NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/GEO/CO/323 juin 2008

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L ’ ENFANT

Quarante ‑huitième session

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L ’ ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

Observations finales: GÉORGIE

1.Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de la République de Géorgie (CRC/C/GEO/3) à ses 1316e et 1317e séances (CRC/C/SR.1316 et 1317), tenues le 20 mai 2008, et adopté, à sa 1342e séance (CRC/C/SR.1342), le 6 juin 2008, les observations finales ci‑après.

A. Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation de ce troisième rapport périodique, qui donne une idée claire de la situation des enfants dans l’État partie, ainsi que des réponses données par écrit à la liste des points à traiter (CRC/C/GEO/Q/3/Add.1). Le Comité note aussi avec satisfaction le dialogue franc et constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

B. Mesures de suivi adoptées et progrès accomplis par l ’ État partie

3.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures législatives et des programmes visant à mettre en œuvre la Convention, notamment:

a)La loi de juin 2006 sur la lutte contre la violence dans la famille, sa prévention et l’appui aux victimes;

b)La loi de mai 2008 sur l’adoption;

c)Le Programme pour la sécurité à l’école, visant à réduire la violence à l’intérieur et à l’extérieur de l’école, lancé en 2007;

d)Le Plan d’action pour la protection des enfants (2008‑2011).

4.Le Comité se félicite aussi que l’État partie ait ratifié les instruments suivants ou y ait adhéré:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 28 juin 2005;

b)La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, le 14 mars 2007;

c)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le 4 septembre 2006;

d)La Convention‑cadre pour la protection des minorités nationales, le 22 décembre 2005;

e)Le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le 9 août 2005;

f)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le 28 juin 2002.

C. Facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention

5.Le Comité note que l’absence de contrôle de fait de l’État partie sur l’Abkhazie et la région de Tskhinvali/Ossétie du Sud est un sérieux obstacle à la mise en œuvre par l’État partie de la Convention dans ces régions.

D. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Mesures d ’ application générale (art. 4, 42 et 44, par. 6 de la Convention)

Recommandations antérieures du Comité

6.Le Comité relève que plusieurs des préoccupationsqu’il avait exprimées et recommandations qu’il avait formulées à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique de l’État partie (CRC/C/15/Add.222) ont été prises en considération. Toutefois, il note avec regret que certaines l’ont été insuffisamment, ou ne l’ont été que partiellement, en particulier en ce qui concerne la législation, l’affectation des ressources, la réduction de la pauvreté, la sécurité sociale et les services sociaux, les enfants déplacés, les enfants des rues et la justice pour mineurs.

7. Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations contenues dans s es observations finales su r le deuxième rapport périodique qui n ’ ont pas encore été appliquées ou ne l ’ ont pas été suffisamment et de donner la suite voulu e aux recommandations contenue s dans les présentes observations finales sur le troisième rapport périodique.

Coordination

8.Le Comité regrette qu’il n’y ait pas de mécanisme responsable de la coordination et de l’évaluation de la mise en œuvre de la Convention dans l’État partie.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ attribuer la responsabilité princip ale de la coordination et de l ’ évaluation de la mise en œuvre de la Convention à un mécanisme unique, et d ’ allouer à celui ‑ci des ressources financières et humaines régulières et suffisantes pour lui permettre de coordonner toutes les activités relatives aux droits de l ’ enfant .

Plan d ’ action national

10.Tout en se félicitant de l’adoption du Plan d’action national pour la protection des enfants pour 2008‑2011, le Comité regrette que ce plan ne porte pas sur tous les aspects de la Convention. Il regrette aussi que le précédent Plan d’action national pour les enfants (2002‑2003) n’ait pas été exécuté à cause de l’insuffisance des crédits budgétaires accordés par l’État.

11. Le Comité encourage l ’ État partie à adopter un plan d ’ action global portant sur tous les a spect s de la Convention et à veiller à l ’ application transsectorielle de celle ‑ci, en consultation avec la société civile et avec tous les secteurs s ’ occupant de promo uvoir et prot éger l es droits de l ’ enfant. À cet égard, le Comité encourage l ’ État partie à tenir compte des principes et dispositions de la Convention, ainsi que du document final intitulé «Un monde digne des enfants» adopté par l ’ Assemblée générale à sa session extraordinaire sur l ’ enfance et d u bilan fait à mi ‑parcours e n 2007. Le Comité e xhort e enf in l ’ État partie à aff e cte r des ressources financières suffisantes au plan d ’ action pour que celui ‑ci puisse être appliqué pleinement et efficacement.

Mécanisme de surveillance indépendant

12.Tout en se félicitant de la création du Centre des droits de l’enfant du Bureau du Défenseur public, et du rôle qu’il joue dans la protection des droits de l’enfant, le Comité regrette que le Centre ne dispose pas des ressources humaines et financières nécessaires pour s’acquitter de sa mission dans l’ensemble du pays. Il s’inquiète aussi de ce que les rapports et recommandations du Centre ne soient pas examinés rapidement par le Parlement. Enfin, il est préoccupé par le fait que le Centre n’a pas accès sans restriction aux enfants placés dans les institutions d’État.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de trouve r les ressources financières et humaines nécessaires pour permettre au Centre des droits de l ’ enfant de s ’ acquitter comme il convient de sa mission dans l ’ ensemble du pays, et de donner au Centre un accès sans r e s triction à toutes les institutions qui s ’ occup e nt d ’ enfants. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie d ’ examiner les rapports et recommandations du Centre des droits de l ’ enfant, et d ’ y réagir rapidement . À cet égard, le Comité appelle l ’ attention de l ’ État partie sur son Observation générale n o  2 (2002) sur le rôle des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l ’ homme dans la protection et la promotion des droits de l ’ enfant.

14. Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour mettre en place un mécanisme indépendant , facilement accessible et utilisable par tous les enfants, pour ex a m i n er l es plaintes concernant les violation s de leurs droits et o ffri r les moyens de réparer ces violations.

Collecte des données

15.Le Comité, tout en notant que le Département d’État pour les statistiques relevant du Ministère du développement économique est chargé de la collecte globale des données, reste préoccupé par le fait que l’absence de statistiques fiables sur les enfants empêche de suivre ou d’évaluer efficacement l’application de la Convention. Il est particulièrement inquiet de ce qu’il n’existe pas de données ventilées ni d’information analytique sur d’importants domaines d’application de la Convention, tels que: les enfants vivant avec un handicap, les enfants réfugiés et déplacés, les sévices et négligences dont les enfants sont victimes, les enfants victimes d’exploitation sexuelle, y compris la prostitution, la pornographie et la traite, la toxicomanie et les enfants travaillant et/ou vivant dans la rue.

