Nations Unies

CEDAW/C/TCD/CO/1-4

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

4 novembre 2011

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes

Cinquantième session

3-21 octobre 2011

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes

Tchad

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a examiné le rapport initial et les deuxième à quatrième rapports périodiques du Tchad, réunis en un seul document (CEDAW/C/TCD/1-4), à ses 1009e et 1010e séances, le 12 octobre 2011 (voir CEDAW/C/SR.1009 et CEDAW/C/SR.1010). La liste de points à traiter et de questions soulevées par le Comité figure dans le document CEDAW/C/TCD/Q/4 et CEDAW/C/TCD/Q/4/Add.2, et les réponses du Tchad dans le document CEDAW/C/TCD/Q/4/Add.1 et 3.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie de son rapport initial et de ses deuxième à quatrième rapports périodiques, réunis en un seul document, qui a toutefois été soumis avec beaucoup de retard et ne contenait pas certains types de données ventilées par sexe ni ne faisait suffisamment référence à ses recommandations générales. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste de points à traiter et de questions soulevées par son groupe de travail de présession, ainsi que des éclaircissements apportés comme suite aux questions posées oralement par le Comité.

3.Le Comité note avec préoccupation les changements apportés à la composition de la délégation de l’État partie et regrette l’absence de représentants des ministères et organismes tchadiens, notamment de sexe féminin, compétents dans les domaines visés par la Convention. Il se félicite toutefois du dialogue qu’il a eu avec le représentant de la Mission permanente de la République du Tchad auprès de l’Office des Nations Unies à Genève.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que le Gouvernement a décidé en août 2011 d’accorder une attention prioritaire à la question de la promotion des droits de la femme et de l’égalité entre les sexes, comme l’a indiqué la délégation durant le dialogue.

5.Le Comité salue l’adoption:

a)De la loi no 006/PR/02 du 15 avril 2002 sur la santé génésique, qui interdit la violence familiale et sexuelle ainsi que les pratiques préjudiciables telles que les mutilations génitales féminines et les mariages précoces (art. 9);

b)Du décret no 414/PR/PM/MEN/2007 du 17 mai 2007, qui porte création de la Direction de la promotion de l’éducation des filles au sein du Ministère de l’éducation nationale.

6.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie en coopération avec divers organismes des Nations Unies pour être mieux à même de faire face aux cas de violence sexuelle et sexiste dans l’est du Tchad, notamment en formant les membres du Détachement intégré de sécurité (DIS) et de la Police nationale à prévenir ces types de violence et à y réagir, en recrutant des policiers de sexe féminin et en créant des postes de prise en charge des femmes dans les camps de réfugiés.

7.Le Comité note la signature en 2010 de l’Accord de N’Djamena sur la normalisation des relations entre le Tchad et le Soudan, qui vise notamment à démobiliser les groupes rebelles tchadiens et soudanais de l’est du Tchad et à créer un mécanisme conjoint de surveillance des frontières.

8.Le Comité salue la ratification par l’État partie, depuis l’entrée en vigueur pour lui de la Convention en 1995, des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants:

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scènes des enfants, en 2002;

b)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en 2006;

c)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), en 2009;

d)La Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala), en 2011.

C.Facteurs et difficultés empêchant l’application effective de la Convention

9.Le Comité reconnaît que, du fait de décennies de dissensions internes, de conflits internationaux, de la persistance du conflit armé dans l’est et le sud-est du pays, des vagues de déplacés internes et de réfugiés, ainsi que de la crise humanitaire, l’État partie continue de rencontrer des difficultés dans la mise en œuvre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

10. Rappelant que l ’ État partie a l ’ obligation d ’ appliquer, de manière systématique et constante, toutes les dispositions de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes, le Comité estime que les préoccupations exprimées et les recommandations formulées dans les présentes observations finales doivent faire l ’ objet d ’ une attention prioritaire de la part de l ’ État partie dès à présent et jusqu ’ à la soumission du prochain rapport périodique. Il lui demande donc instamment de mettre l ’ accent sur les domaines correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu ’ il aura prises et des résultats qu ’ il aura obtenus. Le Comité demande en outre à l ’ État par tie de trans mettre les présentes observations finales à tous les ministères compétents , à l ’ Assemblée nationale et aux organes judiciaires, de façon à en assurer l ’ application intégrale.

Assemblée nationale

11. Tout en réaffirmant que c ’ est au Gouvernement qu ’ il incombe au premier chef de s ’ acquitter pleinement des obligations qui incombent à l ’ État partie en vertu de la Convention, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les branches du pouvoir, et invite l ’ État partie à encourager l ’ Assemblée nationale, conformément à ses procédures et selon qu ’ il convient, à prendre les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales et l ’ établissement de ses prochains rapports au titre de la Convention.

Harmonisation des lois

12.Le Comité note que, conformément à l’article 222 de la Constitution de 1996 tel que modifié par la Loi constitutionnelle no 08/PR/2005, la Convention prime la législation nationale qui, conformément à l’article 158, prévaut en cas de conflit entre plusieurs règles coutumières. Il note également que la législation tchadienne reconnaît d’une façon générale les principes de la non-discrimination et de l’égalité entre hommes et femmes, en particulier à l’article 14 de la Constitution, à l’article 6 de la loi no 038/PR/96 sur le Code du travail et à l’article 7 de la loi no 17/PR/01 sur le statut général de la fonction publique. Le Comité s’inquiète toutefois du flou entourant le statut réel du droit coutumier et du droit religieux par rapport aux lois et de ses effets sur l’incorporation de la Convention dans la législation nationale et son application effective dans l’État partie, en raison de la nature très patriarcale de la société tchadienne, ainsi que du rôle de garant des traditions et coutumes du pays que confère la Constitution aux chefs traditionnels. Il se déclare préoccupé par la codification prévue de quelque 200 règles coutumières et la coexistence par la suite de règles et dispositions des droits moderne, coutumier et religieux; le retard pris dans l’adoption du projet de code de la personne et de la famille et la non-conformité de certaines de ses dispositions avec la Convention; l’inaction apparente en ce qui concerne le réexamen du projet de loi de 1996 interdisant les pratiques discriminatoires au Tchad; et l’absence de dispositions sanctionnant toutes les formes de discrimination.

