CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/464/Add.12 septembre 2005

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN VERTU DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Sixièmes rapports périodiques devant être présentés en 2004

Additif

BOSNIE ‑HERZÉGOVINE*,**

[20 mai 2005]

TABLE DES MATIÈRES

Page

Introduction4

Politique d’élimination de la discrimination raciale4

Cadre juridique général, promotion, reconnaissance et exercice du droità un traitement égal7

Caractéristiques ethniques de la Bosnie‑Herzégovine12

Droits et condition de la femme en Bosnie-Herzégovine15

Article 217

Mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre17

Article 320

Article 422

Article 526

Les Roms en Bosnie-Herzégovine27

Organisations et associations/ONG roms28

Culture28

Les Roms réfugiés et déplacés28

Droits économiques et sociaux des Roms29

Éducation des Roms29

Les Roms et le logement30

Droit à un traitement égal et à la jouissance des droits politiques30

Droit de retour et biens immobiliers d’autres citoyens de Bosnie‑Herzégovine31

Article 636

Article 737

Éducation37

Informations générales sur le système éducatif38

Culture40

TABLE DES MATIÈRES ( suite )

Page

Organisation de l’activité culturelle41

1.Médias42

2.Agence de régulation des télécommunications45

3.Association de journalistes, Code des journalisteset Conseil de la presse45

4.Société civile46

Organisations internationales46

Secteur des ONG46

5.Recherches et évaluation56

I ntroduction

1.La discrimination raciale, telle qu’elle est définie à l’article premier de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ci‑après dénommée la Convention), est proscrite par l’ordre juridique de la Bosnie‑Herzégovine depuis son origine. Les systèmes juridique et politique du pays font de la protection contre ce phénomène un droit de l’homme et une liberté essentiels, et les instruments internationaux l’emportent sur les lois nationales dans ce domaine.

2.Pour comprendre le système général d’application et de suivi des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, et donc de la Convention, il convient tout d’abord d’avoir à l’esprit que la Bosnie‑Herzégovine est un État à la structure complexe, organisé à plusieurs niveaux − communes, cantons, Entités, district de Brčko, État (voir HRI/CORE/1/Add.89/Rev.1, document qui se rapporte à la période d’après guerre 1996‑2004).

Politique d’élimination de la discrimination raciale

3.La discrimination raciale, de même que toute autre forme de discrimination, est directement interdite par la Constitution de la Bosnie‑Herzégovine et a été érigée en infraction pénale dans la définition de plusieurs infractions mentionnées dans le Code pénal du pays ( Code pénal de la Bosnie ‑Herzégovine, art. 171, Génocide; art. 172, Crimes contre l’humanité; art. 180, Organisation en vue de commettre et incitation à commettre l’infraction pénale de génocide, de crime contre l’humanité et de crimes de guerre; et art. 145, Atteinte au droit à l’égalité des personnes et des citoyens ).

4.Les codes pénaux des Entités et du district de Brčko font eux aussi référence à la même infraction pénale: Code pénal de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine (art. 153, Génocide; art. 157, Organisation en vue de commettre et incitation à commettre l’infraction pénale de génocide et de crimes de guerre) et Code pénal de la Republika Srpska (art. 437, Organisation en vue de commettre et incitation à commettre l’infraction pénale de génocide et de crimes de guerre).

5.Les dispositions relatives à la discrimination raciale et aux autres formes de discrimination figurent également dans des lois qui régissent l’exercice de certains droits comme les suivants: le droit pour un citoyen de Bosnie‑Herzégovine de voter et de se présenter aux élections, les droits à la liberté et à la sécurité individuelles, à un procès équitable et à l’égalité devant la loi, le droit à des services sociaux et médicaux, le droit d’association, la liberté religieuse, la liberté de choisir sa langue, ou encore le droit à l’éducation. À travers sa Constitution et ses lois, la Bosnie‑Herzégovine s’est clairement engagée en faveur de la tolérance et du respect des droits de l’homme de toutes les personnes vivant sur son territoire.

6.La société démocratique de Bosnie‑Herzégovine est en pleine transition économique et juridique. Ce n’est qu’au cours des dernières années qu’une nouvelle pratique, de nouvelles normes de protection des droits de l’homme et de nouveaux mécanismes institutionnels ont été mis en place, d’où les difficultés rencontrées dans l’application de la loi et, parfois, une protection insuffisante des droits de l’homme.

7.On s’emploie encore à surmonter les conséquences de la guerre (1992‑1995), et le redressement économique et social du pays dépend de sa capacité de remédier aux facteurs qui ont conduit à l’effondrement des systèmes législatif, juridique et administratif. Après la signature d’un accord de paix à Dayton (États‑Unis d’Amérique) en décembre 1995, l’Accord‑cadre général pour la paix en Bosnie‑Herzégovine, le pays s’est doté d’une nouvelle Constitution qui en assurait la continuité en tant qu’État à la structure complexe, décentralisé et constitué de deux Entités: la Fédération de Bosnie‑Herzégovine composée de 10 cantons et à laquelle est rattachée la petite unité territoriale de la «ville de Brčko», devenue aujourd’hui le district de Brčko, et la Republika Srpska. Cet accord a également permis la mise en place d’un système plus complexe de protection des intérêts nationaux des trois peuples constitutifs: les Bosniaques, les Croates et les Serbes, ainsi que ceux d’autres citoyens de Bosnie‑Herzégovine.

8.La discrimination raciale au sens d’une différence entre certains groupes raciaux et d’une discrimination à leur égard n’existe pas à proprement parler en Bosnie‑Herzégovine. Le problème que connaît la société du pays est lié à l’existence de groupes ethniques et nationaux, conséquence à la fois de la tragédie de la guerre, des déplacements, de l’exil de la population et du processus de rapatriement des citoyens chez eux, où ils sont désormais considérés comme des «groupes minoritaires», et, depuis peu, de la situation économique de groupes vulnérables comme les personnes déplacées rapatriées ou les réfugiés, les membres des groupes minoritaires, les rapatriées qui doivent subvenir seules à leurs besoins, les migrants étrangers ou les citoyens naturalisés.

9.Les autorités de Bosnie‑Herzégovine ont fait récemment de réels progrès, particulièrement en ce qui concerne le rapatriement des personnes déplacées et des réfugiés: pour la période 1995‑2004, sur un total de 1 002 668 personnes revenues chez elles, 440 486 étaient des réfugiés et 562 182 des personnes déplacées.

10.La liberté de religion et d’expression religieuse étant une question particulièrement sensible du fait même de la structure ethnique et nationale de la population de Bosnie‑Herzégovine, un nouveau mécanisme a été mis en place: s’il garantit une plus grande liberté d’expression religieuse, le droit d’association et celui d’exprimer des sentiments religieux aux religions minoritaires, toutes les communautés religieuses doivent respecter le principe de tolérance à l’égard des autres groupes religieux de Bosnie‑Herzégovine.

11.En ce qui concerne leurs droits, les minorités ont désormais la possibilité de participer à tous les domaines de la vie publique. La loi électorale leur donne le droit de voter et de se présenter aux élections en tant que représentants d’une minorité nationale sous réserve que cette minorité représente plus de 3 % de la population de la circonscription concernée. Les minorités qui le souhaitent peuvent recevoir une éducation dans leur langue maternelle. Il est possible à tous les groupes minoritaires d’exercer leur droit de s’associer, de s’informer et d’exprimer leur culture. Le Conseil des ministres de Bosnie‑Herzégovine a donné à la minorité la plus nombreuse, les Roms, la possibilité de créer un organe consultatif, le Comité des Roms, qui favorise et renforce l’application des droits de cette minorité.

12.Après la guerre, la Bosnie‑Herzégovine s’est trouvée face à des problèmes complètement nouveaux pour elle, tels que les immigrés en situation régulière ou clandestins, les demandes d’asile et l’octroi de la nationalité bosniaque. Comme on l’a déjà dit, le pays a intégré dans la majorité de ses lois l’interdiction de toute discrimination quelle qu’elle soit, conformément aux dispositions non seulement de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais aussi de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. La loi sur la nationalité bosniaque comprend une disposition interdisant la discrimination, de même que la loi sur la circulation et le séjour de citoyens étrangers et sur l’asile en Bosnie‑Herzégovine (art. 6, interdiction de la discrimination), qui oblige les étrangers à se conformer au droit interne. Étant donné que les droits des étrangers sont aussi mentionnés dans différents instruments internationaux ratifiés par la Bosnie‑Herzégovine (voir HRI/CORE/1/Add.89/Rev.1), les dispositions qui y figurent s’appliquent dans le pays.

13.Le problème des immigrés clandestins et des permis de séjour a obligé la Bosnie‑Herzégovine à mettre en place de nouveaux dispositifs institutionnels traitant uniquement des questions qui se rapportent aux étrangers. Le système existant, qui est en cours de révision, n’a pas toujours permis de répondre aux problèmes causés par l’augmentation des flux migratoires sur le territoire et en particulier des flux de transit.

14.Faute des moyens financiers, la Bosnie‑Herzégovine ne dispose toujours pas de points d’accueil adaptés pour les immigrés sans papiers, si bien que ceux‑ci ne vivent pas dans des conditions appropriées. La plupart des activités menées dans ce domaine l’ont été avec l’aide du Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR); jusqu’en 2004, le HCR participait directement à la procédure d’octroi de l’asile en Bosnie‑Herzégovine. Il contrôlait également les activités des institutions du pays qui s’occupaient de ces questions, en particulier celles du ministère concerné.

15.On l’a déjà vu, la Bosnie‑Herzégovine a modifié ses lois dans le cadre de la mise en place de nouveaux mécanismes institutionnels, elle les a alignées sur les instruments internationaux et s’est lancée dans des réformes de grande ampleur de ses institutions et services pour les appliquer. On peut dire que la protection des droits des étrangers, spécialement des immigrés sans papiers, est satisfaisante aujourd’hui, en dépit des ressources financières limitées dont le pays dispose. La Bosnie‑Herzégovine a toutefois encore besoin d’aide internationale.

16.Des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations internationales, comme le HCR, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ou l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), présentes dans le pays, ont beaucoup aidé la Bosnie‑Herzégovine à assurer des formes de protection essentielles.

17.À titre d’illustration, on peut prendre l’exemple du nombre accru d’immigrés sans papiers chinois et de cas d’octroi de la nationalité bosniaque à des personnes d’origine africaine (Algérie, Égypte) ou asiatique et à des ressortissants d’anciennes républiques de l’Union soviétique (comme l’Ukraine). Pour faire la lumière sur les circonstances dans lesquelles ces personnes ont été naturalisées, une commission de révision a été créée à l’échelle du pays et chargée d’examiner les décisions d’octroi de la nationalité bosniaque par naturalisation ou par enregistrement de la naissance assorti d’une déclaration selon laquelle les intéressés avaient acquis la nationalité bosniaque parce qu’ils résidaient sur le territoire du pays depuis le 6 avril 1992. En ce qui concerne l’extradition d’un groupe de citoyens naturalisés accusés de terrorisme, la Chambre des droits de l’homme a décidé d’indemniser les membres de leur famille compte tenu du fait que la procédure judiciaire de révision du statut de citoyen des personnes extradées n’était pas encore achevée. La procédure de rapatriement est en cours, les intéressés ne possédant pas la nationalité bosniaque.

Cadre juridique général, promotion, reconnaissance et exercice du droit à un traitement égal

18.Pour présenter le cadre juridique général de l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale en Bosnie‑Herzégovine, il convient de commencer par la loi suprême du pays, la Constitution de Bosnie ‑Herzégovine. Au paragraphe 3 de son article II, la Constitution garantit à toute personne vivant sur le territoire de la Bosnie‑Herzégovine le droit d’exercer tous les droits de l’homme et les libertés fondamentales dont les suivants:

Le droit à la vie;

Le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants;

Le droit de ne pas être tenu en esclavage ni en servitude et de ne pas être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire;

Les droits à la liberté et à la sûreté de la personne;

Le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement en matière civile et pénale et les autres droits touchant à la procédure pénale;

Le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance;

La liberté de pensée, de conscience et de religion;

La liberté d’expression;

La liberté de réunion pacifique et la liberté d’association;

Le droit de se marier et de fonder une famille;

Le droit à la propriété;

Le droit à l’instruction;

Le droit à la liberté de circulation et de résidence.

19.En outre, la Constitution interdit formellement la discrimination au paragraphe 4 de son article II aux termes duquel «la jouissance des droits et des libertés prévus au présent article ou dans les accords internationaux énumérés dans l’annexe I de la présente Constitution est garantie à tous les habitants de Bosnie‑Herzégovine sans discrimination fondée sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, les liens avec une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre considération».

20.Les dispositions qui garantissent la protection et l’application des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans les conventions des Nations Unies ratifiées par la Bosnie‑Herzégovine et en particulier dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dont l’article 14 stipule que «la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation», ont toutes été incorporées à la Constitution de Bosnie‑Herzégovine; en outre, l’article 2 de la Constitution dispose que cette convention est directement applicable en Bosnie‑Herzégovine et prime sur toutes les autres lois.

21.Les dispositions relatives à la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales des constitutions des Entités, de même que celles des districts et des cantons, sont harmonisées avec le principe du respect des droits de l’homme garantis par la Constitution de Bosnie‑Herzégovine.

22.La Constitution de Bosnie‑Herzégovine définit le statut des peuples constitutifs (Bosniaques, Croates et Serbes) et des autres citoyens et leur garantit l’exercice de tous leurs droits sur tout le territoire sans discrimination quelle qu’elle soit. Après la guerre tragique qui a dévasté la Bosnie‑Herzégovine, un problème s’est posé pendant longtemps dans la pratique, dû au fait que certains groupes nationaux, qu’il s’agisse de Bosniaques, de Croates, de Serbes ou d’autres population, étaient exclus des organes législatifs, exécutifs et judiciaires ou y étaient insuffisamment nombreux par rapport au pourcentage de la population qu’ils représentaient. La Cour constitutionnelle de Bosnie‑Herzégovine a donc décidé que les Entités et les cantons devaient modifier leurs constitutions respectives et les harmoniser avec la Constitution de Bosnie‑Herzégovine.

23.La décision partielle de la Cour constitutionnelle de Bosnie ‑Herzégovine concernant le caractère constitutif des trois peuples (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 23/00) explique le préambule de la Constitution de Bosnie‑Herzégovine en vertu duquel les Bosniaques, les Serbes et les Croates sont définis comme étant les peuples constitutifs. En outre, elle précise que la Constitution, au paragraphe 4 de son article II, interdit toute discrimination fondée notamment sur des liens avec une minorité nationale, reconnaissant ainsi l’existence de groupes définis comme les minorités nationales. Elle indique également que la Constitution fait clairement la différence entre les peuples constitutifs et les minorités nationales, dans le but d’affirmer la continuité de la Bosnie‑Herzégovine en tant qu’État démocratique multinational. Les modifications de la Constitution sont un pas important vers le renforcement de l’ordre politique et juridique du pays et signifient que la loi garantit l’égalité entre les membres de tous les peuples et entre tous les citoyens. Elles représentent une première étape vers l’élimination de la discrimination, et donc d’un comportement discriminatoire à l’égard des personnes et des groupes minoritaires fondé sur leur appartenance nationale, religieuse ou politique.

24.L’Assemblée parlementaire de Bosnie‑Herzégovine a adopté la loi sur la protection des minorités nationales de la Bosnie ‑Herzégovine (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 12/03) qui, dans son article premier, définit les droits et les devoirs des membres des minorités nationales ainsi que les responsabilités des autorités nationales en matière de respect, de protection, de préservation et de développement de l’identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse de chacun des membres des minorités nationales qui est citoyen de Bosnie‑Herzégovine.

25.La loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Bosnie ‑Herzégovine a été adoptée par l’Assemblée parlementaire le 21 mai 2003 (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 16/03); elle régit, promeut et protège le principe de l’égalité des sexes, garantit les mêmes possibilités à tous les citoyens, dans le secteur public comme dans le secteur privé, et prévient la discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe, étant bien entendu qu’hommes et femmes doivent participer à égalité à la vie publique. L’égalité totale entre les sexes est garantie dans toutes les sphères de la société, en particulier dans l’éducation, l’économie, l’emploi, le travail, les services sociaux et médicaux, le sport, la culture, la vie publique et les médias, quelle que soit la situation matrimoniale et familiale de chacun.

26.La loi sur le Médiateur des droits de l’homme de Bosnie ‑Herzégovine(Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 19/02) a créé la fonction de médiateur des droits de l’homme en tant qu’institution indépendante chargée de promouvoir une bonne gouvernance et la primauté du droit, la protection des droits et des libertés des personnes physiques et morales garantis par la Constitution et les accords internationaux qui y sont joints, ainsi que de contrôler les activités des institutions de Bosnie‑Herzégovine, de ses Entités et du district de Brčko. Aux termes de l’article 18: «Toute personne physique ou morale revendiquant un droit légitime peut en appeler au Médiateur, sans restriction. Le droit de porter plainte auprès du Médiateur n’est soumis à aucune restriction découlant de la nationalité, la citoyenneté, la résidence, le sexe, l’appartenance à une minorité ou à une ethnie, la religion, l’incapacité juridique, l’emprisonnement pour quelque motif que ce soit et, plus généralement, d’un lien particulier ou hiérarchique avec une autorité ou un service gouvernemental.».

27.L e Code pénal de Bosnie ‑Herzégovine (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 3/03), en son chapitre XV qui porte sur la violation du principe d’égalité entre les individus et entre les citoyens (art. 145, par. 1), dispose ce qui suit:

«Tout agent de l’État ou responsable d’une institution de la Bosnie‑Herzégovine qui, pour des raisons de race, de couleur de peau, d’origine nationale ou ethnique, de religion, de conviction religieuse, politique ou autre, de sexe, d’orientation sexuelle, de langue, d’éducation, de situation ou d’origine sociale, dénie ou restreint les droits civils inscrits dans la Constitution de Bosnie‑Herzégovine, les accords internationaux ratifiés, le droit national, d’autres règlements ou lois générales de la Bosnie‑Herzégovine ou, quiconque, pour des raisons fondées sur ces différences ou origines, ou autre situation, accorde des privilèges ou des avantages injustifiés, est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans.».

En vertu du paragraphe 2 du même article: «Tout agent de l’État ou responsable d’une institution de la Bosnie‑Herzégovine qui, en violation de la législation en vigueur dans le pays sur l’utilisation, à égalité, des langues et des alphabets des peuples constitutifs et autres vivant sur le territoire de Bosnie‑Herzégovine, dénie ou restreint l’usage par un citoyen de sa langue ou de son alphabet lorsqu’il s’adresse à des organes ou des institutions de Bosnie‑Herzégovine, des entreprises commerciales ou autres personnes morales afin d’exercer ses droits, est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée qui ne peut excéder un an.». Le paragraphe 3 dispose que: «Tout agent de l’État ou responsable d’une institution de la Bosnie‑Herzégovine qui dénie à un citoyen le droit d’être employé librement sur tout le territoire de la Bosnie‑Herzégovine dans les conditions d’égalité prévues par la loi, ou restreint ce droit, est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans.».

28.La Bosnie‑Herzégovine procède actuellement à des réformes économiques et juridiques de grande ampleur qui passent en premier lieu par l’harmonisation d’un grand nombre de lois avec les conventions européennes relatives aux droits de l’homme. Ces réformes favorisent la promotion, la reconnaissance et le respect de l’égalité de tous les citoyens de Bosnie‑Herzégovine en matière de droits de l’homme et permettent l’interdiction plus systématique de toute forme de discrimination. En ce moment, un nombre croissant de lois et de règlements en vigueur sont révisés et mis en conformité avec les conventions signées par la Bosnie‑Herzégovine et, récemment, des efforts ont été entrepris pour accélérer l’élaboration et l’application de mesures politiques et de nouvelles pratiques dans les institutions gouvernementales et autres institutions publiques qui visent à renforcer le respect des droits de l’homme.

29.La loi électorale de Bosnie ‑Herzégovine (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 23/01) garantit à tout citoyen de Bosnie‑Herzégovine âgé de 18 ans ou plus le droit de voter et de se présenter aux élections selon les modalités prévues par la loi.

