a constitué un pilier de la politique du marché de l’emploi sud‑africain depuis la découverte de minerais tels que l’or et le diamant. Depuis 1994, diverses mesures légales et administratives ont été prises afin d’améliorer l’exercice des droits de l’homme des travailleurs migrants, notamment des migrants provenant des pays voisins, membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA). Les principaux résultats obtenus dans ce domaine sont les mesures visant à favoriser l’intégration des familles en assouplissant les lois sur les migrations et en améliorant l’offre de logements familiaux. Les travailleurs migrants séjournant dans le pays depuis plus de cinq ans ont également été autorisés à voter lors des premières élections démocratiques et non raciales organisées en Afrique du Sud.

48.La mise à disposition de logements familiaux en vue de faciliter le regroupement des familles des travailleurs migrants en Afrique du Sud pose un problème majeur en raison de la pénurie de logements et de terrains, qui est l’une des inégalités sociales les plus marquantes dont le nouveau gouvernement démocratique a hérité de l’apartheid. Des millions d’Africains ont perdu terres et logement par suite de la loi de 1913 sur les terres autochtones et d’autres lois et politiques similaires et nombre d’entre eux sont encore dans cette situation. L’action du gouvernement face à ce problème doit tenir compte d’autres difficultés socioéconomiques, qui sont notamment l’énorme dette extérieure héritée de l’apartheid, l’enseignement au rabais dispensé aux Noirs, l’analphabétisme massif qui touche en particulier les femmes africaines des zones rurales, les problèmes sanitaires, notamment les problèmes liés à la pandémie de VIH/sida, et les problèmes liés à la malnutrition et à des maladies curables telles que le paludisme, l’hypertension, la tuberculose et différentes formes de cancer, les taux élevés de mortalité maternelle et infantile parmi la population africaine des zones rurales, l’approvisionnement en eau salubre, en électricité et autres formes d’énergie des communautés rurales africaines, les graves pénuries de main-d’œuvre qualifiée, qui touchent principalement les Noirs en raison du sous‑développement délibéré de la population noire durant l’époque coloniale et l’apartheid, et le chômage massif, surtout parmi la population africaine.

49.Le système éducatif, qui fut l’une des pierres angulaires du système de l’apartheid, souffre encore de nombreuses aberrations raciales institutionnalisées durant l’apartheid. Au cours des six dernières années, diverses tentatives coordonnées ont été faites pour éliminer les séquelles de l’apartheid. Outre l’imposition aux enfants africains d’un système éducatif idéologiquement inférieur et ségrégationniste, dit d’«enseignement bantou» créé à seule fin de les préparer à occuper une place inférieure dans la société, le sous‑développement de la population noire a été renforcé par l’inégalité choquante des dépenses de l’État réparties entre les enfants noirs et blancs. En 1994, pour chaque rand dépensé pour un enfant noir, l’État en déboursait quatre pour un enfant blanc.

50.D’autres disparités choquantes de ce type ont été héritées dans le domaine de la sécurité sociale. Pendant de nombreuses années, presque tous les emplois subalternes à bas salaire occupés par la population noire n’étaient pas couverts par la sécurité sociale, y compris en matière de retraite. En revanche, le montant des retraites versées par l’État était défini en fonction de la race, les Africains ne recevant qu’une fraction de ce qui était versé aux Blancs. La subvention versée par l’État aux mères seules était totalement inaccessible aux femmes africaines. La nouvelle législation a remédié à cette anomalie, mais le retard accumulé obère lourdement les finances de l’État.

51.Le contexte dans lequel sont appliquées les dispositions relatives à l’interdiction et à l’élimination de la discrimination injustifiée est le suivant: en raison des séquelles des disparités raciales décrites plus haut, la discrimination raciale est en grande partie une conséquence accidentelle plutôt que le résultat d’une démarche délibérée. Au quotidien, les dispositions non racistes concernant l’accès à des prêts bancaires, au logement et à l’éducation, notamment à l’enseignement supérieur, donnent quand même lieu à une discrimination raciale en exploitant et en perpétuant des caractéristiques du système d’inégalité raciale découlant des privilèges et de l’exclusion qui avaient cours à l’époque coloniale et de l’apartheid. Par exemple, les banques exigent une garantie, généralement sur un bien immobilier, pour accorder un prêt commercial ou un prêt pour études. En raison des désavantages accumulés par suite de l’apartheid et du colonialisme, la majorité des Noirs, et en particulier des Africains, n’a pas accès à ce type de prêt, ce qui est une conséquence «accidentelle» du passé. En revanche, les Blancs usent du pouvoir social qu’ils ont accumulé durant l’apartheid et la période coloniale pour définir les règles du commerce, notamment en matière de prêts, en fonction de leur situation et pour satisfaire aux conditions qui en résultent, telles que les garanties sur biens fonciers ou d’autres formes de capital accumulé principalement grâce aux privilèges issus de l’apartheid et de l’époque coloniale.

52.Toutefois, le cadre juridique, tel qu’il est défini en particulier dans la loi sur la promotion de l’égalité, vise également à répondre aux plaintes des victimes de comportements ouvertement racistes et à leur offrir des voies de recours. Les problèmes comportementaux liés au concept de suprématie et d’infériorité raciales n’ont pas disparu soudainement du paysage social sud‑africain lorsque le pays s’est doté d’une Constitution progressive et non raciste. Toutefois, dans les rapports sociaux quotidiens courants, les sentiments racistes sont rarement exprimés ouvertement. Les attitudes discriminatoires prennent généralement des formes subtiles et indirectes. Par exemple, l’ostracisme bancaire frappant les quartiers à majorité noire en matière de prêts est un problème complexe car les banques peuvent prétendre avoir pris en considération le risque d’investir dans de tels quartiers, et non la couleur de leurs habitants.

Exemples de racisme flagrant

53.Dans les villes rurales et en particulier dans les fermes et dans certaines entreprises conservatrices, la situation est différente. Les travailleurs et les passants sont soumis à des formes directes, brutales et cruelles de racisme. Les journaux abondent d’articles évoquant le meurtre de travailleurs agricoles où des agressions physiques ou verbales brutales accompagnées de termes racistes tels que «kaffirs», «boobejan», «kaffirmaid», «bosman», etc. Un certain nombre de ces affaires ont récemment choqué l’opinion en Afrique du Sud. L’un d’eux concernait un fermier qui, suite à un désaccord avec un Noir, l’avait agressé et attaché à son camion avec lequel il avait traversé le village jusqu’à ce que l’homme finisse par mourir, déchiqueté. Un autre article concernait un fermier blanc qui avait complètement déshabillé et recouvert d’une peinture blanche toxique un Noir qui serait «entré par intrusion dans sa propriété» avant de l’exhiber en public. Depuis lors, le même acte a été commis par un commerçant qui reprochait à une adolescente de 15 ans d’avoir volé des petites culottes.

54.Selon un autre article, un pompiste avait été agressé par Eugene Tereblanche, un dirigeant d’un parti politique conservateur réservé aux Blancs, appelé l’AWB. Incidemment, ce parti avait aussi essayé sans succès de perturber violemment les négociations qui permirent à l’Afrique du Sud d’opérer pacifiquement sa transition vers la démocratie. Un grand nombre de ces incidents ne sont pas signalés car les travailleurs agricoles craignent des représailles, notamment de nouvelles agressions ou des expulsions.

55.Les travaux d’une conférence nationale sur le racisme organisée en août 2000 ont fait apparaître les incidents violents de ce type au détriment de travailleurs agricoles qui étaient encore plus nombreux que ne le laissaient supposer les plaintes. Un autre élément a été évoqué pour expliquer la rareté des plaintes. On a constaté que les organes chargés de faire appliquer les lois dans les régions éloignées du pays agissaient souvent en collusion avec les agresseurs et étouffaient les affaires impliquant des brutalités à l’encontre des travailleurs agricoles. Cela a été confirmé par le rapport des auditions publiques sur le racisme organisées avant la conférence par la Commission sud‑africaine des droits de l’homme dans les différentes provinces du pays. On a ensuite estimé que l’existence éventuelle d’un lien entre les brutalités commises à l’encontre de travailleurs agricoles et le meurtre de fermiers blancs, question qui est devenue un grave problème national, nécessiterait d’être examinée dans le détail.

Cadre politique en vue de l’élimination de la discrimination et de l’application de la Convention

56.Grâce aux dispositions pertinentes de la Constitution, en particulier de l’article 9, ainsi qu’aux dispositions fondamentales et à l’ensemble de la Charte des droits, à la loi sur la promotion de l’égalité, à la loi sur l’égalité en matière d’emploi et à la loi sur le cadre politique pour la passation de marchés à des conditions préférentielles, l’Afrique du Sud dispose d’un cadre politique national très complet pour assurer l’élimination de la discrimination raciale sous toutes ses formes. Le cadre constitutionnel et législatif est complété par les Livres blancs sur la réforme des services publics, sur la discrimination positive et sur le programme de reconstruction et de développement.

57.La loi sur la promotion de l’égalité prévoit expressément, parmi ses objectifs, d’intégrer dans le droit interne les dispositions d’instruments internationaux tels que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le cadre législatif met en œuvre un ensemble de mesures passives et préférentielles visant à réaliser une égalité de facto permettant à tous de bénéficier également du développement social, indépendamment des différences raciales ou ethniques. Les discriminations à caractère racial occupent une place prioritaire parmi les dispositions antidiscriminatoires énoncées au chapitre 2 et les dispositions relatives à la promotion de l’égalité énoncées au chapitre 5. Le cadre prévoit également des recours et des mécanismes spéciaux de règlement des conflits pour garantir le respect des droits définis par la Convention et par les lois internes pertinentes. Dans les sections suivantes, on examinera dans quelle mesure les différentes dispositions de la Convention sont mises en application.

ARTICLE 2:MESURES TENDANT À ÉLIMINER LES DISCRIMINATIONS ET À PROMOUVOIR L’ÉGALITÉ

Condamnation par l’État et engagement à éliminer la discrimination raciale

58.Dans le préambule de la nouvelle Constitution, le peuple sud‑africain proclame d’emblée son aversion pour les injustices du passé (c’est‑à‑dire les injustices de l’époque coloniale et du régime d’apartheid) et sa détermination «… à surmonter les divisions du passé et instaurer une société fondée sur les valeurs démocratiques, la justice sociale et les droits de l’homme fondamentaux», et dans laquelle «… tous les citoyens jouissent d’une protection égale de la loi».

59.Conformément au paragraphe 1 de l’article 2 de la Convention, la Constitution prohibe toute forme de discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un ou plusieurs motifs, parmi lesquels la race, l’appartenance sexuelle, le sexe, la grossesse, la situation matrimoniale, l’origine ethnique ou sociale, la couleur, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, la religion, la conscience, la croyance, la culture, la langue et la naissance. Tant l’État que les particuliers doivent s’abstenir de commettre une discrimination injuste (art. 9, par. 3 et 4). Le paragraphe 4 de l’article 9 dispose en outre que la législation nationale doit être établie pour prévenir ou interdire toute discrimination injuste.

60.Conformément au paragraphe 4 de l’article 9, deux textes de loi ont été adoptés, qui tous deux proscrivent la discrimination raciale et en font une des formes de discrimination à éliminer prioritairement. Ces textes sont la loi sur l’égalité en matière d’emploi (Employment Equity Act), qui s’applique au secteur public seulement, et la loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act), qui prohibe la discrimination dans tous les domaines, y compris la famille et le secteur privé.

Engagement de l’État à ne pas pratiquer la discrimination raciale

61.L’engagement de l’État sud‑africain à s’abstenir de recourir à tout acte ou pratique de discrimination raciale sous‑tend la nouvelle Constitution. Parmi les principes directeurs est énoncé expressément le refus du racisme qui est l’une des valeurs essentielles de l’État démocratique sud‑africain. L’action de l’État face à la discrimination raciale est exposée beaucoup plus clairement à l’article 9, paragraphe 3 de la Charte des droits, dans les termes suivants:

«L’État ne peut pratiquer de discrimination injuste, directement ou indirectement, contre quiconque pour un ou plusieurs motifs, parmi lesquels la race…».

62.Cet engagement de l’État à ne pas pratiquer la discrimination raciale est également formulé dans la loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act) précitée. L’article 6 de cette loi, qui est l’un des éléments de la loi déjà en vigueur, dispose que «ni l’État ni aucune personne ne peuvent pratiquer une discrimination injuste à l’encontre de quiconque». L’article 5 de cette même loi est libellé comme suit:

«La présente loi s’impose à l’État et à toutes les personnes».

63.L’engagement de l’État à ne pas pratiquer la discrimination raciale est également exprimé dans d’autres textes de lois récents, dont la loi sur l’égalité en matière d’emploi (Employment Equity Act) et la loi sur les écoles sud‑africaines (loi no 84 de 1996) (South African Schools Act, 1996) et dans les textes de lois relatifs à la santé, à la protection sociale ou à la sécurité sociale, au développement de la population et aux communications. Bon nombre de ces lois, notamment la loi sur les écoles sud‑africaines, contiennent des dispositions particulières visant à éliminer les séquelles de l’apartheid dans le système éducatif. Des engagements similaires sont exprimés dans des textes de politique générale, comme le document intitulé «Batho Pele: Livre blanc sur la réforme des services publics». Le Livre blanc pour une stratégie nationale intégrée de lutte contre les handicaps vise également à combattre la discrimination raciale dans les services publics.

De la volonté politique à la pratique

64.Néanmoins, l’écart entre la volonté politique et la pratique persiste en ce qui concerne la réalisation de l’égalité de facto dans l’utilisation des services de l’État sans discrimination raciale. La plupart des personnes historiquement marginalisées sont souvent privées de ces services pour diverses raisons, liées notamment à l’accès à l’information, à la proximité, au coût et à l’attitude des prestataires de services employés par l’État. Par exemple, beaucoup de Noirs, en particulier les pauvres peu instruits, constatent que de nombreux services fournis par l’État leur restent inaccessibles pour des raisons culturelles et linguistiques. C’est le cas des institutions judiciaires où les principales langues parlées sont l’anglais et l’afrikaans et dont le cadre conceptuel repose principalement sur des situations européennes qui ont engendré le droit romain‑néerlandais.

65.En outre, les justiciables noirs se plaignent également souvent des attitudes racistes des fournisseurs de services, dont la police, les magistrats, les juges et les avocats libéraux. La Conférence sur le racisme mentionnée précédemment et les auditions publiques qui l’ont précédée ont également été l’occasion d’entendre de nombreuses plaintes sur le racisme dans le système judiciaire. Nombre de ces plaintes ont dénoncé la persistance des brutalités policières contre les Noirs, la suspicion automatique à l’égard des Noirs, le caractère discriminatoire des poursuites et des sentences et, de manière générale, les comportements racistes de la justice. Face à ces griefs, la déclaration issue de la Conférence a préconisé une accélération des mesures visant à transformer le système judiciaire.

66.L’armée est un autre secteur où l’engagement de l’État à combattre le racisme n’a pas permis, dans la réalité, d’éliminer complètement ce phénomène. Non seulement la Force de défense nationale a été accusée de racisme interne, mais il est arrivé souvent que la situation dégénère en un conflit violent. Par exemple, dans deux cas au moins, le conflit s’est aggravé jusqu’au point où des sous‑officiers noirs ont utilisé leurs armes militaires pour tuer leurs supérieurs et d’autres officiers blancs. De tels incidents sont survenus dans deux provinces.

67.Le Gouvernement a réagi rapidement aux conflits raciaux dans la Force de défense sud‑africaine. Une formation approfondie de sensibilisation à la valeur de la diversité est dispensée aux militaires en vue de favoriser l’harmonie et l’entente. En outre, le Ministère de la défense a récemment nommé une commission spéciale d’enquête sur la discrimination raciale. Le projet de rapport de cette commission a confirmé l’existence du racisme et de la ségrégation raciale dans l’armée. Il recommande entre autres l’application rapide de mesures positives pour assurer une réelle représentation des Noirs dans l’armée afin de contrebalancer le fait que le haut commandement demeure largement l’apanage des Blancs.

68.Par ailleurs, des mesures sont prises pour transformer le système judiciaire et faire évoluer les mentalités de sorte que les prestataires de services respectent la dignité de tous les êtres humains et garantissent à toutes les personnes une jouissance égale de tous les services, indépendamment de leur race. L’une des mesures les plus importantes prises par le Gouvernement depuis 1994 vise à accroître la participation des Noirs à tous les niveaux et dans toutes les institutions publiques, notamment le système judiciaire. Une autre mesure fondamentale vise à donner aux prestataires de services des cours de recyclage réguliers sous la forme d’une éducation aux droits de l’homme et d’une formation sur la diversité et l’importance du contexte social. La police, les organes de poursuites et les magistrats sont parmi les groupes concernés. Malheureusement, les efforts de réorientation déployés sont contrariés par un nombre non négligeable de magistrats en place depuis l’ancien régime, qui invoquent le concept d’indépendance des juges pour ne pas suivre les programmes de formation professionnelle axés sur la sensibilisation aux droits de l’homme et la transformation du système de valeurs en vigueur au sein du système judiciaire.

69.La création de la Cour constitutionnelle a contribué également de façon importante à la transformation des valeurs fondamentales du système judiciaire sud‑africain. Bon nombre des décisions novatrices qui ont donné corps aux dispositions constitutionnelles sur l’interdiction de la discrimination et la promotion de l’égalité ont été prises par la Cour constitutionnelle. Plusieurs affaires dans lesquelles on a tenté de traiter le problème du racisme sont présentées plus loin.

Élimination de la discrimination raciale pratiquée par des personnes ou des organisations avec le soutien ou l’aide de l’État

70.Les dispositions de l’article 9 de la Constitution relatives à l’égalité et la clause limitative énoncée à l’article 36 constituent également des mesures capitales qui dissuadent les organisations, les agents de l’État ou les particuliers de commettre des actes discriminatoires avec le soutien de l’État.

71.Les dispositions antidiscriminatoires contenues dans les textes de lois déjà cités, notamment la loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act), la loi sur l’égalité en matière d’emploi (Employment Equity Act), la loi sur les films et les publications (loi no 65 de 1996) (Film and Publications Act, 1996) ainsi que la loi sur les écoles sud‑africaines (South African Schools Act), renforcent les mesures visant à interdire et prévenir les actes discriminatoires commis par des personnes et des organisations avec l’aide ou le soutien de l’État. La loi sur les écoles sud‑africaines interdit notamment les écoles raciales privées, y compris celles qui pratiquent l’exclusion par le biais de la langue. La loi sur la promotion de l’égalité traite le problème en amont en accroissant les responsabilités des bénéficiaires de fonds ou de contrats de services publics relatives à la promotion de l’égalité. Pour cela, le chapitre 5 de la loi prévoit une hiérarchie des responsabilités dans la promotion de l’égalité.

72.Des progrès ont également été réalisés dans la lutte pour l’élimination de la discrimination raciale encouragée ou soutenue par l’État à travers la reconnaissance du droit coutumier, des lois religieuses et des chefferies traditionnelles. Les principales dispositions à cet égard sont contenues dans les articles 15, 211 et 212 de la Constitution. Des avancées ont également été enregistrées en ce qui concerne la reconnaissance des langues africaines et la diversité culturelle du pays (art. 31 et 185 de la Constitution).

73.Au plan administratif, de bons résultats ont été obtenus dans la lutte contre la discrimination raciale encouragée ou soutenue par l’État grâce aux travaux de la Commission Vérité et Réconciliation (Truth and Reconciliation Commission), aux décisions du Tribunal des litiges fonciers (Land Claims Court) et aux mesures visant à faire disparaître les brutalités policières de caractère raciste. Bien que la procédure de vérité et réconciliation porte sur les atrocités racistes commises par les forces de sécurité pendant l’apartheid, la transparence des débats a permis de tirer certains enseignements pour le comportement de la police aujourd’hui et demain.

74.Le renforcement des mesures administratives permettant d’établir les responsabilités de la police a également contribué à réduire le nombre d’actes racistes commis par des agents de l’État. Une mesure capitale à cet égard a été la création de la Direction indépendante des enquêtes (Independent Investigation Directorate) (IDC). La Direction enquête sur les plaintes concernant le comportement de la police. De nombreuses plaintes mettent en cause la corruption, la brutalité et l’attitude discriminatoire de la police, en particulier en raison de la race et du sexe. Dans le domaine de la radiodiffusion, l’Autorité indépendante de réglementation de la radiodiffusion (Independent Broadcasting Authority) (IBA), qui a été mentionnée plus haut, a joué un grand rôle dans l’élimination des émissions ayant un caractère discriminatoire lié notamment à la race. Les responsables de la protection sociale ont également pris des mesures administratives visant à éliminer les discriminations.

75.Les dispositions constitutionnelles, législatives et administratives visant à protéger les droits de l’enfant, essentiellement mises en œuvre dans le cadre du Programme d’action national sur les enfants, ont eu un effet positif sur le traitement des enfants noirs dans le domaine de la justice. Dans le passé, de nombreux mineurs étaient placés dans des prisons surpeuplées pour des raisons qui, la plupart du temps, ne justifiaient pas leur emprisonnement. Des mesures visant à établir un équilibre entre la justice et la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ont permis que de nombreux enfants n’aillent pas en prison, notamment les enfants accusés de petits délits comme le chapardage de produits alimentaires de faible valeur dans les commerces. Bon nombre de ces enfants ont été orientés vers des programmes de réadaptation ou placés dans des lieux sûrs adaptés à l’enfant et axés sur la réinsertion plutôt que sur la punition. Néanmoins, ces initiatives sont encore balbutiantes et ne s’appliquent pas encore à tous les enfants concernés.

76.Dans l’ensemble, on observe toujours un profond fossé entre la volonté politique et la pratique. Par exemple, des plaintes persistantes dénoncent la tolérance de la police à l’égard des brutalités racistes des fermiers ainsi que le caractère raciste des poursuites, des condamnations et des libérations conditionnelles. Des plaintes persistantes dénoncent également les brutalités policières et le caractère raciste de celles‑ci. Il existe encore des écoles qui pratiquent l’exclusion raciale et certaines des écoles pratiquant l’intégration raciale continuent de propager insidieusement des idées de supériorité et d’infériorité raciales. Dans un nombre important de ces écoles, les conflits interraciaux entre enfants sont fréquents, problème que le Gouvernement et la Commission des droits de l’homme de l’Afrique du Sud tentent de régler en mettant en œuvre des programmes de sensibilisation et des mécanismes de résolution des conflits. En outre, l’accessibilité, la réactivité et l’efficacité des innovations administratives mentionnées plus haut sont limitées. Le défi que le Gouvernement doit relever au cours des prochaines années est de réduire l’écart entre la volonté politique et la pratique.

