Communication présentée par :

S. J. A. (représentée par un conseil, Tage Gøttsche)

Au nom de :

L’auteure

État partie :

Danemark

Date de la communication :

2 décembre 2014 (lettre initiale)

Références  :

Communiquée à l’État partie le 5 décembre 2014 (non publiée sous forme de document)

Date de la décision :

6 novembre 2017

1.1L’auteure de la communication est S. J. A., de nationalité somalienne, née en 1989. Elle affirme que son expulsion du Danemark vers la Somalie constituerait une violation de ses droits au titre des articles 3, 5 et 16 b) de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La Convention et le Protocole facultatif s’y rapportant sont entrés en vigueur au Danemark en 1983 et 2000, respectivement. L’auteure est représentée par un conseil, Tage Gøttsche.

1.2La demande d’asile de l’auteure a été rejetée le 9 juillet 2014 par le service danois de l’immigration. La Commission des recours des réfugiés a rejeté, le 24 novembre 2014, l’appel de cette décision. L’auteure a reçu l’ordre de quitter le Danemark le 8 décembre 2014 au plus tard. Le 5 décembre 2014, le Comité, par l’intermédiaire de son Groupe de travail sur les communications présentées conformément au Protocole facultatif, a demandé à l’État partie de ne pas expulser l’auteure vers la Somalie avant qu’il n’ait examiné son cas, conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif et à l’article 63 de son règlement intérieur.

1.3Le 10 décembre 2014, la Commission des recours des réfugiés a suspendu jusqu’à nouvel avis le délai fixé pour le départ de l’auteure, conformément à la demande formulée par le Comité.

1.4Le 11 novembre 2015 et le 18 février 2016, le Comité a rejeté les demandes de l’État partie de lever les mesures provisoires.

Rappel des faits présentés par l’auteure

2.1L’auteure est originaire de Ceel Garas, dans la région de Galguduud. Elle est arrivée au Danemark, en avril 2014, afin d’échapper à un mariage forcé avec un membre des Chabab. En décembre 2013, alors qu’elle se rendait à pied à l’école, A. H., un membre haut placé des Chabab, l’a remarquée et, par la suite, s’est rendu à plusieurs reprises chez le père de l’auteure pour lui demander la main de celle‑ci. Dans un premier temps, le père de l’auteure a refusé, puis il a essayé de gagner du temps avant de donner sa réponse définitive. L’auteure ne voulait pas se marier. Le père a donc commencé à organiser la fuite de Somalie de l’intéressée. La tante de l’auteure a vendu une partie de ses terres pour payer le voyage.

2.2Le 12 février 2014, A. H. s’est présenté au domicile de l’auteure et l’a contrainte à le suivre en ville, au quartier généraldes Chabab, où on l’a avertie que si elle refusait de l’épouser, il la tuerait. L’auteure a demandé un temps de réflexion et A. H. l’a libérée. Les parents de l’auteure ont donc organisé son départ. S. J. A. s’est rendue chez sa tante à Doussamarib et, trois jours plus tard, elle s’est envolée pour le Danemark, passant par l’Éthiopie et la Turquie, sans titre de voyage.

2.3Le 24 avril 2014, l’auteure est arrivée au Danemark et a présenté une demande d’asile.

2.4Le 9 juillet 2014, la demande d’asile de l’auteure a été rejetée par le service danois de l’immigration. Le 24 novembre 2014, cette décision a été confirmée par la Commission des recours des réfugiés. Celle-ci a conclu que l’histoire et les revendications de l’auteure manquaient de crédibilité ; que ses explications et son récit concernant certains faits étaient vagues et peu clairs, voire incohérents, et semblaient avoir été inventés. Par conséquent, la Commission a demandé à l’auteure de quitter le pays le 8 décembre 2014 au plus tard.

2.5Selon la loi sur les étrangers, les décisions de la Commission des recours des réfugiés ne peuvent être contestées. L’auteure soutient par conséquent qu’elle a épuisé toutes les voies de recours internes disponibles.

Teneur de la plainte

3.1L’auteure affirme que son expulsion vers la Somalie constituerait une violation des droits qui lui sont conférés par les articles 3, 5 et 16 b) de la Convention. En raison de la situation générale en Somalie, elle soutient également que son renvoi vers ce pays constituerait une violation de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme).

