Nations Unies

CED/C/TUN/CO/1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

25 mai 2016

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par la Tunisie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention *

Le Comité des disparitions forcées a examiné le rapport soumis par la Tunisie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention (CED/C/TUN/1) à ses 158e et 159e séances (voir CED/C/SR.158 et 159), les 7 et 8 mars 2016. À sa 170e séance, le 15 mars 2016, il a adopté les présentes observations finales.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le rapport soumis par la Tunisie en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention, qui a été élaboré conformément aux directives pour l’établissement des rapports, ainsi que les informations qui y figurent. Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention. En outre, il remercie l’État partie de ses réponses écrites (CED/C/TUN/Q/1/Add.1) à la liste de points (CED/C/TUN/Q/1), qui ont été complétées par les réponses données oralement par la délégation pendant le dialogue, et des informations complémentaires fournies par écrit.

B.Aspects positifs

Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié la quasi-totalité des principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme et la plupart des protocoles facultatifs s’y rapportant.

Le Comité félicite également l’État partie des mesures prises dans des domaines intéressant la Convention, notamment :

a)L’adoption de la nouvelle Constitution tunisienne, le 26 janvier 2014 ;

b)L’adoption de la loi organique no 53, relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation, le 24 décembre 2014, et la création de l’Instance Vérité et Dignité, le 30 mai 2014 ;

c)L’adoption de la loi organique no 43, relative à l’instance nationale pour la prévention de la torture, le 21 octobre 2013.

Le Comité prend acte avec satisfaction des informations fournies par l’État partie concernant les consultations menées avec la société civile en préparation du rapport soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention et des réponses à la liste de points.

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a adressé à tous les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme une invitation permanente à se rendre dans le pays.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité salue les efforts et les progrès importants faits par l’État partie dans le domaine des droits de l’homme depuis la révolution de 2011. Il considère qu’au moment de l’adoption des présentes observations finales, la législation en vigueur dans l’État partie et la manière dont certaines autorités compétentes exerçaient leurs fonctions n’étaient pas pleinement conformes aux obligations qui incombent aux États parties à la Convention. Le Comité engage l’État partie à mettre en œuvre ses recommandations, qui ont été formulées dans un esprit constructif et une logique de coopération, pour aider l’État partie à donner effet, en droit et en pratique, aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Il l’encourage à tirer parti du fait qu’un certain nombre d’initiatives législatives soient en cours d’examen pour mettre en œuvre les recommandations d’ordre législatif formulées dans les présentes observations finales et pour donner effet aux obligations découlant de la Convention qui ne seraient pas encore pleinement intégrées dans le droit interne.

Renseignements d’ordre général

Communications émanant de particuliers et d’États

Le Comité constate que l’État partie n’a pas encore reconnu la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États en vertu des articles 31 et 32 de la Convention. Toutefois, il relève avec intérêt que l’État partie a l’intention de faire les déclarations prévues dans ces deux articles et qu’il a engagé les procédures nécessaires pour ce faire (art. 31 et 32).

Le Comité encourage l’État partie à accélérer les procédures nécessaires pour faire les déclarations prévues aux articles 31 et 32 de la Convention, concernant la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications émanant de particuliers ou d’États, en vue de renforcer le régime de protection contre les disparitions forcées établi par la Convention.

Institution nationale des droits de l’homme

Le Comité est préoccupé par le fait que le Comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales n’est pas pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris). Il constate toutefois avec satisfaction que l’État partie élabore actuellement un projet de loi régissant l’institution nationale des droits de l’homme indépendante prévue à l’article 128 de la Constitution de 2014, conformément aux Principes de Paris.

Le Comité recommande à l’État partie d’accélérer l’adoption du projet de loi régissant l’institution nationale des droits de l’homme indépendante prévue à l’article 128 de la Constitution et de faire en sorte que cette nouvelle institution soit pleinement conforme aux Principes de Paris.

Définition et incrimination de la disparition forcée (art. 1er à 7)

Impossibilité de déroger à l’interdiction de la disparition forcée

Le Comité constate avec préoccupation que le droit interne n’établit pas expressément qu’aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, ne peut être invoquée pour déroger à l’interdiction de la disparition forcée (art. 1).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour incorporer expressément dans le droit interne l’interdiction absolue de la disparition forcée, conformément au paragraphe 2 de l’article premier de la Convention.