Révision des politiques gouvernementales et des lois visant à éliminer la discrimination raciale

77.Depuis l’instauration du gouvernement démocratique en 1994, les lois de l’Afrique du Sud, ainsi que les principes du common law et du droit coutumier ont fait l’objet d’une révision visant à les rendre conformes à la nouvelle Constitution et à en éliminer toutes les dispositions qui, directement ou indirectement, faisaient obstacle au respect des valeurs fondamentales de la nouvelle Constitution, notamment le refus du racisme et le respect de l’égalité. Ce processus de révision n’est pas entièrement achevé, notamment en ce qui concerne la tâche difficile de déterminer les dispositions qui sont discriminatoires par leurs effets plus que par intention. Il n’en reste pas moins que beaucoup a déjà été fait. Parmi les lois déjà révisées ou promulguées dans le cadre du processus de révision, on peut citer les lois suivantes:

Loi no 84 de 1996 sur les écoles sud‑africaines ( South African Schools Act )

Cette loi abolit la ségrégation dans l’éducation et prévoit des mesures tendant à remédier aux séquelles du racisme institutionnalisé qui sévissait dans le système éducatif.

Loi no 120 de 1998 sur la reconnaissance des mariages coutumiers ( Recognition of Customary Marriages Act )

Cette loi reconnaît pleinement les mariages coutumiers et, à tous égards, leur accorde le même statut que les mariages contractés selon le droit civil. Elle abolit le statut de personnes mineures que la loi de 1927 sur l’administration des Noirs (Black Administration Act of 1927), modifiée, attribuait aux femmes mariées sous le régime du droit coutumier. Antérieurement, le droit considérait les mariages coutumiers comme des «unions» et reconnaissait aux conjointes des droits limités. Les femmes noires étaient particulièrement désavantagées car, selon l’interprétation qui en était donnée, le droit coutumier les privait du droit de posséder des biens immeubles, d’être parties autonomes à des contrats et d’hériter de membres de leur famille, y compris de leur mari et de leur père.

Amendement du projet de loi de 1998 sur le droit successoral coutumier ( Amendment of Customary law of Succession Bill, 1998)

Ce projet de loi modifie le droit coutumier en matière d’héritage tel qu’énoncé dans la loi sur l’administration des Noirs en vue de veiller à ce que les femmes noires et les enfants noirs nés hors du mariage, ainsi que les autres enfants qui ne sont pas un «aîné de sexe masculin», jouissent des mêmes droits en matière d’héritage que les enfants relevant de la loi sur la succession ab intestat (Intestate Succession Act). Ce projet de loi a été renvoyé devant la Commission des lois pour un nouvel examen.

Loi no 108 de 1991 sur l’abolition de certaines mesures foncières à caractère racial ( Abolition of Certain Racially Based Land Measures Act 108 of 1991 )

Cette loi abroge et modifie certaines lois afin d’abolir certaines restrictions fondées sur l’appartenance raciale concernant l’acquisition et la jouissance des droits fonciers et supprime progressivement les institutions et dispositions à caractère racial.

Loi nationale no 36 de 1998 sur l’eau ( National Water Act 36 of 1998 )

Cette loi réglemente la gestion des ressources hydriques du pays de manière à assurer une consommation durable de l’eau dans l’intérêt de tous les consommateurs sans discrimination raciale, contrairement à la loi de 1956 sur l’eau (Water Act of 1956) qui reposait sur l’apartheid.

Loi no 65 de 1997 portant modification de la loi sur les tribunaux des affaires de divorce ( Divorce Courts Amendment Act 65 of 1997 )

Cette loi abolit les tribunaux chargés des affaires de divorce pour les Noirs et abolit le caractère racial en vue d’établir des tribunaux de la famille unifiés et non raciaux connaissant des affaires familiales par des procédures rapides et peu coûteuses, notamment des questions concernant l’entretien, la violence familiale et la garde.

Loi no 75 de 1997 sur les conditions fondamentales d’emploi ( Basic Conditions of Employment Act 75 of 1997 )

Cette loi étend les droits en matière d’emploi aux travailleurs, historiquement marginalisés, essentiellement les Noirs, comme les employés domestiques et les ouvriers agricoles.

Loi no 103 de 1994 sur le service public ( Public Service Act 103 of 1994 )

Cette loi abolit les dispositions qui perpétuent les conséquences sociales des injustices légalisées du passé, notamment un système d’ancienneté selon lequel les fonctionnaires plus âgés bénéficiaient prioritairement de promotions tandis que les Noirs étaient exclus, en droit et en fait, des postes de direction et de la plupart des postes d’administrateur dans la fonction publique, dans les secteurs considérés comme l’apanage de la société dominante.

Loi no 18 de 1996 sur la rationalisation des lois sur la justice ( Justice Laws Rationalization Act 18 of 1996 )

Cette loi unifie les juridictions historiquement divisées selon des critères raciaux et uniformise les lois sur la justice appliquées sur tout le territoire de l’Afrique du Sud, y compris les anciens États prétendument indépendants.

Loi no 209 de 1993 sur la transition dans les collectivités locales ( Local Government Transition Act 209 of 1993 )

Cette loi abolit le caractère racial des collectivités locales et modifie les dispositions perpétuant les conséquences sociales des injustices légalisées du passé. En outre, elle prévoit un redécoupage administratif visant à éliminer toute ségrégation raciale.

78.On est conscient qu’il reste encore beaucoup à faire pour vérifier si les lois en vigueur permettent une discrimination raciale directe ou indirecte. Les aspects non encore traités de la loi sur l’administration des Noirs (Black Administration Act) font partie des sujets que le Gouvernement a classés parmi ses priorités. Cela s’inscrit dans le cadre d’un projet en cours de la Commission des lois, dit «Projet sur l’harmonisation du droit autochtone et du common law». Le Gouvernement a spécifiquement chargé la Commission des lois de mener une enquête dans le cadre d’un projet de «nettoyage des lois» («Purification of Statutes») en vue de réviser toutes les lois afin de les mettre à jour et de les rendre conformes à la nouvelle Constitution. La discrimination raciale, qu’elle soit intentionnelle ou involontaire, sera examinée dans le cadre de cette enquête.

Mesures visant à éliminer les discriminations commises par des particuliers, des groupes ou des organisations

79.Tenant compte de la réalité de l’«apartheid dans la vie privée», la Constitution précise certains droits en les subordonnant à ses autres dispositions. Dans certaines situations, la Constitution exclut expressément les comportements discriminatoires du champ d’application de ces droits. Par exemple, le droit à la liberté énoncé à l’article 16 est limité par une disposition comparable à celle relative à l’incitation à la haine figurant dans la Convention, libellée comme suit: «Ce droit ne s’étend pas a) à la propagande en faveur de la guerre; b) à l’incitation à la violence; ou c) à l’apologie de la haine fondée sur la race, l’appartenance ethnique, le sexe ou la religion, et qui constitue une incitation à causer du tort à autrui». Les droits relatifs à la liberté de religion, de croyance et d’opinion sont également précisés par les autres dispositions de la Constitution, notamment l’article 9 sur l’égalité.

80.La loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act) contient des dispositions beaucoup plus détaillées sur l’interdiction de toute discrimination qui serait le fait d’organisations et de groupes privés. Pour garantir que des personnes autres que les personnes morales n’échappent à son champ d’application, cette loi donne une définition très large des personnes. Selon l’article premier xviii) de la loi, «le mot personne désigne une personne morale, une entité autre qu’une personne morale, un groupe ou une catégorie de personnes». La loi impose également à toutes les personnes l’obligation positive d’éliminer la discrimination et de promouvoir l’égalité.

81.La loi fait de la lutte contre la discrimination raciale une priorité en ce qui concerne aussi bien l’interdiction et l’élimination de la discrimination que la promotion de l’égalité, et un de ses articles interdit spécifiquement les discriminations raciales injustes (art. 7) et donne des exemples de pratiques interdites qui constituent des formes de discrimination directe ou indirecte fondées sur la race. Beaucoup de ces exemples sont inspirés des dispositions de la Convention. Ils concernent entre autres la diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou l’infériorité raciale, l’incitation à la haine et le harcèlement raciste.

82.La loi donne également une liste illustrative de pratiques susceptibles de constituer une discrimination dans plusieurs secteurs. Cette liste non exhaustive comprend notamment les secteurs suivants: le travail et l’emploi, l’éducation, les services et prestations de santé, le logement et l’hébergement, les biens fonciers et immobiliers, les services d’assurance, les pensions, partenariats, professions et organismes, la fourniture de biens et de services, les clubs, sports et associations. La plupart de ces exemples reflètent des situations liées aux séquelles historiques de la discrimination raciale en Afrique du Sud.

83.La loi sur l’égalité en matière d’emploi (Employment Equity Act) contient également des dispositions relatives à l’élimination de la discrimination raciale par l’État, les particuliers ou les organisations. Des dispositions analogues existent dans des lois sectorielles sur la santé, y compris les régimes d’assurance‑maladie, les relations de travail et l’éducation. Par exemple, la loi de 1995 sur les relations de travail (Labour Relations Act of 1995) interdit la reconnaissance des organisations de travailleurs et d’employeurs pratiquant l’exclusion raciale. Les lois sur la sécurité sociale, telles que la loi sur l’indemnisation des travailleurs (Workers Compensation Act), ont également été modifiées afin de traiter les effets discriminatoires de l’exclusion des ouvriers agricoles et d’autres groupes de travailleurs historiquement défavorisés.

84.La loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act) est un nouveau texte de loi dont les effets ne sont pas encore visibles. Les autres textes de loi sont relativement récents. La principale avancée à ce jour a été la réduction significative de la discrimination de jure dans l’emploi, l’éducation, le logement, le sport, l’hôtellerie, la radio et la télévision, ainsi que dans les services de l’État, y compris les services de santé et de protection sociale. Toutefois, la discrimination raciale de facto qui persiste dans ces secteurs et d’autres encore demeure un gros problème. Comme il a déjà été dit, les statistiques nationales montrent que les pratiques racistes qui sévissaient dans ces secteurs du temps de l’apartheid n’ont pratiquement pas évolué.

85.L’accomplissement principal de la Constitution réside dans le fait qu’elle contient une déclaration sur le rejet collectif par l’Afrique du Sud de la discrimination raciale et de toutes les autres formes de discrimination et son engagement à instaurer l’égalité. Cette déclaration se traduit concrètement dans un processus à long terme qui est freiné par les limitations à l’application directe de la Constitution, notamment le caractère exclusif du recours constitutionnel.

Mesures visant à encourager l’intégration raciale et à contrer la ségrégation

86.La Constitution offre un cadre large dans lequel construire une Afrique du Sud racialement intégrée et éliminer les survivances de la ségrégation raciale. En vertu de la Constitution, le nombre des dispositions ou lois qui favorisaient ouvertement la ségrégation raciale a été fortement réduit. Le système d’emplois réservés dans les mines est une des dernières séquelles de la ségrégation flagrante qui ont été éliminées ces dernières années. La ségrégation flagrante a aussi largement disparu dans l’accès aux hôpitaux et aux centres médicaux, l’achat et la location de logements, les sports, les loisirs et les services judiciaires. Il existe encore ici et là des situations, notamment dans le secteur de la location de logements où des formes flagrantes d’exclusion des Noirs persistent.

87.Cependant, la ségrégation de facto est toujours largement présente dans tous les domaines de la vie sud‑africaine. Par exemple, les pratiques résidentielles continuent de refléter les dispositions de la loi sur l’habitat séparé (Group Areas Act) désormais abrogée. À l’exception du football et de la boxe, les équipes des principaux sports sont quasiment entièrement blanches, comme en témoignent le fait que l’équipe de l’Afrique du Sud qui a participé récemment aux Jeux olympiques en Australie était majoritairement composée de Blancs ainsi que la composition des équipes nationales de rugby, de criquet, de tennis et de netball. Il existe encore des clubs qui excluent les Noirs principalement sur la base de dispositions apparemment neutres. Le milieu juridique, y compris la magistrature, reste en grande partie blanc et masculin, notamment au niveau des postes de rang supérieur, malgré l’élimination de la discrimination raciale de jure.

88.En plus des lois et politiques sectorielles qui visent à éliminer la ségrégation dans l’ensemble des secteurs, la loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act) offre un cadre pour le renforcement des mesures visant à éliminer la ségrégation raciale et à favoriser l’harmonie et l’intégration raciale. Ainsi, elle comprend des dispositions visant à décourager les activités publiques exclusives sans restreindre indûment les libertés garanties par la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte des droits de l’Afrique du Sud. Ces dispositions concernent entre autres l’adhésion aux clubs, aux organisations sportives, aux associations professionnelles et aux partenariats. Elles couvrent également le secteur du logement résidentiel et locatif. Les lois relatives à l’éducation, à la santé, au développement social et au sport mentionnées plus haut constituent également un cadre de l’action pour la déségrégation raciale.

89.Le projet de loi sur le service national des jeunes (National Youth Service Bill) récemment élaboré est un autre instrument destiné à promouvoir l’intégration raciale, l’amitié et une identité nationale collective parmi les jeunes sud‑africains. Ce projet de loi prévoit la création d’un service national des jeunes dans lequel les jeunes gens participeront à diverses activités contribuant à la construction de la nation, qui favoriseront l’appréciation et l’acceptation de la diversité culturelle et le développement des compétences et permettront de réduire le nombre de jeunes chômeurs, en particulier ceux issus de milieux historiquement défavorisés.

90.Le redécoupage administratif des collectivités locales contribue de façon importante à l’intégration raciale. On est également en train de réviser le découpage des circonscriptions judiciaires et la répartition des sièges de la Haute Cour pour faire disparaître les frontières héritées de l’apartheid et intégrer les services. Les services notamment d’entretien, sont déjà intégrés dans une large mesure même si des plaintes persistantes dénoncent encore des comportements racistes. Force est de constater qu’il reste encore beaucoup à faire pour amener les mentalités à évoluer et reconnaître l’humanité de chaque individu.

91.À ce jour, diverses mesures administratives ont été mises en œuvre tant par l’État que par les organismes privés pour supprimer toute ségrégation et promouvoir l’amitié et l’harmonie entre les personnes, quels que soient leur race, leur caractère ethnique, leur origine sociale ou la couleur de leur peau. Aussi bien le Gouvernement que la société civile ont essayé de mettre les activités sportives au service de la construction nationale. Les activités culturelles, y compris la musique, la radio et la télévision, sont aussi de plus en plus utilisées pour promouvoir l’identité nationale collective. Plusieurs programmes de sensibilisation ont été lancés dans le système éducatif en vue de former les élèves aux droits de l’homme et de les inciter à accepter et valoriser la diversité. Au fil des ans, la Semaine nationale de la Constitution a été régulièrement l’occasion de faire de ces programmes un centre d’intérêt national.

92.Certaines des mesures esquissées plus haut ont également pour but d’apaiser les divisions ethniques qui ont été renforcées par les politiques et pratiques de l’époque coloniale et du régime d’apartheid. Ces politiques et pratiques comprenaient une ségrégation résidentielle et une balkanisation du pays selon des critères ethniques, conduisant à la création d’États noirs prétendument indépendants, tout en promouvant l’idée que les groupes ethniques blancs formaient une seule «nation blanche» et des émissions de radio et de télévision fondées sur l’ethnie et les stéréotypes. Comme il ressort tout particulièrement des auditions de la Commission Vérité et Réconciliation, l’État a favorisé les affrontements ethniques armés et avivé les tensions ethniques par une propagande qui qualifiait faussement de conflits ethniques des conflits sans rapport avec l’ethnie.

93.Les mesures en faveur de l’intégration raciale ont aussi concerné, mais dans une certaine mesure seulement, l’intégration des immigrants, notamment les réfugiés d’origine africaine. Les non‑ressortissants venus du reste de l’Afrique, notamment du Nord, dont les réfugiés, ont été historiquement soumis à des discriminations légales fondées sur la race, sous le régime d’apartheid. Si aujourd’hui la loi ne fait plus aucune discrimination fondée sur la race, des attitudes et comportements discriminatoires résiduels persistent parmi les citoyens ordinaires et les agents chargés de l’application des lois. La Commission sud‑africaine des droits de l’homme et d’autres organismes de la société civile jouent un grand rôle dans l’action menée pour l’intégration de ce groupe. Une des actions plus marquantes à cet égard a été la réalisation d’une campagne intitulée «Roll Back Xenophobia Campaign» (Campagne pour faire reculer la xénophobie) et la déclaration qui en est issue.

Mesures positives en vue de promouvoir le plein exercice de tous les droits de l’homme par tous, dans des conditions d’égalité

94.Comme indiqué plus haut, la Constitution considère l’adoption de mesures positives pour protéger et promouvoir les personnes ou catégories de personnes défavorisées par des discriminations injustes comme un élément faisant partie intégrante du dispositif d’égalité. En outre, la Constitution suit l’approche de la Convention en établissant un lien entre l’égalité et la discrimination, et prévoit en outre l’adoption de mesures législatives et autres propres à faciliter l’exercice égal de facto de tous les droits de l’homme par ceux qui subissent encore les conséquences d’une discrimination injuste (art. 9, par. 2). La Constitution envisage également la possibilité d’adopter une législation relative à un cadre sur la passation de marchés à des conditions préférentielles en vue de protéger ces groupes et de promouvoir leurs droits (art. 217). Les dispositions constitutionnelles relatives aux droits sociaux et économiques sont capitales pour que les groupes défavorisés puissent réellement exercer leurs droits fondamentaux.

95.Laloi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act), qui est le texte le plus complet concernant la promotion de l’égalité dans tous les domaines, en particulier la réalisation de l’égalité dans les secteurs mentionnés précédemment, et les motifs de discrimination fondés sur la race, le sexe ou le handicap. Ces dispositions sont conformes à l’article premier, paragraphe 4 de la Convention.

96.La loi dispose que toutes les personnes, les organisations non gouvernementales, les organisations communautaires et les institutions traditionnelles doivent favoriser l’égalité dans leurs relations avec d’autres organismes et dans leurs activités publiques. Toute personne qui conclut un contrat avec l’État ou exerce une autorité publique doit promouvoir l’égalité en adoptant et appliquant des plans et des codes de pratique en faveur de l’égalité dans ses activités quotidiennes. En outre, toutes les entreprises, sociétés fermées (close corporations) et sociétés en partenariat (partnerships), tous les clubs, organisations sportives, personnes morales et associations, sont légalement tenus, le cas échéant, d’établir et de respecter des plans et des codes de pratiques promouvant l’égalité.

97.La loi prévoit, parmi les mesures de promotion de l’égalité, que s’il est prouvé dans le cadre de poursuites pénales qu’une discrimination injuste au motif de la race, du sexe ou du handicap a joué un rôle dans la commission de l’infraction, ce fait doit être considéré comme une circonstance aggravante de la peine.

98.La loi sur l’égalité en matière d’emploi (Employment Equity Act) prévoit des mesures positives ou palliatives visant à offrir l’égalité des chances aux Noirs (Africains, Métis, et Indiens), aux femmes et aux handicapés. Parmi ses dispositions spécifiques, figure l’obligation de veiller à ce que l’environnement de travail ne comporte pas d’obstacles à l’égalité des chances pénalisant particulièrement certains groupes et d’appliquer des plans pour l’équité dans l’emploi afin d’éliminer les discriminations et de promouvoir les droits des groupes visés. Des rapports sur cette question doivent être soumis au Ministère du travail. En outre, la loi a créé une commission sur l’égalité en matière d’emploi (Commission on Employment Equity) chargée d’aider le Ministre à suivre l’application de la loi.

99.La loi relative au cadre pour la passation de marchés à des conditions préférentielles (Preferential Procurement Policy Framework Act) donne effet à l’article 217 de la Constitution en instituant un cadre pour les procédures de passation des marchés qui prévoit «… des catégories préférentielles dans l’attribution des contrats et la protection et la promotion de personnes, ou catégories de personnes, désavantagés par une discrimination injuste».

100.D’autres lois ont été adoptées afin de lutter efficacement contre la discrimination et d’assurer l’égalité des chances en ce qui concerne l’exercice, sans distinction de race, des droits de l’homme dans les domaines sociaux, économiques et culturels, notamment les suivantes:

Loi no 59 de 1995 sur le Conseil des langues d’Afrique du Sud ( Pan South African Language Board Act 59 of 1995 )

Cette loi garantit la reconnaissance, la mise en œuvre et le développement du multilinguisme en Afrique du Sud et la promotion de langues précédemment marginalisées.

Loi no 59 de 1998 portant modification de la loi sur la promotion de la culture ( Culture Promotion Amendment Act 59 of 1998 )

Cette loi régit la préservation, le développement, la mise en valeur et la diffusion de la culture en Afrique du Sud par la conception, l’organisation, la coordination et la mise en place de structures pour les loisirs et l’éducation non scolaire. La loi no 119 de 1998 sur les institutions culturelles (Cultural Institutions Act 119 of 1998) prévoit le versement de subventions à certaines institutions culturelles.

Loi no 105 de 1998 sur le Fonds national pour l’émancipation ( The National Empowerment Fund Act 105 of 1998 )

Cette loi institue une fondation dont la mission est de promouvoir et faciliter l’accès à la propriété de biens générateurs de revenus par les personnes historiquement défavorisées. Elle crée également des structures et des mécanismes destinés à remédier aux inégalités engendrées par l’apartheid en assurant un accès plus large à la propriété économique aux personnes historiquement défavorisées. Cette loi n’est pas encore entrée en vigueur.

101.Parmi les politiques en matière de services publics qui visent à éliminer les inégalités et la discrimination raciale figurent, comme indiqué plus haut, les Livres blancs sur le programme de reconstruction et de développement (RDP), la transformation du service public (TPS) et la transformation des services publics (TPSD) qui envisagent diverses mesures administratives visant à inspirer des initiatives préventives tendant à éliminer les discriminations et promouvoir l’exercice effectif des droits de l’homme dans les divers domaines de la vie. Ensemble, ces livres blancs offrent un cadre général d’action pour l’égalité, tenant compte en particulier de la race, du sexe et du handicap, dans le domaine de l’emploi et de l’accès aux services publics.

102.Un autre domaine sur lequel les mesures administratives ont mis l’accent est celui des programmes de formation intensive destinés aux agents chargés de l’application des lois. Comme indiqué plus haut, les résultats sont restés modestes à cause du peu de ressources disponibles qui n’a pas permis de dispenser une formation complète à tous les prestataires de services et du fait que l’évolution des comportements est un processus qui prend du temps. La loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act) établit que les membres des tribunaux de l’égalité (Equality Courts) créés pour connaître des questions relevant de la loi précitée doivent avoir reçu une formation et satisfaire à divers critères de compétence avant d’exercer leurs fonctions. La loi établit également que toutes les personnes qui participeront à la mise en œuvre de cette loi, y compris celles qui ne siègent pas dans les tribunaux de l’égalité, doivent suivre une formation.

