COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 8 DU PROTOCOLE FACULTATIF SE RAPPORTANT À LACONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT,CONCERNANT L’IMPLICATION D’ENFANTSDANS LES CONFLITS ARMÉS
Rapports initiaux des États parties attendus en 2006
TURQUIE
[20 novembre 2007]
Article 1
1.La République turque a signé la Convention relative aux droits de l’enfant le 14 septembre 1990 et l’a ratifiée par la décision n° 4058 du Conseil des ministres, en date du 9 décembre 1994. La Convention est entrée en vigueur le 11 décembre 1994. Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés a été signé le 8 septembre 2000 et ratifié par la décision no 4991 du Conseil des ministres en date du 16 octobre 2003. Il est entré en vigueur le 18 mars 2004.
2.En vertu du deuxième paragraphe de l’article 41 de la Constitution de la République turque, l’État prend les mesures nécessaires pour protéger les enfants. En outre, aux termes de l’article 90: «Les accords internationaux dûment mis en vigueur ont force de loi. Ils ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle (phrase ajoutée par la loi no 5170/7 du 7 mai 2004). En cas de conflit entre des accords internationaux relatifs aux droits et libertés fondamentaux dûment mis en vigueur et la législation nationale du fait de l’existence de divergences entre dispositions portant sur un même sujet, les clauses des accords internationaux prévalent.».
3.Conformément à l’article 72 de la Constitution, «le service national est un droit et un devoir pour chaque Turc. La loi fixe les modalités suivant lesquelles ce service sera effectué ou considéré comme tel au sein des Forces armées ou dans le service public».
4.Les principales lois régissant le service militaire sont la loi no 1111 sur le service militaire et la loi no 1076 relative aux officiers et militaires de réserve.
5.La législation de la République turque relative au service militaire définit le service national susmentionné comme obligatoire, pour les hommes uniquement. Pour chaque homme, l’obligation militaire prend effet le premier jour de l’année de ses 20 ans.
6.Les Forces armées turques n’emploient aucun individu de moins de 18 ans sur la base de l’obligation d’effectuer son service militaire. Il convient donc de souligner de prime abord que la mise en œuvre du Protocole facultatif ne pose aucun problème dans la mesure où le système de conscription militaire turc ne comporte aucune disposition autorisant l’appel sous les drapeaux des enfants, même si cela n’exclut pas la participation directe d’enfants à des conflits armés.
Article 2
7.Aux termes de l’article 2 de la loi no 1111, tout homme est astreint à l’obligation militaire entre le premier jour du mois de janvier de l’année de son vingtième anniversaire, compte tenu de la date de naissance consignée dans le registre des naissances, et le premier jour du mois de janvier de l’année où il atteint l’âge de 41 ans. Si l’état‑major l’estime nécessaire, cette période peut être prolongée de cinq ans ou écourtée, sur proposition du Ministère de la défense nationale et sur décision du Conseil des ministres. En vertu de la législation turque, il n’est donc pas possible d’appeler des individus de moins de 18 ans sous les drapeaux.
8.L’article 5 du «Règlement relatif aux étapes initiales du processus de recensement des personnes d’âge militaire» dispose que: «Les bureaux d’enregistrement des naissances des provinces et les bureaux d’enregistrement public des districts dressent en deux exemplaires une liste nominale par village et une par district des individus qui atteindront l’âge de la conscription dans l’année, avec indication des noms de leurs père et mère, date et lieu de naissance et d’autres renseignements utiles inscrits dans l’acte de naissance, tels que consignés dans le registre des naissances et en adressent un exemplaire au Bureau de recrutement de la région au plus tard le 15 janvier.». La procédure d’enrôlement des individus ayant atteint l’âge de la conscription débute donc par la prise en compte de leur âge, calculé sur la base de la date de naissance inscrite dans l’acte de naissance délivré par les bureaux de l’état civil.