16. Le Comité réitère sa recommandation selon laquelle l ’ État partie doit poursuivre et intensifier ses efforts en vue de mettre en place un système de collecte de données couvr ant tous les domaines d ’ application de la Convention. Ces données devraient port er sur tous les enfants de moins de 18 ans et être ventilées selon le sexe, une attention particulière étant accordée aux groupes d ’ enfants ayant besoin d ’ une protection spéciale. Le Comité encourage l ’ État partie à poursuivre à cet égard sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance (UNICEF).

Diffusion de la Convention et formation

17.Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie, avec l’appui de l’UNICEF, pour mieux faire connaître la Convention, notamment en inscrivant les principes et dispositions de la Convention dans le programme national d’éducation civique et en veillant à ce que tous les juges qui participent à des affaires pénales impliquant des mineurs soient spécialement formés aux droits de l’enfant. Cependant, le Comité reste préoccupé de constater qu’il n’existe toujours pas de formation systématique pour toutes les personnes travaillant avec et pour les enfants, en particulier sur les devoirs et responsabilités découlant de la Convention.

18. Le Comité encourage l ’ État partie à renforcer encore ses efforts pour former et/ou sensibiliser aux droits de l ’ enfant, de manière ada p t é e et systématique, les groupes professionnels travaillant avec et pour les enfants, y compris les agents de la force publique , magistrat s, avocats, personnel de santé, enseignants, travailleurs sociaux, administrateurs d ’ école et autres catégories le cas échéant .

Coopération avec la société civile

19.Tout en relevant l’existence en Géorgie d’une société civile active, le Comité note avec regret que des efforts suffisants n’ont pas été faits pour associer celle‑ci à l’application de la Convention et pour faire participer les organisations non gouvernementales (ONG) à l’établissement de ce troisième rapport périodique de l’État partie au Comité.

20. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ encourager et d ’ appuyer la participation active et systématique de la société civile, y compris les ONG, à la promotion et à la réalisation des droits de l ’ enfant, en particulier en l ’ associant aux mesures prises pour donner suite aux observations finales du Comité ainsi qu ’ à l ’ élaboration des rapports.

2. Principes généraux (art. 2, 3, 6 et 12 de la Convention)

Non ‑ discrimination

21.Le Comité est préoccupé par le fait que, malgré les garanties constitutionnelles et autres, le principe de non‑discrimination n’est pas pleinement respecté dans la pratique en ce qui concerne certains groupes d’enfants, notamment les enfants appartenant à des minorités, les enfants handicapés, les enfants réfugiés et demandeurs d’asile, les enfants déplacés, les enfants de familles défavorisées, les enfants des rues, les enfants ayant affaire à la justice des mineurs et les enfants vivant dans des régions rurales ou reculées. Le Comité note aussi en particulier avec préoccupation que les filles sont plus touchées que les garçons, en raison de discriminations fondées sur le sexe.

22. Le Comité recommande à l’État partie d’accroître ses efforts pour surveiller et assurer l’application des lois existantes qui garantisse nt le principe de non ‑discrimination et le plein respect de l’article 2 de la Convention. Il recommande aussi de recueillir des données ventilées permettant de surveiller la discrimi nation à l’égard des enfants, notamment de ceux qui appartiennent aux gr oupes vulnérables susmentionnés et, en particulier, des filles, en vue d’élaborer des stratégies glo bales visant à mettre fin à toutes les formes de discrimination.

Intérêt supérieur de l’enfant

23.Le Comité est préoccupé de constater qu’il n’existe pas, dans la loi ou dans le processus de décision de l’État partie sur les questions concernant les enfants, de procédures visant à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant (art. 3), en particulier dans les domaines de la justice des mineurs et de l’adoption.

24. Le Comité recommande à l’État partie d’incorporer pleinement le principe de l’intérêt suprême de l’enfant dans tous les programmes, politiques et procédures judiciaires et administratives, y compris dans l’exécution des plans d’action nationaux.

Respect de l’avis de l’enfant

25.Le Comité note avec satisfaction les efforts faits par l’État partie pour promouvoir et respecter le droit des enfants à exprimer librement leur point de vue et à participer à la société, notamment les modifications apportées au Code de déontologie des enseignants et des élèves au cours de l’année universitaire 2008/09. Cependant, le Comité est préoccupé par le fait que les efforts de l’État partie pour promouvoir le droit à la participation des enfants appartenant à des groupes vulnérables, en particulier les enfants déplacés, ont été insuffisants, surtout dans le cadre des procédures civiles, judiciaires et administratives. Le Comité regrette aussi que l’État partie ait cessé d’appuyer les tribunes d’expression permettant aux enfants de participer et de prendre des décisions dans les matières qui les concernent, par exemple le Parlement des jeunes. Il note également avec préoccupation que les attitudes traditionnelles de la société géorgienne empêchent peut‑être les enfants d’exercer leurs droits d’exprimer librement leur point de vue au sein de la famille, à l’école et dans la communauté en général.

26. Le Comité recommande à l’État partie, compte tenu des recommandations adoptées en 2006 par le Comité à l’issue de sa journée de débat général sur le d roit de l’enfant à être entendu :

a) De continuer à promouvoir, faciliter et mettre en pratique, au sein de la famille, de l’école, de la communauté, des institutions ainsi que des procédures civiles, judiciaires et administratives, le principe du respect des opinions des enfants et leur pleine participation à toutes les questions qui les concernent, conformément à l’article 12 de la Convention;

b) De soutenir les tribunes d’expression ouvertes aux enfants , telles que le Parlement des jeunes;

c) De continuer à collaborer avec les organisations de la société civile pour accroître les possibilités de participation des enfants, y compris dans les médias.

3. Droits et libertés civils (a rt. 7, 8, 13 à 17 et 37 a) de la Convention)

Enregistrement des naissances

27.Le Comité se félicite des améliorations réalisées dans le taux d’enregistrement des naissances grâce à la simplification en 2003 de la procédure d’enregistrement, ainsi que de la gratuité de celle‑ci. Il reste toutefois préoccupé par le fait qu’un très grand nombre d’enfants appartenant à des groupes minoritaires, ainsi que d’enfants déplacés et réfugiés, ne sont toujours pas inscrits à l’état civil à la naissance.

28. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et intensifier ses efforts pour créer des structures institutionnelles, prenant la forme par exemple de centres d’enregistrement itinérants , pour procéder à l’enregistrement de toutes les naissances dans le pays. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’organiser des campagnes d’information pour informer la population de l’obligation d’enregistrer les naissances.

Torture et traitement ou peines inhumains ou dégradants

29.Tout en se félicitant que la Géorgie ait adhéré en 2006 au Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et qu’elle ait créé en juin 2007 un Conseil de coordination interinstitutions pour lutter contre la torture, le Comité reste préoccupé par les informations qu’il reçoit indiquant que les enfants continuent d’être victimes de détentions arbitraires, de brutalités policières et de sévices dans les établissements de détention.

30. Le Comité recommande à l’État partie, en étroite coopération avec les ONG compétentes, de prendre les mesures suivantes:

a) Enquêter à fond sur toutes les allégations de torture et de sévices de la part d’agents publics et veiller à ce que les auteurs soient rapidement traduits en justice et jugés;

b) Offrir des programmes adéquats de réparation, réadaptation et réinsertion aux victimes de ces violences ;

c) Songer à renforcer le système existant de surveillance indépendante des centres de détention pour mineurs;

d) Rendre accessible s les mécanismes existants, en partenariat avec la société civile, pour recevoir les plaintes déposées par des enfants ou au nom d’enfants concernant des sévices ou violations commis par des membres de la police .

Châtiments corporels

31.Tout en relevant que l’article 19 de la loi sur l’enseignement général interdit les châtiments corporels à l’école, le Comité note avec inquiétude que les châtiments corporels au sein de la famille sont toujours licites. Il est en outre préoccupé par le fait que les châtiments corporels continuent d’être pratiqués aussi bien dans la famille qu’en milieu scolaire et institutionnel.

32. Le Comité recommande à l’État partie d’adopter une loi interdisant expressément toute s les forme s de châtiments corporels des enfants dans tous les contextes, y compris dans la famille. Il lui recommande également de mener des campagnes de sensibilisation et d’éducation du public contre les châtiments corporels et de promouvoir d’autres formes de discipline , positives et non violentes , en tenant dûment compte de son Observation générale n o  8 (2006) concernant le droit de l’enfant à une protection contre les châtiments corporels et les autres formes cruelles ou dégradantes de châtim ent .

Suite donnée à l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants

33. S’agissant de l’Étude des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants menée à l’initiative du Secrétaire général (A/61/299), le Comité recommande à l’État partie:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport de l’expert indépendant chargé de l’Étude sur la violence à l’encontre des enfants, tout en tenant compte des résultats et recommandations de la Consultation régionale pour l’Europe et l’Asie centrale (tenue à Ljubljana du 5 au 7 juillet 2005). En particulier, le Comité recommande à l’État partie d’accorder une attention particulière aux recommandations suivantes:

i) Interdire toute forme de violence à l’encontre des enfants;

ii) Renforcer les engagements et actions sur le plan national et local;

iii) Donner la priorité à la prévention;

iv) Promouvoir les valeurs de la non ‑violence et les activités de sensibilisation;

v) Offrir des services de réadaptation et de réinsertion sociale ;

vi) Établir l’obligation de répondre de ses actes et mettre fin à l’ impunité;

b) De faire de ces recommandations un instrument d’action en partenariat avec la société civile, et surtout avec la participation des enfants, pour faire en sorte que chaque enfant soit protégé contr e toutes les formes de violence physique , sexuelle et psychologique et pour donner l’impulsion nécessaire à des actions concrètes s’inscrivant le cas échéant dans un calendrier précis pour prévenir les violences et sévices et les combattre;

c) De demander à ces fins l’assistance technique de l’UNICEF, du Haut ‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

4. Milieu familial et soins de remplacement (art. 5, 9 à 11, 18 (par. 1 et 2), 19 à 21, 25, 27 (par. 4) et 39 de la Convention)

Milieu familial

34.Le Comité est profondément préoccupé par le fait qu’un grand nombre d’enfants sont couramment placés en institution faute de services et de soutien financier adéquats aux familles, ou parce qu’il n’existe pas de solutions de remplacement assurées par les services sociaux ni de mécanisme efficace de filtrage, et que la plupart des enfants placés en institution ne sont en fait pas orphelins. Le Comité s’inquiète aussi de ce que le réseau des services sociaux reste insuffisamment développé et que les travailleurs sociaux qualifiés et services sociaux ne sont pas assez nombreux. Il note aussi avec préoccupation que les réformes actuelles portent surtout sur les enfants placés en institution et ne se sont pas attaquées jusqu’ici aux problèmes d’exclusion sociale tels que la pauvreté et la violence familiale de manière à répondre convenablement aux besoins des enfants et des familles à risque, et à prévenir efficacement l’abandon et l’institutionnalisation des enfants.

35. Le Comité encourage l’État partie à dégager des ressources suffisantes pour permettre à son système de services sociaux de fournir un soutien et une assistance adéquats à tous les enfants, en particulier ceux qui sont économiquement défavorisés, jusqu’à l’âge de 18 ans, et à leur famille, ainsi qu’à ceux qui vivent dans des zones rurales et reculées. Le Comité recommande aussi d’élargir le projet spécial sur la pau vreté de telle sorte qu’aucun enfant ne soit placé dans une inst itution de l’État en raison de l a pauvreté de ses parents.

Soins de remplacement

36.Tout en se félicitant des progrès réalisés dans le cadre du Plan national d’action de 2005‑2008 pour la protection des enfants et leur placement en milieu ouvert, le Comité reste préoccupé par la situation actuelle de la prise en charge en institution et la lenteur de la réunification des familles. De plus, le Comité, tout en notant l’adoption en 2006 des normes nationales pour la prise en charge par les institutions assurant les soins de remplacement, reste préoccupé par le nombre des enfants vivant dans des institutions qui ne sont ni financées ni réglementées par l’État. Il s’inquiète aussi du fait qu’il n’existe pas de mécanisme public de surveillance et de suivi pour les enfants quittant l’institution.

37. Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer le programme de placement en milieu ouvert, y compris le retour des enfants dans leur famille et la recherche de familles d’accueil. En même temps, il recommande d’améliorer les conditions de vie dans les institutions existantes dans les domaines de la nutrition, de l’hygiène, de la formation de personnel, de la surveillance et des visites, des mécanismes de plainte et du réexame n périodique du placement , conformément à l’article 25 de la Convention. Le Comité recommande aussi que toutes les institutions qui fournissent des soins de remplacement aux enfants soient réglementées par l’État, et prie l’État partie de rendre compte spécifiquement des efforts qu’il aura menés pour réglementer toutes les institutions et le nombre d’enfants qui leur sont confiés . Le Comité recommande en outre à l’État partie d’envisager des mesures pour assurer des soins de suivi aux jeunes qui quittent les institutions.

