Nations Unies

CEDAW/C/NOR/CO/8

Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

Distr. générale

23 mars 2012

Français

Original: anglais

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Cinquante et unième session

13 février-2 mars 2012

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes

Norvège

1.Le Comité a examiné le huitième rapport périodique de la Norvège (CEDAW/C/NOR/8) à ses 1024e et 1025e séances, tenues le 16 février 2012 (voir CEDAW/C/SR.1024 et 1025). La liste des points et questions à traiter établie par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/NOR/Q/8 et les réponses du Gouvernement norvégien ont été publiées sous la cote CEDAW/C/NOR/Q/8/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité constate avec satisfaction que le huitième rapport périodique de l’État partie, qui a été présenté en temps voulu, est conforme aux directives du Comité relatives à l’établissement des rapports, tient compte de ses précédentes observations finales et a été élaboré dans le cadre d’un processus consultatif avec la participation d’organismes publics et de la société civile. Il sait gré à l’État partie de son exposé oral, de ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail présession et des précisions apportées en réponse aux questions posées oralement par les membres du Comité.

3.Le Comité sait gré à l’État partie d’avoir envoyé une importante délégation de haut niveau conduite par Audun Lysbakken, Ministre norvégien de l’enfance, de l’égalité et de l’insertion, qui comprenait aussi plusieurs représentants des ministères concernés ainsi que des représentants du Parlement sami de Norvège ayant des compétences dans les domaines visés par la Convention. Il se félicite du dialogue ouvert et constructif qui a eu lieu entre la délégation et les membres du Comité.

4.Le Comité félicite l’État partie de l’appui financier qu’il a apporté à des organisations non gouvernementales (ONG) de femmes pour qu’elles mettent la dernière main à un contre-rapport et pour couvrir leurs frais de déplacement tant aux réunions du groupe de travail présession qu’à la session.

B.Aspects positifs

5.Le Comité prend note avec satisfaction des progrès accomplis depuis l’adoption de ses dernières observations finales en 2007, notamment des réformes législatives qui ont été entreprises et de l’adoption d’une série de mesures législatives et politiques. Il est fait spécifiquement référence à:

a)L’incorporation (2009) de la Convention et de son Protocole facultatif dans la loi relative aux droits de l’homme (loi no 1999-05-21-30 relative au renforcement de l’état des droits de l’homme en droit norvégien), qui prévoit que les dispositions de ces instruments l’emportent en cas de conflit avec la législation nationale;

b)L’adoption (2011) du premier Plan national d’action sur l’égalité des sexes pour 2011-2014 qui traite spécifiquement de la Convention et des obligations qu’elle impose à l’État partie;

c)La nomination (2011) de la commission chargée d’évaluer les politiques en vigueur en matière d’égalité des sexes;

d)L’adoption (2009) du Plan d’action pour la promotion de l’égalité et la prévention de la discrimination ethnique pour 2009-2012, qui contient des mesures visant à insérer les minorités sur le marché du travail;

e)La modification (2009) de l’article 202 a) du Code pénal, en vue d’incriminer l’achat d’un service sexuel ou d’un acte sexuel à un adulte;

f)La priorité donnée à la résolution 1325 du Conseil de sécurité (2006) dans le cadre de la politique étrangère de l’État partie; et

g)Le succès de la mise en œuvre des réglementations relatives à la représentation équilibrée des sexes dans les conseils d’administration des entreprises détenues par l’État et des sociétés anonymes à capitaux privés, qui exigent qu’il y ait au moins 40 % d’hommes et 40 % de femmes dans leurs conseils d’administration.

6.Le Comité félicite également l’État partie d’avoir signé la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, le 7 juillet 2011, et de s’être engagé, au cours du dialogue, à la ratifier.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité rappelle que l’État partie a l’obligation de mettre en œuvre, de manière systématique et constante, toutes les dispositions de la Convention et considère que les préoccupations et recommandations énoncées dans les présentes observations finales doivent faire l’objet d’une attention prioritaire de la part de l’État partie, dès maintenant et jusqu’à la soumission du prochain rapport périodique. Il lui demande donc de privilégier les domaines correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu’il aura prises et des résultats qu’il aura obtenus. Il lui demande également de soumettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés, au Parlement et aux instances judiciaires, de façon à en assurer la pleine application.

Parlement

8. Tout en réaffirmant que c’est au Gouvernement qu’il incombe au premier chef de s’acquitter pleinement des obligations que la Convention met à la charge de l’État partie, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les branches du pouvoir et invite l’État partie à encourager le Parlement, conformément à ses procédures, le cas échéant, à prendre les mesures nécessaires en ce qui concerne la mise en œuvre des présentes observations finales et l’élaboration du prochain rapport au titre de la Convention.

Définition de la discrimination fondée sur le sexe et égalité des sexes

9.Le Comité prend note du Livre blanc en préparation et du projet de loi relatif aux futures politiques de l’État partie en matière d’égalité des sexes qui visent à modifier la législation antidiscrimination existante dans le but d’harmoniser les règles énoncées par les différentes lois. Il note avec préoccupation que l’égalité des sexes n’est ni garantie ni définie par la Constitution de l’État partie ou par un autre texte approprié. Il note aussi avec préoccupation que l’utilisation de termes neutres dans la législation, les politiques et les programmes risque de se traduire par une protection insuffisante des femmes contre la discrimination directe et indirecte et d’entraver la réalisation de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. En outre, il note avec préoccupation que certaines lois et politiques ne prêtent pas suffisamment attention aux besoins spécifiques de groupes minoritaires de femmes, notamment les femmes issues de minorités ethniques et les handicapées, ce qui entraîne souvent une discrimination croisée.

10. Le Comité engage l’État partie à:

a) Consacrer le principe de l’égalité des femmes et des hommes dans la Constitution ou un autre texte approprié, conformément à l’ article  2 de la Convention;

b) Adopter une approche davantage axée sur le genre dans sa législation, ses politiques et ses programmes; et

c) Sensibiliser les responsables du Gouvernement, les magistrats et le public en général à la nature de la discrimination indirecte et au principe de l’égalité pour toutes les femmes, y compris les femmes issues de minorités ethniques et les handicapées.

Diffusion de la Convention et de son Protocole facultatif

11.Le Comité est préoccupé par la méconnaissance générale de la Convention et à son Protocole facultatif dans l’État partie, en particulier parmi les responsables du Gouvernement, les magistrats et d’autres responsables de l’application des lois; par l’absence de jurisprudence, y compris de la Cour suprême, se référant à la Convention; et par le fait que ces instruments ne font pas partie du nouveau programme de formation judiciaire mentionné par le Ministre au cours du dialogue. Il note en outre avec préoccupation que les femmes elles-mêmes méconnaissent les droits consacrés par la Convention ou les procédures de communication et d’enquête prévues par le Protocole facultatif, et qu’elles n’ont donc pas les informations nécessaires pour faire valoir leurs droits.

12. Le Comité engage l’État partie à:

a) Prendre les mesures requises pour assurer la diffusion voulue de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité auprès de toutes les parties prenantes, y compris les ministères, les parlementaires, l’appareil judiciaire et les agents des services de détection et de répression;

b) Inclure la Convention, les constatations adoptées concernant les communications individuelles et les enquêtes au titre du Protocole facultatif et les recommandations générales du Comité dans les programmes de formation judiciaire; et

c) Redoubler d’efforts pour faire connaître aux femmes les droits consacrés par la Convention et les procédures de communication et d’enquête prévues par son Protocole facultatif.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

13.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption (2011) du premier Plan d’action sur l’égalité des sexes pour la période 2011-2014 et de la mise en place d’une commission chargée d’évaluer les politiques en matière d’égalité des sexes, qui renforcent l’activité du Médiateur pour l’égalité et la lutte contre la discrimination et le mandat du Tribunal en ce qui concerne la promotion de l’égalité des sexes et la promotion de la femme. Il note cependant avec préoccupation que ni le Médiateur pour l’égalité et la lutte contre la discrimination ni le Tribunal ne sont habilités à connaître des affaires de harcèlement sexuel.

14. Le Comité encourage l’État partie à:

a) Continuer de renforcer le Médiateur pour l’égalité et la lutte contre la discrimination, en le dotant des ressources humaines et techniques nécessaires et à envisager d’autoriser le Médiateur et le Tribunal à connaître des affaires de harcèlement sexuel;

b) Renforcer son évaluation de l’incidence des mesures prises afin de garantir que ces mesures atteignent leurs buts et objectifs; et

c) Mieux faire connaître le Médiateur pour l’égalité et la lutte contre la discrimination, en particulier, parmi les femmes issues de minorités.

Institutions nationales de défense des droits de l’homme

15.Le Comité est préoccupé par le fait que le Centre norvégien des droits de l’homme, en sa qualité d’institut universitaire, ne peut plus s’acquitter de son mandat d’institution nationale de défense des droits de l’homme, et qu’il est sur le point d’être rétrogradé dans la catégorie B au mois d’octobre 2012 par le Sous-Comité d’accréditation du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

16. Le Comité encourage le Gouvernement norvégien à engager une procédure rapide, ouverte et consultative en vue de rétablir son institution nationale de défense des droits de l’homme en se conformant aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

Mesures temporaires spéciales et mesures permanentes

17.Le Comité félicite l’État partie de la participation élevée des femmes dans de nombreux domaines. Il regrette toutefois que le nombre de femmes représentées dans les collectivités locales après les élections municipales de 2011 ait diminué (4 115 femmes et 6 670 hommes) par rapport aux résultats des élections de 2007, comme l’a indiqué la délégation dans sa déclaration liminaire. Il se dit également une nouvelle fois préoccupé par le faible nombre de femmes professeurs d’université et de femmes juges à tous les niveaux de l’appareil judiciaire, et, parmi elles, par la représentation insuffisante des femmes issues des groupes minoritaires.

18. Le Comité encourage l’État partie à:

a) Envisager d’adopter et d’appliquer de nouvelles mesures, qui soient des mesures temporaires spéciales ou des mesures permanentes, en vue d’instaurer une réelle égalité entre hommes et femmes dans tous les domaines;

b) Envisager d’étendre l’application des règles concernant la proportion d’hommes et de femmes dans les conseils d’administration des sociétés anonymes à d’autres types d’entreprises et à d’autres branches du secteur privé ; et

c) Développer les programmes de renforcement des capacités destinés aux femmes issues des groupes minoritaires afin de les encourager à participer à la vie publique et à la vie politique.

Participation des femmes au processus de paix

19.Le Comité félicite l’État partie d’avoir soutenu la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité des Nations Unies, notamment d’avoir lancé le plan d’action requis et d’avoir apporté un appui financier général pour l’application de cette résolution dans les pays touchés par un conflit. Il note cependant avec préoccupation l’absence d’incidence concrète mesurable sur les femmes se trouvant dans des pays en conflit ou sortant d’un conflit, où elles continuent d’être exclues des négociations de paix, des discussions relatives à la sécurité et des processus de reconstruction.

20. Le Comité encourage l’État partie à:

a) Exiger qu’il soit pleinement rendu compte de l’application de la résolution  1325 (2000) du Conseil de s écurité dans les pays où la Norvège appuie sa mise en œuvre afin d’assurer la pleine participation des femmes aux négociations de paix, aux discussions relatives à la sécurité et aux processus de reconstruction;

b) Renforcer le soutien aux organisations et réseaux locaux de femmes qui sont actifs dans les initiatives de paix et les processus de reconstruction après un conflit ; et

c) Renforcer les activités prévues dans le cadre du plan d’action, notamment en élaborant des outils efficaces pour mesurer ses résultats.

Stéréotypes

21.Le Comité accueille favorablement le dialogue que le Gouvernement de l’État partie a engagé avec l’industrie de la publicité et de la mode, mais il est préoccupé par l’omniprésence dans les médias de représentations hypersexualisées des femmes et des filles, réduites à l’état d’objets, qui pourrait entraîner une discrimination sexuelle à caractère plus violent, même si l’article 2 de la loi sur le contrôle du marketing et le Code de déontologie des médias luttent contre ce phénomène.

22. Le Comité invite instamment l’État partie à:

a) Mener une étude de l’incidence que peut avoir la représentation hypersexualisée des filles et des femmes dans les médias sur l’augmentation du niveau de la violence sexiste dirigée contre les femmes;

b) Prendre des mesures novatrices ciblant les collaborateurs des médias pour mieux leur faire comprendre ce que signifie l’égalité entre hommes et femmes et utiliser le système éducatif pour véhiculer une image positive et non stéréotypée des femmes; et

c) Assurer le suivi des mesures prises afin d’en évaluer l’incidence et les revoir, au besoin, afin d’atteindre les objectifs visés.

Violence contre les femmes

23.Le Comité salue le lancement, en janvier 2012, du nouveau Plan d’action pour lutter contre la violence dans la famille et l’instauration de l’obligation d’alerter la police ou de prendre une autre initiative pour prévenir la violence au foyer (art. 139 du Code pénal), mais il se dit préoccupé par la forte prévalence de la violence contre les femmes dans l’État partie, en particulier la violence au foyer et la violence sexuelle, y compris le viol et le viol conjugal dans certaines communautés, le taux élevé de relaxe, la clémence des peines infligées aux auteurs des violences, laquelle peut être en partie attribuée au manque de formation dans ce domaine des juges non professionnels qui siègent dans les jurys lors des procédures pénales et l’absence d’enquêtes et de recherches sur les causes profondes de la violence visant les femmes. Il est également préoccupé par le fait que les femmes ne semblent pas savoir que le viol conjugal constitue une infraction dans l’État partie. Il relève une nouvelle fois avec préoccupation qu’il n’y a pas de loi générale sur la prévention de la violence contre les femmes. Il est également préoccupé par le fait que la définition du viol figurant dans le Code pénal général maintient le critère du recours à des menaces ou à la force. Il prend note de l’adoption en 2009 de la nouvelle loi relative à la création de centres municipaux d’accueil des personnes en situation d’urgence (loi sur les centres d’accueil des personnes en situation d’urgence), qui impose à toutes les municipalités d’avoir une structure d’accueil pour les femmes, les hommes et les enfants victimes de violence et de maltraitance dans les relations entre proches, mais il est préoccupé par le fait que sur les 51 foyers, il y en ait 22 pour les hommes dont 10 restent vides, en raison semble-t-il d’une mauvaise estimation des besoins de ce type d’établissements, et par le fait que la moitié seulement sont accessibles aux handicapées physiques.

24. Le Comité invite instamment l’État partie à:

a) Accorder un rang de priorité élevé à la promulgation d’une législation spécifique et complète sur la violence dans la famille, mettre en place des mesures générales visant à prévenir et à combattre la violence contre les femmes et les filles, y  compris le viol conjugal, faire en sorte que les auteurs de ces violences soient poursuivis et punis de peines proportionnelles à la gravité des infractions commises, conformément à la Recommandation générale n o 19 (1992) du Comité sur la violence à l’égard des femmes et à faire savoir aux femmes que le viol conjugal constitue une infraction;

b) Définir le viol dans le Code pénal en plaçant l’absence de consentement au cœur de la définition, conformément à la Recommandation générale n o 19 du Comité et à ses constatations concernant l’affaire Vertido ( communication n o 18/2008);

c) Former les juges non professionnels à la question de la violence contre les femmes;

d) Fournir une assistance et une protection appropriées aux femmes victimes de violence, notamment les handicapées, en renforçant la capacité d’accueil des refuges et des centres d’accueil des personnes en situation d’urgence, et à veiller à ce que l’aide qui doit être fournie aux hommes victimes de violence ne le soit pas au détriment des besoins des f emmes victimes de violence; et

e) Fixer un calendrier pour la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la répression de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique.

Traite et exploitation de la prostitution

25.Le Comité salue la promulgation (2011) du Plan d’action contre la traite des êtres humains (2011-2014), la mise en place de l’Unité nationale de coordination pour les victimes de la traite des êtres humains (KOM) et l’incrimination de l’achat d’un service sexuel ou d’un acte sexuel à un d’adulte, mais il demeure préoccupé par l’augmentation constante du nombre des victimes de la traite (203 en 2007, 256 en 2008 et 292 en 2009), et par le faible nombre de cas signalés. Malgré les récentes modifications du système d’emploi de personnes au pair dans l’État partie, il est également préoccupé par l’absence de surveillance de ce système et par la protection insuffisante accordée aux femmes et aux filles employées au pair, situation qui peut donner lieu à une exploitation.

26. Le Comité engage l’État partie à mettre pleinement en œuvre l’ article  6 de la Convention, notamment de la manière suivante:

a) En appliquant effectivement la législation existante et le nouveau Plan d’action contre la traite des êtres humains, en veillant à ce que les auteurs soient poursuivis et punis et que les victimes soient dûment recensées, protégées et aidées;

b) En procédant à une surveillance systématique et à une évaluation régulière, notamment par la collecte et l’analyse de données sur la traite et l’exploitation des femmes par la prostitution, en procédant de même pour le système du travail au pair, et en faisant figurer ces données dans son prochain rapport périodique;

c) En intensifiant la coopération nationale, régionale et bilatérale avec les pays d’origine, de transit et de destination afin de prévenir la traite par l’échange d’informations et d’harmoniser les procédures judiciaires visant à poursuivre les trafiquants;

d) En prenant les mesures nécessaires pour que les femmes et les filles victimes de la traite aient accès à des soins de santé de qualité, à un soutien psychologique, à une aide financière, à un logement convenable et à des programmes de réintégration dans le système éducatif et de réinsertion sur le marché du travail, ainsi qu’à des services juridiques gratuits, qu’elles soient ou non disposées à témoigner contre les trafiquants ou en mesure de le faire; et

e) En étudiant les effets de la modification de l’ article 202  a) du Code pénal, notamment sur le type et l’ampleur de la prostitution et de la traite, ainsi que sur l’image de la prostitution dans la société et sur l’achat de services sexuels, et enfin sur les femmes qui se prostituent.

Éducation

27.Le Comité prend note avec satisfaction de la série de mesures positives prises par l’État partie mais relève la persistance d’une ségrégation fondée sur le sexe dans l’éducation, à commencer par les crèches et l’enseignement préscolaire (dont le personnel est encore à 90 % féminin) et en particulier dans la formation professionnelle et l’enseignement supérieur, ainsi que dans le choix de filières stéréotypées par les garçons et les filles. Il note avec préoccupation également que les services d’éducation de la petite enfance manquent de personnel qualifié pour mettre en œuvre une politique tenant compte des questions de genre. Il s’inquiète de la persistance à l’université de pratiques de nomination qui privilégient les hommes, de sorte que les femmes ne représentaient que 18 % des professeurs titulaires en 2007, comme l’indique le rapport de l’État partie, alors qu’il ne manque pas de candidates aptes et qualifiées.

28. Le Comité invite instamment l ’ État partie à mieux respecter l ’ article 10 de la Convention et à faire mieux comprendre le rôle important joué par le système éducatif pour surmonter les différences de choix professionnel et les inégalités potentielles des perspectives d ’ avenir des femmes et des hommes. À cet effet, il l ’ invite instamment à:

a) Mettre en œuvre des mesures propres à éliminer les stéréotypes sexistes et les barrières structurelles susceptibles de dissuader les filles et les garçons de choisir d ’ autres filières d ’ études et professions que celles dans lesquelles ils s ’ engagent traditionnellement, y compris en formant mieux les prestataires de services d ’ orientation professionnelle à tous les éc helons du système éducatif; et

b) Envisager d ’ adopter des mesures temporaires spéciales pour accélérer la promotion des femmes à l ’ université, notamment en leur accordant des subventions spécifiques et en prenant d ’ autres mesures positives telles que la fixation d ’ objectifs et de délais précis, afin d ’ améliorer cette situation sans retard.

Emploi

29.Le Comité note que le Parlement a adopté, en avril 2011, un livre blanc sur l’égalité des salaires afin d’appliquer les recommandations formulées en 2008 par la Commission pour l’égalité salariale, mais il demeure préoccupé par la profonde ségrégation horizontale qui prévaut dans le domaine de l’emploi et la persistance d’un écart salarial qui s’accroît à mesure que le niveau d’éducation s’élève. Il constate que le taux de chômage global se situe à 2,2 % mais atteint 7,6 % chez les femmes issues de minorités et va en augmentant. Il prend également note des restrictions qu’imposent les règles institutionnelles relatives à l’accès des femmes à certains postes en fonction de leur tenue vestimentaire, notamment le port du foulard. Il est aussi préoccupé par le fait que 10 % des femmes travaillent à temps partiel contre leur gré. À ce sujet, il note avec inquiétude que l’État partie surestime la part de choix du travail à temps partiel par les femmes. Il s’inquiète aussi d’informations faisant état d’une discrimination à l’égard des femmes liée à la grossesse et à l’accouchement. Il est profondément préoccupé par le risque de discrimination indirecte à l’égard des femmes posé par le nouveau régime de retraites qui remplace le calcul de la pension au prorata des vingt meilleures années de travail ouvrant droit à retraite par la prise en compte de l’ensemble des années de travail. Il est aussi préoccupé par le fait que les programmes de formation professionnelle destinés aux femmes appartenant à des groupes minoritaires ne débouchent pas sur des contrats de travail à plus long terme pour ces femmes et n’améliorent pas structurellement leur position sur le marché de l’emploi. Il s’inquiète en outre de ce que la loi norvégienne relative aux marchés publics ne contienne pas de dispositions spécifiques visant à promouvoir l’égalité entre les sexes.

30. Le Comité invite instamment l ’ État partie à:

a) Mettre en œuvre une législation garantissant l ’ égalité de salaire pour un travail de valeur égale, réduire et combler l ’ écart salarial entre les femmes et les hommes conformément à la Convention n o 100 (1951) de l ’Organisation internationale du T ravail concernant l ’ égalité de rémunération entre la main-d ’ œuvre masculine et la main-d ’ œuvre féminine pour un travail de valeur égale et à accélérer le processus d ’ adoption de la législation proposée qui prévoit notamment la transparence dans les salaires et soumet les employeurs à une obligation d ’ information chaque fois qu ’ il y a des soupçons de discrimination;

b) Prendre des mesures efficaces pour prévenir la discrimination à l ’ égard des femmes liée à la grossesse et à l ’ accouchement et garantir à toutes les femmes et tous les hommes des secteurs public et privé un congé parental rémunéré;

c) Mettre en œuvre des politiques ciblant les femmes, y compris adopter des mesures temporaires spéciales pour réduire le chômage des femmes et leur emploi à temps partiel contre leur gré, donner aux femmes plus de possibilités d ’ allonger leur horaire de travail, notamment en prévoyant la réduction obligatoire du nombre de postes à temps partiel, spécialement dans les administrations et la fonction publique, pour qu ’ elles aient prioritairement accès à un emploi à plein temps et pour garantir à toutes les employées le droit de choisir de travailler à plein temps, et à renforcer ses mesures visant à promouvoir l ’ entrée des femmes dans les secteurs de croissance de l ’ économie;

d) Adopter des mesures plus vigoureuses pour accélérer l ’ éradication de la discrimination salariale à l ’ égard des femmes, prévoyant notamment des évaluations des emplois à travers les secteurs du marché, la collecte de données, l ’ organisation d ’ une campagne nationale pour l ’ égalité salariale et la fourniture d ’ une aide accrue aux partenaires sociaux dans les négociations collectives sur les salaires, en particulier pour déterminer les structures des salaires dans les secteurs dominés par les femmes;

e) Réévaluer la dernière réforme des retraites au titre tant des régimes publics que des régimes privés de retraite, afin de déterminer les éventuelles différences d ’ incidences sur les femmes et les hommes et de rectifier toute disparité, pour qu ’ elle touche de la même façon les femmes et les hommes;

f) Améliorer l ’ accès et la participation des femmes issues de minorités au marché du travail en leur dispensant des informations et une formation appropriées et en facilitant la reconnaissance et la prise en compte des études et de l ’ expérience professionnelle passées, ainsi qu ’ en menant des recherches sur les incidences des règles institutionnelles qui imposent des restrictions aux femmes, en particulier les migrantes appartenant à des communautés ethniques ou minoritaires, en fonction de leur tenue vestimentaire, notamment le port du foulard, afin que ces femmes puissent jouir pleinement des droits consacrés par la Convent ion; et

g) Veiller à ce que les entreprises qui emportent des marchés publics soient juridiquement tenues de mettre en œuvre une politique d ’ égalité entre les sexes, prévoyant notamment des garanties d ’ équité salariale et le recours à des mesures temporaires spéciales, si nécessaire.

Santé

31.Tout en reconnaissant que les mesures de soutien aux femmes samis en matière de services sociaux et de santé ont été renforcées, le Comité s’inquiète de ce que ces femmes continuent de se heurter à des discriminations multiples, notamment à la difficulté d’accéder à des soins de santé suffisants, faute entre autres de services appropriés pour celles qui vivent en dehors du territoire sami proprement dit. Il s’inquiète aussi d’éléments d’information troublants concernant les résultats des entretiens et des examens proposés aux volontaires par des municipalités au titre du Plan d’action contre les mutilations génitales féminines (2008-2011), qui risquent d’aggraver la stigmatisation des communautés de minorités ethniques, alors que l’on ne voit pas bien si ce plan a contribué à réduire l’étendue du phénomène.

32. Le Comité demande à l ’ État partie de:

a) Veiller à ce que toutes les femmes samis bénéficient de services sociaux et de santé suffisants, y compris de services de santé mentale;

b) Veiller à ce qu ’ une perspective de genre soit intégrée dans toutes les politiques et tous les programmes concernant les S amis; et

c) Réévaluer le Plan d ’ action contre les mutilations génitales féminines (2008-2011), en vue de relancer le rôle de la société civile dans les efforts de lutte contre les mutilations génitales féminines.

33.Tout en prenant note de l’élaboration d’un projet de loi «interdisant la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre», dont le Parlement sera saisi en 2013, et de la création, en 2011, du Centre national d’informations sur les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT), le Comité s’inquiète de la discrimination dont les femmes lesbiennes, bisexuelles, transgenres et intersexes font l’objet dans l’État partie en ce qui concerne la fourniture de services de soins de santé.

34. Le Comité invite instamment l ’ État partie à:

a) Accélérer l ’ adoption de la législation mentionnée ci-dessus pour garantir la non-discrimination dans le système de soins de santé; et

b) Dispenser une formation appropriée aux prestataires de services de santé pour qu ’ ils s ’ abstiennent d ’ infliger des sévices et des mauvais traitements à ces femmes.

Groupes de femmes défavorisés

35.Le Comité s’inquiète de la situation des groupes de femmes défavorisés, notamment des handicapées, des femmes appartenant à des communautés ethniques ou minoritaires et des migrantes, qui peuvent être plus exposées à des formes multiples de discrimination en matière d’éducation, de santé, de participation sociale et politique et d’emploi. Il craint que les conditions énoncées par la législation nationale, notamment le fait que les femmes étrangères doivent prouver qu’elles sont mariées depuis au moins trois ans pour pouvoir demander un permis de séjour, ou qu’elles ont eu des difficultés d’insertion sociale dans leur pays d’origine, n’empêchent les femmes victimes de violences d’acquérir ou de renouveler leur permis de séjour ou leur certificat de réfugié et ne continuent de les empêcher d’échapper à une relation violente et de solliciter de l’aide. Il prend note des difficultés spécifiques auxquelles certaines demandeuses d’asile lesbiennes et transgenres se sont heurtées en raison d’une interprétation restrictive des persécutions sexistes en tant que facteur pertinent lors de l’examen de la demande d’asile, comme l’a reconnu l’État partie.

36. Le Comité demande à l ’ État partie de:

a) Prendre des mesures efficaces pour éliminer la discrimination à l ’ égard des femmes appartenant à des communautés ethniques ou minoritaires et des migrantes, indépendamment de leur pays d ’ origine, tant dans la société en général que dans leur communauté;

b) Prendre des mesures volontaristes, y compris en mettant au point des programmes et des stratégies ciblés pour que les femmes appartenant à des communautés ethniques ou minoritaires et les migrantes soient mieux informées et aient davantage accès aux services éducatifs, sanitaires et sociaux, à l ’ aide juridique, à la formation et à l ’ emploi;

c) Garder à l ’ examen et suivre de près les incidences de ses lois et politiques sur les femmes appartenant à des communautés ethniques ou minoritaires et sur les migrantes, en vue de prendre des mesures correctives qui répondent effectivement aux besoins de ces femmes; et

d) Prendre des mesures spécifiques pour faire disparaître les difficultés auxquelles se heurtent les demandeuses d ’ asile lesbiennes et transgenres.

Mariage et relations familiales

37.Le Comité note avec préoccupation que la loi de l’État partie en vigueur en matière de répartition des biens après un divorce (loi norvégienne relative au mariage) ne répond pas de manière appropriée aux disparités économiques entre les époux qui sont fondées sur le sexe et qui résultent de modes de travail et de vie familiale traditionnels. Ces disparités se traduisent souvent par une valorisation des ressources humaines et des revenus potentiels des maris alors que les femmes peuvent faire l’expérience contraire, si bien qu’actuellement les conséquences économiques du mariage et de sa dissolution ne touchent pas les deux époux de la même manière. Plus précisément, le Comité s’inquiète de ce que la notion de communauté des biens ne s’étende pas aux biens incorporels comme les droits à la retraite. Il est aussi préoccupé par le fait que ni la législation en vigueur ni la jurisprudence ne s’intéressent à la répartition de la capacité future de gain ou des ressources humaines pour remédier à d’éventuelles disparités économiques entre les époux qui sont fondées sur le sexe . Tout en prenant note avec satisfaction des deux arrêts rendus par la Cour suprême en 2011 (HR-2011-1739 et HR-2011-1740), il s’inquiète de ce que les femmes qui vivent en concubinage n’ont toujours pas de droits économiques ni de protection lorsque cette relation prend fin.