13. Le Comité demande à l ’ État partie :

a) De sensibiliser les organes judiciaires et les chefs traditionnels et religieux à la primauté de la législation nationale sur le droit coutumier et de la Convention sur la législation nationale;

b) De procéder à un examen complet de sa législation en vue notamment d ’ abroger les dispositions des droits coutumier, religieux et moderne discriminatoires à l ’ égard des femmes et de garantir la conformité de ces textes avec la Constitution et la Convention, ainsi que de fixer un calendrier précis pour mener à bien cet examen;

c) De veiller à ce que l ’ ordre juridique confère aux femmes une égalité formelle et réelle avec les hommes dans tous les domaines et prévoie des sanctions adéquates contre toutes les formes de discrimination directe ou indirecte à l ’ égard des femmes, telles que définies à l ’ article premier de la Convention, ainsi que des moyens de recours en cas de violation de droits;

d) De réviser à titre prioritaire le projet de code de la personne et de la famille pour mettre ses dispositions en conformité avec la Convention et de l ’ adopter dans les plus brefs délais;

e) De prendre les dispositions nécessaires pour pro mulg uer la loi portant interdiction des pratiques discriminatoires au Tchad, tel que recommandé par le Comité pour l ’ élimination de la discrimination raciale (CERD/C/TCD/CO/15, par. 14);

f) De collaborer avec les organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme désireuses de participer à la révision de la législation nationale, ainsi que de sensibiliser les groupes et chefs religieux et traditionnels à l ’ importance de cette révision et de veiller à ce qu ’ ils y prennent part.

Mécanismes de recours en justice

14.Le Comité s’inquiète très vivement de la multiplicité des facteurs empêchant les femmes d’avoir véritablement accès à la justice, tels que la pauvreté et l’analphabétisme, ainsi que la fragilité et les dysfonctionnements du système judiciaire de l’État partie. Il constate avec préoccupation qu’en dépit des efforts déployés pour réformer la justice, le nombre de tribunaux et de professionnels de la justice est insuffisant, l’indépendance des juges n’est pas garantie, l’impunité prévaut sur l’application de la loi et des mécanismes de justice traditionnelle tels que l’acquittement du prix du sang (diyya), qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, continuent de servir pour régler des affaires de viol ou d’autres formes de violence contre les femmes.

15. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De poursuivre ses efforts de réforme et de renforcement du système judiciaire pour faire en sorte que les femmes aient véritablement accès à la justice, par exemple en formant de manière systématique les juges, les procureurs et les avocats à appli quer les lois en tenant compte des considérations liées au genre et de la Convention;

b) De prendre des mesures visant à sensibiliser le grand public à l ’ importance qu ’ il y a de traiter les cas de violation des droits de la femme par le biais de mécanismes de justice s ’ appuyant sur le droit plutôt que sur les traditions pour en finir avec les pratiques discriminatoires telles que la diyya ou l ’ usage voulant que la victime d ’ un viol épouse son agresseur, ainsi que pour garantir l ’ accès des victimes à des recours utiles et à des réparations;

c) De fournir de manière durable une aide juridique gratuite aux femmes et filles victimes de violation de leurs droits fondamentaux, de mettre en œuvre des programmes de vulgarisation juridique, de mieux faire connaître les moyens d ’ exploiter les différents recours juridiques disponibles en cas de discrimination et de suivre les résultats de telles initiatives, ainsi que d ’ œuvrer en collaboration avec les organisations de la société civile telles que l ’ Association des f emmes j uristes du Tchad à la fourniture de ces services.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

16.Notant que les mécanismes nationaux de promotion de la femme comprennent la Direction de la promotion de la femme et de l’intégration du genre du Ministère de l’action sociale, de la solidarité nationale et de la famille, le Comité constate les efforts déployés pour élaborer une politique nationale en faveur des femmes. Il s’inquiète toutefois du fait que les capacités et les ressources de ces mécanismes n’aient pas été suffisamment renforcées, en particulier au niveau régional, pour garantir une coordination efficace entre les différents ministères, tels que le Ministère des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Ministère de l’éducation nationale, le Ministère de la santé publique et le Ministère de l’agriculture et de l’irrigation, et d’autres organismes à différents niveaux lors de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques et programmes d’égalité entre les sexes, ainsi que de l’attribution d’un degré de priorité élevé aux droits de la femme dans les stratégies de développement socioéconomique.