Crime de disparition forcée

Le Comité est préoccupé par le fait que la législation de l’État partie n’érige pas encore la disparition forcée en infraction autonome. À cet égard, il prend acte des informations communiquées par l’État partie précisant que le projet de loi sur la disparition forcée joint en annexe à son rapport (CED/C/TUN/1), avant d’en être retiré (voir CED/C/TUN/Q/1/Add.1, par. 8), n’avait été soumis ni au Conseil des ministres, ni au Parlement ; qu’une commission technique serait chargée de réviser le projet de loi initial en ayant à l’esprit les observations formulées par le Comité ; que le nouveau projet de loi serait soumis au Parlement en 2016. De plus, le Comité regrette de ne pas avoir reçu d’information sur l’état d’avancement du projet de loi relatif aux crimes contre l’humanité dont il est fait mention au paragraphe 67 du rapport de l’État partie et constate que la législation nationale n’incrimine pas encore spécifiquement la disparition forcée en tant que crime contre l’humanité conformément aux normes établies à l’article 5 de la Convention (art. 2 et 4 à 7).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures législatives nécessaires pour faire en sorte que, dans les plus brefs délais :

a) La disparition forcée soit érigée en infraction autonome dans le droit interne, conformément à la définition établie à l’article 2 de la Convention, et que ce crime soit passible de peines appropriées qui prennent en compte son extrême gravité, tout en prévenant l’imposition de la peine de mort. Il invite également l’État partie à prévoir des circonstances atténuantes et des circonstances aggravantes spécifiques, conformément au paragraphe 2 de l’article 7 de la Convention ;

b) La disparition forcée en tant que crime contre l’humanité soit incriminée conformément aux normes établies à l’article 5 de la Convention.

Responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques

Le Comité constate avec préoccupation que la législation en vigueur dans l’État partie ne satisfait pas pleinement à l’obligation découlant de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention pour ce qui est de la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques (art. 6).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour faire en sorte que la législation nationale établisse expressément la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques, conformément aux dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention .

Responsabilité pénale et coopération judiciaire en matière de disparition forcée (art. 8 à 15)

Prescription

Le Comité constate avec satisfaction que les disparitions forcées visées par la loi organique no 53 sont imprescriptibles. Il regrette toutefois de ne pas avoir reçu de renseignements suffisants sur le régime de prescription applicable aux crimes de disparition forcée qui auraient été commis après la période couverte par la loi (art. 8).

À la lumière de l’article 8 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures, législatives ou autres, nécessaires pour faire en sorte que le délai de prescription prévu pour les disparitions forcées qui ne sont pas visées par la loi organique n o  53 soit de longue durée et proportionné à l’extrême gravité de ce crime, et que, compte tenu du caractère continu de la disparition forcée, il ne commence à courir que lorsque cesse le crime ( c’est-à-dire, notamment, lorsque la personne disparue est retrouvée vivante, lorsque ses restes sont retrouvés et identifiés, si elle est décédée, ou lorsque l’identité d’un enfant ayant été soustrait est établie) . Le Comité encourage l’État partie, lorsqu’il fera de la disparition forcée une infraction autonome, à veiller à ce que cette infraction ne puisse faire l’objet d’aucune prescription.

Juridiction militaire

Le Comité s’inquiète de ce que les disparitions forcées puissent rester dans le champ de compétence des juridictions militaires puisque, en vertu de la législation en vigueur, les militaires accusés d’une infraction de droit commun ou de droit militaire, ainsi que les civils, dans certains cas particuliers, sont traduites devant des tribunaux militaires, à l’exception des auteurs d’actes terroristes. Rappelant sa position selon laquelle, par principe, les tribunaux militaires n’offrent pas l’indépendance et l’impartialité requises par la Convention pour connaître de violations des droits de l’homme telles que les disparitions forcées, le Comité prend note avec intérêt des informations communiquées par l’État partie selon lesquelles une commission technique élabore actuellement un projet de loi visant à mettre la législation nationale relative à la juridiction militaire en conformité avec les normes constitutionnelles et internationales applicables (art. 11).

