CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/65/CO/1

10 décembre 2004

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALE

Soixante‑cinquième session2‑20 août 2004

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

ARGENTINE

1.Le Comité a examiné les seizième à dix‑huitième rapports périodiques de l’Argentine, qui devaient être présentés les 4 janvier 2000, 2002 et 2004, respectivement, et figuraient dans un seul document (CERD/C/476/Add.2), à ses 1656e et 1657e séances (CERD/C/SR.1656 et 1657), tenues les 10 et 11 août 2004. À sa 1668e séance (CERD/C/SR.1668), tenue le 18 août 2004, le Comité a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie, soumis en temps voulu, et les renseignements supplémentaires que la délégation a fournis oralement et par écrit.

3.Le Comité est conscient de la situation économique difficile que connaît depuis peu l’État partie.

4.Tout en prenant note avec satisfaction des efforts faits par l’État partie pour se conformer aux principes directeurs du Comité concernant la présentation des rapports, le Comité constate néanmoins que le rapport en question ne répond pas à certaines préoccupations et recommandations soulevées dans ses observations finales antérieures.

B. Aspects positifs

5.Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur, en janvier 2004, de la loi no 25871 sur l’immigration qui remplace la précédente loi no 22439 sur le même sujet et dispose, entre autres, ce qui suit:

a)Que le droit de migrer est un droit essentiel et inaliénable;

b)Que les migrants ont des droits fondamentaux tels que l’accès à l’éducation et à la santé quel que soit leur statut en tant que migrants;

c)Que les migrants ne peuvent être expulsés qu’en vertu d’une décision judiciaire;

d)Que la traite des êtres humains est un crime.

6.Le Comité salue les efforts entrepris par l’État partie en vue d’élaborer un nouveau plan d’action national contre la discrimination, la xénophobie et autres formes d’intolérance avec l’appui du PNUD et du HCDH, dans le cadre du suivi de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, et se félicite en particulier de la large participation dont ce processus fait l’objet.

7.Le Comité note également avec satisfaction que l’État partie a signé récemment la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et que, comme l’a assuré son représentant, il envisage de la ratifier.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

8.Le Comité constate avec préoccupation que le rapport de l’État partie ne contient pas de données statistiques sur la composition démographique de la population. Il rappelle que ces renseignements lui sont nécessaires pour l’évaluation de la mise en œuvre de la Convention et le suivi des mesures prises en faveur des minorités et des peuples autochtones.

Le Comité prie l’État partie de publier les résultats du recensement de 2001 qui contenait entre autres des renseignements sur les peuples autochtones, et d’achever l’enquête complémentaire de 2003 sur les peuples autochtones le plus tôt possible. En outre, à la lumière du paragraphe 8 des principes directeurs concernant la présentation des rapports et de ses recommandations générales IV et XXIV, le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur la composition démographique de la population, notamment sur les peuples et minorités autochtones tels que les Afro ‑Argentins et les Roms.

9.Le Comité regrette que le rapport de l’État partie manque d’informations sur les plaintes concernant des actes de discrimination raciale et les actions judiciaires engagées à ce sujet par et pour les victimes, notamment sur les plaintes qui auraient été déposées pour des agressions racistes violentes et des brutalités policières fondées sur des considérations raciales.

Le Comité prie l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des informations statistiques ventilées sur les enquêtes et poursuites engagées et les peines prononcées dans des cas où les infractions se rapportaient à la discrimination raciale et où les dispositions pertinentes de la législation nationale existante ont été appliquées, notamment pour les agressions racistes violentes et les infractions qui auraient été commises par des agents de la force publique. À cet égard, le Comité rappelle sa recommandation générale XIII concernant la formation des responsables de l’application des lois à la protection des droits de l’homme et encourage l’État partie à améliorer la formation de ces responsables afin de veiller à ce que les normes de la Convention soient pleinement respectées.

10.Tout en jugeant encourageant le fait que l’Institut national de lutte contre la discrimination, la xénophobie et le racisme (INADI) est devenu autonome en 2002, le Comité note avec préoccupation que le financement de cet organe a été fortement réduit.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées en vue de renforcer le fonctionnement de l’INADI, de faire en sorte qu’il puisse surveiller plus efficacement toutes les tendances susceptibles de donner naissance à des comportements racistes et xénophobes, de combattre toutes les formes de discrimination raciale et d’examiner les plaintes s’y rapportant.

11.Le Comité prend note avec satisfaction de l’adoption de la nouvelle loi no 25871 sur l’immigration, mais note néanmoins qu’elle n’a pas encore fait l’objet de mesures d’application.