Adoption

38.Le Comité se félicite des mesures prises par l’État partie pour instituer une procédure d’adoption appropriée conforme à la Convention et à la Convention de La Haye de 1993 (no 33) sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, ainsi que de la promulgation en mai 2008 de la loi sur l’adoption des enfants qui, notamment, interdit l’adoption directe. Il regrette cependant de ne pas avoir reçu suffisamment de renseignements sur les points suivants: programmes de préparation des parents et des enfants candidats à l’adoption; accords bilatéraux sur l’adoption; nombre d’organismes d’adoption agréés et règlement de ces organismes; renseignements, notamment statistiques, sur les enfants en attente d’adoption qui vivent dans des structures d’accueil temporaires ou dans des familles d’accueil; programmes encourageant l’adoption d’enfants plus âgés et de fratries.

39. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts pour fournir des ressources professionnelles et financières appropriées en vue de renforcer les programmes relatifs à l’adoption, sa promotion et son contrôle, notamment:

a) En renforçant l’autorité centrale d’adoption de manière à ce qu’elle puisse s’acquitter dûment de toutes les fonctions imposées par la législation nationale et la Convention de La Haye de 1993, notamment grâce à des programmes, règlements et instruments visant à faciliter la formation et la surveillance des activités de toutes les personnes intervenant dans l’adoption;

b) En sensibilisant le public à l’adoption et aux conditions que doivent remplir les adoptants . À cet égard, une attention particulière devrait être prêtée à la recherche de familles adoptives pour les enfants qui peuvent avoir des difficultés particulières à se faire adopter, notamment les enfants plus âgés, les fratries, les enfants handicapés et les enfants des groupes minoritaires;

c) En établissant un système permettant de repérer efficacement les enfants adoptables (après avoir exploré la possibilité de maintenir le lien avec leur famille) et d’accélérer le processus d’adoption.

Sévices et négligence

40.Tout en se félicitant de la promulgation en juin 2006 de la loi sur la lutte contre la violence dans la famille, sa prévention et l’appui aux victimes, le Comité regrette que le plan d’action prévoyant des mesures pour prévenir et combattre la violence dans la famille, qui était prévu dans la loi en question, n’ait pas encore été adopté. Il regrette aussi que l’État partie n’ait donné que de maigres informations, y compris statistiques, sur l’ampleur de la violence, des abus sexuels et de la négligence dans la famille.

41. Le Comité prie instamment l’État partie:

a) D’intensifier les campagnes de sensibilisation de la population et de fournir des informations, un encadrement et des conseils aux parents en vue, entre autres, de prévenir la maltraitance et la négligence envers les enfants;

b) De renforcer le dispositif utilisé pour surveiller le nombre et la gravité des cas de violence, d’abus sexuels et de négligence au sein de la famille;

c) De faire en sorte que les professionnels travaillant avec des enfants (enseignants, travailleurs sociaux, personnel de santé, agents de la force publique et personnel judiciaire notamment) soient informés de l’obligation de signalement et d’intervention qui leur incombe lorsqu’ils soupçonnent que des enfants sont victimes de violences au sein de leur famille;

d) De mieux aider les victimes de maltraitance et de négligence afin qu’elles aient accès à des services appropriés de réadaptation, de conseil et de réinsertion;

e) De mettre en place à l’échelle nationale un service d’assistance téléphonique gratuite aux enfants, accessible vingt ‑quatre heures sur vingt ‑quatre au moyen d’un numéro d’appel à trois chiffres, afin de toucher les enfants où qu’ils se trouvent sur le territoire.

5. Soins de santé de base et bien-être (art. 6, 18 (par. 3), 23, 24, 26 et 27 (par. 1 à 3) de la Convention)

Enfants handicapés

42.Le Comité, tout en se félicitant des diverses mesures visant à promouvoir l’enseignement en intégration des enfants handicapés, dans l’idée d’utiliser ce modèle dans toutes les écoles, regrette que le Gouvernement n’ait pas une politique d’ensemble pour les enfants handicapés, tenant compte de leurs besoins globaux de développement, y compris leur droit à ne pas subir de discrimination, leur droit à l’éducation et leur droit à la santé.

43. Le Comité recommande à l’État partie, compte tenu de l’Observation générale n o  9 (2006) relative aux droits des enfants handicapés:

a) D’envisager de ratifier la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif;

b) De veiller à l’application des Règles pour l’égalisation des chances des handicapés, adoptées par l’Assemblée générale le 23 décembre 1993;

c) De poursuivre les efforts pour permettre aux enfants handicapés d’exercer dans toute la mesure possible leur droit à l’éducation;

d) D’entreprendre des campagnes de sensibilisation destinées au public en général, et aux parents en particulier, sur les droits et besoins spécifiques des enfants handicapés, notamment ceux qui ont des problèmes de santé mentale;

e) De redoubler d’efforts pour mettre en place les ressources humaines (professionnels spécialistes du handicap) et financières nécessaires, en particulier au niveau local, et promouvoir et développer les programmes de prévention et de réadaptation de proximité, notamment les groupes de soutien aux parents.

Santé et services de santé

44.Le Comité se félicite des diverses mesures prises par l’État partie dans le cadre de la réforme de la santé, y compris l’adoption du plan politique et stratégique national des soins de santé pour 1999-2010 et l’instauration du traitement médical gratuit pour les enfants. Cependant, le Comité est extrêmement préoccupé par les taux élevés de mortalité néonatale et de prématurité, ainsi que de la situation générale des soins de santé prénataux et postnataux, en particulier dans les groupes minoritaires. Le Comité s’inquiète aussi du fait que beaucoup d’enfants ont un accès limité aux soins médicaux en raison de difficultés géographiques, et du fait qu’il existe des différences marquées dans la qualité de l’eau, ce qui continue d’avoir un effet négatif sur la santé de la population des zones rurales.

