à l’égard des femmes

Observations finales concernant le rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques du Nigéria *

1.Le Comité a examiné le rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques du Nigéria (CEDAW/C/NGA/7-8) à ses 1518e et 1519e séances (voir CEDAW/C/SR.1518 et 1519), tenues le 14 juillet 2017. La liste de points et de questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/NGA/Q/7-8 et les réponses du Nigéria dans le document CEDAW/C/NGA/Q/7-8/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie de la soumission de son rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques. Il le remercie également des réponses qu’il a fournies par écrit à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail d’avant-session, bien qu’elles l’aient été très tardivement. Il salue la présentation orale faite par la délégation ainsi que les éclaircissements apportés en réponse aux questions posées oralement par le Comité durant le dialogue.

3.Le Comité dit à l’État partie tout le bien qu’il pense de sa délégation de haut niveau, dirigée par la Ministre de la condition féminine et du développement social, Mme Aisha Jummai Alhassan, et comprenant des représentants du Ministère de la condition féminine et du développement social, du Ministère des affaires étrangères et de la mission permanente du Nigéria auprès de l’Office des Nations Unies et des autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen, en 2008, du sixième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/NGA/6), en particulier l’adoption de ce qui suit :

a)La loi portant interdiction de la violence envers les personnes, en 2015;

* Adoptées par le Comité à sa soixante-septième session (3-21 juillet 2017).

b)La loi nationale contre la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH/sida, en 2014;

c)La loi de l’État d’Ekiti interdisant les violences sexistes, en 2011; et

d)La loi de l’État de Cross River interdisant le mariage des petites filles et l’excision ou les mutilations génitales, en 2009.

5.Le Comité félicite l’État partie pour ses efforts consentis en vue d’améliorer son cadre institutionnel et politique visant à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes, dont l’adoption ou la mise en place de ce qui suit :

a)Le bureau des droits de l’homme dans les forces armées, en 2016, chargé d’examiner les plaintes de violations des droits de l’homme perpétrées par le personnel militaire;

b)La politique et le plan d’action de l’État de Jigawa pour l’égalité des sexes, en 2013;

c)La politique relative aux femmes de l’État d’Ekiti, en 2011;

d)Le cadre d’application et plan stratégique de mise en œuvre de la politique nationale de l’égalité des sexes, en 2008.

6.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments internationaux suivants, ou d’y avoir adhéré, au cours de la période écoulée depuis l’examen du rapport précédent :

a)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2012;

b)La Convention de 1961 sur la réduction des cas d’apatridie, en 2011;

c)La Convention de 1954 relative au statut des apatrides, en 2011;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2010;

e)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2010.

C.Obstacles à l’application de la Convention

7.Le Comité constate que les efforts déployés par l’État partie pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention ont été sensiblement entravés par les conflits au Nigéria, en particulier l’insurrection terroriste menée par Jamaatou Ahl es-Sunna lid-Daawaati wal-Jihad (Boko Haram) depuis 2009. Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour sauver et réhabiliter les femmes et les filles qui ont été enlevées et soumises à l’esclavage sexuel par Boko Haram. Il estime que la mise en œuvre intégrale de la Convention, visant à assurer le respect des droits des femmes, est une condition préalable à la réussite de ces efforts, notamment ceux visant à sécuriser les établissements scolaires, à favoriser la déradicalisation et à lutter contre l’extrémisme violent. Le Comité recommande donc à l’État partie d’appliquer, à titre hautement prioritaire, les recommandations contenues dans les présentes observations finales, notamment en sollicitant l’assistance et la coopération internationales, selon qu’il convient, pour leur application. À cet égard, il recommande également à l’État partie d’adopter un plan d’action national sur l’application des présentes recommandations, en concertation avec les organisations de la société civile et les chefs religieux, qui devrait établir une feuille de route visant à renforcer la mise en œuvre et le suivi des observations finales.

D.Parlement

8. Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la Déclaration sur les liens entre le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et les parlementaires, adoptée à la quarante-cinquième session en 2010). Il invite l’Assemblée nationale à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales d’ici à la soumission de son prochain rapport périodique au titre de la Convention. Compte tenu de la complexité du système fédéral de l’État partie, le Comité invite aussi les législatures des 36 États à agir en conséquence dans leurs domaines de compétence.

E.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la discrimination et cadre législatif

9.Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CEDAW/C/NGA/CO/6, paragraphes 9 et 10) et note que la structure fédérale de l’État partie, qui établit un système tripartite de gouvernance comprenant les niveaux national, étatique et local, continue de poser des problèmes en matière de transposition des dispositions de la Convention dans l’ordre juridique national. Des lois qui ont un impact sur les droits des femmes, telles que la loi portant interdiction de la violence envers les personnes adoptée en 2015, ne s’appliquent qu’au territoire de la capitale fédérale. Le Comité est particulièrement préoccupé par ce qui suit :

a)Le régime de gouvernance de l’État partie est tel que les femmes et les filles sont soumises à des lois et politiques différentes offrant divers niveaux de protection;

b)L’interdiction de la discrimination à la section 42 de la Constitution ne prévoit pas de définition globale de la discrimination en accord avec l’article premier de la Convention;

c)Le projet de loi sur l’égalité des sexes et des chances, qui vise à incorporer la Convention dans l’ordre juridique national, piétine et il n’y a pas de calendrier pour l’adoption des projets de loi en souffrance, tels que le projet de loi sur les droits des personnes handicapées.

