Nations Unies

CEDAW/C/TKM/CO/3-4

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

9 novembre 2012

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes

Observations finales sur les troisième et quatrième rapports périodiques du Turkménistan adoptées par le Comité à sa cinquante-troisième session (1er-19 octobre 2012)

1.Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques du Turkménistan, présentés en un seul document (CEDAW/C/TKM/3-4) à ses 1085e et 1086e séances, le 11 octobre 2012 (voir CEDAW/C/SR.1085 et 1086). La liste des points et questions du Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/TKM/Q/3-4, et les réponses du Gouvernement turkmène sous la cote CEDAW/C/TKM/Q/3-4/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité prend note de la présentation par l’État partie de ses troisième et quatrième rapports périodiques, réunis en un seul document, qui, dans l’ensemble, est conforme aux directives du Comité concernant l’établissement des rapports. Il regrette toutefois que le rapport ait été présenté avec retard et qu’il ne contienne pas de données récentes ventilées par sexe. Le Comité remercie l’État partie pour son exposé oral, accompagné d’une présentation Power Point, pour les réponses écrites à la liste des points et questions établie par le Groupe de travail de présession et pour les précisions qu’il a apportées en réponse aux questions orales du Comité.

3.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau composée de représentants des deux sexes, dirigée par Mme Yazdursun Gurbannazarova, Directrice de l’Institut national pour la démocratie et les droits de l’homme auprès du Président du Turkménistan. La délégation comprenait trois vice-ministres, une parlementaire et la Présidente de l’Union des femmes du Turkménistan. Le Comité se félicite du dialogue constructif qui a eu lieu entre la délégation et les membres du Comité, mais observe que certaines questions ont reçu des réponses vagues et que d’autres sont restées sans réponse.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’adoption de ses observations finales précédentes, en 2006, notamment les réformes législatives qui ont été menées et la promulgation de toute une série de textes législatifs. Il cite en particulier les suivants:

a)Le Code de la famille (2012);

b)Le Code pénal (2010);

c)Le Code d’exécution des peines (2011);

d)La loi sur le barreau et la profession d’avocat (2010);

e)Le Code de procédure pénale (2009);

f)Le Code du travail (2009);

g)La loi sur l’éducation (2009);

h)Le Code de la protection sociale (2007);

i)La loi sur la lutte contre la traite des êtres humains (2007);

j)La loi sur les garanties apportées par l’État au respect de l’égalité en droits des femmes (2007);

k)La loi sur les organismes de microfinancement et le microfinancement (2011).

5.Le Comité se félicite de l’adoption des politiques suivantes:

a)La Stratégie nationale de lutte contre le VIH (2012-2016);

b)Le Programme national de développement précoce de l’enfant (2011-2015);

c)Le Programme national de lutte contre le trafic illicite de narcotiques, de substances psychotropes et de leurs précurseurs, et d’aide aux toxicomanes (2011-2015).

6.Le Comité prend acte avec satisfaction de la création en 2007 d’une commission interministérielle pour l’exécution des obligations internationales du Turkménistan en matière de droits de l’homme, y compris la mise en œuvre de la Convention.

7.Le Comité se réjouit de l’adhésion de l’État partie aux instruments suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention (en 2009);

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées (en 2008);

c)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits des personnes handicapées (en 2010);

d)La Convention relative au statut des apatrides (en 2011);

e)La Convention sur la réduction des cas d’apatridie (en 2012).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

8.Rappelant l’obligation faite à l’État partie d’appliquer de manière systématique et constante l’ensemble des dispositions de la Convention, le Comité considère que l’État partie devra accorder une attention prioritaire aux préoccupations et recommandations formulées dans les présentes observations finales jusqu’à la présentation de son prochain rapport périodique. Il lui demande donc instamment d’axer ses efforts sur les domaines correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Le Comité demande également à l’État partie de communiquer les présentes observations finales à tous les ministères concernés, au Parlement et à l’appareil judiciaire pour en assurer la pleine application.