103.Le Gouvernement s’est également efforcé d’égaliser les chances entre les races dans l’accès aux ressources financières, notamment en vue de promouvoir l’entreprenariat noir et la création d’emplois pour les personnes défavorisées par une discrimination injuste. On peut par exemple citer à cet égard la société Khula, organisme d’assistance financière qui aide les chefs d’entreprise défavorisés émergents. Des efforts ont été faits pour favoriser l’acquisition et l’exploitation de terres par les Noirs, notamment les femmes, et l’accès à des ressources financières à des fins diverses, le logement par exemple. Parmi les mesures visant à combattre la discrimination raciale dans le financement de l’immobilier, on peut citer par exemple l’initiative gouvernementale appelée SERVCON Housing Solutions destinée à faciliter la résorption des arriérés de remboursement des membres de communautés défavorisées. Le développement du logement social est également envisagé, et le Gouvernement vient d’approuver un programme de logement locatif. Nombre de ces initiatives sont présentées plus en détail au titre de l’article 5.

104.D’autres mesures administratives ont été adoptées pour assurer l’exercice de facto des droits de l’homme, dans des conditions d’égalité, indépendamment de la race, dans divers domaines de la vie sociale, économique et culturelle. Parmi les domaines visés, on peut citer la promotion de langues et de religions historiquement marginalisées, l’encouragement à la mixité raciale dans le sport, l’accès aux services financiers et à la propriété d’entreprise. Nombre de ces mesures émanent du secteur privé. Une de ces initiatives a été la création de la Commission pour la participation des Noirs (Black Empowerment Commission), qui achève son rapport. Une autre initiative, prise par l’ancien Président de l’Afrique du Sud, M. Nelson Mandela, vise à inciter les entreprises à faire des dons d’argent importants pour la rénovation d’établissements scolaires, d’hôpitaux et d’autres infrastructures communautaires laissées pour compte pendant la période de l’apartheid.

105.Les activités orientées vers la promotion d’une renaissance de l’Afrique contribuent également à instaurer l’égalité raciale. Elles ont trait notamment à la mise en valeur et à la reconnaissance de l’excellence noire, au développement des langues des populations noires, au soutien à la littérature noire et à la promotion générale d’une image positive du continent africain.

Jurisprudence en matière d’égalité et de lutte contre la discrimination

106.Depuis l’entrée en vigueur de la Constitution intérimaire de 1993, les tribunaux sud‑africains sont confrontés à la tâche difficile d’établir la responsabilité de l’État et des particuliers en matière de défense du droit à l’égalité, notamment du droit de ne pas subir de discrimination au motif de la race. La tâche des tribunaux a largement consisté à interpréter la disposition relative à l’égalité figurant dans la Constitution. En matière d’emploi, cette tâche a consisté également à assurer l’application des dispositions antidiscriminatoires de la loi sur les relations de travail (Labour Relations Act) et, par la suite, de la loi sur l’égalité en matière d’emploi (Employment Equity Act).

107.L’un des principaux défis auxquels sont confrontés les tribunaux consiste à concilier les dispositions antidiscriminatoires avec les dispositions relatives à des mesures préférentielles spéciales destinées à assurer une protection et une promotion appropriées des membres des groupes qui étaient défavorisés par des discriminations injustes. Bon nombre d’affaires concernent des plaintes déposées par des Blancs, surtout des hommes, relatives à leur droit de ne pas subir une discrimination au motif de leur race, opposé aux dispositions constitutionnelles et légales concernant l’obligation d’adopter des mesures spéciales pour promouvoir l’accès réel ou de facto aux possibilités de la vie offert aux membres de communautés et de groupes qui continuent de subir les conséquences sociales des exclusions et des entraves discriminatoires fondées sur la race qui leur ont été imposées par le colonialisme et l’apartheid.

108.De manière générale, les tribunaux ont relevé ce défi d’une manière conforme aux dispositions de la Convention et de la Constitution. Les affaires présentées ci‑après à titre d’exemples le montrent.

Affaire Pretoria City Councilv.Walker , 1998(2) SA 363(CC)

Le défendeur avait refusé de payer la somme due au demandeur au motif que celui‑ci avait violé son droit constitutionnel à l’égalité énoncé à l’article 8 de la Constitution. Le demandeur pratiquait des différents prix pour la consommation d’eau et d’électricité, ce qui constituait une discrimination fondée sur la race. Les résidents des townships (dans leur grande majorité des Noirs) payaient un prix forfaitaire tandis que les résidents des communes historiquement blanches payaient pour la consommation réelle mesurée par compteur. La Cour constitutionnelle a estimé que la différence entre les méthodes de recouvrement n’était pas due au fait que les habitants du vieux Pretoria étaient des Blancs. Il s’agissait de mesures transitoires mises en œuvre en vue de rénover la ville de Pretoria. Cet objectif ne pouvait être atteint si l’on ne reconnaissait pas que, dans les quartiers noirs, les services étaient de bien moins bonne qualité et que les infrastructures étaient insuffisantes. Objectivement, les mesures en cause ne constituaient pas un préjudice injuste pour la communauté blanche et ne portaient pas non plus atteinte à sa dignité ni à son estime de soi.

Affaire Amodv.Multilateral Motor Vehicle Accidents Fund ,1999(4) SA 1319(SCA)

Cette affaire fait actuellement l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle. Elle concerne le droit constitutionnel d’une veuve qui avait été mariée selon le droit musulman, à l’égalité de traitement avec les personnes mariées sous le régime du droit civil ou du common law. La plaignante réclame des dommages et intérêts pour perte de moyens de subsistance causée par la mort de son mari dans un accident de véhicule à moteur. Le Multilateral Motor Vehicle Fund a refusé de lui verser une indemnisation au motif qu’elle n’avait pas été mariée sous le régime du common law. La Haute Cour avait donné tort à la plaignante. La Cour suprême lui a donné raison, reconnaissant ainsi l’égalité des religions et des formes de mariage qui correspondent en gros à l’appartenance raciale.

Affaire Eskomv.Heimstra No & Others (1999)20 ILJ 2362(LC)

Le tribunal du travail a estimé que ne constituait pas une discrimination injuste le fait de nommer à un poste élevé de contrôleur des ventes une femme noire («de couleur») qualifiée et expérimentée plutôt qu’une femme blanche ayant les mêmes qualifications et la même expérience. La femme blanche avait obtenu de meilleurs résultats lors de l’entretien. Toutefois, l’employeur avait justifié son choix de la femme noire en faisant valoir que les femmes noires étaient sous‑représentées.

Affaire Correctional Servicesv.Van Vuuren  (1999)20 ILJ 2297(LAC)

Le tribunal d’appel du travail a jugé que la décision du Commissaire aux services correctionnels de nommer un Noir qualifié, qui faisait partie des quatre personnes recommandées par le groupe des entretiens de recrutement, plutôt qu’une femme blanche, également recommandée, ne constituait pas une discrimination injustifiée étant donné que cette décision s’inscrivait dans le cadre de la politique préférentielle destinée à corriger les déséquilibres engendrés par le racisme de l’époque coloniale et du régime d’apartheid et la discrimination raciale dans le service public.

109.Malheureusement, la jurisprudence des juridictions supérieures et des tribunaux inférieurs n’est pas très cohérente, et la procédure est longue avant que les affaires arrivent devant la Cour constitutionnelle. En outre, en raison du coût des procès et de la complexité du recours constitutionnel, de nombreuses affaires mal jugées n’arrivent jamais devant la Cour constitutionnelle. Certaines des décisions rendues ne sont pas conformes aux principes qui guident la Convention, notamment en ce qui concerne la garantie de facto de l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés fondamentales indépendamment de la race seule ou associée à d’autres motifs. Parmi les affaires qui suscitent des préoccupations, on notera les suivantes:

Affaire Mthembuv.Letsela 2000(3) SA 867(SCA)

Cette affaire a trait à une décision dans laquelle, en première instance et en appel, le tribunal a décidé qu’une femme, qui avait été unie au défunt selon le droit coutumier, ne pouvait pas en hériter, et que sa fille, étant illégitime, ne le pouvait pas non plus. Cette affaire illustre également le mépris raciste dont le droit coutumier est l’objet vu que les juges et les autres personnes qui rendent les décisions dans les affaires relevant du droit coutumier ne sont pas tenues d’avoir étudié ce droit à un stade quelconque de leur formation;

Affaire Public Servants Association of South Africa & Othersv.Minister of Justice & Others 1997(3) SA 925

La décision rendue dans cette affaire est tout à fait contraire à la décision rendue par le tribunal du travail dans l’affaire des Services correctionnels. Saisie de faits similaires à cette dernière affaire, la Haute Cour a estimé que constituait une discrimination injuste le fait de ne pas promouvoir des candidats blancs à des postes vacants dans les services du Procureur général afin de libérer des postes pour les Noirs, gravement sous‑représentés.

De telles incohérences dans les décisions judiciaires ne manquent pas de susciter des incohérences dans la mise en œuvre des mesures visant à corriger les disparités raciales tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Toutefois, la loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act) pourrait contribuer à en corriger certaines.

ARTICLE 3:PRÉVENTION, PROHIBITION ET ÉLIMINATION DE LA SÉGRÉGATION RACIALE ET DE L’APARTHEID

Abolition officielle de l’apartheid et de la ségrégation qui lui est associée

110.La Constitution intérimaire de l’Afrique du Sud a aboli les prétendus États indépendants qui avaient été créés sous le régime d’apartheid en vertu du principe dit du développement séparé. Le pays a été regroupé en un État démocratique unique, et la citoyenneté de tous les Sud‑Africains a été rétablie. La nouvelle Constitution de 1996 confirme que l’Afrique du Sud est un État démocratique souverain et qu’il existe «une citoyenneté sud‑africaine commune». En vertu de cette Constitution, la population africaine a exercé le suffrage universel pour la première fois en Afrique du Sud.

111.La nouvelle Constitution a mis un terme à l’ordre constitutionnel qui, pendant des années, avait privé les Noirs de la citoyenneté, du droit de vote et d’autres droits de l’homme fondamentaux. Si la ségrégation et la négation des droits de l’homme fondamentaux des Noirs faisaient partie du système colonial de l’Afrique du Sud, le système institutionnalisé de ségrégation et d’abaissement qui devait se concrétiser plus tard dans le concept d’apartheid, en 1948, a commencé à prendre forme en 1910, lorsque l’Union sud‑africaine a été constituée exclusivement par des parties blanches qui s’étaient réunies pour mettre un terme à la guerre des Boers.

112.Le triomphe du peuple sud‑africain dans sa lutte implacable contre la ségrégation a été rendu possible par la solidarité internationale mobilisée en application de l’article 3 de la Convention et d’autres instruments internationaux connexes. La procédure de présentation des rapports fournit une nouvelle fois aux autorités sud‑africaines l’occasion d’exprimer leur gratitude pour la solidarité internationale qui a aidé à démanteler le régime d’apartheid.

Difficultés persistantes: les séquelles sociales de l’apartheid

113.Comme il a été dit plus haut, pratiquement toutes les lois qui instituaient ou mettaient en œuvre directement la ségrégation ont été abolies. Parmi les quelques tâches qu’il reste encore à effectuer pour achever le nettoyage des lois d’apartheid, il convient de réexaminer, afin de les abroger ou de les incorporer dans d’autres textes, les dispositions restantes de la loi sur l’administration des Noirs (Black Administration Act). Une autre tâche de même nature sera la restructuration des tribunaux. Le Gouvernement a organisé le Colloque national mentionné plus haut pour réfléchir à la nécessité de hâter la réforme du système judiciaire, en particulier la restructuration des tribunaux, dans un souci de souplesse et d’efficacité et pour faire disparaître les derniers vestiges institutionnels de l’apartheid.

114.En ce qui concerne l’application de l’article 3, le principal défi auquel est confrontée aujourd’hui l’Afrique du Sud est la persistance de pratiques socioéconomiques et culturelles structurelles d’inégalité raciale et de cumul des handicaps, d’un côté, et d’accumulation de pouvoir social, de l’autre. Il n’est pas surprenant que ces pratiques reflètent les injustices légalisées qui étaient de règle sous le régime d’apartheid et se manifestent dans le contrôle de l’économie sud‑africaine, les possibilités d’emploi, la possession de biens, notamment fonciers, l’accès aux ressources financières et aux services sociaux comme la santé, l’éducation, le logement, l’alimentation, l’eau potable, l’énergie et les services liés à la justice.

115.Les séquelles sociales de l’apartheid résident également dans certaines attitudes relatives à la suprématie des Blancs et à l’infériorité des Noirs qui persistent encore à la fois parmi les victimes et les auteurs du racisme. Un nombre inquiétant de Blancs considèrent toujours qu’ils doivent être mieux traités que les Noirs du fait de leur couleur. De telles attitudes sont également observées chez les responsables de l’application des lois et d’autres fonctionnaires publics, y compris les magistrats. Si de nombreux Noirs combattent les comportements liés à de telles attitudes qui conduisent souvent à des conflits raciaux, certains ont intériorisé l’idée que les Blancs méritent un rang social supérieur tandis qu’eux‑mêmes et leurs semblables méritent un rang inférieur. Les programmes de sensibilisation de la société civile soutenus par l’État, dont il est question dans une autre partie du présent rapport, visent essentiellement à éliminer ces séquelles psychologiques et culturelles de l’apartheid et du colonialisme.

116.Nombre de mesures législatives, politiques et administratives qui ont été présentées au titre de l’article 2 de la Convention font partie du cadre général prévu pour éliminer la ségrégation et les autres séquelles sociales de l’apartheid. La loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act) constitue le cadre général le plus complet qui ait été créé afin d’éliminer toutes les formes de ségrégation raciale et d’autres aspects des séquelles sociales de l’apartheid. Toutefois, ce processus prendra du temps. On se rend compte aussi que l’Afrique du Sud a besoin d’un cadre politique clair permettant d’équilibrer les chances dans le domaine de l’économie. La loi sur un cadre relatif à la passation de marchés à des conditions préférentielles (Preferential Procurement Policy Framework Act), qui était censée traiter un aspect du problème de l’accès au pouvoir économique, n’est pas très claire sur la question. Le Gouvernement envisage de remédier à cette lacune en liant concrètement l’attribution des contrats publics au respect des dispositions de la loi sur la promotion de l’égalité et de la loi sur l’égalité en matière d’emploi (Promotion of Equality and Employment Equity Acts). Cette question fait en partie l’objet de l’article 53 de la loi sur l’égalité en matière d’emploi.

ARTICLE 4:MESURES VISANT À ÉLIMINER TOUTE PROPAGANDE ET TOUTES ORGANISATIONS QUI S’INSPIRENT DE THÉORIES FONDÉES SUR LA SUPÉRIORITÉ D’UNE RACE

117.En tant qu’État partie à la Convention et compte tenu du passé raciste de la société sud‑africaine, le nouveau gouvernement démocratique a pris des mesures concrètes d’ordre législatif, judiciaire et autre pour donner effet aux obligations énoncées à l’article 4 de la Convention.

118.L’article 16 de la Constitution protège la liberté d’expression. Cependant, dans le droit international relatif aux droits de l’homme comme dans le droit interne sud-africain, aucun droit ou liberté n’est absolu ni ne l’emporte sur d’autres droits ou libertés. Cette approche est conforme au paragraphe 5 de la première partie de la Déclaration et du Programme d’action de Vienne, libellé comme suit «Tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés. La communauté internationale doit traiter des droits de l’homme globalement, de manière équitable et équilibrée, sur un pied d’égalité et en leur accordant une égale valeur». L’article 36 de la Constitution dispose également que des lois d’application générale peuvent limiter les droits et libertés énoncés dans la Charte des droits dans la mesure où cette restriction est raisonnable et justifiable dans une société ouverte et démocratique fondée sur la dignité humaine, l’égalité et la liberté.

119.Les obligations énoncées à l’article 4 sont en partie garanties par la restriction spéciale de la liberté d’expression énoncée dans la Charte des droits. L’article 16, paragraphe 2 de la Constitution dispose en effet que la liberté d’expression ne s’étend pas:

«a)À la propagande en faveur de la guerre;

b)À l’incitation à la violence;

c)À l’apologie de la haine fondée sur la race, l’ethnie, le sexe ou la religion qui constitue une incitation à causer un préjudice».

120.Les dispositions constitutionnelles ci-dessus sont renforcées par les dispositions de l’article 7 de la loi sur la promotion de l’égalité et la prévention de la discrimination arbitraire (loi no 4 de 2000) selon laquelle «nul ne peut exercer une discrimination arbitraire contre toute personne au motif de sa race, notamment par le fait

1)de diffuser toute propagande ou théorie qui prône la supériorité ou l’infériorité raciale de toute personne, y compris inciter ou participer à toute forme de violence;

2)d’exercer toute activité en vue ou ayant pour effet de promouvoir une exclusivité fondée sur la race;

3)d’exclure des personnes d’un groupe racial particulier en vertu de toute règle ou pratique qui semble légitime mais vise en réalité à maintenir la mainmise exclusive d’un groupe racial particulier;

4)de dispenser ou continuer de dispenser à un groupe racial quel qu’il soit des services de qualité inférieure à ceux dont bénéficie un autre groupe racial;

5)de priver des personnes de possibilités, notamment de celles d’accéder à des services ou à des offres contractuelles de services, ou de ne pas prendre de mesures raisonnables pour répondre de façon satisfaisante à leurs besoins».

121.Les propos haineux racistes sont également interdits par l’article 10 de la loi sur la promotion de l’égalité qui dispose que nul ne peut publier, diffuser, promouvoir ou communiquer des propos basés sur un ou plusieurs motifs prohibés – notamment la race – visant toute personne et destinés à blesser, à causer un préjudice ou à inciter à causer un préjudice, ou encore à promouvoir ou à propager la haine. Cette loi prévoit des voies de recours au civil pour les victimes de tels propos racistes. Cependant, l’article 10, paragraphe 2, interprété à la lumière de l’article 21, paragraphe 2 n), dispose que les tribunaux ou les greffiers des tribunaux, selon qu’il convient, renvoient au Directeur des poursuites publiques (National Director of Public Prosecutions) toute affaire relative à la publication, à la promotion, à la diffusion ou à la communication de propos haineux, afin qu’il engage des poursuites pénales conformément aux règles de common law ou à la loi applicable. La loi dispose également que les motivations racistes constituent une circonstance aggravante et doivent être prises en compte aux fins de déterminer la peine.

122.Le paragraphe 29 de la «Déclaration du Millénaire sur le racisme et du Programme d’action de l’Afrique du Sud», récemment adopté à la Conférence nationale sur le racisme tenue à Sandton (Johannesburg), du 30 août au 2 septembre 2000, dispose expressément que dans le cadre de la promulgation de la nouvelle loi sur l’égalité, le système de justice pénale doit être équipé pour appliquer les dispositions visant à prévenir et à réprimer les infractions racistes et les agents du système judiciaire doivent être formés et sensibilisés aux questions de race et au problème du racisme. Cette formation a commencé et sera étendue à l’ensemble de l’appareil judiciaire, aux autorités chargées des poursuites, à la police et aux autres agents de la justice.

123.Outre les dispositions de la Constitution et de la loi sur la promotion de l’égalité mentionnées ci-dessus, la loi de 1993 sur la réglementation des réunions (Regulations of Gatherings Act) (loi no 205 de 1993) interdit à toute personne assistant ou prenant part à un rassemblement ou à une manifestation d’inciter, par voie de banderole, d’affiche, de discours, de chants ou par toute autre voie, à la haine contre des personnes ou contre tout groupe de personnes au motif de différences de culture, de race, de sexe, de langue ou de religion. Toute personne qui enfreint cette disposition est coupable d’une infraction et passible d’une amende de 20 000 rands au plus ou d’une peine d’emprisonnement d’un an au plus, ou des deux.

124.Les lois régissant le cinéma et les publications visent également la propagande et la promotion du racisme et de la discrimination raciale. La rédaction de l’article 29 de la loi de 1996 sur le cinéma et les publications (loi no 65 de 1996) est la suivante:

«1)Est coupable d’une infraction quiconque diffuse en connaissance de cause une publication qui, vu le contexte:

a)Constitue de la propagande en faveur de la guerre;

b)Incite à la violence;

c)Préconise la haine fondée sur la race, l’ethnie, le sexe ou la religion, d’une manière qui constitue une incitation à causer un préjudice;

2)Est coupable d’une infraction quiconque diffuse, projette en public ou distribue en connaissance de cause un film qui, vu le contexte:

a)Constitue de la propagande en faveur de la guerre;

b)Incite à la violence;

c)Préconise la haine fondée sur la race, l’ethnie, le sexe ou la religion, d’une manière qui constitue une incitation à causer un préjudice;

3)Est coupable d’une infraction quiconque présente en public en connaissance de cause un spectacle ou une pièce de théâtre qui, vu le contexte:

a)Constitue de la propagande en faveur de la guerre;

b)Incite à la violence;

c)Préconise la haine fondée sur la race, l’ethnie, le sexe ou la religion, d’une manière qui constitue une incitation à causer un préjudice;

4)Les paragraphes 1, 2 et 3 ne s’appliquent pas:

a)À tout ou partie d’une publication, d’un film, d’un spectacle ou d’une pièce de théâtre de bonne foi, ayant un caractère scientifique, documentaire, dramatique, artistique, littéraire ou religieux qui, vu le contexte, est de cette nature;

b)À une publication, un film, un spectacle ou une pièce de théâtre qui présente un débat, un argument ou une opinion de bonne foi sur un sujet relevant de la religion, de la croyance ou de l’opinion;

c)À une publication, un film, un spectacle ou une pièce de théâtre qui présente un débat, un argument ou une opinion de bonne foi sur un sujet d’intérêt public».

125.Toute personne reconnue coupable d’infraction à cet article est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement de cinq ans au plus, ou des deux, si le tribunal retient des circonstances aggravantes.

126.La Commission ad hoc mixte du Parlement, qui a établi la rédaction définitive de la loi sur la promotion de l’égalité, a adopté en janvier 2000 une résolution spéciale qui a des incidences sur les propos racistes. Dans cette résolution, elle priait le Ministre de la justice et du développement constitutionnel de s’attacher avec une attention particulière à ce qui suit:

Présenter au Parlement un projet de loi sur l’incrimination des propos haineux;

Assurer la conformité de ces dispositions avec l’article 16 de la Constitution et avec la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

Outre cette législation, créer évidemment des infractions relatives aux propos haineux. Le Comité de contrôle de l’égalité (Equality Review Committee) que le Ministre a nommé le 1er septembre 2000 en application de la loi sur l’égalité lui soumettra des recommandations à cet égard.