17. Rappelant sa R ecommandation générale n o 6 (1988) et les orientations énoncées dans le Programme d ’ action de Beijing, en particulier celles ayant trait aux conditions nécessaires pour garantir le bon fonctionnement des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De renforcer les capacités de la Direction de la p romotion de la f emme et de l ’ i ntégration du g enre en la dotant, à tous les niveaux, des ressources humaines, techniques et financières propres à améliorer son efficacité pour ce qui est de formuler et mettre en œuvre des lois et des mesures dans le domaine de l ’ égalité entre les sexes , d ’ en coordonner et superviser l ’ élaboration et l ’ application , et de fournir des avis à ce sujet ainsi que de tenir compte des questions relatives à l ’ égalité des sexes dans toutes les lois et politiques ;

b) De former à l ’ égalité entre les sexes les hommes et les femmes travaillant pour le Ministère de l ’ a ction s ociale, de la s olidarité n ationale et de la f amille, y compris ses représentants régionaux, ainsi que celles et ceux travaillant pour d ’ autres services publics aux niveau x national et régional;

c) D ’ accorder une attention prioritaire aux droits de la femme, à la non-discrimination et à l ’ égalité entre les sexes, y compris en tenant compte des recommandations du Comité dans le cadre de l ’ élaboration de la politique nationale en faveur des femmes;

d) D ’ incorporer dans la politique nationale en faveur des femmes une approche pragmatique fondée notamment sur des indicateurs et objectifs précis.

Institution nationale des droits de l’homme

18.Le Comité redit l’inquiétude qu’inspirent à divers organes conventionnels (E/C.12/TCD/CO/3, par. 10, CCPR/C/TCD/CO/1, par. 12, CERD/C/TCD/CO/15, par. 12 et CAT/C/TCD/CO/1, par. 27) le manque d’indépendance de la Commission nationale des droits de l’homme, qui relève du Premier Ministre, ainsi que l’insuffisance de ses ressources humaines et financières.

19. Le Comité encourage l ’ État partie à prendre, en consultation avec un large éventail de représentants de la société civile et avec l ’ appui du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme, les mesures nécessaires pour renforcer l ’ autonomie de la Commission nationale des droits de l ’ homme, conformément aux principes concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l ’ homme (Principes de Paris), ainsi qu ’ à œuvrer avec elle à mieux informer les femmes de leurs droits afin qu ’ elles puissent mieux les faire valoir.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

20.Le Comité s’inquiète de la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément ancrés concernant le rôle et les responsabilités des femmes, qui constituent une discrimination à leur égard et perpétuent leur subordination dans la famille et la société. Il constate que ces attitudes et stéréotypes discriminatoires font gravement obstacle à l’exercice par les femmes de leurs droits fondamentaux et à la jouissance des droits consacrés par la Convention. Le Comité est donc préoccupé par l’absence de volonté politique de prendre des mesures globales pour modifier, voire éliminer, les stéréotypes et les valeurs et pratiques traditionnelles néfastes au Tchad. Il fait part de la vive préoccupation que lui inspire la persistance dans l’État partie de normes et pratiques culturelles préjudiciables profondément enracinées, telles que les mutilations génitales féminines, les mariages précoces, le sororat (fait pour un veuf de se marier avec la sœur de son épouse décédée), le lévirat («transmission de veuves en héritage», ou mariage d’un homme avec la femme de son frère décédé) ou la polygamie.

21. Le Comité engage instamment l ’ État partie à:

a) Mettre en place une stratégie globale visant à modifier, voire à éliminer, les pratiques préjudiciables et stéréotypes discriminatoires à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ article 2, en particulier le paragraphe f), et au paragraphe a) de l ’ article 5 de la Convention. Cette stratégie devrait inclure des actions de sensibilisation destinées au grand public et aux médias, y compris aux responsables religieux et communautaires, à entreprendre en collaboration avec la société civile et les organisations de femmes;

b) Faire usage de mesures innovantes et efficaces visant les jeunes et les adultes pour faire mieux comprendre la notion d ’ égalité entre hommes et femmes et œuvrer avec le système éducatif, formel et informel, ainsi qu ’ avec les médias à promouvoir une image positive et non stéréotypée de la femme;

c) Suivre et examiner les mesures prises afin d ’ en évaluer les effets et de prendre les dispositions qui s ’ imposent, et faire figurer dans son prochain rapport des renseignements clairs sur cette question.

Mutilations génitales féminines et violence contre les femmes

22.Le Comité se déclare profondément préoccupé par la forte prévalence des actes de violence sexuelle ou sexiste, notamment des mutilations génitales féminines, des viols et de la violence conjugale, dans l’État partie. Il s’inquiète vivement de ce que la violence contre les femmes s’accompagne d’une culture du silence et de l’impunité empêchant que des enquêtes et des poursuites soient menées sur les actes de violence sexuelle et sexiste commis pendant et après le conflit et que leurs auteurs soient condamnés, quelle que soit leur appartenance ethnique. Le Comité note en outre avec préoccupation que la grande majorité des cas de violence conjugale et de violence sexuelle ne sont pas signalés du fait de tabous culturels et de la peur des victimes d’être stigmatisées par leur communauté. Il juge préoccupant le fait qu’au moins 45 % des Tchadiennes aient subi des mutilations génitales féminines et regrette vivement que ne soit pas appliquée la loi de 2002 sur la santé génésique, qui interdit les mutilations génitales féminines, les mariages précoces, ainsi que la violence conjugale et sexuelle. Le Comité regrette également le manque d’informations sur les effets des mesures et programmes mis en œuvre pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles. Il s’inquiète en outre de l’absence de services d’aide sociale aux victimes, notamment de structures d’hébergement.