Mejlis (Parlement)

9. Tout en réaffirmant que le Gouvernement est responsable au premier chef et comptable de l ’ exécution intégrale des obligations que la Convention impose à l ’ État partie, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour l ’ ensemble des pouvoirs publics et invite l ’ État partie à encourager son Parlement à prendre, conformément à ses procédures et selon que de besoin, les mesures nécessaires aux fins de l ’ application des présentes observations finales et de l ’ établissement du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

Visibilité de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandationsgénérales du Comité

10.Le Comité se félicite de la ratification par l’État partie du Protocole facultatif à la Convention, le 20 mai 2009. Il est toutefois préoccupé par la méconnaissance générale dans l’État partie de la notion d’égalité réelle entre les sexes et des recommandations générales du Comité. Il craint en outre que les femmes elles-mêmes, surtout celles qui vivent dans des zones rurales ou reculées, ignorent les droits que leur confère la Convention et ne disposent donc pas des informations nécessaires pour les faire valoir.

11. Le Comité invite l ’ État partie:

a) À prendre les mesures requises pour assurer la diffusion voulue de la Convention et des recommandations générales du Comité, ainsi que de ses recommandations au titre du Protocole facultatif, auprès des parties prenantes, notamment les fonctionnaires des ministères, les parlementaires, les membres de l ’ appareil judiciaire, les représentants de la loi et les responsables communautaires, de  façon à susciter une prise de conscience des droits fondamentaux de la femme et à établir solidement dans le pays une culture juridique en faveur de l ’ égalité des femmes et de la non-discrimination;

b) À prendre toutes les mesures qui s ’ imposent pour mieux informer les femmes de leurs droits et des moyens de les faire respecter, en particulier dans les zones rurales ou reculées, et notamment à leur donner des informations sur la Convention en recourant à tous les moyens appropriés, tels que la coopération avec la société civile et les médias.

Place de la Convention dans l’ordre juridique interne et définition de la discrimination à l’égard des femmes

12.Le Comité regrette que, bien que l’article 6 de la nouvelle Constitution reconnaisse expressément la primauté des normes universellement acceptées du droit international et prévoie qu’en cas de conflit de textes, les règles de l’instrument international l’emportent, les décisions des juridictions nationales n’invoquent pas suffisamment la Convention et les recommandations générales du Comité pour faire connaître les règles et normes de la Convention. Le Comité est également préoccupé par le fait que la définition de la discrimination à l’égard des femmes figurant dans la Constitution de l’État partie ne mentionne que les droits civils, et qu’elle n’est donc pas conforme à l’article premier de la Convention. En outre, le Comité exprime une nouvelle fois la crainte que les lois qui ne font pas de distinction entre les sexes puissent perpétuer la discrimination indirecte envers les femmes.

13. Le Comité demande instamment à l ’ État partie:

a) De prendre des mesures pour faire en sorte que les dispositions de la Convention soient pleinement appliquées dans l ’ ordre juridique interne;

b) De dispenser aux membres de la magistrature et du barreau une formation sur la Convention et les recommandations générales du Comité, et de les encourager à invoquer la Convention et les règles et normes qui y sont énoncées, afin d ’ accroître leur visibilité;

c) D ’ introduire dans la Constitution ou dans la loi sur les garanties apportées par l ’ État au respect de l ’ égalité en droits des femmes le principe de l ’ application de l ’ égalité à tous les droits, dont les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, ainsi qu ’ une définition de la discrimination à l ’ égard des femmes conforme à l ’ article premier de la Convention.

Mécanisme national de promotion de la femme

14.Le Comité regrette de ne pas avoir pu se faire une idée précise du mécanisme national de promotion de la femme de l’État partie. Il a pris acte de l’existence de l’Institut pour la démocratie et les droits de l’homme, de l’Union des femmes et de la Commission interministérielle, mais il est préoccupé par le caractère fragmenté du dispositif de l’État partie, ainsi que par le manque d’informations sur ses attributions, ses pouvoirs, les ressources humaines et financières dont il dispose et sa capacité de pourvoir comme il convient à l’élaboration de politiques en faveur de l’égalité des sexes et à leur mise en œuvre intégrale dans le cadre des activités de tous les ministères et services gouvernementaux. Le Comité s’inquiète en outre de l’absence d’un plan d’action national pour la mise en œuvre de la Convention.