127.La promulgation des nouvelles lois visant à appliquer l’article 4 de la Convention n’a pas eu pour effet, comme on pouvait s’y attendre, d’éliminer toutes les formes de discrimination raciale ou de pratiques racistes qui sévissent dans la société. Il faudra du temps pour que les effets de la législation se fassent sentir. La Conférence nationale sur le racisme a été organisée précisément pour donner de l’élan à l’application effective des lois et pour mobiliser la société à cette fin.

128.Il peut être utile de donner ici quelques exemples d’incidents racistes ou perçus comme tels. Le sentiment persiste que certains responsables de l’application des lois, surtout ceux qui étaient déjà en place avant le changement de régime, rendent encore la justice de manière partiale, selon l’appartenance raciale. En avril 1998, le président blanc d’un tribunal a infligé une simple peine avec sursis à Nicholas Steyn, un fermier blanc qui avait tué Thobile Angeline Zwane, un bébé noir âgé de 6 mois. Il apparaît que le juge blanc qui a prononcé cette peine très légère et sans rapport avec la gravité de l’infraction a commis une injustice raciste.

129.Cependant la justice a été rendue dans de nombreuses affaires. En juin 1999, par exemple, deux meurtriers motivés par des considérations raciales ont été condamnés à de lourdes peines. Pieter Henning et Johan Dundee (Blancs) ont été condamnés, au total, à une peine de 60 ans de prison pour avoir tué Mandlendosi Mabaso et Sipho Mkhize (Noirs), au motif que Mkhize avait appelé Henning par son prénom. En prononçant ces condamnations, le tribunal a clairement indiqué que les infractions raciales seraient désormais sévèrement punies.

130.Dans les deux cas mentionnés ci-dessus, les actes criminels de violence raciste ont été commis dans des fermes. Dans les exploitations agricoles, les inégalités de classe fondées sur la race favorisent la persistance des violences raciales et des traitements inhumains infligés à des Noirs par des Blancs. Ces dernières années, la presse a joué un rôle actif en dénonçant les violences racistes dans les fermes (voir notamment les articles écrits par N. Nxusani: «Une vie de cochon pour les familles: des ouvriers agricoles paient pour avoir résisté à un ordre d’expulsion», paru dans Sowetan, le 12 mai 2000, et K. Nkosi: «Un homme comparaît pour avoir traîné un ouvrier derrière sa camionnette jusqu’à ce que mort s’ensuive», P. Molwedi: «Un homme souffre de troubles rénaux après avoir été enduit de peinture argentée» parus dans The Star, le 28 août 2000). Ces actes criminels ont tous été poursuivis. Le Parlement a également adopté des lois incriminant le fait d’expulser, sans mandat délivré par un tribunal compétent, des occupants de terres sans titres de propriété (voir notamment l’article 23 de la loi no 62 de 1997 sur la prorogation de la garantie de jouissance). Ces lois portent en fait amendement de la tristement célèbre loi no 6 de 1959 sur les actes d’intrusion, afin que les occupants légitimes de terres ne soient pas traités comme des intrus criminels, comme c’était le cas sous l’apartheid. La Commission sud‑africaine des droits de l’homme a également ouvert des enquêtes sur le racisme dans les fermes et fait des recommandations (Commission sud‑africaine des droits de l’homme, «Enquête sur des violations présumées des droits de l’homme d’ouvriers agricoles du district de Messina/Tshipise» (Johannesburg, 1998)) que les services responsables de l’application des lois ont prises en compte dans les stratégies visant à combattre ce problème. Lutter fermement et efficacement contre les violences criminelles motivées par le racisme est une priorité du Gouvernement.

131.Des faits de violence criminelle raciste se sont également produits dans certaines écoles et dans quelques bases militaires. La Commission sud-africaine des droits de l’homme a mené des enquêtes à la suite d’allégations faisant état de racisme, d’absence d’intégration et de mauvais traitements à l’égard d’étudiants noirs dans trois universités. Selon ces allégations, les cours étaient en afrikaans, de sorte que les étudiants noirs qui ne parlaient pas cette langue peinaient à les comprendre. En conséquence, le taux d’échec aux examens des étudiants noirs était plus élevé que celui des étudiants blancs. Dans certains cas, il a été constaté que les résidences étudiantes d’établissements d’enseignement secondaire, supérieur et tertiaire pratiquaient la ségrégation raciale. Tous les établissements concernés se sont engagés à régler ces problèmes.

ARTICLE 5:MESURES VISANT À PROMOUVOIR L’ÉGALITÉ ET LA NON‑DISCRIMINATION DANS L’EXERCICE DES DROITS CIVILS ET POLITIQUES ET DES DROITS ET LIBERTÉS ÉCONOMIQUES, POLITIQUES ET CULTURELS

132.Depuis 1994, le nouveau gouvernement démocratique a pris des mesures concrètes d’ordre législatif, judiciaire et politique pour interdire et éliminer la discrimination raciale sous toutes ses formes et garantir le droit de toute personne à l’égalité devant la loi, sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale ou ethnique. La Constitution contient une disposition d’application très vaste qui, par bien des aspects, va au‑delà des exigences minimales de la disposition générale énoncée à l’article 15 de la Convention. Les dispositions de l’article 9 de la Constitution exposées plus haut sont riches d’enseignements à cet égard.

Article 5 a): Droit à un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice

133.L’article 9, paragraphe 1 de la Constitution garantit à toute personne la même protection et le même bénéfice de la loi. Cette disposition est renforcée par l’article 34 dont la rédaction est la suivante: «Toute personne a droit à ce que tout différend susceptible d’être réglé par l’application de la loi soit jugé au cours d’un procès équitable public devant un tribunal ou, s’il y a lieu, devant une autre juridiction ou une autre instance indépendante et impartiale». D’autres garanties constitutionnelles ont trait à «une action administrative équitable» (art. 34), aux droits spéciaux des personnes arrêtées, détenues ou accusées (art. 35) et au droit de toute personne dont les droits et libertés ne sont pas respectés ou sont menacés de saisir un tribunal (art. 38). Une loi spéciale relative à l’action administrative équitable a été promulguée, la loi no 3 de 2000 sur la promotion de la justice administrative (Promotion of Administrative Justice Act). Une exception problématique aux garanties constitutionnelles générales décrites au paragraphe 81, mais qui n’est pas fondée sur des distinctions interdites par l’article 15, concerne l’exemption de poursuites pénales ou de responsabilité civile accordée par la loi aux auteurs de violations des droits de l’homme sous l’ancien régime qui satisfont à deux conditions principales: que les violations aient eu des motivations politiques et que leur auteur révèle toute la vérité. Cette exception a été contestée devant les tribunaux mais la Cour constitutionnelle a jugé que la législation en question était conforme aux garanties constitutionnelles relatives à l’accès à la justice (AZAPO and others v. President of the Republic of South Africa, 1996(8) BCLR 1015(CC)).

134.Il faut souligner qu’en République d’Afrique du Sud, ce sont les tribunaux qui détiennent le pouvoir judiciaire. La Constitution dispose que les tribunaux sont indépendants, impartiaux et soumis uniquement à la Constitution et à la loi. Aucune personne ni aucun organe de l’État ne peut intervenir dans le fonctionnement des tribunaux et les arrêts ou décisions que ceux-ci rendent s’imposent à toutes les personnes et organes de l’État auxquels ils s’appliquent (art. 165 de la Constitution).

135.Pour aider les indigents à avoir accès aux tribunaux, la loi no 22 de 1969 sur l’aide juridique, qui était principalement appliquée aux Blancs, a été modifiée (loi no 20 de 1996 portant amendement de la loi sur l’aide juridique) pour s’appliquer à tous sans distinction fondée sur des motifs interdits par l’article 15. Faute de ressources, cependant, tous ceux qui ont besoin d’une aide juridique n’y ont pas accès. Le Bureau d’aide juridique réexamine actuellement l’ensemble du système afin d’améliorer son efficacité et sa rentabilité. Le système onéreux d’aide juridique fournie par l’État est progressivement remplacé par un nouveau système qui bénéficie des services de professionnels salariés − les centres de justice intégrés − adopté par le Forum national sur l’aide juridique en janvier 1998.

Article 5 b):Droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’État contre les voies de fait ou les sévices de la part soit de fonctionnaires du Gouvernement, soit de tout individu, groupe ou institution

136.La conformité de la Constitution avec les dispositions ci‑dessus est assurée par son article 12 dont la rédaction est la suivante:

«1)Chacun a le droit à la liberté et à la sûreté de la personne, qui comprend le droit:

a)De ne pas être privé de liberté de manière arbitraire ou injustifiée;

b)De ne pas être détenu sans jugement;

c)De ne subir aucune forme de violence exercée par des personnes privées ou publiques;

d)De n’être en aucune façon torturé;

e)De ne pas être traité ou puni de manière cruelle, inhumaine ou dégradante.

2)Chacun a le droit à l’intégrité physique et psychologique, qui comprend:

a)Le droit de prendre des décisions en matière de procréation;

b)Le droit à la sécurité physique et celui de disposer de son corps;

c)Le droit de ne pas être soumis à des expériences médicales ou scientifiques sans y avoir consenti en connaissance de cause».

137.Les autres mesures prises par l’Afrique du Sud pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de l’article 15 b) sont détaillées dans un projet de rapport sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui sera présenté prochainement. Il importe de souligner que le droit à la sûreté de la personne et à la protection de l’État contre les voies de fait ou les sévices, y compris à la protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a inspiré la décision historique de la Cour constitutionnelle tendant à abolir la peine capitale (S. v. Makwanyane, 1995(7) SA 391(CC)). Il a également inspiré sa décision d’interdire la flagellation des mineurs dans l’affaire S. v. Williams, 1995(7) BCLR 861(CC). Le Parlement a suivi cette décision en adoptant la loi no 33 de 1997 sur l’abolition des châtiments corporels. En outre, le Gouvernement a créé, au sein du Ministère de la sûreté et de la sécurité, une direction indépendante des plaintes chargée d’enquêter sur les actes de violence commis sur toute personne par la police. Les droits des personnes arrêtées, détenues ou accusées, qui sont garantis par l’article 35 de la Constitution, renforcent encore le droit à la sûreté de la personne et la protection contre toute forme de violence de la part de responsables de l’application des lois. Dans le domaine de la violence sexiste, la loi no 116 de 1998 sur la violence domestique est entrée en vigueur le 15 décembre 1999. La Cour constitutionnelle a récemment pris une décision importante en reconnaissant la constitutionnalité des mesures d’interdiction prises contre les auteurs de violences domestiques, améliorant ainsi la protection des victimes ou victimes potentielles de ces violences (S. v. Baloyi (Minister of Justice and Another Intervening), 2000 (2)SA 425(CC)).

Article 5 c):Droits politiques, notamment droit de participer aux élections − de voter et d’être candidat – selon le système du suffrage universel et égal, droit de prendre part au gouvernement ainsi qu’à la direction des affaires publiques, à tous les échelons, et droit d’accéder, dans des conditions d’égalité, aux fonctions publiques

138.La démocratie multipartite – fondée sur des élections régulières, le suffrage universel et un registre électoral commun – est consacrée dans la Constitution comme en étant l’une des valeurs centrales et fondamentales (art. 1er c)). Cela n’a rien d’étonnant car une des principales caractéristiques des régimes coloniaux et d’apartheid avant 1994 était que la majorité noire ne pouvait participer à la vie politique à égalité avec la minorité blanche. Cette valeur constitutionnelle centrale est renforcée par une autre disposition (art. 236) qui prescrit que le Gouvernement en exercice doit fournir aux partis politiques viables un financement qui leur permette de participer efficacement aux élections. En août 2000, 44 partis politiques se sont inscrits en vue de participer aux élections municipales générales.

139.Conformément aux normes et meilleures pratiques internationalement reconnues, seuls les citoyens ont le droit de former des partis politiques ou d’y adhérer et de voter aux élections locales et nationales (art. 19 de la Constitution).

140.Les élections sont organisées par la Commission électorale indépendante, qui est un organe constitutionnel indépendant (art. 190 et 191 de la Constitution). La loi sur la Commission électorale (Electoral Law Commission) (loi no 51 de 1996) est entrée en vigueur en octobre 1996. L’indépendance de cet organe a été affirmée dans un récent arrêt de la Cour constitutionnelle (New National Party of South Africa v. Government of the Republic of South Africa, 1999(3) SA 191(CC)). Ainsi, l’organisation des élections et des référendums dans le pays est assurée aux trois niveaux d’administration (national, provincial et local) par une commission électorale manifestement indépendante et impartiale, qui a été nommée en 1997. La Commission indépendante vérifie que chaque électeur inscrit peut participer librement et équitablement au scrutin, à titre d’électeur ou de candidat. La deuxième élection générale démocratique en Afrique du Sud a eu lieu en 1999. L’Afrique du Sud est un pays en développement dont de nombreux habitants sont analphabètes, ce qui peut les empêcher de bien comprendre le processus électoral. Pour lutter contre ce problème, la Commission électorale et des organismes de la société civile mettent en œuvre des initiatives pratiques visant à informer les électeurs.

141.Les agents de la fonction publique doivent rester intègres et responsables dans l’exercice de leurs fonctions et exécuter loyalement les politiques visant à améliorer la prestation des services fournis à tous. Ils sont censés servir le public de manière impartiale et n’ont pas le droit d’exercer une discrimination injuste contre quiconque. Au terme d’une vaste consultation, un code de conduite énonçant les règles déontologiques que doivent respecter les fonctionnaires publics, a été lancé en juin 1997. Toute infraction à ce code constitue une faute professionnelle. Les fonctionnaires publics sont également tenus de réorganiser les services afin de supprimer l’inégalité subie à cet égard par ceux qui étaient historiquement marginalisés sous l’apartheid.

Article 5 d):Autres droits civils, notamment: i) le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État et ii) le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays

142.Le bilan de l’Afrique du Sud de l’apartheid en matière de respect de la liberté de circuler des citoyens et des résidents est lui aussi des plus médiocres. Cette liberté était violée par plusieurs lois, notamment la Black Land Act (loi no 27 de 1913), la loi sur l’habitat séparé (Group Areas Act) (loi no 36 de 1966), la loi sur le fonds de développement et les terres (Development Trust and Land Act) (loi no 18 de 1936) et la loi sur l’administration des Noirs (Black Administration Act) (loi no 38 de 1972). En outre, les autorités refusaient souvent de délivrer des passeports. En 1988, par exemple, 210 personnes ont vu leur demande de passeport rejetée. Des efforts sérieux ont été faits depuis 1994 pour abroger toutes ces lois et les remplacer par une nouvelle législation conforme aux nouvelles valeurs et aux nouveaux principes démocratiques constitutionnels.

143.Les droits relatifs à la liberté de circuler sont garantis à l’article 21 de la Constitution, dont la rédaction est la suivante:

«1)Toute personne a le droit de circuler librement;

2)Toute personne a le droit de quitter le territoire de la République;

3)Tout citoyen a le droit d’entrer, de rester et de résider sur le territoire de la République;

4)Tout citoyen a le droit à un passeport».

144.Toutefois, certains non‑citoyens ne jouissent pas comme il conviendrait du droit de circuler librement en raison d’actes délictueux isolés dus à la xénophobie, visant à intimider les non‑ressortissants. Comme il est indiqué plus haut, le problème de la xénophobie a été soulevé lors de la Conférence nationale sur le racisme et une campagne nationale a été lancée en vue de régler ce problème.

145.La xénophobie est devenue un problème en Afrique du Sud ces dernières années pour plusieurs raisons. De nombreux réfugiés africains veulent demander asile en Afrique du Sud après avoir fui leur pays à cause de conflits civils insolubles aggravés, dans certains cas, par la destruction de l’économie et des infrastructures, qui les privaient de perspectives économiques viables sur place. Des millions de migrants économiques sont entrés en Afrique du Sud à cause de la pénurie de débouchés économiques et, parfois, de la famine qui sévissaient dans leur pays. Ces migrants et réfugiés se distinguent des autochtones, ne parlent souvent aucune des langues locales, parlent anglais avec un accent étranger et se remarquent facilement parmi les Sud‑Africains. Les problèmes qui se posent à cet égard en Afrique du Sud sont assez caractéristiques, de par leurs causes, de ceux que connaissent d’autres pays de destination, qui sont pour la plupart des pays développés dont l’économie peut absorber un assez grand nombre de travailleurs étrangers (États‑Unis, Canada et de nombreux pays de l’Union européenne).

146.Cependant, en Afrique du Sud, la réaction xénophobe due au sentiment que les migrants étrangers sont responsables de la criminalité et prennent les emplois des citoyens ou bénéficient de services sociaux pourtant limités, s’est traduite par des discriminations commises contre des personnes au seul motif qu’elles sont étrangères, indépendamment du fait qu’elles sont ou non des migrants en situation régulière ou des réfugiés de bonne foi. Dans certains cas, des «makwere’kwere», comme on les appelle, ont été victimes du supplice du pneu enflammé autour du cou ou leur logement a été incendié et ils ont été chassés de la communauté où ils vivaient, parce qu’ils étaient soupçonnés d’être des criminels. Certains, jetés d’un train, ont trouvé la mort, et trois Mozambicains en situation irrégulière ont été déchiquetés par des chiens policiers au cours d’un exercice «d’entraînement» illégal.

147.Pour montrer l’importance qu’il attache à cette question, le Gouvernement sud‑africain a accueilli et présidé en 2001 la troisième Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. La Déclaration et le Plan d’action de Durban évoquent à de nombreuses reprises la pratique inacceptable qu’est la xénophobie et énoncent des mesures que doivent prendre les gouvernements, les organisations internationales et le public pour la prévenir.

148.Étant donné que les actes xénophobes violents sont lourds de dangers pour la stabilité de la société, la Campagne pour faire reculer la xénophobie (Roll Back Xenophobia) a été lancée fin 1998 dans le cadre d’un partenariat entre le Gouvernement, la Commission des droits de l’homme et l’Association nationale pour les réfugiés (National Consortium on Refugee Affairs). Plusieurs projets ont été mis en œuvre, notamment une campagne visant à sensibiliser les fonctionnaires publics et les prestataires de services sociaux, la police et les responsables des services d’immigration à la situation critique et aux droits des migrants. Des séminaires et des ateliers de formation ont été tenus afin d’appeler l’attention des médias sur ces questions et une campagne de programmes radiotélévisés a été menée afin d’informer le public et de le sensibiliser à l’importance de la prévention de la xénophobie. Le Président s’est prononcé publiquement contre la xénophobie à l’égard des migrants africains.

149.Des résultats relativement positifs ont été obtenus puisque les médias rendent à présent compte de manière beaucoup plus objective des migrants en matière de criminalité, des raisons susmentionnées de la présence de nombreux migrants dans le pays et du fait que la Constitution interdit les violations des droits civils et politiques fondamentaux de toutes les personnes, indépendamment de la légitimité ou de l’illégalité de leur situation dans le pays ou de leur origine nationale ou ethnique. De nombreux médias s’adressent aujourd’hui régulièrement à la Commission des droits de l’homme pour en obtenir des renseignements sur les migrants et leurs droits. Cependant, malgré ce progrès, il reste beaucoup à faire pour continuer d’informer certains médias, et en particulier le public, car des préjugés majeurs subsistent.

150.La question de la xénophobie était l’un des principaux points à l’ordre du jour de la Conférence internationale organisée au Cap, en juillet 1999, pour lancer la nouvelle législation sur le contrôle des migrations. Le projet de loi sur l’immigration a certaines des premières dispositions du monde entier portant création d’un organe statutaire chargé de combattre, contrer et décourager la xénophobie. Cette fonction a été confiée au Ministère de l’intérieur car il est essentiel que la lutte contre la xénophobie soit menée là où le risque de comportement xénophobe au sein du Gouvernement est le plus élevé. La lutte contre la xénophobie relève du Conseil de l’immigration qui regroupe tous les ministères concernés de l’État, représentés au plus haut niveau de la coordination interministérielle. Ce conseil compte également des représentants de larges secteurs de la société civile, dont les contributions seront précieuses pour faire face à la xénophobie. Il exercera ses fonctions sous le contrôle de la Commission des droits de l’homme.

151.Le projet de loi sur l’immigration vise notamment à prévenir la xénophobie tant parmi les autorités que dans la population, grâce à des campagnes d’information. Le Ministère de l’intérieur donne aux responsables des services de l’immigration une formation portant sur les droits et le traitement des migrants et des réfugiés et les implique dans la campagne visant à informer le public à cet égard. En outre, la police sud‑africaine (South Africa Police Service (SAPS)) et la Force de défense nationale (South Africa National Defence Force (SANDF)) offrent, dans le cadre de leurs programmes de formation, des cours sur les droits des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées dans leur propre pays. Les Ministères de l’intérieur et de l’éducation ont élaboré en concertation des directives sur le traitement des enfants des demandeurs d’asile, afin d’empêcher toute discrimination à leur égard, en particulier dans les écoles. Le Ministère de l’intérieur et la police sud‑africaine coopèrent avec l’association Lawyers for Human Rights pour faciliter les visites hebdomadaires d’un juriste au centre de détention de Lindela, afin de veiller à ce que les droits des migrants en situation irrégulière placés en détention soient respectés.

152.Malgré les progrès réalisés, il reste beaucoup à faire pour former les fonctionnaires et informer le public, car des informations persistantes signalent que les migrants et les réfugiés continuent d’être victimes de discriminations commises par des fonctionnaires publics. Parmi les sujets de préoccupation figurent les suivants: des fonctionnaires publics ignorent les droits des migrants d’avoir accès à différents services et traitements (en particulier les réfugiés de bonne foi et les migrants en situation régulière); des violences et discriminations injustifiées sont commises à l’égard de migrants au motif de leur origine ethnique ou nationale; il y aurait de la corruption dans l’accès à des services sociaux tels que l’éducation, le logement et les soins de santé; le niveau de pauvreté et le mauvais état nutritionnel des enfants de migrants scolarisés.

153.La loi de 1998 relative aux réfugiés régit l’accueil des demandeurs d’asile en Afrique du Sud et la reconnaissance du statut de réfugié. Le projet de loi relatif à l’interdiction des propos racistes qui sera bientôt présenté au Ministre de la justice vise à incriminer les propos haineux fondés sur la race et l’ethnie. L’Afrique du Sud a récemment ratifié le Statut de Rome de 1998 qui établit notamment la compétence de la Cour pénale internationale à l’égard des actes xénophobes graves.

154.À l’ONU, l’Afrique du Sud a fermement appuyé les résolutions qui protégent les droits des réfugiés et des migrants et condamnent les actes de xénophobie et de discrimination contre ces groupes.

