Observations finales sur le rapport unique valant troisième et quatrième rapports périodiques du Niger *

1.Le Comité a examiné le rapport unique valant troisième et quatrième rapports périodiques du Niger (CEDAW/C/NER/3-4), lors de ses 1516e et 1517e séances (voir CEDAW/C/SR.1516 et 1517), tenues le 13 juillet 2017. La liste de points et de questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/NER/Q/3-4 et les réponses du Niger dans le document CEDAW/C/NER/Q/3-4/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie de la soumission de son rapport unique valant troisième et quatrième rapports périodiques. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste de points et de questions soulevés par le groupe de travail d’avant session, et salue la présentation faite par la délégation ainsi que les éclaircissements supplémentaires apportés en réponse aux questions posées oralement par le Comité durant le dialogue.

3.Le Comité félicite l’État partie de sa délégation de haut niveau, qui était dirigée par le Ministre de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant, M. El Back Zeinabou Tari Bako, et qui comprenait des représentants du Ministère de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant, du Ministère de la justice, du Comité interministériel chargé d’élaborer des rapports destinés aux organes conventionnels et de la mission permanente du Niger auprès de l’Office des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève.

B.Aspects positifs

4.Le Comité salue les progrès accomplis depuis l’examen en 2007 du deuxième rapport périodique de l’État partie (CEDAW/C/NER/2) dans la mise en œuvre de réformes législatives, en particulier l’adoption de :

* Adoptées par le Comité lors de sa soixante-septième session (3-21 juillet 2017 ).

a)La Constitution du 25 novembre 2010, consacrant, entre autres, l’égalité devant la loi sans distinction fondée sur le sexe (article 8) et prônant également l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme, de la jeune fille et des personnes handicapées (article 22);

b)La loi no 2014-60 du 5 novembre 2014, relative au Code de la nationalité nigérienne, autorisant les femmes à transférer à leur époux la citoyenneté nigérienne et introduisant la possibilité de double nationalité;

c)La loi no 2014-64 du 5 novembre 2014 modifiant la loi sur les quotas (loi no 2000-008 du 7 juin 2000) visant à augmenter de 10 % à 15 % le quota de représentants élus de chaque sexe;

d)La loi no 2012-45 du 25 septembre 2012 modifiant le code du travail, notamment en élargissant la liste des motifs de discrimination proscrits, en augmentant les sanctions pour discrimination, et en interdisant le harcèlement sexuel au travail;

e)L’ordonnance no 2010-086/P/CSRD/MJ/DH du 16 décembre 2010 relative à la lutte contre la traite des êtres humains, telle que modifiée par la loi no 2015-36 du 26 mai 2015 sur l’interdiction du trafic des migrants.

5.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie visant à améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, en adoptant notamment les mesures suivantes :

a)La création d’une Commission nationale des droits de l’homme en application de la loi no 2012-44 du 24 août 2012, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l’homme (Principes de Paris), ayant pour mandat, entre autres, de promouvoir et défendre les droits des femmes;

b)La mise en place en 2012 de la Commission nationale de Coordination de la lutte contre la traite des personnes et de l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes par décrets no 2012-083/PRN/MJ et no 2012-083/PRN/MJ respectivement;

c)La création de l’Agence nationale de l’assistance juridique et judiciaire par la loi no 2011-042 du 14 décembre 2011, afin de fournir une assistance juridique aux personnes vulnérables, y compris aux femmes dans des cas spécifiques;

d)L’adoption d’une politique nationale en matière d’égalité des sexes (2008) et d’un plan d’action national y afférent pour la période 2009-2018.

6.Le Comité félicite l’État partie d’avoir ratifié les instruments internationaux suivants ou d’y avoir adhéré, au cours de la période écoulée depuis l’examen du rapport précédent :

a)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2015;

b)Le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 2014;

c)Le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2014;

d)La Convention de 1954 relative au statut des apatrides, en 2014;

e)La Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique, en 2012;

f)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2012;

g)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2009;

h)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2008.

C.Parlement

7. Le Comité souligne le rôle essentiel du pouvoir législatif dans la pleine application de la Convention (voir la D éclaration sur les liens entre le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et les parlementaires , adoptée lors de sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite l ’ Assemblée nationale à prendre, conformément à son mandat, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales d ’ ici à la soumission du prochain rapport au titre de la Convention.

D.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Retrait des réserves

8.Le Comité prend note que lors de son examen périodique universel de 2014, l’État partie a accepté les recommandations préconisant la révision de ses réserves quant aux alinéas d) et f) de l’article 2, à l’alinéa a) de l’article 5, à l’alinéa 4) de l’article 15 et aux alinéas c), e) et g) de l’article 16 de la Convention, ainsi que de l’établissement d’un comité national pour étudier la possibilité de leur retrait (voir A/HRC/32/5). Le Comité s’inquiète de ce qu’aucune échéance n’a été fixée quant à l’achèvement de cet examen.

9. Rappelant sa déclaration sur les réserves, adoptée lors de sa dix-neuvième session, en 1998, le Comité estime que les réserves aux articles 2 et 16 sont incompatibles avec l ’ objet et le but de la Convention et qu ’ elles sont donc inadmissibles et doivent être levées. Il rappelle qu ’ il est essentiel, aux fins de la pleine application de la Convention dans l ’ État partie, de retirer les réserves ou d ’ en limiter la portée, et que ni les pratiques traditionnelles, religieuses ou culturelles, ni les lois et les politiques nationales incompatibles ne peuvent être invoquées pour justifier la formulation de réserves à l ’ égard de la Convention. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accélérer l ’ examen de toutes ses réserves à la Convention, en vue de les retirer ou d ’ en restreindre la portée selon un échéancier bien précis, en consultation avec les chefs traditionnels et les groupes de femmes de la société civile. Dans ce contexte, il recommande à l ’ État partie de prendre en considération les expériences d ’ autres pays musulmans qui ont retiré le ur s réserves à la Convention ;

b) De solliciter et d ’ utiliser l ’ appui technique des partenaires au développement, le cas échéant, afin de surmonter les contraintes nationales qui s ’ opposent à l ’ adoption et à la mise en œuvre intégrale de la Convention sans réserve.