15. Le Comité engage l ’ État partie:

a) À établir un mécanisme national de promotion de la femme centralisé, doté d ’ un mandat et de responsabilités clairement définis, et à lui fournir des ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour qu ’ il puisse jouer un rôle de coordination et œuvrer efficacement à la promotion de l ’ égalité des sexes et d ’ une démarche soucieuse de l ’ égalité des sexes;

b) À dispenser une formation sur les droits des femmes à tous ceux, femmes et hommes, qui œuvre nt dans le cadre du mécanisme national de promotion de la femme;

c) À adopter un plan d ’ action national pour la mise en œuvre de la Convention, en prêtant une attention particulière à l ’ application des présentes observations finales;

d) À renforcer ses mécanismes d ’ étude d ’ impact pour faire en sorte que ses politiques en faveur de l ’ égalité des sexes, de même que leur mise en œuvre, fassent l ’ objet d ’ un suivi et d ’ une évaluation appropriés.

Institution nationale des droits de l’homme

16.Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie ne s’est pas encore doté d’une institution nationale des droits de l’homme indépendante disposant d’un large mandat pour protéger et promouvoir les droits fondamentaux des femmes, conformément aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), malgré la recommandation faite en ce sens dans le cadre de l’Examen périodique universel du Turkménistan qui a eu lieu en 2009 (voir A/HRC/10/29) et la recommandation formulée par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels en 2011 (E/C.12/TKM/CO/1, par. 7).

17. Le Comité invite instamment l ’ État partie à éta blir, dans un délai précis, une  institution nationale des droits de l ’ homme indépendante conforme aux Principes de Paris, qui devrait être chargée, notamment, des questions liées à l ’ égalité entre femmes et hommes.

Mesures temporaires spéciales

18.Le Comité constate à nouveau avec préoccupation que l’État partie ne semble pas comprendre l’objet et la nécessité des mesures temporaires spéciales prévues au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention. À ce propos, il s’inquiète de ce que des mesures temporaires spéciales ne soient pas appliquées systématiquement en tant que stratégie nécessaire pour accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre femmes et hommes dans les domaines visés par la Convention, en particulier ceux de l’emploi et de la participation à la vie politique et publique, et d’autres domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées.

19. Le Comité encourage l ’ État partie à adopter des mesures temporaires spéciales, conformément aux dispositions du paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à l ’ interprétation qu ’ il en a donnée dans sa Recommandation générale  n o  25 (2004), dans tous les domaines visés par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées. À cette fin, il recommande à l ’ État partie:

a) D ’ établir des objectifs assortis de délais et de consacrer les ressources voulues à la mise en œuvre de stratégies, telles que des programmes d ’ information et d ’ assistance, à l ’ établissement de quotas et à d ’ autres mesures volontaristes concrètes visant à instaurer une égalité de fait entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, en particulier ceux de l ’ emploi et de la participation à la vie politique et publique;

b) De sensibiliser les parlementaires, les hauts fonctionnaires des administrations publiques, les employeurs et la population en général à la nécessité de recourir aux mesures temporaires spéciales, et de fournir dans son prochain rapport périodique des informations complètes sur l ’ utilisation de telles mesures et sur leurs effets.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

20.Bien que la délégation de l’État partie lui ait donné l’assurance, au cours du dialogue, qu’il n’existait dans l’État partie aucune disposition juridique ou administrative ni aucune politique gouvernementale imposant un code vestimentaire aux femmes, et qu’aucune femme ou fille n’avait jamais perdu son emploi ou été exclue d’un établissement d’enseignement pour ne pas avoir porté le costume traditionnel, le foulard ou le petit calot turkmène appelé takhia, le Comité reste profondément préoccupé par les attitudes et politiques qui renforcent les normes discriminatoires issues de la tradition, les pratiques préjudiciables, les comportements patriarcaux et les stéréotypes tenaces concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans tous les domaines de la vie. Le Comité constate aussi avec inquiétude que l’État partie ne s’emploie guère à lutter contre ces pratiques discriminatoires. Il observe également avec préoccupation que ces coutumes et pratiques perpétuent la discrimination à l’égard des femmes et des filles et se manifestent dans le statut défavorable et inégal de la femme dans de nombreux domaines, notamment l’éducation, la vie publique et la prise des décisions, et dans la persistance de la violence à leur égard, et que, jusqu’à présent, l’État partie n’a pas pris de mesures énergiques pour modifier ou éliminer les stéréotypes et les valeurs ou pratiques traditionnelles préjudiciables.

