NATIONS UNIES

CCPR

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr.GÉNÉRALE

CCPR/C/CZE/CO/29 août 2007

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’HOMMEQuatre‑vingt‑dixième sessionGenève, 9‑27 juillet 2007

EXAMEN DES RAPPORTS SOUMIS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 40 DU PACTE

Observations finales du Comité des droits de l’homme

République tchèque

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le deuxième rapport périodique de la République tchèque (CCPR/C/CZE/2) à ses 2464e et 2465e séances (CCPR/C/SR.2464 et 2465), les 16 et 17 juillet 2007, et a adopté les observations finales ci‑après à sa 2480e séance (CCPR/C/SR.2480), le 26 juillet 2007.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le deuxième rapport périodique de l’État partie, qui contient des informations factuelles et juridiques détaillées et fait utilement référence à ses précédentes observations finales. Le Comité accueille également avec satisfaction les réponses écrites de l’État partie à la liste de points à traiter, qui ont facilité son dialogue avec la délégation. Il apprécie que l’État partie ait été représenté par une délégation formée d’experts dans les différents domaines concernés par le Pacte et salue le sérieux des réponses écrites et orales.

B. Aspects positifs

3.Le Comité note que la République tchèque a ratifié en 2006 le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ce qui devrait permettre d’assurer un plus grand respect de l’article 7 du Pacte.

4.Le Comité accueille avec satisfaction la modification apportée en 2002 à la Constitution, par laquelle tous les instruments internationaux approuvés par le Parlement l’emportent désormais sur la législation nationale.

5.Le Comité constate que des progrès ont été faits dans la lutte contre la violence familiale, notamment grâce à l’adoption de la loi n° 91/2004, qui qualifie d’infraction pénale tout acte de «cruauté envers une personne vivant sous le même toit», et de la loi n° 135/2006, qui a introduit une nouvelle procédure pour la protection des victimes.

6.Le Comité accueille avec satisfaction l’introduction, par la décision n° 42/2007 du chef de la police, des directives concernant les cellules de garde à vue.

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité se déclare préoccupé par l’interprétation restrictive que l’État partie donne de ses obligations au titre du Protocole facultatif se rapportant au Pacte et du Pacte lui‑même, et par le fait qu’il ne respecte pas ces obligations. L’État partie a fait valoir qu’il rencontrait des difficultés pour donner suite aux constatations du Comité, notamment dans de nombreuses affaires relatives à l’application de la loi n° 87/91 de 1991 portant sur la restitution de leurs biens aux personnes qui ont été contraintes de fuir l’État partie et ont pris la nationalité de leur pays d’accueil, ou l’indemnisation de ces personnes. Le Comité rappelle qu’en ratifiant le Protocole facultatif, l’État partie a reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers relevant de sa juridiction.

Le Comité engage instamment l’État partie à donner effet à toutes ses constatations, y compris aux recommandations qui portent sur des affaires relatives à la loi n° 87/91 de 1991, de façon à restituer leurs biens aux personnes lésées ou à leur accorder une indemnisation.

8.Le Comité est préoccupé par des informations qui, bien que non étayées, donnent à penser que les aéroports tchèques ont été utilisés pour faire transiter des personnes remises par les autorités d’un pays à celles d’un autre pays, où ces personnes risquaient d’être soumises à la torture ou à des mauvais traitements et note que l’État partie affirme ne rien savoir à ce sujet. (art. 2, 7 et 14)

L’État partie devrait enquêter sur les informations qui font état de l’utilisation des aéroports tchèques pour le transit des vols utilisés pour ce genre de transferts et devrait mettre en place un système de contrôle pour faire en sorte que ses aéroports ne soient pas utilisés à de telles fins.

9.Le Comité regrette que des informations continuent de faire état de brutalités policières qui visent en particulier les Roms et d’autres groupes vulnérables et se produisent surtout au moment de l’arrestation et pendant la détention, et que l’État partie n’ait pas mis en place un organisme indépendant habilité à recevoir et à instruire toutes les plaintes pour usage excessif de la force et autres abus de pouvoir de la part de la police, comme le Comité le lui avait recommandé dans ses précédentes observations finales. Le Comité relève que cette inaction pourrait favoriser une impunité de fait pour les policiers impliqués dans des violations des droits de l’homme. (art. 2, 7, 9 et 26)

L’État partie devrait prendre des mesures énergiques pour éliminer toutes les formes de violence policière, et notamment:

a) Instituer un mécanisme chargé d’enquêter sur les plaintes concernant les actes des agents de la force publique, qui soit totalement indépendant du Ministère de l’intérieur, comme l’a recommandé le Conseil tchèque pour les droits de l’homme en 2006;

b) Engager des procédures disciplinaires et pénales contre les responsable et indemniser les victimes;

c) Donner aux membres de la police une formation mettant en évidence le caractère pénal de l’usage excessif de la force.