Femmes, paix et sécurité

10.Le Comité constate que les récentes attaques terroristes ont entrainé des déplacements massifs de populations estimées à 242 000 personnes, dont des demandeurs d’asile, des réfugiés, des rapatriés et des déplacés dans la seule région de Diffa. Le Comité félicite l’État partie pour l’adoption de la loi no 2015-36 du 26 mai 2015 sur l’interdiction de la traite de migrants, ainsi que pour sa politique d’ouverture des frontières et d’accueil des réfugiés. Néanmoins, il constate avec préoccupation que :

a)Aucune politique stratégique ou réponse législative n’existe pour remédier à la situation extrêmement précaire des femmes et des filles déplacées dans l’État partie, en particulier dans la région du Lac Tchad;

b)Les femmes et les filles déplacées sont exposées à la violence sexuelle et sexiste ainsi qu’au mariage précoce, au mariage forcé, à la traite des êtres humains, à la prostitution forcée et à l’enlèvement par des groupes terroristes pour servir de kamikazes et d’esclaves sexuelles;

c)Aucun mécanisme indépendant visant à enquêter sur toutes les allégations de violence sexiste et autres violations des droits des femmes et des filles par des forces de sécurité et des groupes terroristes n’existe.

11. Conformément à s a recommandation générale n o 30 (2013) sur les femmes dans la prévention de s conflit s , les conflit s et les situations d ’ après conflit, et à sa recommandation générale n o 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d ’ asile, de nationalité et d ’ apatridie, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ accélérer l ’ adoption d ’ un cadre de politique et législatif pour garantir la sécurité des femmes et des filles demandeuses d ’ asile, réfugiées, rapatriées et déplacées et faire en sorte qu ’ elles aient accès à des approvisionnements de denrées alimentaires, à de l ’ eau propre et à l ’ assainissement, à un abri, aux soins de santé et à l ’ éducation, et qu ’ elles peuvent obtenir facilement des papiers d ’ identité ;

b) De collecter des données sur des cas de violence sexiste à l ’ égard des femmes et des filles, en particulier la violence sexuelle, le mariage des enfants, le mariage forcé, la traite des personnes, la prostitution forcée et l ’ enlèvement par des groupes terroristes dans l ’ État partie ;

c) De mettre en place un mécanisme spécialisé visant à enquêter sur les allégations de violation des droits de l ’ homme et les actes de violence par les forces de sécurité et les groupes terroristes, avec un accent particulier sur la violence sexiste et d'a utres violations des droits de l ’ homme perpétrées contre les femmes et les filles, en traduisant en justice les auteurs et en garantissant l ’ indemnisation et la réhabilitation des victimes ;

d)De recourir à l ’ assistance financière et technique fournie par les partenaires de développement internationaux pour garantir l ’ inclusion et la participation des femmes à tous les niveaux du processus de prise de décision, de stabilisation et de reconstruction, conformément à la résolution1325 (2000) du Conseil de sécurité .

Cadre constitutionnel et lois discriminatoires

12.Le Comité se félicite de l’interdiction constitutionnelle de la discrimination fondée sur le sexe (article 8), de l’engagement de l’État partie à éliminer toute forme de discrimination à l’égard des femmes (article 22) et la garantie donnée par l’État partie que les traités internationaux prévaudront sur la législation nationale (article 171). Toutefois, il demeure préoccupé par le fait que :

a)La définition de la discrimination à l’égard des femmes qui interdit toute discrimination directe et indirecte, conformément à l’article 1 de la Convention, n’est manifestement pas respectée par l’État partie dans la pratique;

b)La loi no 62-11 du 16 mars 1962 et la loi no 2004-50 du 22 juillet 2004 accordent la primauté au droit coutumier plutôt qu’au droit civil dans la plupart des affaires d’état civil, notamment le mariage, le divorce, la filiation, la succession, la donation et le testament, et en ce qui concerne la possession immobilière, ce qui porte préjudice aux femmes et aux filles;

c)Aucun échéancier d’abrogation de la législation discriminatoire n’est envisagé, y compris les dispositions du Code civil réglementant entre autres le domicile conjugal (article 108), le statut de chef de famille et l’autorité paternelle (articles 213 à 216), la capacité juridique des femmes mariées (articles 506 à 507), le remariage (articles 228, 296), l’exercice de la garde des enfants (articles 389 à 396 et 405) et la répartition des biens matrimoniaux (article 818);

d)Le projet de Code d’état civil de 2010 n’a pas été adopté en raison de l’hostilité de certains groupes.

