Nations Unies

CRC/C/OPAC/PAN/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

21 octobre 2019

Français

Original : anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par le Panama en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport du Panama (CRC/C/OPAC/PAN/1) à sa 2408e séance (voir CRC/C/SR.2408), le 12 septembre 2019, et a adopté les présentes observations finales à sa 2430e séance, le 27 septembre 2019.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/PAN/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du rapport valant cinquième et sixième rapports périodiques que l’État partie a soumis au titre de la Convention (CRC/C/PAN/CO/5-6), adoptées le 2 février 2018.

II.Observations d’ordre général

Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification par l’État partie des instruments internationaux suivants ou son adhésion auxdits instruments :

a)Le Traité sur le commerce des armes, en février 2014 ;

b)La Convention sur les armes à sous-munitions, en novembre 2010 ;

c)Le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en août 2004 ;

d)Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, en mars 2002.

5.Le Comité se félicite en outre des diverses mesures positives prises dans des domaines touchant à la mise en œuvre du Protocole facultatif, en particulier :

a)L’adoption de la Déclaration sur la sécurité dans les écoles, en 2015 ;

b)L’adoption de la loi no 57 du 27 mai 2011 régissant la possession, le port, l’importation, l’exportation et la commercialisation des armes et autres activités connexes.

III.Mesures d’application générales

Coordination

6.Le Comité note que le Secrétariat national à l’enfance, à l’adolescence et à la famille est l’institution chargée de coordonner et d’exécuter les politiques de protection globale des droits de l’enfant et de l’adolescent et d’en assurer le suivi. Toutefois, il constate avec préoccupation qu’il s’agit d’un organe administratif qui ne possède pas l’autorité voulue pour coordonner toutes les activités liées à l’application du Protocole facultatif.

7. Le Comité recommande à l ’ État partie de créer un organe efficace de haut niveau investi d ’ une autorité suffisante et doté d ’ un mandat fort pour coordonner l ’ ensemble des activités liées à la mise en œuvre du Protocole facultatif entre les différents secteurs, aux niveaux national, provincial et local. L ’ État partie devrait veiller à ce qu ’ un tel organe de coordination soit doté des ressources humaines, techniques et financières nécessaires à son bon fonctionnement.

Affectation de ressources

8.Le Comité est préoccupé par l’absence de lignes budgétaires spécifiquement consacrées à la mise en œuvre du Protocole facultatif.

9. Le Comité recommande à l ’ État partie de faire en sorte que des ressources suffisantes et ciblées soient consacrées à l ’ application effective de toutes les dispositions du Protocole facultatif.

Diffusion et sensibilisation

10.Le Comité prend note avec satisfaction des mesures adoptées par l’État partie pour faire connaître les principes du droit international humanitaire et les intégrer dans les programmes de formation des services de sécurité. Toutefois, il regrette que l’État partie n’ait pas mené de campagnes pour faire mieux connaître le Protocole facultatif. Le Comité constate en outre avec préoccupation que les enfants n’ont pas été suffisamment consultés dans le cadre de l’élaboration du rapport de l’État partie et de la mise en œuvre de la Convention.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De redoubler d ’ efforts pour faire largement connaître les principes et les dispositions du Protocole facultatif aux membres des services de sécurité et au grand public, en particulier par des moyens adaptés aux enfants et à leur famille, dont l ’ intégration de ces principes et dispositions dans les programmes scolaires et des campagnes de sensibilisation à long terme ;

b) De dispenser une formation sur les effets néfastes de toutes les infractions visées par le Protocole facultatif et les mesures à prendre pour les prévenir ;

c) De renforcer les mesures prises pour que les enfants soient consultés activement et systématiquement, y compris par l ’ intermédiaire des organisations non gouvernementales qui les représentent et des associations d ’ enfants, dans le cadre de l ’ action menée pour promouvoir et réaliser les droits de l ’ enfant, notamment en les associant aux mesures visant à donner suite aux observations finales du Comité ainsi qu ’ à l ’ élaboration du prochain rapport périodique.

Collecte de données

12.Le Comité note que, depuis 2017, l’État partie utilise le formulaire de demande d’asile pour recueillir des données ventilées sur les personnes qui ont été enrôlées ou utilisées dans le cadre d’hostilités à l’étranger. Il regrette toutefois que ces données ne lui aient pas été communiquées.