Le Comité, rappelant sa déclaration sur les disparitions forcées et la juridiction militaire (voir A/70/56, annexe III), recommande à l’État partie de prendre les mesures, législatives ou autres, nécessaires pour faire en sorte que les disparitions forcées restent expressément en dehors du champ de compétence des juridictions militaires et ne puissent être instruites et jugées que par les autorités civiles compétentes.

Justice transitionnelle

Le Comité salue le système de justice transitionnelle établi en vertu de la loi organique no 53, notamment le fait qu’il y soit fait référence à la disparition forcée. Il relève avec préoccupation que les enquêtes ouvertes sur les disparitions forcées présumées de Kamel Matmati (depuis 1991), Fathi Louhichi (depuis 1996) et Walid Hosni (depuis 2009) n’ont toujours pas été achevées malgré le temps écoulé depuis les faits présumés, mais constate que l’Instance Vérité et Dignité a engagé des procédures d’enquête sur ces cas. Le Comité note aussi que l’Instance a été saisie d’un certain nombre de plaintes pour disparitions forcées et s’emploie à faire la lumière sur les lieux où les corps des victimes ont été enterrés. Il note de plus avec intérêt les mesures adoptées par l’Instance en matière de réparation, notamment les indemnités d’urgence accordées pour répondre à des besoins de santé, et constate qu’elle s’attache à mettre en place un programme complet de réparation (art. 11, 12 et 24).

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts pour faire en sorte que, sans délai :

a) Tous les cas passés de disparition forcée fassent l’objet d’une enquête approfondie et impartiale et que ces enquêtes soient poursuivies jusqu’à ce que le sort des personnes disparues ait été élucidé ;

b) Toutes les personnes ayant participé à la commission d’une disparition forcée, y compris les supérieurs hiérarchiques militaires et civils, soient poursuivies et, si elles sont reconnues coupables, condamnées à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes ;

c) Toutes les personnes victimes de disparitions forcées et celles dont le sort demeure inconnu soient recherchées et localisées sans retard et qu’en cas de décès, leurs restes soient identifiés, respectés et restitués à leurs proches ;

d) Toutes les personnes ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée obtiennent une réparation adéquate, notamment une aide à la réadaptation, qui tienne compte de la dimension de genre, et soient indemnisées rapidement, équitablement et de manière adéquate.

À cet égard, le Comité recommande aussi à l’État partie : a) de continuer à faire en sorte que tous les organes chargés de mener des enquêtes sur les cas de disparitions forcées visés par la loi organique n o 53, de rechercher des personnes disparues et d’accorder réparation aux victimes, en particulier l’Instance Vérité et Dignité, soient dotés des ressources financières, techniques et humaines nécessaires pour mener à bien leurs missions avec célérité et efficacité ; et b) de prendre les mesures nécessaires pour garantir que toutes les entités publiques coopèrent avec ces organes et leur apportent toute l’aide nécessaire dans le cadre de leurs attributions.

Protection des personnes prenant part aux enquêtes

Le Comité se réjouit du fait que l’article 40 de la loi organique no 53 autorise l’Instance Vérité et Dignité à adopter les mesures appropriées pour protéger les témoins, les victimes, les experts et tous ceux qu’elle auditionne au sujet des violations des droits de l’homme visées par ladite loi. Il prend en outre note de l’article 65 du Code de procédure pénale, selon lequel les témoins ne doivent pas être entendus en présence des défendeurs, ainsi que des informations fournies par l’État partie indiquant que d’autres textes de loi prévoient aussi des mesures de protection des témoins. Il prend de surcroît note avec intérêt des informations communiquées par l’État partie indiquant que les mécanismes de protection des plaignants, des témoins et des proches contre toute forme d’intimidation sont actuellement passés en revue par le Comité rattaché au Ministère de la justice qui est responsable de la révision du Code pénal (voir CED/C/TUN/Q/1/Add.1, par. 14) (art. 12).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures qui s’imposent pour garantir, en droit et dans la pratique, que toutes les personnes visées au paragraphe 1 de l’article 12 de la Convention soient protégées contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison d’une plainte déposée ou de toute déposition faite dans le cadre d’une enquête sur une disparition forcée.