45. Le Comité prie instamment l’État partie de dégager davantage de ressources pour s’attaquer aux problèmes des taux élevés de mortalité néonatale et de prématurité, notamment en améliorant les soins prénataux et postnataux, et d’organiser des campagnes d’information des parents sur les soins de puériculture de base et la nutrition, les avantages de l’allaitement maternel, l’hygiène et l’assainissement de l’environnement, la planification familiale et la santé procréative. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à envisager de créer un organe public chargé des soins de santé maternelle et infantile et de les développer aux niveaux central et régional. Le Comité encourage aussi l’État partie à continuer de développer le système des soins de santé entièrement subventionnés qui garantit les normes de santé les plus élevées pour tous les enfants, avec une attention particulière aux familles les plus vulnérables, notamment celles vivant dans des zones rurales et reculées.

46. Compte tenu de l’article 24 c) de la Convention, le Comité recommande aussi à l’État partie de renforcer les mesures pour appliquer la loi sur l’innocuité, la sécurité et la qualité des produits, en vue de prévenir et combattre les effets néfastes de la mauvaise qualité ou de la pollution de l’eau, compte tenu de la vulnérabilité particulière des enfants.

Santé des adolescents

47.Vu le nombre élevé des grossesses, le taux d’avortement élevé et en hausse et l’accroissement de l’incidence des maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida, chez les adolescents, le Comité s’inquiète de ce qu’il existe peu de services de santé, y compris d’éducation et d’assistance en matière de santé procréative, destinés aux adolescents. Il relève aussi avec préoccupation la disposition législative selon laquelle un enfant âgé de moins de 16 ans qui souhaite consulter un médecin doit être accompagné d’un parent, ainsi que le fait que l’éducation sexuelle et l’éducation en matière de santé procréative ne font pas partie du programme scolaire.

48. Le Comité recommande à l’État partie de promouvoir et garantir l’accès de tous les adolescents à des services de santé procréative, notamment à des cours d’éducation sexuelle et de santé procréative en milieu scolaire, ainsi qu’à des services qui leur dispensent des conseils psychopédagogiques et des soins de manière confidentielle et adaptée à leur âge, en tenant dûment compte de l’Observation générale n o  4 (2003) du Comité sur la santé et le développement de l’adolescent dans le contexte de la Convention relative aux droits de l’enfant. À cet égard, le Comité demande instamment à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour que tous les enfants âgés de moins de 16 ans aient accès gratuitement et de manière confidentielle à des services de consultation et d’assistance médicale, avec ou sans le consentement de leurs parents.

Santé mentale

49.Le Comité relève avec d’autant plus de préoccupation l’absence d’une politique nationale de santé mentale pour les enfants qu’il existe des lacunes graves dans la prestation des services de santé mentale aux enfants, et en particulier aux adolescents, dans l’État partie.

50. Le Comité recommande à l’État partie de formuler une politique de soins de santé mentale pour les enfants moderne et reposant sur l’expérience, et d’investir dans le développement d’un système complet de services, comprenant des activités de promotion et de prévention en matière de santé mentale et des services de santé mentale hospitaliers et ambulatoires, en vue d’assurer efficacement la prévention de la violence, des comportements suicidaires et du placement d’enfants en milieu institutionnel.

VIH/sida

51.Le Comité est préoccupé de l’augmentation du nombre des enfants atteints du VIH/sida ou dont les parents ou d’autres membres de la famille sont malades ou morts des suites du VIH/sida, ainsi que du manque d’action concertée de la part de l’État partie.

52. Dans le contexte de l’Observation générale n o  3 (2003) du Comité sur le VIH/sida et les droits de l’enfant et des directives internationales concernant le VIH/sida et les droits de l’homme (E/CN.4/1997/37), le Comité prie instamment l’État partie de s’efforcer d’évaluer de manière exacte et de surveiller l’étendue du problème du VIH/sida dans le pays, d’empêcher sa propagation et de consacrer davantage de ressources à l’assistance aux enfants atteints du VIH/sida et aux enfants dont les parents ou autres membres de la famille sont atteints du VIH/sida. Le Comité recommande en outre à l’État partie d’accorder une attention particulière aux orphelins du VIH/sida et de veiller à ce que les enfants atteints du VIH/sida ne soient pas l’objet de discrimination. À cet égard, le Comité encourage l’État partie à demander la coopération technique de l’UNICEF, de l’OMS et du Programme des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA).

Niveau de vie

53.Malgré le spectaculaire progrès économique global réalisé par l’État partie, le Comité est encore préoccupé par le fait que la pauvreté et le dénuement restent répandus dans le pays et il note que le niveau de vie global de nombreux enfants, mesuré par des indicateurs tels que l’accès au logement, l’eau et les systèmes d’assainissement, est très faible. En particulier, il est inquiet des grandes divergences de niveau de vie qui existent entre les enfants dans l’État partie selon, notamment, le lieu de résidence (rural ou urbain), la dimension et la structure de la famille et le statut de réfugié ou de personne déplacée. Le Comité note aussi avec regret que l’État partie n’a pas indiqué s’il donne la priorité aux enfants et les inclut systématiquement dans sa stratégie de réduction de la pauvreté.

54. Le Comité recommande à l’État partie de prendre à titre prioritaire des mesures visant à améliorer le niveau de vie des enfants, en prêtant une attention particulière au logement, à l’approvisionnement en eau et à l’assainissement. À cet égard, il prie instamment l’État partie de consacrer des fonds suffisants aux mesures visant à combattre les inégalités persistantes, à réduire effectivement les disparités et à améliorer le niveau de vie extrêmement faible, notamment des familles de plusieurs enfants, des familles réfugiées et déplacées et des familles vivant dans des zones rurales et reculées. En particulier, l’État partie devrait viser en priorité à améliorer l’accès aux services de base, y compris l’eau courante salubre et l’évacuation des eaux usées.

55. Le Comité prie instamment l’État partie de consacrer aux enfants un chapitre particulier de sa stratégie de réduction de la pauvreté, le «Programme de développement économique et de lutte contre la pauvreté», et d’y donner la priorité aux besoins des enfants. Cela devrait garantir l’exécution de programmes visant spécialement à promouvoir le plein épanouissement des enfants et à les protéger contre les effets néfastes d’une enfance vécue dans la pauvreté et le dénuement. Le Comité recommande en outre à l’État partie de surveiller régulièrement la situation des enfants vivant dans la pauvreté et de prendre des mesures urgentes pour redresser tous les indicateurs négatifs.