30.La loi sur la liberté de religion et le statut juridique des Églises et communautés religieuses de Bosnie ‑Herzégovine (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 5/04) fixe un cadre juridique à l’échelle du pays qui donne à toutes les Églises et les communautés religieuses de Bosnie‑Herzégovine les mêmes droits et devoirs sans discrimination et qui condamne toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur des croyances ou des convictions religieuses. Cette loi a été alignée sur les déclarations et les conventions internationales ratifiées par la Bosnie‑Herzégovine et qui font partie intégrante de la Constitution et de l’ordre juridique du pays. Elle définit la discrimination fondée sur la religion ou sur les convictions, de même que l’Église et la communauté religieuse.

31.Le projet de loi sur l’enseignement primaire et secondaire en Bosnie ‑Herzégovine (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 18/03) définit les buts généraux de l’éducation qui découlent des valeurs communément admises et universelles d’une société démocratique et des valeurs propres au pays en raison de ses caractéristiques nationales, historiques et culturelles, et des traditions religieuses de ses peuples et minorités nationales. Ainsi, l’alinéa e de l’article 3 de la loi dispose que les buts généraux de l’éducation sont «d’offrir les mêmes chances en matière d’éducation et des possibilités de choix à tous les niveaux de l’enseignement, sans distinction fondée sur le sexe, la race, l’appartenance nationale, l’origine sociale ou culturelle, la situation familiale, les convictions religieuses, l’état psychologique ou physique ou autre situation».

32.La loi sur les associations et les fondations de Bosnie ‑Herzégovine (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 32/01) permet à tous les citoyens d’exercer leur droit d’association sans aucune discrimination, ainsi que de s’associer et de s’organiser pour répondre à différents besoins, notamment politiques, culturels, éducatifs ou sociaux, pour autant que l’association ou la fondation agisse conformément aux lois en vigueur.

33.La loi sur la circulation, le séjour des étrangers et l’asile en Bosnie ‑Herzégovine (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 29/03) réglemente les conditions et la procédure d’entrée et de séjour des étrangers sur le territoire et fixe les raisons pour lesquelles des étrangers peuvent être refoulés ou expulsés, ainsi que la procédure de demande d’asile, d’approbation de cette demande et de perte de l’asile en Bosnie‑Herzégovine.

34.Cette loi réglemente également l’interdiction de la discrimination à l’égard des étrangers qui ne doivent pas être traités de manière discriminatoire pour quelque raison que ce soit, y compris le sexe, la race, la couleur de la peau, la langue, les convictions religieuses, politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, l’âge, le handicap physique ou mental, la situation à la naissance ou toute autre situation.

35.La loi sur les personnes déplacées et les réfugiés en Bosnie ‑Herzégovine et la loi portant modification de la loi sur les personnes déplacées et les réfugiés en Bosnie ‑Herzégovine (Journal officiel de Bosnie‑Herzégovine no 23/99) portent sur l’acquisition et la perte du statut de réfugié originaire de Bosnie‑Herzégovine, de personne déplacée en Bosnie‑Herzégovine et de rapatrié, ainsi que sur les droits de ces personnes, la façon dont elles peuvent exercer leurs droits, les moyens de favoriser la mise en place des conditions nécessaires au retour des réfugiés venant de Bosnie‑Herzégovine et des personnes déplacées en Bosnie‑Herzégovine, et sur d’autres questions concernant les réfugiés, les personnes déplacées et les rapatriés. Elles interdisent expressément toute forme de discrimination à l’égard des rapatriés lors de leur retour dans leur foyer, en particulier là où ils constituent un «groupe de rapatriés minoritaire».

36.La Bosnie‑Herzégovine traverse une période de transition non seulement juridique, mais aussi économique, ce qui implique un très grand nombre de réformes. Le processus de reconstruction et le processus de rapatriement des personnes déplacées n’étant pas encore achevés, la question de l’emploi et des services sociaux et médicaux à assurer aux catégories de population qui sont menacées demeure un problème complexe qui influe sur le niveau de protection des droits de l’homme de ces groupes. En plus des personnes déplacées, il existe aussi des groupes de familles des personnes disparues, de femmes et d’enfants, de membres de minorités, d’étrangers et de victimes de la traite des êtres humains. Toutes ces catégories de personnes doivent vivre dans la sécurité et être protégées, ce qui n’est pas toujours facile même dans des pays à l’économie plus stable. Un problème particulier se pose, celui du manque d’emplois, et certaines catégories de population vivent dans l’extrême pauvreté ou à la limite de la pauvreté. Selon les estimations faites dans le cadre de la Stratégie de lutte contre la pauvreté, plus de 40 % de la population de Bosnie‑Herzégovine seraient concernés.

37.La discrimination raciale n’est donc que l’un des problèmes qui se posent dans le pays et le traitement différent de certains groupes résulte de la guerre et, aujourd’hui, de la situation économique. La réforme de la législation et du système judiciaire a permis de mieux protéger les groupes menacés. Ces dernières années, les autorités ont fait des efforts particuliers pour mieux protéger les femmes, les enfants, les familles des personnes disparues, les minorités et les étrangers et pour lutter contre la traite des êtres humains et la violence. Des plans et des programmes nationaux appropriés ont été élaborés afin de renforcer l’application des lois adoptées. Ils visent à améliorer la situation de ces groupes et à renforcer la coopération avec les institutions concernées, en particulier avec les ONG, qui ont beaucoup contribué à la mise en œuvre de ces plans et programmes par leur action, en faisant pression et en appelant l’attention sur les problèmes existants.

Caractéristiques ethniques de la Bosnie ‑Herzégovine

38.Le dernier recensement de la population en Bosnie‑Herzégovine a eu lieu en avril 1991, conformément à la loi de 1991 sur le recensement de la population, des ménages, des logements et des propriétés agricoles (Journal officiel de la République fédérative socialiste de Yougoslavie no 3/90) et de la loi sur l’organisation et les modalités du recensement de la population, des ménages, des logements et des propriétés agricoles et sur son financement (Journal officiel de la République socialiste de Bosnie‑Herzégovine no 22/90). Les Nations Unies préconisent un recensement de la population tous les dix ans, les années se terminant par 0 ou par 1.

39.La Bosnie‑Herzégovine est connue pour la diversité de sa population et, selon le recensement de 1991, comptait 4 377 033 habitants répartis à l’intérieur de ses 1 537 kilomètres de frontières. Cette population était notamment composée de Bosniaques (43,4 %), de Serbes (31,2 %) et de Croates (17,3 %).

40.La loi sur les minorités nationales adoptée en avril 2003 identifie les minorités suivantes: Albanais, Monténégrins, Tchèques, Polonais, Italiens, Juifs, Hongrois, Macédoniens, Allemands, Roms, Roumains, Russes, Ruthènes, Slovaques, Slovènes, Turcs et Ukrainiens.

41.D’après le recensement de 1991, la répartition des minorités nationales était la suivante:

Minorité nationale

Nombre de personnes

Albanais

4 922

Monténégrins

10 048

Tchèques

590

Italiens

732

Juifs

426

Hongrois

893

Macédoniens

1 596

Allemands

470

Polonais

526

Roms

8 864

Roumains

162

Russes

297

Ruthènes

133

Slovaques

297

Slovènes

2 190

Turcs

267

Ukrainiens

3 929

42.Les chiffres actuels ne sont pas connus dans la mesure où il n’y a pas eu de recensement en Bosnie‑Herzégovine depuis 1991. En raison du conflit qui s’est déroulé sur son territoire entre 1992 et 1995, la Bosnie‑Herzégovine a connu d’importants mouvements de population et ne dispose pas de données démographiques à jour; il lui faudra procéder à un nouveau recensement.

43.En février 1999, le Bureau de statistique de la Bosnie‑Herzégovine et les instituts de statistique des Entités ont créé un groupe de travail chargé de préparer le recensement de 2001. Sur les conseils du Bureau du Haut Représentant et de l’OSCE, le recensement a été repoussé à une date ultérieure pour un certain nombre de raisons: situation politique délicate, existence de divisions politiques, absence de législation appropriée, en particulier à l’échelle de la Bosnie‑Herzégovine, présence d’un grand nombre de champs de mines et rapatriement inachevé des personnes déplacées et des réfugiés.

44.La loi sur les minorités nationales définit comme suit les minorités nationales en Bosnie‑Herzégovine: «En vertu de la présente loi, une minorité nationale constitue une partie de la population et des citoyens de Bosnie‑Herzégovine qui n’appartient à aucun des peuples constitutifs et qui est composée de personnes d’origine ethnique identique ou analogue, ayant notamment des traditions, des coutumes, des croyances, une langue, une culture et une spiritualité identiques ou analogues et une histoire proche ou voisine. La Bosnie‑Herzégovine veille au respect du statut des minorités nationales ci‑après et garantit que leurs membres sont traités de la même manière que les autres citoyens: Albanais, Monténégrins, Tchèques, Polonais, Italiens, Juifs, Hongrois, Macédoniens, Allemands, Roms, Roumains, Russes, Ruthènes, Slovaques, Slovènes, Turcs, Ukrainiens et autres groupes qui satisfont aux conditions énoncées au paragraphe 1 du présent article.». L’article premier de la loi sur les minorités nationales précise les droits et les devoirs des membres des minorités nationales ainsi que les responsabilités des autorités de Bosnie‑Herzégovine en matière de respect, de protection, de préservation et de développement de l’identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse de tout membre d’une minorité nationale citoyen de Bosnie‑Herzégovine.

45.Des associations et des clubs qui opèrent en tant qu’organisations non gouvernementales sur le territoire ont procédé à des estimations du nombre de personnes appartenant à d’autres minorités nationales en Bosnie‑Herzégovine; il en ressort que le nombre de ces personnes a diminué proportionnellement au nombre de réfugiés qui ne sont pas revenus en Bosnie‑Herzégovine après de la guerre.

46.Les membres de toutes les communautés minoritaires en Bosnie‑Herzégovine ont eu, dans le cadre du recensement de 1991, la possibilité légale et le droit de s’exprimer librement, quelle que soit la minorité à laquelle ils appartiennent. L’exercice de ce droit a revêtu un caractère important pendant le conflit (1992‑1995), dans la mesure où appartenir à une minorité originaire d’un autre État permettait de demander l’aide et la protection de cet État. En même temps, pour les personnes impliquées dans le conflit, le fait de n’être ni Bosniaques, ni Croates, ni Serbes (peuples constitutifs) les a bien souvent sauvées du nettoyage ethnique. Pendant la guerre, une grande partie des communautés minoritaires du pays ont formé des associations (de type ONG) chargées d’aider ou d’évacuer leurs membres des zones menacées et d’obtenir, sous la protection de leur pays d’origine ou de puissantes associations internationales, une assistance en leur faveur. Les associations de Juifs, de Slovènes, de Macédoniens, de Tchèques, d’Italiens, de Hongrois, d’Allemands et d’Ukrainiens, pour ne citer qu’elles, ont été particulièrement actives à cet égard.

47.Dans certaines communautés minoritaires, cette action a de facto marqué le début de l’identification des membres des minorités nationales et de leur rassemblement en groupes organisés qui continueront leur œuvre après le conflit, dans le but de préserver leurs caractéristiques nationales ainsi que leurs traditions, coutumes, croyances, langues, culture et spiritualité. Les liens créés avec leur pays d’origine par la voie diplomatique et grâce à d’autres organismes et à une assistance technique appropriée ont jeté les bases de mécanismes de préservation de leurs particularités à long terme.

48.Tous les groupes minoritaires ont en commun d’avoir créé des associations regroupant leurs membres (associations de citoyens, clubs, sociétés culturelles et autres formes de rassemblement) et de les avoir enregistrées comme ONG conformément aux lois en vigueur. L’exception reste les Roms qui, en plus de 32 associations (ONG), ont également créé un parti politique, le Parti démocratique des Roms, fondé début 2003 (après les élections législatives de 2002 auxquelles il n’a donc pas participé). En outre, sur les 17 groupes minoritaires, seule la minorité monténégrine de Bosnie‑Herzégovine n’a pas enregistré ou fondé de groupe rassemblant les Monténégrins, bien qu’elle soit officiellement et légalement (recensement de 1991) l’une des minorités les plus nombreuses de Bosnie‑Herzégovine. Selon le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés, un embryon de groupe a récemment été constitué en vue de former l’Association des Monténégrins (en tant qu’ONG).

49.Aux groupes susmentionnés s’ajoute une association d’organisations de minorités nationales à Banja Luka, en Republika Srpska, l’Union des minorités nationales de la Republika Srpska, qui, jusqu’à présent, regroupe les associations des minorités tchèque, italienne, juive, hongroise, macédonienne, rom, slovène et ukrainienne dont les membres vivent et travaillent dans la région.

50.Avant de commencer à analyser les dimensions normatives de la situation des minorités nationales en Bosnie‑Herzégovine, il convient de souligner que la Bosnie‑Herzégovine n’a pas encore conclu d’accord bilatéral concernant la protection des membres des minorités vivant sur son sol, même si l’on peut dire que les autres communautés minoritaires, à l’exception des Roms, ont leur «pays» d’origine. À ce jour, aucune initiative n’a été prise pour conclure un accord garantissant à la Bosnie‑Herzégovine que certains groupes minoritaires sont protégés par d’autres pays. La Bosnie‑Herzégovine s’est efforcée de conclure avec la République de Slovénie un accord portant sur les obligations mutuelles en matière de protection de la minorité slovène en Bosnie‑Herzégovine et des Bosniaques, des Croates et des Serbes de Bosnie‑Herzégovine en Slovénie. Cette initiative en est toujours au stade des discussions préliminaires et n’a pas été bien perçue en République de Slovénie.

51.Les articles 5 et 34 de la loi sur les associations et les fondations interdisent l’enregistrement et les activités d’associations et d’organisations dont l’objectif est contraire à la Constitution de la Bosnie‑Herzégovine, en particulier si leurs activités visent à attenter à l’ordre public par la violence et à inciter à la haine nationale, raciale et religieuse ou à la discrimination, actes interdits par la loi.

52.Les autorités de Bosnie‑Herzégovine soutiennent en particulier l’action d’associations qui œuvrent pour la promotion de la tolérance, telles que le Conseil interreligieux de la Bosnie‑Herzégovine. Les chefs des quatre communautés religieuses traditionnelles − musulmane, orthodoxe, catholique et juive − ont signé, le 9 juin 1997, l’Accord sur les obligations morales mutuelles, établissant ainsi le Conseil interreligieux. Le Conseil mène une action au niveau de la Bosnie‑Herzégovine et a été enregistré au moment de sa fondation, conformément aux dispositions de la loi sur les associations et les fondations de Bosnie‑Herzégovine. Sa tâche consiste à renforcer la paix en Bosnie‑Herzégovine et à œuvrer à la réconciliation dans tout le pays. Au niveau international, le Conseil interreligieux a établi des liens avec des institutions internationales qui s’occupent de la question de la liberté de la conviction religieuse et a participé activement aux travaux de la «Conférence mondiale des religions pour la paix» (WCRP).

53.En Bosnie‑Herzégovine, le Conseil interreligieux s’est employé à rapprocher les personnes de religion différente et à favoriser la compréhension mutuelle. Il a lancé le programme radio «Susret (rencontre)» qui s’attache à mettre en évidence les points communs entre les croyances plutôt que les différences. Le Conseil interreligieux a également publié la première édition du «Glossaire de termes religieux» à l’intention des médias pour faire connaître son action au public. Ses membres ont contribué dans une large mesure à l’élaboration de la loi sur la liberté de religion et le statut juridique des Églises et communautés religieuses de Bosnie ‑Herzégovine.

Droits et condition de la femme en Bosnie ‑Herzégovine

54.L’Office de statistique de Bosnie‑Herzégovine et les instituts de statistique des deux Entités ne disposent pas de données appropriées sur la dimension sexiste de la discrimination raciale. La condition des femmes en Bosnie‑Herzégovine par rapport à celle des hommes est illustrée par différents chiffres, attestant de leur présence dans certains secteurs et d’une certaine forme de discrimination dans d’autres.

55.Aux fins d’une meilleure application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Bosnie‑Herzégovine a adopté, en 2003, la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Bosnie‑Herzégovine. Cette loi instaure un nouveau cadre juridique moderne pour la prévention de la discrimination à l’égard des femmes, interdisant la discrimination fondée sur le sexe.

56.La loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Bosnie‑Herzégovine «réglemente, promeut et protège l’égalité de traitement des sexes, garantit l’égalité des chances à tous les citoyens dans les sphères publique et privée de la vie, et interdit la discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe». Elle vise en particulier à renforcer la condition des femmes.

57.Cette loi contient les dispositions suivantes: «La pleine égalité de traitement entre les sexes est garantie dans tous les domaines de la vie, en particulier dans l’éducation, l’économie, l’emploi et le travail, l’aide sociale, les soins de santé, les sports, la culture, la vie publique et les médias, indépendamment de la situation matrimoniale ou familiale.».

58.La définition de la discrimination qui figure dans la loi est suffisamment vaste et, à notre avis, conforme à celle contenue dans la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il est important de noter que cette loi encourage également l’élimination de la discrimination dans tous les domaines de la vie, et des solutions fondées sur l’analyse de cas de facto en Bosnie‑Herzégovine ont été élaborées à cet égard. L’interdiction de la discrimination se réfère aux situations pouvant susciter une attitude discriminatoire fondée sur le sexe dans les sphères publique et privée de la vie et concerne aussi bien les institutions privées que les particuliers. La loi autorise l’adoption de mesures spéciales pour encourager l’égalité des sexes et l’élimination des inégalités existantes.

59.En adoptant cette loi, la Bosnie‑Herzégovine a défini une nouvelle approche qui établit des mécanismes de protection plus efficaces contre toute forme de discrimination à l’égard des femmes et met en place des dispositions supplémentaires concrètes visant à prévenir la discrimination fondée sur le sexe. Il est important de noter que le comportement de la société a évolué et que l’on a conscience aujourd’hui de la nécessité d’améliorer la condition des femmes en Bosnie‑Herzégovine.

60.La loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes en Bosnie‑Herzégovine prévoit la possibilité d’entreprendre une action corrective qui ne serait pas considérée comme discriminatoire, la discrimination fondée sur le sexe n’étant pas considérée comme une norme, un critère ou une pratique qui peut se justifier objectivement par la réalisation d’un objectif légitime dont l’effet est proportionnel aux mesures nécessaires et justifiées pour atteindre cet objectif. Cette même loi a été à l’origine de la création de l’Agence pour l’égalité entre les hommes et les femmes en Bosnie‑Herzégovine, qui est l’institution gouvernementale responsable de la politique sur l’égalité des sexes, du suivi des instruments internationaux relatifs à la prévention de la discrimination entre les sexes et de la modification des lois nationales pour leur donner effet, ainsi que de la mise en œuvre des plans et programmes gouvernementaux appropriés.

61.Le processus de transition et de réforme politique empêche généralement les femmes d’utiliser tout leur potentiel. Une grande pauvreté sévit en Bosnie‑Herzégovine, le taux de chômage est très préoccupant et le redressement du pays dévasté par la guerre progresse très lentement sur le plan social. Ces facteurs, en particulier le manque de fonds et autres ressources, nuisent à la protection de tous les groupes de citoyens en Bosnie‑Herzégovine et surtout à celle des personnes déplacées, des groupes minoritaires, des étrangers et des demandeurs d’asile.

62.Pendant la période qui vient de s’écouler, la Bosnie‑Herzégovine s’est appuyée sur l’aide internationale qui était axée avant tout sur la reconstruction et le relèvement du pays, principalement de ses infrastructures, et dans une moindre mesure sur la reprise économique et la reconstitution des ressources sociales.

63.La Bosnie‑Herzégovine a beaucoup progressé en matière d’égalité des femmes devant la loi. Si, de jure, il n’y a pas d’obstacles à l’amélioration de la condition des femmes dans la société ni à la possibilité qui leur est donnée de l’affirmer, de facto, les statistiques dans certains secteurs montrent que les femmes stagnent dans la société, indépendamment du groupe auquel elles appartiennent, en particulier après la guerre, et que leur participation à la vie publique est tombée à un niveau préoccupant. Cependant, la reprise économique, même si elle progresse très lentement, et le renforcement de la participation des femmes au secteur non gouvernemental et aux activités sociales de la société civile dans certaines couches sociales améliorent de plus en plus le statut des femmes, notamment dans certains domaines de la vie publique axés sur le renforcement de leur participation à l’action politique à tous les niveaux. L’ancienne législation sur l’emploi en Bosnie‑Herzégovine et celle actuellement en vigueur garantissent l’égalité des salaires à travail égal, la protection de la maternité, les soins médicaux et l’aide sociale dans les mêmes conditions, quelle que soit l’origine ethnique ou autre.