23. Le Comité demande à l ’ État partie:

a) De faire une priorité de l ’ application de la loi de 2002 sur la santé génésique par une modification de la législation pertinente ou l ’ adoption d ’ une loi-cadre sur la violence contre les femmes, de définir des sanctions applicables aux auteurs d ’ actes de ce genre, incluant les mutilations génitales féminines, les mariages précoces, la violence conjugale et la violence sexuelle, ainsi que de veiller à ce que les cas de violence fassent l ’ objet d ’ une enquête et que leurs auteurs soient poursuivis en justice et condamnés;

b) De faire ce qu ’ il faut, y compris d ’ allouer des ressources budgétaires suffisantes et de renforcer sa coopération avec les organisations de la société civile œuvrant sur le terrain, pour être à même d ’ offrir aux victimes et à leur famille protection, secours et moyens de recours, y compris une indemnisation appropriée et des services d ’ aide sociale;

c) De renforcer sa coopération avec les organisations internationales compétentes, en particulier le Fonds des Nations Unies pour la population , afin d ’ achever la mise au point de la Stratégie nationale de prévention de la violence sexuelle et sexiste, conformément à la Recommandation générale n o 19 (1992) du Comité concernant la violence à l ’ égard des femmes, et de la mettre immédiatement en œuvre;

d) De sensibiliser par les médias et des programmes éducatifs le grand public au fait que toutes les formes de violence contre les femmes, y compris les mutilations génitales féminines, constituent une discrimination au sens de la Convention et bafouent par conséquent leurs droits.

Traite et exploitation par la prostitution

24.Tout en prenant note du Plan national de lutte contre la traite des personnes, le Comité s’inquiète du manque d’informations sur l’ampleur de la traite des femmes, qui est pratiquée au Tchad de l’aveu même de l’État partie. Il s’inquiète également des cas d’enfants, notamment de filles, vendus par leurs parents à des proches ou à des inconnus, ainsi que des cas de filles enlevées et envoyées à N’Djamena ou dans d’autres régions. Aussi le Comité se déclare-t-il préoccupé par le fait que le Code pénal n’érige pas la traite des personnes en infraction. Il note en outre avec préoccupation le manque de statistiques sur le nombre de femmes et de filles victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou commerciale. Le Comité regrette l’absence de renseignements détaillés sur l’existence et la mise en œuvre de mémorandums d’accord ou d’accords bilatéraux et régionaux conclus avec d’autres pays en matière de traite des personnes, ainsi que le caractère inadéquat des informations fournies sur les trafiquants poursuivis et condamnés.

25. Le Comité engage instamment l ’ État partie à:

a) Modifier son Code pénal pour y ériger la traite des personnes en infraction et envisager d ’ adopter, dans le droit fil du Protocole de Palerme, une loi-cadre de lutte contre la traite des personnes pour appliquer pleinement l ’ article 6 de la Convention et faire en sorte que les trafiquants soient poursuivis et condamnés et que les victimes reçoivent la protection et l ’ assistance dont elles ont besoin;

b) Appliquer effectivement le Plan national de lutte contre la traite des personnes et envisager de créer un mécanisme national de coordination des activités de prévention et de répression de la traite des personnes, ainsi que de protection des victimes;

c) Fournir aux organes judiciaires, aux agents des forces de l ’ ordre, aux gardes frontière et aux travailleurs sociaux des informations et des services de formation sur la manière d ’ identifier les victimes de la traite et de s ’ en occuper, et sur les dispositions antitraite de la législation nationale;

d) Assurer un suivi systématique de la situation et en dresser périodiquement le bilan, notamment en collectant et en analysant des données sur la traite et l ’ exploitation des femmes par la prostitution, et faire figurer ces renseignements dans son prochain rapport périodique ;

e) Réaliser des études comparatives sur la traite et la prostitution et s ’ attaquer aux causes premières de ces phénomènes, dont la pauvreté, afin que les femmes et les filles ne soient pas exposées à l ’ exploitation sexuelle et la proie des trafiquants, ainsi que prendre des mesures en faveur du rétablissement et de l ’ in sertion sociale des victimes ;

f) Intensifier ses efforts en matière de coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d ’ origine, de transit et de destination afin de prévenir la traite grâce à l ’ échange d ’ informations et harmoniser les procédures légales permettant de poursuivre et de condamner les trafiquants .

Participation à la vie politique et publique

26.Le Comité prend note des informations de l’État partie selon lesquelles les femmes représentent 21 % du nombre total des fonctionnaires et occupent 28 des 188 sièges de l’Assemblée nationale. Il note en outre que l’article 3 du Code électoral, tel que révisé en 2007, confère à tous les Tchadiens, sans discrimination aucune, le droit de voter et d’être élu. Le Comité s’inquiète toutefois de la faible participation des femmes à la vie politique et publique, en particulier leur faible représentation aux postes de décision et dans l’administration locale, ainsi que dans le corps diplomatique. Il regrette l’absence de volonté politique d’augmenter sensiblement le nombre de femmes participant à la vie politique et publique dont attestent le retard pris dans l’adoption du projet de loi de 1999 sur les quotas de femmes et l’absence de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de fait entre hommes et femmes s’agissant de leur participation à la vie politique et publique de l’État partie, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention. Le Comité s’inquiète en outre de l’absence de données fiables sur le nombre de femmes occupant des postes à tous les niveaux de l’administration publique, ainsi que dans les autres domaines de la vie publique et professionnelle, notamment les syndicats et le secteur privé.

27. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De faire une priorité de l ’ adoption du projet de loi de 1999 sur les quotas de femmes et de s ’ employer systématiquement à promouvoir la pleine et égale participation des femmes au processus décisionnel, en tant qu ’ exigence démocratique, dans tous les secteurs de la vie publique, politique et professionnelle, en donnant suite à la Recommandation générale n o 23 (1997) du Comité concernant la vie politique et publique et en adoptant, si besoin, des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et de la Recommandation générale n o 25 (2004) du Comité, afin d ’ accélérer la pleine et égale participation des femmes à la vie publique et politique ;

b) De mettre en œuvre des activités de sensibilisation à l ’ importance pour la société dans son ensemble de la participation des femmes à la prise de décisions et d ’ élaborer des programmes ciblés de formation et de tutorat pour les femmes candidates et les femmes élues à des fonctions officielles , ainsi que des programmes de perfectionnement des compétences en matière d ’ encadrement et de négociation à l ’ intention des dirigeantes actuelles et futures ;

c) De suivre l ’ efficacité des mesures prises et des résultats obtenus et d ’ en rendre compte dans son prochain rapport périodique.