10.Le Comité rappelle ses précédentes recommandations (CEDAW/C/NGA/CO/6, paragraphes 10 et 12) et sa recommandation générale n o  28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l’article 2 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et réaffirme que le régime de gouvernance interne dans un État partie impliquant la délégation de pouvoirs ne décharge pas l’État partie des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention. Le Comité demande donc à l’État partie :

a) De veiller à ce que son régime de gouvernance interne n’entrave pas la mise en œuvre des dispositions de la Convention sur l’ensemble de son territoire. À cet égard, l’État partie devrait sans plus attendre incorporer les dispositions de la Convention dans la législation nationale et renforcer ses mécanismes nationaux de coordination afin d’assurer une mise en œuvre sur tout son territoire de manière cohérente ;

b) D’adopter une définition globale de la discrimination à l’égard des femmes en accord avec l’article premier de la Convention et l’objectif de développement durable 5.1, en vue de mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard de toutes les femmes et de toutes les filles, couvrant tous les motifs de discrimination interdits, y compris la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée, et les formes convergentes de discrimination ;

c) D’accélérer l’adoption des lois en souffrance, telles que le projet de loi sur l’égalité des sexes et des chances et le projet de loi sur les droits des personnes handicapées, et de veiller à ce que les textes soient pleinement conformes à la Convention.

Lois discriminatoires et harmonisation

11.Le Comité prend note des efforts visant à faire réviser les lois discriminatoires par la Commission nigériane de réforme des lois et à travers le processus de révision constitutionnelle en cours. Il prend également note du système juridique pluraliste dans l’État partie où les droits écrit, coutumier et islamique s’appliquent de manière complémentaire. Il s’inquiète du fait que certains aspects de ces lois sont incompatibles entre eux et avec la Convention. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que, malgré l’audit exhaustif des lois discriminatoires mené par la Commission de réforme des lois, diverses dispositions discriminatoires, depuis la ratification de la Convention en 1985, restent en vigueur, dont :

a)La section 42 3) de la Constitution, qui valide toute loi qui pourrait imposer des restrictions discriminatoires à l’égard des nominations dans la police nigériane;

b)La section 118 g) de la loi sur la police, qui interdit le recrutement de femmes mariées dans la police;

c)L’article 55 du Code pénal, qui autorise un mari à battre sa femme pour la corriger tant qu’aucune lésion corporelle grave n’est infligée.

12. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’entreprendre une réforme législative globale, dans le cadre du processus de révision constitutionnelle en cours, afin d’harmoniser les dispositions contradictoires dans les droits écrit, coutumier et islamique et de faire en sorte qu’elles soient pleinement conformes à la Convention;

b) De faire en sorte que le processus de révision constitutionnelle en cours traite de l’applicabilité des droits écrit, coutumier et islamique, qui offrent divers degrés de protection aux femmes et aux filles, afin de garantir à toutes les femmes les mêmes droits et la même protection contre la discrimination;

c) D’accélérer l’abrogation ou la modification de toutes les lois discriminatoires identifiées par la Commission nigériane de réforme des lois à la suite de son audit exhaustif des lois discriminatoires dans l’État partie et d’associer les chefs religieux au processus de prise en charge des questions relatives à la foi et aux droits de l’homme, en vue de mettre à profit les multiples initiatives sur « la foi pour les droits » et de trouver un terrain d’entente entre toutes les religions dans l’État partie, comme l’a déclaré la délégation.

Accès à la justice

13.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour fournir des services d’aide juridique aux femmes et aux filles, mais reste préoccupé par les renseignements selon lesquels l’accès des femmes à la justice est souvent entravé par des allocations budgétaires insuffisantes pour l’aide juridique, la corruption présumée et les stéréotypes au sein du système judiciaire.

14. Rappelant sa recommandation générale n o  33 (2015) sur l’accès des femmes à la justice, le Comité demande instamment à l’État partie d’augmenter le budget de l’aide juridique et d’enquêter sur les allégations de corruption dans le système judiciaire, de poursuivre et de punir les responsables judiciaires corrompus qui entravent la justice, afin de rétablir l’accès effectif des femmes à la justice et leur confiance en le système judiciaire. Il recommande également à l’État partie redoubler d’efforts afin de permettre aux femmes d’avoir accès à la justice par la sensibilisation des juges et des autres membres du personnel judiciaire à l’égalité des sexes.

Femmes et paix et sécurité

15.Le Comité se félicite du lancement par l’État partie, le 9 mai 2017, de son deuxième plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et des résolutions connexes, couvrant la période 2017-2020. Tout en saluant les efforts consentis par l’État partie dans la lutte contre l’extrémisme violent et l’insurrection terroriste de Boko Haram et en faveur de la libération de plus de 100 filles enlevées, le Comité reste préoccupé par le fait :

a)Qu’un grand nombre de filles enlevées par Boko Haram de Chibok et Damasak dans l’État de Borno en avril et novembre 2014, respectivement, n’ont pas été libérées et continuent d’être victimes de viols, d’esclavage sexuel et de mariage forcé par les insurgés;

b)Que les militaires et les forces de l’ordre ont recouru à l’arrestation et à la détention générales de femmes et de filles suspectées d’avoir été radicalisées ou associées à des insurgés de Boko Haram;

c)Que l’exploitation sexuelle, y compris ce qu’on appelle les « rapports sexuels monnayés », serait pratiquée dans des camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays, surtout à Maiduguri, et les filles et les enfants nés du viol et de l’esclavage sexuel commis par les insurgés de Boko Haram sont stigmatisés et isolés;

d)Qu’en dépit de la ratification du Traité sur le commerce des armes en août 2013, les femmes dans l’État partie pâtissent de la prolifération des armes légères et de petit calibre;

e)Que les éleveurs fulani à la recherche de pâturages continuent de commettre des actes de violence, qui touchent les femmes et les filles de manière disproportionnée;

f)Que les femmes continuent d’être exclues des négociations de paix, de la prévention des conflits, de la consolidation de la paix et des efforts de reconstruction après les conflits dans l’État partie.

