Nations Unies

CRC/C/83/D/24/2017

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

24 mars 2020

Français

Original : espagnol

Comité des droits de l’enfant

Constatations adoptées par le Comité au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, concernant la communication no24/2017 * , **

Communication présentée par :

M. A. B. (représenté par un conseil, Albert Parés Casanova)

Victime(s) présumée(s) :

M. A. B.

État partie :

Espagne

Date de la communication :

12 juillet 2017

Date des constatations :

7 février 2020

Objet :

Procédure de détermination de l’âge d’un présumé enfant non accompagné

Question(s) de procédure :

Irrecevabilité ratione personae ; non‑épuisement des recours internes

Article(s) de la Convention :

3, 8, 12, 18 (par. 2), 20 (par. 1), 27 et 29

Article(s) du Protocole facultatif :

7 c), e) et f)

1.1L’auteur de la communication est M. A. B., de nationalité guinéenne, né le 24 décembre 1999. Il se dit victime de violations des articles 3, 8, 12, 18 (par. 2), 20 (par. 1), 27 et 29 de la Convention. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’État partie le 14 avril 2014.

1.2Le 13 juillet 2017, le Groupe de travail des communications, agissant au nom du Comité et se fondant sur l’article 6 du Protocole facultatif, a demandé à l’État partie de ne pas renvoyer l’auteur dans son pays d’origine et de le transférer dans un centre de protection de l’enfance tant que sa communication serait à l’examen.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 3 juin 2017, la Police nationale espagnole a intercepté à Motril (province de Grenade) l’embarcation à bord de laquelle l’auteur tentait d’entrer illégalement en Espagne. Le 4 juin 2017, elle a décidé de renvoyer l’auteur dans son pays d’origine. L’auteur, qui n’avait pas de papiers, a déclaré être mineur, mais la police n’en a pas tenu compte. Le 6 juin 2017, le tribunal d’instruction no 2 de Motril a ordonné le placement de l’auteur au centre de détention pour étrangers de Barcelone pour une durée maximale de soixante jours, dans l’attente de l’exécution de la décision de renvoi.

2.2L’auteur a de nouveau déclaré qu’il était mineur devant le directeur du centre de détention pour étrangers, qui a communiqué l’information au tribunal d’instruction no 1 de Barcelone. Le 26 juin 2017, le tribunal a ordonné que l’auteur soit soumis à des examens médicaux de détermination de l’âge consistant en une radiographie de la main et un panoramique dentaire.

2.3L’auteur soutient qu’il n’a jamais reçu de notification concernant la réalisation d’examens médicaux visant à déterminer son âge. Le 7 juillet 2017, il s’est mis en contact avec des avocats du centre de détention pour étrangers, qui ont demandé des renseignements sur les examens en question. Le même jour, l’auteur a envoyé une copie de son acte de naissance au tribunal d’instruction no 2 de Motril afin de prouver qu’il était mineur. Au moment où il a soumis sa plainte au Comité, il n’avait encore reçu d’informations ni au sujet des examens médicaux ni au sujet d’une éventuelle décision adoptée par l’État partie concernant la détermination de son âge.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’au cours de la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis, son intérêt supérieur en tant qu’enfant n’a pas été pris en considération, contrairement aux dispositions de l’article 3 de la Convention. Il signale que, comme le Comité l’a constaté, il n’existe pas dans l’État partie de protocole uniformisé à l’échelon national pour la protection des enfants non accompagnés. Les méthodes employées pour déterminer l’âge de ces enfants varient donc d’une communauté autonome à l’autre.

3.2L’auteur renvoie à un rapport du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) dans lequel il est dit que les examens de détermination de l’âge doivent être utilisés uniquement lorsqu’ils sont strictement nécessaires et que la méthode Greulich-Pyle ne doit pas s’utiliser seule et qu’il faut faire appel à un panel d’experts équipés de la technologie voulue et combinant plusieurs techniques différentes. Il est également dit dans le rapport qu’il convient d’appliquer la Convention de façon appropriée, en faisant primer l’intérêt supérieur de l’enfant sur les dispositions d’ordre public relatives aux étrangers dans toutes les mesures et interventions.

3.3L’auteur fait observer que les seules méthodes de détermination de l’âge actuellement utilisées en Espagne sont l’estimation médicale et l’estimation fondée sur les caractéristiques physiques. Il existe d’autres méthodes, comme l’estimation fondée sur des critères psychosociaux et de développement ou l’estimation fondée sur la documentation disponible, la connaissance et l’information locale, mais elles ne sont pas utilisées. L’examen le plus couramment employé en Espagne est l’examen radiologique basé sur l’Atlas de Greulich et Pyle, étude réalisée dans les années 1950 sur un échantillon de 6 879 enfants en bonne santé d’origine nord-américaine issus de la classe moyenne supérieure. Cette méthode permet d’obtenir une estimation de l’âge à partir de fourchettes de résultats. L’auteur affirme que cette étude, comme d’autres études menées ultérieurement, donne une simple évaluation. Il appelle l’attention sur la nécessité de distinguer l’âge chronologique de l’âge osseux, notion statistique issue de l’expérience clinique qui peut être utile à des fins strictement médicales pour évaluer la maturation osseuse d’un sujet et faire des projections quant à son développement, par exemple estimer sa taille à l’âge adulte. L’âge chronologique, lui, est le temps vécu par la personne. L’âge osseux ne correspond pas nécessairement à l’âge chronologique, étant donné que des facteurs liés au statut social de l’enfant, notamment des facteurs génétiques, pathologiques, nutritionnels et hygiénico-sanitaires, ainsi que des facteurs raciaux, ont une incidence sur la croissance et sur le développement de l’individu. Diverses études montrent que la situation socioéconomique joue un rôle déterminant dans le développement osseux.