3.2L’auteure affirme que, si elle était renvoyée en Somalie, elle serait contrainte d’épouser un membre des Chabab et n’aurait pas le même droit que lui de choisir son conjoint et de contracter mariage de son plein consentement tel que le garantit l’article 16 b) de la Convention. En outre, elle craint d’être tuée ou torturée par A. H. ou d’autres membres des Chabab pour avoir refusé de se marier. Elle affirme en outre que, si elle était expulsée, l’État partie violerait les articles 3 et 5 de la Convention puisque l’exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes ne lui serait pas garanti.

3.3L’auteure conteste aussi le fait que la Commission des recours des réfugiés fonde principalement sa décision sur sa crédibilité et soutient que la Commission n’a pas enquêté sur les risques qu’elle encourrait si elle était renvoyée.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Le 3 juin 2015, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et sur le fond de la communication.

4.2L’État partie fait valoir que l’auteure n’a pas apporté d’élément suffisant permettant d’établir à première vue que la communication est recevable. Il ajoute que la Commission des recours des réfugiés n’a pu considérer aucun aspect des déclarations de l’auteure comme véridique et rappelle également les incohérences qui y figuraient.

4.3L’État partie donne une description complète de l’organisation, de la composition, des fonctions, des prérogatives et de la compétence de la Commission et les garanties en place pour les demandeurs d’asile, notamment la représentation juridique, la présence d’un interprète et la possibilité pour le demandeur de faire une déclaration à l’audience en appel. Il précise aussi que la Commission dispose d’un ensemble complet de documents de référence généraux sur la situation dans les différents pays d’origine des demandeurs d’asile au Danemark, actualisés et complétés en permanence à partir de multiples sources reconnues, et qu’elle en tient compte dans son évaluation des demandes.

4.4Se référant à la décision du Comité dans l’affaire M. N. N. c. Danemark, l’État partie indique que la Convention a une portée extraterritoriale seulement dans les cas où la femme renvoyée dans son pays est exposée à un risque réel et prévisible de violence sexiste. Par conséquent, il fait valoir que ce risque de violence doit être réel, personnel et prévisible. À cet égard, l’État partie affirme que l’auteure n’a pas apporté d’élément suffisant permettant d’établir à première vue que la communication est recevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif au motif qu’elle n’a pas prouvé qu’elle serait exposée à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste si elle était renvoyée en Somalie.

4.5L’État partie fait valoir que, si le Comité devait considérer la communication comme recevable et continuer de l’examiner sur le fond, l’auteure n’a pas suffisamment démontré qu’elle serait exposée à un risque réel, personnel et prévisible de formes graves de violence sexiste si elle était renvoyée en Somalie.

4.6L’État partie rappelle que les déclarations faites par l’auteure devant le service danois de l’immigration et la Commission des recours des réfugiés n’étaient pas cohérentes. Outre la question de sa réponse controversée à A. H. lors de leur dernière rencontre, l’auteure a également fait des déclarations incohérentes concernant sa tante, notamment les circonstances du décès de celle-ci. Pendant l’entretien de demande d’asile du 9 mai 2014, l’auteure a déclaré que ses trois tantes étaient des nomades de Xarardheere. Ultérieurement au cours de ce même entretien, elle a déclaré que, pour financer son départ de la Somalie, une de ses tantes avait vendu des terres. L’auteure a ensuite déclaré que sa tante était désormais décédée et qu’elle avait vécu à Doussamarib. Par la suite, elle a indiqué avoir appris par son père que sa tante avait été tuée par les Chabab car ils avaient su que celle-ci l’avait aidée à quitter le village. Elle a donné des explications vagues et peu convaincantes sur l’assassinat de sa tante, ainsi que sur la position d’A. H. dans son village.

4.7Selon l’État partie, l’auteure a en outre fait des déclarations incohérentes et de toute évidence inventées concernant les contacts qu’elle avait eus avec sa famille dans son pays d’origine après son départ. Le 13 juin 2014, elle a affirmé au service danois de l’immigration qu’elle avait été en contact avec sa famille pour la dernière fois une vingtaine de jours plus tôt, ce qui correspond à mai 2014, ainsi que le 25 avril 2014. Or, le 24 novembre 2014, elle a déclaré, lors de l’audience devant la Commission des recours des réfugiés, qu’elle avait depuis été en contact à deux reprises avec sa famille en Somalie, la dernière fois en juin 2014. L’auteure a ensuite indiqué que son village était désert car tout le monde avait fui. Lorsqu’il lui a été demandé comment elle avait eu cette information, elle a répondu que personne ne le lui avait dit. Bien que la question lui ait été posée plusieurs fois, elle n’a pas été en mesure de dire d’où elle tenait cette information, se contentant simplement de répéter qu’« elle savait » que le village avait été déserté.

