* Adoptées par le Comité lors de sa soixante-septième session (3-21 juillet 2017).

Observations finales concernant le rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques de la Thaïlande *

1.Le Comité a examiné le rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques de la Thaïlande (CEDAW/C/THA/6-7) lors de ses 1504e et 1505e séances (voir CEDAW/C/SR.1504 et CEDAW/C/SR.1505), qui se sont tenues le 5 juillet 2017. La liste de points et de questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/THA/Q/6-7 et les réponses de la Thaïlande sont contenues dans le document CEDAW/C/THA/Q/6-7/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité apprécie la soumission par l’État partie de son rapport unique valant sixième et septième rapports périodiques, mais regrette le retard de cinq ans. Il apprécie également les réponses écrites de l’État partie à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session. Il salue l’occasion qui lui est donnée de renouveler son dialogue avec l’État partie, après les 11 années écoulées depuis le dialogue constructif précédent et se félicite de la présentation orale de la délégation, ainsi que des éclaircissements supplémentaires fournis en réponse aux questions verbales du Comité au cours des discussions.

3.Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation importante et multisectorielle dirigée par la Secrétaire permanente adjointe au Ministère du développement social et de la sécurité humaine, Mme Napa Setthakorn. La délégation comprenait également des représentants du Ministère de l’intérieur, du Ministère du travail, du Ministère de l’éducation, du Ministère des affaires étrangères, de la Cour constitutionnelle, de l’Assemblée législative nationale, de la police royale thaïlandaise, du Comité de la Commission nationale de la politique et de la stratégie pour l’amélioration de la condition de la femme, du Centre administratif des provinces frontalières du sud, de la Mission permanente de la Thaïlande auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

4.Le Comité se félicite des progrès accomplis, depuis l’examen en 2006 du cinquième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/THA/CO/5), dans l’application de réformes législatives, notamment l’adoption des lois ci-après :

a)La loi de 2016 sur la prévention et la résolution du problème des grossesses chez les adolescentes;

b)La loi de 2015 sur l’égalité des sexes;

c)La loi de 2008 sur les titres de civilité des femmes;

d)La loi de 2008 sur la lutte contre la traite d’êtres humains, ainsi que ses révisions de 2015 et 2017;

e)La loi de 2007 sur la protection des victimes de violence domestique;

f)Les lois de 2007 portant modification du Code pénal, notamment pour qualifier le viol conjugal de crime et élargir la définition du viol et des agressions sexuelles; et, en 2015, pour prévoir la poursuite et la condamnation pour viol de mineurs, même si un tribunal autorise l’auteur du viol à épouser sa victime;

g)La loi de 2007 portant modification du Code de procédure pénale, qui a notamment réduit les peines à l’encontre des femmes enceintes.

5.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments internationaux suivants ou d’y avoir adhéré, au cours de la période écoulée depuis l’examen du rapport précédent :

a)Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2006;

b)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, en 2012;

c)Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2008;

d)Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2007;

e)Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2006;

6.Le Comité salue également la levée, le 18 juillet 2012, de la réserve à l’article 16 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, conformément à sa recommandation contenue dans ses précédentes observations finales (CEDAW/C/THA/CO/5, paragraphe 12).

C.Parlement

7. Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la Déclaration sur les liens entre le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et les parlementaires , adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite l’Assemblée législative nationale, conformément à son mandat, à prendre les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales d’ici à la soumission du prochain rapport au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Cadre constitutionnel et législatif

8.Le Comité note que, la Constitution révisée, qui est entrée en vigueur en avril 2017, interdit la discrimination pour divers motifs, y compris le sexe, et consacre le principe d’égalité entre les hommes et les femmes. Il note également l’adoption de la loi sur l’égalité des sexes en septembre 2015, en vertu de laquelle la discrimination fondée sur le genre, y compris la discrimination directe et indirecte, est définie et interdite. Toutefois, le Comité demeure préoccupé par les points ci-après :

a) En vertu du paragraphe 2 de la section 17 de la loi sur l’égalité des sexes, des exceptions sont accordées en ce qui concerne l’interdiction de la discrimination fondée sur le genre, notamment du fait de principes religieux et pour des raisons de sécurité nationale;

b) L’interdiction de la discrimination fondée sur le genre dans la Constitution et dans la loi sur l’égalité des sexes ne s’applique pas aux provinces frontalières du sud où des lois d’urgence spéciales continuent d’être appliquées.

9. Le Comité recommande à l’État partie de :

a) Réviser le paragraphe 2 de la section 17 de la loi sur l’égalité des sexes afin de garantir qu’il n’existe aucune exception à l’interdiction de la discrimination fondée sur le genre;

b) Veiller à ce que toutes les femmes et toutes les filles qui vivent dans des zones assujetties à des lois d’urgence soient efficacement protégées contre la discrimination, tant dans la législation que dans la pratique, en rappelant que le principe de non-discrimination n’est pas dérogatoire et qu’il continue de s’appliquer même en période de conflit armé et d’état d’urgence, comme l’indique la recommandation générale n o  28 (2010) du Comité concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes .

Accès à la justice et voies de recours

10.Le Comité reste préoccupé par la persistance de multiples obstacles empêchant les femmes et les filles d’avoir accès à la justice et de disposer de voies de recours efficaces en cas de violations de leurs droits, en particulier les femmes rurales, les femmes autochtones, les femmes appartenant à des minorités ethniques et religieuses et les femmes handicapées. Ces obstacles comprennent :

a)La stigmatisation sociale et culturelle qui dissuade les femmes et les filles de porter plainte, en particulier en ce qui concerne la violence sexuelle et sexiste;

b)Le manque de connaissances juridiques et un accès à l’information limité sur les recours disponibles;

c)Le manque de sensibilité du système judiciaire aux différences entre les sexes, notamment le comportement négatif des responsables de l’application de la loi envers les femmes qui dénoncent des violations de leurs droits, ce qui se traduit fréquemment par des manquements en matière d’enregistrement des plaintes et de réalisation des enquêtes connexes;

d)La corruption généralisée et omniprésente qui continue d’entraver l’accès des femmes à la justice.

11. Rappelant sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité recommande à l’État partie :

a) De simplifier la procédure d’accès au Fonds de la justice et de veiller à ce que ce fonds soit disponible et accessible à toutes les femmes, y compris aux femmes rurales, aux femmes autochtones, aux femmes appartenant à des minorités ethniques et religieuses et aux femmes handicapées;

b) D’éliminer la stigmatisation des femmes et des filles qui réclament leurs droits, en sensibilisant les femmes et les hommes aux droits des femmes et en promouvant les connaissances juridiques des femmes;

c) De fournir des informations, en particulier dans les régions rurales et reculées, sur les recours juridiques dont disposent les femmes en cas de violations de leurs droits, y compris les femmes musulmanes des provinces frontalières du sud concernant les recours dont elles disposent en vertu du système de justice pénale de l’État partie, en dehors de la loi islamique;

d) De renforcer la prise en compte de la problématique hommes-femmes par le système judiciaire et de le sensibiliser davantage aux comportements sexistes, notamment en augmentant le nombre de femmes dans le système judiciaire et en dispensant une formation systématique de renforcement des capacités aux juges, aux procureurs, aux avocats, aux agents de police et aux autres responsables de l’application de la loi sur la Convention, ainsi que sur la jurisprudence du Comité et ses recommandations générales;

e) De renforcer les mesures visant à lutter contre la corruption et à enquêter efficacement sur les allégations de corruption et de poursuivre et condamner les responsables de l’application de la loi et du corps judiciaire corrompus qui entravent la justice, afin de rétablir la confiance des femmes dans le système judiciaire;

f) De veiller à ce que les systèmes judiciaires religieux et coutumiers harmonisent leurs normes, procédures et pratiques avec la Convention et de renforcer les capacités des autorités coutumières de justice en matière de droits des femmes et d’égalité des genres.

Mécanisme national de promotion de la femme

12.Le Comité regrette l’absence de mesures visant à mettre en œuvre sa recommandation antérieure d’entreprendre une évaluation approfondie du mécanisme national de promotion de la femme ainsi que de tous les autres dispositifs institutionnels de promotion de l’égalité des sexes (CEDAW/C/THA/CO/5, paragraphe 18) et se déclare préoccupé par le fait que le Département des affaires féminines et du développement familial se soit vu confier des tâches opérationnelles supplémentaires, ce qui a réduit sa capacité à fonctionner efficacement en tant que mécanisme national de promotion de la femme. Il est également préoccupé par le manque de clarté concernant le mandat et les responsabilités du Département à la lumière des nouveaux comités créés en vertu de la loi sur l’égalité des sexes, notamment la Commission de promotion de l’égalité des sexes.

13. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De définir clairement le mandat et les responsabilités du Département des affaires féminines et du développement de la famille et ceux des organes créés en vertu de la loi sur l’égalité des sexes et de veiller à ce qu’il n’y ait pas de chevauchement indu;

b) De veiller à ce que le mécanisme national dispose de l’autorité et des ressources humaines et financières nécessaires pour travailler efficacement à la promotion des droits des femmes;

c) D’assurer l’adoption et la mise en œuvre effective d’une stratégie d’intégration de la dimension du genre dans tous les organismes gouvernementaux;

d) De suivre et d’évaluer régulièrement l’impact du travail entrepris par le Département des affaires féminines et du développement de la famille pour la promotion et l’égalité des sexes.

Institution nationale de défense des droits de l’homme

14.Le Comité constate avec préoccupation l’absence d’un processus clair, transparent et participatif de sélection et de nomination des membres de la Commission nationale des droits de l’homme de Thaïlande, ce qui a conduit le comité d’accréditation de l’Alliance globale des institutions nationales des droits de l’homme à la rétrograder au statut « B » en novembre 2015.

15. Le Comité recommande à l’État partie de mettre en œuvre les recommandations formulées par l’ Alliance globale des institutions nationales des droits de l ’ homme dans son rapport de novembre 2015 afin de permettre à la Commission nationale des droits de l’homme de Thaïlande de remplir de manière efficace et indépendante son mandat conformément aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris) (résolution  48/134 de l’Assemblée générale, annexe).

Mesures temporaires spéciales

16.Le Comité se félicite de l’inclusion de la section 27 dans la Constitution révisée, qui permet d’adopter des mesures visant à éliminer les obstacles empêchant les femmes et les filles de jouir de leurs droits. Toutefois, il demeure préoccupé (CEDAW/C/THA/CO/5, paragraphe 21) par le fait qu’aucune mesure temporaire spéciale visant à accélérer l’égalité de facto des hommes et des femmes n’ait été adoptée dans tous les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, notamment en ce qui concerne leur participation des femmes aux organes de décision, mais aussi leur situation défavorisée dans l’État partie, en particulier les femmes handicapées, les femmes appartenant à des minorités ethniques et religieuses, les femmes autochtones, les femmes rurales et les femmes âgées.