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures en vue d’appliquer la loi sans délai, en tenant pleinement compte du principe de non ‑discrimination. Il recommande en outre à l’État partie de mener une campagne d’information et de sensibilisation du public et d’organiser à l’intention de toutes les autorités administratives, aux niveaux national, provincial et municipal, des cours de formation portant sur les changements apportés par la nouvelle loi.

12.Le Comité se félicite des efforts faits par l’État partie en vue d’élaborer un plan national contre la discrimination, la xénophobie et autres formes d’intolérance et prend note des difficultés qu’il pourrait rencontrer dans la mise en œuvre de ce plan.

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que ce plan bénéficie d’un appui aux niveaux national et provincial, de consacrer des ressources financières suffisantes à sa réalisation et de veiller à ce qu’il soit intégré à d’autres mécanismes d’application des droits de l’homme en Argentine et qu’il se traduise par des mesures concrètes.

13.Tout en prenant note avec satisfaction de l’intention exprimée par l’État partie d’intensifier la formation aux droits de l’homme des fonctionnaires des services d’immigration et de la police des frontières, le Comité est préoccupé par des mesures de refoulement qui auraient été prises à l’encontre de réfugiés et par des procédures apparemment inéquitables de détermination du statut des réfugiés. À cet égard, le Comité constate que, même si l’État partie s’efforce dans l’ensemble de respecter les normes énoncées dans la Convention relative au statut des réfugiés, quoique dans un cadre législatif relativement limité, la protection des réfugiés ne fait pas l’objet d’une loi générale. En outre, il note qu’aucun renseignement n’a été fourni sur d’éventuels programmes et politiques visant à faciliter l’intégration sociale et économique des réfugiés et des demandeurs d’asile dans l’État partie.

Le Comité demande à l’État partie de s’employer plus activement à respecter pleinement les dispositions de l’alinéa  b de l’article 5 de la Convention et le principe de non ‑refoulement, et à améliorer les conditions et garanties relatives à la protection des réfugiés, notamment les services d’interprétation, en particulier aux aéroports et autres postes frontière. En outre, il demande instamment à l’État partie de veiller à ce que soient adoptées de nouvelles dispositions législatives portant sur les critères d’accès au statut de réfugié et les droits des réfugiés, et précisant les procédures de détermination du statut des réfugiés et les droits de recours. Le Comité recommande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements à ce sujet.

14.Le Comité s’inquiète des informations faisant état de traite de migrants, en particulier de femmes migrantes qui seraient exploitées comme travailleuses sexuelles.

Le Comité engage l’État partie à mettre en place des politiques globales et à prévoir des ressources suffisantes pour prévenir, examiner et punir ces crimes, ainsi qu’à venir en aide aux victimes, et lui recommande de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements supplémentaires sur la situation vulnérable des migrants et des femmes autochtones.

15.Le Comité est préoccupé par des cas d’incitation à la haine raciale et de propagande raciste dans les médias, notamment l’Internet.

Le Comité rappelle que l’article 4 de la Convention est applicable au phénomène du racisme dans les médias, notamment l’Internet, et que le principe fondamental du respect de la dignité humaine exige que tous les États combattent la diffusion de la haine raciale et l’incitation à celle ‑ci. Il recommande à l’État partie de prendre des mesures appropriées en vue de combattre la propagande raciste dans les médias et de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur l’évolution de la situation et les mesures prises dans ce domaine.

16.Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas adopté les lois nécessaires pour donner effet à la Convention no 169 de l’OIT relative aux peuples indigènes et tribaux, de 1989. Il note par ailleurs les difficultés rencontrées pour reconnaître aux peuples autochtones la personnalité juridique et la protection insuffisante assurée dans la pratique au régime de propriété et à la possession des terres ancestrales par les peuples autochtones, ce qui compromet leur capacité de pratiquer leurs croyances religieuses.

À la lumière de sa recommandation générale XXIII, le Comité demande instamment à l’État partie: d’appliquer pleinement la Convention n o  169 de l’OIT; d’adopter, en concertation avec les peuples autochtones, une politique générale relative au régime foncier et des procédures juridiques efficaces de reconnaissance des titres fonciers des peuples autochtones et de délimitation de leurs territoires; d’adopter des mesures visant à sauvegarder les droits des peuples autochtones sur leurs terres ancestrales, en particulier les sites sacrés, et d’indemniser les peuples autochtones privés de terres; d’assurer l’accès des peuples autochtones à la justice, de reconnaître effectivement leur personnalité juridique et leurs communautés, selon leur mode de vie traditionnel; et de tenir compte de l’importance particulière que la relation à la terre revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples autochtones.