Mesures de prévention des disparitions forcées (art. 16 à 23)

Non-refoulement

Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a toujours pas adopté de cadre législatif sur l’asile, même s’il relève avec intérêt les renseignements fournis par l’État partie selon lesquels un projet de loi sur le droit d’asile est en cours d’élaboration et devrait être conforme à la Convention. Il note en outre que la législation interne n’interdit pas encore expressément le refoulement d’une personne lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être victime d’une disparition forcée (art. 16).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter les mesures nécessaires pour garantir en droit et dans la pratique le respect strict et dans toutes les circonstances du principe de non-refoulement consacré par le paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention. Il lui recommande en particulier : a) d’accélérer l’adoption d’un cadre juridique sur l’asile et de faire en sorte qu’il apporte les garanties nécessaires pour prévenir tout risque de refoulement lorsqu’il y a des motifs sérieux de croire que l’intéressé risque d’être victime d’une disparition forcée ; et b) d’envisager d’inscrire dans le droit interne l’interdiction expresse d’expulser, de refouler, de remettre ou d’extrader une personne s’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être victime d’une disparition forcée.

Garanties juridiques fondamentales

Le Comité s’inquiète d’allégations selon lesquelles, dans certains cas : a) les autorités compétentes n’ont pas informé immédiatement les proches des personnes placées en garde à vue des mesures prises contre elles et de leur lieu de détention, ou bien n’ont pas permis aux proches et aux avocats d’avoir accès aux informations concernant les personnes privées de liberté ; et b) les registres des personnes privées de liberté n’ont pas été remplis et tenus à jour avec précision et sans retard. En outre, le Comité prend note avec préoccupation d’informations reçues selon lesquelles la loi organique no 22/2015 sur la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent du 24 juillet 2015 ne garantit pas l’accès à un avocat ou à des proches durant la garde à vue, ce qui revient à autoriser la police à détenir au secret des terroristes présumés pendant une période pouvant aller jusqu’à quinze jours, avec l’accord d’un procureur après le cinquième jour. À cet égard, le Comité accueille avec satisfaction le fait que la modification apportée au Code de procédure pénale, qui a été adoptée en février 2016 et qui entrera en vigueur en juin 2016, garantit l’accès à un avocat dès le début de la privation de liberté. Il demeure cependant préoccupé par le fait que cette modification prévoie une exception pour les terroristes présumés, lesquels peuvent donc ne pas s’entretenir avec leur avocat pendant une période pouvant aller jusqu’à quarante-huit heures (art. 17, 18, 20 et 22).

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures qui s’imposent pour que toutes les personnes privées de liberté, indépendamment de l’infraction dont elles sont accusées, jouissent, de jure et de facto, de toutes les garanties juridiques fondamentales énoncées à l’article 17 de la Convention dès le début de leur privation de liberté. Le Comité recommande en particulier à l’État partie de garantir que :

a) Toutes les personnes privées de liberté aient accès à un avocat dès le début de la privation de liberté et puissent s’entretenir sans délai avec leurs proches ou avec toute autre personne de leur choix et, s’il s’agit d’étrangers, avec leurs autorités consulaires ;

b) Toute personne ayant un intérêt légitime puisse avoir rapidement et facilement accès au minimum aux renseignements énumérés au paragraphe 1 de l’article 18 de la Convention, y compris pendant la garde à vue ;

c) Toutes les privations de liberté soient, sans exception, inscrites dans des registres et/ou dossiers uniformes dans lesquels figurent au moins les informations requises en vertu du paragraphe 3 de l’article 17 de la Convention ;

d) Les registres et/ou dossiers des personnes privées de liberté soient remplis et tenus à jour avec précision et sans retard et fassent l’objet de vérifications régulières, et qu’en cas d’irrégularité les fonctionnaires responsables soient dûment sanctionnés.

Mesures de réparation et mesures de protection des enfants contre les disparitions forcées (art. 24 et 25)

Définition de la victime et droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate

Le Comité prend note avec satisfaction du système de réparation établi par la loi organique no 53. Il relève cependant avec préoccupation qu’en dehors du champ d’application de cette loi, la législation n’établit ni une définition de l’enfant conforme à celle figurant au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention ni un système de réparation complète dont la responsabilité relèverait de L’État et qui comprendrait, outre l’indemnisation, toutes les mesures de réparation prévues au paragraphe 5 de l’article 24 de la Convention (art. 24).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que le droit interne prévoie, en dehors du champ d’application de la loi organique n o  53 :

a) Une définition de la victime qui soit conform e à celle énoncée au paragraphe 1 de l’article 24 de la Convention, afin de garantir à toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée la pleine jouissance des droits consacrés par la Convention, en particulier le droit d’obtenir réparation ;

b) Un dispositif de réparation et d’indemnisation complet qui tienne compte de la dimension de genre et soit pleinement conforme aux paragraphes 4 et 5 de l’article 24 de la Convention ainsi qu’aux autres normes internationales applicables, dont la responsabilité relève de l’État et qui s’applique même si aucune procédure pénale n’a été engagée.