Participation des femmes au processus de paix

28.Le Comité note avec satisfaction les informations fournies par l’État partie selon lesquelles la Commission de résolution des conflits comprend des femmes, tout en constatant que des détails manquent concernant la composition actuelle de cette commission et son pourcentage de femmes. Il s’inquiète de l’absence de renseignements détaillés sur la participation réelle des femmes à tous les niveaux des mécanismes chargés de définir la politique nationale de stabilisation de l’État partie dans le cadre de la reconstruction d’après conflit.

29. Le Comité demande à l ’ État partie:

a) De formuler et d ’ adopter un plan national d ’ action visant à mettre en œuvre la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité de manière intégrée avec la Convention afin d ’ incorporer une démarche soucieuse de l ’ égalité des sexes dans le processus de paix, l ’ objectif étant d ’ entreprendre des actions stratégiques, d ’ identifier des priorités et des ressources, ainsi que de définir les responsabilités et les échéances au niveau national concernant les femmes, la paix et la sécurité;

b) D ’ associer pleinement toutes les femmes intéressées à toutes les étapes du processus de paix, notamment en leur donnant les mêmes possibilités qu ’ aux hommes de participer à la prise de décisions, afin de mieux tenir compte des besoins des femmes et des filles dans le processus de reconstruction d ’ après conflit, y compris dans des domaines tels que le rapatriement et la réinstallation, la réadaptation ou la réinsertion .

Éducation

30.Le Comité se félicite des mesures prises pour résorber les disparités entre garçons et filles dans l’enseignement primaire et secondaire, comme la réduction des frais de scolarité pour les filles. Il est cependant préoccupé par le très faible taux de scolarité des filles dans le secondaire et dans les établissements techniques, ainsi que par la persistance de toute une série d’obstacles à leur scolarisation. Il s’agit notamment des préjugés des parents à l’égard des écoles modernes et de la priorité qu’ils accordent aux études de leur fils, des mariages précoces et de la pression exercée sur les adolescentes enceintes pour qu’elles quittent l’école, du harcèlement sexuel dans les écoles, de la pauvreté et de la participation des filles à des activités génératrices de revenus, du manque d’infrastructures adaptées, notamment de points d’eau et de sanitaires séparés pour les filles, et enfin des longues distances entre le domicile et l’établissement scolaire, qui exposent les filles aux actes de harcèlement sexuel et de violence sur le chemin de l’école. Le Comité est vivement préoccupé par le faible taux d’alphabétisation dans l’État partie et par le fait que l’analphabétisme touche surtout les femmes adultes puisqu’elles sont deux fois plus nombreuses que les hommes à ne pas savoir lire ni écrire.

31. Le Comité invite l ’ État partie à:

a) P rendre des mesures pour assurer l ’ égalité d ’ accès de fait des filles et des jeunes femmes à tous les niveaux d ’ éducation, faire en sorte que les filles n ’ abandonnent pas l ’ école et renforcer la mise en œuvre de politiques permettant aux jeunes femmes de reprendre leurs études après une grossesse, et ce , dans l ’ ensemble du pays;

b) D éfinir des mesures pour réduire et prévenir l ’ abandon scolaire chez les filles, et envisager d ’ élaborer de s programmes agréés d ’ enseignement extrascolaire pour les filles qui abandonnent leurs études;

c) I ntensifier les efforts déployés pour améliorer le taux d ’ alphabétisation des femmes par l ’ adoption de programmes complets d ’ éducation et de formation scolaires et extrascolaires.

Emploi

32.S’il apprécie les informations relatives à l’emploi communiquées par l’État partie, le Comité note avec préoccupation que le rapport ne fournit pas suffisamment de renseignements sur les mesures prises, notamment les mesures temporaires spéciales, pour éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans le domaine de l’emploi. Ce document ne donne pas non plus d’informations suffisantes sur les formations existantes, par exemple celles dispensées par le Fonds national d’appui à la formation professionnelle (FONAP), sur les ressources disponibles pour les femmes, sur les écarts de rémunération entre les sexes dans la pratique ni sur la situation des femmes dans le secteur informel. Le Comité regrette que l’ordonnance no 006/PR/84, en vertu de laquelle un homme peut refuser que son épouse exerce une activité commerciale, soit toujours en vigueur, et il souhaite attirer l’attention de l’État partie sur le fait qu’une telle disposition est contraire à la Convention, puisqu’elle porte atteinte au droit des femmes au libre choix de la profession et de l’emploi. En outre, le Comité s’inquiète de l’absence de dispositions interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

33. Le Comité exhorte l ’ État partie à faire respecter le droit aux mêmes possibilités d ’ emploi pour les femmes, conformément à l ’ article 11 de la Convention. À cette fin, il recommande à l ’ État partie:

a) D ’ adopter des mesures efficaces concernant le marché du travail officiel, y compris des mesures temporaires spéciales, en vue d ’ éliminer la ségrégation professionnelle, tant horizontale que verticale, de réduire, puis de combler l ’ écart de rémunération entre hommes et femmes, et de veiller au respect des principes de l ’ égalité de traitement pour un travail d ’ égale valeur et de l ’ égalité des chances au travail;

b) D e réexaminer les lois pertinentes relatives au travail en vue d ’ abroger toutes les dispositions discriminatoires à l ’ égard des femmes, notamment l ’ ordonnance n o 006/PR/84;

c) D ’ adopter une loi interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

d) D ’ élaborer un plan d ’ action pour la protection des femmes qui travaillent dans le secteur informel, portant notamment sur l ’ accès des femmes à la sécurité sociale et à d ’ autres formes de prestations sociales;

e ) D e faire figurer dans son prochain rapport périodique les mesures législatives et autres qu ’ il a adoptées pour protéger les femmes contre le harcèlement sexuel au travail.