10.Le Comité relève avec préoccupation que des femmes roms et d’autres femmes ont été stérilisées sans leur consentement et qu’il n’a pas été donné suite aux recommandations formulées à ce sujet par le Médiateur dans son rapport de 2005. Le Comité regrette en particulier que les médecins aient toute latitude dans ce domaine et qu’aucune action pénale n’ait été engagée contre les responsables. Il relève également avec préoccupation qu’aucun mécanisme d’indemnisation n’a été prévu et que les victimes n’ont donc pas été indemnisées. (art. 2, 3, 7 et 26)

L’État partie devrait:

a) Appliquer les recommandations contenues dans le rapport de 2005 du Médiateur;

b) Organiser à l’intention du personnel médical et des travailleurs sociaux une formation obligatoire sur les droits des patients;

c) Indemniser les victimes et leur apporter une assistance, y compris une aide juridique si elles veulent porter plainte devant les tribunaux;

d) Engager des poursuites pénales contre les responsables présumés;

e) Veiller à recueillir le consentement éclairé de l’intéressée dans tous les cas où il lui est proposé de pratiquer une stérilisation et prendre les mesures nécessaires pour éviter à l’avenir des stérilisations non volontaires ou forcées, notamment en mettant des formulaires de consentement écrit rédigés en langue rom à la disposition des patientes et en donnant à celles-ci la possibilité de se faire expliquer, dans leur langue et par une personne compétente, l’intervention médicale envisagée.

11.Le Comité note avec préoccupation qu’il n’y a guère eu de progrès dans la participation des femmes à la vie politique qui reste faible. Il rappelle qu’une sensibilisation générale aux droits des femmes ne suffit pas pour garantir l’égalité des droits des hommes et des femmes consacrée dans le Pacte. (art. 3, 25 et 26)

L’État partie devrait prendre des mesures énergiques, positives et coordonnées, conformément aux articles 3 et 26, pour accroître la participation des femmes dans le secteur public.

12.Le Comité reconnaît que l’État partie fait des efforts pour lutter contre la traite et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants à des fins commerciales, mais il reste préoccupé par ces pratiques et par l’absence d’action coordonnée pour y faire face.(art. 3, 8, 24 et 26)

L’État partie devrait continuer à renforcer les mesures de lutte contre la traite et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants à des fins commerciales, notamment en instaurant un dispositif d’action coordonnée pour combattre ces pratiques et en veillant à poursuivre et à punir les responsables. Il devrait également organiser des programmes de prévention, ainsi que de réadaptation pour les victimes.

13.Le Comité est préoccupé par le fait que des lits de contention clos (lits-cages et lits munis de filets) continuent d’être utilisés pour immobiliser les patients dans les établissements psychiatriques, et que l’État partie ait déclaré ne pas avoir l’intention d’interdire totalement les lits munis de filets. Le Comité rappelle que cette pratique est considérée comme un traitement inhumain et dégradant à l’égard des patients internés dans un établissement psychiatrique ou assimilé. (art. 7, 9 et 10)

L’État partie devrait prendre des mesures énergiques pour supprimer totalement l’utilisation de lits de contention clos dans les établissements psychiatriques ou assimilés. Il devrait instaurer des systèmes de contrôle qui tiennent compte des Principes des Nations Unies pour la protection des personnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé mentale. Il devrait également veiller à ce que la dignité et les droits fondamentaux de tous les patients placés dans un établissement psychiatrique ou assimilé soient respectés.

14.Le Comité s’inquiète de ce que l’internement dans un hôpital psychiatrique puisse être décidé sur de simples «indices de maladie mentale». Il regrette que les tribunaux, lorsqu’ils réexaminent une décision de placement en établissement psychiatrique, ne s’attachent pas suffisamment à respecter l’opinion du patient et que l’administration de la tutelle soit parfois confiée à des hommes de loi qui ne rencontrent pas le patient. (art. 9 et 16)

L’État partie devrait faire en sorte qu’aucun placement en établissement psychiatrique n’ait lieu sans raison médicale suffisante, que toutes les personnes qui ne jouissent pas de leur pleine capacité juridique soient placées sous tutelle selon des modalités qui garantissent une représentation et une défense authentiques de leurs souhaits et de leur intérêt, et que la légalité de la décision de placer et de maintenir quelqu’un dans un établissement de soins fasse dans tous les cas l’objet d’un examen judiciaire effectif.

