Quarante et unième session

30 juin-18 juillet 2008

Projet d’observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes : République-Unie de Tanzanie

Le Comité a examiné le rapport unique de la République-Unie de Tanzanie valant quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques (CEDAW/C/TZA/6), à ses 844e et 845e séances, le 11 juillet 2008 (voir CEDAW/C/SR.844 et 845). La liste des questions posées et problèmes soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/TZA/Q/6 et les réponses de la République-Unie de Tanzanie dans le document CEDAW/C/TZA/Q/6/Add.1.

Introduction

Le Comité remercie l’État partie de son rapport unique valant quatrième, cinquième et sixième rapports périodiques, qui est conforme à ses directives sur l’élaboration des rapports et tient compte de ses observations finales, mais il regrette qu’il ne traite pas de tous les articles de la Convention. Le Comité se dit satisfait de l’exposé oral de l’État partie, de ses réponses écrites aux questions et problèmes soulevés par le groupe de travail d’avant-session et des nouveaux éclaircissements apportés par ses réponses aux questions orales du Comité.

Le Comité remercie l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau conduite par le Ministre du développement local, de l’égalité entre hommes et femmes et de l’enfance de Tanzanie continentale, secondé par le Ministre du travail, de la jeunesse, de l’emploi, de la condition féminine et du développement de l’enfant de Zanzibar. La délégation était composée de représentants de différents ministères compétents dans les domaines couverts par la Convention. Le Comité se félicite du dialogue ouvert et constructif qui s’est tenu entre la délégation et ses membres.

Le Comité se réjouit que l’élaboration du rapport ait mobilisé aussi bien des ministères, des administrations et des organismes publics que des organisations non gouvernementales (ONG) et des partenaires de développement, donnant lieu notamment à diverses réunions de consultation.

Le Comité salue l’adhésion de l’État partie, en janvier 2006, au Protocole facultatif se rapportant à la Convention.

Aspects positifs

Le Comité salue l’adoption, en 2000, d’une part, du projet intitulé National Development Vision 2025, dont l’objectif est de mener à bien, d’ici à 2025, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes dans les domaines socioéconomique, politique et culturel et, d’autre part, de grandes orientations sur la condition féminine et le développement de l’égalité des sexes.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir créé, en 2001, la Commission des droits de l’homme et de la bonne gouvernance, chargée, entre autres, d’enquêter sur les allégations de violation des droits de l’homme et de diffuser des informations sur les droits de l’homme en général, et de la femme en particulier. Le Comité salue la création, en 2004, au sein de cette commission, d’un service spécial chargé d’informer le public sur l’égalité des sexes et les droits de la femme.

Le Comité félicite l’État partie pour les mesures qu’il a prises dans le domaine de l’éducation. Par exemple, le Programme de développement du secteur de l’éducation (2000-2015) entend favoriser l’accès à l’éducation de tous, hommes et femmes, d’ici à 2015, et plusieurs autres programmes spécialisés prévoient de développer l’éducation des filles, en collaboration avec les partenaires de développement et les ONG. Il s’agit notamment du Fonds pour la formation des femmes tanzaniennes, du Programme communautaire d’éducation des filles (construction de foyers et d’internats, création d’un fonds d’affectation spéciale pour l’éducation), de programmes d’aide à l’enseignement primaire et secondaire, qui prévoient le versement de subventions proportionnelles au nombre d’élèves, de la formule de l’éducation de base complémentaire pour la Tanzanie continentale et du programme d’éducation de Zanzibar, ainsi que des programmes d’enseignement supérieur.

Le Comité félicite l’État partie pour l’adoption du 14e amendement de sa constitution, qui prévoit que le nombre de femmes au Parlement ne doit pas être inférieur à 30 % du total de ses membres et que, sur les 10 députés que le Président est en droit de nommer, la moitié doivent être des femmes. Il se réjouit également que, selon la délégation, l’État partie mette tout en œuvre pour réaliser l’objectif de parité parfaite aux élections de 2010 fixé par l’Union africaine, que le parti au pouvoir ait réaffirmé cet engagement dans son programme de 2005 et qu’un comité interministériel ait été créé à cette fin pour élaborer des stratégies en matière de parité.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir adopté des réformes judiciaires visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes. Ainsi, le Land Act No . 4 de 1999, tel qu’amendé en 1994, confère une valeur à la terre et permet de l’hypothéquer sans le consentement du conjoint, et le Village Lands Act No. 5 donne aux femmes le droit d’acquérir, de posséder et d’exploiter des terres au même titre que les hommes. Le Comité prend acte des propositions de la Commission chargée de la réforme de la législation visant à amender le droit successoral, le Law of Marriage Act de 1971 et la loi relative à la garde et à la tutelle des enfants.

Le Comité félicite l’État partie de coopérer avec les ONG à la défense des droits de la femme et de l’égalité des sexes, et d’avoir notamment adopté, en 2000, une stratégie précisant le rôle de ces organisations et, en 2002, le Non-Governmental Organizations Act No. 24, qui prévoit de les associer davantage à son action. Le Comité encourage le Gouvernement à poursuivre dans cette voie.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Tout en rappelant à l’État partie qu’il est tenu d’appliquer rigoureusement et sans exception toutes les dispositions de la Convention, le Comité l’appelle à porter en priorité son attention, d’ici à l a soumission de son prochain rapport périodique, sur les sujets de préoccupation et les recommandations énoncés dans les présentes observations finales. Il invite donc l’État partie à faire porter l’essentiel de ses efforts sur ces points et à rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Il l’appelle également à transmettre les présentes observations finales à l’ensemble des ministères et au Parlement, afin de s’assurer de leur application.