13. Le Comité recommande à l ’ État partie de lui fournir, dans son prochain rapport périodique au titre de la Convention, des données à jour, ventilées par sexe, âge, nationalité et origine ethnique, sur les enfants demandeurs d ’ asile, réfugiés ou migrants et sur les enfants non accompagnés qui entrent sur le territoire de l ’ État partie et qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans le cadre d ’ hostilités à l ’ étranger.

IV.Prévention

Prévention de l’enrôlement par des groupes armés non étatiques

14.Le Comité note qu’il n’y a pas toujours de groupes armés non étatiques sur le territoire de l’État partie. Toutefois, il est profondément préoccupé par les informations faisant état de l’enrôlement transfrontalier d’enfants et d’adolescents par des groupes armés non étatiques qui se trouvent temporairement dans des zones peuplées en grande partie par des autochtones et des personnes d’ascendance africaine.

15. Le Comité rappelle à l ’ État partie qu ’ il a l ’ obligation, en vertu du Protocole facultatif, de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir efficacement l ’ enrôlement d ’ enfants par des groupes armés non étatiques, s ’ agissant en particulier des enfants d ’ ascendance africaine et des enfants autochtones, ainsi que des enfants qui vivent dans la pauvreté et de ceux qui vivent dans des zones rurales. À cet égard, le Comité prie instamment l ’ État partie  :

a) De prendre toutes les mesures juridiques, administratives ou institutionnelles propres à prévenir l ’ enrôlement d ’ enfants et à protéger les enfants des violences que commettent les groupes armés non étatiques ;

b) De mettre en place des mécanismes adéquats pour repérer les enfants qui risquent d ’ être enrôlés ou utilisés par des groupes armés non étatiques, notamment les enfants qui vivent dans des zones reculées ou rurales, ainsi que les enfants réfugiés ou demandeurs d ’ asile et les enfants autochtones ;

c) De créer des programmes de sensibilisation et d ’ éducation sur les conséquences néfastes de la participation à des conflits armés, à l ’ intention des enfants, des parents, des enseignants et de tous les acteurs concernés dans les zones frontalières reculées.

Droits de l’homme et éducation pour la paix

16.Le Comité se félicite des mesures prises par le Secrétariat national à l’enfance, à l’adolescence et à la famille et le Ministère de l’éducation pour mettre en œuvre un programme sur les droits et les devoirs de l’enfant et de l’adolescent destiné aux élèves et aux enseignants, qui prévoit des activités de formation régulières sur la Convention relative aux droits de l’enfant et ses protocoles facultatifs. Il regrette toutefois que l’éducation aux droits de l’homme et l’éducation pour la paix, ainsi que la connaissance des dispositions du Protocole facultatif, ne fassent pas expressément partie des programmes de l’enseignement primaire et secondaire ni du programme de formation des enseignants en tant que matière obligatoire.

17. Conformément à son observation générale n o  1 (2001) sur les buts de l ’ éducation, le Comité recommande à l ’ État partie d ’ inscrire l ’ éducation aux droits de l ’ homme et l ’ éducation pour la paix dans les programmes d ’ enseignement de toutes les écoles et dans les programmes de formation des enseignants, en veillant à ce qu ’ il soit fait expressément référence au Protocole facultatif.

V.Interdiction et questions connexes

Interdiction et incrimination de l’enrôlement par des groupes armés non étatiques

18.Le Comité prend note avec satisfaction de l’article 448 du Code pénal, selon lequel toute personne qui enrôle ou engage des enfants ou les utilise dans le cadre d’hostilités est pénalement responsable ; il constate toutefois avec préoccupation que la législation n’érige pas expressément en infraction pénale l’enrôlement et l’utilisation d’enfants dans des conflits armés par des groupes armés non étatiques.

19. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intégrer rapidement dans sa législation une disposition interdisant et incriminant expressément l ’ enrôlement d ’ enfants de moins de 18 ans par des groupes armés non étatiques.