15.Le Comité note avec préoccupation que l’article 125 de la loi sur les étrangers permet de détenir un étranger mineur de 18 ans en attente d’expulsion jusqu’à quatre‑vingt‑dix jours. (art. 10 et 24)

L’État partie devrait réduire la durée de la détention des étrangers en attente d’expulsion mineurs de 18 ans, compte tenu de l’obligation qui lui est faite, en vertu de l’article 24 du Pacte, de prendre des mesures pour assurer la protection de tous les enfants sans discrimination.

16.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore adopté le projet de loi sur la discrimination. Il reste préoccupé par le fait que, malgré l’adoption de programmes adéquats, la discrimination à l’égard des Roms continue d’exister dans la pratique, notamment dans le domaine du travail, de l’accès à l’emploi, des soins médicaux et de l’éducation. Le Comité est préoccupé par la discrimination que subissent les Roms dans l’accès au logement, et par la persistance d’expulsions discriminatoires et de «ghettos» de fait. (art. 2, 26 et 27)

L’État partie devrait prendre des mesures efficaces pour lutter contre la discrimination, et en particulier:

a) Adopter une législation complète sur la discrimination, qui permette de protéger efficacement toute personne contre la discrimination raciale et d’autres formes connexes de discrimination dans tous les secteurs ainsi que dans le cadre de programmes ou de politiques;

b) Fournir une aide juridictionnelle aux victimes de discrimination;

c) Instituer des mécanismes de surveillance efficaces et adopter des indicateurs et des points de référence pour déterminer si les objectifs poursuivis dans la lutte contre la discrimination ont été atteints;

d) Organiser davantage de formations à l’intention des Roms afin de leur donner les moyens d’exercer une activité adéquate et favoriser les possibilités d’emploi;

e) Empêcher les expulsions injustifiées et faire disparaître la ségrégation des communautés roms dans le secteur du logement;

f) Mener des campagnes d’information auprès du public pour combattre les préjugés à l’égard des Roms.

17.Le Comité note que la catégorie des «écoles spéciales» a été supprimée, mais il reste préoccupé par le nombre disproportionné d’enfants roms qui sont dans des classes avec des programmes scolaires distincts, lesquels ne semblent pas tenir compte de leur identité culturelle ni des difficultés particulières qu’ils rencontrent. Le Comité est également préoccupé par les informations indiquant qu’un nombre disproportionné d’enfants roms sont séparés de leur famille pour être placés dans des institutions d’aide sociale. (art. 24, 26 et 27)

L’État partie devrait entreprendre une évaluation des besoins spécifiques des Roms en matière d’éducation, en tenant compte de leur identité culturelle, et élaborer des programmes pour mettre fin à la ségrégation des enfants roms à l’école. L’État partie devrait veiller en outre à ce que les enfants roms ne soient pas privés de leur droit à une vie de famille.

18.Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles les non-ressortissants qui résident dans l’État partie subissent une discrimination, rencontrent toutes sortes de difficultés pour s’intégrer dans la société tchèque et sont souvent peu informés de leurs droits. (art. 26)

L’État partie devrait mettre en place des mécanismes pour lever les obstacles qui empêchent les non-ressortissants résidant en République tchèque d’exercer dans la pratique les droits garantis par le Pacte. Il devrait prendre des mesures efficaces pour promouvoir l’égalité entre les non-ressortissants et les nationaux conformément au Pacte, notamment en informant les non-ressortissants, dans une langue qu’ils comprennent, sur leurs droits et les services auxquels ils peuvent prétendre.

19.Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas de cadre ni de programme pour faire connaître le Pacte et le Protocole facultatif auprès de sa population. (art. 2)

L’État partie devrait envisager d’adopter un plan d’action complet pour promouvoir l’éducation aux droits de l’homme, avec des activités de formation sur les droits protégés par le Pacte et par le Protocole facultatif à l’intention des fonctionnaires, des enseignants, des juges, des avocats et des policiers.

20. Le Comité fixe au 1er août 2011 la date à laquelle le troisième rapport périodique de la République tchèque devra lui être soumis. Il demande que le deuxième rapport périodique de l’État partie et les présentes observations finales soient diffusés auprès du grand public ainsi qu’auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, et que des exemplaires de ces documents soient distribués aux universités, aux bibliothèques publiques, à la bibliothèque du Parlement et à tout autre organisme concerné. Il demande également que le troisième rapport périodique et les observations finales soient portés à la connaissance de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Il serait souhaitable de diffuser auprès de la communauté rom un résumé en langue rom du rapport et des observations finales.

21.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du Règlement intérieur du Comité, l’État partie devrait adresser, dans un délai d’un an, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 9, 14 et 16. Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux autres recommandations et sur l’application du Pacte dans son ensemble.

-----