17. Le Comité réitère sa recommandation antérieure ( CEDAW/C/THA/ CO/5 , paragraphe 22) encourageant l’État partie à adopter rapidement des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité (2004) sur les mesures temporaires spéciales, afin d’accélérer la réalisation de l’égalité de facto des femmes et des hommes dans tous les domaines, en particulier en ce qui concerne la participation des femmes à la prise de décisions, et les femmes en situation défavorisée, notamment les femmes handicapées, les femmes appartenant à des minorités ethniques et religieuses, les femmes autochtones, les femmes rurales et les femmes âgées.

Stéréotypes et pratiques néfastes

18.Le Comité réitère sa préoccupation antérieure relative à la persistance de stéréotypes bien ancrés concernant les rôles et responsabilités des hommes et des femmes au sein de la famille et de la société (CEDAW/C/THA/CO/5, paragraphe 25). Ces stéréotypes fragilisent le statut social des femmes et constituent l’une des principales causes de la position défavorisée qu’occupent les femmes dans un certain nombre de domaines, notamment sur le marché de l’emploi, sur la scène politique et dans la vie publique. Il s’inquiète également de la persistance de pratiques néfastes fondées sur des attitudes sociales discriminatoires, en particulier dans des zones rurales et reculées, telles que les mutilations génitales féminines au sein des communautés musulmanes des provinces frontalières du sud et les enlèvements de filles en vue de mariage.

19. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une stratégie globale comportant des mesures proactives et soutenues qui visent les femmes et les hommes à tous les niveaux de la société, y compris les chefs religieux et traditionnels, afin d’éliminer les stéréotypes et les attitudes patriarcales concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société ainsi que les pratiques néfastes discriminatoires à l’égard des femmes;

b) De continuer à adopter des mesures novatrices visant les médias afin de renforcer la compréhension de l’égalité de facto des femmes et des hommes et d’utiliser le système éducatif pour promouvoir des représentations positives et non stéréotypées des femmes;

c)  De qualifier les mutilations génitales féminines de crimes et de mener des campagnes de sensibilisation, en particulier dans les provinces frontalières du sud, sur les effets néfastes de ces pratiques sur les femmes et les filles, en tenant compte à la fois de la recommandation générale n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et du commentaire général n o 18 du Comité des droits de l’enfant (2014) sur les pratiques néfastes;

d) De mener des recherches sur l’étendue de la pratique de l’enlèvement de filles en vue de mariages forcés, de veiller à ce qu’elle soit interdite par la loi et dans la pratique et d’élaborer une stratégie globale pour résoudre le problème;

e) De surveiller et d’examiner les mesures prises pour lutter contre les stéréotypes et les pratiques néfastes afin d’évaluer leur impact et de les réviser selon que de besoin.

Violence sexiste à l’égard des femmes

20.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie pour lutter contre la violence sexiste à l’égard des femmes, notamment la révision de la définition du viol à la section 276 du Code pénal, comme recommandé auparavant par le Comité, ainsi que le lancement de campagnes et d’initiatives publiques. Néanmoins, le Comité demeure préoccupé par :

a)Les nombreux cas de violence sexiste à l’égard des femmes et des filles, en particulier de violences domestiques et de violences sexuelles;

b)Le fait que la loi de 2007 sur la protection des victimes de violences domestiques prévoie à chaque étape de la procédure judiciaire un règlement par la réconciliation et la médiation;

c)L’insuffisance de services essentiels et d’appui aux victimes de violence sexiste, en particulier aux victimes de la traite des êtres humains et de l’exploitation sexuelle et professionnelle, ainsi qu’aux victimes de violence domestique.

21. Rappelant sa recommandation générale n o  19 (1992) sur la violence contre les femmes et sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence contre les femmes, version actualisée de sa recommandation générale n o  19, ainsi que ses recommandations antérieures à l’État partie ( CEDAW/C/THA/CO/5 , paragraphe 24), le Comité recommande à l’État partie :

a) D’évaluer de manière systématique l’incidence des mesures adoptées pour lutter contre la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles et continuer d’explorer et d’adopter des approches innovantes pour éliminer les causes profondes de cette violence, notamment celles ciblant les hommes et les garçons;

b) De veiller à ce que les victimes de violences domestiques aient l’accès voulu au logement, aux centres de conseil, aux ordonnances de protection, ainsi qu’à des recours juridiques plutôt qu’à la réconciliation et à la médiation;

c) D’accroître la disponibilité, l’accessibilité et la qualité des services essentiels et de l’appui aux victimes de violence sexiste, notamment une assistance juridique et des services de santé ainsi qu’un soutien psychosocial appropriés;

d) De recueillir systématiquement les données sur la violence sexiste à l’égard des femmes et des filles, ventilées par âge, ethnicité, géographie et lien entre la victime et l’auteur de ces violences.