Définition

Le Comité fait remarquer que le 13e amendement à la Constitution, adopté en 2000, ajoute aux motifs de discrimination définis au paragraphe 13 (5) celui du sexe, et que la section 5 de l’article 12 de la Constitution de Zanzibar, telle qu’amendée en 2002, fait également mention de discrimination liée au sexe. Le Comité s’inquiète qu’en dépit de cet amendement, la définition de la discrimination ne soit toujours pas conforme à celle qui figure à l’article 1 de la Convention, qui en interdit toute forme, directe ou indirecte.

Il appelle l’État partie à réfléchir à un nouvel amendement de cette définition, de manière à y mentionner la discrimination directe et indirecte, conformément à l’article 1 de la Convention.

Lois de caractère discriminatoire

Le Comité déplore que, bien que la République-Unie de Tanzanie ait ratifié la Convention sans aucune réserve en 1985, elle ne l’ait toujours pas transposée dans sa législation. À défaut, les dispositions de la Convention ne font pas partie du cadre juridique national et ne peuvent donc pas être invoquées pour engager des poursuites judiciaires. Tout en saluant les efforts déployés par l’État partie pour réformer sa législation, notamment dans le cadre des travaux de la Commission créée à cette fin, le Comité regrette qu’une réforme complète de la justice ne soit pas à l’ordre du jour. Il s’agirait d’abolir les dispositions relatives à la discrimination liée au sexe et de combler les vides juridiques, afin de mettre la législation du pays en totale conformité avec la Convention et d’assurer l’égalité de droit entre les sexes. Le Comité s’inquiète, en particulier, du retard pris dans l’adoption des propositions d’amendement du Law of Marriage Act de 1971, du droit successoral et de la loi relative à la garde et à la tutelle des enfants. Il déplore également le maintien, en Tanzanie continentale comme au Zanzibar, d’autres dispositions du droit écrit et du droit coutumier discriminatoires à l’égard des femmes et, partant, incompatibles avec la Convention.

Le Comité invite instamment l’État partie à mener à bien en priorité la transposition complète de la Convention dans sa législation, à accélérer la réforme juridique en cours et à veiller, en coopération avec le Parlement, à amender ou abroger toutes les dispositions discriminatoires de la loi ou à les mettre en conformité avec la Convention et avec les recommandations générales du Comité. Il appelle l’État partie à faire prendre conscience aux parlementaires de l’urgence de ces réformes, afin d’assurer l’égalité de droit entre les sexes et de garantir le respect des engagements pris au titre des traités internationaux. Il l’encourage à établir un calendrier précis pour la mise en œuvre des réformes, y compris pour le vote des propositions d’amendement du Marriage Act de 1971, du droit successoral et de la loi relative à la garde et à la tutelle des enfants. Il recommande à l’État partie de mobiliser, à cette fin, le soutien technique de la communauté internationale.

[Sensibilisation et formation]

S’il constate avec satisfaction que la Convention a été traduite en swahili, le Comité juge préoccupant que la société en général, notamment les magistrats à tous les niveaux, ne soit pas suffisamment informée des droits des femmes qui sont énoncés dans la Convention et son Protocole facultatif. Il prend note de l’adoption du programme de réforme du système judiciaire, mais s’inquiète du faible nombre de juristes dans le pays, en particulier dans les zones rurales isolées, et de l’absence d’un système étendu d’aide judiciaire. Il note en outre avec préoccupation que les femmes ne sont pas au fait des droits que leur garantit la Convention et ne sont donc pas en mesure de les revendiquer.

Le Comité exhorte l’État partie à veiller à ce que la Convention, le Protocole facultatif et la législation nationale connexe deviennent partie intégrante de l’éducation et de la formation des magistrats et de la profession juridique. Il recommande que l’État partie garantisse que les juges des tribunaux communautaires, à tous les niveaux, reçoivent la formation voulue dans le domaine des droits de l’homme et concernant les dispositions de la Convention et de son Protocole facultatif, et que les femmes aient accès à ces tribunaux sur un pied d’égalité avec les hommes. Il exhorte en outre l’État partie à veiller à ce que les femmes et les dirigeants locaux aient connaissance de la Convention, grâce aux médias appropriés, et à ce que toutes les femmes qui en ont besoin reçoivent une aide judiciaire leur permettant d’accéder à la justice. Le Comité recommande par ailleurs que le Protocole facultatif soit traduit en swahili.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

Le Comité prend acte de l’action menée par l’État partie pour renforcer ses mécanismes nationaux de promotion de la femme, notamment le Ministère du développement communautaire, de la parité et des enfants pour le territoire tanzanien et le Ministère du travail, de la jeunesse, de l’emploi, des femmes et des enfants pour Zanzibar, et de la mise en place de centres chargés de coordonner ces questions dans les ministères, les services et organismes indépendants, les secrétariats régionaux et les collectivités locales, mais il déplore la faiblesse des capacités des deux ministères qui ne disposent pas des ressources humaines, financières et techniques voulues. De telles défaillances pourraient empêcher ces organes de s’acquitter efficacement de leurs fonctions s’agissant de promouvoir des programmes concrets en faveur des femmes, de coordonner efficacement les initiatives des différentes institutions relevant des mécanismes nationaux, à divers niveaux, et de veiller à l’intégration systématique du souci d’égalité dans tous les domaines de l’action des pouvoirs publics.

Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sans tarder ses mécanismes nationaux de promotion de la femme, en particulier le Ministère du développement communautaire, de la parité et des enfants pour le territoire tanzanien et le Ministère du travail, de la jeunesse, de l’emploi, des femmes et des enfants pour Zanzibar, afin de garantir l’existence d’institutions solides propres à promouvoir l’égalité des sexes. Il le prie en particulier instamment de conférer à ces mécanismes nationaux l’autorité voulue et de les doter des ressources humaines et financières nécessaires afin qu’ils puissent coordonner la mise en œuvre de la Convention et promouvoir de façon efficace l’égalité des sexes. Le Comité engage en outre l’État partie à renforcer les liens entre les niveaux national, régional et local s’agissant des activités destinées à promouvoir l’égalité des sexes, notamment en dispensant des cours de sensibilisation à ces questions et une formation à la prise en compte systématique du souci d’égalité.