9.Aux termes de l’article 4 de la loi no 1111, «la période de convocation s’étend du début de l’âge de l’enregistrement à l’incorporation. En cas d’état d’urgence ou de mobilisation, les individus en âge d’être appelés mais pas en âge d’être incorporés au regard des dispositions de l’article 8 ainsi que les individus âgés de 19 ans peuvent être incorporés à la demande du Ministère de la défense nationale, après acceptation du Conseil des ministres et approbation du Président». Ainsi, les citoyens turcs ayant 19 ans révolus et ayant déjà subi un examen médical mais sans avoir encore été appelés sont susceptibles d’être incorporés en cas d’état d’urgence ou de mobilisation.
10.En application de l’article 35 de la loi no 1111, pour les individus considérés incapables d’effectuer leur service militaire lors du dernier conseil de révision, pour les motifs prévus dans la loi, les procédures et examens auxquels ils doivent se soumettre sont reportés à l’année suivante. Pour les individus visés par la disposition relative à «ceux qui ne sont pas suffisamment développés physiquement pour effectuer le service militaire», toutes les procédures relatives au service militaire sont différées d’une année; le dossier est réévalué l’année suivante après un nouvel examen médical. Cette opération est répétée pendant cinq ans, à l’issue desquels les individus qui n’ont toujours pas un développement physique suffisant pour effectuer leur service militaire sont exemptés.
11.L’article 81 de la loi no 1111 dispose qu’une fois atteint l’âge militaire légal, toute correction apportée à l’âge d’un individu est sans incidence sur le plan du service militaire. Les comités militaires et les bureaux de recrutement soumettent toutefois au Bureau du Procureur les dossiers des individus non recensés lors du dernier recensement militaire dont l’âge calculé à partir de la date de naissance inscrite dans le registre des naissances semble ne pas correspondre à leur apparence physique, afin que cette instance demande au tribunal compétent de corriger la date de naissance. Les individus concernés effectuent alors leur service militaire sur la base de l’âge déterminé par le tribunal. Au titre de cette disposition, on se fonde pour le recrutement non seulement sur l’année de naissance inscrite dans l’acte de naissance, mais également sur des considérations relatives à la concordance entre l’âge déclaré de l’intéressé et son apparence physique. Les dossiers des individus dont on constate que l’âge ne correspond pas à l’apparence sont adressés au Bureau du Procureur pour que leur date de naissance soit corrigée; les procédures relatives au service militaire sont interrompues ou poursuivies sur la base de la décision du tribunal.
12.En application de l’article 27 de la loi no 1111, le jour fixé il est donné lecture à voix haute des noms des individus figurant sur la liste des conscrits qui vivent dans le village ou la zone où se réunit le conseil de révision. Il est demandé aux membres du conseil communal et aux amis des intéressés si tous les individus dont le nom a été lu sont bien présents. On demande alors la carte d’identité des intéressés présents afin de vérifier leur inscription sur la liste des conscrits. Si leur nom n’y figure pas, on en étudie la raison, on procède légalement, d’un commun accord, à la correction de l’erreur, et une équipe de médecins effectue un examen médical. Il est alors décidé de l’aptitude au service militaire et, le cas échéant, de la possibilité de n’effectuer qu’un service réduit. Les décisions sont communiquées aux individus dûment recensés et inscrits en tant que tels dans la liste des conscrits par le Bureau de recrutement et le Bureau de l’état civil. L’article précité indique qu’il convient d’accorder toute l’attention voulue à la détermination de l’âge réel et de l’identité des citoyens durant l’examen médical pour statuer sur l’aptitude à l’incorporation.
13.L’article 4 de la loi no 1111 dispose qu’en cas de mobilisation ou d’état d’urgence, les individus de 19 ans peuvent être incorporés à la demande du Ministre de la défense nationale, si le Conseil des ministres l’estime nécessaire et si le Président approuve pareille décision.
14.L’article 5 de la loi no 1111 fixe à dix‑huit mois la durée du service militaire pour les sous‑officiers et hommes du rang de l’armée de terre, de la marine, de l’armée de l’air et de la gendarmerie. En temps de paix, le Conseil des ministres peut ramener cette durée à quinze mois, voire douze, en fonction des besoins des forces armées.
15.La durée du service militaire obligatoire se calcule à compter de la date d’incorporation par le Bureau de recrutement. Le double de tout temps de service effectué au‑delà de la durée légale est déduit de la période militaire de réserve. En application de la décision n° 2003/5795 du Conseil des ministres en date du 23 juin 2003, depuis le 15 juillet 2003 le service militaire dure quinze mois pour les sous‑officiers et les hommes du rang et douze mois pour les officiers de réserve.