3.4L’auteur affirme que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant doit prévaloir tout au long de la procédure de détermination de l’âge et que seuls devraient être pratiqués les examens médicaux nécessaires et conformes à l’éthique médicale. La marge d’erreur doit être systématiquement signalée dans les rapports médicaux. De plus, il faudrait confier la réalisation et l’interprétation des clichés radiographiques à du personnel médical spécialisé en radiodiagnostic et l’analyse globale des résultats à du personnel médical spécialisé en médecine légale, et non pas aux services de radiologie comme cela est souvent le cas. Enfin, la détermination de l’âge doit être fondée sur plusieurs examens et sur des examens complémentaires.

3.5L’auteur se dit également victime d’une violation de l’article 3 de la Convention, lu conjointement avec l’article 18 (par. 2) et l’article 20 (par. 1), au motif qu’aucun tuteur ou représentant n’a été désigné pour agir en son nom, alors que cela constitue une garantie de procédure fondamentale pour le respect de l’intérêt supérieur de l’enfant non accompagné. L’auteur soutient qu’ayant été déclaré majeur sur la base d’éléments non dignes de foi, il s’est retrouvé seul, privé de la protection qui lui était due et en situation d’extrême vulnérabilité.

3.6L’auteur affirme que l’État partie a violé le droit à l’identité qui lui est reconnu à l’article 8 de la Convention. Il fait observer que l’âge constitue un aspect fondamental de l’identité et que l’État partie est tenu de ne pas porter atteinte à son identité, ainsi que de conserver et de protéger les éléments qui la constituent.

3.7L’auteur se également victime d’une violation de l’article 20 de la Convention en ce que l’État partie ne lui a pas accordé la protection qui lui était due en sa qualité d’enfant privé de son milieu familial.

3.8Enfin, l’auteur se dit victime d’une violation des droits qu’il tient des articles 27 et 29 de la Convention car, aucun tuteur n’ayant été désigné pour veiller à ses intérêts, il n’a pas bénéficié des conditions nécessaires à un bon développement.

3.9À titre de réparation, l’auteur propose : a) que l’État partie reconnaisse qu’il est impossible de déterminer son âge au moyen de l’examen médical réalisé ; b) que toute décision prise à son égard lui soit notifiée ; c) que lui soit donnée la possibilité de faire appel devant les tribunaux des décisions rendues concernant la détermination de l’âge ; d) que lui soient reconnus tous les droits que lui confère sa qualité d’enfant, notamment le droit à la protection de l’administration publique, le droit à un représentant légal, le droit à l’éducation et le droit à un permis de séjour et de travail qui lui permette de développer pleinement sa personnalité et de s’intégrer dans la société.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans ses observations du 27 octobre 2017, l’État partie affirme que, le jour où il est entré illégalement en Espagne, l’auteur a été conduit, comme les autres passagers de l’embarcation dans laquelle il se trouvait, au commissariat de Grenade où il a été procédé à leur identification et où tous ont été informés de leurs droits, en présence d’un interprète. Assisté d’un avocat et d’un interprète, l’auteur s’est vu notifier personnellement la décision de renvoi et a été informé de la possibilité d’introduire un recours juridictionnel contre cette décision.

4.2L’État partie indique que, le 29 juin 2017, l’auteur a été soumis au protocole général de détermination de l’âge par l’Institut de médecine légale et scientifique de Catalogne sur ordre du tribunal d’instruction no 1 de Barcelone. Il est indiqué dans le rapport que, selon la Police nationale, l’auteur est né le 24 décembre 1999. Les examens pratiqués, un examen ostéométrique du poignet et un panoramique dentaire, ont permis d’estimer l’âge osseux de l’auteur à 19 ans sur la base de l’atlas de Greulich et Pyle, qui ne prévoit pas d’écart-type pour cette tranche d’âge.