Extradition et compétence extraterritoriale

20.Le Comité constate avec préoccupation qu’en cas de demande d’extradition, le principe de double incrimination est appliqué même lorsque les faits en cause sont qualifiés pénalement dans les deux pays concernés. Il craint en outre que l’absence de dispositions juridiques érigeant expressément en infraction l’enrôlement par des groupes armés non étatiques ne constitue un obstacle à l’extradition d’auteurs d’infractions et à l’exercice par l’État partie de sa compétence extraterritoriale dans des affaires d’enrôlement obligatoire ou d’utilisation d’enfants panaméens dans des hostilités à l’étranger, ou dans des affaires d’enrôlement obligatoire ou d’utilisation d’enfants dans des hostilités par des Panaméens.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie  :

a) D ’ établir et d ’ exercer sa compétence extraterritoriale pour toutes les infractions visées par le Protocole facultatif et de ne pas appliquer le critère de double incrimination ;

b) D ’ inclure les infractions visées par le Protocole facultatif dans tout traité d ’ extradition conclu avec un autre État partie au Protocole facultatif.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures de désarmement, de démobilisation et de réinsertion sociale

22.Le Comité note que, selon l’État partie, il n’existe actuellement aucun programme de démobilisation destiné aux enfants et adolescents victimes d’enrôlement forcé, ni de programmes visant à favoriser leur réinsertion sociale dans l’État partie parce qu’il n’y a pas de conflits armés ni de forces armées sur le territoire national. Le Comité constate également que l’État partie ne dispose pas d’équipe pluridisciplinaire chargée d’aider les enfants réfugiés non accompagnés. Il relève avec préoccupation que l’État partie est un pays de destination pour les demandeurs d’asile et les migrants, dont certains sont des enfants qui viennent de pays touchés par un conflit armé, et regrette l’absence d’informations sur les mesures adoptées aux fins du repérage, de la réadaptation physique et psychologique et de la réinsertion sociale de ces enfants.

23. Attirant son attention sur les obligations qui lui incombent au titre de l ’ article 7 du Protocole facultatif, le Comité demande instamment à l ’ État partie de garantir une aide et un appui appropriés et rapides aux enfants migrants, réfugiés et demandeurs d ’ asile, dont certains pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans le cadre d ’ hostilités à l ’ étranger, et d ’ assurer pleinement la protection de ces enfants, conformément aux normes internationales. À cet égard, le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ établir un mécanisme pour le repérage précoce de tous les enfants migrants, demandeurs d ’ asile et réfugiés qui risquent d ’ avoir été enrôlés ou utilisés dans le cadre d ’ hostilités à l ’ étranger ou qui l ’ ont été et de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le bon fonctionnement de ce mécanisme ;

b) De prendre toutes les mesures nécessaires −  y compris l ’ évaluation attentive de la situation des enfants qui pourraient avoir été impliqués dans des conflits armés à l ’ étranger, le renforcement des services juridiques consultatifs mis à leur disposition et la fourniture d ’ une assistance pluridisciplinaire immédiate adaptée à leur âge et à leur culture  − de façon à ce que ces enfants reçoivent une aide aux fins de leur réadaptation physique et psychologique et à ce qu ’ ils aient accès aux programmes de réadaptation et de réinsertion ;

c) De dispenser à toutes les équipes pluridisciplinaires de professionnels qui travaillent avec ou pour des enfants, en particulier les agents des services de l ’ immigration, les membres des forces de l ’ ordre, les juges, les procureurs, les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé, une formation systématique au repérage précoce des enfants réfugiés, demandeurs d ’ asile ou migrants qui pourraient avoir été impliqués dans un conflit armé à l ’ étranger, et de renforcer ces activités de formations.

24. Le Comité recommande aussi à l ’ État partie de tenir compte de son observation générale n o  6 (2005) sur le traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de leur pays d ’ origine .

VII.Assistance et coopération internationales

Coopération internationale

25. Le Comité recommande à l ’ État partie de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et avec la Représentante spéciale du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, et d ’ étudier la possibilité d ’ accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance et d ’ autres organismes des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

VIII.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

26. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment qu ’ elles soient transmises au Ministère de la sécurité publique, au Ministère du développement social, au Secrétariat national à l ’ enfance, à l ’ adolescence et à la famille, à l ’ Office national de protection des réfugiés, au ministère public, au système judiciaire et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

27. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites à la liste de points soumis par l ’ État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés, notamment sur Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupes de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

B.Prochain rapport périodique

28. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu ’ il soumettra en application de l ’ article 44 de la Convention.