16.L’article 49 de la loi no 1111 dispose que: «Le jour fixé par le Bureau de recrutement, les individus recensés et jugés aptes − munis de leur carte d’identité et de deux exemplaires de leur ordre de route − sont transférés par des fonctionnaires ou la gendarmerie vers leur lieu d’affectation.».
17.En résumé, la législation en vigueur interdit d’incorporer dans les forces armées ou de faire participer à un conflit armé des individus de moins de 18 ans. L’âge requis pour effectuer le service militaire obligatoire ou volontaire dépasse ce seuil en Turquie.
Article 3, paragraphe 1
18.En vertu de l’article 11 de la loi no 1111, les candidats au service militaire volontaire doivent avoir au moins 18 ans révolus. L’engagement volontaire est inexistant dans la pratique car le service militaire obligatoire permet de disposer d’effectifs suffisants.
Article 3, paragraphes 2 et 4
19.Ces dispositions ne soulèvent aucun problème dans la législation turque.
Article 3, paragraphe 3
20.Ces dispositions ne soulèvent aucun problème dans la législation turque.
Article 3, paragraphe 5
21.Les académies militaires, l’École de médecine militaire et les écoles de sous‑officiers sont chargées de la formation des cadres des Forces armées turques. Ces établissements d’enseignement supérieur offrent une formation universitaire et le niveau d’instruction y est supérieur à celui des lycées militaires et écoles militaires assimilées, où sont scolarisés des jeunes de moins de 18 ans.
22.Au sein de cette structure et sous la supervision des Forces armées turques, les lycées militaires et les écoles préparatoires de sous‑officiers accueillent des élèves que l’on peut considérer comme des enfants. L’admission dans ces établissements d’enseignement secondaire est volontaire et subordonnée au consentement de la famille.
23.Les élèves désireux d’intégrer une école préparatoire de sous‑officiers ou un lycée militaire doivent se présenter volontairement à un examen d’entrée. Les candidats déclarés admissibles à l’issue de cet examen doivent ensuite se soumettre à une nouvelle procédure (visite médicale, tests d’aptitude physique et entretien). Les candidats ayant réussi tous les stades de la procédure sont alors admis dans un de ces établissements. Les parents doivent signer un «document de responsabilité» notarié dans l’optique d’éventuelles demandes d’indemnisation.
24.L’âge minimum d’admission dans les établissements secondaires des Forces armées turques est de 13 ans et l’âge maximum de 16 ans. Les élèves de ces établissements ne relèvent en aucun cas de la responsabilité de l’armée, conformément à la législation militaire, notamment la loi sur le service militaire no 1111, la loi relative aux officiers et militaires de réserve no 1076, la loi pénale militaire no 1632 et la loi sur la constitution des tribunaux militaires et leurs procédures. Ces enfants n’y effectuent pas de service militaire et n’y exercent aucune autre fonction de cet ordre et ne sont pas considérés comme des soldats. Ils n’ont aucun statut, autorité ou grade militaire. Ils n’appartiennent à aucune unité et ne sont que les élèves d’une école militaire. Ces élèves ne peuvent donc être considérés comme membres des forces armées au sens de la Convention et de son Protocole facultatif.
25.Les diplômés de ces écoles préparatoires de sous‑officiers et lycées militaires n’ont aucun statut militaire. En cette qualité, ils ont simplement le droit de se porter candidat à l’entrée dans un établissement militaire d’enseignement supérieur. Ces institutions ne dispensent aucune formation militaire de base et n’inculquent aucune compétence militaire. Afin de se familiariser aux métiers des armes, les élèves qui envisagent de devenir militaires de carrière peuvent suivre des cours sur les règles de discipline militaires et une initiation à la culture générale militaire, etc., à condition que leurs résultats dans les matières d’enseignement général n’en souffrent pas. Ces institutions ne sont donc pas contraires aux dispositions des articles 28 et 29 de la Convention.