Santé

34.S’il se félicite de l’adoption de la politique nationale de santé (2007-2015), de la feuille de route pour la réduction de la mortalité maternelle et du plan stratégique de lutte contre le VIH/sida, le Comité s’inquiète de la détérioration des indicateurs de santé dans l’État partie, notamment en ce qui concerne la mortalité maternelle (1 200 pour 100 000 naissances vivantes en 2008, contre 1 099 pour 100 000 en 2004). Il est également préoccupé par le fait que des facteurs socioculturels, l’analphabétisme et la pauvreté, ainsi que des contraintes géographiques (la concentration des ressources humaines et matérielles dans les zones urbaines) demeurent des obstacles majeurs à l’accès des femmes, en particulier celles des régions rurales, aux services de santé. À cet égard, il s’inquiète également du faible taux d’utilisation des moyens contraceptifs, notamment dans les zones rurales (1 %, contre 10 % en milieu urbain). De plus, il est préoccupé par les informations selon lesquelles le VIH/sida toucherait surtout les femmes, notamment les femmes enceintes (4 %) et les travailleuses du sexe (20 %).

35. Le Comité engage l ’ État partie à:

a) V eiller à la mise en œuvre de la P olitique nationale de santé (2007-2015);

b) S ’ attaquer aux obstacles qui empêchent les femmes d ’ accéder aux soins de santé, notamment aux normes socioculturelles et à la situation économique précaire des femmes des zones rurales et urbaines, qui constituent un risque ;

c) P rendre des mesures pour inciter les hommes à employer des moyens contraceptifs afin de favoriser la procréation responsable, et allouer les fonds nécessaires aux services de planification familiale et aux centres de santé afin de les rendre plus accessibles aux femmes des zones rurales ;

d) R edoubler d ’ efforts pour améliorer l ’ accès aux traitements antirétroviraux et augmenter le nombre de structures dédiées à la prévention de la transmission mère-enfant, comme indiqué dans les réponses de l ’ État partie à la liste des points et questions;

e) É laborer des politiques de lutte contre la discri mination multiple et la violence à l ’ égard des femmes en tenant compte du lien de cause à effet entre la violence et les risques d ’ infection par le VIH/sida.

Émancipation économique

36.Le Comité prend note avec intérêt des projets spécifiquement mis en place par l’État partie pour promouvoir le développement économique des femmes via l’octroi de crédits à des groupes de femmes ou de microcrédits à des femmes n’ayant pas accès à des facilités de crédits bancaires normales. Il se félicite de ce que les femmes soient les premières bénéficiaires des microcrédits accordés par le comité d’appui à la lutte contre la pauvreté et l’insécurité alimentaire, créé en 2006 par le Ministère de la microfinance et de la réduction de la pauvreté. Cependant, il constate avec inquiétude que la plupart des femmes, notamment en zone rurale, sont toujours victimes de discrimination en matière d’émancipation économique, en raison des mauvaises conditions socioéconomiques dans lesquelles elles vivent et des stéréotypes dont elles font l’objet. Il note également avec inquiétude que dans la société tchadienne, l’accès des femmes aux facilités modernes de crédit est un phénomène nouveau et reste par conséquent difficile parce qu’elles manquent de garanties et ne comprennent pas toujours les conditions liées au crédit.

37. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de faire de la promotion de l ’ égalité des sexes une composante expresse de ses plans et programmes nationaux, régionaux et locaux de développement, en particulier ceux qui visent l ’ atténuation de la pauvreté et le développement durable, de manière à ce que l ’ égalité soit prise en compte dans toutes les politiques publiques. Le Comité encourage aussi l ’ État partie à poursuivre ses efforts pour promouvoir l ’ émancipation économique des femmes par l ’ accès à l ’ emploi, au crédit, à la terre et à d ’ autres ressources, compte tenu de la réalité sociale dans laquelle elles vivent. Il lui recommande de redoubler d ’ efforts pour encourager et soutenir la création d ’ entreprises par des femmes, en particulier des zones rurales, notamment en leur assurant une formation et en leur donnant accès au crédit.

Femmes des zones rurales

38.Le Comité prend note du projet CHD 5 G 104 «Autonomisation de la femme rurale», en place depuis 2006, et des informations communiquées par la délégation au cours du dialogue sur l’importance des femmes des zones rurales dans le programme d’action du Gouvernement. Cependant, le Comité est préoccupé par la situation défavorisée des femmes des zones rurales et isolées, qui représentent près de 80 % des Tchadiennes, dans la mesure où elles sont souvent touchées par la pauvreté, subissent les conséquences du conflit armé, ont des difficultés à accéder aux services sanitaires et sociaux et ne participent guère à la prise de décisions au niveau local. Le Comité note aussi avec inquiétude que les coutumes et pratiques traditionnelles, fort courantes dans les zones rurales, empêchent les femmes d’hériter ou d’acquérir des terres ou d’autres biens. Il s’inquiète notamment des répercussions du boom pétrolier sur les conditions de vie des femmes rurales depuis l’entrée de l’État partie, en 2003, dans le cercle des pays exportateurs de pétrole, et regrette l’absence d’informations à ce sujet dans le rapport.