155.Les progrès suivants ont été réalisés à ce jour:

En 2001, l’Afrique du Sud a accueilli et présidé à Durban la troisième Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, qui a adopté une déclaration et un plan d’action internationaux condamnant la xénophobie (notamment) et recommandant des mesures pour la prévenir;

Le Président s’est prononcé publiquement contre la xénophobie à l’égard des immigrants africains;

Le projet de loi sur l’immigration prévoit notamment que la xénophobie doit être prévenue et combattue tant au sein du Gouvernement que dans la population et que des programmes d’enseignement sur les droits des étrangers, des étrangers en situation irrégulière et des réfugiés doivent être mis en œuvre à cet égard;

Pour faire appliquer la loi sur l’immigration, le Ministère de l’intérieur a pour stratégie de faire participer les responsables du Ministère à la sensibilisation du public aux droits des réfugiés et des migrants;

La loi de 1998 sur les réfugiés régit l’accueil des demandeurs d’asile en Afrique du Sud et la reconnaissance des réfugiés;

Le Parlement sera prochainement saisi du projet de loi sur l’interdiction des propos haineux qui incriminera de tels propos, notamment ceux fondés sur la race et l’ethnie;

Un projet de loi incorporant les dispositions du Statut de Rome de 1998 portant création du tribunal pénal international est en cours d’élaboration. Il comprendra des dispositions tendant à réprimer les crimes graves, notamment le génocide, et les effets graves de la xénophobie et de la discrimination visant les groupes ethniques;

La campagne pour faire reculer la xénophobie (Roll Back Xenophobia) a été lancée fin 1998 et se poursuit avec l’appui du Gouvernement. L’Association nationale pour les réfugiés a été mise en place pour promouvoir cette campagne et la Commission sud‑africaine des droits de l’homme a lancé plusieurs projets pour lui donner effet, notamment une campagne de sensibilisation visant à donner aux fonctionnaires publics, en particulier les prestataires de services sociaux, éducatifs et sanitaires, les responsables des services d’immigration et de la Police nationale, le grand public et les médias une formation sur les droits fondamentaux des réfugiés et des migrants, en situation régulière ou non, l’injustice de la xénophobie et ses effets sur la vie des victimes. Les communautés sont encouragées à la tolérance envers les réfugiés et les migrants;

Une série de programmes radiotélévisés ainsi que des ateliers et séminaires organisés par la Commission des droits de l’homme, le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l’association Lawyers for Human Rights ont eu des effets positifs, en particulier sur la manière dont les médias couvrent les questions relatives aux migrants, notamment les reportages sur la criminalité, la situation dans les pays d’origine, les effets des actes xénophobes, etc. Les médias s’adressent aujourd’hui régulièrement à la Commission des droits de l’homme pour obtenir des renseignements sur les questions ayant trait aux réfugiés et aux migrants;

Les délégations sud‑africaines aux différentes réunions internationales, notamment la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, l’Assemblée générale des Nations Unies, la Commission des droits de l’homme, et les organes directeurs du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Comité international de la Croix‑Rouge, appuient fermement l’inclusion, dans les résolutions, de dispositions qui condamnent la xénophobie et recommandent des programmes palliatifs;

L’Afrique du Sud est partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole additionnel s’y rapportant ainsi qu’à la Convention de l’Organisation de l’Unité africaine relative aux réfugiés, de 1969; elle s’efforce de s’acquitter de ses obligations découlant de ces instruments;

Les modules de formation du Ministère de l’intérieur, de la police et de la Force de défense nationale sud‑africaine comprennent des cours de formation aux droits de l’homme, notamment aux droits des migrants, des réfugiés et des personnes déplacées. Le Ministère de l’intérieur a élaboré des directives sur le traitement des enfants des demandeurs d’asile pour éviter qu’ils soient victimes de discriminations dans les écoles;

Le Ministère de l’éducation s’emploie à insérer des cours sur la prévention de la xénophobie dans les programmes scolaires. Des concours d’écriture créative axés sur la prévention de la xénophobie et parrainés par le secteur privé sont organisés;

La police sud‑africaine et le Ministère de l’intérieur, en collaboration avec Lawyers for Human Rights, ont organisé des visites hebdomadaires d’un juriste au centre de détention de Lindela afin que les détenus soient traités conformément à la législation nationale et aux obligations internationales du pays;

L’Afrique du Sud est partie à plusieurs conventions de l’OIT qui protègent les droits des migrants comme des travailleurs locaux, et qui visent à prévenir la discrimination contre les migrants.

156.Les problèmes qui se posent sont notamment les suivants:

Le nombre considérable de migrants en situation irrégulière pèse sur les ressources limitées disponibles pour fournir des services sociaux à tous, mettant ces migrants en concurrence avec les citoyens sud‑africains pour des ressources et services sociaux insuffisants tels que le logement, l’éducation ou les soins de santé, ce qui entraîne des poussées de xénophobie;

À l’heure actuelle, l’économie est incapable de générer suffisamment de nouveaux emplois pour les citoyens;

La pauvreté et la crise économique, la concurrence pour des ressources peu abondantes et les conflits civils prolongés qui sévissent dans certains pays au nord de l’Afrique du Sud créent des conditions favorables à l’immigration illégale de migrants économiques (ce que l’on appelle le «facteur de répulsion»). Le risque de famine qui menace six pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) pourrait aggraver ce problème;

Les projets et les initiatives de paix du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique devraient prendre en considération certains des problèmes exposés ci‑dessus;

Le problème est de trouver un équilibre entre les droits des citoyens aux services sociaux et à un environnement sans criminalité et l’interdiction constitutionnelle de la discrimination et de la violation des droits fondamentaux de toute personne, citoyenne ou non, fondées sur l’origine ethnique ou la nationalité;

La procédure d’adoption de divers projets de loi relatifs à la xénophobie pourrait être accélérée à titre de priorité du Parlement;

Malgré les programmes de formation des médias et les séminaires en cours, la désinformation et l’ignorance persistent largement dans le grand public et certains médias en ce qui concerne les problèmes associés à la xénophobie, comme la criminalité, ce qui conduit à des actes tels que l’incendie des logements de 50 familles zimbabwéennes à Zandspruit et à leur expulsion de la communauté, le supplice du pneu enflammé autour du cou infligé à Ivory Park à des étrangers soupçonnés d’être des criminels et les stéréotypes négatifs véhiculés par les termes «makwere’kwere»;

Malgré les programmes de formation, il arrive encore que des fonctionnaires publics exercent des violences contre des migrants, comme en témoignent l’agression commise contre trois Mozambicains en situation irrégulière par des policiers et leurs chiens et les cas de mauvais traitements qui se sont produits au centre de détention de Lindela et qui font toujours l’objet d’une enquête;

Le public, les médias, les employeurs et les prestataires de services ne font toujours pas la différence entre les migrants en situation régulière ou les réfugiés de bonne foi et les migrants sans papiers;

Selon des informations récurrentes, des prestataires de services exerceraient des discriminations contre les migrants et les réfugiés et rares sont les informations aisément disponibles permettant aux migrants et réfugiés de connaître leurs droits et de savoir à qui s’adresser pour obtenir de l’aide. Il faudrait mettre en place un guichet unique de conseils, d’orientation et d’assistance juridique destiné aux demandeurs d’asile;

Des informations font état de faits de corruption imputables à des prestataires de services aux réfugiés et aux migrants;

Cas récurrents d’emploi illégal de migrants sans papiers travaillant dans des conditions choquantes, de trafic illégal et de violences physiques et sexuelles, touchant ces personnes;

Insuffisances des ressources financières et humaines affectées à la campagne contre la xénophobie (Roll Back Xenophobia);

Insuffisance des informations données aux étudiants sur les modalités d’obtention de bourses d’études et les organismes auxquels s’adresser, et des fonds prévus à cet effet.

Article 5 d) iii): Droit à une nationalité

157.La réintégration des anciens bantoustans, à savoir les TBVC et les «territoires autonomes», dans une Afrique du Sud unifiée a permis de rétablir pleinement les droits et la dignité de ceux qui avaient été privés de leur nationalité par le racisme de l’apartheid. L’article 3 de la Constitution dispose ce qui suit:

«1)Il n’existe qu’une seule et même citoyenneté sud-africaine;

2)Tous les citoyens ont:

a)Les mêmes droits, privilèges et avantages qui s’attachent à la citoyenneté;

b)Les mêmes devoirs et responsabilités qui s’attachent à la citoyenneté;

c)La législation nationale doit régir l’acquisition, la perte et le rétablissement de la citoyenneté».

158.La loi sur la citoyenneté sud-africaine (South African Citizenship Act) de 1995 (loi no 88 de 1995) régit l’acquisition, la perte et le rétablissement de la citoyenneté. Les dispositions ci‑dessus sont renforcées par la garantie contre la déchéance de la nationalité (art. 20 de la Constitution).

159.En pratique, cela signifie que tous les ressortissants sud-africains ont le droit d’avoir un passeport et peuvent s’en servir pour voyager avec la certitude que les autorités sud‑africaines feront usage de leurs moyens diplomatiques internationaux pour assurer leur protection. Sous le régime d’apartheid, la majorité des Sud‑Africains noirs étaient confinés dans les États prétendument «indépendants», les États TBVC, et privés de la citoyenneté sud‑africaine.

Article 5 d) iv):Droit de se marier et de choisir un conjoint

160.Le choix de l’époux et la vie familiale ne sont pas expressément traités dans la Charte des droits de la Constitution si ce n’est que la situation matrimoniale figure parmi les motifs pour lesquels toute discrimination injustifiée est interdite. Cependant, les tribunaux ont interprété d’autres dispositions de la Charte des droits, notamment celles relatives à l’égalité, la dignité humaine, la grossesse et l’orientation sexuelle, d’une manière qui permet de reconnaître concrètement les droits au mariage et au choix d’un conjoint. La décision la plus récente de la Cour constitutionnelle à cet égard avait trait à la question de savoir si les étrangers mariés à des ressortissants sud‑africains devraient jouir, en matière de traitement des permis de séjour, de droits supérieurs à ceux des étrangers ordinaires. La Cour a affirmé que les étrangers mariés à des ressortissants sud‑africains avaient des droits spéciaux en la matière (Dawood & Another, Shalabi & Another, Thomas & Another v.Minister of Home Affairs & Another 2000(8) BCLR 837(CC)).

161.En principe, quiconque, indépendamment de sa race, de son origine ethnique ou de sa nationalité, a atteint l’âge de 18 ans, est libre de choisir un conjoint et de contracter mariage. En d’autres termes, l’âge de la majorité est fixé par la Constitution à 18 ans (art. 28, par. 3 de la Constitution). Il y a cependant des cas (par esprit de groupes par exemple dans lesquels les institutions traditionnelles peuvent empêcher certaines personnes de contracter mariage ou d’épouser la personne de leur choix). Ces pratiques peuvent être contestées devant un tribunal en application de la disposition relative à l’égalité.

Article 5 d) v):Droit de toute personne aussi bien seule qu’en association à la propriété

162.La propriété est régie par l’article 25 de la Constitution. Cette disposition traite de la protection contre la privation arbitraire de biens, de l’indemnisation juste et équitable en cas d’expropriation à des fins publiques et des réformes foncières tendant à donner accès équitablement à la terre et à d’autres ressources, à renforcer la sécurité de jouissance et à faciliter la restitution de biens aux individus et aux communautés lésés par des lois et pratiques racistes en matière de propriété foncière et de possession de biens dans le passé.

163.Le Ministère des affaires foncières est chargé de concevoir et de mettre en œuvre une politique de réforme foncière tendant à réparer efficacement les injustices causées par les expulsions forcées, les inégalités historiques dans l’accès à la terre et l’absence de sécurité de jouissance. La politique en la matière a été mise au point en 1997 et ses principales dispositions couvrent:

1)La restitution de terres à ceux qui les ont perdues suite à l’application de lois discriminatoires au motif de la race;

2)La redistribution de terres productives à ceux qui ont été défavorisés par le passé, en particulier les plus pauvres et les femmes;

3)La réforme des régimes de propriété foncière, visant à placer l’ensemble des personnes occupant des terres sous un régime unitaire et légal de propriété foncière.

(Ministère des affaires foncières, Pretoria, avril 1997: Livre blanc sur la politique foncière de l’Afrique du Sud)

164.Plusieurs textes législatifs ont été adoptés pour donner une expression et un sens concret aux principes et directives constitutionnels susmentionnés, notamment:

La loi sur le rétablissement des droits fonciers (Restitution of Land Rights Act) de 1994 (loi no 22 de 1994);

La loi sur la réforme foncière (métayers) (Land Reform (Labour Tenants) Act) de 1996 (loi no 3 de 1996);

La loi sur les associations de copropriétaires de biens communautaires (Communal Property Associations Act) de 1996 (loi no 28 de 1996);

La loi sur l’extension de la sécurité de jouissance (Extension of Security of Tenure Act) de 1997 (loi no 62 de 1997);

La loi sur le logement (Housing Act) de 1997 (loi no 107 de 1997).

165.La propriété foncière et immobilière est un facteur essentiel à prendre en compte pour déterminer les rapports de pouvoir à l’œuvre dans la société. Il n’est dès lors pas étonnant que l’exclusion de la majorité noire de toute forme raisonnable de propriété foncière, de contrôle et d’utilisation des terres ait été l’un des piliers du système de domination raciale en vigueur à l’époque coloniale et sous le régime d’apartheid. Corriger ces injustices du passé fait partie des objectifs centraux du Gouvernement.

166.Au nombre des institutions créées pour accélérer le processus de transformation et de «déracialisation» de la propriété foncière, du contrôle et de l’utilisation des terres et des biens figure la Commission de rétablissement des droits fonciers, chargée d’enquêter et de servir de médiateur dans les litiges liés à des revendications foncières. La Commission a pris diverses mesures pour favoriser un règlement plus rapide de ces conflits. À l’origine, on s’efforçait de donner directement accès au tribunal des litiges fonciers à la quasi-totalité des requérants. Cette méthode s’est avérée longue et lente. Selon la méthode actuelle, qui a permis d’accélérer le règlement des litiges, la Commission traite directement les revendications, sauf dans les cas les plus graves, qui nécessitent une intervention judiciaire. Le Ministère de la justice et de la réforme constitutionnelle a conclu un accord avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), dont l’objet est notamment de doter la Commission des moyens dont elle a besoin pour traiter les revendications.

Article 5 d) vi):Droit d’hériter

167.Le droit d’hériter n’est pas expressément énoncé dans la Constitution. Cependant, des cas de discrimination fondée sur l’appartenance raciale ou le sexe, entre autres, ont pu être réglés de manière assez satisfaisante en s’appuyant sur la Charte des droits existante. C’est en particulier l’article 9, relatif à l’égalité et à l’interdiction au droit de ne pas être soumis à une discrimination injustifiée qui a été invoqué jusqu’ici pour revendiquer un héritage au motif d’une discrimination.

168.Les dispositions légales relatives à l’héritage font partie des derniers textes en vigueur fondés sur l’apartheid. Les successions ab intestat des Blancs et les successions des non‑Africains sont régies par la loi sur les successions ab intestat (Intestate Succession Act) de 1986, tandis que les successions des Noirs relèvent de la loi sur l’administration des Noirs (Black Administration Act). Si certaines successions ab intestat des Noirs sont régies par la loi sur l’administration des successions (Administration of Estates Act) no 66 de 1965, comme celle des Blancs et d’autres successions, la plupart relèvent de la loi sur l’administration des Noirs. Les problèmes connexes fondés sur la race ou le sexe ont été présentés plus haut.

169.Le Gouvernement a engagé un processus de grande ampleur afin de mettre un terme à cette anomalie. Un projet de loi, qui avait été soumis au Parlement en 1998, a été renvoyé pour de plus amples consultations, les chefs traditionnels ayant affirmé que leurs organes n’avaient pas été suffisamment consultés. Des consultations plus larges ont eu lieu depuis et un projet de loi modifiée a été soumis pour examen.

170.Les mesures en cours visent aussi à intégrer les services sur le plan racial. Jusqu’ici, dans la plupart des cas, les magistrats étaient saisis des affaires de succession concernant des Noirs car du temps de l’apartheid, ils étaient compétents pour appliquer la loi sur l’administration des Noirs, tandis que le Premier Président de la Cour suprême était compétent pour les litiges concernant les successions régies par les lois générales relatives à l’administration des successions. À la fin de 2000, la Cour constitutionnelle a estimé que l’application différente et inégale des lois à cet égard était inconstitutionnelle (voir Moseneke and Others v. The Master of the High Court and Others2001(2) SA 18(CC)).

Article 5 d) vii):Droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion

171.L’article 15 de la Constitution garantit «la liberté de conscience, de religion, de croyance et d’opinion». Il dispose en outre que «les rites religieux peuvent avoir lieu dans des établissements appartenant à l’État ou subventionnés par l’État, suivant des règles fixées par l’autorité compétente, à la condition que les rites religieux respectent le principe d’équité et que chacun y participe librement et de plein gré».

172.Le gouvernement du temps de l’apartheid prétendait gouverner au nom du christianisme. Ses politiques et pratiques racistes contredisaient cette affirmation. Les Noirs faisaient spécifiquement l’objet de traitements discriminatoires autorisés par la loi. Ceux qui s’opposaient à ces politiques et pratiques mises en place au nom du christianisme étaient impitoyablement réprimés. L’évêque Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, et d’autres opposants farouches de l’apartheid ont été persécutés pour leur cause; certains ont été torturés, d’autres y ont laissé leur vie.

173.On estime que la majorité de la population de l’Afrique du Sud est de confession chrétienne mais il y existe bon nombre d’autres religions, certaines bien connues, d’autres non. Parmi les autres grands groupes religieux figurent les hindous, les musulmans et les juifs ainsi qu’une variété de religions et systèmes de croyances autochtones. Toutefois, gérer la diversité est source de difficultés même en matière de religion. La Cour constitutionnelle est ainsi actuellement saisie d’une affaire difficile qui oppose le droit constitutionnel d’un rastafarien à la liberté de religion au fait que l’intéressé possède ou fume de la marijuana, ce qui constitue une infraction pénale. Cette affaire en est au stade de l’appel final, la Cour suprême ayant déjà statué (Prince v. The President of the Law Society of the Cape of Good Hope 2000(7) BCLR 823(SCA)).

174.Le blasphème reste une infraction pénale de droit commun. L’article 47, paragraphe 2 b) de la loi sur les publications (Publications Act) de 1974 (loi no 47 de 1974) prévoit un mécanisme permettant d’interdire les contenus jugés «indésirables» parce qu’étant en tout ou en partie blasphématoires ou offensants à l’égard des convictions ou sentiments religieux d’une partie de la population.

Article 5 d) viii):Droit à la liberté d’opinion ou d’expression

175.La Constitution contient plusieurs dispositions donnant effet au droit à la liberté d’opinion et d’expression. Les restrictions légitimes à la liberté d’expression visant à satisfaire aux obligations énoncées à l’article 4 de la Convention ont été traitées aux paragraphes 2 à 10 du présent rapport et ne seront donc pas abordées de nouveau dans la présente section. Par ailleurs, l’article 16 de la Constitution se lise comme suit:

«16 1)Toute personne a droit à la liberté d’expression, laquelle comprend:

a)La liberté de la presse et des médias;

b)La liberté de recevoir ou de diffuser des informations ou des idées;

c)La liberté de création artistique;

d)La liberté de l’enseignement et la liberté de la recherche scientifique».

176.Dans la mesure où la liberté d’expression est étroitement liée au droit d’avoir accès à l’information, l’article 32 de la Constitution mérite d’être mentionné. Il se lit comme suit:

«32 1)Toute personne a le droit d’avoir accès à:

a)Toute information détenue par l’État;

b)Toute information en possession d’une tierce personne, qui est nécessaire à l’exercice ou à la protection de droits, quels qu’ils soient».

Cela étant, et comme cela a été indiqué plus haut, ce droit est limité entre autres choses par l’interdiction des propos haineux, pratique courante chez les personnes profondément racistes. La loi sur la promotion de l’égalité (Promotion of Equality Act) contient des dispositions similaires dont le but est de veiller à ce qu’il ne soit pas fait une utilisation abusive de la liberté d’expression pour léser les droits fondamentaux d’autrui.

177.Une loi nationale a récemment été adoptée pour donner effet à la prescription constitutionnelle susmentionnée: la loi sur la promotion de l’accès à l’information (Promotion of Access to Information Act) no 2 de 2000. Les buts de ce texte sont notamment: la promotion de la transparence et de la responsabilisation des organismes publics et privés, la protection de certaines informations sécuritaires détenues par des organismes publics et la protection d’informations professionnelles confidentielles protégées. La promotion de l’accès à l’information est en outre réalisée par le biais des organismes publics et privés de radiodiffusion, de la presse et des médias électroniques. Le service public de radiodiffusion est contrôlé par une institution constitutionnelle indépendante, l’Autorité indépendante des communications de l’Afrique du Sud (ICASA), désignée à l’issue d’un processus public concurrentiel et transparent régi par la loi sur l’Autorité de réglementation des communications (Communications Authority Act) no 13 de 2000.

178.La liberté d’opinion est indissociable de la liberté d’expression, du droit à la liberté de l’information et du droit à la liberté de conscience, de pensée et de croyance. L’article 15, paragraphe 1 de la Constitution reconnaît ce droit fondamental en disposant que «chacun a la liberté de conscience, de religion, de pensée, de croyance et d’opinion».

Article 5 d) ix):Droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques

179.Deux dispositions et articles distincts mais interdépendants de la Charte des droits sud‑africaine reconnaissent et garantissent ces droits:

«17.Toute personne a le droit, de manière pacifique et sans armes, de se réunir, de  manifester, de former des piquets de grève et de présenter des pétitions.

18.Toute personne a le droit à la liberté d’association».

On voit à la lecture de ces articles que la Charte des droits sud‑africaine reconnaît l’existence d’un ensemble de droits inhérents au droit de réunion pacifique. Par conséquent, les formes politiques, syndicales et autres de réunion pacifique sont protégées par la Constitution. La restriction intrinsèque est ici exprimée dans les termes «pacifique» et «sans armes». Les tribunaux ont confirmé la constitutionnalité de cette restriction dans des cas où des manifestations et protestations avaient été violentes et avaient donné lieu à des dommages ou atteintes à des biens ou des personnes. (Acting Superintendent-General of Education of KwaZulu-Natal v. Ngubo, 1996(3) BCLR 369(N)).Il importe de souligner que ce droit a été arraché chèrement pendant la lutte pour la libération contre le colonialisme et l’apartheid.