13. Conformément à sa recommandation générale n o 28 (2010) concernant les obligations fondamentales des États parties découlant de l ’ article 2 de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes , le Comité recommande que l ’ État partie accorde la priorité à son processus de réforme de la législation, en tenant compte des liens entre les articles 1 et 2 de la Convention et de l ’ objectif de développement durable 5.1, afin de mettre fin à toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes et des filles à travers le monde, et ce suivant un échéancier précis en vue de :

a) Parvenir à l’égalité effective entre les hommes et les femmes devant la loi et dans la pratique, en veillant à l’application d’une définition de la discrimination envers les femmes qui soit conforme à l’article 1 de la Convention, qui concerne la discrimination directe et indirecte dans les sphères publique et privée et qui tienne compte des formes convergentes de discrimination ;

b) Harmoniser les lois nationales et le droit coutumier avec les dispositions de la Convention et d’abroger toutes les lois incompatibles avec le principe d’égalité entre les femmes et les hommes et l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe ;

c) Initier des débats publics, ouverts et inclusifs, axés sur les différences de vue et d’interprétation concernant le droit privé coutumier et les pratiques coutumières et, avec la participation des organisations féminines de la société civile, sensibiliser les parlementaires, les chefs traditionnels et le public en général sur l’importance d’une réforme juridique globale et cohérente pour parvenir à l’égalité effective entre les hommes et les femmes en vue de dégager un consensus pour l’adoption d’un Code d’état civil non discriminatoire ;

d) Accélérer la ratification du Protocole à la Charte africaine des droits de l ’ homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique .

Accès à la justice

14.Le Comité prend note de la déclaration de l’État partie concernant l’assistance juridique gratuite pour toutes les femmes dans des procédures judiciaires précises, y compris en ce qui concerne les questions relevant du droit de la famille. Il prend également note des programmes de renforcement des capacités des juges, des avocats et des responsables de l’application des lois concernant la Convention, mais déplore l’absence de renseignements sur des affaires pour lesquelles la Convention a été invoquée devant les tribunaux nationaux. Le Comité demeure préoccupé par l’accès limité des femmes à la justice, qui s’explique essentiellement par :

a)La concentration des services d’aide judiciaire et juridique dans la capitale;

b)La faible prise de conscience par les femmes de leurs droits et de la manière de les revendiquer, compte tenu du niveau élevé de pauvreté et d’analphabétisme chez les femmes dans l’État partie;

c)L’absence d’une assistance juridique pour les femmes dans les tribunaux de droit coutumier où la majorité des affaires personnelles et familiales sont jugées;

d)L’absence de connaissances et de sensibilité de la part des juges de tribunaux d’État coutumiers, ainsi que des responsables de l’application des lois en ce qui concerne les droits des femmes.

15.Conformément à sa recommandation générale n o 33 (2015) sur l ’ accès des femmes à la justice, le Comité rappelle l ’ obligation de l ’ État partie de veiller à ce que les droits des femmes soient protégés contre toute violation de la part des entités du système de justice plurielle. Conformément à sa recommandation précédente (CEDAW/C/NER/CO/2, para graphe  14), il invite l ’ État partie à  :

a) De renforcer le système judiciaire de l’État, notamment en augmentant les ressources humaines, techniques et financières, et d’augmenter les services d’assistance dans les systèmes judiciaires de l’État et coutumiers et d’en élargir la portée, afin de s’assurer que les femmes accèdent réellement à la justice à travers le territoire de l’État partie ;

b) De mieux sensibiliser les femmes sur leurs droits et les moyens de les revendiquer, notamment en renforçant la coopération avec les organisations de la société civile ;

c) De renforcer les capacités des juges des tribunaux d’État et coutumiers concernant la Convention et les droits des femmes, pour veiller à ce que les systèmes judiciaires de l ’ État et coutumiers harmonisent leurs pratiques avec les dispositions de la Convention et sensibiliser sur les stéréotypes et la stigmatisation auxquels sont exposées les femmes revendiquant leurs droits, et les éliminer .

Mécanisme national de promotion de la femme

16.Le Comité se félicite de la création du Centre national pour la promotion de l’égalité des sexes, de la mise en place de points focaux sur l’égalité des sexes dans tous les ministères et de la création d’un réseau de parlementaires pour l’égalité entre les sexes. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance des ressources financières et humaines, ainsi que par la faible présence de mécanismes similaires au niveau local et par les difficultés rencontrées pour garantir une coordination effective entre ces entités et le Ministère de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant en vue d’intégrer la problématique hommes-femmes dans les organismes gouvernementaux nationaux et locaux.

17. Rappelant sa recommandation générale n o 6 (1988) sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces, ainsi que les orientations contenues dans la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, notamment en ce qui concerne les conditions nécessaires au fonctionnement efficace des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’allouer les ressources humaines, techniques et financières nécessaires au Ministère de la promotion de la femme et de la protection de l’enfant, au Centre national pour la promotion de l’égalité des sexes et aux points focaux ministériels sur l’égalité des sexes, ainsi qu’aux mécanismes similaires au niveau local, afin de renforcer leurs missions de coordination, de suivi et d’évaluation de l’incidence de la mise en œuvre des politiques publiques et plans d’action nationaux en vue de la promotion de la femme ;

b) De conduire une évaluation d’impact du plan d’action national pour les femmes (2009-2018) à son échéance afin d’évaluer les progrès réalisés en matière d’égalité entre les sexes et d’ élaborer, en collaboration avec des organisations féminines de la société civile, une nouvelle stratégie qui définit clairement les compétences des autorités nationales et locales concernant sa mise en œuvre et qui est soutenue par un système global de collecte et de suivi de données .

Mesures temporaires spéciales

18.Le Comité constate avec préoccupation que les mesures temporaires spéciales ne sont pas suffisamment appliquées en tant que stratégie nécessaire dans le but de parvenir plus rapidement à l’égalité réelle entre les hommes et les femmes dans d’autres domaines visés par la Convention, en particulier l’emploi, l’éducation, et la santé et dans les domaines en rapport avec les femmes rurales.

19. Conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité sur les mesures temporaires spéciales, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De sensibiliser les membres du Parlement, les agents de l’État, les employeurs et le public en général à la nécessité des mesures temporaires spéciales ;

b) De fixer des objectifs assortis d’échéances et de consacrer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de mesures temporaires spéciales, notamment des quotas et autres mesures proactives, accompagnés de mesures juridiques en cas de non-respect, en vue d’instaurer une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines visés par la Convention dans lesquels les femmes sont sous-représentées ou défavorisées ;

c) De tenir compte des récentes initiatives dans d ’ autres État s de la région pour élaborer et adopter des mesures temporaires spéciales .