Femmes, paix et sécurité

22.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les musulmanes des provinces frontalières du sud continuent de se heurter à des obstacles qui les empêchent de jouir de leurs droits sur un pied d’égalité avec les hommes, notamment en ce qui concerne l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux services médicaux et à la sécurité sociale, et par le fait que leur situation est aggravée par le conflit que traverse la région. Il est particulièrement préoccupé par les faits ci-après :

a)Des veuves devenues chefs de famille à la suite de l’arrestation, de la disparition ou du meurtre des membres masculins de la famille sont stigmatisées et ont du mal à gagner leur vie et à subvenir aux besoins de leur famille;

b)Des rapports font état de prélèvements forcés d’ADN de membres de la famille de personnes suspectées dans des affaires liées à la sécurité;

c)Les femmes sont exclues de toute participation active au processus de paix, et le plan d’action national sur les femmes, la paix et la sécurité, en application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, tarde à être adopté.

23. Rappelant sa recommandation antérieure ( CEDAW/C/THA/CO/5 , paragraphe 36), le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures temporaires spéciales ciblant les musulmanes des provinces frontalières du sud, afin qu’elles jouissent d’une égalité de facto avec les hommes dans tous les domaines, en particulier les veuves et les femmes chefs de famille, en leur apportant notamment un appui financier et social suffisant;

b) De redoubler d’efforts pour mettre fin au conflit dans les provinces frontalières du sud et de faire en sorte que les responsables de l’armée et de l’application de la loi ainsi que les groupes armés non étatiques respectent le droit international humanitaire et les instruments relatifs aux droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne la protection des femmes et des filles, qui ne participent pas au conflit, contre toutes les formes de violence;

c) De faire en sorte que les femmes dont les époux ou d’autres membres de leur famille ont subi des violations des droits de l’homme aient accès à des recours efficaces et que justice leur soit rendue, en veillant notamment à ce que ces violations fassent l’objet d’enquêtes approfondies, que les présumés auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, dûment sanctionnés;

d) De mettre immédiatement fin à la pratique des prélèvements d’ADN et de fournir des voies de recours efficaces aux femmes et aux filles qui ont été soumises à cette pratique sous la contrainte;

e) D’adopter, sans plus tarder, un plan d’action national complet pour l’application de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité consacrée aux femmes, à la paix et à la sécurité, afin d’instaurer une paix durable sur son territoire;

f)D’associer pleinement les femmes à toutes les étapes du processus de reconstruction d’après conflit, notamment à la prise de décisions, conformément à la résolution  1325 (2000) , et de prendre en compte l’ensemble du programme du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, comme il apparaît dans ses résolutions  1820 (2008) , 1888 (2009) , 1889 (2009) , 2122 (2013) et 2242 (2015), ainsi que la recommandation générale n o  30 (2013) du Comité sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et dans les situations d’après conflit.

Traite des êtres humains et exploitation de la prostitution

24.Le Comité salue les efforts considérables déployés par l’État partie pour prévenir et combattre la traite des êtres humains, notamment par des réformes législatives tendant à alourdir les sanctions encourues par les trafiquants et à accorder une protection aux victimes et aux témoins de cette traite. Néanmoins, il demeure profondément préoccupé par le fait que l’État partie reste un pays source, de destination et de transit de cette traite, en particulier des femmes et des filles en vue de leur exploitation sexuelle et professionnelle. Le Comité est particulièrement préoccupé par :

a)Les faibles progrès réalisés dans l’élimination des causes profondes de la traite à l’intérieur de l’État partie, notamment la pauvreté, le manque de perspectives économiques et les situations d’apatridie, en particulier dans les zones rurales et reculées;

b)L’absence d’identification effective des victimes de la traite des êtres humains dans la pratique, en dépit de l’adoption de nouvelles directives;

c)La prévalence de la corruption et de la complicité de fonctionnaires dans des affaires de traite des êtres humains, qui continuent d’entraver les efforts visant à prévenir et à combattre cette pratique.

25. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures concrètes et précises pour s’attaquer aux causes profondes de la traite des femmes et des filles en améliorant la situation économique des femmes, comme précédemment recommandé par le Comité ( CEDAW/C/THA/CO/5 , paragraphe 28);

b) D’identifier au plus tôt les femmes et les filles victimes de la traite des êtres humains et de les orienter vers les services appropriés puis d’assurer, entre autres, la formation systématique de tous les responsables pertinents de l’application de la loi sur l’application effective des nouvelles directives concernant l’identification des victimes;

c) De veiller à la réadaptation et à l’intégration sociale des victimes, notamment en assurant leur protection, une assistance et des voies de recours effectives, et en apportant un soutien financier et un appui sous d’autres formes aux organisations de la société civile qui aident les femmes victimes de la traite;

d) De faire en sorte que les femmes victimes de la traite soient exonérées de toute responsabilité et bénéficient d’une protection adéquate, comme celle fournie dans les programmes de protection de témoins, et d’une autorisation de séjour temporaire, quelle que soit leur capacité ou volonté de coopérer avec les services du parquet;

e) De veiller à ce que les trafiquants et autres acteurs impliqués dans la traite, y compris les fonctionnaires, soient poursuivis et dûment sanctionnés;

f) De renforcer la coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d’origine, de transit et de destination afin de prévenir la traite des êtres humains, notamment par l’échange de renseignements et l’harmonisation des procédures juridiques de poursuite des trafiquants avec celles des pays d’origine, de transit et de destination, en particulier les pays de la région.