Pratiques culturelles

Le Comité est préoccupé par la persistance de coutumes culturelles néfastes, qu’il s’agisse de pratiques et de traditions ou d’attitudes patriarcales ou de stéréotypes bien enracinés concernant les rôles, les responsabilités et l’identité des femmes et des hommes dans tous les aspects de la vie. Il s’inquiète du fait que ces coutumes et pratiques perpétuent la discrimination à l’égard des femmes, comme en témoigne leur situation défavorable et inégale dans de nombreux domaines, notamment dans la vie publique, au niveau de la prise de décisions et au sein du couple et de la famille, et déplore la persistance de la violence dont elles font l’objet et les coutumes et pratiques traditionnelles néfastes, notamment les mutilations génitales, la polygamie et la pratique de la dot, et constate que l’État n’a jusqu’à présent pas pris de mesure durable et systématique pour modifier ou éliminer les stéréotypes et les valeurs et pratiques culturelles négatives.

Le Comité prie l’État partie de considérer que les coutumes culturelles nationales sont des aspects dynamiques de la vie et du tissu social du pays et , par conséquent , susceptibles de changer. Il lui demande instamment de mettre en place sans plus tarder une stratégie globale, comportant un volet législatif, afin de modifier ou d’éliminer les pratiques culturelles et les stéréotypes qui constituent une discrimination à l’égard des femmes conformément à l’alinéa f) de l’article 2 et à l’alinéa a) de l’article 5 de la Convention. Ces mesures doivent comprendre des activités de sensibilisation à la question s’adressant tant aux hommes qu’aux femmes, à tous les niveaux de la société, et notamment aux chefs traditionnels, qui doivent être menées en collaboration avec la société civile. Le Comité prie instamment l’État partie de lutter plus activement contre les coutumes et pratiques culturelles et traditionnelles néfastes, telles que les mutilations féminines génitales, la polygamie et le versement d’une dot. Il l’encourage à faire appel à des mesures constructives et novatrices pour mieux faire comprendre la notion d’égalité entre hommes et femmes et à collaborer avec les médias pour les encourager à donner une image plus positive et moins stéréotypée des femmes.

La violence subie par les femmes

Tout en prenant note de l’adoption, en 2001, du Plan national d’action contre la violence à l’égard des femmes et des enfants (2001-2015) pour le territoire tanzanien et Zanzibar et du lancement par le Président, en mai 2008, d’une campagne nationale intitulée « Non aux violences faites aux femmes », le Comité se dit préoccupé par la forte prévalence de la violence à l’égard des femmes et des filles, notamment la généralisation de la violence familiale et de la violence sexuelle, et des viols. Il juge préoccupant que la société semble légitimer ce type de violence qui s’entoure d’une culture du silence et de l’impunité, C’est ainsi que les actes de violence sont rarement signalés et que ceux qui sont signalés sont traités en dehors des tribunaux. Par ailleurs, le Comité regrette que la mise en œuvre du Plan national d’action soit entravée par le manque de fonds et qu’aucun système étendu d’aide judiciaire n’ait été mis en place. Il déplore en outre que le viol conjugal ne soit pas considéré comme une infraction pénale et prend note avec inquiétude de la déclaration de l’État partie affirmant que la création de foyers d’accueil à l’intention des victimes de la violence n’est pas une solution viable pour le pays. Il regrette qu’il n’existe pas de données ni d’informations sur la violence à l’égard des femmes, ventilées par groupe d’âge.

Le Comité exhorte l’État partie à accorder une attention prioritaire à la lutte contre la violence dirigée contre les femmes et à adopter des mesures d’ensemble destinées à combattre toutes les formes de violence visant les femmes et les filles, conformément à sa recommandation générale n o 19. Il l’invite à faire prendre conscience à la population, par le biais des médias et de programmes éducatifs, que toutes les formes de violence infligées aux femmes constituent une discrimination au sens de la Convention et , partant, violent les droits de femmes. Le Comité prie l’État partie de faire en sorte que la violence à l’égard des femmes et des filles, notamment la violence familiale, le viol conjugal et toutes les formes d’abus sexuel, soit érigée en infraction pénale; que leurs auteurs soient poursuivis en justice, punis et rééduqués; et que les femmes et les filles victimes de violences aient immédiatement accès à des moyens de recours et à une protection. Il lui demande de supprimer tous les obstacles auxquels les femmes doivent faire face pour accéder à la justice et recommande qu’une aide judiciaire soit fournie à toutes les victimes de la violence et que des centres soient mis en place à cette fin dans les régions rurales ou reculées. Le Comité recommande en outre que l’on dispense aux magistrats et aux fonctionnaires, en particulier aux policiers, au personnel des services de santé et aux agents de développement communautaire, une formation qui les sensibilise à toutes les formes de violence infligée aux femmes et leur permette d’apporter aux victimes une aide adaptée à leurs besoins. Il recommande également de mettre en place des services de conseil pour les victimes de la violence et engage l’État partie à examiner à nouveau la possibilité de créer des foyers d’accueil à leur intention. Il prie l’État partie de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur la législation et les politiques en vigueur qui sont destinées à lutter contre la violence à l’égard des femmes et des filles et sur l’impact de ces mesures, ainsi que des données ventilées par âge et des indications sur l’évolution des diverses formes de ce type de violence.