21. Le Comité demande instamment à l ’ État partie:

a) De mettre en place sans tarder une stratégie globale visant à modifier ou à éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes sexistes, conformément aux dispositions de la Convention, et notamment d ’ adopter, en collaboration avec la société civile et les responsables communautaires, des mesures d ’ éducation et de sensibilisation s ’ adressant aux femmes comme aux hommes à tous les niveaux de la société;

b) D ’ étendre la portée des programmes d ’ éducation du public, notamment dans les zones rurales ou isolées;

c) De prendre des mesures novatrices visant les professionnels des médias, afin de mieux faire comprendre que l ’ homme et la femme sont égaux, et de mettre à profit le système éducatif pour donner une image plus positive et non stéréotypée de la femme;

d) De contrôler et d ’ analyser les mesures prises afin d ’ en évaluer l ’ impact et de prendre les décisions qui s ’ imposent.

Violence à l’égard des femmes

22.Le Comité se dit profondément préoccupé par l’absence de législation expresse visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes, en particulier la violence familiale et sexuelle, ainsi que par l’absence d’informations et de données statistiques sur la nature, l’ampleur et les causes du phénomène. Il relève avec une vive inquiétude que cette violence semble légitimée par la société et s’accompagne d’une culture du silence et de l’impunité, si bien que les cas de violence sont trop peu souvent signalés. On considère en effet qu’il s’agit là d’affaires privées, qui doivent se régler à l’intérieur de la famille.

23. Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ accorder une attention prioritaire à la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et des filles et de prendre des mesures systématiques pour en venir à bout, conformément à sa Recommandation générale n o 19 (1992) sur la violence contre les femmes, et notamment:

a) D ’ adopter rapidement une loi générale visant toutes les formes d e violence contre les femmes, y  compris la violence familiale et sexuelle, qui prévoie l ’ accès immédiat des femmes et des filles victimes de violence à des voies de recours et à une protection, ainsi que l ’ engagement de poursuites et l ’ adoption de sanctions contre les auteurs d ’ actes de violence;

b) D ’ élaborer un plan national global pour lutter contre toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes;

c) De sensibiliser le public à la question, par l ’ intermédiaire des médias et au travers de programmes éducatifs, et de mettre en place une formation obligatoire à l ’ intention des juges, des magistrats du parquet, des policiers, des prestataires de soins de santé, des journalistes et du personnel des écoles pour les sensibiliser à toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes et des filles et faire en sorte qu ’ ils puissent apporter aux victimes une aide efficace, adaptée à la sensibilité propre à leur sexe;

d) D ’ encourager les femmes à signaler les actes de violence familiale ou sexuelle en combattant la stigmatisation des victimes et en s ’ attachant à faire comprendre que de t els actes sont punis par la loi, et de fournir une assistance et une protection appropriées aux femmes victimes de violence en créant des structures d ’ hébergement à leur intention, spécialement dans les zones rurales, et en coopérant davantage avec les organisations non gouvernementales qui fournissent un hébergement et des services de réadaptation aux victimes;

e) De recueillir des données statistiques sur la violence familiale et sexuelle ventilées par sexe, âge, nationalité et lien entre la victime et l ’ auteur des faits, ainsi que de mener des études et/ou des enquêtes sur l ’ ampleur du phénomène de la violence contre les femmes et ses causes profondes.

Traite et exploitation de la prostitution

24.Tout en relevant que l’État partie a adopté en 2007 une loi sur la traite des êtres humains et a mené en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations plusieurs projets destinés à lutter contre la traite, le Comité est préoccupé par l’absence d’un plan d’action national pour la lutte contre la traite et l’exploitation de la prostitution. Il s’inquiète également du manque de données statistiques, ventilées par sexe et par zone géographique, sur la traite et l’exploitation de la prostitution dans l’État partie. Le Comité relève aussi avec préoccupation que peu d’efforts sont faits pour prévenir l’exploitation de la prostitution et remédier à ses causes profondes, et que l’accès des victimes d’exploitation à une protection et à des services est insuffisant.

25. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ appliquer pleinement l ’ article 6 de la Convention et:

a) D ’ adopter, dans un délai précis, un plan d ’ action national visant à mettre en application la loi sur la traite des êtres humains;

b) De fournir dans son prochain rapport des informations et des données sur la prévalence de l ’ exploitation de la prostitution et de la traite;

c) De réaliser à cette fin des études et des enquêtes, notamment sur la prévalence de la prostitution, et de solliciter au besoin une assistance internationale;

d) De renforcer sa coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination afin de prévenir la traite grâce aux échanges d ’ informations, et d ’ harmoniser les procédures judiciaires visant à poursuivre les trafiquants;

e) De s ’ attaquer aux causes profondes de la traite et de la prostitution, dont la pauvreté, afin que les filles et les femmes ne soient pas exposées à l ’ exploitation sexuelle et à la traite, et d ’ œuvrer au rétablissement et à l ’ intégration sociale des victimes en leur fournissant un hébergement et une aide.

Participation à la vie politique et publique

26.Le Comité note que les femmes occupent quelques postes ministériels et qu’elles sont bien représentées dans l’appareil judiciaire de l’État partie, mais il s’inquiète de leur sous-représentation à tous les niveaux de la vie politique et publique, notamment au Parlement (17 %), dans les conseils populaires des régions (16,67 %) et des districts et communes (20,21 %), et dans la diplomatie. Le Comité observe aussi avec préoccupation que des mesures temporaires spéciales ne sont pas prévues pour remédier à cette situation. Enfin, il relève avec inquiétude que des obstacles systématiques entravent la participation égale des femmes à la vie politique, parmi lesquels les attitudes culturelles négatives, l’absence d’un système de quotas approprié, le manque de moyens pour aider les candidates éventuelles à développer leur potentiel, la modicité des ressources financières et l’absence de soutien logistique.

27. Le Comité demande à l ’ État partie:

a) D ’ envisager de recourir aux mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention e t aux Recommandations générales n os  23 (1997) et 25 (2004) du Comité, et d ’ établir des quotas appropriés afin d ’ accélérer le processus devant conduire à la représentation égale des femmes dans tous les domaines de la vie publique et professionnelle, en  particulier aux postes de décision et dans l ’ administration locale;

b) D ’ assurer aux femmes des chances égales de participer à la vie politique et publique, y compris à l ’ élaboration, à la mise en œuvre, au suivi et à l ’ évaluation des politiques de développement et des projets communautaires;

c) De mettre en place une formation sur l ’ égalité des sexes à l ’ intention des responsables politiques, des journalistes, des enseignants et des chefs communautaires, en particulier ceux de sexe masculin, pour mieux leur faire comprendre qu ’ une participation véritable, égale, libre et démocratique des femmes et des hommes à la vie politique et publique est indispensable à l ’ application intégrale de la Convention.

Organisations de la société civile et non gouvernementales

28.Le Comité reste préoccupé par le manque d’informations concernant les organisations de la société civile, comme les organisations de femmes ou de défense des droits de l’homme, par les conditions juridiques et administratives strictes auxquelles ces organisations doivent satisfaire pour être enregistrées, ainsi que par les restrictions imposées à leurs activités, notamment dans le cas des projets et programmes soutenus par des donateurs étrangers.

29. Le Comité renouvelle sa recommandation précédente (CEDAW/C/TKM/CO/2, par. 21) et prie instamment l ’ État partie d ’ instaurer des conditions favorables à la création d ’ organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme et à leur participation active au renforcement de l ’ application de la Convention dans l ’ État partie.