4.8L’État partie n’est pas convaincu que l’auteure ait été en conflit avec un membre haut placé des Chabab, ni qu’elle serait mariée de force ou tuée par A. H. si elle retournait en Somalie. Par conséquent, il ne peut pas conclure que, si elle était renvoyée en Somalie, l’auteure puisse craindre d’être victime de persécutions qui soient pertinentes pour sa demande d’asile. Il ajoute que la communication a été présentée peu de temps après que la Commission des recours des réfugiés a rendu sa décision et que l’auteure n’a pas présenté de renseignements nouveaux et spécifiques concernant sa situation ; au contraire, elle n’a fait que répéter les données factuelles sur lesquelles repose la décision de la Commission du 24 novembre 2014. À cet égard, la Commission a établi que la déclaration de l’auteure n’était pas précise, semblait inventée pour l’occasion et n’était pas fondée sur son expérience personnelle. L’État partie ajoute que la décision de la Commission n’est pas principalement fondée sur la crédibilité de l’auteure mais sur une appréciation globale de la question de savoir si l’auteure remplissait les conditions de séjour énoncées à l’article 7 de la loi sur les étrangers, y compris une appréciation des informations de référence disponibles et de l’état physique et mental de l’intéressée. Cette appréciation a également tenu compte du risque pour l’auteure d’être victime de violences en raison de la situation générale en Somalie.

4.9L’État partie considère que la situation générale en Somalie ne peut justifier à elle seule l’octroi de l’asile. L’État partie a tenu compte des documents de référence généraux concernant la situation au centre et au sud de la Somalie. Toutefois, aucune des informations actuellement disponibles ne permet de conclure que la situation générale à Ceel Garas est telle que l’auteure risquerait d’être victime de persécutions en cas de renvoi en Somalie et justifie que l’asile lui soit accordé.

4.10Enfin, l’État partie souligne qu’il ne peut pas retenir comme un fait qu’en cas de renvoi dans son pays d’origine, l’auteure se retrouverait célibataire sans réseau pour la soutenir étant donné qu’elle a déclaré, le 9 mai 2014 pendant l’entretien de demande d’asile, que ses parents et trois de ses frères et sœurs vivaient dans son village et qu’elle appartenait au clan Duduble, qui y était le seul clan.

4.11L’État partie conclut que la Commission des recours des réfugiés, organe collégial de nature quasi judiciaire, a estimé, à l’issue d’une étude approfondie de la crédibilité de l’auteure, des informations de référence disponibles et de la situation spécifique de l’auteure, que celle-ci n’était pas parvenue à faire apparaître comme probable qu’en cas de renvoi en Somalie, elle coure le risque d’être victime de persécutions ou de violence, qui justifierait qu’on lui accorde l’asile. La communication présentée par l’auteure témoigne simplement du fait que l’intéressée ne souscrit pas à l’évaluation faite de son dossier par la Commission. L’auteure n’a pas fait valoir de vice dans la prise de décisions ni de facteurs de risque que la Commission n’aurait pas correctement pris en compte. Elle tente d’utiliser le Comité comme un organe d’appel pour qu’il réexamine les faits invoqués à l’appui de sa demande d’asile. L’État partie estime que le Comité doit accorder toute son importance aux conclusions de la Commission, qui est la mieux placée pour apprécier les éléments de fait du dossier de l’auteure. Ainsi, de l’avis de l’État partie, il n’y a aucune raison de remettre en cause, et moins encore de rejeter l’appréciation de la Commission, selon laquelle l’auteure n’a pas été en mesure de prouver de façon convaincante qu’elle encourrait un risque réel, personnel et prévisible d’être victime de persécutions si elle était renvoyée en Somalie et que son renvoi aurait pour conséquence nécessaire et prévisible la violation des droits qui lui sont conférés par la Convention. Par conséquent, le renvoi de l’auteure en Somalie ne constituerait pas une violation des articles 3, 5 et 16 b) de la Convention.

Commentaires de l’auteure sur les observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond

5.1Le 26 août 2015, l’auteure a présenté ses commentaires sur les observations de l’État partie.