Droits économiques, sociaux et culturels

180.Comme cela a été indiqué précédemment, le cadre constitutionnelsud‑africain accorde la même considération aux droits économiques, sociaux et culturels qu’aux autres droits de l’homme. Parmi les droits protégés figurent le droit à l’alimentation et les droits fondamentaux de l’enfant. Étant donné l’héritage économique, social et culturel de l’apartheid, le fait de ne pas assurer un exercice égal, sans discrimination raciale, des droits économiques et sociaux saperait tout effort tendant à assurer un exercice égal des autres droits de l’homme. La Commission sud‑africaine des droits de l’homme a été chargée de surveiller la mise en œuvre des droits économiques et sociaux et de faire régulièrement rapport au Parlement. Par contre, les tribunaux commencent en outre à mettre en doute l’applicabilité des droits sociaux et économiques.

Article 5 e) i):Droit au travail et droits connexes

181.La Constitution protège un ensemble de droits relatifs à la liberté d’exercer un métier, un emploi et une profession, qui correspondent, en substance, aux dispositions de l’article 5 e) i) de la Convention. Les dispositions pertinentes de l’article 22 de la Charte des droits sont énoncées comme suit:

«Tout citoyen a le droit de choisir librement son métier, son emploi ou sa profession. La pratique d’un tel métier, emploi ou profession peut être réglementée».

182.Cette disposition est exclusive à l’égard de tous les non‑citoyens. Elle tient compte de la réalité de la situation de l’Afrique du Sud, pays en développement dont les citoyens subissent un chômage massif.

183.Un certain nombre de textes législatifs ont été adoptés ou révisés pour préciser et appliquer effectivement les droits constitutionnels qui sont reconnus par les instruments internationaux relatifs au droit au travail. L’effet cumulatif de ces textes de lois et des mesures administratives qui les accompagnent est de permettre une réalisation progressive du droit au travail. Les instruments clefs à cet égard sont notamment les suivants:

Loi sur les relations de travail ( Labour Relations Act )no 58 de 1995

Ce texte de loi contient entre autres des dispositions rigoureuses qui protègent les travailleurs contre les licenciements abusifs en cas d’incapacité, de faute, de réductions de personnel et de grève.

Des travailleurs ont toutefois exprimé leur préoccupation quant à ce qu’ils considèrent comme des lacunes dans la protection des travailleurs contre les pratiques abusives en matière de compression de personnel. La loi protége aussi les travailleurs, y compris les candidats à un emploi, contre les pratiques de recrutement discriminatoires. En outre, elle tend à assurer le respect des droits relatifs au travail et à l’emploi dans la rubrique «pratiques abusives dans le domaine des relations du travail». Des mécanismes spéciaux de règlement accéléré des différends, y compris un mécanisme facilement accessible appelé «Commission de conciliation, de médiation et d’arbitrage», sont prévus par la loi. Comme son nom l’indique, cette commission propose des services de règlement des différends comprenant la conciliation, la médiation et l’arbitrage. Ce mécanisme est d’un coût relativement abordable pour tous, y compris les employés de maison.

Loi sur les conditions élémentaires d’emploi ( Basic Conditions of Employment Act )no 75 de 1997

Ce texte de loi énonce des normes minimales d’emploi relatives à la durée du travail, aux congés de maladie, congés annuels, congés maternité et parentaux et congés pour raisons personnelles et à l’établissement de salaires minimum, etc. Sa portée a été récemment étendue à des professions historiquement marginalisées, occupées majoritairement par des Noirs, en particulier des femmes (employés de maison, travailleurs agricoles et travailleurs à temps partiel, par exemple).

Loi sur l’assurance chômage ( Unemployment Insurance Act )de 1956, telle que modifiée

Ce texte de loi assure une protection sociale contre le chômage en protégeant les travailleurs contre les risques de perte de revenu pendant les périodes de chômage et les congés de maternité. Il a été récemment étendu aux travailleurs agricoles et des efforts sont faits pour l’étendre également aux employés de maison et autres travailleurs historiquement marginalisés. Les emplois domestiques fournissent du travail à près d’un million de femmes noires. Sont principalement visés les travailleurs à faible revenu, les bénéficiaires étant majoritairement des Noirs, ce à cause des séquelles de la discrimination raciale légalisée.

Loi portant modification de l’indemnisation des accidents du travail et maladies professionnelles ( Compensation for Occupational Injuries and Disease Amendment Act ) no 100 de 1993

Cette loi prévoit une aide financière et une indemnisation pour les travailleurs qui se blessent dans le cadre de leur emploi ou contractent une maladie professionnelle entraînant des frais médicaux et/ou une incapacité.

Loi sur la formation professionnelle ( Skills Development Act ) de 1998

Ce texte de loi offre un cadre pour l’investissement dans l’amélioration des compétences en tant qu’élément de la stratégie visant à combler les lacunes du pays dans le domaine du développement humain. Ces lacunes touchent particulièrement les Noirs par suite de la politique délibérée de sous‑développement qui leur a été appliquée à l’époque de l’apartheid et du colonialisme.

Loi sur l’égalité en matière d’emploi ( Employment Equity Act ) de 1998

Ce texte de loi prévoit l’élimination de toutes les formes de discrimination et la promotion de l’égalité dans l’emploi, l’accent étant particulièrement mis sur la discrimination fondée sur la race, le sexe et le handicap. Outre qu’elle interdit toute discrimination injustifiée dans toutes les pratiques liées à l’emploi, la loi fait obligation aux employeurs de vérifier que leur entreprise est exempte de toute pratique discriminatoire, directe ou indirecte, et d’adopter des mesures résumées dans un plan pour l’égalité dans l’emploi tendant à éliminer la discrimination et à favoriser le progrès des groupes cibles qui comprennent les Noirs, les femmes et les handicapés. La loi a aussi pour but de réduire les écarts de salaire, qui ont des implications raciales dans la mesure où les Noirs représentent la majorité des bas salaires.

Loi sur la promotion de l’égalité ( Promotion of Equality Act ) et loi sur la prévention des discriminations injustifiées ( Prevention of Unfair Discrimination Act ) de 2000

Ces textes contiennent des dispositions similaires à celles de laloi sur l’égalité en matière d’emploi pour les questions touchant les employés, les employeurs et l’emploi non visées par cette dernière. Sont par exemple visés la Force de défense nationale sud‑africaine, les services de renseignements et les prestataires de services en sous‑traitance. En outre, ce texte consacre le principe d’un salaire égal pour un travail égal.

184.Vu collectivement, le cadre ci‑dessus permet à l’Afrique du Sud de se conformer au moins sur le plan juridique à ses obligations découlant de l’article 5 e) i) de la Convention, relatives au droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions de travail justes et favorables, à la protection contre le chômage, au principe d’un salaire égal pour un travail égal et à une rémunération juste et favorable.

185.Quoiqu’il en soit, il reste encore beaucoup à faire pour assurer la réalisation effective des droits consacrés dans le cadre constitutionnel et juridique de l’Afrique du Sud. L’un des problèmes majeurs est celui du chômage. Un autre réside dans l’insuffisance de la connaissance de la loi, de la sensibilisation aux droits en vigueur et de la capacité de les faire appliquer. Entre autres, les travailleurs agricoles sont particulièrement désarmés face aux pratiques abusives des employeurs en dépit des dispositions légales en vigueur.

186.D’autres facteurs qui entravent sérieusement la jouissance effective des droits liés au travail, sur un pied d’égalité et sans distinction de race, sont notamment la répartition inégalitaire des compétences selon l’appartenance raciale; le sous-emploi des personnes qualifiées issues des groupes historiquement marginalisés dû à des attitudes préjudiciables et de diverses manifestations du pouvoir social accumulé par les groupes historiquement privilégiés et les handicaps accumulés simultanément par les groupes historiquement marginalisés.

Article 5 e) ii):Droit de fonder des syndicats et de s’affilier à des syndicats

187.L’article 23, paragraphe 3 de la Constitution garantit aux travailleurs le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier. Ce droit est également inscrit dans la loi sur les relations du travail (Labour Relations Act), qui contient des dispositions précises à ce sujet. La seule restriction fixée dans la loi sur les relations du travail vise à interdire les syndicats pratiquant l’exclusion raciale. Cette restriction est conforme aux dispositions de la Convention.

188.Sous le régime d’apartheid, il a dans un premier temps été interdit aux travailleurs noirs de créer des syndicats ou de s’y affilier. Par la suite, après qu’ils l’eurent fait illégalement, ils ont été autorisés à créer leurs propres syndicats, soumis à la ségrégation, mais pas à s’affilier à des syndicats blancs ou de fusionner avec eux. Par voie de conséquence, le mouvement syndical garde les caractéristiques historiques de l’apartheid. Ainsi, bien qu’il y ait eu des avancées visibles en matière d’intégration raciale dans le mouvement syndical, la plupart des syndicats historiquement noirs restent majoritairement noirs et il en va de même pour les syndicats historiquement blancs. Les fédérations syndicales ont les mêmes caractéristiques. La Fédération des syndicats démocratiques d’Afrique du Sud (FEDUSA) reste ainsi majoritairement blanche tandis que le Congrès des syndicats sud‑africains (COSATU) et le Conseil national des syndicats (NACTU) restent majoritairement noirs.

189.Les syndicats et fédérations syndicales ont pris des mesures concrètes importantes pour favoriser l’intégration raciale en leur sein. Le Gouvernement a lui aussi adopté diverses mesures administratives pour encourager l’exercice sur un pied d’égalité des droits de s’affilier à des syndicats et favoriser l’intégration raciale. Le Conseil national du développement et du travail (NEDLAC) compte parmi les initiatives tendant à encourager la coopération interfédérations et interraciale. Le Ministère du travail a également financé la création de l’organisation DITSELA d’aide aux travailleurs, née de la collaboration entre le COSATU et la FEDUSA. Le Gouvernement soutient également, sans toutefois le financer, le Fonds sud‑africain de développement du travail financé par l’Union européenne, qui est une initiative de renforcement des capacités regroupant les trois fédérations.

190.De nouvelles lois et politiques, en particulier laloi sur les relations du travail, sont venues mettre un terme aux privilèges accordés aux syndicats historiquement blancs au prétexte qu’ils étaient majoritaires, privilèges qui les renforçaient de manière à empêcher les nouveaux syndicats historiquement noirs de réussir. Concrètement cependant, certains de ces privilèges continuent à exister de façon occulte, souvent par de nouvelles combines, comme les commissions d’agence payées par des fonctionnaires non syndiqués, y compris des cadres, à l’Association de la fonction publique (PSA), composée historiquement de Blancs.

191.Cependant, dans la pratique, des problèmes persistent sur le plan du racisme et de la discrimination raciale dans le mouvement syndical. Les problèmes flagrants tiennent au fait que les syndicats auparavant exclusivement blancs cherchent encore à préserver les privilèges des Blancs. Les problèmes subtils sont notamment l’inégalité des compétences et des ressources dont disposent les syndicats, qui ont un caractère racial. Une des interventions des pouvoirs publics visant à régler le problème des compétences consiste à financer les organismes interprofessionnels dispensant des formations aux syndicats, par le biais du Ministère du travail. Les attitudes racistes sont combattues, entre autres, par des formations de sensibilisation à la diversité prévues par la loi sur l’égalité en matière d’emploi.

Article 5 e) iii):Droit au logement

192.Le droit d’avoir accès à un logement décent est reconnu et garanti par la Constitution, dont l’article 26 se lit comme suit:

«1)Toute personne a le droit d’avoir accès à un logement décent.

2)L’État doit prendre des mesures, législatives et autres, raisonnables dans les limites des ressources disponibles, en vue de la réalisation progressive de ce droit.

3)Nul ne peut être expulsé de son logement ou voir son logement démoli sans qu’une décision de justice ait été prise après examen de tous les éléments appropriés. Aucun texte de loi ne peut autoriser des expulsions arbitraires».

Une disposition complémentaire à l’article 28 garantit le droit à un foyer aux mineurs de 18 ans.

193.Plusieurs textes législatifs ont été adoptés à l’échelle nationale et provinciale pour faciliter la réalisation progressive de ce droit, conformément à la Constitution. D’autres textes législatifs nationaux protègent en outre tout individu contre les expulsions arbitraires non fondées sur une décision de justice, conformément à la disposition susmentionnée de la Constitution. Ces textes sont notamment:

La loi sur le logement (Housing Act) de 1997 (loi no 107 de 1997);

La loi sur le logement locatif (Rental Housing Act) de 1999 (loi no 50 de 1999);

La loi sur l’extension de la sécurité de jouissance (Extension of Security of tenure Act) de 1997 (loi no 62 de 1997);

La loi sur la réforme foncière (métayage) (Land Reform) (Labour Tenants Act) de 1996 (loi no 3 de 1996);

La loi sur la protection intérimaire des droits fonciers informels (Interim protection of Informal land Rights Act) de 1996 (loi no 31 de 1996);

La loi sur la prévention des expulsions illégales et des occupations illégales de terres (Prevention of Illegal Evictions from and Unlawful Occupation of Land Act) de 1998 (loi no 19 de 1998);

La loi sur la protection des consommateurs dans le domaine du logement (Housing Consumer Protection Measures Act) de 1998 (loi no 95 de 1998);

La loi sur la communication des données relatives aux prêts immobiliers et aux hypothèques (Home Loan and Mortgage Disclosure Act) de 2000 (loi no 63 de 2000).

194.Il est encore tôt pour juger de l’impact réel des textes législatifs susmentionnés et des autres textes adoptés en la matière. On peut toutefois relever que les problèmes hérités de l’apartheid continuent à se faire lourdement sentir dans le domaine du logement. Le Gouvernement a institué une allocation-logement pouvant aller jusqu’à 16 000 rand destinée à aider les familles à bas revenu à accéder au logement. Malheureusement, par suite des effets négatifs de la conjoncture économique défavorable, manifeste sous la forme de compressions de personnel, nombre de familles à bas revenu sont dans l’incapacité de rembourser leurs prêts bancaires. Le Gouvernement et le secteur privé ont entrepris des efforts conjoints pour tenter d’atténuer ces effets négatifs. Fournir des titres de propriété aux résidents des «townships» qui avaient été privés de sécurité de jouissance par le régime d’apartheid fait partie de la stratégie mise en place par le Gouvernement pour respecter ses obligations, à savoir:

L’État favorise un système de sécurité de jouissance par l’accès à la propriété ou par la location;

Des dépenses prioritaires pour des programmes spéciaux de logement ont été approuvées en faveur des femmes marginalisées dans le logement et des handicapés;

Des normes nationales relatives aux structures résidentielles permanentes visant à protéger les intérêts des bénéficiaires de subventions allocataires en termes de qualité et à réglementer la qualité des logements.

195.En ce qui concerne les logements destinés aux familles avec enfants, la Cour constitutionnelle vient de prononcer un arrêt dans lequel elle a reconnu le caractère limité des ressources de l’État tout en insistant sur le fait que les familles avec enfants devaient être prioritaires dans l’accès au logement (Grootboom and Others v. Oosternberg Municipality and Others,2000 (11)BCLR 1169(CC)).

196.Les organismes et mécanismes de prestation de services ci‑après ont été constitués pour donner de l’élan aux programmes de logement du Ministère du logement:

Mécanisme d’escompte;

Fonds de garantie hypothécaire;

Conseil national d’enregistrement des entreprises du bâtiment;

Société nationale de financement du logement;

Agence nationale de reconstruction urbaine et de logement;

Servcon Housing Solutions;

Fonds populaire de partenariat pour le logement;

Système d’information sur le logement (NOMVULA);

Fondation sociale pour le logement.

Article 5 e) iv):Droit à la santé publique et aux soins médicaux, à la sécurité sociale et aux services sociaux

197.La Charte des droits reconnaît plusieurs droits en matière de santé publique et de soins de santé. L’article 27 dispose ce qui suit:

«1)Toute personne a le droit d’avoir accès

a)Aux services de soins de santé, y compris en matière de santé de la procréation;

b)Nul ne peut se voir refuser des soins médicaux d’urgence».

D’autres dispositions de la Charte des droits, notamment l’article 24, qui garantit le droit de toute personne «à un environnement qui ne soit pas nuisible à la santé ni au bien‑être» et l’article 28, qui garantit aux enfants le droit «aux services de soins de santé de base», renforcent ces dispositions.

198.Un certain nombre de statistiques et mesures détaillées précisent les dispositions constitutionnelles susmentionnées, notamment la loi sur la santé (Health Act), no 63 de 1977. Le système de santé sud‑africain connaît actuellement des restructurations et des mutations majeures. L’accès aux services de base devient une réalité pour la majorité de la population historiquement défavorisée. L’État est déterminé à assurer la fourniture des soins de santé de base, qu’il considère comme un droit fondamental. Le plan universel pour les soins de santé comprend la gratuité des services médicaux dans les centres publics de soins de santé primaires. Les services fournis sont la vaccination, la prévention des maladies endémiques, les soins de maternité, les maladies chroniques, les maladies gériatriques, la réadaptation, les services aux personnes accidentées et les services d’urgence et la planification familiale.

199.Quelque 40 % des Sud‑Africains vivent sous le seuil de pauvreté et 75 % d’entre eux habitent dans des zones rurales où ils sont privés de l’accès aux services de santé. La loi sur les professions médicales, dentaires et paramédicales (Medical, Dental and Supplementary Health Services Professions Act) de 1997 (loi no 89 de 1997) prévoit l’introduction d’un service communautaire obligatoire d’une année dans 217 hôpitaux désignés à cet effet, en particulier dans les zones rurales, pour les médecins et dentistes nouvellement qualifiés. Le VIH/sida fait un grand nombre de morts. En partenariat avec tous les secteurs de la société, l’État mène une campagne de sensibilisation énergique, faisant une place à des mesures de prévention. Le Président a engagé des scientifiques, tant dans le pays qu’à l’étranger, à trouver une manière plus cohérente et efficace de traiter ce problème compte tenu de la pauvreté du continent africain.

200.En dépit des meilleurs efforts, les ressources limitées font qu’il est extrêmement difficile de s’acquitter de manière satisfaisante aux obligations découlant des traités et de la Constitution. Dans une affaire particulièrement plus délicate, la Cour constitutionnelle a conclu non sans peine que les maladies chroniques exigeant des traitements médicaux coûteux de haute technologie ne pouvaient pas être considérées comme des soins médicaux d’urgence, sans quoi les rares ressources allouées aux soins de santé primaires en souffriraient (Soobramoneyv. Minister of Health, KwaZulu Natal , 1997(12) BCLR (CC)).

201.La Constitution garantit le droit d’avoir accès à la sécurité sociale à tous, sans distinction. L’article 27, relatif aux soins de santé, à l’alimentation, à l’eau et à la sécurité sociale, dispose ce qui suit concernant la sécurité sociale et les services sociaux:

«1)Toute personne a le droit d’avoir accès

a)À des quantités suffisantes d’aliments et d’eau;

b)À la sécurité sociale, y compris à une aide appropriée si elle n’est pas à même de subvenir à ses propres besoins et à ceux des personnes à sa charge…».

202.Les lois donnant effet à ce droit se trouvent dans le droit du travail, d’une part, et la législation relative au développement social, d’autre part. Le droit du travail comprend notamment la loi sur l’assurance chômage (Unemployment Insurance Act) et les lois sur l’indemnisation des accidents et maladies (Compensation for Injuries and Diseases Acts), qui ont déjà été brièvement présentées dans le présent rapport.

203.Les textes et politiques relatifs au développement social ont au cours des dernières années subi une transformation profonde destinée à éliminer la discrimination raciale qui imprégnait le  système tout entier. À titre d’exemple, les pensions de vieillesse et les primes d’invalidité versées aux Noirs et aux Blancs ont été égalisées, de même que l’aide aux foyers pour personnes âgées et aux centres d’accueil de personnes handicapées. Le Livre blanc sur la sécurité sociale et un autre Livre blanc ont guidé la transformation du Programme pour la reconstruction et le développement (RDP).

204.Le principal texte de loi en matière de sécurité et d’assistance sociale est la loi sur l’assistance sociale (Social Assistance Act) de 1992, telle que modifiée. Ce texte régit les prestations allouées aux personnes âgées, aux anciens combattants, aux handicapés, aux bénéficiaires d’une pension alimentaire, aux enfants placés en famille d’accueil, aux familles monoparentales et aux allocataires de l’aide sociale.

205.L’allocation pour enfant à charge a été profondément remaniée il y a peu. Initialement, celle‑ci n’était pas accessible aux mères africaines. Étant donné que les allocataires sont bien plus nombreuses qu’elles ne l’étaient sous le régime d’apartheid, l’État a dû diminuer le montant alloué par enfant, afin de pouvoir soutenir toutes les familles concernées, sans distinction de race.

206.La sécurité sociale et l’aide sociale sont aussi fournies aux malades en phase terminale dans l’incapacité de subvenir à leurs besoins. Cette aide a été étendue aux personnes malades du sida. Quoiqu’elle s’applique à tous sans distinction de race, elle a un rôle essentiel dans l’action pour l’éradication de la discrimination raciale, étant donné que les indigents sont en majorité noirs du fait des liens étroits entre la pauvreté et le VIH/sida. Une fois encore, cela est dû aux conséquences socioéconomiques de l’apartheid.

207.Le Gouvernement est actuellement engagé dans un processus tendant à réformer l’ensemble du système d’aide sociale afin de garantir une sécurité sociale complète. Le projet de politique générale mis au point par le Ministère du développement social est soumis à un processus de consultations publiques. Des débats publics ont ainsi porté sur ce thème au mois d’octobre 2000, qui avait été proclamé «Mois du développement social».

208.Les politiques de développement en faveur de la population ont elles aussi été réformées pour correspondre aux idéaux constitutionnels de l’Afrique du Sud. Cela a supposé l’élimination de dispositions et pratiques fondées sur le racisme et ayant pour effet de perpétuer la discrimination raciale.

209.L’assistance sociale comprend aussi une assistance apportée en matière de santé et d’éducation à ceux qui n’y ont pas accès faute de moyens. Là aussi, compte tenu du fait, hérité du passé, que les revenus et l’accès à d’autres ressources sont inégalitaires selon l’appartenance raciale, ce dispositif a pour objet de limiter la discrimination raciale indirecte sur le plan de l’accès aux besoins élémentaires.

210.L’Afrique du Sud dispose d’un important réseau d’organisations non gouvernementales (ONG), proposant diverses formes d’assistance sociale. Parmi elles figurent des organisations bénévoles d’action sociale, des organisations religieuses, des organisations communautaires et des réseaux informels familiaux et communautaires. Bien que l’assistance et la sécurité sociales se taillent la part du lion du budget de l’État et bien que les disparités raciales dans l’accès à la sécurité sociale et aux services sociaux aient été notablement réduites, beaucoup de problèmes restent à régler. Bon nombre d’entre eux ont trait aux flux d’information, en particulier dans les communautés rurales. Des problèmes comme la vérification de documents − documents d’identité et certificats de naissance par exemple − et la corruption administrative ont entravé les progrès. Toutefois, l’État s’attaque à tous ces problèmes, notamment par des stratégies mettant en jeu l’automatisation et la lutte contre la corruption.