4.3Le 7 juillet 2017, l’auteur, par l’intermédiaire d’avocats de son choix, a sollicité du tribunal d’instruction no 2 de Motril le réexamen de la décision autorisant son placement au centre de détention pour étrangers, en produisant une simple photocopie de ce qu’il dit être une copie de son certificat de naissance et duquel, selon lui, on pouvait déduire qu’il était mineur. Il a demandé au tribunal de revenir sur sa décision de le placer dans un centre de détention pour étrangers et de le confier aux autorités de protection de l’enfance. Le procureur a considéré que, dans la mesure où les examens médicaux auxquels l’auteur avait été soumis avaient permis de conclure à sa majorité, il n’y avait pas lieu de le transférer dans un centre de protection de l’enfance. Le 28 juillet 2017, le tribunal a estimé qu’il n’était pas justifié de revoir le mode de placement, compte tenu qu’il avait été conclu que l’auteur avait plus de 18 ans à l’issue de la procédure de détermination de l’âge et de la consultation du registre MENAS et qu’aucun recours n’avait été introduit contre ladite décision, qui était donc devenue définitive.

4.4Le 26 juillet 2017, la Police nationale a remis M. A. B. en liberté en application d’une ordonnance de sortie du centre de détention pour étrangers de Barcelone.

4.5L’État partie fait valoir : a) qu’aucun document ne prouve que le certificat de naissance est bien celui de la personne qui est arrivée sur une embarcation de fortune et a été placée en détention, étant donné que celle-ci ne portait sur elle aucun document au moment de l’arrestation ; b) que les documents produits ne comportent pas de données biométriques permettant d’établir qu’ils appartiennent bien au demandeur ; c) qu’il existe des doutes quant à l’authenticité des documents, d’autant plus qu’ils contredisent les résultats des examens médicaux auxquels l’auteur a été soumis.

4.6Dans ses observations du 27 octobre 2017, l’État partie soutient que la communication devrait être déclarée irrecevable ratione personae au regard de l’article 7 c) et f) du Protocole facultatif car l’auteur est majeur, comment l’attestent les faits suivants : a) au moment de son entrée illégale en Espagne, l’auteur n’a pas présenté de documents d’identité officiels comportant des données biométriques vérifiables ; b) le certificat de naissance produit ne présente pas les caractéristiques voulues pour être considéré comme celui de l’auteur, car le document fourni n’est qu’une simple photocopie ne comportant pas de données biométriques ; c) l’auteur a l’apparence d’une personne adulte sur les photographies qui ont été prises de lui au moment de son entrée illégale en Espagne (il mesure 174 cm et a une moustache) ; d) l’examen médical objectif auquel a été soumis l’auteur indique que celui-ci a au moins 18 ans, et sa maturité osseuse a été estimée à 19 ans selon l’atlas de Greulich et Pyle, qui ne prévoit pas d’écart-type pour cette tranche d’âge. L’État partie ajoute qu’en l’absence d’élément permettant d’attester que l’auteur est mineur, déclarer la communication recevable servirait uniquement les intérêts des mafias qui se livrent au trafic de migrants, auxquelles l’auteur a fait appel contre rémunération.

4.7L’État partie soutient également que la communication est irrecevable, au regard de l’article 7 e) du Protocole facultatif, pour non-épuisement des recours internes car l’auteur aurait pu : a) demander que soient pratiqués d’autres examens médicaux susceptibles d’attester qu’il était mineur ; b) demander le réexamen de toute décision de la Communauté autonome dans laquelle il n’a pas été considéré comme mineur aux fins de la protection de l’enfance, conformément à la procédure établie à l’article 780 de la loi de procédure civile ; c) contester la décision d’expulsion devant la juridiction contentieuse administrative ; d) former devant les tribunaux civils une demande en matière gracieuse aux fins de la détermination de l’âge, en application de la loi no 15/2015.

4.8L’État partie fait valoir également que, d’après le jugement no 172/2013 rendu par le Tribunal constitutionnel le 9 septembre 2013 sur le recours en amparo no 952/2013, les décisions du parquet concernant la détermination de l’âge sont « éminemment provisoires » et qu’une décision définitive s’agissant de la détermination de l’âge d’une personne sans papiers peut être obtenue auprès d’un tribunal par les voies appropriées, lesquelles n’ont en l’espèce pas été épuisées.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie sur la recevabilité

5.1Dans ses observations du 13 décembre 2017, l’auteur indique que l’État partie n’a pas donné d’explications sur la façon dont l’auteur, possiblement mineur, avait été informé de son droit d’être assisté d’un avocat dans le cadre de la procédure de détermination de l’âge ou sur la base de l’article 12 de la Convention. L’État partie n’a pas non plus expliqué quel recours pouvait être utilisé pour contester la décision de détermination de l’âge prise par le parquet.

5.2L’auteur relève que le Protocole-cadre concernant les procédures applicables aux mineurs étrangers non accompagnés a été contesté devant la Cour suprême, au motif que nombre de ses articles sont considérés comme contraires à la loi et inconstitutionnels. L’auteur renvoie à la sixième section du chapitre 2 du Protocole-cadre, qui prévoit que, si le mineur est en possession d’un passeport, celui-ci peut être considéré comme non valide si le détenteur a l’apparence physique d’un adulte. L’auteur fait observer que la Cour suprême a affirmé précisément le contraire dans de nombreux arrêts. Il renvoie en particulier à un arrêt de la Cour suprême dans lequel celle-ci a établi comme doctrine jurisprudentielle que « l’immigrant dont le passeport ou une pièce d’identité équivalente indique qu’il est mineur ne saurait être considéré comme un étranger sans papiers et, en conséquence, soumis à des examens complémentaires de détermination de l’âge, car il n’y a pas lieu de procéder à de tels examens sans motif raisonnable lorsqu’un passeport valide est présenté. Par conséquent, il convient de s’interroger sur la proportionnalité et de donner le poids voulu aux raisons pour lesquelles il est considéré que le document n’est pas fiable et que des examens doivent être réalisés pour déterminer l’âge. En tout état de cause, les techniques médicales, surtout lorsqu’elles sont invasives, ne sauraient être appliquées de façon systématique à des fins de détermination de l’âge, que les personnes concernées soient ou non pourvues de documents ».