64.L’un des problèmes majeurs auxquels se heurtent la promotion et la protection des droits des femmes en Bosnie‑Herzégovine tient à l’augmentation de la violence à l’égard des femmes. La réforme de la loi pénale a facilité la mise en œuvre des mesures visant à prévenir cette violence, mais une structure de protection renforcée n’a pas encore été établie, parce que le nouveau cadre juridique ne prévoit pas la possibilité d’adopter des mesures temporaires qui protégeraient plus efficacement les victimes, telles que la séparation de l’auteur des actes de violence du reste de la famille, de sorte qu’une protection des femmes fondée sur de nouveaux principes n’est pas encore pleinement assurée dans la pratique.

65.Une des formes de violence et de discrimination contre laquelle certains groupes de femmes ne sont pas suffisamment protégés est la traite des êtres humains, en particulier la traite des femmes à des fins de prostitution, très présente en Bosnie‑Herzégovine ces dernières années. L’ouverture des frontières, la transition vers l’économie de marché, la progression du chômage et de la pauvreté, l’effondrement des structures étatiques, la diminution des entraves à la liberté de circulation dans certaines régions d’Europe, en particulier en Europe centrale et en Europe orientale, ont également créé des conditions favorables au développement de trafics illégaux sur le territoire de la Bosnie‑Herzégovine, en particulier de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle, et augmenté le transit illégal par le pays et les déplacements internes ainsi que le crime organisé.

66.Comme indiqué ci‑dessus, certains groupes de femmes sont particulièrement exposés en Bosnie‑Herzégovine, comme les personnes déplacées, les rapatriées, les femmes faisant partie de groupes minoritaires, les demandeuses d’asile et les femmes démunies. Outre la loi existante susmentionnée concernant la protection des femmes, un plan d’action national visant à renforcer la condition de la femme dans la société de Bosnie‑Herzégovine est en cours d’adoption. Les projets et les programmes mis en œuvre pour donner effet à la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes sont particulièrement intéressants (rapport initial de la Bosnie‑Herzégovine au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes). Des mécanismes institutionnels ont également été mis en place pour faciliter l’application de la loi et de politiques axées sur l’amélioration de la condition des femmes et des activités visant à mieux protéger les catégories de femmes particulièrement exposées.

Article 2

Mesures d’ordre législatif, judiciaire, administratif ou autre

67.La Constitution de la Bosnie‑Herzégovine et les constitutions des Entités garantissent à tous les citoyens le droit de fonder un parti politique et d’y adhérer; la participation aux activités publiques; l’égalité d’accès aux services publics; le droit de voter et d’être candidat aux élections. L’exercice de la liberté de créer une association politique et les modalités de la création, de l’enregistrement et de la cessation des activités de ce type d’association sont définis par la loi sur les associations et les fondations en Bosnie‑Herzégovine.

68.Afin de promouvoir les droits des femmes et d’assurer l’égalité des chances, un quota obligatoire de femmes sur les listes de candidats aux organes législatifs à tous les niveaux du Gouvernement (des communes à l’Assemblée parlementaire de la Bosnie‑Herzégovine) est fixé dans la loi électorale de la Bosnie‑Herzégovine (art. 4.19), en vertu de laquelle tous les partis sont tenus d’inscrire sur leurs listes au moins un tiers de candidats appartenant au sexe minoritaire. L’expérience montre qu’en Bosnie‑Herzégovine les femmes sont toujours en minorité sur les listes de candidats.

69.Ainsi, pour les élections de 1998, tous les partis ont été tenus d’établir leur liste de candidats en veillant à y faire figurer au moins trois candidats du sexe minoritaire (des femmes, dans 99 % des cas) parmi les neuf premiers. Cette mesure a permis d’avoir davantage de femmes candidates à tous les niveaux du Gouvernement. Les listes fermées qui ont été utilisées aux élections législatives de 1998 ont permis de choisir un plus grand nombre de femmes dans les organes législatifs à tous les niveaux. Ainsi, à la Chambre des représentants de l’Assemblée parlementaire de Bosnie‑Herzégovine, 13 femmes ont été élues sur un total de 42 représentants, soit 30,2 %.

70.Le quota obligatoire d’un tiers de candidats du sexe minoritaire sur toutes les listes a été appliqué aux élections de 2000, c’est‑à‑dire que des femmes y figuraient en deuxième, cinquième, huitième position, etc. Néanmoins, les listes ouvertes ont également été utilisées ainsi que des listes conjointes de candidats, ce qui signifie en fait que les électeurs pouvaient voter pour un parti et pour différents candidats inscrits sur la liste. D’après les chiffres donnés par la Commission électorale de Bosnie‑Herzégovine, au total, 1 616 313 électeurs ont voté, dont 798 500 étaient des femmes, soit 49,4 %. Les résultats des élections ont révélé que les électeurs, dont près de 50 % étaient pourtant des femmes, avaient soutenu les candidats de sexe masculin à tous les échelons du Gouvernement. Le nombre de représentantes au niveau de l’État a considérablement augmenté par rapport à 1998. Lors de ces élections, trois femmes et 39 hommes avaient été élus à la Chambre des représentants de l’Assemblée parlementaire. Une autre femme avait obtenu un mandat par la suite lorsqu’un député avait accepté un poste dans l’exécutif. D’après les dernières données, la Chambre des représentants de l’Assemblée parlementaire de Bosnie‑Herzégovine compte aujourd’hui huit femmes.

71.La sélection des membres de tous les organes législatifs se fait sur la base de droits de vote généraux et égaux par scrutin direct et secret. En vertu de la même loi, tous les citoyens de Bosnie‑Herzégovine âgés de 18 ans au moins ont le droit de voter et de se porter candidats aux organes législatifs à tous les niveaux du Gouvernement en Bosnie‑Herzégovine sans aucune discrimination, pour quelque raison que ce soit. Les dispositions susmentionnées montrent que les femmes et les hommes, et les groupes minoritaires ont les mêmes droits de participation à la vie politique et publique.

72.L’interdiction de toute forme de discrimination a été inscrite, comme indiqué ci‑dessus, dans la législation pénale de Bosnie‑Herzégovine, et les différents types d’infractions pénales sont énoncés en détail dans la section contenant des informations sur la mise en œuvre (art. 3 et 4 de la Convention). Cette interdiction, qui est une mesure de prévention, est également inscrite dans la loi sur l’enregistrement des associations et des fondations qui prohibe l’enregistrement d’une association propageant l’intolérance et la haine à l’encontre de certains groupes raciaux, ethniques, minoritaires et autres. La surveillance de l’application de cette loi relève du Ministère de la justice de Bosnie‑Herzégovine, des ministères de la justice des Entités et du service compétent du district de Brčko.

73.Les fonds nécessaires aux activités des associations sont prévus chaque année dans les budgets des institutions gouvernementales de Bosnie‑Herzégovine, en fonction du niveau de compétence et du champ d’action de l’association concernée, par le biais de la procédure de sélection des projets. Ce processus comprend également l’analyse des projets et des programmes proposés, et les associations sont tenues de présenter chaque année un rapport d’activité au ministère compétent qui fait ensuite une proposition concernant les fonds à leur allouer. Il n’existe cependant pas de cadre méthodologique pour superviser le travail des associations et allouer une aide selon les mêmes critères. À la fin de 2004, le Ministère de la justice de Bosnie‑Herzégovine a commencé à établir un registre unique des associations, fondations et ONG travaillant dans le pays.

74.La structure organisationnelle des instances gouvernementales a été adaptée au principe de protection de l’intérêt national pour que la représentation nationale des peuples constitutifs de Bosnie‑Herzégovine soit assurée dans les organes exécutifs conformément à la loi, de même que celle des groupes minoritaires. L’État et les gouvernements des Entités, ainsi que les cantons et le gouvernement du district de Brčko, sont organisés de cette façon. Le système de la représentation nationale s’applique aussi à la fonction publique et aux services publics.

75.Par ailleurs, le système de la représentation nationale et de celle des deux sexes régit le choix des juges et l’organisation des tribunaux. On s’est efforcé de nommer aussi des juges appartenant aux autres groupes, c’est‑à‑dire aux minorités nationales.

76.L’analyse des statuts de plusieurs partis siégeant au Parlement révèle qu’aucune disposition n’interdit aux femmes de s’affilier à ces partis ou aux membres des minorités de participer au travail de leurs organes. Les dispositions de la loi électorale de Bosnie‑Herzégovine, qui obligent tous les partis politiques à inscrire sur leur liste au moins un tiers de candidats du sexe minoritaire (l’expérience montre que les femmes en Bosnie‑Herzégovine ont toujours été un sexe minoritaire dans le processus de candidature), ont amené les partis à augmenter le nombre de femmes dans leurs rangs et au sein de leurs organes. Les groupes minoritaires peuvent également organiser leurs partis politiques.

77.Afin de protéger les droits individuels et collectifs, tous les citoyens de Bosnie‑Herzégovine sans exception peuvent faire appel au Médiateur des droits de l’homme, institution indépendante créée dans le but de promouvoir une bonne gouvernance et la primauté du droit et de protéger les droits et les libertés des personnes physiques et morales, tels qu’ils sont inscrits en particulier dans la Constitution de la Bosnie‑Herzégovine et dans les instruments internationaux qui y sont annexés. Le Médiateur examine les plaintes faisant état du dysfonctionnement d’organe de l’État ou d’une violation des droits de l’homme et des libertés commise par cet organe. Il agit soit lorsqu’il est saisi d’une plainte, soit de sa propre initiative et peut enquêter, recommander les mesures individuelles ou générales appropriées, avoir accès à toute institution ou dossier se rapportant à son enquête et saisir les tribunaux, mais n’est pas habilité à trancher sur le fond.

78.Outre l’institution du Médiateur, il existe la Commission des droits de l’homme qui travaille au sein de la Cour constitutionnelle de la Bosnie‑Herzégovine, organe judiciaire chargé de l’examen de cas du même ordre, qui a la possibilité de prendre des décisions judiciaires ayant force obligatoire pour tous les organismes concernés de Bosnie‑Herzégovine. L’article 239 du Code pénal de la Bosnie‑Herzégovine prévoit l’infraction pénale que constitue le non‑respect des décisions de la Cour constitutionnelle de la Bosnie‑Herzégovine ou de la Chambre des droits de l’homme, dont les compétences ont été transférées, en 2004, à la Commission des droits de l’homme.

79.Depuis l’entrée de la Bosnie‑Herzégovine au Conseil de l’Europe en avril 2002, les citoyens de Bosnie‑Herzégovine ont également la possibilité de porter plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme et, d’après les premières informations, plus de 65 demandes avaient été présentées à la fin 2004. Les personnes qui portent plainte devant les organes précédemment cités ou leur adressent une requête ont besoin d’une aide juridictionnelle qui, jusqu’à présent, leur a été essentiellement fournie par des organisations non gouvernementales.

80.Au cours des années passées, les autorités de Bosnie‑Herzégovine ont eu du mal à relancer l’économie en raison des réformes en cours dans la quasi‑totalité des secteurs: justice, police, administration, économie, aide sociale et soins médicaux, et éducation. Elles ont néanmoins beaucoup travaillé à l’élaboration et à l’adoption de stratégies nationales visant à protéger certaines catégories vulnérables telles que les enfants, les personnes déplacées et les réfugiés, les femmes, les groupes minoritaires roms, les victimes de la traite des êtres humains, les étrangers ou les demandeurs d’asile. Ces stratégies ont pour but de renforcer le cadre législatif, de mettre en place des mécanismes institutionnels, de surveiller la mise en œuvre des droits des groupes susmentionnés et d’améliorer la protection des droits de l’homme d’une manière générale. La plupart des plans émanent du Ministère pour les droits de l’homme et les réfugiés, qui est également responsable de la protection, du suivi et de la promotion des droits de l’homme.

Article 3

81.En adoptant son nouveau Code pénal en 2003, la Bosnie‑Herzégovine a inscrit les principes énoncés dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale dans la nouvelle loi, qui rend tout acte de discrimination raciale passible d’une sanction pénale, et elle a établi un mécanisme législatif de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, indépendamment de la race, du sexe, de la langue, de la religion, etc.

82.Le Code pénal de la Bosnie‑Herzégovine contient les définitions suivantes:

Article 172 (Crimes contre l’humanité)

«Quiconque, participant à une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile, en connaissance de cause, commet un des actes énoncés ci‑après (définitions contenues au paragraphe 2):

… a) Attaque lancée contre une population civile : comportement qui consiste à multiplier les actes visés au paragraphe 1 [du présent article] à l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but une telle attaque;

b) Extermination: fait d’imposer intentionnellement des conditions de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population;

c) Réduction en esclavage: fait d’exercer sur une personne l’un ou l’ensemble des pouvoirs liés au droit de propriété, y compris dans le cadre de la traite des être humains, en particulier des femmes et des enfants;

d) Déportation ou transfert forcé de population: fait de déplacer des personnes, en les expulsant ou par d’autres moyens coercitifs, de la région où elles se trouvent légalement, sans motifs admis en droit international;

e) Torture: fait d’infliger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, à une personne se trouvant sous sa garde ou sous son contrôle; l’acception de ce terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légales, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles;

f) Grossesse forcée: détention illégale d’une femme mise enceinte de force, dans l’intention de modifier la composition ethnique d’une population ou de commettre d’autres violations graves du droit international;

g) Persécution: déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ou de la collectivité qui en fait l’objet;

h) Disparitions forcées: cas où des personnes sont arrêtées, détenues ou enlevées par un État ou une organisation politique ou avec l’autorisation, l’appui ou l’assentiment de cet État ou de cette organisation, qui refuse ensuite d’admettre que ces personnes sont privées de liberté ou de révéler le sort qui leur est réservé ou l’endroit où elles se trouvent, dans l’intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une période prolongée;

i) Apartheid: actes inhumains analogues à ceux que vise le paragraphe 1 [du présent article], commis dans le cadre d’un régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes raciaux et dans l’intention de maintenir ce régime;

est passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins dix ans ou d’une peine d’emprisonnement à long terme.».

L’article 180 du Code pénal de la Bosnie‑Herzégovine stipule ce qui suit:

«1) Quiconque ayant planifié, ordonné ou commis une infraction pénale, ou aidé d’une autre façon à planifier, préparer ou commettre une infraction pénale, telle que visée aux articles 171 (Génocide), 172 (Crimes contre l’humanité), 173 (Crimes de guerre contre des civils), 174 (Crimes de guerre contre les blessés et les malades), 175 (Crimes de guerre contre les prisonniers de guerre), 177 (Meurtre d’un ennemi ou blessures illicites infligées à un ennemi), 178 (Pillage des morts et des blessés sur le champ de bataille) et 179 (Violation des lois et pratiques de la guerre) du présent Code, sera tenu personnellement responsable de l’infraction pénale. La position officielle de toute personne accusée d’une de ces infractions, qu’il s’agisse d’un chef d’État ou de gouvernement ou d’une personnalité du gouvernement, ne soustraira pas cette personne à sa responsabilité pénale et n’atténuera pas la peine prononcée. Le fait qu’une infraction pénale visée aux articles 171 à 175 et aux articles 177 à 179 du présent Code est commise par un subordonné n’exonérera pas son supérieur de sa responsabilité pénale, si celui ‑ci savait ou avait de bonnes raisons de penser que son subordonné s’apprêtait à commettre de tels actes ou les avait commis et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour les prévenir ou en punir les auteurs. Le fait qu’une personne a agi conformément à l’ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur ne l’exonérera pas de sa responsabilité pénale, mais peut être pris en compte pour atténuer la peine si le tribunal décide que la justice l’exige.».

83.La loi sur la Cour de Bosnie‑Herzégovine porte création du Département des crimes de guerre qui est chargé des infractions pénales liées aux crimes de guerre, c’est‑à‑dire des infractions pénales dont le contenu correspond en partie à la définition de la discrimination raciale figurant dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

84.Afin de juger ces infractions pénales commises pendant la guerre tragique, c’est‑à‑dire au cours de la période 1992‑1995, la communauté internationale a créé le Tribunal international chargé de juger les crimes de guerre commis dans l’ex‑Yougoslavie ou «Tribunal de La Haye», qui traite ces affaires. Les tribunaux de Bosnie‑Herzégovine ont également commencé à connaître de procédures se rapportant à cette période, mais c’est le «Tribunal de La Haye» qui est saisi de la majorité des affaires susmentionnées.

85.Ces affaires sont extrêmement complexes et nous n’en traiterons pas dans le présent rapport.

86.Nous avons mentionné précédemment la loi interdisant l’enregistrement d’associations propageant la haine et l’intolérance et le système permettant de suivre leur action et d’octroyer un soutien à celles qui œuvrent pour la tolérance et la coexistence. Un problème se pose, celui de l’absence de lois privilégiant expressément les associations qui encouragent le respect des droits de l’homme des groupes particulièrement exposés et la tolérance à leur égard; la promotion des droits des Roms, qui constituent le groupe minoritaire le plus important de Bosnie‑Herzégovine, et le soutien apporté au Conseil interreligieux de Bosnie‑Herzégovine font exception.

87.L’Agence de régulation des télécommunications (CRA) a été créée en Bosnie‑Herzégovine pour superviser le travail des médias; on trouvera dans la partie de ce texte concernant l’article 7 de la Convention des renseignements sur cette Agence qui est chargée de la surveillance des activités des médias électroniques et de l’approbation des autorisations d’émettre. L’Agence a la possibilité d’interdire les médias qui propagent la haine et l’intolérance, ce qu’elle a fait dans plusieurs cas (radio indépendante Hayat‑Tuzla, radio St John Pale).

88.De nombreuses associations non gouvernementales opérant en Bosnie‑Herzégovine contribuent à renforcer et à protéger les droits de l’homme (Comité d’Helsinki, Centre des droits de l’homme, Link Diversity, etc.) ainsi qu’à préserver le patrimoine ethnique et culturel des communautés minoritaires («Czech Beseda» − l’association des Tchèques dans la Republika Srpska −, «Taras Schevcenko» − l’association des Ukrainiens dans la Republika Srpska −, «Lira» − l’association culturelle des juifs, etc.).

Article 4

89.Comme on l’a déjà dit, la Bosnie‑Herzégovine a modifié le cadre juridique dans lequel s’inscrivent l’interdiction et la prévention de la discrimination raciale, ce que nous allons examiner plus précisément à travers la définition d’infractions pénales spécifiques:

L’infraction pénale visée à l’article 171 (Génocide) du Code pénal de la Bosnie‑Herzégovine est définie comme suit:

«Quiconque, dans le but de détruire, totalement ou partiellement, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ordonne de commettre ou commet l’un des actes suivants:

Meurtre de membres du groupe;

Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe;

est passible d’une peine d’emprisonnement de dix ans au minimum ou d’une peine d’emprisonnement à long terme.».

Le paragraphe 1 de l’article 172 (Crimes contre l’humanité) stipule ce qui suit:

«Quiconque, participant à une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile, en connaissance de cause, commet un des actes suivants:

a)Privation de la vie (meurtre);

b)Réduction en esclavage;

c)Déportation ou transfert forcé de population;

d)Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international;

e)Torture;

f)Le fait de contraindre quelqu’un par la force ou par la menace d’atteinte imminente à sa vie ou à son intégrité physique, à la vie ou à l’intégrité physique d’un de ses proches, à des relations sexuelles ou à un acte sexuel équivalent (viol), à l’esclavage sexuel, à la prostitution forcée, à une grossesse forcée, à la stérilisation forcée ou à toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable;

g)Persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe, ou tout acte relevant de la compétence de la Cour de Bosnie‑Herzégovine;

h)Disparitions forcées;

i)Apartheid;

j)Autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale;

est passible d’une peine d’emprisonnement de dix ans au minimum ou d’une peine d’emprisonnement à long terme.».

(NOTE: LE PARAGRAPHE 2 DE CET ARTICLE A ÉTÉ CITÉ À PROPOS DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION.)