Mutilations génitales féminines

Tout en se félicitant de la promulgation de la loi de 1998 sur les infractions sexuelles (dispositions spéciales), qui interdit les mutilations génitales féminines sur les filles âgées de moins de 18 ans, et de l’adoption du Plan national de lutte contre les mutilations génitales féminines (2001-2015), le Comité est préoccupé de constater que cette pratique se poursuit dans certaines régions du pays et que 18 % des femmes tanzaniennes s’y soumettent, ainsi qu’il est indiqué dans le rapport de l’État partie. Il regrette que l’interdiction de cette pratique ne soit pas respectée et déplore le laxisme dont font preuve les autorités concernées face à la tendance récente qui consiste à pratiquer ces mutilations sur les nouveau-nées dans le secret des foyers. Le Comité souligne que cette pratique néfaste constitue une violation des droits des filles et des femmes et rappelle les obligations incombant à l’État partie au titre de la Convention.

Le Comité demande instamment à l’État partie de mettre en œuvre la législation en vigueur interdisant la pratique des mutilations génitales féminines et d’adopter de nouvelles lois en tant que de besoin en vue d’éliminer cette pratique et d’autres pratiques traditionnelles néfastes pour l’ensemble des femmes. L’État partie devrait interdire les mutilations génitales féminines en toute circonstance et en particulier pour les filles âgées de moins de 18 ans, lutter contre la tendance récente qui consiste à pratiquer ces mutilations sur des nouveau-nées et renforcer l’application de la loi de 1998 afin de garantir que les contrevenants sont poursuivis en justice et dûment châtiés. Le Comité engage l’État partie à développer ses programmes de sensibilisation et d’éducation destinés tant aux femmes qu’aux hommes, avec l’aide de la société civile, en vue d’éliminer les mutilations génitales féminines et les croyances culturelles qui justifient ces pratiques. Il l’encourage par ailleurs à mettre au point des programmes de reconversion à l’intention des personnes qui exercent cette activité pour gagner leur vie.

Traite des femmes et exploitation à des fins de prostitution

S’il prend note de la ratification par l’État partie, en mai 2006, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et, notamment, du Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, le Comité se dit préoccupé par la persistance de la traite et de l’exploitation sexuelle des femmes et des filles dans le pays, en particulier s’agissant des filles pauvres qui doivent soutenir leur famille. Il regrette qu’il n’existe pas de données sur ces questions et que l’État partie n’ait pas mis au point un plan national de lutte contre la traite. Il juge inquiétantes les informations fournies par l’État partie selon lesquelles la traite est pratiquée de manière clandestine et se confond parfois avec les mouvements migratoires des campagnes vers les villes.

Le Comité exhorte la Tanzanie à appliquer effectivement la loi réprimant la traite des personnes, qui doit inclure des mesures de prévention, permettre de poursuivre et de sanctionner sans délai les trafiquants et prévoir des dispositions visant à protéger les victimes et à leur fournir un appui. Le Comité recommande par ailleurs de sensibiliser les magistrats, les agents des forces de l ’ ordre, y compris la police des frontières, les agents de la fonction publique, les travailleurs sociaux et les agents de développement communautaire à cette nouvelle loi, et de leur dispenser une formation aux fins de son application. Il recommande en outre que l ’ État partie adopte un plan d ’ action général pour lutter contre la traite et veille à ce que les ressources humaines et financières voulues soient affectées à son exécution, y compris la collecte de données ventilées. Le Comité recommande aussi que l ’ État partie mène une étude sur la traite et s ’ attaque aux causes profondes de celle-ci, et pren n e des mesures pour remédier à la vulnérabilité des filles et des femmes à l ’ exploitation sexuelle et à la traite, et œuvre à la réhabilitation et à la réintégration sociale des femmes et des filles victimes de l ’ exploitation et de la traite.

Participation à la vie politique et publique

Tout en prenant note de l’augmentation sensible du nombre de femmes au Parlement, le Comité constate que les avancées ne sont pas les mêmes et que des obstacles subsistent dans d’autres domaines de la vie publique et professionnelle, notamment dans les sphères gouvernementales, la diplomatie, l’appareil judiciaire et l’administration publique, principalement aux postes de haut niveau.

Le Comité recommande que l ’ État partie s ’ emploie systématiquement à favoriser la participation pleine et égalitaire des femmes aux décisions, impératif démocratique pour tous les domaines de la vie publique et professionnelle. Il recommande à l ’ État partie de pleinement suivre la recommandation générale 23 concernant les femmes dans la vie publique, et lui demande de prendre des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale 25 , pour que la pleine participation des femmes à la vie publique et politique, dans des conditions d ’ égalité, en particulier aux postes de décision élevés, se concrétise plus rapidement. Il recommande la mise en œuvre d ’ activités de sensibilisation à l ’ importance de la participation des femmes à la prise de décisions pour la société dans son ensemble et la mise au point de programmes de formation et d ’ encadrement destinés aux femmes candidates et aux femmes élues à des fonctions officielles. Il recommande en outre que l ’ État partie offre des programmes de formation à la direction et à la négociation aux dirigeantes actuelles et à venir. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à l ’ efficacité des mesures prises, de suivre les résultats obtenus et de faire rapport à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Nationalité

Tout en prenant note des informations fournies par la délégation au sujet d’un Livre blanc et d’un projet de loi relatif à la double nationalité qui sont actuellement à l’examen, le Comité s’inquiète de la discrimination dont les femmes continuent de faire l’objet dans l’actuelle loi sur la nationalité (1995), s’agissant de l’acquisition de la citoyenneté fondée sur leur situation matrimoniale, et de la transmission de leur nationalité à leurs enfants nés à l’étranger, cette discrimination constituant une violation de l’article 9 de la Convention.