5.3L’auteur considère qu’à aucun moment il n’a été établi que les examens médicaux réalisés étaient exacts et totalement fiables. Il soutient qu’il n’a jamais été informé de l’existence de tous les recours judiciaires que l’État partie mentionne dans ses observations. Il souligne qu’il s’agit de procédures judiciaires qu’il n’aurait pu engager que si un avocat avait été désigné pour le représenter au cours de la procédure de détermination de l’âge. Il affirme que ces recours devraient être considérés comme extraordinaires puisqu’il s’agit de recours judiciaires qui sont à l’initiative des parties et n’ont pas vocation à être utilisés pour faire appel de décisions de détermination de l’âge.

5.4L’auteur estime qu’en le renvoyant dans son pays d’origine, l’État partie aurait expulsé un mineur dans des conditions irrégulières et en violation des dispositions de sa législation, qui prévoit une procédure très réglementée pour les expulsions. Le renvoi de l’auteur, qui se dit mineur, vers son pays d’origine aurait causé à l’intéressé un préjudice difficilement réparable.

Observations de l’État partie sur le fond

6.1Dans ses observations du 9 janvier 2018, l’État partie décrit de nouveau les faits et répète ses arguments concernant la recevabilité de la communication.

6.2En ce qui concerne le grief de non-prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, l’État partie soutient qu’il ne peut guère y avoir eu non-respect de l’intérêt d’un mineur étant donné que l’auteur, selon les résultats d’examens médicaux objectifs, est majeur. Il ajoute que le grief est formulé en termes généraux et qu’il n’est pas clairement indiqué en quoi le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant n’aurait pas été respecté. Le grief semble reposer sur l’idée que tout examen médical visant à déterminer l’âge d’un individu qui aboutit à la conclusion que l’intéressé est majeur constitue une violation de la Convention. L’observation générale no 6 établit que la présomption de minorité s’applique en cas d’incertitude sur l’âge, non lorsqu’il est manifeste que l’intéressé est adulte, auquel cas les autorités nationales peuvent légalement le considérer comme tel sans avoir à faire procéder à des examens pour s’en assurer. Pourtant, en l’espèce, les autorités ont donné à l’auteur la possibilité de se soumettre à des examens médicaux objectifs de détermination de l’âge, auxquels il a consenti en connaissance de cause.

6.3L’État partie soutient que l’observation générale no 6 n’interdit pas de soumettre à des examens médicaux objectifs de détermination de l’âge les personnes sans papiers qui prétendent être mineures et qui ont l’apparence physique d’un adulte. Il fait observer que l’auteur critique les différents types d’examens médicaux objectifs de détermination de l’âge mais ne dit pas quels examens il jugerait valables.

6.4Il était impossible d’accorder à l’auteur la protection due aux mineurs sans éléments crédibles attestant sa minorité et sur la seule foi de ses déclarations. L’État partie ajoute que placer des adultes dans des centres d’accueil destinés aux mineurs exposerait ceux-ci à un risque d’abus et de mauvais traitements.

6.5En ce qui concerne le grief de non-respect de l’intérêt supérieur de l’enfant que l’auteur soulève au titre des articles 18 (par. 2) et 20 (par. 1) de la Convention, l’État partie fait observer que l’auteur a été pris en charge par les services de santé à son arrivée sur le territoire espagnol, qu’il a bénéficié gratuitement des services d’un avocat et d’un interprète, que sa situation a été immédiatement portée à l’attention de l’autorité judiciaire compétente pour garantir le respect de ses droits et que, dès qu’il a affirmé être mineur, cette information a été communiquée au parquet, institution chargée de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant. On ne saurait donc parler de défaut d’assistance juridique ou de protection, même si l’auteur avait été mineur, ce qui n’est pas le cas.

6.6En ce qui concerne les allégations de l’auteur concernant son droit à l’identité, l’État partie considère que l’auteur n’a pas expliqué en quoi il aurait pu être privé de son droit de préserver son identité. Il ajoute que les autorités espagnoles ont enregistré l’auteur sous le nom qu’il a donné lorsqu’il est entré illégalement sur le territoire espagnol et que, de fait, c’est cet enregistrement qui lui permet d’exercer ses droits à l’heure actuelle.