L’article 176 (Organisation d’un groupe de personnes et incitation à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre) stipule ce qui suit:

«Quiconque organise un groupe de personnes dans le but de commettre une infraction pénale visée aux articles 171 (Génocide), 172 (Crimes contre l’humanité), 173 (Crimes de guerre contre des civils), 174 (Crimes de guerre contre les blessés et les malades) ou 175 (Crimes de guerre contre les prisonniers de guerre) du présent Code est passible d’une peine d’emprisonnement de dix ans au minimum ou d’une peine d’emprisonnement à long terme.

Quiconque devient membre d’un groupe de personnes visé au paragraphe 1 du présent article est passible d’une peine d’emprisonnement de un à dix ans.

Tout membre d’un groupe visé au paragraphe 1 du présent article, qui dénonce ce groupe avant d’avoir commis une infraction pénale dans le cadre ou pour le compte de ce dernier, est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas trois ans, ou exempté de châtiment.

Quiconque invite ou incite à commettre une infraction pénale visée aux articles 171 à 175 du présent Code est passible d’une peine d’emprisonnement de un à dix ans.».

90.Le Code pénal de la Bosnie‑Herzégovine interdit également aux autorités gouvernementales ou aux institutions publiques, nationales et locales, d’encourager la discrimination raciale ou d’y inciter. Tout comportement de ce type est considéré comme une infraction pénale.

L’article 145 (Atteinte à l’égalité des individus et des citoyens) dispose ce qui suit:

«1)Tout agent ou responsable d’une institution de Bosnie‑Herzégovine qui, pour des raisons de race, de couleur de peau, d’origine nationale ou ethnique, de convictions religieuse, politique ou autre, de sexe, d’orientation sexuelle, de langue, d’éducation, de situation ou d’origine sociale, dénie ou restreint les droits civils inscrits dans la Constitution de la Bosnie‑Herzégovine, les accords internationaux ratifiés, le droit national, d’autres réglementations ou lois générales de la Bosnie‑Herzégovine, ou quiconque, pour des raisons fondées sur ces différences ou ces origines ou autre situation, accorde des privilèges ou des avantages injustifiés est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans.

2)Tout agent ou responsable d’une institution de la Bosnie‑Herzégovine qui, en violation de la législation en vigueur dans le pays sur l’utilisation, à égalité, des langues et des alphabets des peuples constitutifs et autres personnes vivant sur le territoire de la Bosnie‑Herzégovine, dénie ou restreint l’usage par un citoyen de sa langue ou de son alphabet lorsqu’il s’adresse à des organes ou des institutions de la Bosnie‑Herzégovine, des entreprises commerciales ou autres personnes morales afin d’exercer ses droits est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée qui ne peut excéder un an.

3)Tout agent ou responsable d’une institution de Bosnie‑Herzégovine, qui dénie à un citoyen le droit d’être employé librement sur tout le territoire de la Bosnie‑Herzégovine, et dans les conditions d’égalité prévues par la loi, ou restreint ce droit est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à cinq ans.».

L’article 183 (Destruction des monuments culturels, historiques et religieux) dispose ce qui suit:

«1)Quiconque, en violation des règles du droit international en vigueur en temps de guerre ou de conflit armé, détruit des monuments culturels, historiques ou religieux, des édifices ou des établissements consacrés à la science, à l’art, à l’éducation ou à des buts humanitaires ou religieux est passible d’une peine d’emprisonnement de un à dix ans.

2)Si un objet clairement identifiable, considéré comme faisant partie du patrimoine culturel et spirituel des peuples et bénéficiant à ce titre de la protection du droit international, est détruit par l’un des actes visés au paragraphe 1 du présent Code, l’auteur de cet acte est passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins cinq ans.».

91.Le Code pénal des Entités contient également des dispositions qui punissent la discrimination raciale:

L’infraction pénale de génocide est inscrite dans le Code pénal de la Fédération de Bosnie ‑Herzégovine, à l’article 153:

«Quiconque, dans le but de détruire, partiellement ou totalement, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ordonne le meurtre des membres du groupe ou des atteintes graves, physiques ou mentales, à ses membres, provoque le déplacement forcé de populations ou impose délibérément au groupe des conditions de vie calculées pour entraîner sa destruction physique totale ou partielle, impose des mesures visant à prévenir les naissances dans ce groupe ou le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe, ou quiconque, dans le même but, commet une des infractions susmentionnées est passible d’une peine d’emprisonnement de cinq ans au minimum ou d’une peine d’emprisonnement à long terme.».

En vertu de l’article 157 intitulé Organisation d’un groupe de personnes et incitation au crime de génocide ou au crime de guerre:

«Quiconque organise un groupe de personnes en vue de commettre les infractions pénales visées aux articles 153 (Génocide) à 156 (Crimes de guerre contre les prisonniers de guerre) du présent Code est passible d’une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut être inférieure à cinq ans. Quiconque devient membre d’un groupe visé au paragraphe 1 du présent article est passible d’une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut être inférieure à un an. Toute personne membre d’un groupe visé au paragraphe 1 du présent article qui dénonce ce groupe avant d’avoir commis une infraction pénale dans le cadre ou pour le compte de ce dernier peut être frappé d’une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut excéder trois ans, ou exempté de châtiment. Quiconque invite ou incite à commettre une infraction pénale relevant des articles 153 à 156 du présent Code est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée comprise entre un et dix ans.»

92.Le Code pénal de la Republika Srpska qualifie aussi d’infraction pénale à l’article 437 l’organisation d’un groupe de personnes et l’incitation au crime de génocide et au crime de guerre:

«Quiconque organise un groupe de personnes en vue de commettre les infractions pénales visées aux articles 443 à 447 du présent Code est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée comprise entre deux et douze ans.

Quiconque devient membre d’un groupe visé au paragraphe 1 du présent article est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée comprise entre un et huit ans.

L’auteur de l’une quelconque des infractions visées aux paragraphes 1 et 2 du présent article qui empêche la commission d’une des infractions pénales mentionnées au paragraphe 1 du présent article ou qui dénonce celle‑ci à temps est passible d’une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut excéder trois ans, ou exempté de châtiment.

Quiconque invite ou incite à commettre une infraction pénale visée aux articles 443 à 447 du présent Code est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée comprise entre un et huit ans.»

Article 5

93.La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est transposée directement dans le système juridique de la Bosnie‑Herzégovine dont la Constitution énonce les droits de l’homme et les libertés fondamentales protégés par la Convention. Toutes les lois de la Bosnie‑Herzégovine et de ses Entités, du fait qu’elles sont incorporées dans la Constitution, doivent être mises en conformité avec ses dispositions, de même que d’autres normes juridiques. Elles contribuent ainsi au développement des institutions démocratiques et de la société civile (on trouvera plus loin au sujet de l’article 6 des informations plus détaillées sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention dans l’ordre juridique de la Bosnie‑Herzégovine).

94.La Chambre des droits de l’homme (qui a été établie en tant qu’institution sui generis par l’Accord de paix de Dayton, a cessé de fonctionner après l’entrée de la Bosnie‑Herzégovine au Conseil de l’Europe, les citoyens de ce pays ayant la possibilité de s’adresser à la Cour européenne des droits de l’homme depuis le début de 2004, et est restée saisie des dossiers en suspens en qualité de Commission pour les droits de l’homme au sein de la Cour institutionnelle de Bosnie‑Herzégovine) fonde ses décisions (contraignantes) sur la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales lorsqu’elle est saisie par des personnes physiques ou morales.

95.Conformément à un des principes juridiques fondamentaux en vigueur en Bosnie‑Herzégovine, à savoir l’«assistance aux personnes sans défense», des départements et des services d’aide juridictionnelle gratuite ont été créés auprès des tribunaux et des administrations municipales du pays en vue d’assurer la protection adéquate des droits de l’homme des intéressés, d’éviter le risque de non‑respect des délais fixés par la loi (notamment «les délais de forclusion»), de prévenir les abus à l’endroit des personnes se retrouvant sans défense, etc.

96.Pour améliorer le système judiciaire en Bosnie‑Herzégovine, le Haut Représentant pour la Bosnie‑Herzégovine a décidé d’établir une Commission judiciaire indépendante chargée de mettre en œuvre d’autres mesures de réforme du système judiciaire et de renforcement de l’état de droit, de superviser les travaux des commissions/conseils au niveau des Entités et des cantons, ainsi que de surveiller et d’évaluer le travail des tribunaux et des parquets (la mission des organes judiciaires est présentée plus en détail dans les informations données au sujet de l’article 6 de la Convention).

Les Roms en Bosnie ‑Herzégovine

97.En l’absence d’informations sur la discrimination raciale en Bosnie‑Herzégovine et de collecte systématique de données à ce sujet, nous prendrons ici pour exemple les données disponibles sur le statut et la protection des Roms. Les Roms constituent la plus nombreuse des 17 minorités que compte le pays. Un Conseil des Roms a été institué auprès du Conseil des ministres, et il existe de nombreuses associations de Roms dans le pays. Les Roms restent cependant en marge de la société: la majorité des enfants ne va pas à l’école, en raison du peu d’importance que les parents accordent à l’éducation et de l’indifférence du reste de la société.

98.Les chiffres sont très contradictoires quant au nombre de Roms vivant en Bosnie‑Herzégovine: ils varient d’environ 10 000 (d’après le recensement de la population de 1999) à une centaine de milliers (selon certains représentants des associations de Roms). Un certain nombre de raisons laissent à penser que le nombre des Roms officiellement recensés en 1991 était inférieur à la réalité, notamment le fait que la communauté rom est manifestement capable de s’adapter à son environnement, y compris en en acceptant les coutumes, la religion et la langue, ainsi que de s’identifier à une nation. Voilà pourquoi de nombreux Roms durant la période difficile de la guerre et jusqu’à aujourd’hui déclarent faire partie du peuple bosniaque, ou dans certains cas du peuple serbe (sans mentionner leur origine rom). Le chiffre qui a été avancé de 70 000 Roms en Bosnie‑Herzégovine à la veille de la guerre est probablement le plus proche de la vérité, mais une très large proportion de cette population est maintenant réfugiée à l’étranger.

99.Plus de 50 000 Roms vivent aujourd’hui en Bosnie‑Herzégovine, où ils constituent la plus nombreuse des 17 minorités nationales que compte le pays. Lors du recensement de la population en 1991, seules 8 000 personnes se sont déclarées roms. Selon un rapport de l’OSCE, les Roms espéraient avoir la vie plus facile en se déclarant serbes, croates ou bosniaques.

100.Le Conseil des Roms qui est rattaché au Conseil des ministres de la Bosnie‑Herzégovine a été créé pour permettre aux Roms et à leurs associations de travailler en partenariat avec les autorités de Bosnie‑Herzégovine. La population du pays boycotte silencieusement les Roms.

Organisations et associations/ONG roms

101.Les Roms de Bosnie‑Herzégovine sont regroupés en 28 organisations non gouvernementales, et le premier parti politique rom vient d’être créé.

102.On ne sait rien des souffrances endurées par les Roms durant la dernière guerre en Bosnie‑Herzégovine. Nombre d’entre eux se sont retrouvés dans une des trois armées en présence. Des combattants roms ont été tués ou blessés. Les Roms estiment que les familles des leurs, morts à la guerre ou invalides de guerre, sont victimes de discrimination lorsqu’ils font valoir leurs droits. Le nombre des Roms réfugiés et déplacés montre bien que cette population a beaucoup souffert. Selon les estimations, plus de la moitié des Roms (voire plus des deux tiers) auraient été expulsés durant la guerre dans d’autres régions du pays ou seraient partis se réfugier à l’étranger.

103.L’un des principaux moyens d’améliorer le statut des Roms en Bosnie‑Herzégovine est de leur apprendre à s’organiser aussi bien que possible. Les Roms en ont pris conscience. Même si les résultats obtenus jusqu’ici restent très modestes, les Roms sont généralement mieux traités là où ils ont créé des associations. Il existe aujourd’hui une quarantaine d’associations dont la majorité se trouve sur le territoire de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine.

104.La condition déplorable des Roms en Bosnie‑Herzégovine tient à plusieurs facteurs, dont les suivants:

a)Méfiance des communautés locales envers les Roms;

b)Nécessité de protéger les droits des Roms en tant que communautés nationales; et

c)Nécessité de protéger les droits des Roms en tant que citoyens à part entière de l’État dans lequel ils vivent.

105.Ce qui précède suppose d’abord que les Roms retournent dans leurs foyers et retrouvent leurs biens immobiliers. Il est aussi primordial qu’ils s’organisent mieux pour mieux communiquer entre eux et donner ainsi plus de force à leurs revendications; il sera alors plus facile de les aider et leurs relations avec les pouvoirs publics en seront facilitées.

Culture

106.Une exposition de photographies illustre la vie des Roms de Bosnie‑Herzégovine réfugiés à Berlin. Organisée au début de l’année dernière dans le plus prestigieux des centres d’exposition de Sarajevo, elle a remporté un franc succès auprès des Roms venus nombreux non seulement de Sarajevo mais également des deux Entités et de toute la Fédération.

Les Roms réfugiés et déplacés

107.L’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales des Roms de Bosnie‑Herzégovine passe par le retour des réfugiés et des personnes déplacées là où ils vivaient avant la guerre et la restitution de leur maison et de leurs biens immobiliers. Leur volonté opiniâtre de rentrer chez eux reste très forte malgré les énormes obstacles auxquels ils se heurtent.

108.Seules trois municipalités − Bijeljina, Visoko et Kakanj − comptent une population de Roms supérieure au nombre total de Roms officiellement recensés en Bosnie‑Herzégovine en 1991. Selon nos informations, les Roms vivant aujourd’hui dans les régions de Gorazde et de Livno refusent de s’identifier comme tels. On retrouve ailleurs dans les deux Entités le même comportement.

Droits économiques et sociaux des Roms

109.Aujourd’hui, les Roms sont un groupe ethnique qui souffre comme tous les citoyens d’un chômage important (et décourageant) en Bosnie‑Herzégovine. En clair, le nombre de Roms qui travaillent est symbolique et quelques municipalités en emploient un ou deux. Le canton de Tuzla et la municipalité de Visoko font exception. Le chômage est tel qu’un certain nombre de Roms se livrent à la revente de biens et à la mendicité.

110.La situation économique et sociale en Bosnie‑Herzégovine laisse donc beaucoup à désirer, ce qui a naturellement des conséquences néfastes pour les Roms qui vivent dans le pays. En outre, la privatisation entraînera un excédent de main‑d’œuvre.

Éducation des Roms

111.Le taux d’analphabétisme reste élevé parmi les Roms de Bosnie‑Herzégovine en raison du faible pourcentage des enfants roms scolarisés. Il est également dû à des facteurs économiques pénalisants et à certains stéréotypes entretenus par les parents. Il existe cependant des exemples positifs tels que celui de Visoko où le nombre d’enfants roms scolarisés dans le cycle secondaire est relativement élevé. Cette municipalité abrite une école primaire importante et d’un bon niveau, dont le directeur est rom. Ce dernier facteur explique certainement la fréquentation scolaire plutôt satisfaisante parmi les enfants roms. On la constate ailleurs aussi, à Zavidovici, dans certaines banlieues de Brčko, et dans un certain nombre de localités du canton de Tuzla. Ce dernier canton se distingue par le nombre de jeunes Roms désireux de faire des études universitaires. Leur situation matérielle difficile empêche bon nombre d’entre eux de dépasser le niveau du secondaire.

112.On notera que les facteurs susmentionnés, notamment l’analphabétisme, ont des conséquences néfastes sur l’usage de la langue rom en Bosnie‑Herzégovine, son existence même, son développement et sa permanence dans la communication entre les Roms. À l’évidence, les Roms eux‑mêmes ne s’intéressent pas à ce problème. C’est la raison pour laquelle l’islam pratiqué par les Roms de Bosnie‑Herzégovine non seulement contribue à l’abandon et à l’oubli de la langue, de la culture et de la tradition roms, mais aussi amène beaucoup d’entre eux à se déclarer bosniaques. On constate toutefois depuis peu un sentiment accru d’appartenance nationale parmi les Roms de Bosnie‑Herzégovine. Quelques initiatives − groupes folkloriques ou cours de langue rom − visent à préserver la langue, la culture, la tradition et le folklore de ce groupe ethnique (Tuzla, Sarajevo, Bijeljina, Vitez, Visoko, etc.). Quelques associations roms envisagent d’établir un dictionnaire de la langue rom et prennent contact dans ce but avec des organisations non gouvernementales de Roms en Croatie et en Republika Srpska.

113.Beaucoup d’enfants roms ne sont pas scolarisés, pour des raisons parfois subjectives, qui tiennent à l’attitude de leurs parents. Par ailleurs, la Bosnie‑Herzégovine manque d’enseignants qualifiés capables, par exemple, d’enseigner en langue rom tout comme de manuels pour les enfants. Les Roms continuent à sous‑estimer l’importance de l’éducation. Ils font preuve de «libéralisme» à ce sujet − tu peux aller à l’école, tu ne peux pas aller à l’école, tu peux ne pas aller à l’école … Sans parler de ce qu’on appelle une discrimination positive de la part des pouvoirs publics, y compris des responsables de l’éducation et des centres d’action sociale, qui tolèrent la situation avec pour conséquence qu’un certain nombre d’enfants roms ne terminent pas l’école primaire. Il n’y a aucune raison de laisser cet état de choses durer.

Les Roms et le logement

114.En application des lois en vigueur, des familles roms auraient dû être délogées de chez elles avant la fin de ce mois. Après avoir rencontré les représentants de la Mission de l’OSCE, les autorités du district de Brčko ont décidé de laisser ces familles vivre dans les zones qu’elles occupent sans autorisation officielle à Prutace. Les pouvoirs publics ont promis de légaliser ces zones d’habitat où la communauté rom vit depuis longtemps. On ne peut que se féliciter de la mesure prise par les autorités locales pour régler le problème de logement des Roms.

115.Entre 50 et 70 % des Roms de Bosnie‑Herzégovine vivent à l’heure actuelle dans des campements non autorisés. Leur statut au regard des droits de propriété est imprécis et beaucoup sont expulsés de force sans que les municipalités ne tiennent compte de leurs droits ni ne leur fournissent des logements de remplacement. De l’avis de la Mission de l’OSCE, en vertu de la Constitution de Bosnie‑Herzégovine, les autorités sont légalement tenues de régler ce genre de situation en légalisant les campements non officiels ou en assurant un logement de remplacement. Les problèmes de logement ne doivent pas être résolus de manière discriminatoire au détriment de certains membres de la société, comme cela est souvent le cas pour les membres de la communauté rom.

116.La situation des Roms est extrêmement difficile en Bosnie‑Herzégovine. Les Roms se trouvent tout en bas de l’échelle sociale, font l’objet de discrimination et n’exercent que très rarement leurs droits sociaux et économiques fondamentaux. Le progrès accompli à Brčko doit servir d’exemple et ouvrir la voie à un règlement du problème par la légalisation des campements et la sauvegarde des droits des communautés menacées dans l’ensemble du pays. Les autorités de Brčko ont non seulement promis la légalisation de ce type de campement mais aussi demandé aux représentants de la communauté rom d’établir la liste des familles les plus vulnérables du point de vue social ainsi que celle des maisons de Roms ayant été détruites afin d’en tenir compte dans le projet de reconstruction. Le maire du district de Brčko a approuvé la décision de mettre des locaux à la disposition de l’Association des Roms de Brčko et de lui accorder une aide financière au moyen des crédits municipaux. Les autorités du district ont par ailleurs alloué 15 appartements à des familles vivant depuis des années dans le campement de Prutace.

Droit à un traitement égal et à la jouissance des droits politiques

117.L’adoption de la loi sur la protection des droits des minorités nationales de Bosnie‑Herzégovine instaure enfin un cadre juridique qui permet de mieux protéger les droits des minorités nationales, notamment ceux des Roms qui constituent la minorité nationale la plus nombreuse. L’entrée en fonctions (à partir du milieu de 2002) du Conseil des Roms, rattaché au Conseil des ministres de la Bosnie‑Herzégovine, a donné un cadre institutionnel à la coopération active des représentants de cette communauté avec les pouvoirs publics de la Fédération et des Entités. Le Conseil concentre son action sur la mise en œuvre d’activités qui visent à renforcer le statut et la protection de la minorité rom en Bosnie‑Herzégovine. Il s’est doté d’un plan et d’un programme de travail provisoires pour 2002‑2006 portant sur les domaines suivants: inscription sur les registres, éducation, soins médicaux, emploi et aide sociale, réfugiés et personnes déplacées, restitution des biens, logement, création et fonctionnement de médias électroniques et d’une presse écrite.