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

20.Le Comité reconnaît la diversité des cultures et des traditions dans l’État partie. Il est toutefois préoccupé par l’insuffisance des mesures prises par l’État partie pour faire appliquer la précédente recommandation du Comité (CEDAW/C/NER/CO/2, paragraphe 18) afin d’élaborer une stratégie d’ensemble assortie d’objectifs et d’échéances clairs afin de modifier ou d’éliminer les pratiques culturelles et les stéréotypes préjudiciables qui constituent des discriminations à l’encontre des femmes, et mettre en place des mécanismes de suivi afin d’évaluer régulièrement les progrès accomplis. Le Comité demeure préoccupé, notamment par la pratique du wahaya qui est une forme d’esclavage, incluant l’esclavage sexuel et la mutilation génitale féminine, qui persiste dans l’État partie. Il s’inquiète du faible nombre de poursuites en vertu des dispositions du Code pénal interdisant l’esclavage (articles 270.1-270.3) afin d’inculper les auteurs du wahaya, ainsi que de faibles taux de condamnation pour mutilation génitale féminine.

21. Conformément à l ’ objectif de développement durable 5.3, à savoir éliminer toutes les pratiques préjudiciables, telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé et la mutilation génitale féminine, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De punir spécialement la pratique du wahaya et d’infliger les mêmes peines que celles appliquées à toutes les formes d’esclavage ;

b) De veiller à ce que les articles 232.1 à 232.3 du Code pénal interdisant la mutilation génitale féminine soient rigoureusement appliqués ;

c) De former les juges, les procureurs, la police et les responsables de l’application des lois à l’application stricte de ces sanctions afin de s’assurer que les auteurs de ces pratiques préjudiciables font effectivement l’objet d’enquête, de poursuite et de sanction et que les victimes bénéficient de l’assistance et d’une aide à la réhabilitation ;

d) D’établir et d’allouer des ressources suffisantes pour la mise en œuvre d’un plan d ’ action national visant à lutter contre les pratiques préjudiciables, en organisant des campagnes médiatiques stratégiques et des programmes éducatifs afin de sensibiliser les chefs traditionnels et religieux, le personnel de santé, les travailleurs sociaux et le public en général sur l ’ impact négatif des pratiques sur les femmes et les filles .

Violence sexuelle et sexiste à l’égard des femmes

22.Le Comité prend note de l’élaboration d’une stratégie nationale visant à prévenir la violence sexiste et à la combattre. Il prend également note du fait que la délégation a assuré, au cours du dialogue constructif, la construction de 140 centres sûrs, tel que prévu dans chaque région de l’État partie. Il demeure toutefois préoccupé de ce que la violence sexiste contre les femmes et les filles, y compris la violence sexuelle et domestique, semble être acceptée par la société et s’accompagner d’une culture du silence et de l’impunité, et que les victimes bénéficient de mesures d’assistance, de protection et de réparation limitées. Il s’inquiète, en outre, du fait que le viol conjugal n’est pas expressément réprimé et qu’aucune disposition de la législation de l’État partie ne fait mention de l’atteinte sexuelle sur mineur en raison de l’absence de l’âge minimal requis pour le consentement à des relations sexuelles.

23. Rappelant sa recommandation générale n o 35 (2017) sur la violence sexiste à l ’ égard des femmes (mise à jour de la recommandation n o 19), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’adopter une législation en vue de définir et d’incriminer expressément la violence sexuelle à l’égard des femmes, notamment l’atteinte sexuelle sur mineur et le viol conjugal, et mieux protéger les victimes et poursuivre et punir les coupables ;

b) De veiller à éviter la stigmatisation des victimes et à les encourager à dénoncer les cas de violence sexiste, notamment en organisant des programmes de renforcement des capacités des juges, des procureurs, des agents de police, des responsables d’application des lois, des praticiens du droit et des chefs traditionnels sur la manière d’enquêter sur de tels cas en tenant compte de la dimension genre ;

c) De s’assurer que les allégations de violence sexiste à l’égard des femmes, notamment la violence domestique, font effectivement l’objet d’enquêtes, que les auteurs des actes considérés sont poursuivis et sanctionnés selon les formes prévues, et que les victimes ont accès à une réparation appropriée, notamment sous la forme d’une indemnisation ;

d) D’augmenter le nombre de refuges, surtout dans les zones rurales, et proposer des programmes de traitement médical, de réhabilitation psychosociale et de réintégration, ainsi qu ’ une assistance juridique aux victimes de violence sexiste ;

e) De collecter et d ’ analyser systématiquement les données sur toutes les formes de violence sexiste à l ’ égard des femmes, ventilées par sexe, région et relation entre la victime et le coupable, ainsi que sur les ordonnances de protection délivrées, le nombre de poursuites et les peines infligées aux coupables .

Traite et exploitation de la prostitution

24.Le Comité félicite l’État partie pour l’amélioration de son cadre juridique et institutionnel visant à lutter contre la traite des personnes, notamment la mise en place du Commission nationale de Coordination de la lutte contre la traite des personnes et de l’Agence nationale de lutte contre la traite des personnes, respectivement, et l’élaboration du plan d’action y afférent (2014-2018). Le Comité note avec préoccupation que l’État partie demeure un pays d’origine, de transit et de destination pour les victimes de la traite des êtres humains et que les victimes sont exposées à l’exploitation sexuelle, au mariage forcé et au travail forcé. Il s’inquiète également du faible taux de poursuite et de condamnation dans les cas de traite des femmes et des filles, et de l’absence de mécanismes appropriés permettant d’identifier les victimes de la traite et de les orienter vers les services appropriés, à l’instar des services de réhabilitation et de réintégration systématiques, notamment en matière de conseil, de soins, de soutien psychologique et de réparation, y compris sous la forme d’indemnisation.