6.7En ce qui concerne les allégations selon lesquelles l’auteur a été privé du droit à une protection et à une aide spéciales de la part de l’État partie, prévu à l’article 20 de la Convention, l’État partie dit qu’en l’espèce, compte tenu qu’il existe des preuves de la majorité de l’auteur, le droit revendiqué est tout simplement inapplicable.

6.8L’État partie affirme en outre qu’il n’y a pas de violation des articles 27 et 29 de la Convention étant donné que le droit au développement s’applique exclusivement aux mineurs. Il ajoute que l’auteur a été correctement pris en charge par l’État partie dès son entrée sur le territoire.

6.9En ce qui concerne les solutions proposées par l’auteur dans sa lettre initiale, l’État partie soutient que l’auteur ne demande ni ne propose aucun moyen qui permettrait d’établir son âge avec certitude. Il ne propose pas non plus de vérification quelconque des données le concernant auprès des autorités de son supposé pays d’origine. Par conséquent, demander que l’Espagne reconnaisse qu’il est impossible d’établir l’âge de l’auteur ne résout rien, étant donné qu’une personne apparemment majeure soit considérée comme mineure sur ses simples dires. Par conséquent, demander que l’Espagne reconnaisse qu’il est impossible d’établir l’âge de l’auteur ne résout rien, car on ne saurait accepter qu’une personne qui a l’apparence d’un adulte soit reconnue comme mineure sur la seule foi de ses déclarations. En ce qui concerne la demande visant à ce que soit donnée la possibilité de faire appel devant les tribunaux des décisions du parquet, l’État partie fait valoir que ces décisions sont éminemment provisoires, qu’elles peuvent être réexaminées par le procureur lui‑même si de nouveaux éléments se font jour et qu’elles peuvent être remplacées par des décisions définitives adoptées par d’autres instances judiciaires. En ce qui concerne les autres demandes formulées par l’auteur, l’État partie signale que l’auteur a déjà bénéficié d’une protection de la part de l’État et qu’il a reçu l’assistance des juges et du ministère public. Enfin, il n’est possible d’obtenir un permis de séjour et de travail en Espagne qu’à la condition de satisfaire aux critères généraux définis par la loi, ce qui n’est pas le cas de l’auteur puisqu’il est entré illégalement dans le pays et n’a pas demandé à bénéficier d’une protection internationale.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie sur la recevabilité et le fond

7.1Dans ses commentaires du 28 février 2018, l’auteur répète que l’État partie n’a désigné aucun conseil pour le représenter au cours de la procédure de détermination de l’âge, ce qui l’a empêché de se prévaloir des recours mentionnés par l’État partie. Il soutient que les décisions prises par le parquet concernant la détermination de l’âge ne sont pas directement susceptibles de recours, ce qui entraîne manifestement et incontestablement une grave absence de protection judiciaire.

7.2L’auteur soutient que l’État partie ne tient pas compte du rapport médico-légal dans lequel il est expressément établi que, d’après les résultats de l’entretien, l’évaluation des caractéristiques physiques et les examens complémentaires, l’âge minimum les plus probable est 18 ans. Cela montre que le rapport en question n’établit pas l’âge de l’auteur avec certitude.

7.3En ce qui concerne l’affirmation de l’État partie selon laquelle le tribunal d’instruction de Motril a estimé qu’il n’y avait pas lieu de revoir la mesure de placement car il avait été établi, à l’issue de la procédure médicale de détermination de l’âge, que l’auteur avait plus de 18 ans et qu’aucun recours n’avait été introduit contre cette décision, qui était donc devenu définitive, l’auteur soutient qu’à aucun moment il n’a été informé de cette décision, ce qui là encore a donné lieu à une situation manifeste d’absence de protection judiciaire, étant donné qu’il n’a pas eu la possibilité de présenter de recours quel qu’il soit.

7.4L’auteur fait observer que, les jours qui ont précédé sa remise en liberté, de nombreuses personnes originaires du même pays que lui se sont entretenues avec le Consul au centre de détention des étrangers. Il allègue que, si elles avaient des doutes au sujet de l’authenticité des documents prouvant sa minorité, les autorités de l’État partie auraient pu se mettre en contact avec le Consul afin de lever ces doutes.

7.5En ce qui concerne le grief de violation de l’article 3 de la Convention lu conjointement avec les articles 18 (par. 2) et 20 (par. 1), l’auteur soutient que ces dispositions doivent être interprétées en relation avec l’article 12 de la Convention comme lui donnant le droit d’être accompagné d’une personne dans l’exercice de son droit d’être entendu. Il renvoie à l’article 9 de la loi organique no 1/1996 sur la protection juridique des mineurs, qui régit le droit d’être entendu et écouté, et argue que l’État partie n’a pas observé la norme qu’il a lui-même définie. Il considère que son droit d’être entendu par l’intermédiaire d’un représentant n’a pas été respecté.

7.6L’auteur considère également que, dans la mesure où c’est le parquet qui décide de faire pratiquer les examens de détermination de l’âge, on ne peut pas s’attendre à ce qu’il s’emploie aussi à défendre le droit du mineur d’utiliser les recours disponibles contre les décisions relatives à la détermination de l’âge.