Législation relative à la soustraction d’enfant

Le Comité prend acte des dispositions législatives en vigueur concernant l’enlèvement d’enfant et la falsification de documents, mais est préoccupé par l’absence d’incrimination autonome des actes en lien avec la soustraction d’enfant au sens du paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention (art. 25).

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures législatives nécessaires pour incriminer expressément les actes visés au paragraphe 1 de l’article 25 de la Convention et de prévoir des peines appropriées qui prennent en compte l’extrême gravité de ces actes.

D.Diffusion et suivi

Le Comité tient à rappeler les obligations auxquelles les États ont souscrit en devenant parties à la Convention et, à ce propos, demande instamment à l’État partie de veiller à ce que toutes les mesures adoptées, quelles que soient leur nature et l’autorité dont elles émanent, sont pleinement conformes aux obligations qu’il a assumées en devenant partie à la Convention et d’autres instruments internationaux pertinents. Le Comité demande tout particulièrement à l’État partie de faire en sorte que toutes les disparitions forcées fassent l’objet d’une enquête efficace et de garantir le plein exercice des droits des victimes tels qu’ils sont consacrés dans la Convention.

Le Comité tient également à souligner l’effet particulièrement cruel qu’ont les disparitions forcées sur les droits fondamentaux des femmes et des enfants qu’elles touchent. Les femmes victimes de disparition forcée sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle et aux autres formes de violence sexiste. Lorsqu’elles sont les parentes d’une personne disparue, les femmes sont particulièrement exposées à de graves conséquences sociales et économiques ainsi qu’à la violence, à la persécution et aux représailles du fait des efforts qu’elles déploient pour localiser leur proche. Pour leur part, les enfants victimes de disparition forcée, qu’ils soient eux-mêmes soumis à une disparition ou qu’ils subissent les conséquences de la disparition de leurs parents, sont particulièrement exposés à de multiples violations des droits de l’homme, notamment la substitution d’identité. C’est pourquoi le Comité insiste sur la nécessité, pour l’État partie, de tenir compte des questions de genre et de la sensibilité des enfants dans l’application des droits et obligations qui découlent de la Convention.

L’État partie est invité à diffuser largement la Convention, ainsi que le rapport qu’il a soumis en application du paragraphe 1 de l’article 29, ses réponses écrites à la liste de points élaborée par le Comité, et les présentes observations finales, en vue de sensibiliser les autorités judiciaires, législatives et administratives, la société civile, les organisations non gouvernementales qui sont actives dans le pays et le grand public. Le Comité invite aussi l’État partie à encourager la société civile, en particulier les associations de familles de victimes, à participer à la mise en œuvre des présentes observations finales.

L’État partie ayant soumis son document de base en 1994 (HRI/CORE/1/Add.46), le Comité l’invite à mettre celui-ci à jour, conformément aux règles applicables aux documents de base communs, énoncées dans les Directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (voir HRI/GEN.2/Rev.6, chap. I).

Conformément au règlement du Comité, l’État partie devrait communiquer, le 18 mars 2017 au plus tard, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations du Comité figurant aux paragraphes 15, 23 et 30.

En application du paragraphe 4 de l’article 29 de la Convention, le Comité demande à l’État partie de lui soumettre, au plus tard le 18 mars 2022, des informations précises et actualisées sur la mise en œuvre de toutes les recommandations formulées, ainsi que tous renseignements nouveaux concernant l’exécution des obligations découlant de la Convention, dans un document conforme aux prescriptions énoncées dans les Directives concernant la forme et le contenu des rapports que les États parties doivent soumettre en application de l’article 29 de la Convention (voir CED/C/2, par. 39). Le Comité encourage l’État partie, lorsqu’il compilera ces informations, à continuer de consulter la société civile, notamment les organisations de victimes.