Éducation

30.Le Comité se félicite de la loi sur l’éducation adoptée par l’État partie en août 2009, qui garantit et protège le droit constitutionnel des citoyens à l’éducation, du relèvement des salaires dans le secteur de l’enseignement et de l’augmentation des bourses des étudiants de 40 %. Il note aussi avec satisfaction que la scolarité a été portée à dix ans à partir de l’année scolaire 2007/08. Le Comité s’inquiète toutefois du manque de données sur les taux de scolarisation des garçons et des filles aux niveaux préscolaire, primaire, secondaire et supérieur, ainsi que sur les taux d’abandon scolaire et leurs causes. Il est également préoccupé par le fait que, malgré une légère augmentation du taux d’inscription des filles dans les filières non traditionnelles (24,4 % à l’Institut du pétrole et du gaz, 23,6 % à l’Institut d’études énergétiques, 41,6 % à l’Institut du Ministère des affaires étrangères), les mentalités traditionnelles persistent chez les élèves comme chez les enseignants, conduisant les filles vers des filières perçues comme étant adaptées à leur rôle dans la société et à leur participation à la vie publique.

31. Le Comité exhorte l ’ État partie à se conformer plus strictement aux dispositions de l ’article  10 de la Convention et à favoriser une prise de conscience de l ’ importance de l ’ éducation en tant que droit fondamental et base de l ’ autonomisation des femmes. À cette fin, il le prie instamment:

a) De prendre immédiatement les dispositions voulues pour appliquer des mesures propres à assurer aux filles et aux femmes l ’ égalité d ’ accès à tous les niveaux d ’ enseignement et à retenir les filles à l ’ école, notamment par l ’ instauration de mesures temporaires spécia les, conformément au paragraphe  1 de l ’article  4 de la Convention et à la Recommandation générale n o  25 (2004) du Comité;

b) De s ’ attaquer aux obstacles à l ’ éducation des femmes et des filles, tels  que les attitudes culturelles négatives et la surcharge de travaux domestiques, de prendre des mesures pour réduire et prévenir l ’ abandon scolaire chez les filles et de renforcer le dispositif d ’ application des politiques permettant aux filles qui ont quitté l ’ école prématurément de reprendre leur scolarité;

c) De mettre en œuvre des mesures visant à éliminer les stéréotypes traditionnels et les obstacles d ’ ordre structurel de nature à dissuader les filles de s ’ inscrire dans des filières scientifiques aux niveaux secondaire et supérieur;

d) De redoubler d ’ efforts pour offrir aux filles des services d ’ orientation professionnelle destinés à les diriger vers des carrières non traditionnelles, en leur proposant en particulier des formations techniques ou professionnelles.

Emploi

32.Le Comité est préoccupé par la persistance de la ségrégation verticale et horizontale en matière d’emploi et des écarts de salaire entre les femmes et les hommes dans certains secteurs. Il craint aussi que le Code du travail et le décret présidentiel no 10732 du 25 décembre 2009 pénalisent les femmes. En effet, ces textes protègent exagérément les femmes dans leur rôle de mère et imposent des restrictions au personnel féminin en matière d’horaires, d’heures supplémentaires et de travail de nuit, limitant ainsi les perspectives économiques pour les femmes dans un certain nombre de secteurs. Le Comité note également avec préoccupation que, sur l’ensemble du territoire de l’État partie, 52,8 % des femmes travaillent dans le secteur informel, le pourcentage passant à 65,3 % dans les zones rurales.

33. Le Comité invite instamment l ’ État partie:

a) À intensifier ses efforts pour éliminer la ségrégation professionnelle, tant horizontale que verticale, et à prendre des mesures pour réduire puis combler l ’ écart de rémunération entre hommes et femmes en appliquant des systèmes d ’ évaluation des emplois dans le secteur public prévoyant une augmentation des salaires dans les secteurs à dominante féminine;

b) À mettre en place un cadre réglementaire pour le secteur informel afin que les femmes aient accès à la sécurité sociale et à d ’ autres prestations;

c) À examiner et à analyser soigneusement l ’ effet du Code du travail et du décret présidentiel n o  10732 sur les possibilités offertes aux femmes sur le marché du travail, à apporter à ces textes les modifications nécessaires pour garantir la santé et la sécurité de tous les travailleurs, à encourager le partage des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes et à œuvrer à l ’ élimination des stéréotypes et des attitudes traditionnelles discriminatoires à l ’ égard des femmes;

d) À adopter des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’article  4 de la Convention et à la Recommandation générale n o  25 (2004) du Comité, en vue d ’ instaurer une réelle égalité des chances pour les hommes et les femmes sur le marché du travail.