7.7L’auteur considère qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention étant donné que son identité n’a pas été vérifiée auprès des services consulaires de son pays d’origine.

Intervention de tiers

8.Le 3 mai 2018, le Défenseur français des droits a soumis en qualité de tiers une intervention portant sur les questions de la détermination de l’âge et de la détention dans des centres pour adultes dans l’attente d’une expulsion. Les parties n’ont pas commenté cette intervention dans le cadre de la présente communication, mais des commentaires ont été formulés à ce sujet dans la communication J. A. B. c. Espagne , dans laquelle cette même intervention de tiers était invoquée. Dans ces commentaires, les deux parties ont expliqué que leurs remarques valaient pour toutes les communications dans lesquelles il était fait référence à cette intervention.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité doit, conformément à l’article 20 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable au regard du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications.

9.2Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel la communication est irrecevable ratione personae au regard de l’article 7 c) et f) du Protocole facultatif parce que l’auteur est majeur et n’a fourni aucune preuve documentaire ou médicale attestant son statut de mineur. Il constate toutefois que l’auteur affirme avoir déclaré être mineur à son arrivée en Espagne et qu’il a produit devant le tribunal d’instruction no 2 de Motril une copie de son certificat de naissance guinéen qui établit qu’il est mineur, mais n’a pas obtenu de réponse. Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel le certificat de naissance que l’auteur a présenté ne pouvait pas être considéré comme une preuve de sa minorité puisqu’il ne comportait pas de données biométriques. Il rappelle que la charge de la preuve ne doit pas incomber uniquement à l’auteur de la communication, d’autant plus que celui-ci et l’État partie n’ont pas toujours un accès égal aux éléments de preuve et que souvent seul l’État partie dispose des renseignements nécessaires. En l’espèce, le Comité prend note de l’argument de l’auteur, qui dit que, s’il avait des doutes sur l’authenticité de son certificat de naissance, l’État partie aurait pu se mettre en contact avec les autorités consulaire de la Guinée pour vérifier l’identité de l’auteur mais qu’il ne l’a pas fait. Au vu de ce qui précède, le Comité considère que l’article 7 c) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la communication.

9.3Le Comité prend note également de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas épuisé les recours internes disponibles étant donné : a) qu’il aurait pu demander que soient pratiqués d’autres examens médicaux susceptibles d’apporter la preuve de sa minorité ; b) qu’il aurait pu demander le réexamen de toute décision de la Communauté autonome dans laquelle il n’a pas été considéré comme mineur, sur la base de l’article 780 de la loi de procédure civile ; c) qu’il aurait contester la décision d’expulsion devant la juridiction contentieuse administrative ; d) qu’il aurait pu peut former devant les tribunaux civils une demande en matière gracieuse aux fins de la détermination de l’âge, en application de la loi no 15/2015. Cependant, le Comité constate : que l’auteur a produit devant le tribunal d’instruction de Motril son certificat de naissance et demandé que la décision concernant son placement dans un centre de détention pour étrangers soit reconsidérée ; que le parquet a estimé qu’il n’y avait pas lieu de placer l’auteur dans un centre de protection de l’enfance puisque les examens médicaux avaient établi qu’il était majeur ; que, finalement, le tribunal, sans tenir compte du certificat de naissance de l’auteur, a conclu qu’il n’était pas justifié de revoir la mesure de placement, en s’appuyant uniquement sur les résultats des examens médicaux de détermination de l’âge auxquels a été soumis l’auteur. Le Comité note également que l’auteur affirme qu’aucun conseil n’a été nommé pour le représenter au cours de la procédure de détermination de l’âge et qu’il n’a donc pu se prévaloir d’aucun des recours mentionnés par l’État partie. Le Comité considère que, dans le contexte de l’expulsion imminente de l’auteur du territoire espagnol, tout recours qui se prolongerait excessivement ou qui ne suspendrait pas l’exécution de la décision de renvoi ne saurait être considéré comme utile. Il constate que l’État partie n’a pas démontré que les recours mentionnés auraient suspendu l’expulsion de l’auteur. Par conséquent, il considère que l’article 7 e) du Protocole facultatif ne fait pas obstacle à la recevabilité de la communication.

9.4Le Comité considère que les griefs que l’auteur tire des articles 18, 27 et 29 de la Convention n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et les déclare irrecevables au regard de l’article 7 f) du Protocole facultatif.

9.5En revanche, le Comité considère que l’auteur a suffisamment étayé les griefs qu’il tire des articles 3, 8, 12 et 20 (par. 1) de la Convention au motif que l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été pris en considération et qu’aucun tuteur ou représentant n’a été désigné au cours de la procédure de détermination de l’âge. Il déclare donc cette partie de la communication recevable et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

10.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 10 du Protocole facultatif, le Comité a examiné la présente communication en tenant compte de toute la documentation qui lui a été soumise par les parties.