25. Le Comité attire l ’ attention sur l ’ objectif de développement durable 5.2, à savoir éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faite aux femmes et aux filles, y compris la traite et l ’ exploitation sexuelle et d’ autres types d’exploitation , et recommande à l ’ État partie :

a) De finaliser et d’adopter les projets de décrets sur l’organisation, l’allocation et le fonctionnement du fonds spécial d’indemnisation des victimes et témoins de la traite des êtres humains, ainsi que sur la création d’un abri pour les victimes et les témoins ;

b) D’enquêter, de poursuivre et de punir comme il convient les auteurs de la traite des personnes — y compris les migrants, et en particulier les femmes et les filles — ainsi que de crimes connexes, en s’assurant que les victimes de la traite et de l’exploitation de la prostitution soient dégagées de toute responsabilité et qu’elles bénéficient de mesures de protection et de réparation adéquates ;

c) De renforcer en continu et de manière systématique les capacités des responsables de l’application des lois en ce qui concerne l’identification rapide des victimes de la traite et leur orientation vers les services d’assistance et de réhabilitation appropriés, et de mener des campagnes de sensibilisation nationale sur les risques et le caractère criminel de la traite des personnes ;

d) De s’assurer que les victimes de la traite ont un accès suffisant aux soins de santé et aux conseils, d’augmenter les ressources humaines, techniques et financières des centres sociaux et d’organiser des formations ciblées à l’intention des travailleurs sociaux prenant en charge les victimes ;

e) De s’attaquer aux causes profondes de la traite des êtres humains et de l’exploitation des femmes et des filles à des fins de prostitution, en offrant des possibilités de formation aux femmes exposées à la traite ou à l’exploitation à des fins de prostitution et en leur donnant l’occasion d’obtenir des revenus, de même qu’en organisant des programmes de réhabilitation pour les femmes qui se prostituent ;

f) De collecter systématiquement les données ventilées par sexe sur l’exploitation de la prostitution et la traite des femmes et des filles, ainsi que sur le nombre d ’ enquêtes, de poursuites et de condamnations et sur les peines infligées aux auteur s.

Participation à la vie politique et publique

26.Le Comité félicite l’État partie pour ses efforts concernant l’application de mesures spéciales en rapport avec la participation et la représentation politique des femmes dans des organismes gouvernementaux nationaux en vertu de la loi no 2000-008 sur les quotas (modifiée en 2014), faisant passer le quota de chaque sexe de 10 % à 15 % pour les postes électifs. Il s’inquiète toutefois des carences dans la mise en œuvre de la loi, de la faible représentation des femmes au Parlement (16 %) et aux postes de conseillères régionales et municipales (12 %), ainsi que de l’absence de femmes gouverneurs et préfets. Malgré la loi exigeant au minimum 25 % d’hommes ou de femmes à de hautes fonctions de l’État, le Comité note que seulement 19 % des ministres sont des femmes et qu’elles sont sous-représentées aux postes de prise de décision dans l’administration. Il s’inquiète par ailleurs que les femmes ne puissent participer pleinement aux fonctions politiques traditionnelles.

27. Conformément à sa recommandation générale n o 23 (1997) sur les femmes dans la vie politique et publique, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De faire appliquer la loi sur les quotas, notamment en infligeant des sanctions en cas de non-respect ;

b) D’accorder la priorité à la promotion de la participation des femmes dans les administrations locales, y compris à des postes de gouverneur, de préfet et de maire, ainsi que dans des chefferies et, à cet effet, d’abroger les dispositions discriminatoires de la loi 2008-22 du 23 juin 2008 modifiant et complétant l’ordonnance 93-28 du 30 mars 1993 relative au statut des chefferies traditionnelles ;

c) D’allouer des ressources humaines, techniques et financières adéquates à la Direction de la promotion du leadership féminin pour lui permettre de mener à bien ses missions, y compris en mettant en œuvre une stratégie globale visant à lever les obstacles à la participation des femmes aux postes de prise de décision, en mettant un accent particulier sur l’amélioration du niveau d’étude des femmes ;

d) De sensibiliser les politiciens, les médias, les chefs traditionnels et le public en général sur le fait que la participation entière, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique au même titre que les hommes est indispensable à la mise en œuvre effective de la Convention, de même qu ’ à la stabilité politique et au développement économique du pays.

Éducation

28.Le Comité salue la déclaration du Président nigérien sur l’enseignement obligatoire jusqu’à 16 ans, ainsi que la mise en œuvre d’une stratégie nationale pour l’éducation des filles visant à atteindre la parité d’ici 2020. Il est néanmoins préoccupé par :

a)Le très faible taux de scolarisation des filles, en particulier celles vivant dans les zones rurales (notamment les régions de Diffa, Zinder, Tillabéry et Tahoua), parmi les populations nomades, les familles pauvres et les filles victimes d’esclavage et descendantes de victimes d’esclavage, et les filles handicapées;

b)Le très faible taux d’achèvement scolaire des filles et leur taux de redoublement élevé, en particulier au secondaire, dus entre autres au mariage précoce, aux grossesses précoces, aux coûts indirects de l’éducation, à l’obligation de payer les frais de scolarité au niveau secondaire, au travail des enfants et à la préférence donnée à la scolarisation des garçons, ce qui se traduit par un taux d’alphabétisation très faible (11 %) chez les femmes dans l’État partie;

c)La mauvaise qualité de l’éducation due à l’insuffisance des investissements dans les infrastructures scolaires, la formation des enseignants, le transport scolaire et les programmes d’alimentation scolaire.