16.Le Comité recommande à l’État partie de tenir dûment compte de la recommandation générale n o  30 (2013) sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit en veillant à ce que le deuxième plan d’action national pour la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et les résolutions connexes soient pleinement mis en œuvre, notamment par l’allocation de ressources budgétaires suffisantes et le renforcement de la coordination. Le Comité recommande, en outre, à l’État partie :

a) D’intensifier ses efforts pour libérer toutes les femmes et les filles enlevées par les insurgés de Boko Haram, garantir leur réinsertion sociale et leur donner, ainsi qu’à leurs familles, accès à des services psychosociaux et d’autres services de réadaptation ;

b) De faire en sorte que les mesures de lutte contre le terrorisme employées par les autorités militaires et les forces de l’ordre, y compris les programmes de déradicalisation, respectent les droits des femmes à la dignité et soient en accord avec les dispositions de la Convention ;

c) De continuer à enquêter sur les allégations d’exploitation sexuelle, y compris ce qu’on appelle les « rapports sexuels monnayés », dans les camps de personnes déplacées à l’intérieur du pays, surtout à Maiduguri, et en poursuivre et punir les auteurs, et de lutter contre la stigmatisation et l’isolement social auxquels sont confrontées les filles secourues par le biais de campagnes de sensibilisation et d’éducation du public;

d) De garantir la réglementation effective des armes classiques et illicites, y compris les armes légères et de petit calibre, dans l’État partie;

e) De protéger les femmes et les filles touchées de manière disproportionnée par les conflits et les attaques des éleveurs fulani et de faire en sorte que les auteurs de telles attaques, y compris la violence sexiste, soient arrêtés, poursuivis et sanctionnés par des peines appropriées;

f) D’associer les femmes à l’élaboration de stratégies visant à contrecarrer le récit extrémiste violent de Boko Haram et à s’attaquer aux conditions propices à la propagation de l’extrémisme violent, surtout dans le nord-est de l’État partie;

g) De faire en sorte que les femmes participent à la prévention des confli ts, à la consolidation de la paix et à la reconstruction après les conflits, y compris à la prise de décision, conformément à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, et de tenir compte des priorités adoptées par le Conseil de sécurité concernant les femmes et la paix et la sécurité, tel que les traduisent les résolutions 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013) et 2122 (2013).

Mécanisme national de promotion de la femme

17.Le Comité prend note des efforts déployés par le Ministère de la condition féminine et du développement social en vue d’améliorer les droits des femmes, notamment l’installation de responsables de la coordination des questions d’égalité des sexes dans les ministères d’exécution, les ministères et les organismes gouvernementaux, et pour faire en sorte que la problématique hommes-femmes soit prise en compte systématiquement et que la budgétisation tienne compte de la problématique hommes-femmes. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait que le Ministère, en tant que mécanisme national de promotion de la femme, ne dispose pas des ressources humaines, techniques et financières à même de lui permettre de mener à bien sa mission de promotion et de protection des droits des femmes.

18. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De fournir des ressources humaines, techniques et financières adéquates au Ministère de la condition féminine et du développement social afin de lui permettre de mener efficacement ses activités en tant que mécanisme national de promotion de la femme;

b) De continuer à appuyer les responsables de la coordination des questions d’égalité des sexes dans les ministères d’exécution, les ministères et les organismes gouvernementaux pour faire en sorte que la problématique hommes-femmes soit prise en compte effectivement et que la budgétisation tienne compte de la problématique hommes-femmes, et d’accélérer la décentralisation des responsables de la coordination des questions d’égalité des sexes.

Mesures temporaires spéciales

19.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment par la mise en œuvre de la politique nationale sur l’égalité des sexes à travers le cadre d’application stratégique et le plan d’action, qui fixe l’objectif d’un quota de 35 % de femmes nommées ou élues à des postes. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Le fait que le quota de 35 % et d’autres mesures, telles que les projets « Community Services, Women and Youth Employment » et « Growing Girls and Women in Nigeria », ne disposent pas de base législative à même de garantir leur application;

b)L’absence de mécanisme permettant de suivre les progrès du projet « Community Services, Women and Youth Employment », entre autres, et l’absence de renseignements sur les plans visant à étendre ledit projet aux zones rurales où vit la majorité des femmes;

c)Le manque de renseignements sur l’utilisation de mesures temporaires spéciales dans d’autres domaines visés par la Convention où les femmes sont sous-représentées, comme l’emploi.

20. Le Comité demande à l’État partie de mettre à profit le processus de révision constitutionnelle en cours pour adopter une législation sur les mesures temporaires spéciales afin d’accroître la participation des femmes à la vie politique et publique, à l’éducation et à l’emploi, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 la Convention et à la recommandation générale n o  25 (2004) du Comité portant sur les mesures temporaires spéciales, en tant que stratégie nécessaire pour accélérer la réalisation d’une égalité de facto entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention, où les femmes sont sous-représentées ou lésées, notamment l’emploi. L’État partie devrait mettre en place des mécanismes visant à suivre les progrès réalisés dans la mise en œuvre des mesures temporaires spéciales, telles que les projets « Community Services, Women and Youth Employment » et « Growing Girls and Women in Nigeria », et les étendre aux zones rurales où vit la majorité des femmes.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

21.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie en vue de lutter contre les stéréotypes et pratiques préjudiciables, notamment par la révision du Code de radiodiffusion en 2010 afin d’établir des normes minimales dans l’industrie des médias et cinématographique dans le cadre de la lutte contre les stéréotypes. Le Comité reste toutefois préoccupé par la persistance de pratiques préjudiciables et de stéréotypes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société, qui perpétuent la subordination des femmes dans les sphères privée et publique. Il constate que de tels stéréotypes contribuent également à l’augmentation du mariage d’enfants, de la polygamie et du lévirat, et, donc, du statut inégal des femmes dans la société. Le Comité est également préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas procédé à une étude d’impact de sa campagne nationale de sensibilisation à l’élimination des stéréotypes.