5.2Renouvelant ses déclarations précédentes, elle souligne que, si elle était renvoyée en Somalie, elle serait exposée à un risque réel, personnel et prévisible d’être victime de formes graves de violence sexiste et d’être mariée de force.

5.3L’auteure souligne en outre que l’État partie n’a pas enquêté sur la dangerosité de la situation à laquelle elle est exposée. Elle réaffirme que son renvoi en Somalie constituerait une violation des articles 3, 5 et 16 b) de la Convention.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Le 3 février 2016, l’État partie a présenté ses observations complémentaires.

6.2L’État partie renvoie à l’arrêt rendu le 10 septembre 2015 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire R. H. c. Suède (requête no 4601/14) concernant une jeune femme somalienne, dans le paragraphe 70 duquel la Cour a déclaré qu’on pouvait « établir qu’une femme célibataire retournant à Mogadiscio sans disposer de la protection d’un réseau masculin serait exposée à un risque réel de vivre dans des conditions constitutives d’un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention ».

6.3L’État partie considère toutefois que cette décision n’a aucune incidence sur le cas de l’auteure étant donné que la situation de cette dernière diffère sensiblement de celle de R. H., notamment en ce qu’il ne peut être considéré que l’auteure serait une femme célibataire ne disposant pas de la protection d’un réseau à son retour dans son pays d’origine puisque, d’après les déclarations faites par l’intéressée le 9 mai 2014 pendant l’entretien de demande d’asile, elle est entourée, dans son village, de ses parents et de trois de ses frères et sœurs et appartient au clan Duduble, qui y est le seul clan. Au cours de ce même entretien, l’auteure a également indiqué avoir un oncle, dénommé I. A. B., vivant dans son village.

6.4Renvoyant à la jurisprudence du Comité des droits de l’homme, notamment aux affaires P. T. c. Danemark et K . c. Danemark, l’État partie note que le Comité devrait accorder l’importance voulue à l’appréciation faite par lui, sauf s’il pouvait être établi que cette appréciation avait été manifestement arbitraire ou représentait un déni de justice. Il rappelle que, dans le présent cas, aucun vice de procédure ne s’est produit et que l’auteure n’a pas apporté d’élément suffisant permettant d’établir à première vue que la communication est recevable, ce qui signifie que la communication est donc manifestement mal fondée et devrait être considérée comme irrecevable. Il conclut en outre que, même si le Comité devait déclarer la communication recevable, il n’a pas été établi qu’il existait de sérieux motifs de croire que le renvoi de l’auteure en Somalie constituerait une violation de la Convention.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Le Comité doit, conformément à l’article 64 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif. Conformément à l’article 66, le Comité peut décider d’examiner séparément la question de la recevabilité d’une communication et la communication elle‑même quant au fond.

7.2 Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément au paragraphe 2 a) de l’article 4 du Protocole facultatif, que la même question n’avait pas déjà été examinée ou n’était pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité note que l’auteure affirme avoir épuisé toutes les voies de recours internes et que l’État partie n’a pas contesté la recevabilité de la communication pour ce motif. Le Comité relève que, selon les renseignements dont il dispose, les décisions de la Commission des recours des réfugiés ne peuvent être contestées devant les tribunaux nationaux. En conséquence, il considère que rien ne s’oppose, dans les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 du Protocole facultatif, à ce qu’il examine la communication.

7.4Le Comité prend note des allégations de l’auteure en vertu de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’observation de l’État partie selon laquelle la Convention européenne ne relève pas de la compétence du Comité. Par conséquent, le Comité estime que l’allégation de violation de la Convention européenne n’est pas recevable comme étant incompatible avec la Convention en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 4 du Protocole facultatif.

7.5Le Comité prend également note de l’allégation de l’État partie selon laquelle la communication est manifestement mal fondée, au sens du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif, au motif qu’elle est insuffisamment motivée. À cet égard, le Comité rappelle l’allégation de l’auteure selon laquelle un membre des Chabab dénommé A. H. aurait menacé de la tuer si elle refusait de l’épouser, et que ces faits l’auraient poussée à fuir son village avec l’aide de sa famille. L’auteure a déclaré que si l’État partie la renvoyait en Somalie, elle serait personnellement exposée à des formes graves de violence sexiste relevant des articles 3, 5 et 16 b) de la Convention. L’auteure a également fait valoir que l’État partie aurait dû mener une enquête indépendante sur les risques auxquels elle s’exposait en Somalie.