29. Prenant note de l ’ objectif de développement durable 4.5, à savoir éliminer les inégalités entre les sexes dans le domaine de l ’éducation , le Comi té recommande à l’État partie :

a) D’éliminer les stéréotypes discriminatoires et autres obstacles à l’accès des filles à l’éducation en sensibilisant, en particulier les parents et les chefs traditionnels, sur l’importance de l’éducation pour les femmes et les filles et sur les conséquences préjudiciables du mariage des enfants ;

b) D’assurer le retour à l’école des jeunes mères, notamment en abrogeant la décision n o  65/MEN/DEST/EX du 10 juillet 1978, qui exclut temporairement de l’école les filles enceintes, et définitivement lorsqu’elles se marient ;

c) De tenir compte, dans les programmes scolaires des filles et des garçons, d’une éducation obligatoire adaptée à l’âge et exacte d’un point de vue scientifique sur des questions de santé et les droits en matière de sexualité et de procréation, notamment en vue de réduire l’abandon scolaire dû à la grossesse ;

d) D’allouer des financements suffisants en vue de garantir une éducation gratuite après les six premières années de scolarisation jusqu’à au moins l’achèvement du secondaire, d’éliminer les coûts indirects de l’éducation, d’améliorer la qualité de l’enseignement et des infrastructures scolaires, d’améliorer les programmes d’alimentation scolaire et les installations sanitaires appropriées pour les filles ;

e) De continuer à promouvoir l’accès des femmes et des filles à l’enseignement supérieur , notamment par le biais d e la sensibilisation et de l ’ octroi de bourses, et de renforcer les programmes d ’ alphabétisation des adultes, en particulier dans les zones rurales .

Emploi

30.Le Comité constate que la Constitution garantit la non-discrimination en matière d’emploi (article 33), comme le réitère le Code du travail (2012). Il s’inquiète toutefois que :

a)Très peu de femmes (3 % en 2012) sont employées dans le secteur formel et bénéficient d’une protection sociale, et que les femmes effectuent essentiellement des travaux domestiques mal rémunérés où elles sont souvent exploitées, exposées à des conditions de travail précaires et subissent de mauvais traitements de la part de leurs employeurs;

b)L’interdiction, par le Code du travail, du harcèlement sexuel sur le lieu de travail soit limitée aux personnes exerçant l’autorité, et qu’elle ne concerne pas les collègues, et que les moyens de recours accessibles aux victimes soient peu connus;

c)L’article 109 du Code du travail relatif à la protection de la maternité soit interprété d’une manière beaucoup plus large, empêchant les femmes d’exercer certaines professions sur la base de stéréotypes discriminatoires.

31. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’améliorer l’accès des femmes au marché formel de l’emploi, notamment par le biais de mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4de la Convention et à la recommandation générale n o  25 du Comité, par exemple en mettant en place des mesures incitatives pour les employeurs des secteurs public et privé afin de recruter les femmes, en adoptant des formules de travail flexibles et en améliorant la formation professionnelle des femmes ;

b) De garantir l’application des systèmes de protection sociale à toutes les femmes, y compris celles travaillant dans le secteur informel ;

c) De mener des inspections, notamment lorsqu’il y a de bonnes raisons de croire que des violations ont lieu dans des domiciles, de lutter contre l’exploitation des femmes par le travail et de veiller à ce que les auteurs soient dûment sanctionnés ;

d) De modifier l’article 45 du Code du travail pour élargir la définition du harcèlement sexuel et l’éventail des personnes auxquelles il s’applique, en sensibilisant sur les moyens de recours accessibles aux victimes, et de modifier l’article 109 du Code du travail relatif à la protection de la maternité afin de restreindre son application à la maternité et non aux femmes en général ;

e) De ratifier la Convention de 2011 sur les travailleuses et travailleurs domestiques ( n o 189) de l ’ Organisation internationale du Travail, ou d ’ y adhérer .

Santé

32.Le Comité prend note de la réduction des taux de mortalité maternelle, infantile et juvénile et de l’introduction de soins gratuits pour les enfants âgés de moins de 5 ans et en rapport avec des services spécifiques aux femmes dans l’État partie. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)L’insuffisance des financements accordés au secteur de la santé, ce qui explique la difficulté à accéder aux services de santé de base, en particulier chez les femmes rurales et nomades pauvres, l’absence de programmes de prévention du cancer et la difficulté à accéder aux services de santé sexuelle et procréative, aux informations et aux formes modernes de contraception, y compris chez les adolescentes;

b)Les taux très élevés de mortalité maternelle, de fécondité (7,6 enfants par femme), de grossesse précoce et fréquente et les conséquences qui en résultent, à savoir la fistule obstétricale et la malnutrition aiguë qui affectent les femmes;

c)La persistance des causes économiques et socioculturelles de la mauvaise santé des femmes dans l’État partie, notamment le mariage précoce et forcé, la mutilation génitale féminine, l’obligation pour une femme d’obtenir l’autorisation du mari pour se faire soigner et l’incapacité des femmes dans bien des cas à supporter à la fois les coûts de transport et de traitement;

d) La criminalisation de l’avortement, ce qui engage la responsabilité pénale des femmes qui pratiquent l’avortement et de toute personne lui prêtant assistance (articles 295 à 297 du Code pénal, ainsi que par les obstacles à l’avortement lorsque la loi le permet, comme dans les cas où la grossesse met sérieusement en danger la santé des femmes, les cas de viol ou d’inceste.