6. Éducation, loisirs et activités culturelles (art. 28, 29 et 31 de la Convention)

56.Le Comité accueille avec satisfaction la promulgation en 2005 de la loi sur l’enseignement général ainsi que l’augmentation des crédits publics affectés à l’éducation, en particulier dans les budgets de 2006 et 2007, l’avancement du programme de développement de l’infrastructure scolaire et l’intensification de la formation des enseignants en cours d’emploi. Toutefois, le Comité reste préoccupé par la qualité générale de l’enseignement et l’insuffisance de l’infrastructure dans beaucoup d’écoles, ainsi que par les disparités croissantes dans les normes éducatives entre les campagnes et les villes. Le Comité s’inquiète aussi des coûts cachés de l’enseignement qui peuvent priver d’accès à l’école les enfants de famille à faible revenu, et il est préoccupé par le fait que le taux d’abandon croît progressivement avec le niveau scolaire, en particulier dans les zones rurales.

57. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De continuer à augmenter les crédits budgétaires affectés à l’éducation;

b) De s’attacher à améliorer globalement la qualité de l’enseignement, en particulier dans les régions rurales et les régions où vivent des minorités, notamment en veillant à ce que les enseignants soient pleinement qualifiés et formés;

c) De prendre d’autres mesures pour faciliter l’accès des enfants de tous les groupes sociaux à l’éducation, notamment en améliorant la fourniture de matériel scolaire et en éliminant les coûts additionnels de l’enseignement, de manière à ce qu’aucun enfant ne subisse de discrimination dans sa jouissance du droit à l’éducation en raison de la situation financière de ses parents;

d) De prendre des mesures propres à accroître la fréquentation scolaire et à réduire les taux d’abandon et de redoublement, notamment en fournissant assistance et conseils aux enfants;

e) De prendre des mesures visant à accroître la participation aux programmes de développement de la petite enfance et à l’enseignement préscolaire, en particulier en ce qui concerne les enfants vivant dans une situation économique difficile et dans le dénuement.

7. Mesures spéciales de protection

(art. 22, 30, 38, 39, 40, 37 b) à d); 32 à 36 de la Convention)

Enfants réfugiés

58.Tout en accueillant avec satisfaction les modifications apportées en avril 2007 à la loi sur les questions relatives aux réfugiés, qui accordent aux réfugiés enregistrés en Géorgie des permis de séjour temporaire, et en se félicitant du fait que l’État partie est en train de réviser la loi pour la mettre plus étroitement en conformité avec les normes internationales, le Comité s’inquiète des conditions de vie extrêmement difficiles des réfugiés vivant dans l’État partie, notamment des réfugiés tchétchènes. Le Comité s’inquiète particulièrement de l’insuffisance de la protection des droits des enfants dans les communautés isolées de réfugiés, qui entrave gravement le développement et le bien‑être de ces enfants.

59. Le Comité recommande à l’État partie de réviser ses lois sur les réfugiés et demandeurs d’asile pour les mettre en conformité avec la Convention de 1951. Le Comité recommande à l’État partie de répondre aux besoins spéciaux de protection des enfants réfugiés et demandeurs d’asile, y compris les enfants non accompagnés et les enfants séparés de leur famille, conformément à l’Observation générale n o  6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d’origine.

Enfants déplacés

60.Tout en se félicitant de l’adoption, le 2 février 2007, du Plan d’action pour la mise en œuvre de la stratégie nationale concernant les personnes déplacées, qui fait une plus grande place à l’intégration, le Comité reste préoccupé par le fait que les enfants déplacés à l’intérieur du territoire de l’État partie continuent à faire face à des conditions de dénuement socioéconomique grave et, en particulier, ont un accès limité au logement, aux services de santé et à l’éducation, et il s’inquiète aussi des effets physiques et psychologiques du déplacement sur les enfants. Il s’inquiète également des conséquences négatives pouvant résulter de la scolarisation séparée des enfants déplacés.

61. Le Comité recommande à l ’ État partie de donner la priorité absolue à la protection des droits des enfants déplacés. À cet égard, il recommande à l ’ État partie:

a) De continuer à suivre les recommandations du Représentant spécial du Secrétaire général sur les personnes déplacées, contenues dans son rapport sur sa mission en Géorgie (E/CN.4/2006/71/Add.7), en particulier celles qui ont trait à l’incorporation des Principes directeurs sur le déplacement (E/CN.4/1998/53/Add.2) dans la législation et les politiques de l’État partie concernant les personnes déplacées;

b) D’intégrer prioritairement les enfants et familles déplacés aux systèmes d’assistance sociale de l’État et de faire en sorte que tous les services et programmes publics leur soient ouverts et accessibles;

c) De prendre des mesures pour fermer les écoles réservées exclusivement aux enfants déplacés et intégrer ces enfants dans les plus brefs délais dans l’enseignement ordinaire;

d) De faire en sorte que d’autres formes d’hébergement appropriées soient offertes à tous les résidents, en particulier aux familles ayant des enfants, lors de la clôture des centres collectifs, tout en recherchant des solutions à long terme.

Exploitation économique, y compris le travail des enfants

62.Le Comité note la position de l’État partie selon laquelle le travail des enfants ne pose pas de problème en Géorgie, mais il s’inquiète du fait que l’étude sur le travail des enfants menée par le Département national des statistiques en 2004 montrait que plus de 21,5 % des enfants exercent des activités économiques dans l’État partie, et que 10,56 % des enfants travaillent dans des conditions constituant des violations de leurs droits et nuisant à leur développement.

63. Conformément à l’article 32 de la Convention et aux Conventions n o 138 (1973) et  n o  182 (1999) de l’OIT, concernant respectivement l’âge minimum d’admission à l’emploi et l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, conventions auxquelles la Géorgie est partie, le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures pour empêcher le travail des enfants notamment:

a) En élaborant, de façon participative, une stratégie visant à prévenir le travail des enfants et à en éliminer les pires formes, et à protéger les droits des enfants que la loi autorise à travailler;

b) En renforçant l’inspection du travail pour garantir l’application effective des lois sur le travail des enfants, tant dans le secteur formel que dans le secteur informel;

c) En demandant l’assistance du Programme international de l’OIT pour l’abolition du travail des enfants (IPEC).

Enfants des rues

64.Tout en relevant qu’une étude est actuellement en cours sur ce sujet, le Comité reste préoccupé par l’absence de mesures stratégiques concernant la situation des enfants qui travaillent ou vivent dans la rue. Il est particulièrement inquiet du sort de ces enfants, en raison des risques auxquels ils sont exposés, notamment celui de la traite.