Santé

34.Le Comité se félicite des progrès accomplis par l’État partie en ce qui concerne la réduction de la mortalité maternelle et infantile, ainsi que de l’adoption de la nouvelle stratégie nationale de santé de la procréation pour la période 2011-2015, et relève qu’une attention particulière a été accordée à ce domaine de la santé, mais il est préoccupé par le renchérissement des services médicaux, dont la qualité reste pourtant médiocre. Ainsi, les patients admis dans un établissement hospitalier doivent y apporter leur propre literie, de même les fournitures et médicaments dont ils ont besoin, et acquitter des frais supplémentaires. Tout en prenant acte de l’élaboration du troisième programme national de lutte contre le VIH (2012-2016) en collaboration avec des partenaires des Nations Unies dans l’État partie, le Comité s’inquiète du manque d’informations et de données, ventilées par sexe et zone géographique, sur la prévalence du VIH/sida.

35. Le Comité prie instamment l ’État partie :

a) De prendre toutes les mesures qui s ’ imposent pour améliorer l ’ accès des femmes à des soins de santé et services connexes de qualité, conformément à la Recommandation générale n o  24 (1999) du Comité;

b) De promouvoir largement l ’ éducation dans le domaine de la santé sexuelle et génésique et des droits en la matière à l ’ intention des adolescents, filles et garçons, une attention particulière étant accordée à la question des grossesses précoces et à la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles, y  compris le VIH/sida.

Femmes détenues

36.Le Comité s’inquiète de la situation à la prison de Dashoguz et relève en particulier le surpeuplement des cellules, le fait que les détenues travaillent dans des conditions climatiques rudes et se voient infliger des violences et des mauvais traitements par les agents pénitentiaires, et l’absence de mécanismes appropriés pour le dépôt de plaintes et de conditions se prêtant à ce genre de démarche. Le Comité est également préoccupé par la discrimination multiple que subissent certains groupes de femmes défavorisés, qui sont exposés à des poursuites pénales et à la marginalisation sociale, ce qui les empêche de jouir de tous leurs droits, tels que garantis par la Convention.

37. Le Comité demande instamment à l ’ État partie:

a) D ’ assurer aux femmes des conditions de vie et de travail décentes et une protection contre la violence et d ’ autres formes de mauvais traitements dans les lieux de détention, et d ’ établir des procédures claires de dépôt de plainte, ainsi que des mécanismes de contrôle et de surveillance;

b) De veiller à ce qu ’ il soit dûment enquêté sur les allégations de détenues faisant état de traitements discriminatoires et de violences liées à leur sexe et à ce que les auteurs de tels actes soient poursuivis et sanctionnés.

Mariage et rapports familiaux

38.Le Comité se félicite de l’adoption du nouveau Code de la famille, qui porte l’âge minimum du mariage à 18 ans, ainsi que des efforts déployés par l’État partie pour faire respecter l’interdiction de la polygamie, mais il est préoccupé par la persistance de cette pratique et constate par ailleurs l’absence de dispositions juridiques pour les unions libres, qui peut empêcher les femmes d’obtenir protection et réparation en cas de dissolution de l’union.

39. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De s ’ attacher plus résolument à faire respecter l ’ interdiction de la polygamie, conformément à la Recommandation générale n o  21 (1994) du Comité sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux ;

b) D ’ envisager de revoir le Code de la famille (2012) en vue d ’ étendre les dispositions juridiques existantes aux couples vivant en union libre.

Collecte de données

40.Le Comité note avec préoccupation que, de manière générale, l’État partie n’a pas fourni de données récentes, et que les statistiques GenStat, bien que collectées par l’État partie, ne sont pas accessibles au public. Il considère que des données à jour ventilées par sexe, âge, race, origine ethnique, zone géographique et milieu socioéconomique sont nécessaires pour évaluer précisément la situation des femmes, déterminer si elles sont victimes de discrimination, élaborer des politiques éclairées et ciblées, et suivre et évaluer systématiquement les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité réelle dans tous les domaines visés par la Convention.

41. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ améliorer la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données complètes ventilées par sexe, âg e, race, origine ethnique, zone géographique et milieu socioéconomique, et d ’ indicateurs mesurables permettant d ’ évaluer l ’ évolution de la situation des femmes et les progrès accomplis vers la réalisation de l ’ égalité réelle dans tous les domaine s visés par la Convention. À ce  sujet, il appelle l ’ attention de l ’ État partie sur sa Recommandation générale n o  9 (1989) relative aux données statistiques concernant la situation des femmes et l ’ encourage à élaborer des indicateurs sexospécifiques qui pourraient être utilisés pour l ’ élaboration, l ’ application, la surveillance, l ’ é valuation et, au besoin, le  réexamen des politiques de promotion de la femme et d ’ égalité des sexes.

Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

42. Le Comité encourage l ’ État partie à accélérer le processus d ’ acceptation d e la modification du paragraphe  1 de l ’article  20 de la Convention concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

43. Le Comité invite instamment l ’ État partie à s ’ appuyer pleinement, aux fins de l ’ exécution des obligations qui lui incombent au titre de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de fournir des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

44. Le Comité souligne que l ’ application intégrale et effective de la Convention est indispensable à la réalisation des objectifs du Millé naire pour le développement. Il  appelle à l ’ intégration d ’ une perspective de genre et à la prise en compte expresse des dispositions de la Convention dans toute action visa nt à réaliser ces objectifs, et  prie l ’ État partie de lui communiquer des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Diffusion

45. Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Turkménistan pour informer la population, les agents de l ’État, les  responsables politiques, les parlementaires et les organisations féminines et de défense des droits de l ’ homme des mesures prises pour assurer l ’ égalité de droit et de fait entre les sexes, et de ce qu ’ il reste à faire à cet égard. Il recommande que ces observations soient également diffusées au niveau local. Il encourage l ’ État partie à organiser une série de réunions pour faire le point sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre des présentes observations finales. Il prie l ’ État partie de continuer à diffuser largement, notamment auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme, le texte de ses propres recommandations générales et de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing, et les textes issus de la vingt ‑ troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale intitulée: «Les femmes en l ’ an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle».

Ratification d’autres instruments internationaux

46. Le Comité souligne que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme contribuerait à promouvoir la jouissance par les femmes des droits individuels et des libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie. Il encourage par conséquent l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments internationaux auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Assistance technique

47. Le Comité recommande à l ’ État partie de recourir à la coopération et à l ’ assistance technique pour l ’ élaboration et l ’ exécution d ’ un vaste programme visant à mettre en œuvre les recommandations ci-dessus et la Convention dans son ensemble. Il invite aussi l ’ État partie à renforcer encore sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies, notamment l ’ Entité des Nations Unies pour l ’ égalité des sexes et l ’ autonomisati on de la femme (ONU-Femmes), la  Division de statistique de l ’ ONU, le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l ’ Organisation mondiale de la S anté et le Haut- Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme.

Suite donnée aux observations finales

48. Le Comité prie l ’ État partie de lui communiquer par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant aux paragraphes 15 et 23 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

49. Le Comité prie l ’ État partie d ’ associer tous les ministères et autres organes de l ’ État à l ’ élaboration de son prochain rapport périodique et de consulter à cette occasion diverses organisations de femmes et de défense des droits de l ’homme.

50. Le Comité prie l ’ État partie de répondre, dans le prochain rapport périodique qu ’ il établira en application de l ’ article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales. Il l ’ invite à présenter ce rapport en octobre 2016.

51. Le Comité invite l ’ État partie à suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument, qui ont été approuvées à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en juin 2006 (HRI/GEN/2/ Rev .6, chap. I). Les directives sur l ’ établissement de rapports propres à un instrument international, que le Comité a adoptées à sa quarantième session, en janvier 2008 (A /63/38, première partie, annexe  I), doivent être appliquées concurremment avec les directives harmonisées relatives au document de base commun. Ensemble, elles constituent les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Le document propre à la Convention ne devrait pas dépasser 40 pages et le do cument de base commun 80 pages.