22. Rappelant la recommandation générale/observation générale conjointe n o  31 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et n o  18 du Comité des droits de l’enfant sur les pratiques préjudiciables, le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer la sensibilisation ciblée et le partenariat avec les médias et l’industrie cinématographique (Nollywood) afin de sensibiliser le public aux stéréotypes sexistes discriminatoires concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et à tous les niveaux de la société, en vue de les éliminer;

b) D’étendre les programmes d’éducation publique sur les effets négatifs de ces stéréotypes sur la jouissance par les femmes de leurs droits, en particulier dans les zones rurales, en ciblant les hommes et les garçons, ainsi que les chefs traditionnels et religieux qui sont les gardiens des valeurs coutumières et religieuses dans l’État partie;

c) De prendre des mesures efficaces visant à interdire et à mettre fin aux mariages d’enfants, au lévirat et à la polygamie;

d) De procéder à une étude d’impact de la campagne de sensibilisation nationale à l’élimination des stéréotypes discriminatoires et des pratiques préjudiciables, et de suivre et d’examiner régulièrement les mesures adoptées pour les éliminer.

Mutilations génitales féminines

23.Le Comité rappelle ses précédentes observations finales (CEDAW/C/NGA/CO/6, paragraphe 21) et se déclare préoccupé par le fait que, malgré les mesures prises par l’État partie pour lutter contre les mutilations génitales féminines, notamment l’adoption de la loi portant interdiction de la violence envers les personnes en 2015, cette pratique préjudiciable persiste dans l’État partie. Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que la loi, qui interdit les mutilations génitales féminines, n’est applicable que sur le territoire de la capitale fédérale et pas dans les États fédéraux où cette pratique est répandue.

24.Rappelant sa précédente recommandation (CEDAW/C/NGA/CO/6, paragraphe 22), et conformément à la cible 5.3 des objectifs de développement durable, visant à éliminer toutes les pratiques préjudiciables, telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé et la mutilation génitale féminine, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que la loi portant interdiction de la violence envers les personnes adoptée en 2015 soit appliquée dans tous les États fédéraux, y compris ceux où la mutilation génitale féminine est répandue;

b) De sensibiliser les chefs religieux et traditionnels et le grand public au caractère criminel de la mutilation génitale féminine, y compris ce qu’on appelle la « circoncision féminine », et son effet négatif sur les droits fondamentaux des femmes.

Violences sexistes à l’égard des femmes

25.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour mettre fin à la violence sexiste à l’égard des femmes, notamment par l’adoption de la loi portant interdiction de la violence envers les personnes en 2015, qui n’est toutefois applicable que sur le territoire de la capitale fédérale. Le Comité note avec préoccupation ce qui suit :

a)La violence sexiste à l’égard des femmes et des filles, y compris la violence domestique, demeure répandue;

b)Le cadre de « procédure d’application » pour la mise en œuvre de la loi portant interdiction de la violence envers les personnes adoptée en 2015 n’a pas été élaboré à ce jour;

c)Les foyers sont insuffisants et il n’existe aucun renseignement sur leur accessibilité pour les femmes et les filles, surtout dans les régions éloignées.

26. Rappelant sa recommandation générale n o  35 (2017) sur la violence à l’égard des femmes, mettant à jour la recommandation générale n o  19, et conformément à l’objectif de développement durable 5.2 visant à éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que la loi portant interdiction de la violence envers les personnes adoptée en 2015 soit applicable dans tous les États fédéraux et d’accélérer la rédaction et l’adoption de son cadre de « procédure d’application », qui devrait être axé sur l’élaboration d’une stratégie globale de prévention contre la violence sexiste à l’égard des femmes;

b) De mettre en place des foyers supplémentaires, de renforcer les foyers gérés par des organisations non gouvernementales et de faire en sorte que les femmes et les filles victimes de la violence sexiste, surtout dans les régions éloignées, puissent y accéder;

c) De renforcer la collecte de données statistiques sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, ventilées par âge, type d’infraction et lien entre la victime et l’auteur;

d) De continuer d’allouer des ressources suffisantes pour intégrer la violence sexuelle et sexiste dans les plans stratégiques du secteur de la santé et former les prestataires de soins de santé dans la fourniture de soins cliniques complets aux victimes de violence sexiste.

Traite et exploitation de la prostitution

27.Le Comité se félicite de la révision de la loi d’application et d’administration de la loi portant interdiction de la violence envers les personnes, qui est entrée en vigueur en 2015, et de la création, en 2008, du fonds d’affectation spéciale pour les victimes de la traite. Le Comité est particulièrement préoccupé par :

a)Le fait que l’État partie reste un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite des personnes, en particulier des femmes et des filles, à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail;

b)Le fait qu’en raison des flux migratoires dans la sous-région, les femmes et les filles déplacées à l’intérieur du pays et les femmes vivant dans la pauvreté sont exposées à la traite;

c)La réduction du budget alloué à l’Agence nationale pour l’interdiction de la traite des personnes en raison de la récession économique dans l’État partie;

d)Le fait qu’il n’y a que huit foyers pour les victimes de la traite dans l’ensemble du territoire de l’État partie;

e)Le fait que les femmes prostituées seraient victimes de harcèlement et de mauvais traitements notamment par la police et le personnel de maintien de l’ordre.

28. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De s’attaquer aux causes profondes de la traite des femmes et des filles et de garantir la réadaptation et l’intégration sociale des victimes, notamment en leur donnant accès à des foyers, à une aide juridique, médicale et psychosociale et à des possibilités génératrices de revenus adéquates;

b) De redoubler les efforts de sensibilisation visant à promouvoir le signalement de la traite et des crimes connexes et la détection des femmes et des filles victimes de la traite et leur orientation vers les services sociaux appropriés;

c) D’accroître les efforts de coopération bilatérale, régionale et internationale visant à prévenir la traite, y compris par l’échange de renseignements et l’harmonisation des procédures juridiques de poursuite des trafiquants, en particulier avec les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et de l’Union européenne;

d) D’accorder des ressources humaines, techniques et financières adéquates à l’Agence nationale pour l’interdiction de la traite des personnes afin de lui permettre de mener ses activités efficacement;

e) De procéder à une évaluation de l’adéquation des foyers et des services qu’ils fournissent, y compris l’aide juridique, médicale et psychosociale;

f) De protéger les femmes prostituées contre la violence sexuelle, les mauvais traitements et le harcèlement commis notamment par le personnel de maintien de l’ordre et en particulier la police, en enquêtant sur ces violences et en poursuivant et en sanctionnant les auteurs;

g) D’accorder des ressources suffisantes aux programmes destinés aux femmes qui souhaitent quitter la prostitution, y compris en offrant d’autres possibilités génératrices de revenus.

Participation à la vie politique et publique

29.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie en vue d’améliorer la participation des femmes à la vie politique, y compris par l’intermédiaire du fonds d’affectation spéciale créé en 2010 pour soutenir les femmes ayant des ambitions politiques aux élections de 2011. Le Comité prend également note des progrès réalisés en matière d’amélioration de la représentation des femmes dans les postes de décision, surtout dans le domaine judiciaire. Il demeure toutefois préoccupé par :

a)Le fait que les femmes sont encore sous-représentées à l’Assemblée nationale, dans les postes de direction dans le corps diplomatique et au niveau ministériel;

b)Le manque de renseignements sur l’existence de stratégies auprès des présidents de conseils et des conseillers locaux et dans le secteur privé visant à tenir compte de la problématique hommes-femmes et à augmentent la participation des femmes, y compris les mesures d’appui à ces stratégies et les mécanismes chargés de suivre et d’évaluer leur mise en œuvre;

c)Le fait que les femmes handicapées n’ont bénéficié d’aucune mesure temporaire spéciale visant à accroître leur représentation dans la vie politique et publique.

30. Le Comité recommande à l’État partie, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et aux recommandations générales n o  25 et n o  23 (1997) sur la vie politique et publique :

a) D’introduire des mesures temporaires, telles que des quotas pour les nominations politiques et le recrutement accéléré de femmes à des postes de décision, afin d’accélérer leur participation pleine et égale aux organes élus et nommés, y compris à l’Assemblée nationale, dans les postes de direction au sein du service diplomatique et au niveau ministériel;

b) De fournir des renseignements sur les stratégies en faveur de l’égalité des sexes auprès des présidents de conseils et des conseillers locaux et dans le secteur privé en vue d’augmenter la participation des femmes, y compris les mesures d’appui à ces stratégies et les mécanismes chargés de suivre et d’évaluer leur mise en œuvre;

c) D’introduire des mesures temporaires spéciales pour accroître la représentation des femmes handicapées dans la vie politique et publique et accélérer l’adoption du projet de loi sur les droits des personnes handicapées.

Nationalité

31.Le Comité est préoccupé par le fait que, en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 26 de la Constitution, les femmes nigérianes mariées à des étrangers ne peuvent transmettre leur nationalité à leurs maris, contrairement aux hommes nigérians mariés à des étrangères. Il est également préoccupé par le fait que le paragraphe 4 b) de l’article 29 sur la renonciation à la citoyenneté légitime le mariage d’enfants, dès lors qu’il reconnaît que toute femme mariée est majeure aux fins de la renonciation à la citoyenneté.

32. Conformément à sa recommandation générale n o  32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’abroger le paragraphe 2 a) de l’article 26 de la Constitution pour la mettre en conformité avec la Convention et faire en sorte que, conformément à l’article 9 de la Convention, les femmes nigérianes qui sont mariées à des étrangers puissent transmettre leur nationalité à leurs maris sur un pied d’égalité avec les hommes nigérians qui sont mariés à des étrangères;

b) De modifier le paragraphe 4 b) de l’article 29 de la Constitution, qui reconnaît et légitime implicitement le mariage d’enfants.

Éducation

33.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour s’attaquer aux effets de l’insurrection de Boko Haram sur l’accès des femmes et des filles à l’éducation. Il constate avec inquiétude :

a)Qu’un grand nombre de femmes et de filles dans le Nord-Est de l’État partie ont abandonné l’école en raison de l’insurrection de Boko Haram;

b)Le manque de renseignements sur les progrès réalisés dans la sécurisation des écoles pour faire en sorte que les filles et les enseignants soient protégés contre les insurgés de Boko Haram;

c)Que l’allocation budgétaire du secteur de l’éducation demeure inférieure au seuil de 26 % du produit intérieur brut recommandé par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture;

d)L’absence de données sur l’impact de la privatisation des écoles sur l’accès des femmes et des filles à l’éducation;

e)L’absence de données sur l’éducation spéciale prévue pour les femmes et les filles handicapées;

f)La résistance dans certains États fédéraux à la fourniture de l’éducation aux questions des droits en matière de santé sexuelle et procréative;

g)Que la mise en œuvre du programme d’alimentation scolaire a été fortement touchée par la réduction du financement et le manque de logistique et de fourniture de nourriture.

34. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre des mesures spécifiques, y compris en sollicitant une aide internationale, le cas échéant, pour reconstruire et sécuriser toutes les écoles touchées par l’insurrection de Boko Haram et encourager les filles et les enseignants, notamment les femmes, à retourner dans ces écoles;

b) De fournir un soutien psychosocial et médical aux filles et à leurs familles, ainsi qu’aux enseignants, d’encourager les filles à poursuivre leurs études et, à cette fin, d’envisager l’utilisation de la technologie moderne dans les cours;

c) D’augmenter le budget alloué au secteur de l’éducation en vue d’atteindre le seuil de 26 % du produit intérieur brut recommandé par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture;

d) De fournir des données dans le prochain rapport périodique sur les effets de la privatisation des écoles sur le droit des femmes et des filles à poursuivre leurs études et sur la fourniture de l’éducation spéciale pour les femmes et les filles;

e) De se pencher sur la résistance à la fourniture d’une éducation adaptée à l’âge sur les questions de santé et les droits en matière de sexualité et de procréation à travers des campagnes de sensibilisation à l’importance de cette éducation pour lutter contre les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles chez les adolescents;

f) D’assurer le financement, la logistique et la fourniture de nourriture aux écoles dans le cadre du programme d’alimentation scolaire et de veiller à la pérennité de celui-ci.

Emploi

35.Le Comité salue la modification apportée en 2011 à la loi sur le salaire minimum national et les efforts visant à améliorer la participation des femmes au marché du travail par la mise en œuvre d’initiatives telles que les projets « Community Services, Women and Youth Employment » et « Growing Girls and Women in Nigeria ». Rappelant ses précédentes observations (CEDAW/C/NGA/CO/6, paragraphes 13 et 29), le Comité reste préoccupé par :

a)Les dispositions discriminatoires de la loi du travail (1990), de la loi sur les usines (1987) et du Règlement de police (1968), qui interdisent, entre autres, l’emploi de femmes dans le travail de nuit et le recrutement de femmes mariées dans la police et obligent les agents de police femmes à demander par écrit l’autorisation de se marier;

b)Le retard dans l’adoption du projet de loi sur les normes de travail, qui vise à interdire le harcèlement sexuel, et de la politique nationale de l’emploi;

c)Le manque de renseignements sur les plans visant à reconduire le projet « Community Services, Women and Youths Employment », qui a offert aux femmes, aux jeunes et aux personnes handicapées sans emploi des possibilités d’emploi temporaire dans d’autres domaines, de même que la relance des centres de développement des femmes;

d)Le manque de renseignements sur les pratiques discriminatoires fondées sur la maternité et la situation matrimoniale sur le lieu de travail et sur les activités des inspecteurs du travail au Ministère fédéral du travail et de l’emploi afin de traiter les plaintes et d’enquêter sur l’écart salarial qui existerait entre les hommes et les femmes, surtout dans le secteur privé;

e)Les efforts limités de l’État partie en vue de réduire le fossé en matière de technologies de l’information et des communications et de mettre en œuvre des programmes spécifiques visant à renforcer les capacités des femmes dans le domaine de la technologie, de l’innovation et de l’entreprenariat.

36.Le Comité rappelle ses précédentes recommandations (CEDAW/C/NGA/CO/6, paragraphes 14 et 30) et recommande à l’État partie :

a) D’abroger toutes les dispositions discriminatoires de la législation du travail qui limitent la participation des femmes au marché du travail, y compris la loi du travail (1990), la loi sur les usines (1987) et le Règlement de police (1968);

b) D’envisager de reconduire le projet « Community Services, Women and Youths Employment », qui a offert aux femmes, aux jeunes et aux personnes handicapées des emplois temporaires dans d’autres domaines et de relancer les centres de développement des femmes;

c) De fournir des renseignements dans le prochain rapport périodique sur la persistance des pratiques discriminatoires fondées sur la maternité et la situation matrimoniale sur le lieu de travail et sur la façon dont les inspecteurs du travail ont traité les plaintes, y compris leurs enquêtes sur l’écart salarial entre hommes et femmes qui serait en vigueur dans le secteur privé;

d) D’intensifier les efforts visant à réduire le fossé en matière de technologies de l’information et des communications et de mettre en œuvre des programmes spécifiques visant à renforcer les capacités des femmes dans le domaine de la technologie, de l’innovation et de l’entreprenariat.

Santé

37.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie en vue d’améliorer l’état de santé des femmes et des filles par l’adoption de politiques telles que la politique nationale de la santé (2016). Il constate toutefois avec préoccupation :

a)Le taux élevé de mortalité maternelle, en partie dû au manque d’accès aux sages-femmes qualifiées et au nombre élevé d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses;

b)L’incidence élevée des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses en raison des lois restrictives de l’État partie, qui n’autorisent les avortements que pour sauver la vie d’une femme enceinte;

c)L’utilisation limitée des formes modernes de contraception par les femmes et les filles, le fait que l’État partie possède l’un des taux de VIH les plus élevés au monde, touchant de manière disproportionnée les femmes et les filles, surtout les prostituées, et la prévalence du paludisme;

d)L’incidence élevée de la fistule obstétricale et l’accès limité aux soins prénatals, obstétricaux et postnatals en raison d’obstacles physiques et économiques;

e)Les rapports faisant état de taux élevés de stérilité et de fausse couche dans l’État de Zamfara en raison de la contamination par le plomb.