65. Le Comité recommande à l’État partie:

a) De fournir aux enfants des rues des services de réadaptation et de réintégration sociale, en tenant compte de leur opinion comme le prévoit l’article 12 de la Convention, et de leur proposer des solutions adéquates en matière de nutrition, de logement, de soins de santé indispensables et d’éducation;

b) De faire une étude approfondie permettant d’évaluer l’ampleur, la nature et les causes profondes de la présence d’enfants des rues dans le pays, en vue de définir une politique nationale de prévention;

c) De veiller à ce qu’il y ait suffisamment de possibilités d’hébergement à Tbilissi ainsi que dans d’autres régions du pays;

d) De mettre en place une politique de regroupement familial lorsque cela est possible et dans l’intérêt supérieur de l’enfant;

e) De mener des campagnes de sensibilisation pour lutter contre la stigmatisation des enfants des rues;

f) De collaborer avec les ONG et de rechercher une assistance technique auprès de l’UNICEF notamment.

Exploitation sexuelle des enfants

66.Le Comité déplore la maigreur de l’information fournie en ce qui concerne l’exploitation sexuelle et la prostitution des enfants dans l’État partie et s’inquiète en particulier de l’absence:

a) De législation détaillée visant à prévenir l’exploitation sexuelle des enfants;

b) De protection et/ou d’assistance à la réadaptation ou à la réinsertion sociale des enfants victimes de l’exploitation sexuelle;

c) De données sur l’ampleur de l’exploitation sexuelle et de la prostitution et les formes qu’elles prennent.

67. Le Comité recommande à l’État partie:

a) D’adopter une loi détaillée visant à prévenir l’exploitation sexuelle et la prostitution des enfants;

b) De prendre les mesures juridiques et autres mesures voulues pour protéger les enfants qui sont victimes de l’exploitation sexuelle et de la prostitution, et de poursuivre les auteurs d’abus sexuels et d’exploitation;

c) De former les agents de la force publique, les travailleurs sociaux, les juges et les procureurs sur la manière de recevoir, de suivre et d’instruire les plaintes, de manière adaptée aux enfants et en respectant la confidentialité;

d) D’appliquer des politiques et programmes appropriés de prévention, de réadaptation et de réintégration sociale à l’intention des enfants victimes, y compris en matière d’éducation et de formation ainsi que d’assistance et de conseil psychologique, en tenant compte de la Déclaration et du Plan d’action et de l’Engagement mondial adoptés lors des congrès mondiaux de 1996 et 2001 contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales;

e) De collaborer avec les ONG compétentes et de rechercher l’assistance technique, de l’UNICEF notamment.

Traite

68.Tout en se félicitant des diverses mesures prises pour s’attaquer au problème de la traite des êtres humains, notamment l’adoption en avril 2006 d’une nouvelle loi antitraite, le Plan d’action national concernant la lutte contre la traite des personnes en Géorgie (2007‑2008) et la création d’un Conseil interorganisations contre la traite, le Comité reste préoccupé par le fait qu’il n’existe pas de garanties juridiques suffisantes pour éviter que les enfants victimes de la traite ne soient pénalisés, et qu’il n’a pas été suffisamment prêté attention à la vulnérabilité particulière des enfants travaillant et vivant dans la rue et des enfants déplacés à l’égard de la traite et d’autres formes d’exploitation.

69. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la traite des enfants. À cet égard, il encourage l’État partie à:

a) Améliorer son système de surveillance et d’évaluation des politiques, programmes et projets, en prêtant une attention particulière aux groupes d’enfants vulnérables;

b) Faire en sorte que tous les cas de traite fassent l’objet d’une enquête et que les auteurs soient mis en accusation et punis;

c) Veiller à ce que les enfants victimes de la traite soient protégés et non pénalisés, et à ce qu’ils bénéficient des services et programmes voulus de réadaptation et de réinsertion sociale;

d) Chercher à conclure d’autres accords bilatéraux et accords multilatéraux sous ‑régionaux avec les pays intéressés, y compris les pays voisins, pour empêcher la vente, la traite et l’enlèvement des enfants;

e) Poursuivre sa coopération, notamment avec l’UNICEF et l’Organisation internationale des migrations (OIM).

Administration de la justice pour mineurs

70.Tout en relevant qu’une réforme de la justice pénale est actuellement en cours, le Comité s’inquiète de ce que les dispositions de la Convention ne soient pas suffisamment incorporées dans les documents directeurs sur la réforme nationale du système de justice pénale, notamment le «Plan de mise en œuvre de la stratégie des réformes de justice pénale en Géorgie du 12 juin 2006». En particulier, le Comité est préoccupé par les faits suivants:

a)La suppression en novembre 2006 de la Commission des mineurs et Inspection des mineurs, le seul organe spécialisé dans les activités de prévention concernant les mineurs, qui n’a apparemment pas été remplacé;

b)Le nombre croissant des enfants entrant dans le système de justice pénale et à qui sont imposées des mesures privatives de liberté;

c)Le manque de tribunaux pour enfants;

d)L’absence de mécanismes efficaces garantissant que la mise en détention est une mesure de dernier recours et qu’elle est d’une durée aussi brève que possible (rapports préjugement, évaluation des risques et besoins, planification individuelle des peines, commission des libertés conditionnelles) et la durée des peines souvent disproportionnée à la gravité des infractions;

e)L’absence de programmes de proximité offrant une solution de remplacement aux poursuites et à la mise en détention, en particulier l’effet négatif sur les jeunes délinquants de la politique «tolérance zéro» de 2006 restreignant notamment le recours à des peines de remplacement;

f)La longueur excessive de la détention préventive et la limitation des visites pendant cette durée;

g)Les conditions de détention;

h)L’absence de services de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale des jeunes délinquants.

71. Le Comité recommande de nouveau à l’État partie d’assurer la pleine conformité du système de la justice pour mineurs avec les dispositions de la Convention, en particulier ses articles 37, 39 et 40, ainsi qu’avec les autres normes adoptées par les Nations Unies dans ce domaine, notamment l’Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes directeurs des  Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Règles de La Havane), et les Directives de Vienne relatives aux enfants dans le système de justice pénale, sans oublier l’Observation générale n o  10 (2007) du Comité sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs. À cet égard, le Comité recommande à l’État partie, notamment:

a) De prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre en place des tribunaux pour mineurs et nommer des juges des enfants dans toutes les régions de l’État partie;

b) De veiller à ce que tous les professionnels intervenant dans la justice pour mineurs soient formés selon les normes internationales pertinentes;

c) De considérer la privation de liberté comme une mesure de dernier recours seulement, devant être ordonnée pour une durée aussi brève que possible; de protéger les droits des enfants privés de liberté, de surveiller leurs conditions de détention et de veiller à ce que les enfants restent en contact régulier avec leur famille pendant le temps qu’ils passent dans le système de justice pénale;

d) D’adopter une approche holistique et préventive du problème de la délinquance juvénile (par exemple, en s’attaquant aux facteurs sociaux qui en sont à l’origine), comme le préconise la Convention, en vue d’apporter un soutien précoce aux enfants à risque, en utilisant chaque fois que possible des mesures de substitution − mesures de déjudiciarisation, liberté conditionnelle, psychothérapie, service communautaire ou peines avec sursis, par exemple;

e) De fournir aux enfants une aide juridique et autre à un stade précoce de la procédure et de veiller à ce que les enfants en détention bénéficient des services de base (éducation et soins de santé);

f) De demander à nouveau au Groupe de coordination interinstitutions des Nations Unies dans le domaine de la justice pour mineurs une assistance technique en matière de justice pour mineurs et de formation des forces de police.