118.La loi sur la protection des droits des minorités nationales fait obligation aux Entités, aux cantons, aux municipalités et aux villes de Bosnie‑Herzégovine d’énoncer plus en détail dans leurs lois et autres règlements les droits et les devoirs qu’elle prescrit.

119.Le Conseil des ministres de la Bosnie‑Herzégovine a créé le Conseil des Roms le 13 juin 2002 en suivant une procédure et des critères de nomination arrêtés par le Ministère des droits de l’homme et des réfugiés, et il prend la décision finale en matière de nomination.

Droit de retour et biens immobiliers d’autres citoyens de Bosnie ‑Herzégovine

120.Le premier alinéa du Préambule de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale renvoie aux principes de la dignité et de l’égalité de tous les êtres humains affirmés par la Charte des Nations Unies.

121.Il constitue une bonne introduction à la définition de la situation des droits de l’homme en Bosnie‑Herzégovine en matière de discrimination raciale dans la période qui a suivi la signature des Accords de Washington et de Dayton. Cette période a été marquée par des violations des droits de l’homme et par certaines formes de discrimination raciale.

122.Après la guerre, les courants politiques et l’existence de sociétés qui avaient été «ethniquement nettoyées» à l’intérieur des frontières de l’État de Bosnie‑Herzégovine en 1996 ont anéanti le respect des droits de l’homme individuels, c’est‑à‑dire des droits des membres d’autres groupes, en créant des différences, en pratiquant l’exclusion et en imposant des restrictions fondées sur des motifs nationaux et autres. La tendance à créer des «groupes» en soulignant les différences entre eux dans le but de mettre un individu dans une position supérieure ou inférieure est en contradiction totale avec le principe de non‑discrimination raciale et constitue une violation de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

123.Pour illustrer ce qui précède, on pourra citer l’oppression des personnes appartenant aux groupes minoritaires et la destruction de leurs biens (discrimination raciale pour des raisons tenant à l’origine nationale ou ethnique) pendant la guerre et l’après‑guerre, et autres traitements humiliants et le déni du droit de posséder un toit et d’en jouir paisiblement, du droit à la sécurité individuelle et à la protection contre la violence, ainsi que du droit d’accès à tous lieux et services destinés à l’usage du public dans le lieu de résidence.

124.L’Accord de Dayton, dans son annexe 7, garantit aux réfugiés et aux personnes déplacées le droit de retourner librement et sans condition dans leurs foyers. Cependant, la discrimination due à l’appartenance nationale s’exerce surtout lorsqu’il s’agit du rapatriement des réfugiés et des personnes déplacées. Cette période a été marquée par des déplacements de population et la tentative de créer des communautés d’une même nationalité, ainsi que par des agissements illégaux concernant les biens abandonnés et occupés illégalement qui étaient pillés avant d’être incendiés.

125.Il convient d’ajouter que la majorité des citoyens ont été expulsés de chez eux par la force en raison de leur appartenance ethnique. La protection de leurs intérêts dans le cadre des efforts déployés pour assurer leur rapatriement et les indemniser des dommages subis est rendue plus difficile par l’inefficacité des tribunaux, des procédures judiciaires bien trop longues et des jugements qui sont impossibles ou difficiles à exécuter.

126.Il incombe à l’État de garantir l’égalité de toutes les personnes devant la loi, c’est‑à‑dire le droit à un traitement égal devant les tribunaux, le droit à la sécurité de la personne et à la protection de l’État contre la violence, les droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels et le droit d’accès à tous lieux et services destinés à l’usage du public, tels qu’ils sont énoncés dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. L’État a l’obligation de garantir les droits susmentionnés à toutes les personnes soumises à sa juridiction.

127.Après 1996, les données sur les retours en Bosnie‑Herzégovine ont été ventilées en fonction des caractéristiques nationales des rapatriés, des Entités et des catégories concernées. On trouvera des informations à ce sujet ci‑après.

Données annuelles concernant les rapatriements depuis 1996

Ces données renseignent sur la normalisation et la stabilisation de la situation dans l’ensemble du territoire de la Bosnie‑Herzégovine.

128.Le titulaire d’un droit d’occupation ne savait pas ce que l’avenir lui réservait étant donné que ce droit pouvait être remis en cause. Certaines formes de discrimination s’exerçaient dans les procédures de restitution des logements, et il y a eu des cas où les services administratifs ont déclaré illégalement qu’un logement était abandonné remettant ainsi directement en cause et de manière discriminatoire les droits d’occupation du titulaire.

129.Dans son rapport, le Médiateur des droits de l’homme en Bosnie‑Herzégovine signale un certain nombre de plaintes qui lui ont été adressées et qui portaient en majorité sur le droit d’occuper son logement, confirmant ainsi ce qui a été dit plus haut.

130.Les institutions et les organisations internationales ont annoncé que leur mandat en Bosnie‑Herzégovine s’achèverait l’année prochaine, ainsi qu’une diminution de leur aide financière et autres formes d’assistance internationale et humanitaire en Bosnie‑Herzégovine. Le pays entre donc dans la phase finale du règlement de la question des réfugiés et des personnes déplacées, qui était un sujet brûlant récemment encore. Cette décision indique aussi que les institutions nationales ont la volonté de prendre le relais et de veiller à ce que chaque citoyen, sans distinction de race, de couleur de peau, d’origine nationale ou ethnique, puisse exercer son droit de jouir paisiblement de son foyer conformément aux lois nationales et internationales.

131.Dans l’Annexe 7 de l’Accord de paix de Dayton, c’est ‑à ‑dire l’Accord relatif aux réfugiés et aux personnes déplacées, la République de Bosnie ‑Herzégovine, la Fédération de Bosnie ‑Herzégovine et la Republika Srpska sont convenues de ce qui suit: Aux termes de l’article premier de l’Accord:

«1. Tous les réfugiés et personnes déplacées ont le droit de retourner librement dans leurs foyers d’origine. Ils ont le droit d’obtenir la restitution des biens dont ils ont été privés au cours des hostilités depuis 1991 et d’être indemnisés pour les biens qui ne peuvent pas leur être restitués. Le retour rapide des réfugiés et personnes déplacées dans leurs foyers est un objectif important du règlement du conflit en Bosnie ‑Herzégovine. Les Parties confirment qu’elles accepteront le retour des personnes qui ont quitté leur territoire, y compris celles auxquelles des pays tiers ont accordé une protection temporaire.

2. Les Parties veilleront à ce que les réfugiés et les personnes déplacées soient autorisés à retourner dans leurs foyers en toute sécurité, sans être exposés à des harcèlements, à des tentatives d’intimidation, à des persécutions ou à une discrimination du fait notamment de leur origine ethnique, de leurs convictions religieuses ou de leurs opinions politiques.

3. Les Parties prendront toutes les mesures nécessaires pour éviter que n’aient lieu sur leur territoire des activités de nature à empêcher les réfugiés et personnes déplacées de retourner volontairement dans leurs foyers en toute sécurité. Pour prouver leur volonté de faire pleinement respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales de toutes les personnes relevant de leur juridiction et de créer sans délai des conditions propices au retour des réfugiés et des personnes déplacées, les Parties prendront immédiatement les mesures suivantes de manière à créer un climat de confiance:

Révoquer la législation interne et les pratiques administratives qui ont un objectif ou un effet discriminatoire;

Prévenir ou réprimer sans délai toute incitation écrite ou verbale, par les médias ou de toute autre manière, à l’hostilité ou à la haine ethnique ou religieuse;

Mettre en garde, par la voie des médias, contre tous actes de vengeance de la part des forces militaires ou paramilitaires et des services de police ainsi que de la part d’autres membres des pouvoirs publics ou de personnes publiques ou de personnes privées, et réprimer ces actes lorsqu’ils se produisent;

Protéger les groupes ethniques ou minoritaires partout où il y en a et permettre aux organisations humanitaires internationales et aux observateurs d’avoir immédiatement accès à ces groupes;

Poursuivre, licencier ou muter, selon qu’il conviendra, les membres des forces militaires ou paramilitaires et des forces de police et autres agents de l’État responsables de violations graves des droits fondamentaux des personnes appartenant à des groupes ethniques ou minoritaires.

4. Chaque personne ou chaque famille pourra choisir son lieu de destination, et le principe de l’unité de la famille sera préservé. Les Parties ne feront pas obstacle au choix des rapatriés et ne les obligeront pas à rester ou à aller dans des lieux où ils sont exposés à un danger grave ou à des conditions d’insécurité ou dans des régions dépourvues des infrastructures de base nécessaires à la reprise d’une vie normale. Les Parties faciliteront les échanges d’informations nécessaires pour permettre aux réfugiés et aux personnes déplacées de se faire une idée exacte de la situation qu’ils trouveront à leur retour.

5. Les Parties invitent le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (“HCR”) à établir, en étroite consultation avec les pays d’asile et les Parties, un plan de rapatriement qui permettra aux réfugiés et aux personnes déplacées de rentrer rapidement dans leurs foyers de manière pacifique, ordonnée et échelonnée. Ce plan pourrait fixer des priorités pour certaines régions et pour certaines catégories de réfugiés. Les Parties sont convenues d’appliquer ce plan et de faire en sorte que leurs accords internationaux et leur législation interne y soient conformes. En conséquence, elles invitent les États qui ont accepté des réfugiés à encourager le rapatriement rapide de ces réfugiés conformément au droit international.».

132.En vertu du Code pénal de Bosnie ‑Herzégovine,le fait d’empêcher le retour des réfugiés et des personnes déplacées constitue une infraction pénale. L’article 146 de ce code se lit comme suit:

«Quiconque, par le recours à la force, aux menaces graves ou à tout autre moyen illégal, sur une grande échelle ou avec des résultats conséquents, empêche le retour des réfugiés et des personnes déplacées dans leurs foyers d’origine, ou l’utilisation par ceux‑ci des biens dont ils ont été privés au cours des hostilités depuis 1991 est passible d’une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut être inférieure à un an. Quiconque est membre d’un groupe qui commet une infraction pénale visée au paragraphe 1 du présent article est passible d’une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut être inférieure à trois ans. Quiconque organise ou dirige à quelque niveau que ce soit un groupe qui commet l’infraction pénale visée au paragraphe 1 du présent article est passible d’une peine d’emprisonnement dont la durée ne peut être inférieure à cinq ans.».

133.Le Code pénal de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine et le Code pénal de la Republika Srpska ont été harmonisés avec le Code susmentionné. Les législations des Entités font donc elles aussi une infraction pénale sanctionnée d’une amende tout acte visant à empêcher le retour des réfugiés et des personnes déplacées.

134.La loi sur les réfugiés et les personnes déplacées en Bosnie ‑Herzégovine contient des dispositions détaillées sur le retour des personnes déplacées et des réfugiés de Bosnie‑Herzégovine.

135.Dans le cadre de l’Accord de paix de Dayton, le Groupe international de police (GIP) a pour mandat de surveiller les activités des forces de police et de mettre en œuvre la procédure de radiation des policiers qui ont menacé les droits de l’homme de quelque manière que ce soit ou participé à la commission d’infractions pénales ou d’infractions sanctionnées par le droit national et le droit international, ou dont il est prouvé qu’il ne possède pas la formation professionnelle ou spécialisée requise pour mener à bien les tâches de la police. La mise en œuvre de cette procédure ne s’est pas faite sans difficulté, et les tribunaux de Bosnie‑Herzégovine sont encore saisis d’un certain nombre d’actions en justice introduites par des policiers concernés qui estiment que leurs droits de l’homme ont été violés.

136.La loi sur l’agence pour l’emploi et l’aide sociale aux chômeurs stipule que nul ne peut être mis en situation d’inégalité pour des raisons de race, de couleur de peau, de sexe, de langue, de naissance ou autre considération, d’appartenance ou de non‑appartenance à un parti politique ou à un syndicat, ou d’un handicap physique ou mental.

137.En outre, la loi énonce que tout employeur désirant embaucher et toute personne à la recherche d’un emploi peuvent recourir aux services pour l’emploi. Le chômeur fait valoir ses droits pendant toute la durée de son chômage auprès des services pour l’emploi de son lieu de résidence et, en cas de déménagement dû à la guerre, auprès des services pour l’emploi de son nouveau lieu de résidence.

138.Les caisses de retraite et d’assurance invalidité de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine auxquelles ont succédé principalement l’Institution fédérale de retraite et d’assurance invalidité et le Fonds public de retraite et d’assurance invalidité de la Republika Srpska ont conclu un Accord le 31 mars 2000. Cet Accord, relatif aux droits et aux devoirs mutuels au titre de la retraite et de l’assurance invalidité, est entré en vigueur le 18 mai 2000 après avoir été approuvé par les autorités des Entités. Il repose sur le paragraphe 4 de l’article 82 de la loi sur la retraite et l’assurance invalidité. En vertu dudit accord, les bénéficiaires d’une retraite ou d’une pension d’invalidité font valoir leurs droits auprès de la caisse qui versait la retraite au jour de l’entrée en vigueur de l’Accord. Les rapatriés/bénéficiaires d’une retraite ont ainsi pu se déplacer sans entraves et retourner là où ils résidaient avant la guerre sans craindre de perdre leur droit aux prestations de sécurité sociale. Le versement de ces prestations s’est toutefois heurté à des difficultés dues au fait que le calcul de base effectué par les caisses pour déterminer les pensions minimale et maximale n’était pas le même.

139.La loi sur l’emploi des étrangers définit les modalités et conditions d’emploi des citoyens étrangers et des apatrides, les responsabilités des agences pour l’emploi et des services publics chargés de l’emploi des étrangers aux niveaux des Entités et des cantons, et autres questions liées à l’emploi des étrangers. Un étranger peut bénéficier d’un contrat de travail, ou d’un contrat de travail temporaire ou périodique s’il possède un permis de travail et remplit les conditions requises par cette loi et par la loi générale sur les employeurs.

140.Un permis de travail est délivré à tout étranger autorisé à résider en Bosnie‑Herzégovine de manière permanente ou temporaire sous réserve qu’aucun chômeur inscrit auprès des services pour l’emploi ne remplisse les conditions requises par l’employeur. Le permis de travail est délivré pour une période déterminée, d’une durée maximale d’un an. À titre exceptionnel, un étranger bénéficiant d’une autorisation permanente de résidence en Bosnie‑Herzégovine peut obtenir un permis de travail de durée indéterminée. Au vu de ce qui précède, on peut conclure que la Bosnie‑Herzégovine n’est pas en mesure de garantir que les travailleurs originaires de l’UE résidant légalement en Bosnie‑Herzégovine ne font l’objet d’aucune discrimination par rapport à la population locale en ce qui concerne l’accès à tous les emplois dans les mêmes conditions.

141.La loi sur l’agence pour l’emploi et l’aide sociale aux chômeurs stipule que nul ne peut être mis en situation d’inégalité pour des raisons de race, de couleur de peau, de sexe, de langue, de naissance ou toute autre circonstance, de son appartenance ou de sa non‑appartenance à un parti politique ou à un syndicat, ou d’un handicap physique ou mental.

142.En vertu de la législation sur le travail et sur l’emploi, il n’est toléré aucune forme de discrimination, y compris sur le marché du travail, fondée sur l’origine ethnique, à savoir l’appartenance à une nationalité, quels que soient l’employeur, sa personnalité juridique et sa structure.

143.Tous les citoyens de Bosnie‑Herzégovine ont le droit de former un syndicat ou de s’affilier à un syndicat, et peuvent constituer toute association dont les buts sont autorisés pour défendre leurs intérêts professionnels, commerciaux ou autres.

Article 6

144.La Déclaration universelle des droits de l’homme rappelle les principes de l’égalité devant la loi, de la présomption d’innocence et du droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi. Ces droits sont aussi garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui énonce dans son article 6 que: «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi», et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l’article 14 dispose que: «Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi».

145.Ces dernières années ont été marquées par une réforme approfondie du système judiciaire de la Bosnie‑Herzégovine. À tous les niveaux, de la commune à l’État, des juges et des procureurs ont été nommés conformément aux nouvelles lois. Le contrôle des activités des juges et des procureurs est assuré de façon tout à fait différente et est exclusivement du ressort d’un nouvel organe, le Conseil supérieur indépendant de la magistrature et du parquet de Bosnie‑Herzégovine.

146.En outre, il existe maintenant des médiateurs dont la fonction est d’enquêter sur tous les cas de dysfonctionnement de l’administration et de la justice, de contrôler les procédures judiciaires et d’intervenir, selon les modalités fixées par la loi, lorsqu’ils le jugent nécessaire pour assurer une protection plus efficace contre la discrimination. Les médiateurs ne sont toutefois pas habilités à représenter les citoyens devant la justice, ni à statuer sur le fond.

147.La loi indique clairement que les médiateurs ont pour mandat de contrôler l’administration publique et le système judiciaire pour veiller à ce qu’ils respectent les droits de l’homme, en particulier ceux énoncés à l’article 6 de la Convention européenne.

148.Les résultats des enquêtes menées par les services des médiateurs confirment la légitimité des plaintes déposées par des citoyens pour non‑respect de la loi (en se fondant sur l’article 6 de la Convention européenne, laquelle doit être directement appliquée en vertu de la Constitution de Bosnie‑Herzégovine et l’emporte sur toute autre loi de Bosnie‑Herzégovine). Les procédures judiciaires durant des années et les audiences étant reportées sans raison valable, généralement de plusieurs mois, les juges perdent de vue les faits et les preuves présentées, et les débats qui étaient terminés doivent reprendre. Force est donc de constater que les comparutions et les débats ne sont pas bien préparés, ce qui est contraire aux principes de rationalité et d’efficacité de la procédure. Un autre sujet d’inquiétude tient au non‑respect des délais fixés par la loi. Les procédures sont longues même lorsqu’elles ont trait à des questions dont la loi indique expressément qu’elles doivent être réglées dans les plus brefs délais (détention provisoire, détention, conflits du travail, notamment). Il faut plusieurs mois pour obtenir une décision judiciaire sur un jugement écrit, laquelle ne fait pas mention de la procédure ou des textes qui la motivent, et encore moins des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui l’emporte pourtant sur toute autre loi nationale.

149.La communauté internationale a montré toute l’importance qu’elle accordait au châtiment des criminels de guerre de l’ex‑Yougoslavie en créant, en 1993, le Tribunal international de La Haye. Le nombre de crimes de guerre à juger étant élevé, la participation active des tribunaux de Bosnie‑Herzégovine est indispensable.

150.En vertu de l’Accord de Rome (Règles de conduite), les tribunaux de Bosnie‑Herzégovine sont tenus de faire parvenir aux services du Procureur du Tribunal de La Haye les documents relatifs aux crimes de guerre jugés aux fins d’examen par ces services et d’approbation de la procédure judiciaire lorsqu’il s’agit de personnes devant être jugées par les tribunaux nationaux. La procédure d’examen est une question délicate du fait, d’une part, des tensions qui perdurent et, d’autre part, de la forte médiatisation du sujet.

151.En vertu de la Constitution, les autorités à tous les niveaux sont tenues d’assurer à chaque citoyen l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantis par les instruments internationaux et de protéger ces droits et ces libertés.

152.Si la promotion des droits de l’homme fait partie du discours politique, ces droits n’en sont pas moins souvent menacés. Cette situation résulte parfois d’un manque d’expérience ou de volonté réelle, lorsque la mention des droits de l’homme est de pure forme et ne vise pas vraiment à prévenir une probable discrimination. Par ailleurs, les autorités ne connaissent pas toujours suffisamment les normes relatives aux droits de l’homme, ni les dispositifs visant à protéger ces droits, ce qui peut en entraîner la violation. La Bosnie‑Herzégovine étant maintenant membre du Conseil de l’Europe, ses citoyens ont la possibilité de faire respecter leurs droits devant la Cour européenne des droits de l’homme qui indemnise généralement plus généreusement les victimes d’atteintes aux droits de l’homme.