Le Comité exhorte l ’ État partie à accélérer le processus engagé et à amender promptement la loi de 1995 sur la citoyenneté de manière à ce qu ’ elle soit pleinement conforme à l ’ article 9 de la Convention.

Éducation

Tout en se félicitant des avancées réalisées dans le domaine de l’éducation, en particulier du grand nombre de programmes éducatifs évoqués au paragraphe 8 ci-dessus et de la parité récemment atteinte s’agissant de la scolarisation dans le primaire, le Comité s’inquiète du manque d’information concernant les crédits spécifiquement alloués à l’exécution de ces programmes. Il s’inquiète également de l’inadéquation des infrastructures éducatives et des matériels pédagogiques, ainsi que du nombre limité d’enseignants qualifiés, de la différence marquée en termes de qualité et d’accessibilité de l’éducation entre les zones urbaines d’une part et les zones rurales ou isolées d’autre part, du manque d’informations ventilées sur les taux d’alphabétisation, du taux de passage du primaire au secondaire moins élevé chez les filles que chez les garçons et de la disparité entre les jeunes femmes et les jeunes hommes dans les universités publiques et dans le secteur de l’enseignement professionnel et technique. Le Comité juge préoccupantes aussi les attitudes traditionnelles qui font obstacle à l’éducation des filles, et les taux d’abandon scolaire liés aux mariages précoces, aux grossesses, à l’absentéisme scolaire et à la participation aux tâches domestiques et aux soins dispensés aux malades et aux enfants. Le Comité estime tout particulièrement inquiétantes les informations selon lesquelles les filles enceintes très jeunes sont expulsées des écoles en Tanzanie. Il rappelle que l’éducation est essentielle à la promotion de la femme et que le faible niveau d’éducation des femmes et des filles demeure l’un des principaux obstacles au plein exercice de leurs droits fondamentaux.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie de davantage respecter l ’ article 10 de la Convention et de sensibiliser la société à l ’ importance de l ’ éducation en tant que droit fondamental et base de la démarginalisation des femmes. Il encourage l ’ État partie à prendre des mesures pour avoir raison des attitudes traditionnelles qui , à certains égards , font obstacle à l ’ éducation des filles et des femmes. Il recommande de mettre en œuvre des mesures visant à assurer l ’ égalité d ’ accès des femmes et des filles à tous les niveaux de l ’ enseignement, à maintenir les filles à l ’ école et à renforcer la mise en œuvre des politiques de rescolarisation afin que les filles puissent reprendre l ’ école après avoir donné naissance à un enfant. L ’ État partie devrait prendre les mesure s nécessaires pour accroître le nombre d ’ enseignants qualifiés, notamment en dispensant une formation appropriée et continue, et veiller à l ’ existence d ’ infrastructures éducatives, spécialement dans les zones rurales, et de matériels pédagogiques adéquats. Le Comité exhorte l ’ État partie à affecter les ressources budgétaires nécessaires à l ’ exécution des divers projets et programmes, et le prie de fournir des informations sur les mesures prises et leur impact dans son prochain rapport.

Emploi

Le Comité prend note des diverses mesures prises par l’État partie, notamment l’intégration dans la législation nationale des normes internationales du travail grâce à l’adoption de la loi relative aux services d’emploi (1999), qui accorde aux hommes et aux femmes les mêmes chances d’accès à l’emploi; de la loi relative à l’emploi et aux relations de travail (2004) applicable à tous les employeurs; et d’une politique de mesures préférentielles en matière d’emploi dans la fonction publique; il apprécie aussi le fait que, dans le secteur public, les hommes et les femmes ont droit à une rémunération égale correspondant à leur travail. Il juge toutefois préoccupants la prédominance masculine dans le service public et le fait que la majorité des femmes employées dans ce secteur occupent des postes de niveau inférieur ou moyen. Le Comité constate avec préoccupation aussi que, si le Statut général de la fonction publique (1984) et la loi relative à l’emploi et aux relations de travail prévoient un congé de maternité payé, ce congé ne peut être obtenu que tous les trois ans, et les dispositions du Statut général ne lient pas les employeurs du secteur privé. Le Comité s’inquiète aussi du fait que le harcèlement sexuel demeure un grave problème pour les travailleuses. Il juge préoccupante la situation précaire du nombre élevé de femmes employées dans le secteur informel, essentiellement dans le secteur agricole et dans celui des petites entreprises, de l’industrie alimentaire et de l’artisanat, où elles ont un accès limité à la terre et ne bénéficient ni de la sécurité de l’emploi ni de l’accès aux prestations sociales. Le Comité déplore de ne pouvoir se faire une idée claire de la participation des femmes à la main-d’œuvre urbaine et rurale, des écarts de salaires entre hommes et femmes, de la ségrégation verticale et horizontale dont sont victimes les femmes dans la main-d’œuvre et de leur accès aux nouveaux débouchés économiques, faute de données sur la question.

Le Comité prie l ’ État partie de garantir l ’ égalité des chances des hommes et des femmes sur le marché du travail, conformément à l ’ article 11 de la Convention. Il lui demande de faire en sorte que la législation en matière d ’ emploi vaille aussi bien pour le secteur public que pour le secteur privé et qu ’ elle soit appliquée sans exception. Il exhorte l ’ État partie à mettre en place un cadre réglementaire pour le secteur informel afin que les femmes aient accès à la protection et aux prestations sociales. Il invite l ’ État partie à donner dans son prochain rapport des renseignements précis et notamment des données ventilées par sexe avec une analyse conjoncturelle et tendancielle sur les femmes face à l ’ emploi dans les secteurs structurés et non structurés, et sur les mesures prises pour garantir l ’ égalité des chances des deux sexes dans le monde du travail et leurs effets, notamment en ce qui concerne les nouveaux débouchés et la création d ’ entreprise. Il le prie également de fournir dans son prochain rapport des renseignements détaillés sur les dispositions juridiques consacrant le principe de l ’ égalité des salaires à travail de même valeur et sur leur suivi et leur application, ainsi que sur les dispositifs de recours, les statistiques concernant leur utilisation par les femmes et les résultats obtenus.