39. Le Comité demande instamment à l ’ État partie:

a) D e prendre les mesures qui s ’ imposent pour que les femmes rurales participent à l ’ élaboration et à la mise en œuvre de plans de développement local, notamment ceux visant à permettre la transformation et la dive rsification de la structure économique , rendues nécessaires par le boom pétrolier;

b) D e faire en sorte que les femmes rurales, en particulier les femmes chefs de famille, participent aux processus décisionnels et bénéficient d ’ un meilleur accès aux soins de santé, à l ’ éducation, à l ’ eau potable et aux services d ’ assainissement, à des terres fertiles et à des projets générateurs de revenus;

c) D ’ éliminer toutes les formes de discrimination en ce qui concerne la propriété ou la copropriété de terres et l ’ héritage foncier;

d) D ’ adopter des mesures pour combattre les coutumes et pratiques traditionnelles préjudiciables, notamment dans les zones rurales, qui empêchent les femmes d ’ exercer pleinement la totalité de leurs droits, dont le droit à la propriété;

e) D e donner des informations détaillées, dans son prochain rapport périodique, sur les résultats du projet CHD 5 G 104 «Autonomisation de la femme rurale» et sur les répercussions de l ’ activité pétrolière sur les conditions de vie des femmes rurales.

Groupes de femmes défavorisés

40.S’il prend note de l’amélioration de la sécurité dans l’est du Tchad et des efforts déployés par l’État partie pour protéger les camps de réfugiés et les sites de déplacés, le Comité est particulièrement préoccupé par les risques élevés encourus par les femmes et filles réfugiées ou déplacées de subir des violences sexuelles et sexistes, notamment des viols, à l’intérieur ou à l’extérieur des camps de réfugiés et des sites de déplacés. Il s’inquiète également des mêmes risques qu’encourent ces femmes et ces filles dans d’autres régions du pays, en particulier dans le Sud. Le Comité est vivement préoccupé par les informations selon lesquelles un très grand nombre de victimes sont des enfants, notamment des fillettes, parfois âgées de 5 ans à peine. Il regrette que la plupart des cas ne soient pas signalés et que ceux qui le sont, environ 430 à la mi-2011, soient réglés par le biais de mécanismes traditionnels de résolution des conflits, en raison de l’inexistence dans la loi d’autres possibilités de protection pour les victimes et de la fragilité du système judiciaire, qui perpétue l’impunité.

41. Le Comité engage vivement l ’ État partie à:

a) R edoubler d ’ efforts pour améliorer la sécurité des camps de réfugiés et des sites de déplacés, afin que les femmes et les filles soient efficacement protégées;

b) Mener des activités systématiques de sensibilisation et de formation sur le thème des violences sexuelles et sexistes, évoquant notamment des méthodes de prévention et d ’ intervention adaptées , à l ’ intention des membres du Détachement i ntégré de s écurité et d ’ autres membres des forces de l ’ ordre, notamment de s femmes, qui sont chargés d ’ assurer la sécurité des camps de réfugiés et des sites de déplacés;

c) R edoubler d ’ efforts afin de recruter davantage de femmes parmi les membres des forces de l ’ ordre déployés dans les camps de réfugiés et les sites de déplacés, afin de faciliter le signalement des cas de violence sexuelle et sexiste et l ’ accompagnement des victimes dans leurs démarches auprès de la justice ;

d) O ffrir à ces femmes un véritable accès à des voies de recours , veiller à ce que tout cas donne lieu dans les plus brefs délais à une enquête approfondie et à ce que les auteurs soient traduits en justice, qu ’ il s ’ agisse d ’ acteurs étatiques ou non étatiques, et garantir, s ’ il y a lieu, l ’ octroi d ’ une réparation ad équate ;

e) R enforcer sa coopér ation avec l ’ Organisation des Nations Unies sur le terrain ainsi qu ’ avec des organisations humanitaires internationales et locales pour apporter un soutien médical et psychologique aux femmes ayant subi des violences sexuelles ou sexistes, notamment des viols.

Mariage et relations familiales

42.Le Comité est préoccupé par l’existence d’un ensemble de lois coutumières, religieuses et modernes sur le mariage qui, par certains aspects, sont discriminatoires à l’égard des femmes. En particulier, il constate avec inquiétude que la polygamie est autorisée si les époux n’y renoncent pas expressément lors de la signature du contrat de mariage (art. 11 de l’ordonnance no 03/INT/SUR de 1961), que la pleine capacité de la femme mariée de signer des actes n’est pas reconnue dans la loi, qu’il existe des dispositions juridiques discriminatoires en ce qui concerne les droits de succession et d’héritage pour les femmes, et que la pratique des mariages précoces perdure, bien qu’elle soit interdite en vertu de l’article 9 de la loi sur la santé génésique (2002). Le Comité note également avec préoccupation les incohérences concernant l’âge minimum du mariage pour les femmes: en vertu de l’article 144 du Code civil, il est de 15 ans, mais d’après l’article 277 du Code pénal, les mariages coutumiers sont légaux pour les filles à partir de 13 ans. Le Comité s’inquiète également du fait que ces deux dispositions soient contraires aux normes internationales, dans la mesure où elles sont discriminatoires, notamment, à l’égard des filles âgées de 13 à 15 ans d’une part et de celles âgées de 15 à 18 ans d’autre part. En outre, il regrette que le projet de Code de la personne et de la famille propose de porter l’âge minimum du mariage à seulement 17 ans pour les filles.