26.Le Comité est préoccupé par le fait que de nombreuses femmes et filles soient exploitées au moyen de la prostitution dans l’État partie et que ces femmes soient poursuivies en application de la loi de 1996 relative à la suppression et à la prévention de la prostitution, alors que ceux qui exploitent ces femmes sont rarement poursuivis. Il constate par ailleurs avec préoccupation que les femmes qui travaillent dans le secteur des loisirs sont présumées coupables de prostitution selon cette loi, arrêtées et soumises à un traitement humiliant à l’issue de violentes descentes de police, et font l’objet de provocations d’agents de police. Le Comité est, en outre, préoccupé par des rapports faisant état de complicité des autorités concernant l’exploitation des femmes dans la prostitution, notamment dans des extorsions de fonds à grande échelle menées par des agents de police corrompus. Il note également que même les femmes employées dans des entreprises agréées du secteur des loisirs ne bénéficient, en réalité, ni de la protection du Code du travail ni des prestations sociales offertes aux autres travailleurs.

27. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir la loi sur la suppression et la prévention de la prostitution afin de dépénaliser les femmes qui se prostituent;

b) De s’attaquer aux causes profondes de la prostitution et d’adopter des mesures ciblées pour empêcher les femmes en situation de précarité de tomber dans la prostitution, notamment en leur offrant d’autres sources de revenus;

c) D’enquêter sur les personnes qui exploitent les femmes dans la prostitution, y compris les fonctionnaires, et de les sanctionner;

d) De mettre immédiatement fin à la pratique des descentes violentes dans les salles de spectacles, des provocations et des extorsions de fonds, et d’amener chaque agent de police à répondre de son implication dans de telles activités;

e) De fournir une assistance et des programmes de réadaptation et de réinsertion aux femmes et aux filles exploitées dans la prostitution, ainsi que des programmes destinés à encourager les femmes à abandonner la prostitution;

f) De veiller à la pleine application pleine du Code du travail et des prestations sociales dans toutes les entreprises du secteur des loisirs, en particulier en faveur des femmes employées dans les entreprises agréées de ce secteur.

Participation à la vie politique et publique

28.Le Comité note qu’au paragraphe 3 de la section 90 de la Constitution, il est stipulé que les partis politiques devraient dûment tenir compte de l’égalité des sexes dans l’établissement de la liste des candidats et qu’une loi organique sur les partis politiques est en préparation pour donner davantage d’orientations. Il reste toutefois préoccupé par le fait qu’aucune mesure temporaire spéciale n’ait été adoptée à ce jour pour accroître la représentation des femmes dans la vie politique et publique. Le Comité regrette l’absence de femmes au Conseil national pour la paix et l’ordre, qui dirige l’État partie depuis le coup d’état de mai 2014. Le Comité est par ailleurs préoccupé par :

a)La faible représentation des femmes dans les organes législatifs, aux postes ministériels et dans les administrations locales, ainsi que dans le système judiciaire, dans la police, dans la diplomatie et dans l’enseignement supérieur, en particulier au niveau de la prise de décisions;

b)Le manque de représentation des femmes issues de minorités ethniques et religieuses et des femmes autochtones aux postes de responsabilité.

29. Le Comité réitère sa recommandation antérieure ( CEDAW/C/THA/CO/5 , paragraphe 30) demandant à l’État partie :

a) D’adopter des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o  23 (1997) du Comité relative aux femmes dans la vie politique et publique, ainsi qu’à la recommandation générale n o  25 (2004), en vue de garantir et d’accélérer la participation pleine et égale des femmes à tous les niveaux, notamment au sein des organes législatifs, aux postes ministériels et dans les administrations locales, ainsi que dans le système judiciaire, dans la police, dans la diplomatie et dans l’enseignement supérieur;

b) De fournir dans le prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures spécifiques qui auront été prises, tels que les quotas, pour promouvoir la représentation des femmes issues de minorités ethniques et religieuses et des femmes autochtones aux postes de responsabilité.

Les femmes défenseurs des droits de l’homme

30.Le Comité constate avec une vive préoccupation que les femmes défenseurs des droits de l’homme, en particulier celles qui militent en faveur des droits fonciers, de la protection de l’environnement et des droits des femmes autochtones, rurales, lesbiennes, bisexuelles et transgenres ainsi que des femmes musulmanes dans les provinces frontalières du sud, font de plus en plus souvent l’objet de poursuites, de harcèlement, de violence et d’intimidation de la part des autorités et des entreprises en raison de leurs activités.

31. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter et de mettre en œuvre sans délai des mesures efficaces pour assurer la protection des femmes défenseurs des droits de l’homme afin de leur permettre de mener librement leurs activités essentielles sans crainte ni menace de poursuites, de harcèlement, de violence ou d’intimidation, notamment en améliorant l’efficacité, en consultation avec les concernées, du Bureau pour la protection des témoins au sein du Ministère de la justice;

b) D’enquêter et de poursuivre efficacement tous les cas de harcèlement, de violence et d’intimidation à l’encontre des femmes défenseurs des droits de l’homme, de prendre des sanctions adaptées et d’offrir aux victimes des recours utiles.

Nationalité

32.Malgré les modifications législatives adoptées par l’État partie, le Comité reste préoccupé par le fait que les conditions permettant aux femmes thaïlandaises de transmettre leur nationalité à des conjoints étrangers demeurent strictes. Il est également préoccupé par le fait que, au sein des minorités ethniques et des communautés autochtones, les hommes sont prioritaires pour enregistrer leur nationalité, laissant ainsi un nombre disproportionné de femmes autochtones et membres de minorités ethniques sans nationalité et dont la liberté de circulation est restreinte et l’accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et à la protection sociale est limité. En outre, le Comité reste préoccupé par le fait qu’en dépit des mesures adoptées par l’État partie, un nombre important d’enfants ne sont pas enregistrés à la naissance ou manquent d’actes de naissance et sont donc susceptibles de devenir apatrides.

33. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter de nouveaux amendements législatifs pour faire en sorte que les femmes et les hommes jouissent de droits égaux s’agissant de transmettre leur nationalité à des conjoints étrangers;

b) De s’assurer dans les plus brefs délais que les femmes appartenant à des minorités ethniques et à des groupes autochtones aient accès à la nationalité sur un pied d’égalité avec les hommes, notamment en éliminant les obstacles liés à la langue, à la bureaucratie, aux conditions de résidence, à la sensibilisation et à l’attitude des fonctionnaires, et de veiller à ce qu’elles jouissent de leurs droits à la liberté de circulation et d’accès à l’éducation, à l’emploi, aux soins de santé et à la protection sociale sans restrictions injustifiées;

c) De redoubler d’efforts pour faciliter l’enregistrement des enfants à la naissance, en particulier dans les zones rurales et reculées, notamment en menant des campagnes de sensibilisation et en éliminant les barrières linguistiques;

d) De ratifier la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie.

Éducation

34.Le Comité salue les efforts que l’État partie a déployés pour garantir l’égalité d’accès des femmes et des filles à tous les niveaux d’éducation, ainsi que la hausse du taux de scolarisation des filles dans l’enseignement supérieur. Il se félicite également de l’adoption de la loi sur la prévention et la résolution du problème des grossesses chez les adolescentes, qui vise à réduire le taux élevé de grossesses chez les adolescentes et de filles qui abandonnent l’école de ce fait. Le Comité demeure néanmoins préoccupé par :

a)La ségrégation fondée sur le genre dans l’enseignement supérieur, caractérisée par un faible taux d’inscription des femmes et des filles dans des disciplines non traditionnelles comme la technologie, l’ingénierie, les mathématiques et l’agronomie;

b)L’existence de préjugés sexistes dans les programmes et manuels scolaires, qui renforcent les stéréotypes sexistes traditionnels.

35. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revoir le programme complet d’éducation sexuelle afin de mieux équiper les élèves avec des connaissances et des compétences nécessaires pour se protéger contre les grossesses précoces et leurs conséquences et de former des enseignants conformément à la loi sur la prévention et la résolution du problème des grossesses chez les adolescentes ;

b) D’accentuer ses efforts pour venir à bout de la ségrégation fondée sur le genre dans l’enseignement supérieur, en vue d’accroître la scolarisation des femmes dans des disciplines non traditionnelles, comme la technologie, l’ingénierie, les mathématiques et l’agronomie;

c) De prendre des mesures concrètes pour éliminer les stéréotypes sexistes discriminatoires dans les manuels scolaires, les outils et les matériels pédagogiques.

Emploi

36.Le Comité prend acte des mesures prises par l’État partie pour accroître la participation des femmes au marché du travail et pour introduire des normes minimales en matière d’emploi, notamment en ratifiant la Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession) de l’Organisation internationale du Travail en juin 2017. Il demeure toutefois préoccupé par les faits ci-après :

a)Les femmes demeurent concentrées dans le secteur informel de l’emploi, notamment comme travailleuses domestiques, et continuent d’être exclues de la protection de l’emploi et de la sécurité sociale, notamment en ce qui concerne le salaire minimum, la rémunération des heures supplémentaires et le congé maternité;

b)La persistance de la discrimination fondée sur le genre sur le lieu de travail, notamment en ce qui concerne le recrutement, la promotion et l’âge de la retraite, qui, dans de nombreux secteurs, serait fixé à 55 ans pour les femmes contre 60 ans pour les hommes;

c)L’absence de législation interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, malgré les renseignements selon lesquels il est très répandu dans l’État partie;

d)La situation des travailleuses migrantes, qui sont vulnérables aux atteintes et à l’exploitation, en particulier les sans-papiers.

37. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De promouvoir davantage l’accès des femmes à des emplois dans le secteur formel, notamment en encourageant un partage équitable des tâches domestiques et des responsabilités familiales entre les hommes et les femmes et en fournissant des services de garderie suffisants et adaptés;

b) De veiller à ce que les droits des femmes dans le secteur informel soient efficacement protégés, notamment en assurant une couverture suffisante de la protection de l’emploi et en matière de sécurité sociale;

c) De lutter contre toutes les formes de discrimination sexuelle et sexiste sur le lieu de travail, notamment en matière de recrutement et de promotion, et d’élever l’âge de la retraite des femmes afin qu’il soit le même que celui des hommes;

d) De veiller à ce que le harcèlement sexuel soit interdit par la loi et d’adopter des mesures supplémentaires pour prévenir le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, notamment en mettant en place un système de dépôt de plaintes confidentielles et en veillant à ce que les victimes aient effectivement accès à des compensations;

e) De redoubler d’efforts pour protéger les travailleuses migrantes contre les atteintes et l’exploitation, notamment en poursuivant et en punissant les responsables, en assurant l’accès aux soins de santé et aux services essentiels sans crainte d’être arrêtées ou expulsées, et en fournissant des moyens efficaces d’obtenir protection et réparation en cas de violation de leurs droits;

f) D’envisager de ratifier les conventions suivantes de l’Organisation internationale du Travail : la Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical adoptée en 1948, la Convention (n° 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective adoptée en 1949, et la Convention (n° 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques adoptée en 2011.