7.6 Le Comité renvoie au paragraphe 21 de sa recommandation générale no 32 (2014) sur les femmes et les situations de réfugiés, d’asile, de nationalité et d’apatridie, dans laquelle il a fait valoir que, en droit international des droits de l’homme, le principe de non-refoulement fait obligation aux États de ne pas renvoyer une personne là où elle risque de subir de graves violations des droits de l’homme, notamment la privation arbitraire de la vie ou la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il renvoie également au paragraphe 7 de sa recommandation générale no 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes, dans laquelle il a rappelé que la violence fondée sur le sexe, qui compromettait ou rendait nulle la jouissance des droits individuels et des libertés fondamentales par les femmes en vertu des principes généraux du droit international ou des conventions particulières relatives aux droits de l’homme, constituait une discrimination, au sens de l’article premier de la Convention, et que ces droits comprenaient le droit à la vie et le droit de ne pas être soumis à la torture. Le Comité a développé plus largement son interprétation de la violence à l’égard des femmes en tant que forme de discrimination sexiste dans sa recommandation générale no 35 (2017) sur la violence sexiste à l’égard des femmes portant actualisation de la recommandation générale no 19, au paragraphe 21 de laquelle il a réaffirmé l’obligation qui incombait aux États parties d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes, y compris la violence sexiste découlant d’actes ou d’omissions de l’État partie ou de ses acteurs d’une part, et d’actes ou d’omissions des acteurs non étatiques, d’autre part.

7.7En l’espèce, le Comité fait observer qu’il n’existe pas d’allégation selon laquelle l’État partie aurait violé directement les dispositions de la Convention invoquées, mais que le fait de renvoyer l’auteur en Somalie l’exposerait à des formes graves de violence sexiste de la part d’individus liés à un membre des Chabab.

7.8Le Comité rappelle qu’il incombe généralement aux autorités des États parties à la Convention d’apprécier les faits et les éléments de preuve ou l’application qui est faite de la législation nationale dans un cas particulier, à moins qu’il ne puisse être établi que cette appréciation était entachée de partialité ou fondée sur des stéréotypes liés au sexe constituant une discrimination à l’égard des femmes, relevait manifestement de l’arbitraire ou représentait un déni de justice. À cet égard, le Comité note qu’en substance les allégations de l’auteure visent à contester la manière dont les autorités de l’État partie ont apprécié les éléments de fait de son cas, appliqué les dispositions de la législation et tiré des conclusions. La question soulevée devant le Comité est donc de savoir s’il y a eu une irrégularité dans le processus décisionnel concernant la demande d’asile de l’auteure dans la mesure où les autorités de l’État partie n’auraient pas évalué correctement le risque de violence sexiste grave auquel elle serait exposée en cas de renvoi en Somalie.

7.9À cet égard, le Comité note que les autorités de l’État partie ont estimé que le récit de l’auteure manquait de crédibilité car il présentait un certain nombre d’incohérences factuelles et n’était pas suffisamment motivé. Le Comité fait également remarquer que les informations limitées que lui a fournies l’auteure appuient la conclusion des autorités de l’État partie que les allégations de l’auteure ne sont pas suffisamment motivées. De surcroît, le Comité observe que l’auteure n’a pas établi de lien suffisant entre les faits présumés et la violation des articles de la Convention qu’elle invoque contre le Danemark. Le Comité note en outre que l’État partie a tenu compte de la situation générale qui règne en Somalie, ainsi que de l’existence d’un réseau familial composé des parents de l’auteure et de trois frères et sœurs dans le village de Ceel Garas, dont elle est originaire.

7.10Compte tenu de ce qui précède et sans sous-estimer les préoccupations qui peuvent être légitimement exprimées en ce qui concerne la situation générale des droits de l’homme en Somalie, notamment pour ce qui est des droits fondamentaux des femmes, le Comité estime qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure que les autorités de l’État partie n’ont pas porté toute l’attention voulue aux demandes d’asile formulées par l’auteure, ou que l’examen au niveau national de son dossier d’asile a fait l’objet d’un quelconque vice de procédure.

8.En conséquence, le Comité décide que :

a)La communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 c) de l’article 4 du Protocole facultatif ;

b)La présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteure.