NATIONS UNIES

CRC

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr.GÉNÉRALE

CRC/C/OPAC/TUN/Q/1/Add.117 décembre 2008

Original : FRANÇAIS

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT Cinquantième session12 – 30 janvier 2009

RÉPONSES ÉCRITES DU GOUVERNEMENT DE LA TUNISIE À LA LISTE DES POINTS À TRAITER (CRC/C/OPAC/TUN/Q/1) À L’OCCASION DE L’EXAMEN DU RAPPORT INITIAL DE LA TUNISIE PRÉSENTÉ CONFORMÉMENT AU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 8 DU PROTOCOLE FACULTATIF À LA CONVENTION RELATIVE AUX DROITS DE L’ENFANT, CONCERNANT L’IMPLICATION D’ENFANTS DANS LES CONFLITS ARMÉS (CRC/C/OPAC/TUN/1)

[Réponses reçues le 4 décembre 2008]

Réponse du Gouvernement tunisien aux questions du Comité des droits de l'enfant

Réponse à la première question

1.Le droit tunisien n'incrimine pas l'engagement des enfants dans les conflits armés. Cette solution n'offre nullement la possibilité d'impliquer les enfants dans des conflits armés. Il faut rappeler, à cet égard, que la législation tunisienne interdit de façon absolue l'enrôlement des enfants dans des forces armées. Cette interdiction, qui ne souffre d’aucune exception, découle du Code de la protection de l'enfant dont l'article 18 interdit « de faire participer les enfants dans les guerres et les conflits armés » ainsi que de l'article 2 de la loi du 14 janvier 2004 relative au service national qui fixe à 18 ans l'âge minimum de l'accomplissement du service militaire.

2.La non-incrimination de l'engagement des enfants dans les conflits armés trouve son explication dans les principes de la politique pénale suivie en Tunisie. En effet, le législateur tunisien considère que l'incrimination n'est envisageable que de façon exceptionnelle comme ultime solution pour faire face à un problème dont le traitement par les moyens de droit commun se serait avéré difficile ou infructueux.

3.En application de ce principe, le législateur considère que le contexte sociopolitique en Tunisie n'exige pas une incrimination de l'implication des enfants dans les conflits armés et qu'une interdiction formelle dans ce sens suffit pour atteindre l'objectif recherché, à savoir la protection des enfants de tout enrôlement dans les forces armées.

4.Les circonstances qui ont fait que le législateur s’est contenté de poser l'interdiction sans aller jusqu'à l'incrimination peuvent être résumées comme suit :

La détention de la force armée est un monopole de l'armée nationale depuis le décret du 30 juin 1956 relatif à l'institution de l'armée tunisienne. Par conséquent, aucun groupe et aucune milice ne sont autorisés à se constituer ni à détenir des armes en Tunisie. L'enrôlement des citoyens dans l'armée étant du ressort exclusif de l'armée nationale, ce sont donc les services administratifs de l’armée qui veillent à ce qu'aucune personne ne soit enrôlée avant qu'elle n'atteigne l'âge de 18 ans accomplis. L'implication d'enfants dans les forces armées est donc une hypothèse totalement écartée dès lors que c'est l'armée nationale qui veille elle-même au respect des conditions légales d'enrôlement notamment la condition relative à l'âge minimum.

La Tunisie est un pays qui prône la paix et qui n'a connu aucun conflit armé depuis l'époque de la lutte pour l'indépendance. Ce contexte explique que le recrutement des enfants dans les armées n'est pas un problème d'actualité en Tunisie eu égard aux réalités du pays.

5.Il est donc clair que le recours à l'incrimination n'est pas, dans le contexte tunisien, une nécessité ce qui explique que le législateur ait jugé suffisant de se contenter de poser l'interdiction formelle d'engager les enfants dans les conflits armés.

Réponse à la deuxième question

6.En application de l'article 2 de la loi du 14 janvier 2004 relative au service national, nul n'est autorisé à effectuer son service national avant l'âge de 18 ans. La vérification de l'âge du volontaire s'effectue sur production d'un extrait de naissance, ce document officiel est seul admis à prouver de façon précise la date de naissance.

7.Il est à noter que le législateur tunisien a réglementé l'état civil en vertu de la loi du 1er août 1957. Cette loi oblige, à peine d'encourir une peine de six mois d'emprisonnement, toute personne ayant assisté à un accouchement de déclarer la naissance, dans les 10 jours, à l'officier de l'état civil. L'acte de naissance est dressé immédiatement et doit énoncer notamment l'heure et le jour de la naissance. Les registres de l'état civil sont tenus par les services de l'État, en l'occurrence les officiers de l'état civil sous le contrôle de la justice puisque les registres doivent être paraphés sur chaque page par un juge.

8.Cette réglementation minutieuse de l'état civil garantit la vérification précise de l'âge de toute personne avant qu'elle ne soit admise à accomplir son service national. On peut donc affirmer qu'il est écarté qu'une personne accomplisse, en Tunisie, son service national avant l'âge de 18 ans accomplis.

Réponse à la troisième question

9.En réponse à la première partie de cette question, il y a lieu de souligner que la loi tunisienne ne reconnaît pas la compétence universelle des tribunaux tunisiens pour connaître des crimes de guerre d'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les conflits armés.

10.S'agissant de la deuxième partie de cette question, les juridictions tunisiennes sont compétentes pour poursuivre et juger les infractions commises à l'étranger par un Tunisien ou contre un Tunisien. Cette solution découle des articles 305 et 307 bis du Code de procédure pénale.

Réponse à la quatrième question

11.La Tunisie n’a enregistré aucune demande d’asile émanant d’un enfant fuyant son recrutement ou son enrôlement dans des conflits armés.

Réponse à la cinquième question

12.Les pouvoirs publics tunisiens sont conscients que les groupes terroristes ne reculeraient devant rien en vue de propager la terreur et n'hésiteraient pas à abuser de l'innocence des enfants pour les associer à leurs projets.

13.Pour protéger les enfants de l'enrôlement dans les groupes terroristes, plusieurs mesures sont prises, les unes sont d'ordre juridique, les autres d'ordre éducatif.

14.D'une part, le législateur tunisien a fait de l'association d'un enfant à un projet terroriste un motif aggravant interdisant à l'auteur d'une telle infraction le bénéfice des circonstances atténuantes. C'est dans ce sens que l'article 30 de la loi du 10 décembre 2003 relative aux efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d'argent dispose que « la peine maximale est encourue si l'infraction [terroriste] est commise en y associant un enfant ».

15.En application de cette règle, les peines suivantes sont encourues si des enfants sont associés à la commission d'infractions terroristes :

Est puni de 12 ans d'emprisonnement et d'une amende de 20 000 dinars celui qui appelle des enfants à commettre des infractions terroristes, ou à adhérer à une organisation ou entente en rapport avec des infractions terroristes (article 12 de la loi du 10 décembre 2003 précitée).

Est puni de 12 ans d'emprisonnement et d'une amende de 50 000 dinars quiconque utilise le territoire de la République pour recruter ou entraîner des enfants en vue de commettre un acte terroriste sur le territoire ou hors du territoire de la République (article 14 de la loi du 10 décembre 2003).

Est puni de 20 ans d'emprisonnement et d'une amende de 50 000 dinars quiconque procure des armes, explosifs, munitions ou autres matières, matériels ou équipements de même nature, à des enfants en vue de commettre des infractions terroristes (article 16 de la loi du 10 décembre 2003).

16. Ces règles s'appliquent également aux groupes terroristes opérant en dehors du territoire tunisien si les infractions sont commises par un citoyen tunisien, ou une personne résidant habituellement en Tunisie ou s'y trouvant, si la victime est de nationalité tunisienne, si les intérêts visés par les auteurs de l'infraction sont tunisiens (article 55 de la loi du 10 décembre 2003). Il y a lieu en outre d'ajouter que l'article 14 de la loi du 10 décembre 2003 précise expressément qu'il s'applique à tous ceux qui utilisent le territoire de la République pour recruter des personnes en vue de commettre des infractions terroristes, permettant ainsi d'englober dans son champ d'application les groupes terroristes, opérant dans des États voisins, qui tenteraient d'utiliser la Tunisie comme base arrière pour y recruter des enfants afin de les associer à des projets terroristes.

17. D'autre part, la Tunisie mise sur l'éducation comme vecteur des valeurs de tolérance et de rejet de toute forme de violence, deux textes permettent d'illustrer l'effort déployé dans ce sens par le législateur tunisien :

18.L’article premier du Code de la protection de l'enfant dispose qu'il a pour objectif d'élever « l’enfant dans la fierté de son Identité Nationale, […]tout en s’imprégnant de la culture de la Fraternité Humaine et de l’ouverture à l’autre » et de le préparer « à une vie libre et responsable dans une société civile solidaire, fondée sur l’indissociabilité entre la conscience des droits et de respect des devoirs, où prévalent les valeurs de l’équité, de la tolérance et de la modération ».

19.Ainsi, en mettant l'accent sur les valeurs d'ouverture, de tolérance et de modération, le Code de la protection de l'enfant démontre que l'effort déployé par la Tunisie pour protéger l'enfance du fanatisme et du risque terroriste est un effort qui commence à la base visant les jeunes générations dans le but d'enraciner les valeurs d'ouverture dans les mentalités. La vision du législateur tunisien est donc une vision à long terme, seule garante de l'enracinement de la culture de la paix dans la mentalité des enfants.

20. La Tunisie considère que l'éducation constitue le moyen le plus efficace pour enraciner dans la société les valeurs de tolérance et de rejet de toute forme de haine et de fanatisme. Cet objectif se traduit clairement dans la loi d'orientation du 23 juillet 2002 relative à l'éducation et à l'enseignement scolaire qui dispose dans son article premier que « l'éducation est une priorité nationale absolue et l'enseignement est obligatoire de six à seize ans. L'enseignement est un droit fondamental garanti à tous les Tunisiens sans discrimination fondée sur le sexe, l'origine sociale, la couleur ou la religion ».

21. L'article 3 de la même loi ajoute que « l'éducation a pour but d'enraciner l'ensemble des valeurs partagées par les Tunisiens et qui sont fondées sur la primauté du savoir, du travail, de la solidarité, de la tolérance et de la modération. Elle est garante de l'instauration d'une société profondément attachée à son identité culturelle, ouverte sur la modernité et s'inspirant des idéaux humanistes et des principes universels de liberté, de démocratie, de justice sociale et des droits de l'homme ».

22. Le système éducatif tunisien, véhiculant un message de non-discrimination, de liberté et de paix, constitue donc un moyen supplémentaire pour prévenir de la haine et du fanatisme.

23. Ces efforts sont appuyés par un travail intensif sur terrain dont le but est de dialoguer avec les jeunes afin de les sensibiliser aux risques de l'endoctrinement terroriste. C'est dans ce cadre que l'année 2008 a été déclarée année de dialogue avec les jeunes. Plusieurs réunions, forums et groupes de discussions se sont réunis et à l'échelle locale et à l'échelle nationale ouvrant ainsi des espaces de dialogue pour que les jeunes expriment leurs préoccupations et ambitions. Ces forums de dialogue ont permis aux jeunes de formuler leurs idées dans « le Pacte de la Jeunesse Tunisienne » qui synthétise leurs aspirations et leurs revendications. Il est à noter que les jeunes ont insisté, dans leur Pacte, sur leur refus « de l’extrémisme, du fanatisme et du terrorisme  » démontrant ainsi qu'ils sont pleinement conscients de la menace terroriste et qu'ils sont attachés à défendre les valeurs « de la paix, du bien, de la solidarité et de l’entraide humaines ».

24. Les pouvoirs publics tunisiens demeurent vigilants et déploient tous les efforts possibles pour protéger l'enfance et la jeunesse du fléau terroriste. La scolarisation massive atteignant un taux de 99 % en 2007, la focalisation des efforts de développement sur les régions défavorisées et l'institution de plusieurs mécanismes d'aide à l'insertion professionnelle des jeunes constituent les principaux axes d'action pour immuniser la jeunesse tunisienne contre toute influence terroriste.

Réponse à la sixième question

25. La Tunisie n'est partie à aucun programme de coopération, technique ou financière, pour assistance à la mise en œuvre du Protocole.

Réponse à la septième question

26. Prônant la paix et la sécurité dans le monde, la Tunisie ne fabrique pas et n'exporte pas des armes de quelque nature que ce soit. Par conséquent, la question de l'interdiction de l'exportation des armes aux pays où les enfants sont utilisés dans des conflits armés ne se pose pas pour la Tunisie.

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