17.Le Comité demeure préoccupé par l’insuffisance des renseignements fournis par l’État partie sur la représentation des peuples autochtones et des minorités dans la fonction publique aux niveaux fédéral, provincial et municipal, dans la police, l’appareil judiciaire, au Congrès et dans d’autres institutions publiques.

Le Comité demande à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur la représentation des peuples autochtones et des groupes minoritaires dans l’administration publique.

18.Le Comité note que le Conseil de coordination des peuples autochtones argentins, prévu par la loi no 23302 pour représenter les peuples autochtones à l’Institut national des affaires autochtones, n’a toujours pas été établi.

Le Comité rappelle sa recommandation générale XXIII concernant les droits des populations autochtones de veiller à ce qu’aucune décision directement liée aux droits et intérêts des populations autochtones ne soit prise sans leur consentement informé, et demande instamment à l’État partie de veiller à ce que le Conseil soit établi le plus tôt possible et que des fonds suffisants soient alloués pour permettre le fonctionnement efficace du Conseil et de l’Institut.

19.Le Comité regrette qu’en dépit des efforts de l’État partie le droit à une éducation bilingue et interculturelle reconnu aux peuples autochtones par la Constitution ne soit pas pleinement respecté dans la pratique. Il prend note avec préoccupation d’allégations concernant l’insuffisance de la formation donnée aux enseignants autochtones et des discriminations auxquelles ils sont confrontés, ainsi que des mesures insuffisantes qui sont prises pour préserver les langues autochtones et inscrire l’histoire et la culture des peuples autochtones dans les programmes scolaires.

Le Comité recommande à l’État partie d’adopter toutes les mesures nécessaires pour assurer, en concertation avec les communautés autochtones, une éducation bilingue et interculturelle destinée aux peuples autochtones, respectant pleinement leur identité culturelle, leurs langues, leur histoire et leur culture, en ayant également à l’esprit l’importance que revêt l’éducation interculturelle pour l’ensemble de la population. Il recommande en outre qu’une formation adéquate soit fournie aux enseignants autochtones et que des mesures efficaces soient adoptées pour combattre toutes les formes de discrimination qui les touchent. Le Comité demande en outre à l’État partie de lui fournir des renseignements sur le nombre et le pourcentage des enfants autochtones fréquentant les écoles primaires et secondaires, notamment les écoles bilingues.

20.Le Comité constate de nouveau avec préoccupation que l’État partie ne lui a pas communiqué de renseignements sur la mesure dans laquelle les peuples autochtones exercent leurs droits économiques, sociaux et culturels, eu égard, en particulier, à la récente crise économique et sociale. Il réitère en outre la préoccupation que lui inspire l’absence d’un système de sécurité sociale tenant compte des besoins spécifiques des peuples autochtones.

Le Comité demande de nouveau à l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés sur ces questions, notamment sur les mesures qui ont été prises pour assurer effectivement l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.

21.Le Comité reste préoccupé par la lenteur des procédures relatives aux attentats perpétrés en 1992 et 1994 à Buenos Aires contre l’ambassade israélienne et l’Association mutuelle israélite argentine.

Le Comité recommande que, conformément à l’article 6 de la Convention, l’État partie s’attache d’urgence à mener à bien ces procédures afin de s’acquitter de son obligation de faire respecter le droit de recevoir des réparations et une indemnisation justes et adéquates pour les préjudices causés par suite de violations des droits de l’homme.

22.Le Comité prend note des assurances données de nouveau par l’État partie, selon lesquelles ce dernier est en passe d’achever les préparatifs en vue de faire la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention, et demande instamment à l’État partie d’achever lesdits préparatifs le plus tôt possible.

23.Le Comité recommande à l’État partie de continuer de consulter les organisations de la société civile œuvrant dans le domaine de la lutte contre la discrimination lors de l’élaboration de son prochain rapport périodique.

24.Le Comité recommande à l’État partie de rendre publics ses rapports périodiques dès qu’ils sont soumis au Comité et d’assurer une large diffusion aux observations finales du Comité.

25.Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième Réunion des États parties à la Convention et approuvé par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À cet égard, le Comité appelle l’attention de l’État partie sur la résolution 57/194 de l’Assemblée générale, dans laquelle l’Assemblée a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement. L’Assemblée générale a renouvelé cette demande dans sa résolution 58/160.

26.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses dix‑neuvième et vingtième rapports périodiques en un seul document, attendu le 4 janvier 2008, et d’y traiter tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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