26.Dans ces institutions, les activités d’enseignement et d’instruction sont menées dans le respect de la loi sur le personnel des Forces armées turques, du Règlement des lycées militaires des Forces armées turques et du Règlement des écoles préparatoires de sous‑officiers des Forces armées turques. Les enseignements dispensés s’inscrivent dans un programme de cours hebdomadaire approuvé par le Département de l’instruction et de la formation (Ministère de l’éducation nationale). La scolarité est de quatre ans (voir annexe 1). En outre, ces institutions dispensent les cours et utilisent les manuels approuvés par le Département de l’instruction et de la formation et suivent le programme fixé pour les établissements d’enseignement secondaire. Un enseignement relatif aux droits de l’homme est dispensé à ce titre. Les cours sont donnés par des officiers et des enseignants civils titulaires d’un diplôme universitaire dans la matière concernée.
27.Quelque 1 817 élèves fréquentent actuellement les écoles secondaires militaires.
28.En cas de réels besoins militaires, d’état d’urgence, de mobilisation ou de conflit armé, le statut des élèves faisant leurs études dans les établissements des forces armées turques demeurerait inchangé et ils n’auraient donc pas à participer aux combats ou à des opérations auxiliaires.
29.Ces élèves peuvent quitter les établissements d’enseignement secondaire des Forces armées turques en tout temps s’ils le souhaitent. Ils n’ont d’autres obligations que celles spécifiées dans la lettre de responsabilité signée par leur famille dans l’optique d’éventuelles demandes d’indemnités.
30.Les institutions éducatives militaires des Forces armées turques s’acquittent dûment de leurs responsabilités en matière d’orientation. Les élèves de ces établissements peuvent s’entretenir en tout temps avec un conseiller pédagogique, y compris pour exposer leurs problèmes. Ces élèves sont en outre suivis de près par des officiers, qui peuvent au besoin contacter les familles pour discuter de leur situation.
31.Tous les élèves des institutions éducatives militaires créées par les Forces armées turques ou placées sous leur autorité ont la possibilité de formuler des requêtes ou de porter plainte, en suivant les procédures applicables, dans l’exercice du droit de pétition, que garantissent la Constitution et la législation en vigueur.
Article 4
32.Aucun problème ou situation relevant de cet article n’a été constaté en Turquie.
Article 5
33.On trouvera ci‑après des renseignements sur les instruments internationaux mentionnés dans le présent rapport et concernant le Protocole facultatif auxquels la Turquie est partie:
L’instrument de ratification nationale des quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 sur les règles que doivent suivre les parties à un conflit armé a été publié dans le Journal officiel no 8322 du 30 janvier 1953 (promulgation de la loi d’adoption no 6020 du 21 janvier 1953). La ratification des Conventions de Genève était assujettie à leur entrée en vigueur au 10 août 1954. Cette condition ayant été remplie, la Turquie a ratifié les quatre Conventions de Genève;
La Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant a été signée à Strasbourg le 9 juin 1999, assortie d’une déclaration. Le décret no 2002/3910 du Conseil des ministres en date du 12 mars 2002 a été édicté suite à la promulgation de la loi no 4620 du 18 janvier 2001 concernant la ratification de cette convention, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2002, après sa publication dans le numéro 24743 du Journal officiel en date du 2 mai 2002;
En 2001, la Turquie est devenue partie à la Convention no 182 de l’Organisation internationale du Travail concernant l’interdiction des pires formes du travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination.
Article 6, paragraphes 1 et 2
34.En application d’une instruction du Cabinet du Premier Ministre en date du 11 janvier 1995, l’Institut des services sociaux et de la protection de l’enfance est chargé de coordonner l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant en Turquie.
35.Comme indiqué plus haut, la Turquie n’a pas de problème concret concernant le Protocole facultatif et l’administration n’a à ce jour été saisie d’aucune plainte relative à son application. Il n’y a donc pas lieu de prendre de mesures spéciales au titre de cet article.
Article 6, paragraphe 3
36.En Turquie, aucun problème ou situation relevant de cet article n’a été constaté.
Article 7
37.Lors de l’élaboration du présent rapport, aucun programme de coopération technique ou d’assistance financière n’avait été demandé à ou par la Turquie au titre de cet article.
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