Âge minimum de la responsabilité pénale

72.Le Comité déplore la décision de l’État partie d’abaisser l’âge minimum de la responsabilité pénale de 14 à 12 ans.

73. Le Comité prie instamment l’État partie de rétablir d’urgence l’âge minimum de la responsabilité pénale à 14 ans, eu égard à l’Observation générale n o  10 du Comité dans laquelle celui ‑ci appelle les États parties à ne pas abaisser leur âge minimum de la responsabilité pénale pour le ramener à 12 ans (par. 33), car un âge plus élevé (14 ou 16 ans par exemple) contribue à un système de justice pour mineurs permettant, conformément au paragraphe 3 b) de l’article 40 de la Convention, de traiter les enfants en conflit avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire et en veillant au plein respect des droits fondamentaux et des garanties légales en faveur de ces enfants.

Protection des victimes et des témoins d’actes criminels

74. Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte, par des dispositions légales et réglementaires appropriées, que tous les enfants victimes et/ou témoins d’actes criminels, par exemple, les enfants victimes d’abus, de violence dans la famille, d’exploitation sexuelle ou économique, d’enlèvement et de traite et les enfants témoins de tels actes criminels bénéficient de la protection requise par la Convention, et de prendre pleinement en considération les Lignes directrices des Nations Unies en matière de justice dans les affaires impliquant les enfants victimes et témoins d’actes criminels (annexe de la résolution 2005/20 du Conseil économique et social, en date du 22 juillet 2005).

Enfants appartenant à des groupes minoritaires

75.Tout en saluant les efforts faits par l’État partie pour garantir l’égalité de la jouissance des droits pour les enfants appartenant aux groupes minoritaires, notamment la création, en 2005, du Conseil des minorités nationales et du Conseil national de l’intégration civique et de la tolérance, le Comité reste préoccupé par le fait que les enfants des minorités subissent une discrimination dans la jouissance de leurs droits protégés par la Convention, en particulier en ce qui concerne la culture et la langue.

76.Le Comité relève que, après la «révolution des roses», l’État partie a encouragé sa population, par l’application de sa loi sur la langue, à utiliser le géorgien dans tous les domaines de la vie publique. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas fait suffisamment d’efforts pour faciliter l’apprentissage des enfants appartenant à des groupes minoritaires en Géorgie, en géorgien et dans leur propre langue.

77. Le Comité prie instamment l ’ État partie:

a) De reconnaître les droits des enfants appartenant aux groupes minoritaires conformément à l ’ article 30 de la Convention, selon lequel un enfant appartenant à une minorité a le droit d’avoir sa propre vie culturelle, de professer et de pratiquer sa propre religion ou d’employer sa propre langue, et d’envisager d’adopter une loi détaillée assurant la protection de leurs droits;

b) De garantir, dans le cadre du Programme national sur la langue, la qualité de l’enseignement du géorgien aux enfants appartenant à des groupes minoritaires, de façon que les enfants parlant une langue minoritaire participent à l’enseignement dans de meilleures conditions d’égalité avec les enfants de langue géorgienne, en particulier au niveau de l’enseignement supérieur;

c) De prendre les mesures nécessaires pour que l’accès à l’enseignement supérieur des élèves appartenant à des groupes minoritaires ne soit pas barré uniquement par leur incapacité à passer les examens de langue en géorgien;

d) De mettre en œuvre la Stratégie et le Plan d’action national d’intégration civique, afin que la culture, l’histoire et l’identité des différents groupes vivant dans le pays soient enseignées à tous les enfants de Géorgie et que des échanges soient organisés entre élèves de différentes écoles pour favoriser les contacts, l’amitié et le respect mutuel entre enfants de tous les groupes de la société;

e) De veiller à ce que le droit de tous les enfants d’utiliser leur propre langue soit garanti dans la pratique, notamment en intensifiant les efforts pour répondre aux besoins linguistiques des enfants des groupes minoritaires;

f) De renforcer ses mécanismes de collecte des données sur les enfants appartenant à des groupes minoritaires afin de repérer les limites et les obstacles à l’exercice de leur droit à leur propre culture, à l’utilisation de leur propre langue et à la sauvegarde et au développement de leur propre identité, en vue d’élaborer des lois, politiques et programmes tendant à y remédier.

9. Suivi et diffusion

Ratification des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

78.Le Comité note avec regret que l’État partie n’a toujours pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

79. Le Comité encourage l ’ État partie à envisager de ratifi er les instruments relatifs aux  droits internationaux auxquels il n ’ est pas encore partie.

Suivi

80.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la mise en œuvre intégrale des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Parlement (Umaghlesi Sabcho), aux ministères compétents et aux autorités municipales pour examen et suite à donner.

Diffusion

81. Le Comité recommande aussi que le troisième rapport périodique et les réponses écrites présentés par l’État partie, de même que les recommandations (observations finales) que le Comité a adoptées à leur propos, soient rendues très largement accessibles, dans les langues du pays (y compris les langues minoritaires), notamment (mais pas exclusivement) par l’Internet, au public en général, aux organisations de la société civile, aux groupements de jeunesse et aux enfants en vue de faire connaître la Convention, sa mise en œuvre et son suivi et de susciter un débat à cet égard.

10. Prochain rapport

82. Le Comité invite l’État partie à présenter son quatrième rapport périodique avant le 1 er  juillet 2011. Ce rapport ne devrait pas dépasser 120 pages (voir CRC/C/118).

83. Le Comité invite aussi l’État partie à présenter un document de base mis à jour, conformément aux prescriptions applicables au document de base commun qui figurent dans les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, approuvées par les organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme à leur cinquième réunion intercomités, en juin 2006 (HRI/MC/2006/3).

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