43. Le Comité rappelle l ’ article 16 de la Convention relatif à l ’ égalité de l ’ homme et de la femme dans le mariage et les rapports familiaux, ainsi que sa Recommandation générale n o 21 (1994), et demande instamment à l ’ État partie d ’ éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes et des filles dans toutes les questions relatives au mariage, aux rapports familiaux et à la succession en:

a) R éexaminant le projet de Code de la personne et de la famille et veillant notamment à ce qu ’ il interdise la polygamie, porte à 18 ans l ’ âge minimum du mariage pour les femmes, garantisse l ’ égalité de droits entre hommes et femmes en matière d ’ héritage et de succession , et reconnaisse la pleine capacité juridique des femmes, afin que ce texte soit conforme à la Convention;

b) P renant les mesures nécessaires pour donner un caractère prioritaire à l ’ adoption du Code de la personne et de la famille;

c) M enant des activités de sensibilisation dans tout le pays sur les effets préjudiciables des mariages précoces pour les filles , en soulignant notamment les répercussions de telles unions sur le long terme en ce qui concerne l ’ exercice des droits à la santé et à l ’ éducation , afin de mettre en application la loi sur la santé génésique.

Collecte de données

44.Le Comité est préoccupé par le fait que les données ventilées par sexe fournies par l’État partie, dans tous les domaines couverts par la Convention, sont insuffisantes et obsolètes. Il note que des informations à jour sont nécessaires pour évaluer précisément la situation des femmes, élaborer des politiques éclairées et ciblées et suivre et évaluer systématiquement les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité réelle dans tous les domaines visés par la Convention.

45. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ améliorer la collecte d e données ventilées par sexe et l ’ utilisation d ’ indicateurs mesurables permettant d ’ évaluer l ’ évolution de la situation des femmes et les progrès réalisés sur la voie de l ’ égalité réelle. À cet égard, il attire l ’ attention de l ’ État partie sur la Recommandation générale n o 9 de 1989 sur les données statistiques concer nant la situation des femmes et l ’ encourage à demander l ’ assistance technique des organismes compétents des Nations Unies ainsi qu ’ à améliorer sa collaboration avec les associations de femmes sur le terrain qui sont susceptibles de l ’ aider à obtenir des informations précises.

Protocole facultatif et modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

46.Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter, dès que possible, la modification du premier paragraphe de l ’ article 20, concernant la durée des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

47. Le Comité prie instamment l ’ État partie, pour s ’ acquitter de ses obligations au titre de la Convention, d ’ utiliser la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, ainsi que d ’ inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

48. Le Comité souligne que l ’ application intégrale et effective de la Convention est indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Notant que l ’ État partie risque de n e pas atteindre les objectifs fixé s pour 2015, le Comité l ’ invite à se fixer des priorités dans le cadre de l ’ action qu ’ il mène à cette fin, en consultan t les partenaires concernés et en recourant au Plan-cadre des Nations Unies pour l ’ aide au développement. Il appelle également à l ’ intégration d ’ une perspective de genre et à la prise en compte expresse des dispositions de la Convention dans tous les efforts déployés en vue de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement et prie l ’ État partie d ’ inclure des informations à ce sujet dans son prochain rapport périodique.

Diffusion

49. Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées au Tchad afin que la population, et notamment les agents de l ’ État , les politiques, les parlementaires, les organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme ainsi que les médias, soient informés des mesures prises pour assurer l ’ égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes et des autres mesures à prendre . Il recommande de recourir à des moyens de communication novateurs et inventifs, adaptés aux taux élevés d ’ analphabétisme dans le pays, afin que les présentes observations finales connaissent une large diffusion au niveau local. Il encourage l ’ État partie à organiser une série de rencontres pour débattre des progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces observations finales. Il prie l ’ État partie de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme, ses recommandations générales, la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing et le Document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale, intitulée «Les femmes en l ’ an 2000: égalité des sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle».

Assistance technique

50. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de solliciter une assistance internationale et de recourir à une assistance technique pour l ’ élaboration et la mise en œuvre d ’ un programme très complet visant à l ’ application des recommandations ci-dessus et de la Convention dans son ensemble. Le Comité demande en outre à l ’ État partie de renforcer sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies, notamment l ’ Entité des Nations Unies pour l ’ égalité des sexes et l ’ autonomisation des femmes (ONU-Femmes), la Division de statistique de l ’ Organisation des Nations Unies, le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l ’ Organisation mondiale de la santé et le Haut- Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme.

Ratification d’autres instruments

51. Le Comité fait observer que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme renforcerait l ’ exercice par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans toutes les sphères de la vie. Il encourage par conséquent le Gouvernement tchadien à envisager de ratifier les instruments auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Suivi des observations finales

52. Le Comité demande à l ’ État partie de fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu ’ il aura prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 13 et 29 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

53. Le Comité prie l ’ État partie d ’ assurer une large participation de tous les ministères et organismes public s à l ’ établissement du pr ochain rapport et de consulter à cette occasion diverses organisations féminines et organisations de défense des droits de l ’ homme.

54. Le Comité prie l ’ État partie de répondre, dans son prochain rapport périodique au titre de l ’ article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales , et l ’ invite à soumettre son cinquième rapport périodique en octobre 2015.

55. Le Comité invite l ’ État partie à suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, notamment les directives portant sur le document de base commun et les rapports propres à chaque instrument, approuvées à la cinquième R éunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, en juin 2006 (voir HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives relatives au rapport spécifique à la Convention, adoptées par le Comité à sa quarantième session t enue en janvier 2008 (A/63/38, partie 1, annexe I), doivent être appliquées parallèlement aux directives harmonisées concernant l ’ établissement d u document de base commun. Ensemble, elles constitue nt les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Le document propre à la Convention ne devrait pas dépasser 40 pages et le document de base commun actualisé ne devrait pas dépasser 80 pages.