Santé

38.Le Comité salue les mesures prises par l’État partie afin d’améliorer l’accès des femmes aux services de santé, telles que le système de couverture sanitaire universelle, qui ont conduit à l’allongement de l’espérance de vie, à la réduction des taux d’infection par le VIH et à l’élimination de la transmission mère-enfant du VIH et de la syphilis. Néanmoins, il demeure préoccupé par les renseignements faisant état de taux élevés de mortalité maternelle dans les provinces frontalières du sud et au sein des groupes ethniques minoritaires, et par les renseignements indiquant que des femmes handicapées sont soumises à la stérilisation et à l’avortement forcés.

39. Le Comité recommande à l’État partie de renforcer les mesures visant à réduire la mortalité maternelle, en particulier au sein des groupes ethniques minoritaires et dans les provinces frontalières du sud, notamment en assurant la disponibilité et l’accessibilité de services de santé sexuelle et procréative adéquats, tels que les soins prénataux, obstétricaux et postnataux. Le Comité recommande également à l’État partie de prendre des mesures spécifiques pour protéger les femmes handicapées contre la stérilisation et l’avortement forcés de veiller à ce que le droit à un consentement préalable, libre et éclairé à une telle intervention soit préservé et de mettre en place des mécanismes d’appui à la prise de décisions.

Avantages économiques et sociaux

40.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie en vue de réduire la pauvreté grâce à l’accès à des prêts et crédits, comme la création du Fonds d’autonomisation des femmes en 2012. Toutefois, il est préoccupé par les renseignements faisant état d’irrégularités dans la gestion du Fonds et du faible nombre de femmes qui en ont bénéficié.

41. Le Comité recommande à l’État partie d’entreprendre une évaluation approfondie du Fonds d’autonomisation des femmes et du Fonds communautaire villageois et urbain national créé en 2001 et de prendre des mesures concrètes pour faire en sorte qu’ils soient accessibles et gérés efficacement, notamment en assurant la transparence, la responsabilisation et les décaissements de fonds dans les délais. Il recommande également à l’État partie d’envisager de mettre en place des mécanismes de soutien au démarrage d’activités afin de promouvoir l’entrepreneuriat féminin.

Femmes rurales

42.Le Comité demeure préoccupé par le fait que les femmes rurales, notamment les femmes autochtones et les femmes issues de minorités ethniques et religieuses, continuent d’être touchées de manière disproportionnée par la pauvreté et le manque de perspectives économiques, ce qui accroît leur vulnérabilité à la traite des êtres humains et à l’exploitation. Il constate aussi avec préoccupation que les femmes rurales :

a)N’ont toujours pas accès aux services sociaux de base, tels que l’éducation et les soins de santé, y compris les soins de santé sexuelle et procréative, ainsi que l’accès à la justice;

b)Ne sont pas représentées dans les organes et les structures de prise de décisions tant à l’échelle nationale que locale et sont exclues des processus décisionnels sur les questions qui les concernent;

c)Voient l’exercice de leurs droits à la terre et aux ressources naturelles limité, en raison de l’acquisition de terres en vue de projets de développement, d’exploitation minière et d’autres industries extractives, ainsi que du zonage des parcs nationaux.

43. Se référant à son observation générale n o  34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’élargir les programmes visant à faciliter l’accès des femmes à l’éducation, à l’emploi et aux soins de santé, notamment par l’adoption de mesures temporaires spéciales;

b) D’éliminer tous les obstacles à la participation des femmes rurales à l’élaboration de politiques et de garantir l’intégration et la prise en compte d’une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes dans l’ensemble des politiques, stratégies, plans et programmes de développement agricole et rural, permettant ainsi aux femmes rurales d’agir et d’être visibles en tant que parties prenantes, décideuses et bénéficiaires;

c) De veiller à ce que des consultations effectives soient engagées avec les femmes des communautés touchées, en ce qui concerne le zonage des parcs nationaux et l’exploitation économique des terres et territoires traditionnellement occupés ou utilisés par ces communautés, de garantir le consentement libre, préalable et éclairé des femmes concernées et de fournir une indemnisation adéquate selon que de besoin;

d) De veiller à ce que les femmes rurales soient incluses dans la feuille de route nationale pour la réalisation de l’objectif 5 des objectifs de développement durable;

e) De ratifier la Convention (n o  169) de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux adoptée en 1989.

Femmes en détention

44.Le Comité se déclare préoccupé par le fait que l’État partie détienne l’un des taux les plus élevés de femmes en détention au monde. Il est également préoccupé par le fait que, en raison du nombre limité de prisons pour femmes, les femmes soient souvent incarcérées loin de leur famille et dans des prisons surpeuplées, dans des conditions qui ne respectent pas les normes internationales, notamment en ce qui concerne les femmes enceintes et les femmes détenues avec leurs enfants. Le Comité est également préoccupé par les fouilles corporelles invasives pratiquées sur les femmes en prison.

45. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures urgentes pour réduire le nombre de femmes en détention, y compris en appliquant des peines non privatives de liberté et en éliminant les causes profondes de la délinquance chez les femmes, notamment la pauvreté;

b) D’améliorer les conditions dans les centres de détention des femmes conformément aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) et à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) pour résoudre le problème de la surpopulation carcérale et garantir la fourniture d’installations et de services adéquats, en particulier pour les femmes enceintes et les femmes détenues avec leurs enfants;

c) D’interdire les fouilles corporelles invasives pratiquées sur les femmes par des agents pénitentiaires et de prendre des mesures immédiates pour les éliminer, et d’étendre l’utilisation de technologies telles que les scanners corporels 3D à toutes les prisons.

Dimension de genre des changements climatiques et réduction des risques de catastrophe

46.Le Comité se déclare préoccupé par le fait que les femmes, en particulier les femmes rurales, soient exclues de la participation à l’élaboration et à la mise en œuvre de politiques et de plans d’action sur les changements climatiques et sur la réduction des risques de catastrophe, bien qu’elles soient affectées de manière disproportionnée par les effets des changements climatiques et des catastrophes.

47. Le Comité recommande à l’État partie de :

a) S’assurer de la participation effective des femmes, non seulement en tant que personnes affectées de manière disproportionnée par les effets des changements climatiques et des catastrophes, mais également en tant qu’agents de changement, dans la formulation et la mise en œuvre de politiques et de plans d’action sur les changements climatiques et sur la réaction face aux catastrophes ainsi que sur la réduction des risques;

b) S’assurer que ces politiques et plans d’action incluent de façon explicite une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes et tiennent compte des besoins spécifiques des femmes, notamment ceux des femmes rurales.

Mariage et relations familiales

48.Le Comité se félicite des modifications législatives concernant les fiançailles, conformément à sa recommandation antérieure (CEDAW/C/THA/CO/5, paragraphe 20). Il constate également que la section 277 du Code pénal a été révisée pour garantir que les auteurs de viol d’enfants de moins de 15 ans n’échappent pas à des sanctions. Cependant, il demeure préoccupé par le fait que, en vertu du paragraphe 5 de la section 277 du Code pénal, le tribunal puisse utiliser son pouvoir discrétionnaire pour réduire la peine de l’auteur de tels viols et que les filles âgées de 13 ans qui sont victimes de violence sexuelle puissent quand même être légalement mariées à leurs violeurs. Le Comité se déclare également préoccupé par le fait que des pratiques néfastes telles que les mariages d’enfants et les mariages forcés, ainsi que la polygamie, continuent d’exister, en particulier dans les zones rurales et reculées.

49. Le Comité recommande à l’État partie de :

a) Modifier le paragraphe 5 de la section 277 du Code pénal afin de garantir que l’âge minimum du mariage est fixé à 18 ans pour les filles et pour les garçons dans l’ensemble de l’État partie et de prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les pratiques du mariage d’enfants et du mariage forcé;

b) Veiller à ce que l’interdiction de la polygamie s’applique dans tout l’État partie, y compris dans les provinces frontalières du sud et de prendre des mesures concrètes afin de lutter contre cette pratique en consultant les communautés concernées et les organisations locales de défense des droits des femmes.

Collecte et analyse de données

50.Le Comité reste préoccupé par l’absence d’un système centralisé de collecte de données et par les insuffisances dans la compilation, l’analyse et le traitement de données statistiques fiables sur la situation des femmes dans tous les domaines couverts par la Convention.

51. Le Comité recommande à l’État partie d’améliorer rapidement son système de collecte de données, notamment en renforçant la capacité des institutions nationales compétentes en matière de collecte, d’analyse et de diffusion des données statistiques. Ces données doivent couvrir tous les domaines de la Convention, et être ventilées par âge, sexe, handicap, localisation géographique, origine ethnique et antécédents socioéconomiques afin de faciliter l’analyse de la situation de toutes les femmes, en particulier celles en situation de précarité; ces données et analyses doivent servir à la formulation, au suivi et à l’évaluation des lois, des politiques et des programmes.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention :

52. Le Comité encourage l’État partie à approuver, dès que possible, l’amendement au paragraphe 1 de l’article20 de la Convention relatif à son calendrier des réunions.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

53. Le Comité demande à l’État partie de s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans ses efforts visant à mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

54. Le Comité demande l’instauration d’une égalité de facto entre les hommes et les femmes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

55. Le Comité demande à l’État partie de garantir la diffusion en temps utile des présentes observations finales, dans les langues officielles de l’État partie, aux institutions nationales compétentes à toutes les échelles (nationale, régionale et locale), en particulier au gouvernement, aux ministères, au parlement et au pouvoir judiciaire, pour permettre leur mise en œuvre intégrale.

Assistance technique

56. Le Comité recommande à l’État partie de lier la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et d’avoir recours à l’assistance technique régionale ou internationale à cet égard.

Ratification des autres traités

57. Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme permettrait aux femmes de mieux jouir de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage donc l’État partie à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, auxquelles elle n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

58. Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai de deux ans, des renseignements écrits sur les mesures prises pour l’application des recommandations figurant aux points b) et e) du paragraphe 23 et aux points c) et d) du paragraphe 43 ci-dessus.

Préparation du prochain rapport

59. Le Comité demande à l’État partie de soumettre son huitième rapport périodique au plus tard en juillet 2021. Le rapport doit être soumis dans les délais. En cas de retard, il doit couvrir toute la période allant jusqu’à la date de sa soumission.

60. Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées concernant l’établissement des rapports destinés aux organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment les directives relatives à un document de base commun et à des documents spécifiques aux différents instruments (voir HRI/GEN/2/Rev.6 , chapitre I).