211.Le préambule du projet de loi sur la santé nationale indique expressément que la législation vise à redresser «les injustices, les déséquilibres et les inégalités socioéconomiques des services de santé hérités du passé». L’un des principaux objets du texte de loi sera donc de corriger les injustices raciales.

Article 5 e) v):Droit à l’éducation et à la formation

212.La Constitution garantit un ensemble de droits touchant le droit à l’éducation et à la formation. Son article 29 garantit:

Que toute personne a le droit à l’enseignement de base et à l’accès dans des conditions d’égalité aux établissements d’enseignement;

Le droit d’étudier dans la langue officielle ou dans une autre langue de son choix, lorsque cela est possible;

Le droit de créer des établissements d’enseignement indépendants fondés sur une culture, une langue ou une religion communes, sous réserve qu’aucune discrimination fondée sur la race n’y soit pratiquée; et

La possibilité pour les établissements d’enseignement privés indépendants de bénéficier de subventions de l’État.

213.La privation d’enseignement de qualité et non raciste imposée à la majorité de la population figurait en bonne place dans l’idéologie et la stratégie du colonialisme et de l’apartheid. C’est la sujétion de la majorité noire à un enseignement au rabais et raciste, l’«éducation bantoue» qui a déclenché les manifestations estudiantines et le mouvement de résistance historiques de 1976 et des années suivantes. La loi sur l’éducation bantoue (Bantu Education Act) de 1953 (loi no 47 de 1953) a été abrogée. Le 16 juin a été déclaré Journée nationale de la jeunesse sud‑africaine pour commémorer le sacrifice fait par les jeunes pour libérer le système éducatif.

214.Compte tenu des ressources limitées du pays, les tribunaux ont interprété certaines de ces dispositions de manière raisonnable. C’est ainsi que le droit d’étudier dans une langue de son choix n’implique pas que l’État a l’obligation absolue de créer des écoles pour tous les groupes culturels, linguistiques et religieux (décision ex parte rendue par la juridiction provinciale de Gauteng dans le différend concernant la constitutionnalité de certaines dispositions du projet de loi de 1995 sur l’enseignement scolaire dans la province de Gauteng, 1996(3) SA 165(CC)).

215.L’engagement constitutionnel de veiller à la réalisation de l’éducation de base est consacré dans la loi sur les écoles sud‑africaines (South African Schools Act) de 1996 (loi no 84 de 1996), qui prévoit ce qui suit:

L’instruction est obligatoire pour les enfants âgés de 7 ans à 15 ans, ou, si cela se produit avant, jusqu’à la neuvième;

Deux catégories d’établissements scolaires, à savoir les écoles publiques et les écoles indépendantes;

Les conditions d’admission des élèves dans les écoles publiques;

La direction et la gestion des écoles publiques;

Le financement des écoles publiques.

Comme en témoigne le document de politique générale récemment adopté sur «Les valeurs, l’éducation et la démocratie» (Ministère de l’éducation, 2000), le Gouvernement est déterminé à promouvoir des valeurs démocratiques respectueuses de la diversité et de la tolérance au sein du système éducatif.

216.Le processus de réforme du système éducatif sud‑africain a été entamé en août 1995. Le nouveau programme, dit «Programme 2005», met l’accent sur le passage d’une approche traditionnelle axée sur les contenus à un enseignement orienté vers les résultats. Ce programme à finalité pratique s’appuie sur une structure qui met en avant les compétences, les connaissances et les valeurs essentielles qu’il est important que tous les Sud‑Africains acquièrent. Les élèves passent de l’enseignement préscolaire à une série de classes allant de la première à la neuvième, constituant le cycle général d’enseignement et de formation ou GET (General Education andTraining ) puis aux classes de dixième, onzième et douzième du cycle d’éducation et de formation complémentaire, ou FET (Further Education and Training). Le cycle général d’enseignement comprend trois grandes phases: le niveau de base, le niveau intermédiaire et le niveau supérieur. Des évaluations en établissement ont lieu à la fin de chacune de ces phases. Au niveau du cycle d’enseignement complémentaire, des évaluations ont lieu au terme de chaque période scolaire. La scolarité de l’enfant commence dans la classe d’accueil (niveau zéro) et se poursuit dans les classes allant de la première à la douzième.

217.La création de possibilités d’éducation et de formation de base pour adultes (proposées dans le document de politique générale du Programme pour la reconstruction et le développement) a introduit un système de cours à temps partiel géré par les départements de l’éducation, dont le but est d’apprendre à lire et à compter aux adultes qui n’ont jamais été formellement scolarisés ou qui n’ont que brièvement fréquenté l’école.

218.La démocratie constitutionnelle est si jeune en Afrique du Sud qu’il n’est pas surprenant que des incidents politiques et intentions racistes imputables à des particuliers continuent à se produire de façon isolée. Lorsque cela se produit, des mesures fermes, y compris des actions en justice, sont et continueront à être prises. Par exemple, les tribunaux ont rejeté l’argument d’autorités scolaires et de parents qui avaient essayé de se servir de la religion, de la culture ou de la langue pour justifier une politique raciste d’exclusion à l’égard des enfants noirs souhaitant s’inscrire dans une école dans laquelle l’afrikaans était la langue prédominante (Matukane v. Laerskool Portgietersrus1996(3) SA 223(CC)). La Commission sud‑africaine des droits de l’homme a en outre procédé à plusieurs interventions à l’occasion d’incidents racistes survenus dans des établissements d’enseignement, à tous les niveaux.

Article 5 e) vi):Droit de participer dans des conditions d’égalité aux activités culturelles

219.La société sud‑africaine est diverse sur le plan culturel. Le préambule de la Constitution dispose: «Nous, le peuple d’Afrique du Sud, … croyons que l’Afrique du Sud appartient à nous tous qui y vivons, unis dans notre diversité». Ce passage est suivi de plusieurs dispositions qui garantissent les droits et libertés associés à la culture, concernant notamment les langues (art. 6), la langue et la culture (art. 30) et les communautés culturelles, religieuses et linguistiques (art. 31). Les autres dispositions constitutionnelles intéressant la participation aux activités culturelles sont énoncées dans les lois relatives aux chefs traditionnels, aux institutions traditionnelles et au droit coutumier (art. 211 et 212).

220.Le Ministère des arts, de la culture, de la science et de la technologie est responsable de la promotion et de la protection de la culture. Il a établi le Fonds pour la culture à l’effet de promouvoir des projets de développement culturel. La stratégie pour la croissance des activités culturelles a été constituée pour mener des études dans chacune des activités culturelles et évaluer leur croissance. D’autres organisations à vocation culturelle sont notamment le Fonds pour le patrimoine culturel africain, l’Académie Fuba, Le Programme de gestion des arts et de la culture et le Fonds d’Ikapa pour les arts. Un projet de loi a pour but de créer la commission pour la promotion et la protection des droits des communautés culturelles, religieuses et linguistiques. Il s’agira d’un organisme constitutionnel indépendant (art. 185 de la Constitution). Toutefois, il est constitutionnellement possible de limiter les utilisations, y compris abusives, de la culture dont le but est de porter atteinte à d’autres droits et libertés reconnus dans la Constitution. La décision de justice citée au paragraphe 267 en est une illustration.

Article 5 f):Droit d’avoir accès à tous lieux ou services destinés au grand public, tels que moyens de transport, hôtels, restaurants, cafés, théâtres et parcs

221.Dans la maison des horreurs de l’histoire de l’Afrique du Sud, la loi sur les aménagements publics séparés (Separate Amenities Act) no 49 de 1953, aujourd’hui abrogée, est une pièce particulièrement honteuse. Elle imposait aux Blancs et aux non‑Blancs d’utiliser des installations séparées. Comme si cela n’était pas suffisant, les installations destinées aux Noirs, lorsqu’elles existaient, étaient d’une qualité bien inférieure. À la fin des années 60, le Parti national au pouvoir a dû arrêter plus de 600 000 personnes chaque année pour appliquer les lois relatives aux laissez‑passer, en dépit des manifestations et campagnes de résistance massives des années 50 et 60, notamment la révolte de Sharpeville de 1960.

222.Depuis les élections d’avril 1994 et l’instauration de la démocratie constitutionnelle, tous les Sud‑Africains ont accès à tous les lieux publics ainsi qu’à tous les transports publics, hôtels, restaurants, cafés, théâtres et parcs. La situation reste problématique dans le domaine des sports, mais s’améliore progressivement. Cependant, quelques incidents sont rapportés dans les médias à propos de propriétaires blancs de pubs, d’hôtels et de restaurants qui refusent l’accès de leurs établissements aux Noirs, en violation des dispositions expresses de la loi. La clause relative à la non‑discrimination et à l’égalité énoncée dans la Charte des droits (art. 9) est le principal instrument juridique permettant de lutter contre la discrimination fondée sur la race dans ces domaines. L’application de la loi sur la promotion de l’égalité sera décisive pour décourager les formes directes et indirectes de discrimination injustifiée dans les transports, les hôtels, les restaurants, les cafés, les théâtres, les parcs et autres lieux et services.

ARTICLE 6:DROIT DE BÉNÉFICIER D’UNE PROTECTION ET D’UNE VOIE DE RECOURS EFFECTIVE, Y COMPRIS D’UNE SATISFACTION OU D’UNE RÉPARATION JUSTE ET ADÉQUATE, DEVANT LES TRIBUNAUX NATIONAUX ET AUTRES ORGANISMES D’ÉTAT COMPÉTENTS

223.Le Gouvernement de la République d’Afrique du Sud considère que n’importe quel instrument juridique peut garantir les droits et libertés. Toutefois, la jouissance effective de ceux‑ci dépend en fait des mécanismes et instruments d’application de cet instrument ainsi que de la pertinence et de l’efficacité des voies de recours ouvertes aux personnes dont les droits et libertés ont pu être menacés ou violés. L’article 38 de la Constitution, qui porte sur la protection des droits, dispose ce qui suit:

«Toute personne appartenant à l’une des catégories énumérées ci‑dessous a le droit de saisir le tribunal compétent s’il estime que l’un des droits énoncés dans la Charte des droits a été violé ou menacé et le tribunal peut lui accorder une réparation adéquate, notamment une déclaration des droits. Peut saisir un tribunal:

a)Toute personne agissant dans son propre intérêt;

b)Toute personne agissant au nom d’une autre personne qui n’est pas en mesure d’agir en son propre nom;

c)Toute personne agissant en tant que membre − ou dans l’intérêt − d’un groupe ou d’une catégorie de personnes;

d)Toute personne agissant dans l’intérêt public;

e)Toute association agissant dans l’intérêt de ses membres.».

224.Les dispositions ci‑dessus doivent être lues conjointement avec les dispositions constitutionnelles ci‑après:

i)La garantie de pouvoir accéder aux tribunaux ou, s’il y a lieu, à d’autres instances indépendantes et impartiales (art. 34);

ii)Le droit de contester une décision administrative dans les conditions prévues par la loi et conformément aux règles de la procédure (art. 33);

iii)Le droit des personnes et des enfants arrêtés, détenus ou accusés de saisir les tribunaux et de bénéficier d’une assistance juridique (art. 35 et 28).

225.Le pouvoir judiciaire est exercé par la magistrature, dont l’indépendance est garantie par la Constitution (art. 165 de la Constitution). Les juges sont nommés par la Commission des services judiciaires (Judicial Services Commission) et la Commission des juges de première instance (Magistrates Commission); ils jouissent de l’inamovibilité (art. 174 et 178 de la Constitution). Lorsque l’application des droits nécessite l’ouverture de poursuites pénales à l’encontre des personnes qui ont violé ces droits, c’est une instance indépendante, le Bureau du Directeur national des poursuites, qui prend cette mesure (art. 179).

226.La loi sur la promotion de l’égalité prévoit, aux fins de son application, la transformation, à terme, de toutes les juridictions en «tribunaux de l’égalité», l’élimination du racisme et de la discrimination illégitime étant l’un des principaux objectifs de cette loi (art. 16 lu conjointement avec l’article 31 de la loi). Les victimes du racisme et de la discrimination raciale peuvent aussi saisir divers tribunaux et instances spécialisés dans le règlement des litiges, à savoir:

La Commission de conciliation, de médiation et d’arbitrage (CCMA), le tribunal du travail et la cour d’appel du travail (créés en application de la loi nº 66 de 1995 sur les relations de travail);

La Commission sud‑africaine des droits de l’homme;

La Commission de l’égalité entre les sexes, le tribunal des litiges fonciers (Land Claims Court) (créés en application de la loi nº 22 de 1994 sur le rétablissement des droits fonciers) (Restitution of Land Rights Act);

La Commission Vérité et Réconciliation (créée en application de la loi nº 34 de 1995 sur la promotion de l’unité et de la réconciliation nationales) (Promotion of National Unity and Reconciliation Act).

227.La fourniture d’une assistance dans le domaine juridique et d’un défenseur sont essentiels en matière d’accès aux tribunaux. À cet égard, la loi nº 22 de 1969 sur l’aide juridique (telle qu’elle a été modifiée par la loi nº 20 de 1996 et qu’elle s’applique à quiconque se trouve sur le territoire de la République) porte création d’un bureau indépendant chargé d’administrer les programmes publics d’assistance judiciaire. Toutefois, faute de ressources suffisantes, il n’est pas possible de faire bénéficier d’une telle assistance de nombreuses personnes qui en ont pourtant besoin. Cela étant, la race n’intervient pas dans le choix des personnes qui peuvent bénéficier de l’assistance dans la limite des ressources disponibles. On s’efforce actuellement d’améliorer le système de prestations de l’aide juridique grâce aux maisons de la justice et du droit («Justice Centres Model»).

ARTICLE 7:MESURES PRISES DANS LES DOMAINES DE L’ENSEIGNEMENT, DE L’ÉDUCATION, DE LA CULTURE ET DE L’INFORMATION POUR LUTTER CONTRE LES PRÉJUGÉS CONDUISANT À LA DISCRIMINATION RACIALE ET FAVORISER LA COMPRÉHENSION, LA TOLÉRANCE ET L’AMITIÉ AINSI QUE POUR PROMOUVOIR LES BUTS ET LES PRINCIPES DE LA CONVENTION ET DES AUTRES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX PERTINENTS

Généralités

228.Le processus d’élaboration de la Constitution actuellement en vigueur dont est issu l’ordre constitutionnel a constitué l’activité la plus importante entreprise initialement par l’État pour lutter contre les préjugés à l’origine de la discrimination raciale, tout en encourageant la compréhension, la tolérance, l’entente et l’amitié entre les groupes et en faisant connaître les buts et les principes de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Convention et d’autres instruments internationaux pertinents.

229.Depuis, de nombreuses activités ont été menées pour sensibiliser la population à la discrimination, notamment raciale, et aux droits de l’homme en général. Les travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, l’élaboration d’un Programme d’action national pour la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant (PAN), l’élaboration d’un Plan national d’action pour l’amélioration de la protection et de la promotion des droits de l’homme (PNA) ainsi que les préparatifs de la Conférence nationale sur le racisme et la conférence elle‑même ont contribué à faire mieux connaître au public les principes d’égalité et de non‑discrimination.

230.Lors du processus d’élaboration de certaines lois, en particulier la loi sur la promotion de l’égalité, d’importants programmes de sensibilisation du public et de réorientation des prestataires de services ont été mis en œuvre, qui ont permis de renforcer la réalisation des buts et des principes qui sous‑tendent la Convention et des instruments connexes relatifs aux droits de l’homme.

Éducation et enseignement

231.L’éducation était l’un des piliers de l’apartheid. Le système d’enseignement scolaire a été systématiquement restructuré pendant les années d’apartheid afin de préparer les Noirs à assumer leur rôle prétendument inférieur dans la société et les Blancs à accepter ou exercer leur domination et leur autorité. Les moyens d’éducation non scolaires, en particulier les médias électroniques, étaient aussi utilisés efficacement pour inculquer les valeurs racistes sur lesquelles reposait l’apartheid. L’enseignement professionnel servait également à renforcer ces valeurs et les comportements discriminatoires qui en découlaient.

232.Il n’est pas surprenant que pour conduire le processus de construction d’une nouvelle nation fondée sur le principe selon lequel tous les êtres humains sont égaux et ont droit au respect de leur dignité et sur les autres droits humains universels, l’Afrique du Sud s’emploie activement à faire de l’éducation, qui était l’un des piliers de l’apartheid, l’une des pièces maîtresses de la société non raciste et non sexiste envisagée par la Constitution.

233.L’initiative relative aux valeurs de l’éducation mentionnées plus haut est l’une des principales initiatives qui se sont avérées être un moyen d’utiliser le système éducatif pour en finir avec les attitudes et les comportements néfastes résiduels qui constituent des séquelles sociales et psychologiques du colonialisme et de l’apartheid. Cette initiative vise aussi à contribuer à l’avènement d’une culture des droits de l’homme, qui n’existait pas sous l’apartheid. L’un des principaux éléments de cette initiative est l’incorporation dans les programmes scolaires d’un enseignement portant sur les droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne le racisme et le sexisme.

234.Avant la mise en œuvre de l’initiative relative aux valeurs de l’éducation, le système éducatif avait déjà été utilisé pour inculquer aux élèves une culture des droits de l’homme et, notamment, pour éradiquer les préjugés raciaux et les comportements qui en découlent. Nombre de ces activités avaient été menées conjointement par plusieurs ministères au titre du Programme d’action national pour les enfants et du Plan visant à améliorer la promotion et la protection des droits de l’homme. Certaines s’inscrivaient dans le cadre des efforts permanents visant à faire connaître largement la Constitution. D’autres sont menées par le Ministère de l’éducation et la Commission sud‑africaine des droits de l’homme, qui ont entrepris de collaborer face à la gravité préoccupante des conflits racistes dont étaient le théâtre quelques‑unes des écoles récemment intégrées. Parmi ces activités figuraient notamment:

La semaine des droits de l’homme;

La semaine de la Constitution;

La semaine des enfants;

Des visites d’écoles par des magistrats.

Diverses publications sur les droits humains et les responsabilités des enfants, notamment le droit de ne pas faire l’objet d’une discrimination fondée sur la race, le sexe, le handicap ou toute autre situation, parmi lesquelles:

Le droit expliqué aux enfants;

Busi va au tribunal;

Divers brochures, affiches et résumés se rapportant à des instruments tels que la Convention relative aux droits de l’enfant et la Constitution.

235.Le programme d’enseignement a également été modifié, notamment la manière de présenter et d’analyser l’histoire de l’Afrique du Sud. Jusqu’à très récemment, les leçons et les manuels d’histoire mettaient l’accent sur l’Europe et sur le point de vue des premières communautés de colons blancs. L’enseignement de l’histoire était non seulement partial mais aussi tendancieux, de nature à créer des divisions, et raciste. Par exemple, les enseignants parlaient de «personnes» et d’«indigènes», laissant ainsi entendre que les Africains qui, avant la colonisation, occupaient les régions qui constituent aujourd’hui l’Afrique du Sud n’étaient pas des personnes. Les «indigènes» étaient aussi présentés comme faisant partie d’un ensemble de dangers, comprenant également les serpents et les animaux sauvages, qui menaçaient les «personnes», c’est‑à‑dire les colons blancs, lorsqu’ils pénétraient à l’intérieur des terres.

236.Toutefois, les changements s’opèrent très lentement. L’un des principaux obstacles est dû aux mentalités de nombre d’enseignants qui ont été socialisés à l’époque où régnaient les valeurs racistes de l’apartheid et qui doivent aujourd’hui transmettre de nouvelles valeurs qui sont aux antipodes de ce qu’ils ont considéré pendant toutes ces années comme étant la vérité. Diverses mesures sont prises pour remédier à cette situation, notamment dans le cadre de l’application de la loi sur les écoles mentionnée plus haut. Les activités visant à rééduquer les prestataires de services et à éduquer le public menées au titre de la loi sur la promotion de l’égalité contribuent aussi à faire évoluer les mentalités.

237.Des efforts ont été également faits pour introduire l’éducation dans le domaine des droits de l’homme dans l’enseignement supérieur et dans la formation continue. On a également mis en œuvre des programmes visant à jumeler des universités historiquement noires et des universités historiquement blanches afin de jeter des ponts entre les races et de partager les compétences et les connaissances. Toutefois, les progrès réalisés dans ce domaine ont été jusqu’à présent très irréguliers. Un cadre holistique verra probablement le jour grâce à un projet impulsé par le Conseil de l’enseignement supérieur en vue de transformer l’enseignement supérieur. Ce projet est actuellement en cours d’élaboration sous la direction du Ministère de l’éducation.

238.La portée des mesures prises pour introduire de nouvelles valeurs dans le système éducatif dépasse parfois le cadre strictement scolaire puisque certaines d’entre elles visent les parents, qui sont ainsi sensibilisés eux aussi aux droits de l’homme et à l’antiracisme.

239.L’éducation en tant qu’outil permettant de changer les valeurs a aussi été utilisée pour modifier les comportements d’autres prestataires de services, en particulier dans la fonction publique. C’est dans cet esprit qu’est mise en œuvre l’Initiative Batho Pele mentionnée plus haut. La stratégie visant à réorienter les activités des prestataires de services afin qu’elles soient centrées sur les personnes a aussi permis d’inculquer à ces prestataires les valeurs liées à l’égalité et à la démocratie. Le succès de cette initiative reste limité parce que les personnes ciblées n’ont pas toutes été atteintes, qu’il faut du temps pour que les valeurs soient assimilées et que même en ce qui concerne les personnes qui ont été atteintes, les messages doivent être répétés plusieurs fois avant qu’un changement manifeste de leurs comportements puisse être observé.

240.De nombreuses administrations ont inclus les droits de l’homme dans leurs programmes de formation professionnelle, notamment les questions de l’égalité et de la discrimination raciale, comme le montrent les exemples suivants:

Le programme de formation des services de police sud‑africains, dans le domaine des droits de l’homme, comprend des publications pertinentes qui font partie d’un module pédagogique intitulé «Droits de l’homme et police»;

Le programme sur les droits de l’homme et le contentieux constitutionnel à l’intention des officiers ministériels, des procureurs et des autres magistrats présenté par le Collège de formation judiciaire (Justice College);

Les programmes de formation dans le domaine des droits de l’homme dispensés par le Collège de formation judiciaire aux autres agents de l’État, y compris les agents des services sociaux;

Les activités de formation menées dans le cadre de l’Initiative Batho Pele par l’Institut sud‑africain d’administration (SAMDI) et diverses administrations à l’intention des prestataires de services de l’État et les publications connexes, notamment des chartes/déclarations relatives au service à la clientèle, émanant des ministères de l’intérieur, de la santé et de la justice (projet);

La formation judiciaire dispensée aux personnels des tribunaux de l’égalité, y compris les juges.