38.Rappelant sa précédente recommandation (CEDAW/C/NGA/CO/6, paragraphe 32) et sa recommandation générale n o  24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intensifier les efforts visant à réduire l’incidence de la mortalité maternelle, y compris par la formation des sages-femmes et par la mise en œuvre effective du plan national de services de sages-femmes, surtout dans les zones rurales, afin de faire en sorte que toutes les naissances soient suivies par un personnel de santé qualifié, en accord avec les objectifs de développement durable 3.1 et 3.7;

b) De modifier les dispositions pertinentes du Code pénal des États fédéraux, en vue de légaliser l’avortement en cas de viol, d’inceste, de risque pour la santé physique ou mentale ou de la vie de la femme enceinte et d’atteinte sévère au fœtus, et de dépénaliser l’avortement dans tous les autres cas;

c) De mettre en œuvre des stratégies de lutte contre le paludisme et le VIH, surtout à titre préventif, et d’améliorer la fourniture gratuite d’un traitement antirétroviral à toutes les personnes vivant avec le VIH, y compris les femmes enceintes pour prévenir la transmission de la mère à l’enfant, et d’encourager les prostituées à utiliser des préservatifs et de leur donner accès à des soins de santé adéquats afin qu’elles puissent participer activement à la lutte contre le VIH;

d) De faire en sorte que toutes les femmes et toutes les filles aient accès aux formes modernes de contraception à un coût abordable et d’intensifier les efforts de sensibilisation des femmes et des hommes à l’utilisation des contraceptifs et aux questions de santé et aux droits en matière de sexualité et de procréation;

e) De s’attaquer à la forte incidence de la fistule obstétricale et aux obstacles physiques et économiques qui limitent l’accès des femmes aux soins prénatals, obstétricaux et postnatals;

f) De faire en sorte que les femmes et les filles touchées par la contamin ation au plomb dans l’État de Zamfara aient accès aux soins de santé et que les effets de la contamination soient surveillés en permanence en vue de fournir les interventions médicales nécessaires.

Autonomisation économique des femmes

39.Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie afin de promouvoir l’autonomisation économique et le bien-être social des femmes, y compris l’adoption de la loi portant Fonds d’affectation spéciale aux régimes de protection sociale (2012) et de la loi sur la réforme de retraite (2014). Le Comité se félicite de l’adoption par l’État partie d’une stratégie de transition des objectifs du Millénaire pour le développement aux objectifs de développement durable en 2015. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Le manque de renseignements sur l’impact de la politique nationale du microcrédit sur les femmes et les filles et sur les efforts visant à renforcer leurs capacités en matière d’entreprenariat;

b)Les efforts limités de l’État partie visant à étudier les possibilités d’investissement et d’emploi pour les femmes grâce à leurs investissements dans les énergies renouvelables tout en luttant contre les effets néfastes des changements climatiques.

40. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De fournir des renseignements détaillés dans son prochain rapport périodique sur l’impact de la mise en œuvre de la politique du microcrédit sur l’accès des femmes aux prêts et autres formes de crédit financier, ainsi que sur les efforts visant à renforcer les capacités des femmes et des filles en matière d’entreprenariat;

b) D’étudier les possibilités d’investissement et d’emploi pour les femmes à travers des investissements dans les énergies renouvelables et de lutter contre les effets néfastes des changements climatiques dans le cadre de ses efforts pour mettre en œuvre les objectifs de développement durable 5, 7 et 13;

c) D’accorder la priorité à la participation des femmes dans ses efforts visant à atteindre les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Femmes rurales

41.Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie en vue d’améliorer les moyens de subsistance des femmes rurales grâce à la mise en œuvre de divers programmes de promotion de l’esprit d’entreprise, tels que le Programme de renforcement des institutions de financement rural et le Fonds de garantie du crédit agricole et les programmes de formation. Le Comité est toutefois préoccupé par ce qui suit :

a)Les femmes rurales continuent de faire face à des obstacles qui empêchent leur pleine participation aux processus décisionnels et à l’élaboration des politiques de développement rural;

b)Les femmes possèdent moins de 7,2 % de la superficie terrestre totale dans l’État partie et leurs droits fonciers dans les zones rurales ne sont pas garantis;

c)Les femmes rurales continuent de faire face à des obstacles physiques, économiques et autres qui entravent l’accès aux soins de santé, aux services de planification familiale, à l’éducation, à l’emploi et à d’autres services de base.

42. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’assurer la pleine participation des femmes à la prise de décision, y compris concernant les programmes et les politiques de développement rural;

b) De continuer d’étendre l’accès des femmes à la microfinance et au microcrédit à faible taux d’intérêt afin de leur permettre de s’engager dans des activités génératrices de revenus et de créer leurs propres entreprises en vue de lutter contre la pauvreté chez les femmes rurales et de promouvoir les femmes rurales;

c) D’examiner la loi sur l’utilisation des terres (1990), la loi sur l’administration foncière (1978) et les lois foncières connexes et d’abroger toutes les dispositions qui empêchent l’accès des femmes à la terre afin de faire en sorte que les femmes rurales aient accès aux terres;

d) De prendre des mesures pour résoudre de manière globale les problèmes structurels auxquels sont confrontées les femmes rurales afin de répondre à leurs besoins en matière de soins de santé, de services de planification familiale, d’éducation, d’emploi et d’autres services de base.