10.2L’une des questions dont est saisi le Comité consiste à déterminer si, dans les circonstances de l’espèce, la procédure de détermination de l’âge à laquelle a été soumis l’auteur, qui a déclaré être mineur et a présenté son certificat de naissance, a violé les droits qu’il tient de la Convention. En particulier, l’auteur a affirmé que son intérêt supérieur en tant qu’enfant n’avait pas été pris en compte au cours de la procédure, du fait de la nature des examens médicaux pratiqués pour déterminer son âge et de l’absence de désignation d’un tuteur ou d’un représentant.

10.3Le Comité rappelle que la détermination de l’âge d’une personne jeune qui affirme être mineure revêt une importance capitale, puisque le résultat de cette procédure permet d’établir si la personne en question peut ou non prétendre à la protection nationale en tant qu’enfant. De même, et cela est extrêmement important pour le Comité, la jouissance des droits énoncés dans la Convention est liée à cette détermination. Il est donc impératif qu’il existe une procédure adéquate pour déterminer l’âge et qu’il soit possible d’en contester les résultats par la voie de recours. Tant que la procédure est pendante, l’intéressé doit avoir le bénéfice du doute et être traité comme un enfant. Par conséquent, le Comité rappelle que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale tout au long de la procédure de détermination de l’âge.

10.4Le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’observation générale no 6 n’interdit pas de soumettre à des examens médicaux objectifs de détermination de l’âge les personnes sans papiers qui prétendent être mineures et qui ont l’apparence physique d’un adulte (par. 6.3, supra). Il rappelle toutefois que les documents disponibles devraient être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire. En outre, en l’absence de documents d’identité ou d’autres moyens appropriés, « [p]our obtenir une estimation éclairée de l’âge, les États devraient procéder à une évaluation complète du développement physique et psychologique de l’enfant, qui soit effectuée par des pédiatres et d’autres professionnels capables de combiner différents aspects du développement. Ces évaluations devraient être faites sans attendre, d’une manière respectueuse de l’enfant qui tienne compte de son sexe et soit culturellement adaptée, comporter des entretiens avec l’enfant, dans une langue que l’enfant comprend […] La personne évaluée devrait avoir le bénéfice du doute ».

10.5En l’espèce, le Comité constate que : a)afin de déterminer l’âge de l’auteur, qui était sans papiers lorsqu’il est arrivé sur le territoire espagnol, les autorités ont soumis l’intéressé à des examens médicaux consistant en une radiographie du poignet et un panoramique dentaire, sans procéder à aucun autre examen, en particulier psychologique ; b)sur la base des résultats des examens réalisés, l’hôpital a établi que l’auteur avait un âge osseux de 19ans selon l’Atlas de Greulich et Pyle et que, selon les résultats du panoramique dentaire, il avait au moins 18ans, sans signaler une quelconque marge d’erreur ; c)sur la base des résultats de ces examens médicaux, les autorités judiciaires de l’État partie, considérant que l’auteur était majeur, ont décidé de le maintenir au centre de détention pour étrangers ; d)que les autorités de l’État partie n’ont pas jugé valide le certificat de naissance produit par l’auteur.

10.6Toutefois, le Comité constate que de nombreux éléments d’information laissent entrevoir le manque de précision des examens radiologiques osseux, qui comportent une grande marge d’erreur et ne sauraient donc être la seule méthode utilisée pour déterminer l’âge chronologique d’une personne jeune qui affirme être mineure et présente des documents pour le prouver.

10.7Le Comité note que l’État partie affirme que l’auteur avait manifestement l’apparence d’une personne majeure. Il rappelle son observation générale no 6, selon laquelle la détermination de l’âge ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu, mais aussi sur son degré de maturité psychologique, devrait être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe et équitablement et, en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé − qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur.

10.8Le Comité note également que l’auteur affirme qu’aucun tuteur ou représentant n’a été désigné pour défendre ses intérêts en tant que personne pouvant être un enfant migrant non accompagné, à son arrivée et pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle il a été soumis et à l’issue de laquelle un rapport médical a établi qu’il était majeur. Il rappelle que les États parties sont tenus d’assurer à tous les jeunes étrangers qui affirment être mineurs, le plus rapidement possible après leur arrivée sur le territoire, l’assistance gratuite d’un représentant légal qualifié et, le cas échéant, d’un interprète. Il considère que le fait de faciliter la représentation de ces personnes au cours de la procédure de détermination de l’âge constitue une garantie essentielle pour le respect de leur intérêt supérieur et de leur droit d’être entendues. Ne pas le faire constituerait une violation des articles 3 et 12 de la Convention, puisque la procédure de détermination de l’âge est le point de départ de l’application de la Convention. Le défaut de représentation adéquate peut donner lieu à une grave injustice.

10.9À la lumière de ce qui précède, le Comité considère que la procédure de détermination de l’âge à laquelle a été soumis l’auteur, qui affirmait être un enfant et qui en a présenté une preuve, n’a pas été assortie des garanties nécessaires pour protéger les droits que l’intéressé tient de la Convention. En l’espèce, compte tenu en particulier des examens pratiqués aux fins de la détermination de l’âge et du fait que l’auteur n’a bénéficié de l’assistance d’aucun représentant pendant la procédure et que le certificat de naissance qu’il a produit a été jugé de manière quasi automatique sans valeur probante, sans même que l’État partie ait procédé à un examen en bonne et due forme des informations qu’il contenait ni, s’il doutait de leur validité, en ait demandé confirmation aux autorités consulaires guinéennes, le Comité considère que l’intérêt supérieur de l’enfant n’a pas été une considération primordiale pendant la procédure de détermination de l’âge à laquelle l’auteur a été soumis, ce qui constitue une violation des articles 3 et 12 de la Convention.

10.10Le Comité note également que l’auteur affirme que l’État partie a violé ses droits lorsqu’il a modifié des éléments de son identité en lui attribuant un âge et une date de naissance qui ne correspondaient pas aux informations figurant sur son certificat de naissance. Il considère que la date de naissance d’un enfant fait partie de son identité et que les États parties ont l’obligation de respecter le droit de l’enfant de voir son identité préservée et de n’être privé d’aucun des éléments qui la composent. En l’espèce, il constate que l’État partie n’a pas respecté l’identité de l’auteur, même lorsque celui-ci a présenté aux autorités nationales une copie de son certificat de naissance, puisqu’il a refusé d’accorder une quelconque valeur probante à ce document délivré par une autorité compétente sans avoir examiné en bonne et due forme les informations qui y figuraient et sans en avoir vérifié l’authenticité auprès des autorités du pays d’origine de l’auteur. Par conséquent, le Comité estime que l’État partie a violé l’article 8 de la Convention.

10.11Ayant conclu à l’existence d’une violation des articles 3, 8 et 12 de la Convention, le Comité n’examinera pas séparément le grief de violation du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention à raison des mêmes faits.

10.12Enfin, le Comité constate que l’État partie n’a pas appliqué la mesure provisoire consistant à transférer l’auteur dans un centre de protection de l’enfance. Il rappelle qu’en ratifiant le Protocole facultatif, les États parties s’engagent à mettre en œuvre les mesures provisoires demandées en application de l’article 6 du Protocole facultatif, qui visent à prévenir tout préjudice irréparable tant qu’une communication est en cours d’examen et, partant, à assurer l’efficacité de la procédure de présentation de communications émanant de particuliers. En l’espèce, il prend note de l’argument de l’État partie selon lequel le transfert de l’auteur dans un centre de protection de l’enfance pourrait faire courir un risque important aux enfants qui se trouvent dans ce centre. Il fait toutefois observer que cet argument est fondé sur l’hypothèse que l’auteur est majeur. Il note également que le risque encouru est bien plus grand lorsqu’un mineur potentiel est envoyé dans un centre accueillant uniquement des personnes reconnues adultes. Il considère par conséquent que la non-application de la mesure provisoire demandée constitue en elle-même une violation de l’article 6 du Protocole facultatif.

10.13Le Comité des droits de l’enfant, agissant en vertu du paragraphe 5 de l’article 10 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, constate que les faits dont il est saisi font apparaître des violations des articles 3, 8 et 12 de la Convention et de l’article 6 du Protocole facultatif.

11.Par conséquent, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur une réparation effective pour les violations subies, notamment de lui offrir la possibilité de régulariser sa situation administrative dans l’État partie, en tenant dûment compte du fait qu’il était un enfant non accompagné lorsqu’il est arrivé en Espagne. L’État partie est également tenu de veiller à ce que de telles violations ne se reproduisent pas. À cet égard, le Comité lui recommande :

a)De veiller à ce que toute procédure visant à déterminer l’âge de jeunes gens affirmant être mineurs soit conforme à la Convention et, en particulier, qu’au cours de cette procédure : i) que les documents soumis par les intéressés soient pris en considération et que, dès lors qu’ils ont été établis ou que leur validité a été confirmée par l’État concerné ou son ambassade, que leur authenticité soit reconnue ; ii) les jeunes gens concernés se voient assigner sans délai et gratuitement un conseil juridique qualifié ou un autre représentant, que les avocats privés désignés pour les représenter soient reconnus et que tous les conseils juridiques ou autres représentants soient autorisés à les assister ;

b)De mettre en place un mécanisme de réparation efficace et accessible aux jeunes migrants non accompagnés affirmant avoir moins de 18 ans afin qu’ils puissent contester les décisions des autorités les déclarant majeurs dans les cas où la détermination de leur âge n’a pas été assortie des garanties nécessaires à la protection de leur intérêt supérieur et de leur droit d’être entendu ;

c)De dispenser aux agents des services de l’immigration, aux policiers, aux fonctionnaires du parquet, aux juges et aux autres professionnels concernés des formations sur les droits des enfants migrants, et en particulier sur l’observation générale no 6 et les observations générales conjointes nos 22 et 23 du Comité.

12.Conformément à l’article 11 du Protocole facultatif, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dès que possible et dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner suite aux présentes constatations. Il demande également à l’État partie de faire figurer ces renseignements dans les rapports qu’il soumettra au Comité au titre de l’article 44 de la Convention. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement.