Présentée par :

O. V. J. (non représentée par un conseil)

Victimes présumées :

L’auteure et sa fille

État partie :

Danemark

Date de la communication :

24 décembre 2012 (date de la lettre initiale)

Références :

Communiquée à l’État partie le 12 mars 2013 (non publiée sous forme de document)

Date d’adoption de la décision :

23 juillet 2015

Annexe

Décision du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes au titre du Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (soixante et unième session)

concernant la

Communication no 50/2013 *

Présentée par :

O. V. J. (non représentée par un conseil)

Victimes présumées :

L’auteure et sa fille

État partie :

Danemark

Date de la communication :

24 décembre 2012 (date de la lettre initiale)

Le Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes, institué en vertu de l’article 17 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,

Réuni le 23 juillet 2015,

Adopte ce qui suit :

Décision sur la recevabilité

L’auteure de la communication est O. V. J., de nationalité russe, qui présente la communication en son nom et au nom de sa fille, V. D. J.. Elle affirme que sa fille et elle sont victimes d’une violation par le Danemark de leurs droits au titre de l’article 1, de l’article 2, alinéa d), de l’article 5 et de l’article 16, paragraphe 1, alinéa d), de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. O. V. J. n’est pas représentée par un conseil. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur au Danemark respectivement le 21 mai 1983 et le 31 août 2000.

Rappel des faits présentés par l’auteure

L’auteure a épousé un ressortissant danois le 31 décembre 2005. Elle affirme que, peu après la naissance de leur fille, celui-ci a changé de comportement et est devenu violent à son encontre et envers leur enfant. Il aurait isolé l’auteure et lui aurait interdit de rendre visite à sa famille et à ses amis. Il se serait également montré violent à l’égard de leur fille en la tenant suspendue par les pieds et en la secouant pour effrayer sa mère.

En attendant qu’il soit statué sur le divorce, l’auteure et son mari sont parvenus à un accord temporaire prévoyant que chacun des parents aurait la garde alternée de l’enfant à raison d’une semaine (sept jours) sur deux. Par jugement du 22 juin 2010, le tribunal de district d’Aalborg a prononcé le divorce au profit de l’auteure et confié au père la garde exclusive de leur fille. Cette dernière décision était fondée sur un rapport relatif au bien-être de l’enfant établi par un conseiller des services sociaux à la suite d’une évaluation psychologique de l’enfant et de ses parents. Selon ce rapport, le plan de visite provisoire et de partage de l’autorité parentale établi par le tribunal pour la période précédant le jugement avait pour l’essentiel fonctionné et les parties avaient pu s’entendre sur les aspects pratiques. Néanmoins, après avoir examiné les déclarations des parties au cours du procès, le tribunal « a estimé qu’il était très peu probable que les parties puissent régler leurs désaccords au sujet de leur fille en général sans se causer du tort ». Le tribunal a de plus considéré que, selon le rapport, les deux parties étaient aptes à assurer la garde de l’enfant, mais qu’il était recommandé de confier cette garde au père du fait que l’enfant semblait lui être plus attaché sur le plan affectif. Le tribunal a donc décidé qu’il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’attribuer la garde exclusive au père. Il a également jugé que l’enfant passerait cinq jours avec sa mère toutes les deux semaines. En outre, il a considéré que « l’auteure n’ayant pas eu la possibilité d’établir de liens solides avec le marché du travail danois », son mari lui verserait une pension alimentaire pendant deux ans à compter du 15 novembre 2009.

Par arrêt du 8 décembre 2010, la Haute Cour du Danemark occidental a confirmé le jugement du tribunal de district, au motif que, compte tenu du rapport relatif au bien-être de l’enfant et des déclarations des parties, il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’attribuer la garde exclusive au père.

Le 28 juin 2012, l’auteure a saisi le tribunal de district d’Aalborg pour obtenir la garde partagée de sa fille. Le 20 décembre, le tribunal a de nouveau jugé qu’il était dans l’intérêt supérieur de l’enfant de maintenir les modalités prévues, le père disposant de la garde exclusive de l’enfant et la mère passant cinq jours avec sa fille toutes les deux semaines. Le tribunal a fondé sa décision sur la situation de l’enfant et sur le fait que la coopération entre les parents n’était pas bonne et que la procédure antérieure avait été marquée par « des difficultés de coopération et des rapports très conflictuels ».

Le 10 janvier 2013, l’auteure a interjeté appel de cette décision. Par arrêt du 3 juin de la même année, la Haute Cour du Danemark occidental a confirmé le jugement du tribunal de district en reprenant la même motivation et en retenant qu’aucun fait nouveau n’avait été invoqué.

Teneur de la plainte

L’auteure invoque une violation de l’article 1, de l’article 2, alinéa d), de l’article 5 et de l’article 16, paragraphe 1, alinéa d), de la Convention. Elle soutient que l’État partie n’a pas pris de mesures efficaces pour les protéger, sa fille et elle, de son ex-mari. Elle fait valoir que les tribunaux danois n’ont pris en considération que les prétendues fausses déclarations de son mari sans tenir aucun compte des éléments qu’elle a fournis, attribuant au père la garde exclusive de leur fille uniquement du fait de sa nationalité. Elle ajoute que les procédures de recours interne traînent inutilement en longueur et ont peu de chances d’aboutir en sa faveur.

L’auteure demande notamment au Comité : de rétablir les femmes étrangères dans leurs droits à la vie familiale et à la garde de leurs enfants; de former les autorités danoises en matière de lutte contre la violence au foyer; d’adopter une législation qui protège réellement les femmes étrangères et leurs enfants contre les violences commises par les hommes danois et l’application de cette législation; d’octroyer le statut de résident permanent ainsi que la protection juridique et sociale et les prestations nécessaires aux mères étrangères; d’adopter immédiatement une législation et d’autres mesures permettant de prévenir et de combattre efficacement la violence au foyer; d’adopter d’urgence des mesures destinées à protéger les femmes étrangères victimes de violence conjugale de tout préjudice irréparable.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

Le 13 mai 2013, l’État partie a fait valoir que la communication était irrecevable en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du Protocole facultatif, au motif que l’auteure n’avait pas épuisé les voies de recours internes. Il a noté que les griefs de l’auteure n’avaient pas été soulevés devant les juridictions danoises, invoquant la jurisprudence du Comité selon laquelle les moyens de fond soulevés par l’auteure devant le Comité auraient dû être invoqués devant les juridictions nationales. L’État partie a observé que l’auteure n’avait jamais fait valoir devant les autorités danoises que sa fille et elle avaient été victimes de discrimination fondée sur le sexe de la part de son ex-mari et que, dès lors, les juridictions nationales n’avaient pas eu la possibilité de se prononcer sur de telles allégations.

L’État partie a ajouté que l’auteure avait saisi le Comité alors que la procédure relative à la garde de sa fille devant les juridictions internes (pourvoi de l’auteure contre la décision du tribunal de district d’Aalborg devant la Haute Cour du Danemark occidental le 10 janvier 2013) était en cours, une audience devant la Haute Cour devant avoir lieu le 27 mai.

L’État partie a en outre fait valoir que la communication était irrecevable en vertu de l’article 4, paragraphe 2, alinéa c), du Protocole facultatif, au motif qu’elle était manifestement mal fondée. Il a soutenu que l’auteure n’avait nullement démontré pourquoi ou en quoi ses propres droits et ceux de sa fille avaient été violés au titre des articles invoqués ni expliqué en quoi les décisions, actes ou omissions des autorités danoises auraient entraîné une violation de ces droits. Il a observé que l’auteure n’avait apporté aucune précision factuelle, notamment les dates ou les décisions de justice.

Enfin, l’État partie a soutenu que la communication était irrecevable en vertu de l’article 4, paragraphe 2, alinéa d), du Protocole facultatif, au motif qu’elle constituait un abus du droit de présenter des communications. Il a observé que l’auteure cherchait seulement à obtenir un nouvel examen de la question de la garde en utilisant le Comité comme instance de recours supplémentaire ou comme juridiction de « quatrième instance ».

Commentaires de l’auteure concernant les observations de l’État partie

Le 8 juillet 2013, l’auteure a contesté les observations de l’État partie. Elle a noté qu’elle avait cherché à épuiser les voies de recours internes en interjetant appel devant la Haute Cour du Danemark occidental, mais que ces recours étaient inefficaces en raison du parti pris des juges en faveur des hommes danois. Elle a invoqué la jurisprudence du Comité selon laquelle l’obligation d’épuiser les voies de recours internes ne s’applique pas lorsque « la procédure de recours excède des délais raisonnables ou qu’il est improbable que le requérant obtienne réparation par ce moyen ». Elle a ajouté qu’en matière de violences conjugales, le Comité avait été amené à apprécier la nécessité d’épuiser les recours internes dans les cas où la police n’avait pas enquêté suffisamment et sérieusement ni protégé les requérants. Elle a avancé que, dans son cas, les autorités compétentes n’avaient pas exercé la diligence requise quant à l’obligation de lui assurer, ainsi qu’à sa fille, une protection efficace. Elle a affirmé qu’elles faisaient toutes les deux l’objet de menaces, de harcèlement et de violences de la part de son ex-mari depuis 2009 et qu’elle avait été privée de la garde de sa fille sans raison. Elle a également soutenu qu’en tant que mère étrangère au Danemark, elle n’était pas autorisée à participer aux manifestations organisées au jardin d’enfants de sa fille et que les vacances passées avec son enfant avaient été réduites par les autorités danoises.

L’auteure a fait valoir qu’elle avait fourni au Comité des éléments établissant de manière convaincante qu’elle avait été victime de violence sexiste et avait été privée de ses droits à la vie familiale, ce qui constitue une forme de discrimination à l’égard des femmes. Elle a rappelé la jurisprudence du Comité selon laquelle les États parties doivent agir avec diligence pour prévenir la violation de droits ou pour enquêter sur des actes de violence, les punir et les réparer.

L’auteure a contesté l’affirmation selon laquelle les décisions internes avaient pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle a fait valoir que son ex-mari avait obtenu la garde pour la simple raison qu’il était de nationalité danoise, ajoutant qu’il était inhumain que sa fille ne soit pas autorisée à vivre avec elle.

Délibérations du Comité concernant la recevabilité

À la demande de l’État partie, le Groupe de travail sur les communications présentées conformément au Protocole facultatif, agissant au nom du Comité, a décidé, comme le permet l’article 66 du Règlement intérieur de ce dernier, d’examiner séparément la question de la recevabilité de la communication et la communication elle-même quant au fond.

Aux termes de l’article 64 de son règlement intérieur, le Comité doit décider si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. En application du paragraphe 4 de l’article 72, il doit procéder à cette vérification avant de se prononcer sur le fond de la communication.

Le Comité regrette que, malgré plusieurs demandes en ce sens, l’auteure n’ait pas assorti sa communication de pièces et informations suffisantes et utiles, notamment le rapport relatif au bien-être de l’enfant mais aussi les actes de procédure et les décisions de justice. À cet égard, il observe qu’à sa demande, l’État partie a présenté, le 29 juin 2015, une traduction partielle des décisions de justice et des comptes rendus d’audience.

Le Comité a pris note des griefs de l’auteure au titre de l’article 2, alinéa d), de l’article 5 et de l’article 16, paragraphe 1, alinéa d), de la Convention. Il relève que l’auteure n’a apporté aucune information ou explication à l’appui de ces griefs. Il note qu’il n’examine pas les allégations ou affirmations d’ordre général telles que celles énoncées au paragraphe 3.2. En l’absence au dossier de tout autre élément utile, le Comité considère que la communication est insuffisamment étayée et, dès lors, irrecevable en vertu de l’article 4, paragraphe 2, alinéa c), du Protocole facultatif.

Compte tenu de ce qui précède, le Comité estime qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur les autres motifs d’irrecevabilité invoqués.

7.En conséquence, le Comité décide :

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 4, paragraphe 2, alinéa c), du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure de la communication.