241.Depuis l’instauration de la démocratie constitutionnelle en 1994, de très nombreuses activités éducatives ont été menées pour sensibiliser le public aux valeurs relatives aux droits de l’homme, notamment le principe d’égalité et l’interdiction de la discrimination fondée sur la race. Ces activités revêtent des formes diverses: ateliers/séminaires, fonctions publiques, brochures, t‑shirts, affiches, opuscules, émissions radiophoniques et télévisées, campagnes d’information et articles dans la presse écrite.

242.Les activités menées dans le cadre de la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation, de l’élaboration du Plan national d’action (PNA) et de l’élaboration de la loi sur l’égalité constituent des exemples de moyens utilisés pour sensibiliser le grand public aux droits de l’homme. Le PNA une fois élaboré, un organe permanent, l’Instance nationale consultative des droits de l’homme, a été créée pour en surveiller la mise en œuvre. En outre, cette instance a poursuivi les activités d’éducation dans le domaine des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne l’élimination de la discrimination et la promotion de l’égalité, qui étaient menées dans le cadre de l’élaboration du PNA.

243.Des institutions nationales telles que la Commission des droits de l’homme, la Commission de l’égalité entre les sexes, la Commission de l’égalité en matière d’emploi et la Commission nationale de la jeunesse ont joué un rôle clef dans ces activités. Les services sud‑africains de communication ont également collaboré activement avec les unités de communication des différentes administrations et provinces. Certaines administrations locales ont aussi mené des activités d’éducation et de sensibilisation du public dans le domaine des droits d’homme fondées sur des valeurs telles que le rejet du racisme et du sexisme.

244.L’Afrique du Sud a placé la collaboration avec la société civile dans le domaine de l’éducation et de la sensibilisation du public au cœur de sa stratégie de promotion d’une culture des droits de l’homme, notamment en ce qui concerne l’application de l’article 7 de la Convention. Nombre d’activités mentionnées dans le présent rapport ont été menées en collaboration avec des ONG et des organisations communautaires. Figure parmi les principales activités une manifestation sur les droits de l’homme organisée tous les ans le 10 décembre par le NIPILAR, au cours de laquelle un prix est décerné à une personne qui s’est distinguée dans la défense des droits de l’homme. En outre, 16 journées d’activités, du 25 novembre au 10 décembre, sont consacrées à la lutte contre la violence dont sont victimes les femmes, à la promotion d’un certain nombre de droits liés à ce problème et à la question des liens entre la race et le sexe. Enfin, la télévision présente une pièce de théâtre intitulée «Justice pour tous», qui est le fruit d’une collaboration entre le Ministère de la justice et du développement constitutionnel et l’ONG «Lawyers for Human Rights».

245.Lors de la préparation de la Conférence nationale sur le racisme et de la troisième Conférence mondiale, diverses ONG ont organisé des conférences et des ateliers afin de débattre du racisme et de la discrimination raciale et de s’entendre sur les stratégies à mettre en œuvre pour lutter contre ces phénomènes. Le Gouvernement a participé à nombre de ces activités.

Culture

246.Depuis la colonisation, la culture sud‑africaine repose pour l’essentiel sur les valeurs racistes du colonialisme et de l’apartheid. Les croyances et les modes de vie des Noirs ont été présentés comme rétrogrades et sans intérêt pour tous. Les institutions traditionnelles africaines ont été relativement préservées mais ont été perverties pour servir les intérêts de l’apartheid.

247.Par exemple, les dirigeants traditionnels ont cessé de tenir leurs pouvoirs de leurs partisans puisqu’ils étaient désormais nommés et souvent destitués par l’État. Le Président de l’État se proclamait lui‑même «Chef suprême de tous les chefs», selon les termes figurant dans la loi sur l’administration des Noirs (Black Administration Act). Des aspects du droit coutumier et des traditions étaient certes tolérés, mais réinterprétés à la lumière de concepts juridiques issus des droits romain, néerlandais et anglais et s’en trouvaient gravement déformés. C’est ainsi par exemple que les femmes noires ont été privées de leurs droits d’hériter et de posséder des biens en propre et qu’ont été introduites dans le droit coutumier des notions telles que l’illégitimité et le pouvoir marital, qui ont eu de graves conséquences sur les communautés concernées.

248.L’apartheid était aussi totalement incompatible avec le développement d’une culture nationale. Comme on l’a indiqué plus haut, il postulait le principe fondamental de la supériorité des Blancs et de l’infériorité des Noirs, dont découlaient des politiques qui accordaient des privilèges aux Blancs et privaient les Noirs de leurs droits humains fondamentaux, notamment le droit à la dignité.

249.La Constitution met en place un cadre propice à la fois au développement d’une culture des droits de l’homme et à l’épanouissement de la culture sud-africaine dans toute sa diversité, dans le respect de la Constitution. L’une des prémisses clefs est la volonté de favoriser l’avènement d’une culture dans laquelle la nation n’est pas considérée sous l’angle de la race et de la couleur. Les différences culturelles sont à présent considérées comme faisant partie intégrante du riche patrimoine culturel de l’Afrique du Sud et ne sont pas perçues selon une hiérarchie. C’est dans cette optique qu’ont été insérées dans la Constitution les dispositions relatives à la culture qui ont été examinées plus haut.

250.Diverses mesures ont été adoptées en vertu de la nouvelle Constitution afin de transformer la culture en un instrument qui permette de faire naître de la culture une culture des droits de l’homme et, d’une manière générale, de réaliser les objectifs de la Convention. Nombre de ces mesures ont trait à l’utilisation des diverses langues, de l’art, de la musique et de la religion afin de jeter des ponts par-dessus les différences de couleur. Beaucoup se sont inscrites dans le cadre du PNA, de la Conférence nationale sur le racisme et d’autres processus mentionnés plus haut.

251.L’État a également noué, avec les communautés autochtones minoritaires telles que les Khoïsan, un dialogue sur leur place légitime dans la société, notamment sur la préservation et la promotion de leur langue et de leur culture. Des programmes concrets financés par des fonds publics ont été mis en place pour donner effet aux dispositions législatives relatives à ces questions. C’est ainsi qu’ont été créés l’Instance nationale des Griqua et le Conseil national des Khoïsan , lequel est chargé de contribuer aux recherches menées en coopération avec les communautés Khoïsan au sujet de leur avenir.

252.Pour promouvoir la culture autochtone et faire apprécier l’une des composantes du patrimoine national qu’est la diversité culturelle, des activités ont été menées pour populariser les éléments qui témoignent de l’existence d’une civilisation précoloniale en Afrique du Sud. L’une de ces activités s’est déroulée sur le site archéologique de Mapungubwe, dans la province du Nord. Cachés à l’Université de Prétoria pendant l’apartheid, les objets très intéressants mis au jour sur ce site, notamment des objets en or, sont aujourd’hui portés à l’attention de la nation afin de susciter un sentiment collectif de fierté à l’égard du patrimoine national.

253.Les activités concernant la violence contre les femmes, en particulier celles qui ont été menées dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre de l’additif à la Déclaration de la Communauté de développement de l’Afrique australe sur les femmes et le développement intitulé «Prévention et éradication de la violence contre les femmes et les enfants», se sont enrichies au fil des ans d’éléments multiculturels, notamment la musique et le théâtre.

254.La nation sud-africaine a pris pour habitude d’utiliser des occasions importantes telles que la Journée du patrimoine, le 26 septembre, les cérémonies d’inauguration présidentielle et d’autres activités parlementaires pour célébrer la richesse de sa diversité culturelle tout en renforçant l’amitié et la compréhension entre les différents groupes culturels qui la composent.

255.L’Afrique du Sud considère que les activités culturelles liées au tourisme peuvent aussi grandement contribuer à la promotion de la compréhension culturelle. Toutefois, certaines de ces activités pêchent par le fait que les cultures dites anciennes sont souvent réifiées et fossilisées par la cupidité commerciale, d’où des problèmes tels que l’exploitation des communautés touchées et un regard désenchanté sur leurs modes de vie actuels.

256.Le sport a aussi été utilisé pour développer le sentiment d’identité collective, mais avec un succès limité. En effet, les Noirs ayant été exclus des principales disciplines sportives, notamment de la représentation du pays aux Jeux olympiques, les équipes sportives ne sont pas encore suffisamment intégrées sur le plan racial. Des personnalités sportives ont aussi été encouragées à jouer les ambassadeurs des droits de l’homme. Cette approche a été adoptée pour la première fois lors de la mise en œuvre du Plan national d’action: des activités relatives aux droits de l’homme ont été encouragées à l’occasion de grandes manifestations sportives nationales, notamment les matchs de football, qui soit dit en passant, est le sport professionnel le mieux intégré sur le plan racial.

257.Le fossé entre la réalité et l’idéal reste toutefois large. L’un des principaux obstacles qui limitent la capacité d’influer sur la culture dominante tient au fait qu’à cause du poids de l’histoire, le pouvoir social est encore largement entre les mains des Blancs. À cela s’ajoute le fait que le budget dont l’État dispose pour financer la construction de la nation et les activités culturelles de promotion des droits de l’homme est limité. Les soupçons et les préjugés résiduels qui se manifestent à l’occasion d’activités telles que la recherche de l’exclusivité culturelle entravent aussi les initiatives visant à utiliser la culture pour promouvoir les buts et les principes de la Convention et des instruments connexes relatifs aux droits de l’homme.

Information

258.L’un des piliers de l’apartheid était l’utilisation de l’information pour encourager les attitudes racistes. Pour ce faire, on recourait largement à la presse écrite et aux médias électroniques. La notion de société ouverte et démocratique est l’une des valeurs sur lesquelles repose la nouvelle démocratie constitutionnelle. L’information est aussi considérée comme l’un des principaux moyens de favoriser le développement de la société envisagée dans la nouvelle Constitution. Elle est aussi perçue et par conséquent utilisée comme une stratégie permettant de transformer la société sud-africaine en mettant son système de valeurs en harmonie avec la Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui traitent de l’éradication du racisme et des formes apparentées de préjugés et de discrimination.

259.L’utilisation de l’information est liée aux activités décrites plus haut, qui portent sur l’éducation et la sensibilisation du public ainsi que sur la formation visant à réorienter l’action des prestataires de services. La presse écrite et les médias électroniques ont été très largement utilisés pour l’information, conformément à l’article 7 de la Convention.

260.Ont joué un rôle clef dans les activités d’information la Commission sud‑africaine des droits de l’homme, la Commission sud‑africaine du droit, les services publics d’information, les services d’information des administrations et des organisations de la société civile, notamment la Société de radiodiffusion sud-africaine (South African Broadcasting Corporation), des ONG de défense des droits de l’homme et des ONG qui s’occupent de questions relatives à la parité entre les sexes, en particulier les questions de la sensibilisation à la diversité, de la gestion de la diversité, de la prise de conscience du contexte social par les prestataires de services et de la promotion des droits de l’homme, notamment les droits socioéconomiques.

261.Les campagnes d’information menées dans le cadre du Plan national d’action, de la Conférence nationale sur le racisme et des préparatifs de la troisième Conférence mondiale contre le racisme ont beaucoup contribué à l’utilisation de l’information par le pays conformément à la Convention et aux autres instruments internationaux pertinents. Les médias suivants ont été notamment utilisés:

Des émissions radiophoniques comprenant des entretiens;

Des émissions télévisées comprenant des entretiens;

Un message postal dont l’envoi a été financé par les postes sud‑africaines;

Des articles de presse et du matériel promotionnel (affiches, brochures, sacs et maillots);

Des documents de conférence, notamment un rapport sur les auditions provinciales sur le racisme et des documents sur l’histoire et les conséquences du racisme;

L’Internet;

Un livre de poche consacré au Plan national d’action sur les droits de l’homme.

262.Une vaste campagne de communication visant à appuyer l’application de la loi sur la promotion de l’égalité a été lancée conformément aux dispositions de cette loi. Divers moyens ont été mis en œuvre pour faire connaître cette loi, notamment la publication d’une affiche et d’une brochure résumant la loi, la parution d’un encart dans les journaux, l’utilisation des médias électroniques, en particulier la radio.

263.Conformément à la Convention, une disposition de la loi prévoit que celle‑ci sera traduite dans les 12 langues officielles du pays, y compris le langage des signes. D’autres lois, notamment la loi sur l’égalité en matière d’emploi, ont aussi été traduites dans toutes les langues officielles ou dans certaines d’entre elles. La Constitution a également été traduite dans toutes les langues officielles. Certaines lois et certains documents exposant la politique des pouvoirs publics ont été traduits en braille.

264.En ce qui concerne la société civile, des ONG utilisent divers moyens tels que les affiches, les brochures, les périodiques et les médias électroniques, pour enseigner les valeurs relatives aux droits de l’homme, notamment les valeurs concernant l’éradication de la discrimination raciale et des autres formes de discrimination, et promouvoir la compréhension, la tolérance, l’entente et l’amitié entre les races. Le Groupe de recherche et de formation de l’Université du Cap sur le racisme et le sexisme (Race and Gender Unit) qui travaille en étroite collaboration avec le Ministère de la justice, est l’une des ONG qui produit régulièrement des publications sur les préjugés racistes et sexistes.

Le processus de vérité et de réconciliation

265.La Commission Vérité et Réconciliation mentionnée plus haut a beaucoup contribué à une meilleure compréhension entre les races. D’une certaine manière, le processus de vérité et de réconciliation a permis aux personnes qui avaient été touchées par la brutalité de l’apartheid, en tant que victimes ou en tant qu’agresseurs, de commencer à voir leur expérience d’un point de vue nouveau. Dans de nombreux cas, les victimes et les auteurs des brutalités encouragées par l’État et liées à l’apartheid ont fondu en larmes et se sont embrassés lorsqu’ils se sont rappelé les événements horribles et déshumanisants auxquels ils avaient été mêlés.

266.Les auditions publiques et les activités de conciliation menées en coulisse sous l’égide de la Commission Vérité et Réconciliation ont dans de nombreux cas permis aux victimes et aux agresseurs de faire face à leur passé tout en instaurant des relations nouvelles et constructives entre les races.

267.Il serait toutefois malhonnête de laisser entendre que les activités menées dans le cadre du processus vérité et réconciliation pour faire face aux conséquences des brutalités de l’apartheid, notamment celles qui étaient de nature sociale et psychologique, ont été totalement couronnées de succès. Certaines victimes estiment en effet que la justice pénale ordinaire aurait été mieux armée pour demander des comptes aux agresseurs et accorder réparation aux victimes. À cela s’ajoute le fait que l’État n’a pas les ressources suffisantes pour octroyer aux victimes une réparation satisfaisante.

Nouvelles mesures relatives à la justice réparatrice

268.La justice réparatrice était l’un des principaux fondements du système de justice traditionnelle en vigueur avant l’instauration du système accusatoire par le colonialisme. Des éléments de la justice réparatrice subsistent encore dans les pratiques informelles de règlement des différends, en particulier dans les villages ruraux et dans les tribunaux traditionnels. Ces pratiques ont conservé toute leur vigueur dans les différends concernant la conduite des enfants. La raison d’être de la justice est de rétablir dans toute la mesure possible la situation antérieure à la commission des actes qui font l’objet d’une plainte.

269.On s’efforce actuellement d’incorporer des éléments de la justice réparatrice dans le système de justice ordinaire, sans porter atteinte aux droits concernant un procès équitable. Les premières expériences dans ce domaine ont été menées dans le système de justice pour mineurs.

270.S’agissant de la conformité aux dispositions de la Convention, les activités relatives à la justice réparatrice rendent possible la rencontre des personnes en conflit, comme on a pu le constater dans le processus vérité et réconciliation. Ce type de justice permet aux auteurs de violations d’être confrontés à leurs victimes et d’assumer la responsabilité de leurs actes. Elle accroît les chances des deux parties de comprendre les raisons de l’autre partie, de parvenir à des solutions durables et à de meilleures relations.

271.Le nouveau cadre des relations du travail met l’accent sur les mesures informelles de règlement des différends, à savoir la conciliation, la médiation et l’arbitrage, aux premiers stades du processus. Les différends qui relèvent de la loi sur l’égalité en matière d’emploi sont réglés dans le cadre des relations du travail. Il arrive souvent que des formes de discrimination raciale ou à connotation raciale soient à l’origine de ces différends ou y jouent un rôle.

272.Le Gouvernement met actuellement la dernière main à une charte des victimes qui prévoit l’incorporation des principes de la justice réparatrice dans le système de justice ordinaire.

Mesures internationales

273.Le nouvel ordre constitutionnel, qui a transformé l’Afrique du Sud en démocratie constitutionnelle non raciale, a mis fin au statut de paria qui était celui de l’Afrique du Sud dans la communauté internationale. Cette libération a été rendue possible, en partie, par le soutien international fourni conformément à la Convention et aux instruments connexes. La nouvelle Afrique du Sud soutient sans réserve les efforts déployés par la communauté internationale, conformément à la Convention, pour éradiquer la discrimination raciale et les formes apparentées de discrimination et promouvoir la tolérance, la compréhension, l’entente, la paix et l’amitié entre les groupes et les nations.

274.Outre les politiques et activités officielles visant à promouvoir les valeurs non racistes, l’action qu’a menée dans ce domaine le premier Président démocratiquement élu d’Afrique du Sud, Nelson Mandela, pendant et après son mandat, se passe de commentaires.

275.Le Gouvernement actuel prend lui aussi inlassablement des initiatives pour instaurer la paix dans différents pays et entre différents pays et pour rapprocher ce qu’il est convenu d’appeler le Nord et le Sud. Les exemples suivants témoignent de la capacité de l’Afrique du Sud de jeter des ponts au niveau international:

Participation de médiateurs sud-africains au règlement du conflit irlandais;

Interventions diplomatiques visant à normaliser la situation au Zimbabwe;

Participation de juges et de procureurs sud‑africains aux travaux des tribunaux spéciaux pour l’ex‑Yougoslavie et le Rwanda;

Participation active de l’Afrique du Sud à l’élaboration et au processus relatif à l’application du Statut de la Cour pénale internationale;

Accueil de diverses conférences internationales et régionales, notamment les conférences du Mouvement des pays non alignés, de l’Association des magistrats et des juges du Commonwealth (CMJA) et de la Communauté de développement de l’Afrique australe ainsi que la troisième Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.

276.En outre, l’Afrique du Sud participe activement aux activités en faveur d’une renaissance de l’Afrique. Elle a organisé des conférences dans ce domaine, dont l’une a porté sur la démocratie et la gouvernance. Elle a également joué un rôle essentiel dans la conception et le lancement du plan pour le redressement du continent africain envisagé dans le Plan pour la renaissance africaine.

Mesures concernant les conséquences conjuguées de la race et du sexe

277.Dans toutes les activités visant à utiliser l’éducation, l’information, la culture et les domaines connexes pour éliminer les préjugés raciaux et encourager la tolérance, la compréhension, l’amitié et l’acceptation de l’égalité de tous les êtres humains quelles que soient leurs différences, l’Afrique du Sud prend toujours en considération les conséquences conjuguées de la race et du sexe ainsi que d’autres motifs de discrimination.

278.La question du sexisme est capitale car le système d’apartheid a exploité délibérément les conséquences conjuguées de la race et du sexe dans sa stratégie d’assujettissement des Noirs. Le système de la main‑d’œuvre migrante, la réglementation relative aux laissez-passer, les salaires et les conditions de travail des domestiques et des ouvriers agricoles traités comme des esclaves étaient des éléments essentiels de cette stratégie.

279.Pour éliminer les conséquences sociales et psychologiques de cette politique, il faut attacher une attention prioritaire à la question des incidences conjuguées de la race et du sexe dans toutes les stratégies visant à atteindre les objectifs de la Convention mises en œuvre en Afrique du Sud. La loi sur la promotion de l’égalité et la loi sur l’égalité en matière d’emploi témoignent du sérieux avec lequel l’Afrique du Sud prend en considération la question des incidences conjuguées de la race et du sexe.

III. CONCLUSION

280.Le présent rapport a deux objectifs essentiels. Il vise, d’une part, à fournir des données de référence sur une réalité sociale qui est le legs du colonialisme et de l’apartheid et qui constitue le cadre dans lequel l’Afrique du Sud doit s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il vise, d’autre part, à décrire à grands traits les principales mesures qu’a prises le nouveau gouvernement démocratique pour appliquer la Convention et tenir les promesses relatives aux droits de l’homme formulées dans la Constitution et, ce faisant, éliminer les séquelles racistes du colonialisme et de l’apartheid. Le rapport traite aussi de problèmes nouveaux tels que le VIH/sida, la pauvreté et la xénophobie, qui font partie du cadre dans lequel l’Afrique du Sud doit appliquer la Convention.

281.Le rapport donne aussi un aperçu des difficultés qui entravent la mise en œuvre de la Convention, notamment un budget de l’État limité et des disparités raciales abjectes en ce qui concerne les revenus, le développement humain, la répartition des terres et d’autres formes de capitaux et de ressources. Figurent aussi parmi les problèmes majeurs la pauvreté, les maladies ainsi que les services publics et les attitudes racistes résiduelles d’un nombre important de Sud‑Africains.

282.Les séquelles de l’apartheid et les problèmes n’ont pas été mentionnés pour servir de prétextes à l’inaction. Il faut les considérer comme des paramètres en fonction desquels les progrès qui seront réalisés au cours des prochaines années devront être examinés. Comme il a été indiqué à maintes reprises dans le présent rapport, les mesures prises pour appliquer la Convention et les instruments relatifs aux droits de l’homme visent aussi à atténuer les problèmes susmentionnés. À cet égard, l’Afrique du Sud élabore actuellement des stratégies concrètes visant à lutter contre la pauvreté et les maladies, à transformer les services publics, à faire évoluer les mentalités racistes et à lever d’autres obstacles qui sont dans une large mesure des séquelles de l’ordre ancien.

283.La Constitution de l’Afrique du Sud et les politiques menées pour donner effet à ses dispositions constituent une base solide sur laquelle peut s’appuyer le pays pour s’acquitter effectivement des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et d’autres instruments internationaux connexes. Le défi à relever consiste à mettre en œuvre sans relâche la Constitution et les politiques susmentionnées. L’Afrique du Sud a indiqué au cours des années qui ont suivi l’instauration d’un régime démocratique qu’elle est déterminée à relever énergiquement ce défi. La communauté internationale a soutenu l’Afrique du Sud dans ses efforts et l’Afrique du Sud a toutes les raisons de croire qu’elle continuera à bénéficier de ce soutien.

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