Groupes de femmes défavorisées

43.Le Comité note avec préoccupation les multiples formes de discrimination auxquelles sont confrontées les femmes et les filles dans l’État partie. Il est particulièrement préoccupé par :

a)Le fait que les femmes et les filles handicapées sont confrontées à des obstacles physiques et économiques dans divers domaines, notamment en matière d’accès aux soins de santé, à l’éducation et à l’emploi;

b)Le manque de renseignements sur la participation des femmes et des filles déplacées aux efforts de redressement et de traitement des causes profondes des déplacements;

c)Le fait que le projet de politique nationale sur les personnes déplacées à l’intérieur du pays n’a pas été adopté à ce jour;

d)Le signalement de cas de discrimination multiple et de violence à l’égard des femmes et des filles en raison de l’homophobie;

e)Le signalement du grand nombre de femmes dans les lieux de privation de liberté, qui est en partie dû au recours excessif à la détention préventive.

44. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intensifier ses efforts par le biais des programmes en place et de nouveaux programmes innovants axés sur les femmes handicapées afin de faciliter leur accès aux soins de santé, à l’éducation et à l’emploi et de lutter contre toutes les formes de discrimination à leur égard;

b) D’adopter des mécanismes visant à assurer la participation effective des femmes et des filles déplacées à l’intérieur du pays aux efforts de redressement et à lutter contre les causes profondes des déplacements;

c) D’accélérer l’adoption de la politique nationale sur les personnes déplacées à l’intérieur du pays et de veiller à ce qu’elle intègre une démarche tenant compte de la problématique hommes-femmes dans le traitement de la question des déplacements internes;

d) De prendre des mesures pour lutter contre l’homophobie et protéger les femmes et les filles concernées;

e) D’améliorer la situation des femmes dans tous les lieux de privation de liberté en traitant le problème de la surpopulation carcérale conformément aux normes internationales, y compris les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok).

Mariage et relations familiales

45.Le Comité prend note de la complexité, et du caractère parfois contradictoire, des différents régimes matrimoniaux statutaire, coutumier et islamique dans l’État partie, avec leurs implications variées sur la capacité juridique des femmes et la réglementation du mariage et du divorce. Il prend également note du projet de loi type sur le droit coutumier et la loi islamique sur l’enregistrement des mariages et des divorces, prévoyant l’enregistrement obligatoire de tous les mariages dans un État, qui est actuellement soumis à l’Assemblée nationale. Le Comité est préoccupé par ce qui suit :

a)Bien que la loi sur les droits de l’enfant (2003) établisse l’âge légal du mariage à 18 ans pour les femmes et les hommes, elle n’est applicable que dans un nombre limité d’États fédéraux et, dans certains États, en particulier dans la région nord, les mariages d’enfants sont fréquents;

b)Si les articles 218 et 357 du Code criminel protègent les filles de moins de 13 ans des rapports sexuels forcés, l’article 6 exclut son applicabilité aux filles du même âge dans les mariages de droit coutumier;

c)Les droits de succession reposent en grande partie sur la succession par les hommes;

d)Aucune mesure spécifique n’a été prise pour abolir les relations polygames.

46. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que le projet de loi type sur le droit coutumier et la loi islamique sur l’enregistrement des mariages et des divorces soit conforme aux dispositions de la Convention et garantisse la pleine capacité juridique de toutes les femmes en matière de mariage, de garde d’enfants et de succession;

b) De veiller à ce que la loi sur les droits de l’enfant (2003) s’applique sur tout le territoire de l’État partie et d’abolir le mariage des enfants par des efforts de sensibilisation et en poursuivant et en punissant les auteurs et les complices;

c) D’abroger l’article 6 du Code pénal, parce qu’il légitime le mariage et le viol des enfants en excluant l’applicabilité des articles 218 et 357 du Code pénal, qui protègent les filles de moins de 13 ans contre les rapports sexuels forcés;

d) D’examiner les régimes juridiques régissant la succession au titre du droit coutumier et de la loi islamique personnelle afin de faire en sorte que les droits de succession des femmes soient conformes à la Convention et appliqués de manière effective et que les femmes soient pleinement informées des changements dans la loi;

e) D’abolir la polygamie à travers des campagnes de sensibilisation et l’éducation, qui devraient, entre autres, être axées sur les effets préjudiciables de cette p ratique et y associer pleinement les chefs religieux et traditionnels et les responsables locaux.

Amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

47. Le Comité invite l’État partie à accepter, dans les meilleurs délais, l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le calendrier des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

48. Le Comité demande à l’État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans l es efforts qu’il fait pour mettre en œuvre la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

49. Le Comité appelle à la réalisation de l’égalité des sexes, conformément aux dispositions de la Convention, tout au long du processus de mise en œuvre de Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Diffusion

50. Le Comité demande à l’État partie d’assurer la diffusion en temps opportun des présentes observations finales, dans sa langue officielle, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au sein du Gouvernement, des ministères, du Parlement et des instances judiciaire, en vue d’en assurer la pleine application.

Assistance technique

51. Le Comité recommande à l’État partie de conjuguer la mise en œuvre de la Convention à ses efforts de développement et de mettre à profit l’assistance technique régionale ou internationale à cet effet.

Ratification d’autres instruments

52. Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à favoriser l’exercice effectif par les femmes de leurs droits individuels et de leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, et le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Suite des observations finales

53. Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai de deux ans, des renseignements écrits sur les mesures prises en vue de faire appliquer les recommandations contenues dans les paragraphes 12 a), b), 16 a) et 20 ci-dessus.

Élaboration du prochain rapport

54. Le Comité demande à l’État partie de soumettre son neuvième rapport périodique, attendu en juillet 2021. Le rapport doit être soumis à temps et, en cas de retard, couvrir toute la période allant jusqu’à la date de sa soumission.

55.Le Comité demande à l’État partie de respecter les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, y compris les directives relatives au document de base commun et aux documents spécifiques aux instruments (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chapitre I).