Article 7

Éducation

153.La réforme dans le domaine de l’éducation a commencé par la mise au point, l’adoption et l’application de nouvelles lois fondées sur les normes européennes et qui s’appuient sur les instruments internationaux ratifiés par la Bosnie‑Herzégovine. Les lois relatives à l’éducation donnent au système éducatif un nouveau cadre qui prévient la discrimination quel qu’en soit le motif, donnant ainsi à chacun la possibilité d’accéder à l’éducation. Le financement du système éducatif se fait différemment pour que les fonds actuellement alloués à l’éducation soient utilisés plus rationnellement, renforçant l’efficacité du système éducatif et améliorant l’éducation tout en en assurant la viabilité financière.

154.Qualité et modernisation sont les maîtres‑mots de cette réforme. L’idée directrice est de mettre en place tout d’abord une éducation de base de meilleure qualité et accessible à tous, avec un programme d’études moderne et un système actualisé et normalisé d’évaluation et d’attestation des résultas par des élèves et des enseignants.

155.L’élaboration du plan de réforme est à présent achevée et la phase de mise en œuvre est sur le point de débuter; les ministères de l’éducation joueront un rôle moteur en permettant aux citoyens de Bosnie‑Herzégovine d’acquérir l’éducation à laquelle ils ont droit et qui non seulement leur offrira de meilleures perspectives économiques mais favorisera aussi la compréhension mutuelle et la tolérance.

156.La loi sur l’enseignement primaire et secondaire en Bosnie ‑Herzégovine énonce les buts généraux de l’éducation qui découlent des valeurs communément admises et universelles d’une société démocratique et des valeurs propres au pays qui reposent sur les traditions nationales, historiques, culturelles et religieuses des peuples et des minorités nationales vivant en Bosnie‑Herzégovine. Ainsi, l’alinéa e de l’article 3 de la loi dispose que les buts généraux de l’éducation sont «d’offrir les mêmes chances en matière d’éducation et des possibilités de choix à tous les niveaux de l’enseignement, sans distinction fondée sur le sexe, la race, l’appartenance nationale, l’origine sociale ou culturelle, la situation familiale, les convictions religieuses, l’état psychologique ou physique ou autre situation».

157.La loi sur l’enseignement primaire et secondaire a été adoptée le 18 juin 2003 par la Chambre des peuples du Parlement de Bosnie‑Herzégovine, après avoir été adoptée par la Chambre des représentants. Le processus de mise en œuvre, qui a déjà commencé, contribue à améliorer le système éducatif, même si l’apprentissage et l’enseignement de matières «nationales», comme l’histoire, la langue maternelle ou la littérature, posent encore des problèmes.

158.La loi fixe les principes de l’éducation et protège les droits fondamentaux de tous les élèves sur l’ensemble du territoire de la Bosnie‑Herzégovine. Elle revêt une importance fondamentale en ouvrant la voie à la réforme et la modernisation de l’éducation.

159.La loi permet à tous les élèves du pays de changer plus facilement d’établissement scolaire et assure la reconnaissance des diplômes sur tout le territoire. Elle assure également plus d’autonomie aux établissements scolaires ainsi qu’une participation et une collaboration accrues des parents et des enseignants à leurs activités. En outre, elle arrête le tronc commun de matières défini comme prioritaire dans la stratégie de réforme de l’éducation en Bosnie‑Herzégovine adoptée par le Conseil de mise en œuvre de la paix en novembre 2002. L’application de cette partie de la stratégie permet à tous les élèves d’accéder gratuitement aux établissements scolaires sur tout le territoire de la Bosnie‑Herzégovine.

Informations générales sur le système éducatif

160.La situation actuelle de l’éducation en Bosnie‑Herzégovine constitue une grave menace pour la stabilité, la sécurité, la réconciliation, le renforcement des institutions, la réinstallation durable et le redressement économique. Au lieu d’être un moteur de croissance et de développement pour tous, elle sert souvent d’instrument idéologique pour susciter le cloisonnement ethnique, l’intolérance, la ségrégation et la discrimination. Dans de nombreuses régions, les enfants appartenant à différents peuples constitutifs fréquentent les mêmes écoles, mais dans des classes séparées. Les minorités, en particulier les enfants roms, et les enfants ayant des besoins spéciaux font face à la discrimination et n’ont bien souvent aucune possibilité d’accès à l’éducation.

161.L’ancien système éducatif reposait sur le système mis en place à l’époque de la République fédérative socialiste de Yougoslavie. Cela signifie donc que les programmes sont devenus obsolètes, tout comme les méthodes d’enseignement et l’éducation qui consistent davantage à transmettre une masse d’informations qu’à inciter à la recherche et à l’analyse et à préparer la jeunesse aux défis d’un monde en constante évolution.

162.Au cours des dernières années, un grand nombre d’organisations nationales et internationales, conjointement avec les autorités de Bosnie‑Herzégovine, se sont intéressées à la question de l’éducation sous divers angles. Elles ont mené à bien de nombreux programmes en coopération avec les ministères. Maintes initiatives visant à améliorer l’efficacité de l’enseignement ont vu le jour et quelques résultats ont été obtenus.

163.De nombreuses écoles s’emploient déjà à atteindre ces objectifs de leur propre initiative et avec l’aide d’organisations non gouvernementales nationales et internationales et des institutions éducatives nationales concernées. On a pris conscience qu’une bonne école et un bon système éducatif devaient être le fruit des efforts de tous. La réforme n’est pas un processus dans lequel les décisions ne sont prises qu’en haut lieu. Les innovations introduites dans le système éducatif ces dernières années montrent bien, et beaucoup ne parviennent pas à le comprendre, que c’est de la participation et de la coopération à tous les niveaux que dépend le succès. Leurs résultats sont la preuve qu’on arrive à quelque‑chose lorsque tous, enseignants, parents, élèves, collectivités et même concepteurs de la politique de l’éducation, unissent leurs efforts.

164.Pour illustrer ce qui précède, prenons l’exemple ci‑après d’une relation de partenariat: création d’un environnement actif et participatif propice à l’apprentissage et centré sur les élèves. Les écoles adoptent de nouvelles méthodes d’enseignement axées sur les besoins et les capacités des élèves qui incitent à l’interaction entre les enseignants et les élèves ainsi qu’entre les élèves eux‑mêmes. Autrement dit, dans le but de rendre l’apprentissage plus efficace, enseignants et élèves s’efforcent en partenariat de faire travailler les élèves ensemble (en petits groupes de deux ou trois) à une tâche particulière pour qu’ils puissent s’entraider. Le cas échéant, les parents peuvent être associés à cette initiative. L’UNICEF, l’UNESCO et l’organisation non gouvernementale «Step by Step» ont joué un rôle fondamental dans l’élaboration de méthodes d’enseignement centrées sur les élèves ainsi que de méthodologies «actives» et «interactives» d’enseignement et de formation des enseignants dans de nombreuses écoles de toute la Bosnie‑Herzégovine. Des projets pilotes sont en cours d’exécution dans six écoles de la Republika Srpska, sous les auspices du Ministère de l’éducation de l’Entité.

165.Gestion des écoles: Les directeurs, les conseillers pédagogiques, les enseignants, les élèves et les parents travaillent ensemble à favoriser les études, à mobiliser des ressources pourtant limitées, à élaborer des plans stratégiques et à instaurer un climat positif et actif à l’école.

166.Relations de partenariat entre parents, enseignants et établissement scolaire: De nombreuses écoles trouvent le moyen d’associer davantage les parents à leur action, par exemple grâce à des conseils d’établissement, ou en les incitant à participer plus activement aux côtés des enseignants et des élèves, à aider leurs enfants dans leur apprentissage et éventuellement à prêter leur concours en classe.

167.Partenariat entre l’école et la collectivité: De nombreux établissements scolaires, en particulier ceux dont les ressources sont limitées, travaillent en étroite collaboration avec la collectivité pour essayer de se doter des installations et des ressources nécessaires à leur développement.

168.Établissements scolaires et institutions pédagogiques: Les inspecteurs de l’éducation, les conseillers des enseignants et le Ministère travaillent avec les écoles pour en renforcer l’efficacité et en intégrer l’expérience dans le processus d’élaboration des politiques et des réformes de l’éducation. Enfin, l’expérience et les idées de l’école peuvent et doivent guider et favoriser un processus de réforme plus vaste. C’est la forme la plus achevée de partenariat et elle associe les spécialistes de l’éducation et les concepteurs des politiques de l’éducation.

169.Le groupe chargé de la coordination dans le domaine de l’éducation (EISSG) a été créé au début de l’année 2002 pour faire avancer le processus de réforme. Il est composé de responsables d’organisations internationales actives dans le domaine de l’éducation telles que l’UNICEF, l’UNESCO, le HCR, le Conseil de l’Europe, la Commission européenne, la Banque mondiale, l’OSCE et le Bureau du Haut Représentant, qui coopèrent avec les ministères de l’éducation. La Bosnie‑Herzégovine n’entend pas réorganiser son système éducatif, mais le réformer. La structure des organes compétents en matière d’éducation (ministères des Entités et des 10 cantons de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine) demeure la même. La réforme porte sur les domaines ci‑après:

Législation;

Financement et administration des établissements scolaires;

Programmes d’études et méthodes d’enseignement.

La réforme touche tous les niveaux de l’éducation, du préscolaire au supérieur, en passant par le primaire, le secondaire et l’enseignement professionnel.

Culture

170.Conformément à l’Accord de paix de Dayton, la politique culturelle en Bosnie‑Herzégovine est du ressort des Entités. Avant l’adoption de la nouvelles législation, les lois appliquées étaient celles de la République fédérative socialiste de Yougoslavie et de la République socialiste de Bosnie‑Herzégovine. En vertu de la Constitution de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine, la responsabilité de la politique culturelle peut être transférée aux municipalités. Un canton peut transférer certaines de ses responsabilités à la Fédération pour faciliter l’exercice du droit de prendre part aux activités culturelles. Quelques lois relatives à la culture ont été adoptées au cours des 10 dernières années en Republika Srpska, dont certaines (portant sur les bibliothèques et l’édition) ont été modifiées et amendées à diverses reprises par l’adoption de nouvelles lois et de règlements.

171.Cette situation fait que les lois sur la culture ne sont pas harmonisées en Bosnie‑Herzégovine et que les droits des travailleurs culturels ne sont pas respectés partout de la même façon.

172.Prenons l’exemple d’artistes indépendants qui ont décidé de vivre de leurs créations artistiques et qui n’ont aucun emploi stable et donc aucun des droits et des devoirs établis par la loi sur les relations de travail. Dans certains cantons, ces artistes ne bénéficient d’aucune protection sociale ou médicale, alors que dans le canton de Sarajevo le problème est résolu depuis janvier 2002 grâce à la loi sur les artistes indépendants.

173.Afin de permettre l’exercice, par toute personne vivant en Bosnie‑Herzégovine, de son droit de participer à la vie culturelle et d’exprimer sa propre culture, la Bosnie‑Herzégovine a adhéré à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Les gouvernements des Entités budgétisent chaque année des crédits qui sont alloués aux institutions et aux projets culturels en fonction de critères convenus.

Organisation de l’activité culturelle

174.Le Gouvernement du district de Brčko a pris les mesures concrètes ci‑après pour préserver et développer la culture: il a soumis à l’Assemblée qui l’a adoptée la loi sur les associations et les fondations (2002), qui porte notamment sur les associations culturelles; le Gouvernement a financé la réhabilitation de maisons de la culture dans les villages dévastés ou leur construction (par exemple pour les Roms) et il a participé à l’organisation et au financement de grands projets culturels comme le mouvement d’art international Sava, les rencontres théâtrales de Bosnie‑Herzégovine, les journées de la musique sacrée ou des expositions d’art créatif amateur dans les villes et les villages.

175.Les activités culturelles de la Bosnie‑Herzégovine visant à favoriser l’épanouissement d’une société démocratique, en instaurant les valeurs de la société civile et de ses institutions, et en donnant au public le goût des activités culturelles, dans le but de réaffirmer les vraies valeurs de la culture, des arts et des créateurs. L’interaction entre les différentes institutions culturelles, éducatives et médiatiques crée les conditions nécessaires au renforcement d’une société démocratique ouverte, caractérisée par un échange interculturel qui respecte les différences, par de nouveaux critères de valeur et une nouvelle approche des événements culturels à caractère international.

176.Quelques festivals organisés en Bosnie‑Herzégovine sont des événements d’importance internationale salués par les participants, les artistes et le public.

177.Le festival de théâtre international MESS existe depuis 43 ans. Ses programmes tiennent compte de la diversité des dernières tendances et développent l’art théâtral dans la production mondiale et nationale. En plus des représentations théâtrales, le festival organise des manifestations parallèles comme des expositions, des concerts ou des tables rondes. En 2004, 14 pièces de 12 pays ont été jouées, dont 200 journalistes nationaux et étrangers ont rendu compte.

178.Le festival international de Sarajevo «L’hiver de Sarajevo» est un point de rencontre traditionnel d’artistes nationaux et internationaux. En 20 ans d’existence, il a accueilli des artistes et des spectateurs du monde entier. Des activités sont organisées dans toutes les grandes villes de Bosnie‑Herzégovine. En 45 jours, le festival présente environ 90 manifestations, réunissant plus de 1 400 participants de 30 pays différents. Chaque année, quelque 35 400 spectateurs et invités et plus de 120 journalistes accrédités d’une soixantaine d’organes de presse y assistent. Le festival propose des programmes visuels, scéniques, musicaux et littéraires, des films, des vidéos, des programmes de télévision ainsi que des conférences sur différents thèmes comme «Le mythe en Europe», «L’espace, infrastructure de demain», etc. Certains programmes sont destinés aux jeunes et invitent les élèves et les étudiants à s’adonner à des activités créatives, par exemple. Les programmes pour les jeunes sont sélectionnés par l’Association internationale pour la biennale des jeunes créateurs d’Europe et de la Méditerranée.

179.Le festival du film de Sarajevo est le plus prestigieux de Bosnie‑Herzégovine; il présente des films commerciaux, les meilleurs films et documentaires des festivals internationaux, des programmes régionaux produits localement, des projets vidéo et des programmes pour enfants avec les derniers films à succès. En marge du festival, on organise des séminaires pour les critiques de films, ou des ateliers sur les technologies numériques et les films documentaires. Le festival existe depuis neuf ans et réunit chaque année plus de 7 500 spectateurs auxquels il présente environ 130 films et vidéos de Bosnie‑Herzégovine et 36 films étrangers. En outre, il accueille environ 230 invités et 200 représentants des médias.

180.«Ars Aevi» est le projet d’art moderne le plus pertinent d’Europe et du monde. Il existe depuis 10 ans à Sarajevo et est devenu un espace unique de coopération internationale entre institutions artistiques et culturelles, administrations des villes et des régions, artistes et intellectuels d’Europe et du monde entier.

181.L’objectif de ce projet est de créer un ensemble architectonique urbain à Sarajevo qui serait conçu par les plus grands architectes actuels et où les artistes vivants les plus connus créeraient une collection d’œuvres destinée au musée d’art moderne Ars Aevi de Sarajevo.

182.La collection du musée comprend aujourd’hui plus de 100 œuvres d’art et est en passe de devenir une initiative unique qui suscite l’enthousiasme des artistes, des directeurs d’importants musées européens, de maires et d’un large cercle d’intellectuels qui contribuent à soutenir l’idée et la concrétiser. Une partie des activités du projet consiste en conférences multiculturelles, cours dans les musées, expositions et présentations de projets d’architectes, programmes éducatifs ou ateliers.

1. Médias

183.Dans le cadre des mesures prises pour suivre et analyser tous les événements et les faits illustrant la situation des médias en Bosnie‑Herzégovine sous l’angle des droits de l’homme, l’élaboration d’une législation sur les médias retient particulièrement l’attention.

184.Ce domaine est réglementé par les lois et actes juridiques ci‑après:

La Constitution de Bosnie ‑Herzégovine dans laquelle la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a été directement incorporée, et qui fait de la liberté d’expression un des droits de l’homme fondamentaux dans une société démocratique, permettant à celle‑ci de se développer et de fonctionner dans le respect des droits de l’homme et de l’état de droit.

185.L’article 25 de la Constitution de la Republika Srpska affirme le droit à la liberté de pensée, d’opinion et d’expression, et l’article 26 garantit la liberté de la presse et des autres médias, la liberté de fonder un journal et une maison d’édition de journaux et de diffuser des informations au public par d’autres moyens conformes à la loi; il interdit la censure et garantit le droit de rectifier de fausses informations qui portent atteinte à un droit individuel ou à des intérêts légitimes, de même que le droit d’être indemnisé pour les dommages ainsi subis.

186.On retrouve des dispositions analogues dans la Constitution de la Fédération de Bosnie ‑Herzégovine. Il est important de dire que la liberté d’expression peut toutefois être soumise à des restrictions fixées par la loi, qui sont indispensables dans une société démocratique pour protéger la réputation d’autrui, conformément aux dispositions du paragraphe 3 de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et du paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention européenne, pour prévenir les émeutes ou les crimes, ou pour protéger la santé, la moralité ou la réputation d’autrui (par. 2 de l’article 10 de la Convention européenne).

La loi sur le libre accès à l’information (en Bosnie ‑Herzégovine et dans les deux Entités)

Grâce en premier lieu aux institutions internationales, et après l’adoption de la loi sur le libre accès à l’information à l’échelle de l’État (juin 2000), les mêmes lois ont été adoptées en 2001 dans les deux Entités (Republika Srpska et Fédération de Bosnie‑Herzégovine). Compte tenu de la préparation nécessaire, l’application de cette loi dans la Fédération a été reportée à février 2002.

Ces textes sont fondamentaux pour la démocratisation de la Bosnie‑Herzégovine, en particulier pour renforcer la liberté d’expression.

187.L’adoption de ces lois a accru la transparence des activités des autorités et de tous les organismes publics à tous les niveaux, qui sont plus responsables envers les électeurs et tous les citoyens, et elle permet l’exercice de l’un des droits de l’homme fondamentaux: le droit à l’information.

188.La loi sur la diffamation et l’atteinte à l’honneur, à l’échelle de la Bosnie‑Herzégovine et à celle des Entités, décriminalise l’atteinte à l’honneur dans le cas des journalistes et des éditeurs et joue le rôle de lex specialis de droit civil, dans le sens où elle réglemente uniquement le point de droit de l’atteinte à l’honneur, et que tout ce qui n’est pas régi par cette loi (procédure, recours, etc.) relève du droit civil en vigueur.

La loi sur la création du système de radio et de télévision et la loi sur le service public de radio et de télévision en Bosnie ‑Herzégovine;

La loi sur la radio et la télévision de la Fédération de Bosnie ‑Herzégovine;

La loi sur la radio et la télévision de la Republika Srpska; la deuxième Décision du Haut Représentant sur la reconstruction du service public de radio et de télévision de Bosnie ‑Herzégovine;

La Décision relative à la liquidation de la société publique de radiotélévision de Bosnie ‑Herzégovine et à la répartition de ses biens.

189.Conformément à la décision prise par le Haut Représentant en mai 2002, le responsable chargé du système de radio et de télévision, John Shearer, a décidé, le 10 juin 2003, la liquidation de la société publique de radio et de télévision de Bosnie‑Herzégovine. Pour assurer la création d’entreprises de radio et de télévision économiquement et techniquement viables, John Shearer a transféré l’ensemble des actifs et du passif de la Radiotélévision de Bosnie‑Herzégovine et une grande partie de ses ressources techniques au service public de radio et de télévision de Bosnie‑Herzégovine. Sur le volume total des biens liquidés évalués au 31 décembre 2001 à 44 901 971 marks convertibles (KM), 43 970 676 ont été alloués au service public (PBS) et 911 295 à la Radiotélévision de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine. Conformément à la deuxième Décision du Haut Représentant, le troisième organisme émetteur du service public, la Radiotélévision de la Republika Srpska (CRTRS), n’a pas fait partie de ce processus.

190.Toutes les lois précitées constituent un outil potentiellement puissant pour ce que l’on appelle les médias libres; elles créent les conditions préalables indispensables au libre travail des médias dans le respect de la loi et elles permettent à la presse de mieux rendre compte de l’action des autorités qui se sentent donc plus responsables, tout en obligeant les journalistes à satisfaire aux normes les plus élevées de la profession

191.L’adoption de la loi sur les organismes publics de radio et de télévision a suivi celle de la deuxième Décision du Haut Représentant sur la reconstruction du service public de radio et de télévision en Bosnie‑Herzégovine (2000), qui a ouvert la voie à la création d’un service public comprenant trois organismes de radio et de télévision en une seule société à l’échelle de l’État. La mise en œuvre de ce nouveau cadre juridique est en cours. Le responsable mandaté par le Haut Représentant a décidé de liquider l’ancienne société de radiotélévision de Bosnie‑Herzégovine et d’en répartir les biens en en transférant l’essentiel des actifs au nouveau service public de Bosnie‑Herzégovine.