Avantages économiques et sociaux

Le Comité prend note de l’adoption en 2000 de la Politique nationale en matière de microfinance, qui définit les principes directeurs à suivre pour garantir l’équité et l’égalité entre hommes et femmes en matière d’accès aux services financiers; de l’existence du Fonds pour la promotion de la femme; et des informations présentées par la délégation selon lesquelles le Gouvernement apporte actuellement son concours à la création d’une Banque des femmes. Il est toutefois préoccupé par le fait que les prêts accordés aux femmes restent assortis de taux d’intérêt élevés et par la prévalence de conditions contraignantes, qui font obstacle à la promotion de la femme. Le Comité note avec préoccupation que, si l’on estime que les femmes représentent 43 % de l’ensemble des chefs d’entreprise, elles exercent essentiellement dans les secteurs à faible croissance produisant des recettes inférieures à celles obtenues par leurs homologues masculins, et se heurtent à des obstacles socioculturels ainsi qu’à des barrières juridiques, réglementaires et administratives.

Conformément à l ’ article 13 de la Convention, le Comité recommande que l ’ État partie prenne les mesures voulues pour que les prêts accordés soient assortis de taux d ’ intérêts minimaux afin d ’ être accessibles à davantage de femmes, et pour supprimer les conditions contraignantes. Il demande à l ’ État partie de lever les barrières auxquelles se heurtent les femmes chefs d ’ entreprise en concevant des programmes spécifiques et en élaborant des dispositifs d ’ évaluation permettant de déterminer si les programmes de formation à la création d ’ entreprise aident ces femmes. L ’ État partie devrait par ailleurs prendre les mesures nécessaires pour que la Banque des femmes soit opérationnelle dès que possible.

Santé

Le Comité se félicite d’un certain nombre d’initiatives engagées par l’État partie pour améliorer la situation dans le secteur de la santé depuis l’examen de son dernier rapport périodique, en particulier le lancement en 1998 d’un programme de participation aux coûts des services médicaux, l’élaboration d’une Feuille de route stratégique nationale visant à accélérer la réduction du nombre de décès maternels et infantiles en Tanzanie (2006-2010), l’initiative « ruban blanc » et la Stratégie relative à la santé de la reproduction et à la santé de l’enfant (2004-2008), prévoyant des services de santé maternelle et infantile gratuits. Il juge toutefois préoccupant que le taux de mortalité maternelle, notamment lié aux décès résultant de l’anémie, et le taux de mortalité infantile demeurent élevés, et que l’espérance de vie des femmes ait diminué. Il prend note de la mise en place en 1998 d’un programme de préparation à la vie familiale, mais s’inquiète de voir que les femmes n’ont pas toujours accès à des services de santé sexuelle et procréative de qualité et que les programmes d’éducation sexuelle ne mettent pas suffisamment l’accent sur la prévention des grossesses précoces et la surveillance des maladies sexuellement transmissibles. Il craint aussi que le comportement négatif des travailleurs de la santé n’entrave l’accès des femmes aux soins. Il est par ailleurs préoccupé de constater que la demande de services de planification familiale n’est pas satisfaite et que le taux d’utilisation des moyens de contraception est faible.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour réduire les taux de mortalité maternelle et infantile et accroître l’espérance de vie des femmes. Il engage l’État partie à n’épargner aucun effort pour informer les femmes des possibilités qui leur sont offertes de recevoir des soins et l’assistance médicale de personnel spécialisé, et pour accroître ces possibilités, surtout dans les zones rurales. Il exhorte l’État partie à faire en sorte que les agents sanitaires soient à l’écoute des enfants, ce qui ne manquerait d’améliorer la qualité des services. Il recommande également à l’État partie d’adopter des mesures visant à informer le public sur les méthodes de contraception peu coûteuses qui existent et à rendre celles-ci plus accessibles de façon que les femmes et les hommes puissent prendre de bonnes décisions quant au nombre de leurs enfants et à l’espacement des naissances. Il recommande en outre que l’éducation sexuelle soit encouragée partout et ciblée sur les adolescents, filles et garçons, en mettant l’accent sur la prévention des grossesses précoces et la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles. Il engage l’État partie à continuer de solliciter le soutien de la communauté internationale sur les plans financier et technique pour pouvoir prendre les mesures nécessaires et améliorer la santé des femmes.

VIH/sida

Le Comité prend note de la légère baisse récente du taux de prévalence du VIH, à preuve la proportion des adultes âgés entre 15 et 49 ans vivant avec le VIH/sida qui est passée à 6,5 % en 2005, et se félicite de l’adoption d’un Cadre stratégique multisectoriel national sur le VIH/sida (2003-2007) et d’une politique nationale de lutte contre le VIH/sida à l’instigation de la Commission tanzanienne sur le sida et de la Commission de lutte contre le sida de Zanzibar, ainsi que de la loi relative à la prévention et à la lutte contre le VIH/sida de 2008 dont l’objet est de prévenir et proscrire la stigmatisation et la discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH/sida. Il constate toutefois avec préoccupation que l’État partie doit toujours faire face à une épidémie grave, en particulier chez les jeunes femmes en âge de procréer. Il craint que les politiques et la législation en vigueur ne tiennent pas suffisamment compte de la situation spécifique des hommes et des femmes et ne protègent pas dûment les droits des femmes et des filles infectées par le VIH. Il déplore tout particulièrement que les rapports de force entre hommes et femmes demeurent inégaux et que la condition inférieure des filles et des femmes les empêche de négocier des rapports sexuels protégés et les rende plus vulnérables à l’infection.

Le Comité recommande à l’État partie de continuer à chercher à atténuer l’incidence du VIH/sida sur les femmes et les filles, ainsi que ses conséquences sur les plans social et familial. Il engage l’État partie à mettre davantage l’accent sur l’autonomisation des femmes et à tenir compte expressément et sans ambiguïté des problèmes qui leur sont propres dans ses politiques et programmes de lutte contre le VIH/sida. Il demande à l’État partie de rendre compte des mesures prises et de leur incidence dans son prochain rapport.

Femmes rurales

Le Comité s’inquiète de la situation désavantagée des femmes des zones rurales et isolées, c’est-à-dire la majorité des Tanzaniennes, dont la situation est caractérisée par la pauvreté, l’analphabétisme, les difficultés d’accès aux services sanitaires et sociaux et le manque de participation aux décisions communautaires. Il constate également avec préoccupation que les stéréotypes traditionnels concernant le rôle des femmes sont très répandus dans les zones rurales et que les femmes rurales sont souvent vouées au travail de la terre et à l’éducation des enfants. Il prend note de l’adoption de la loi no 4 de 1999 relative au régime foncier, qui a été révisée en 2004, et de la loi no 5 de 1999 relative aux terres de villages, qui abolissent les pratiques traditionnelles discriminatoires concernant les droits fonciers des femmes, et de la loi no 2 de 2002 relative aux tribunaux pour le règlement des différends fonciers qui dispose que ces tribunaux doivent être composés de 43 % de femmes au moins, mais constate avec préoccupation que les femmes rurales n’ont souvent guère accès à la propriété foncière malgré les dispositions juridiques qui existent à cet égard, ainsi que le montre la faible proportion de femmes à posséder des terres. Le Comité relève également avec préoccupation que les lois foncières révisées ne traitent pas de la question des droits de succession qui sont au désavantage des femmes. Il s’inquiète de ce que les femmes connaissent mal les droits qui sont les leurs sur le plan foncier et n’ont pas les moyens de les faire respecter.

Le Comité recommande que l’État partie prenne les mesures voulues pour accroître et renforcer la participation des femmes à la conception et à l’exécution des plans locaux de développement et qu’il se soucie particulièrement des besoins des rurales, notamment chefs de famille, en faisant en sorte qu’elles soient associées aux processus décisionnels et qu’elles aient un meilleur accès aux services de santé, d’éducation, d’adduction d’eau potable et d’assainissement, aux terres fertiles et à des travaux rémunérateurs. Il engage l’État partie à prendre les mesures appropriées pour éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au niveau de la propriété et de l’héritage de terres. Il engage également l’État partie à adopter des lois contre les pratiques discriminatoires en matière d’héritage. Il exhorte l’État partie à faire des réformes législatives et l’invite à faire connaître aux femmes, en particulier celles vivant en zones rurales, leurs droits fonciers et de propriété grâce à des programmes de sensibilisation et des services de vulgarisation juridique. Il encourage l’État partie à offrir une assistance juridique aux femmes rurales qui souhaitent porter plainte pour discrimination. Il demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport des données détaillées sur la situation des femmes rurales dans les domaines visés dans la Convention, et notamment sur les facteurs expliquant le faible pourcentage de femmes, par rapport aux hommes, qui possèdent des terres, et sur les efforts qu’il déploie pour faire augmenter ce pourcentage.

Groupes de femmes vulnérables

Tout en reconnaissant les efforts entrepris, le Comité se dit inquiet de la situation vulnérable de certains groupes de femmes, dont les femmes âgées. Il est en particulier très inquiet de la situation sociale de ces dernières, qui sont victimes de la pauvreté, de l’intimidation, de l’isolement, voire qui se font maltraiter ou tuer parce qu’accusées de sorcellerie. Le Comité se dit très inquiet d’apprendre que des albinos, y compris des femmes et des filles, ont été victimes de meurtres rituels. Le Comité regrette le manque d’informations sur la situation des femmes handicapées.

Le Comité recommande que l’État partie accorde une attention particulière à la situation précaire des femmes âgées et des femmes handicapées et fasse en sorte qu’elles aient un accès total aux services sanitaires et sociaux et aux processus décisionnels et trouvent des emplois convenables sur le marché du travail. Il invite aussi l’État partie à adopter des programmes spéciaux pour atténuer la pauvreté chez ces groupes de femmes et pour combattre toutes les formes de discrimination à leur égard. Il engage l’État partie à réfuter les idées traditionnelles sur les femmes âgées, notamment les accusations de sorcellerie, et à protéger les femmes et les filles albinos contre les meurtres rituels. Il demande à l’État partie de lui communiquer dans son prochain rapport d’autres éléments d’information, notamment des données désagrégées, sur la situation des femmes âgées et des femmes handicapées.

Femmes réfugiées

Le Comité se félicite que l’État partie accueille des réfugiés venant de pays voisins et qu’il ait promulgué en 1998 une loi relative aux réfugiés. Le Comité demeure toutefois préoccupé par le manque d’informations sur les femmes réfugiées dans les camps tanzaniens. Il se dit particulièrement préoccupé par les informations selon lesquelles, dans les communautés de réfugiés, les femmes ne sont pas protégées comme il convient contre toutes les formes de violence et ne disposent pas des voies de recours adéquates, et par l’impunité apparente de ceux qui perpètrent ces violences.

Le Comité prie l’État partie de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur la situation des femmes réfugiées en Tanzanie, en particulier sur les moyens utilisés pour protéger ces femmes contre toutes les formes de violence et les mécanismes qui ont été mis en place pour leur permettre de demander réparation et de se réinsérer dans la société. Il exhorte également l’État partie à faire enquêter sur les cas de violence faite aux femmes réfugiées et à faire en sorte que les responsables de ces actes soient châtiés. Il encourage également l’État partie à continuer de collaborer avec la communauté internationale, en particulier le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) dans ces efforts.