33. Rappelant sa recommandation n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité attire l’attention sur les objectifs de développement durable 3.1 et 3.7, à savoir réduire le taux mondial de mortalité maternelle et assurer l’accès de tous à des services de soins de santé sexuelle et procréative, respectivement, et recommande à l’État partie :

a) D’augmenter les ressources budgétaires allouées aux soins de santé de base des femmes, aux programmes de prévention du cancer et aux services de soins de santé sexuelle et procréative, aux formes modernes de contraception abordables et aux services de planification familiale, notamment en ce qui concerne les femmes nomades rurales pauvres ainsi que les adolescentes ;

b) De réduire la mortalité maternelle en améliorant l’accès aux soins prénatals et postnatals de base et aux services obstétriques d’urgence, ainsi qu’aux services post-avortement et de prise en charge des fistules obstétricales à travers le territoire de l ’ État partie, en tenant compte du conseil technique du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme sur l ’ application d ’ une approche axée sur les droits de l ’ homme pour mettre en œuvre des politiques et programmes visant à réduire la morbidité et la mortalité maternelle évitable s (A/HRC/21/22et Corr.1 et 2) ;

c) De légaliser l’avortement et de veiller à ce qu’il soit accessible juridiquement et dans les faits dans les cas où la vie ou la santé de la femme ou de la fille enceinte est menacée ainsi que dans les cas de viol, d’inceste et de malformation grave du fœtus, et de dépénaliser l’avortement en abrogeant les articles 295 à 297 du Code pénal et d’assurer le libre accès aux services d’avortement et services de soins post-avortement ;

d) De mener des actions de sensibilisation ciblées pour contrer l’influence négative des considérations coutumières, traditionnelles ou religieuses susceptibles d’être invoquées pour limiter l’autonomie des femmes et entraver l’exercice de leurs droits en matière de santé sexuelle et procréative ;

e) De collecter des données afin d’évaluer le coût financier sur le système de santé du traitement des victimes de pratiques préjudiciables, y compris les victimes de mutilation génitale féminine .

Avantages économiques et sociaux

34.Le Comité souligne le lien entre le nombre très élevé de femmes de l’État partie vivant dans la pauvreté et leur accès restreint aux ressources économiques et prestations sociales, principalement dû à l’application du droit coutumier dans des affaires de succession, d’où une inégalité dans l’héritage des terres et la confiscation des terres aux veuves, des critères discriminatoires dans l’allocation des prestations sociales et des lois limitant la capacité juridique des femmes mariées, notamment en ce qui concerne l’accès au crédit et l’exercice d’une profession, en violation de l’article 8 de la Constitution.

35. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ accorder la priorité à la participation des femmes dans ses efforts visant à atteindre les objectifs du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030, à savoir :

a) Réglementer la succession sous le droit civil et coutumier afin de garantir l’égalité dans l’acquisition et la rétention des terres, notamment à travers la succession, et faciliter l’accès des femmes à la justice afin qu’elles puissent contester les cas de distribution inégale de terres ;

b) Éliminer toute discrimination quant à l’accès des femmes aux prestations sociales et aux pensions, notamment en modifiant la loi n o  2007-26 du 23 juillet 2007 sur les conditions générales de prestation des services publics et fixant les critères d’admissibilité aux allocations familiales, aux prestations et aux primes, ainsi que le décret n o  60-55/MFP/T relatif à la rémunération et aux avantages matériels accordés aux responsables dans les administrations et établissements publics ;

c) Abroger les dispositions juridiques restreignant la capacité juridique des femmes mariées, notamment l’obligation d’obtenir l’autorisation du mari pour ouvrir un compte bancaire ou exercer une profession ;

d) Sensibiliser les parlementaires, les chefs traditionnels et religieux et le public en général sur la nécessité de promouvoir l ’ autonomisation économique des femmes comme stratégie de réduction de la pauvreté .

Femmes rurales

36.Le Comité salue l’initiative les « Nigériens nourrissent les Nigériens » qui soutient les femmes rurales. Il s’inquiète toutefois des taux extrêmement élevés de pauvreté (82 %) et d’insécurité alimentaire affectant les femmes dans les zones rurales de l’État partie, en lien avec le statut socio-économique modeste des femmes et l’effet disproportionné des changements climatiques, de la désertification et des industries extractives (uranium) sur les femmes. Il souligne que la situation précaire des femmes rurales est exacerbée par des dispositions du droit coutumier concernant la gestion communautaire qui excluent les femmes de la chefferie traditionnelle, ainsi que par des pratiques d’acquisition de terres discriminatoires.

37. Conformément à sa recommandation générale n o 34 (2016) sur les droits des femmes rurales, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à la prise en compte de la problématique hommes-femmes dans toutes les politiques et tous les plans de développement rural, avec la participation des femmes à l’élaboration, l’adoption et la mise en œuvre de politiques et programmes nationaux en matière de sécurité alimentaire, de changements climatiques, d’intervention en cas de catastrophe et de réduction des risques ;

b) D’augmenter le nombre de femmes dans la gestion communautaire, notamment en encourageant la modification des règles concernant la chefferie traditionnelle ;

c) De faciliter l’acquisition et la rétention par les femmes des terres et des ressources naturelles en modifiant les pratiques coutumières liées à la propriété, à l’acquisition, à la gestion et à disposition des biens ;

d) De veiller à ce que les femmes rurales ne subissent pas les effets négatifs de l’acquisition des terres pour des projets de développement et par l’industrie extractive ;

e) De collecter systématiquement les données sur la situation des femmes rurales afin d ’ élaborer, mettre en œuvre et suivre des initiatives pour répondre aux besoins des femmes rurales .

Groupes de femmes défavorisés

Femmes en détention

38.Le Comité note avec préoccupation que la majorité des femmes en détention provisoire dans l’État partie sont gardées dans des prisons et ne sont pas systématiquement séparées des personnes condamnées. Il s’inquiète, en outre, des mauvaises conditions de détention des femmes, notamment de la surpopulation carcérale et de l’absence de nourriture, d’eau potable et d’installations sanitaires appropriées.

39. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire appliquer les Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), de garantir la séparation des détenues et des personnes condamnées et d ’ assurer l ’ accès à une nutrition adéquate, à l ’ eau potable, à l ’ assainissement et aux soins de santé .

Femmes handicapées

40.Le Comité se réjouit de l’interdiction, par la Constitution, de toute discrimination à l’égard des personnes handicapées et de la proclamation de l’égalité des chances (articles 22 et 26). Il souligne toutefois que les droits des femmes et des filles handicapées ne sont pas protégés par une loi, une politique ou un plan d’action spécifique, y compris en ce qui concerne la protection sociale. Le Comité souligne, par ailleurs, l’absence d’une définition juridique du handicap ou de l’obligation d’accorder des aménagements nécessaires.

41. Rappelant sa recommandation générale n o 18 (1991) sur les femmes handicapées, le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’adopter une loi sur la protection sociale des personnes handicapées et de mettre en place un mécanisme de suivi de son application, en veillant à ce que les auteurs de discrimination et de violence sexiste à l’égard des femmes et des filles handicapées soient dûment punis et que les victimes perçoivent des prestations appropriées ;

b) De veiller à ce que les femmes et les filles handicapées aient effectivement accès à la justice, à la vie politique et publique, à l’éducation, à des activités génératrices de revenus et aux soins de santé, y compris les services de santé sexuelle et procréative ;

c) De mener des actions de sensibilisation pour faire changer les attitudes négatives envers les femmes et les filles handicapées ;

d) D’effectuer un recensement des personnes handicapées, ventilées par sexe, âge et région .

Mariage et rapports familiaux

42.Le Comité est préoccupé par :

a)Le taux extrêmement élevé du mariage des enfants et des mariages forcés dans l’État partie, qui concernent le quart des femmes et des filles mariées, auquel s’ajoute l’absence d’un cadre juridique ou d’un plan stratégique pour interdire ces pratiques préjudiciables. Le Comité souligne le lien entre le taux élevé du mariage des enfants, les taux de fertilité et de mortalité maternelle et les taux particulièrement élevés d’analphabétisme et de pauvreté parmi les femmes dans l’État partie. Il note que la plupart des mariages des enfants se font sous le droit coutumier, qui ne requiert pas le consentement des futurs époux ou un âge minimum pour le mariage;

b)Les dispositions discriminatoires du Code civil concernant l’âge minimum légal pour le mariage des filles (15 ans) et des garçons (18 ans) (article 144) et autorisant les parents à substituer leur consentement pour le mariage de leurs filles (article 148);

c)L’acceptation de la polygamie et de la répudiation en vertu du droit coutumier.

43. Rappelant ses recommandations générales n o 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux et n o 29 (2013) sur les conséquences économiques du mariage, et des liens familiaux et de leur dissolution, ainsi que la r ecommandation générale/observation générale conjointe n o 31 du Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes et n o 18 du Comité des droits de l ’ enfant sur les pratiques préjudiciables (2014), le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D’accélérer l’adoption d’une législation relevant l’âge minimum légal du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons et exigeant le consentement des deux futurs époux ;

b) D’abroger toutes les dispositions discriminatoires du Code civil et d’adopter un Code d’état civil non discriminatoire ;

c) D’interdire , y compris en vertu du droit coutumier, les pratiques préjudiciables associées au mariage des enfants, au mariage forcé, à la polygamie et à la répudiation, et de mener des campagnes de sensibilisation des parlementaires, des chefs traditionnels et religieux et du public en général sur les effets néfastes de ces pratiques sur les femmes et les filles .

Collecte et analyse des données

44. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ améliorer la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données complètes, ventilées par sexe, âge, handicap, ethnie, emplacement et situation socio-économique, ainsi que l ’ utilisation d ’ indicateurs mesurables dans le but d’ évaluer l ’ évolution de la situation des femmes et les progrès accomplis en vue de la réalisation effective de l ’ égalité par les femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

45. Le Comité demande à l ’ État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing dans s es efforts visant à mettre en œuvre la Convention.

Programme de développement durable à l’horizon 2030

46. Le Comité appelle à la réalisation de l ’ égalité des sexes, conformément aux dispositions de la Convention tout au long du processus de mise en œuvre du Programme de développement durable à l ’ horizon 2030.

Diffusion

47. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ assurer la diffusion en temps opportun des présentes observations finales , dans la langue officielle de l ’ État partie, auprès des institutions publiques compétentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au sein du Gouvernement, des ministères, du Parlement et d u système judiciaire, en vue d ’ en assurer la pleine application .

Assistance technique

48. Le Comité recommande à l ’ État partie de conjuguer la mise en œuvre de la Convention avec ses efforts de développement et de mettre à profit l ’ assistance technique régionale ou internationale à cet effet .

Ratification d’autres instruments

49. Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir l a peine de mort .

Suivi des observations finales

50. Le Comité demande à l ’ État partie de fournir , dans un délai de deux ans, une réponse écrite sur les mesures prises en vue de faire appliquer les recommandations contenues dans les paragraphes 21 a), 23 a) et 23 d) et 29 b) ci-dessus.

Élaboration du prochain rapport

51. Le Comité demande à l ’ État partie de soumettre son cinquième rapport périodique , attendu en juillet 2021. Le rapport doit être soumis à temps et, en cas de retard, couvrir toute la période allant jusqu ’à la date de sa soumission.

52.Le Comité demande à l ’ État partie de respecter les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris les directives relatives au document de base commun et aux documents spécifiques aux instruments (voir HRI/GEN/2/Rev.6, chap itre  I).