192.La mise en place du nouveau système en est à sa phase finale. Conformément à la loi, trois organismes publics fonctionneront au sein d’un cadre stratégique unique. La création des stations de radio et de télévision des Entités a été suivie par celle du service public à l’échelle de l’État. La Radiotélévision de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine et la Radiotélévision de la Republika Srpska ont commencé à émettre quotidiennement sur le territoire de l’Entité correspondante.

193.La deuxième Décision et la loi font du service public de Bosnie‑Herzégovine une personne morale distincte. Bien qu’il ne soit pas pleinement opérationnel, il a été accepté en tant que membre à part entière de l’Union européenne de radiotélévision (UER). Le 7 mai 2002, Radio 1 a vu le jour et cette radio de service public est devenue en peu de temps la radio de référence dans le pays. En revanche, la mise en place du système de télévision a été ralentie par certaines contraintes techniques et financières. Au début, le service public de télévision de la Bosnie‑Herzégovine a diffusé des programmes limités (informations et manifestations sportives internationales) en utilisant les canaux des stations de télévision des Entités. Les activités visant à mettre en place une station de télévision de service public ayant une grille complète de programmes ont pris fin. Le problème de l’acheminement du signal de télévision sur tout le territoire de la Bosnie‑Herzégovine a été réglé en utilisant un des deux canaux de la télévision fédérale. On a également utilisé du matériel de télévision terrestre, y compris la liaison par satellite, financé par la Commission européenne. L’élaboration du futur service public de télévision et la définition de son programme conformément aux normes internationales se poursuivent en même temps que les préparatifs d’achat et d’installation du matériel de transmission nécessaire. Des spécialistes des médias des trois organismes de radio et de télévision sont associés à ce travail, auquel coopèrent des consultants de la BBC de Londres. Conformément à ce qui était prévu, le service public de télévision de la Bosnie‑Herzégovine a commencé à diffuser dans tout le pays sur son propre canal en septembre 2003.

2. Agence de régulation des télécommunications

194.L’Agence de régulation des télécommunications (CRA) est un organisme d’État indépendant chargé de réglementer les télécommunications et les médias électroniques sur tout le territoire de la Bosnie‑Herzégovine.

195.L’Agence a été créée par la Décision du Haut Représentant pour la Bosnie ‑Herzégovine du 2 mars 2001, alors que les compétences de la Commission indépendante des médias (IMC) et de l’Agence de réglementation des télécommunications (TRA) étaient réglementées séparément. Les devoirs et les responsabilités de la CRA sont clairement énoncés dans la loi sur les télécommunications en Bosnie‑Herzégovine.

196.La CRA est chargée de trois grands secteurs: les télécommunications, la diffusion et l’attribution des fréquences.

197.Il convient de dire que la plupart des progrès concernent la transformation de l’Agence en une institution totalement locale avec l’élection, le 24 octobre 2003, du Conseil de l’Agence, premier organisme de direction à l’échelle nationale, confirmée ultérieurement par le Conseil des ministres. La CRA offre un exemple unique d’attribution d’autorisations d’émettre à long terme soumise aux règles de la concurrence. Sur les 298 stations qui avaient déjà des autorisations provisoires, 75 (29 %) ne répondaient pas aux conditions requises pour obtenir une autorisation à long terme. Il y a 183 stations autorisées à émettre en Bosnie‑Herzégovine, sans compter les stations de service public: PBS, RTV F/BIH et RTSR.

198.Selon les chiffres actuels, il y a aujourd’hui en Bosnie‑Herzégovine:

42 stations de télévision: 16 publiques et 26 privées;

141 stations de radio: 62 publiques et 79 privées.

199.Il convient également de noter que le professionnalisme des stations de radio et de télévision de Bosnie‑Herzégovine a beaucoup augmenté. Avant la création de l’IMC, et pendant ses cinq premières années d’existence, un langage incitant à la haine, aux émeutes et à l’intolérance ethnique était chose courante. Toutefois, les statistiques montrent que les violations de ce type ont été de moins en moins nombreuses par la suite. Il arrive encore que les journalistes s’en tiennent à une seule version des faits, s’alignant ainsi sur tel ou tel courant politique. Mais la majorité des rédactions et des journalistes fait de gros efforts pour informer le public de manière professionnelle, objective et pluraliste.

3. Association de journalistes, Code des journalistes et Conseil de la presse

200.La Bosnie‑Herzégovine comptait six associations de journalistes, dont les activités n’étaient pas conformes aux intérêts des médias. Le meilleur exemple de comportement inadmissible à l’égard de leurs membres, et de comportement inadmissible de leurs membres à l’égard de leur propre profession, a été l’initiative prise en décembre par l’Association des journalistes de Bosnie‑Herzégovine de tenir son assemblée annuelle ordinaire à Sarajevo. Le quorum n’ayant pas été atteint, la réunion a été reportée au mois suivant.

201.L’association de journalistes APEL a été créée à Mostar et regroupe environ 40 journalistes de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine.

202.La création et l’entrée en fonction du Conseil de la presse de Bosnie‑Herzégovine ont constitué un grand progrès vers l’autorégulation des médias. Le Conseil est né de la nécessité de contrôler le respect du Code de la presse signé en 1999 après deux ans de négociations entre l’Union indépendante des journalistes professionnels de Bosnie‑Herzégovine, l’Association des journalistes de la Republika Srpska, l’Union des journalistes de Bosnie‑Herzégovine, le Syndicat des journalistes professionnels de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine, l’Association indépendante des journalistes de la Republika Srpska et l’Association des journalistes croates de Bosnie‑Herzégovine.

203.Le Conseil est composé de 13 membres et est présidé par Lord John Vicam dont le mandat est de deux ans; il siège à Sarajevo. Son rôle est de traiter les plaintes écrites lorsqu’il y a eu démenti ou autre forme de protestation et que les médias visés n’en ont pas tenu compte.

4. Société civile

Organisations internationales

Secteur des ONG

204.La délivrance d’autorisations à long terme aux médias électroniques s’est poursuivie en Bosnie‑Herzégovine pendant l’année 2001. Jusqu’à la fin de l’année, l’Agence de régulation des télécommunications (CRA) a délivré plus de 150 autorisations d’émettre à des stations de radio et 50 autres à des stations de télévision. Ces mesures ont d’abord provoqué des protestations, justifiées par le comportement de l’administration et une application incohérente des critères convenus. Le refus de la CRA d’autoriser un grand nombre de stations de radio et de télévision à émettre a déchaîné une tempête dans les médias et chez les journalistes, mais il a aussi ouvert le débat sur le respect de la liberté d’expression et le droit au travail en tant que droits de l’homme fondamentaux.

205.La manière dont les premières autorisations permanentes ont été délivrées à Tuzla, ayant suscité bien du mécontentement, on a pris conscience que le processus manquait de transparence et de cohérence et obéissait à une logique juridique et bureaucratique rigide et que la trop grande influence qu’il exerçait sur les conseils de la CRA lorsqu’ils examinaient les plaintes des médias débouchait sur un refus d’autorisation permanente.

206.La première étape de la réforme des médias en Bosnie‑Herzégovine ne s’est pas bien déroulée, notamment pour ce qui concernait la transformation de la radio et de la télévision. La nature complexe de la question exigeait une approche professionnelle et planifiée dans le détail.

207.Le Bureau du Haut Représentant a joué un rôle actif dans ce domaine. Comme il l’a fait observer, le processus de reconstruction consistait à faire en sorte que les médias électroniques soient au service des citoyens de la Bosnie‑Herzégovine et non à celui d’intérêts individuels comme certains le souhaitaient. radio BIH a commencé à émettre avec un grand retard. Elle est devenue une radio de service public pour le pays tout entier en mettant ses ressources techniques et humaines en commun avec celles de l’ancienne radio BIH et de radio FERN. La Fédération de Bosnie‑Herzégovine s’est aussi dotée d’un programme de cet ordre.

208.Pendant le troisième trimestre de 2001, la télévision fédérale a commencé à opérer sur deux canaux à l’aide des ressources techniques et en personnel de TV BIH. La notion de service public de radio et de télévision (PBS) évoluait si rapidement qu’on comptait diffuser, dès le printemps de la même année, un programme d’information d’une heure sur tout le territoire de la Bosnie‑Herzégovine via PBS. PBS devait commencer à émettre en mars 2002.

209.Les cas d’utilisation d’un langage de haine qui stigmatise tel ou tel groupe (d’origine ethnique différente) ou le désigne comme supérieur n’ont pas été fréquents l’année passée dans les médias électroniques. Il est possible que la réglementation de la CRA y soit pour quelque chose étant donné que l’Agence a puni l’utilisation de ce langage ou «menacé» de le sanctionner en refusant des autorisations permanentes. La presse écrite, ou du moins une partie, n’y a pas renoncé.

210.Quelques articles injurieux à l’égard de certains groupes ont été publiés dans la presse écrite sous la signature de journalistes connus d’autres médias à leur insu pour leur nuire.

211.D’autres cas de non‑professionnalisme ont été signalés, par exemple des journalistes qui donnaient des informations non confirmées sur un meurtre ou préjugeaient de l’issue d’une procédure judiciaire avant même que l’enquête de police ne soit achevée, désignant le plus souvent comme responsable une personne d’une nationalité différente de celle de la victime et utilisant un langage de haine qui créait des tensions et un sentiment d’insécurité parmi les citoyens de Bosnie‑Herzégovine.

212.En 2001, les autorités et les partis politiques se sont efforcés d’exercer un contrôle sur les journalistes et les médias dans toute la Bosnie‑Herzégovine, en particulier ceux qui favorisaient un journalisme libre, d’analyse et d’investigation, les empêchant de diverses manières d’obtenir rapidement des informations exactes.

213.La même année, le Centre régional de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a procédé à une évaluation qui montrait que les autorités gouvernementales et les partis politiques avaient tendance à moins s’ingérer dans le travail des médias en Bosnie‑Herzégovine, mais que ceux‑ci faisaient encore l’objet de pressions politiques intolérables.

214.La porte‑parole du Bureau du Haut Représentant de la communauté internationale en Bosnie‑Herzégovine, Alexandra Stiglmajer, a déclaré que l’indépendance et la qualité des médias dans le pays s’étaient améliorées au cours des dernières années tout en dénonçant les pressions dont les médias et les journalistes continuaient de faire l’objet et qui allaient parfois jusqu’à la violence physique.

215.La constitution de conseils d’administration par les partis est une forme de pression contrôlée sur les médias. La ligne d’assistance téléphonique pour les journalistes (FREE MEDIA) témoigne de cas où des rédactions et des journalistes ont été constamment soumis à des pressions, des menaces et des violences physiques. Selon l’OSCE, les stations concernées ont signalé à l’aide de cette ligne que leurs journalistes étaient menacés de licenciement ou de remplacement s’ils n’obtempéraient pas. Chacune a donc demandé que ces plaintes demeurent confidentielles pour que leur personnel ne soit ni menacé ni attaqué.

216.À Travnik, le Département de la défense a informé par écrit radio TNT qu’en mars 2001 «il se rendrait dans ses locaux pour évaluer ses préparatifs en matière de défense (plan actualisé d’organisation et d’action pendant l’état de guerre)», bien que la loi sur la défense interdise cette pratique. Les médiateurs, intervenant au nom de la radio concernée, ont précisé que rien ne justifiait l’imposition aux médias des obligations «d’organisation et de préparation de la défense», qui contrevenaient directement à la liberté de la presse garantie par la Constitution et au droit à la liberté d’expression énoncé dans l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ils ont constaté que des obligations identiques étaient imposées à d’autres médias dans la quasi‑totalité des cantons de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine et ont donc recommandé au Parlement et au Gouvernement de la Fédération, ainsi qu’aux parlements et gouvernements des cantons, de réexaminer la mise en œuvre de la loi sur la défense et d’annuler les décisions déjà prises concernant la réglementation des journaux et des stations commerciales de radio et de télévision en tant «qu’entités revêtant une importance spéciale pour la défense». Le gouvernement du canton de Bosnie centrale a accepté la recommandation des médiateurs fédéraux et annulé ces obligations pour la radio indépendante TNT de Travnik.

217.Il convient aussi de noter la réaction du Bureau du Haut Représentant de la communauté internationale et de la Mission de l’OSCE en Bosnie‑Herzégovine. Tous deux se sont déclarés préoccupés par le nombre croissant de plaintes émanant de journalistes qui dénonçaient les pressions dont ils faisaient l’objet dans leur travail.

218.L’année 2002 a été déterminante pour les médias en Bosnie‑Herzégovine étant donné qu’elle a été marquée par l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur le libre accès à l’information, et par l’imposition par le Haut Représentant de la loi sur la diffamation et l’atteinte à l’honneur, ainsi que par des tensions politiques beaucoup plus vives − en raison des élections tenues en octobre − qui, naturellement, ont eu des répercussions politiques et sur les médias. Le Parlement de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine n’est pas parvenu à adopter le projet de loi sur la diffamation et l’atteinte à l’honneur, qui lui a été présenté à deux reprises.

219.En novembre 2002, le Bureau du Haut Représentant pour la Bosnie‑Herzégovine a imposé cette loi pour équilibrer le statut juridique des citoyens des deux Entités, étant donné qu’une loi identique était en vigueur en Republika Srpska depuis l’été 2001. Dans son rapport pour l’année 2002, la Commission de la culture, de la science et de l’éducation du Conseil de l’Europe cite comme caractéristique principale de l’état de la liberté de la presse en Bosnie‑Herzégovine le fait que le Parlement de la Fédération n’est pas parvenu à adopter la loi sur la diffamation et l’atteinte à l’honneur. La loi de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine sur le libre accès à l’information (Journal officiel de la Fédération no 32 du 24 juillet 2001, entrée en vigueur le 1er février 2002) est considérée à juste titre comme le principal moyen de construire une société démocratique dans laquelle l’action des autorités, à tous les niveaux, s’exerce d’abord dans le strict respect des droits des citoyens.

220.En disposant que la publication de l’information détenue par l’autorité publique est une règle − et sa non‑publication une exception, prescrite exclusivement par la loi (sur le libre accès à l’information) −, ladite loi établit des critères élevés de responsabilité et de transparence, plaçant ainsi la Bosnie‑Herzégovine au nombre des pays les plus modernes d’Europe.

221.Cette loi aide aussi à exposer et prévenir la corruption dans les organismes publics, elle contribue à l’efficacité des procédures et à une utilisation judicieuse des fonds publics et, enfin, comme l’indique l’expérience de pays plus développés, elle favorise la participation du public au processus décisionnel au sein des organismes publics.

222.Onze mois après l’entrée en vigueur de la loi, seuls quelques organismes publics s’étaient conformés à la loi et avaient achevé à temps les préparatifs nécessaires et adopté les règlements prévus (guide de l’application de la loi, index de l’information, nom du responsable de l’information).

223.Étant donné que cette obligation juridique concerne tous les organismes publics (relevant des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire), toute l’administration, les personnes morales relevant des autorités publiques et les personnes morales appartenant à la Fédération, aux cantons, aux villes et aux communes, ou contrôlées par eux − ce qui au total représente au moins plusieurs centaines et probablement plusieurs milliers d’organismes (établissements scolaires, facultés, institutions publiques, entreprises publiques, etc.) −, le nombre de ceux, à savoir 126, qui se sont conformés à la loi et ont adopté des règlements pour y donner effet est loin d’être satisfaisant.

224.La plupart des organismes publics ne sont donc pas prêts et, à notre connaissance, ignorent tout de cette obligation juridique, comme de l’existence de la loi qui l’impose.

225.Étant donné que cette loi définit très précisément les rôles et pouvoirs spécifiques des médiateurs en matière d’information (art. 20, 21 et 22 de la loi), les médiateurs de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine ont participé directement et indirectement à l’organisation des séminaires et ateliers organisés à l’intention des représentants des organismes publics, recommandant des directives pour l’application de la loi au sein de tous les organismes compétents de la Fédération et donnant suite aux plaintes des citoyens mécontents du comportement des autorités.

226.Les organismes publics sont tenus de présenter tous les trois mois un rapport aux médiateurs sur le nombre de demandes d’accès à l’information qu’ils ont reçues et sur le nombre de celles qu’ils ont satisfaites. Sur la base de ces chiffres et compte tenu du nombre relativement faible de plaintes (une trentaine) adressées aux médiateurs, il serait possible de conclure que les organismes publics respectent la loi et donnent accès à l’information demandée. Mais cette conclusion ne serait valide que si les organismes ont achevé les préparatifs nécessaires (on a déjà dit qu’ils étaient peu nombreux dans ce cas) et appliqué la loi, ce qui suppose que les plaignants fassent preuve d’obstination. L’expérience montre en effet que la majorité des citoyens abandonnent à ce stade, autrement dit qu’ils ne portent pas plainte en appel pour dénoncer le comportement des autorités et qu’ils ne s’adressent pas non plus aux médiateurs pour faire valoir leurs droits.

227.Bien qu’un grand nombre d’organisations, essentiellement internationales, et parfois nationales, aient fait campagne pour sensibiliser les autorités et l’opinion publique à l’importance de la loi, cette action semble insuffisante étant donné que la majorité des citoyens n’ont pas connaissance des possibilités que cette loi leur offre. En outre, il est manifeste que la plupart des organismes publics ne l’ont pas prise au sérieux et ne se sentent donc pas tenus de la respecter. Le public s’est particulièrement intéressé à l’affaire des rapports spéciaux sur les dossiers secrets, étant donné que les manipulations à ce sujet avaient déjà commencé pendant la campagne électorale, et que l’opinion publique avait même exigé «la publication dans les journaux des dossiers secrets sur tous les candidats», pour disposer «de toute l’information nécessaire».

228.Étant donné que pareilles propositions et demandes ne sont pas conformes à la loi de la Fédération sur le libre accès à l’information, non plus qu’à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et aux avis de la Cour européenne des droits de l’homme, un rapport spécial a été publié indiquant que les dossiers secrets étaient des documents personnels réglementés par la loi, autrement dit qu’ils ne devaient être accessibles qu’aux personnes concernées, et bien entendu selon les modalités prévues par la loi. Des tiers ne pouvaient y avoir accès que dans des cas exceptionnels (lorsque l’intérêt public le justifiait) et éventuellement à des fins scientifiques et d’investigation, dans des conditions très précises.

229.L’expérience montre que la plupart des plaintes sont causées par ce que l’on appelle le silence de l’administration, autrement dit par le fait que les autorités ne tiennent pas compte des demandes d’informations des citoyens et des organisations.

230.Dans trois cas, les organismes publics ont constaté que l’information demandée n’existait pas (parce qu’elle avait été détruite pendant la guerre ou pour des raisons analogues). Bien que la réaction de ces autorités puisse être considérée comme satisfaisante, il n’en demeure pas moins que les auteurs des demandes ont été injustement et illégalement privés du droit d’obtenir l’information demandée à temps, dans le respect de la loi. Quelles sont les raisons pouvant expliquer «le silence de l’administration» s’agissant de l’application de la loi sur le libre accès à l’information? On pourrait conclure sur la foi de plusieurs cas typiques que la première de ces raisons serait l’ignorance des règles (l’ignorance de la loi!), une mauvaise compréhension d’autres lois (les organismes motivent leur refus de faire droit aux demandes en invoquant d’autres règles) et, enfin, la traditionnelle négligence de l’administration.

231.Il est également caractéristique que certains organismes publics aient illégalement invoqué des règles différentes pour refuser l’accès à l’information demandée.

232.Le présent rapport devrait toutefois mentionner également des exemples positifs qui montrent comment certains organismes publics se sont organisés et s’acquittent des devoirs qui leur sont conférés par la loi. Ces exemples renvoient pour la plupart à des communes de Sarajevo, Centar et Stari Grad (qui répondent aux demandes dans les 24 heures), au Bureau d’information du Gouvernement de la Fédération, au Ministère fédéral de la justice, au tribunal de canton de Tuzla et au tribunal municipal de Banovici (ce dernier a établi une étude spéciale sur l’application de la loi).

233.La question de la diffamation a posé problème en ce sens qu’au bout de trois ans la décision du Haut Représentant dans ce domaine n’était pas appliquée et que la législation du pays en la matière n’était pas conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni à la pratique des pays démocratiques.

234.L’incohérence de la loi sur le territoire de la Bosnie‑Herzégovine − la loi sur la protection contre la diffamation et l’atteinte à l’honneur n’existe que dans une Entité (Republika Srpska) et pas dans l’autre (Fédération de Bosnie‑Herzégovine) − met les citoyens du pays en situation d’inégalité.

235.Les citoyens de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine ne jouissent pas des mêmes possibilités que ceux de la Republika Srpska de faire protéger leurs droits par la loi en cas de diffamation. Cette situation intolérable a été une cause majeure d’insécurité juridique dans le pays et témoigne de l’inégalité de ses citoyens devant la loi. En même temps, elle a eu des répercussions considérables sur la liberté des médias dans la Fédération.

236.Cette loi (finalement imposée par le Haut Représentant) revêt la plus haute importance car elle favorise le droit d’expression conformément aux normes internationales les plus élevées, protège pleinement le droit d’exprimer son opinion et permet aux médias de travailler sérieusement, étant bien entendu qu’ils sont tenus de respecter les critères de leur profession, mais aussi parce qu’elle se révèle plus efficace pour protéger la vie privée des citoyens que celle des responsables du Gouvernement et des personnalités publiques.

237.Le jour de l’adoption de la loi, les nombreuses procédures pénales en cours ont été annulées et des dizaines et des dizaines de procédures pour diffamation ont été intentées contre des journalistes et des rédactions après l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions au motif d’articles qu’ils avaient publiés.

238.Selon des informations fournies par la ligne d’assistance téléphonique Free Media, qui opère au sein du Bureau du Haut Représentant, le nombre d’ingérences de responsables politiques et du Gouvernement dans le travail des médias en Bosnie‑Herzégovine a déjà diminué par rapport aux dernières années.

239.Ce service a fait état de 28 cas de pression sur des journalistes depuis le début de l’année jusqu’à la fin juin, dont 21 dans la Fédération de Bosnie‑Herzégovine (pendant 11 mois en 2001, 56 cas avaient été signalés dans la Fédération). Tous les journalistes qui ont fait appel à ce service ont demandé l’anonymat, ce qui montre bien qu’une peur réelle les a poussés à demander de l’aide.

240.Selon des informations fournies par l’organisme d’investigation Internews et la Faculté de sciences politiques de Sarajevo concernant les pressions exercées sur les médias électroniques en Bosnie‑Herzégovine, pendant les 30 jours de la campagne électorale (du 5 août au 5 septembre 2002), 4 stations de télévision sur 7 (nombre de stations étudiées) ont fait l’objet d’une forme ou de plusieurs formes de pression. Sur 20 stations de radio, 5 ont indiqué qu’elles avaient été soumises à certaines formes de pression.

241.Pendant l’année, le Bureau du Haut Représentant et la Mission de l’OSCE ont exprimé leur préoccupation à plusieurs reprises au sujet du nombre croissant de plaintes de journalistes qui dénonçaient les pressions dont ils faisaient l’objet dans l’exercice de leur métier. Les organisations internationales et les associations professionnelles de journalistes ont été les plus nombreuses à réagir car il était manifeste que les attaques contre les journalistes − verbales ou physiques, directes ou indirectes − affaiblissaient le processus de démocratisation et portaient atteinte à la liberté de chaque citoyen.

242.Par rapport à l’année précédente, le nombre de cas d’influence exercée sur les médias a diminué. Du point de vue de la protection des droits de l’homme, la pratique des médias en Bosnie‑Herzégovine − qui tend à s’améliorer à bien des égards − montre aussi quelques tendances néfastes qui résultent du non‑professionalisme des journalistes et des médias. Certaines de ces tendances se sont manifestées d’une manière particulièrement claire pendant la campagne électorale (de l’été à l’automne 2002). La plupart des analystes indépendants sont d’avis que, pendant cette campagne, les médias électroniques ont été neutres et ont respecté les «règles électorales» imposées par la Commission électorale, tandis que les journaux ont plus ou moins fait leur campagne activement, souvent au mépris des normes éthiques et professionnelles.

243.Largement utilisé par la majorité des médias, le langage de la provocation, qui peut être exclusivement nationaliste, n’a été cette fois que partiellement présent et dans la seule presse écrite, pour des raisons politiques plutôt qu’idéologiques. Les journaux se font généralement l’écho d’un parti et de choix politiques, tout comme le reste de la population. Voilà pourquoi ils attachent une grande importance à leurs commentaires et analyses et ont une bonne réputation si l’électeur y trouve toutes les informations nécessaires, sans distinction. La dernière campagne électorale a toutefois montré que les journaux tentent le plus souvent de dissimuler leur préférence politique. Cela jette le doute sur eux, en particulier lorsque certains d’entre eux occultent les faits, ce qui est extrêmement dangereux et nuit à leur crédibilité et à leur rôle. Force est de constater qu’un tel comportement n’a rien de professionnel.

244.La violation la plus fréquente des droits de l’homme dans les médias se produit lorsque des journalistes ne respectent pas leur propre code professionnel et ne satisfont pas à «des critères éthiques élevés à tout moment et en toutes circonstances» (Code de la presse, art. 1er). Il n’est malheureusement pas rare que des journalistes et des médias ne permettent pas «à toutes les parties à un différend» d’exprimer leur opinion dans des articles et des commentaires sur des questions controversées. Il n’est pas rare non plus qu’ils jugent par anticipation (notamment les affaires dont les tribunaux sont saisis) et qu’ils ne protègent pas l’identité d’un mineur (victime ou témoin d’un délit) ou ne respectent pas des droits d’auteur.

245.Toutes les plaintes émanant de citoyens au sujet de violations possibles des droits de l’homme dans la presse écrite ont été adressées au Conseil de la presse créé il y a deux ans, organisme d’autoréglementation de la presse écrite, qui est le mieux placé, en dehors des tribunaux, pour intervenir dans les différends. Le Conseil de la presse peut aussi réagir plus rapidement que les tribunaux et, contrairement à la procédure judiciaire, son action n’a pas de conséquences financières pour les parties concernées.

246.Il a également fallu que le Parlement de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine, qui avait proclamé la loi sur le libre accès à l’information, procède à une analyse détaillée de l’application de cette loi et des résultats obtenus pendant un an. Cette analyse aurait dû contribuer à résoudre des problèmes qui se posaient dans la pratique, en particulier deux d’entre eux: la procédure de plainte et la procédure visant à déterminer si l’intérêt public est en jeu. La loi se contentant d’indiquer que la plainte doit être adressée à une instance supérieure, sans autre précision, il s’agit de savoir dans la pratique si l’on entend par là l’instance supérieure administrative (le Ministère de la justice cantonal ou fédéral) ou l’instance supérieure du secteur concerné (éducation, services municipaux, etc.). Par ailleurs, aucun organisme public n’a jamais tenté de savoir si l’intérêt public était en jeu, procédure considérée comme «très complexe», même s’il décidait en violation de la loi de ne pas publier certaines informations.

247.Le Parlement de la Fédération peut obliger tous les organismes publics, directement ou indirectement par l’intermédiaire de l’exécutif, à s’acquitter de leurs obligations et à appliquer pleinement la loi. L’application partielle de la loi est contraire à l’obligation de publier l’information et au principe de transparence proclamé par les autorités à tous les niveaux. La liberté de la presse rend le droit du citoyen d’accéder à l’information réaliste et réalisable. Toute entrave au droit du journaliste de rechercher, recevoir et communiquer l’information est une violation de ce droit.

248.La Bosnie‑Herzégovine étant membre du Conseil de l’Europe, ses autorités ont une responsabilité particulière de donner effet à la Convention européenne sur la télévision transfrontière (en vigueur depuis le 1er mai 1993) qui garantit, par des mesures juridiques et autres, l’indépendance du contenu rédactionnel, des budgets (financement stable) et des organismes de gestion de la radio et de la télévision publiques. Étant donné que le Conseil de la presse est à la fois un instrument irremplaçable de défense du journalisme et le moyen le plus souple de protéger la réputation, la dignité et l’honneur des citoyens ainsi que l’intérêt public, il mérite le plein soutien professionnel, politique et financier de la société.

249.En mai 2002, le Haut Représentant a imposé une série de lois sur la radio et la télévision publiques. C’était la première fois depuis la signature de l’Accord de paix de Dayton qu’un cadre juridique cohérent était créé en Bosnie‑Herzégovine pour réglementer ce secteur. Cet ensemble comprend notamment la loi sur le service public de radio et de télévision en Bosnie‑Herzégovine et les règlements concernant les trois organismes de radio et de télévision − un au niveau de l’État et deux au niveau des Entités. La nouvelle configuration de ce service public reflète la situation constitutionnelle très complexe du pays. La loi repose sur les normes internationales en vigueur et porte sur tous les grands domaines de la radio et de la télévision publiques, y compris leur financement. Le Parlement de Bosnie‑Herzégovine et les parlements des Entités ont par la suite adopté tous ces textes tels qu’ils avaient été proclamés par le Haut Représentant.

250.La mise en place du nouveau système de radio et de télévision en Bosnie‑Herzégovine en est maintenant au stade final. Conformément à la loi, trois organismes opéreront au sein d’un cadre stratégique unique. La création des stations de radio et de télévision des Entités a été suivie par celle du service public au niveau fédéral. La radiotélévision de la Fédération de Bosnie‑Herzégovine et la radiotélévision de la Republika Srpska diffusent des programmes quotidiens sur le territoire de l’Entité correspondante. Le service public de radio et de télévision a été créé en tant que personne morale distincte sur la base de la deuxième Décision et de la loi. Bien qu’il ne soit pas pleinement opérationnel, il a été accepté en tant que membre à part entière de l’Union européenne de radiotélévision (UER). Le 7 mai 2002, Radio 1 a vu le jour et cette radio de service public est devenue en peu de temps la radio de référence dans le pays. En revanche, la mise en place du système de télévision a été ralentie par certaines contraintes techniques et financières. Au début, le service public de télévision de la Bosnie‑Herzégovine a diffusé des programmes limités (informations et manifestations sportives internationales) en utilisant les canaux des stations de télévision des Entités. Les activités visant à mettre en place une station de télévision de service public ayant une grille complète de programmes ont pris fin. Le problème de l’acheminement du signal de télévision sur tout le territoire de la Bosnie‑Herzégovine a été réglé en utilisant un des deux canaux de la télévision fédérale. On a également utilisé du matériel de télévision terrestre, y compris la liaison par satellite, financé par la Commission européenne. L’élaboration du futur service public de télévision et la définition de son programme conformément aux normes internationales se poursuivent en même temps que les préparatifs d’achat et d’installation du matériel de transmission nécessaire. Des spécialistes des médias des trois organismes de radio et de télévision sont associés à ce travail, auquel coopèrent des consultants de la BBC de Londres. Conformément à ce qui était prévu, le service public de télévision de la Bosnie‑Herzégovine a commencé à diffuser dans tout le pays sur son propre canal en septembre 2003.

251.L’Association des médias électroniques indépendants (AEM) a tenu sa troisième assemblée à Teslic en juin 2001, sans que le problème de son statut juridique ait été résolu au préalable. Les intérêts communs des membres étaient évidents, mais ce sont des intérêts individuels qui l’ont emporté à Teslic puisque le principal souci des participants a été de demander des garanties aux représentants de la CRA et d’assurer leur promotion personnelle.

252.Le tout début de l’année 2001 a été marqué par la création de l’Association des étudiants de l’École de journalisme de Media Plan, à l’initiative des élèves. Cette association vise à faciliter la coopération entre les étudiants de l’École. En 2000, l’École a trouvé sa véritable vocation en s’ouvrant à des élèves des territoires de l’ex‑Yougoslavie.

253.L’analyse du fonctionnement des médias en 2001 montre que certains d’entre eux sont encore au service d’une nation ou d’un parti et que d’autres se sont contentés d’opter pour un autre parti politique ou un autre dirigeant. Pendant les trois premiers mois de 2001, la CRA a examiné 43 cas de violation du Code professionnel liés au contenu des programmes de la radiotélévision, «en ayant conscience» que la diffusion de matériel dont le contenu n’était pas conforme au Code était parfois le résultat de pressions. Certains cas faisaient apparaître un manque de professionnalisme des médias locaux (qui n’étaient pas les seuls concernés), le mépris de l’obligation de ne pas divulguer le nom et le prénom d’un mineur dans les affaires délicates et de personnes faisant l’objet d’une enquête de police et une tendance à désigner les coupables avant que le tribunal n’ait rendu sa décision. Auparavant, les journalistes et les médias étaient soumis à différentes formes de pression, de menaces, de chantage et même de violence physique. Malheureusement, et comme les années précédentes, les auteurs de ces actes n’ont généralement pas été identifiés et sont donc restés impunis. Les rédactions et les journalistes ont continué de faire l’objet de pressions, de menaces et de violences. Depuis la création de la ligne d’assistance téléphonique pour les journalistes (FREE MEDIA), 245 plaintes ont été enregistrées et, du 1er janvier 2001 à la mi‑novembre, 96 journalistes ont porté plainte, dont 56 dans la Fédération de Bosnie‑Herzégovine, 33 en Republika Srpska et 2 dans le district de Brčko. À la fin de l’année, Internews et la Faculté de sciences politiques de Sarajevo ont publié les résultats d’une enquête intitulée «Pressions exercées sur les médias électroniques en Bosnie‑Herzégovine de janvier à novembre 2001». Un questionnaire a été adressé à 240 stations de radio et de télévision publiques et privées (137 dans la Fédération, 98 en Republika Srpska et 5 dans le district de Brčko), et 222 d’entre elles, soit 92,50 %, ont répondu. Sur ce total, 114 stations (51,35 %) faisaient l’objet d’une ou de plusieurs formes de pression, 78 avaient reçu au total 1 278 menaces par téléphone, 19 avaient reçu 171 lettres ou messages de menaces, 30 avaient subi 54 contrôles financiers spéciaux, 39 faisaient l’objet de 55 procédures judiciaires liées à la nature de leur travail, 27 dénonçaient des dégâts à leur matériel au cours de 39 incidents, 3 avaient vu leur matériel vidéo/audio/imprimé confisqué par les autorités à 5 reprises, 36 avaient subi à 213 reprises des entraves à leur liberté de circulation et d’accès à l’information, dans 174 cas, les clients de 23 d’entres elles avaient refusé ou cessé de faire de la publicité par leur intermédiaire en raison de leur politiques et 30 recensaient 52 cas de violences physiques sur leur personnel de radio et de télévision. Six stations ont protesté contre l’action de la CRA et 13 contre celle des autorités locales.

254.En 2001, les médias de Bosnie‑Herzégovine se trouvaient dans une situation difficile en raison de la conjoncture économique et sociale dans le pays. Celle‑ci était due essentiellement à la crise financière et à la condition difficile des employés, aux problèmes de propriété non résolus, au processus de privatisation, à l’absence de contrat collectif et donc à l’existence de contrats individuels, à un marché des médias chaotique et déstructuré et à une série de grèves qui ont eu lieu tout au long de l’année. La situation des médias privés était analogue en l’absence de contrat protégeant les employés d’employeurs irresponsables.

255.Une centaine d’employés du plus ancien quotidien de Bosnie‑Herzégovine, Oslobodjenje, ont cessé de travailler en mai, quelques jours seulement après la célébration de la Journée internationale de la liberté des médias, en raison d’arriérés de salaire et du non‑paiement des cotisations aux caisses de pension et d’assurance maladie. De plus, la direction du quotidien avait diminué les salaires de 20 % sans consulter le syndicat. Après l’échec des négociations avec la direction, les employés ont exigé le versement de la totalité de leur salaire et des listes individuelles des arriérés qui leur étaient dus après la guerre et qu’ils réclamaient depuis longtemps. Au bout de six jours de grève, les représentants du syndicat et le conseil d’administration du journal sont parvenus à un accord: la totalité des salaires pour avril serait versée, les listes individuelles d’arriérés seraient ensuite établies, les arriérés de cotisation seraient payés aux caisses de pension et de maladie, le rédacteur en chef serait limogé, un nouveau conseil d’administration serait mis en place, la société par actions du journal aurait une nouvelle direction et les préparatifs de la signature du contrat collectif commenceraient. Les employés ont également exigé le réexamen du plan de privatisation de la société et l’audit financier des opérations de l’exercice 1992. Le quotidien a recommencé à paraître.

256.Malheureusement, après une brève interruption, l’agonie d’Oslobodjenje a repris et le quotidien se trouve encore dans une situation très difficile. En novembre, un nouveau directeur a été nommé, qui vient du groupe du principal propriétaire «Kmecka druzba», actionnaire important de Slovénie. Le quotidien est imprimé par Alden Print et non plus par OKO, l’imprimerie que possède aujourd’hui Avaz. Une procédure pénale a été intentée contre l’ancien directeur et son adjoint pour abus de pouvoir dans l’exercice de leurs fonctions. En dépit de cette description de la situation des médias en Bosnie‑Herzégovine pendant l’année 2003, on considère, compte tenu de la guerre et de la situation d’ensemble du pays, que des progrès utiles ont été accomplis pour ce qui est de réglementer l’information et de sanctionner la diffamation ainsi que de mettre en place un mécanisme d’autoréglementation de la presse sous la forme du Conseil de la presse. Malheureusement, un dialogue approprié ne s’est pas instauré entre les autorités à tous les niveaux et les journalistes qui ne se servent pas suffisamment de leur droit d’accéder à l’information pour mieux informer le public et pratiquer un journalisme analytique et d’investigation.

5. Recherches et évaluation

257.Le droit à la liberté d’expression et autres droits analogues sont considérés comme des libertés et droits fondamentaux nécessaires au fonctionnement d’une société démocratique. En tant qu’organisme indépendant de réglementation des télécommunications au niveau national, la CRA s’emploie à renforcer la protection de ces droits.

258.À propos de ce qui précède, la Chambre des droits de l’homme de Bosnie‑Herzégovine a adopté en 2002 une décision concernant l’action menée par la CRA contre la station «ORDO RTV Sveti Jovan» qui avait violé les règles à de nombreuses reprises, la plupart du temps en ayant recours à un discours de haine et qui incitait à la violence.

259.La CRA a finalement décidé de retirer à la station son autorisation temporaire d’émettre, autrement dit de protéger les droits d’autrui, conformément à l’article 10 de la Convention européenne. La Chambre des droits de l’homme a décidé que ce faisant la CRA n’avait pas porté atteinte au droit à la liberté d’expression et qu’elle avait cherché à protéger la société démocratique. Cette décision reposait sur la loi et répondait à un objectif légitime. S’agissant du langage de haine qui stigmatise tel ou tel groupe (d’origine ethnique différente) ou le désigne comme supérieur, seuls quelques incidents ont été signalés l’an passé dans les médias électroniques. Il est possible que la réglementation de la CRA y soit pour quelque chose étant donné que l’Agence a puni le recours à un tel langage ou «menacé» de le sanctionner en refusant des autorisations permanentes. La presse écrite, ou du moins une partie, n’y a pas renoncé.

260.On a signalé des cas d’articles injurieux à l’égard de certains groupes publiés dans la presse écrite sous la signature de journalistes connus d’autres médias à leur insu dans le but de leur nuire.

261.D’autres cas de non‑professionnalisme ont été signalés, par exemple des journalistes qui donnaient des informations non confirmées sur un meurtre ou préjugeaient de l’issue d’une procédure judiciaire avant même que l’enquête de police soit achevée, désignant le plus souvent comme responsable une personne d’une nationalité différente de celle de la victime et utilisant un langage de haine qui créait des tensions et un sentiment d’insécurité parmi les citoyens de Bosnie‑Herzégovine.

262.Tout compte fait, l’après‑guerre a été marqué par des progrès puisque le niveau de l’information donnée par les stations de radio et de télévision s’est amélioré, à quelques exceptions près. Malgré les lois en vigueur, il arrive encore que des journalistes présentent les faits en se laissant guider par certains choix politiques, incitant ainsi à considérer certains groupes comme supérieurs ou inférieurs.

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