38. Le Comité demande à l ’ État partie:

a) De faire en sorte que la notion de biens matrimoniaux communs s ’ étende aux biens incorporels, y compris aux prestations de retraite et d ’ assurance et autres actifs liés à la carrière, et que les biens communs soient également répartis, quelle que soit la contribution de chacun des conjoints, et de prendre d ’ autres mesures juridiques, en tant que de besoin, de manière à rééquilibrer le partage inégal dû au fait que les femmes exécutent la part la plus importante du travail non rémunéré;

b) D ’ entreprendre des travaux de recherche sur les conséquences économiques du divorce sur les conjoints, en accordant une attention particulière à la valorisation des ressources humaines et des revenus potentiels des maris en fonction de leur vie professionnelle à plein temps et ininterrompue, et de faire figurer des informations sur le résultat de ces travaux dans son prochain rapport périodique; et

c) D ’ adopter les mesures juridiques nécessaires pour garantir aux femmes qui vivent en concubinage une protection économique égale à celle des femmes mariées, sous la forme de la reconnaissance de leurs droits aux biens acquis pendant la relation, conformément à la Recommandation générale n o 21 (1994) du Comité sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

39. Le Comité prie instamment l ’ État partie de s ’ appuyer pleinement, en s ’ acquittant des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, qui étayent les dispositions de la Convention, et lui demande de faire figurer des informations à ce propos dans son prochain rapport périodique.

Objectifs du Millénaire pour le développement

40. Le Comité souligne qu ’ il est indispensable de donner pleinement effet à la Convention pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Il invite l ’ État partie à intégrer une perspective de genre et à appliquer sans réserve les dispositions de la Convention dans toutes les initiatives visant à atteindre les objectifs du Millénaire, et le prie de lui en rendre compte dans son prochain rapport périodique.

Diffusion

41. Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées en Norvège pour que la population du pays, en particulier les agents publics, les responsables politiques, les parlementaires et les organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme, soit informée des mesures prises pour assurer l ’ égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Il demande également à l ’ État partie de continuer à diffuser largement, surtout auprès des organisations de femmes et des organisations de défense des droits de l ’ homme, le texte de ses propres recommandations générales, de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing, ainsi que du document final de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale, intitulée «Les femmes en l ’ an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e  siècle».

Ratification d’autres instruments

42.Le Comité note qu ’ en adhérant aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme*, la Norvège permettrait aux femmes de jouir pleinement de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc le pays à envisager de ratifier les traités auxquels il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Suivi des observations finales

43. Le Comité demande à l ’ État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu ’ il aura prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 24 et 30.

Élaboration du prochain rapport

44. Le Comité engage l ’ État partie à veiller à ce que tous les ministères et organismes publics participent largement à l ’ élaboration de son prochain rapport, ainsi qu ’ à consulter, lors de cette étape, une vaste gamme d ’ organisations de femmes et de défense des droits de l ’ homme.

45. Le Comité demande à l ’ État partie de répondre, dans le prochain rapport périodique qu ’ il établira en application de l ’ article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales. Il l ’ invite à présenter son prochain rapport périodique en février 2016.

46. Le Comité invite l ’ État partie à respecter les «directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument», approuvées en juin 2006 à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d ’ instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme (voir HRI/GEN/2/Rev.6). Les directives sur l ’ établissement de rapports spécifiques à chaque instrument, adoptées par le Comité à sa quarantième session en janvier 2008, doivent être appliquées conjointement avec les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports sous la forme du document de base commun. Ensemble, elles constituent les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports en vertu de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Le rapport spécifique à l ’ instrument doit être limité à 40 pages, alors que le document de base commun actualisé ne doit pas dépasser 80 pages.