Relations familiales

Le Comité constate avec préoccupation qu’il existe de multiples régimes matrimoniaux dans l’État partie. Il est particulièrement préoccupé par le fait que le droit coutumier et l’article 10 de la loi de 1971 relative au mariage autorisent la polygamie alors que l’article 15 de ladite loi interdit aux femmes d’avoir plus d’un mari et que les projets d’amendement ne proscrivent pas la polygamie. Il note que, selon le projet d’amendement à la loi relative au mariage, l’âge minimum légal du mariage serait de 18 ans pour les filles et les garçons, et non plus de 15 ans pour les filles et de 18 ans pour les garçons, comme le dispose l’article 13 de ladite loi, mais il s’inquiète de ce que cet amendement n’est toujours pas adopté. Il constate en outre avec préoccupation que la loi relative au droit des personnes dispose le paiement de la dot et que les pratiques traditionnelles discriminatoires persistent dans le mariage et les relations familiales, notamment le lévirat et les rites dits de purification des veuves.

Le Comité demande instamment à l’État partie d’harmoniser le droit civil, religieux et coutumier avec l’article 16 de la Convention, et de mener à bien sa réforme juridique concernant le mariage et les relations familiales pour que son dispositif législatif soit conforme aux articles 15 et 16 de la Convention, selon un calendrier déterminé. Il invite l’État partie à veiller à ce que, en cas de conflit entre le droit écrit et le droit coutumier, le premier l’emporte. Il demande en outre à l’État partie de prendre des mesures pour éliminer la polygamie, conformément à la recommandation générale 21 du Comité sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales. Il engage l’État partie à amender rapidement la loi relative au mariage pour fixer l’âge minimum légal du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons, conformément aux normes acceptables sur le plan international.

Collecte des données

Tout en notant que le rapport mentionne l’existence d’une base de données dans le système informatisé de suivi de l’égalité entre hommes et femmes du Ministère du développement communautaire, des affaires féminines et de l’enfance, le Comité regrette qu’il ne contienne pas de données statistiques suffisantes sur la situation des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention. Il se dit préoccupé aussi par le manque d’information sur l’impact des mesures prises et les résultats obtenus concernant divers volets de la Convention.

Le Comité demande à l ’ État partie de mettre sur pied un système de collecte des données, qui utilise entre autres des indicateurs mesurables pour évaluer l ’ évolution de la situation des femmes et les progrès vers l ’ égalité de fait entre les sexes, et d ’ allouer des ressources budgétaires suffisantes à cet effet. Il invite l ’ État partie à solliciter, si nécessaire, une aide internationale en vue de faciliter cet effort de collecte et d ’ analyse des données. Le Comité prie également l ’ État partie de présenter dans son prochain rapport des données et des analyses statistiques, ventilées par sexe et entre zones rurales et urbaines, en indiquant l ’ impact des politiques et des mesures de programmation prises et les résultats obtenus.

Le Comité encourage l ’ État partie à accepter, dès que possible, la modification du paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention, relatif à la durée de ses réunions.

Tout en réaffirmant que le Gouvernement a la responsabilité première de la pleine observation des obligations que la Convention impose à l ’ État partie et en est au premier chef comptable, le Comité rappelle que la Convention lie toutes les branches du Gouvernement, et invite l ’ État partie à encourager le p arlement national à prendre, conformément à ses procédures, toutes mesures nécessaires aux fins de la prise en compte des présentes observations finales et de l ’ établissement du prochain rapport que le Gouvernement doit présenter au titre de la Convention.

Le Comité engage l ’ État partie à s ’ acquitter pleinement de ses obligations en vertu de la Convention en se fondant sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de présenter des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité souligne également qu ’ une application intégrale et effective de la Convention est un préalable indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Il demande à l ’ État partie d ’ adopter une démarche soucieuse de l ’ égalité des sexes et de s ’ appuyer expressément sur les dispositions de la Convention dans tous ses efforts pour atteindre ces objectifs , et le prie de lui fournir des renseignements à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Le Comité note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme renforce l ’ exercice par les femmes de leurs droits individuels et libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. En conséquence, le Comité encourage le Gouvernement tanzanien a envisager de ratifier les traités auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en République-Unie de Tanzanie de manière à ce que la population, notamment les membres de l ’ administration et les responsables politiques, les parlementaires et les associations féminines et les organisations de défense des droits de l ’ homme, soit informée des mesures prises pour assurer l ’ égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qu ’ il reste à prendre dans ce domaine. Il prie l ’ État partie de diffuser largement, en particulier auprès des associations de femmes et des organisations de défense des droits de l ’ homme, le texte de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing et du Document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale intitulée «  Les femmes en l ’ an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle  » .

[Suivi des observations finales]

[59.Le Comité demande à l ’ État partie de lui communiquer dans un délai de [deux ans] des renseignements écrits sur les mesures qu ’ il aura prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes [16, 26 et 50] ci-dessus. Il le prie également d ’ envisager de solliciter des services de coopération et d ’ assistance techniques, y compris des services consultatifs, si nécessaire et selon qu ’ il conviendra, aux fins de la mise en œuvre des recommandations susmentionnées.]

Date du prochain rapport

60. Le Comité prie l ’ État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il présentera en application de l ’ article 18 de la Convention. Il l ’ invite à lui faire tenir son [septième rapport périodique, qu ’ il doit soumettre en 2010, et son huitième rapport périodique, qu ’ il doit soumettre en 2014, sous forme d ’ un rapport unique en 2014].