Nations Unies

CRC/C/OPAC/LKA/CO/1

Convention relative aux droits de l ’ enfant

Distr. générale

19 octobre 2010

Français

Original: anglais

Comité des droits de l ’ enfant

Cinquante-cinquième session

13 septembre-1er octobre 2010

Examen des rapports présentés par les États parties conformément à l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés

Observations finales: Sri Lanka

1.Le Comité a examiné le rapport initial de Sri Lanka (CRC/C/OPAC/LKA/1) à sa 1571e séance (CRC/C/SR.1571), tenue le 24 septembre 2010, et a adopté les observations finales ci-après à sa 1583e séance (CRC/C/SR.1583), le 1er octobre 2010.

Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial présenté par l’État partie, mais regrette que ce rapport n’ait pas été établi conformément aux directives concernant les rapports à soumettre au titre du Protocole facultatif (CRC/C/OPAC/2). Le Comité accueille aussi avec satisfaction les réponses écrites de l’État partie à la liste des points à traiter (CRC/C/OPAC/LKA/Q/1/Add.1) et se réjouit de son dialogue constructif avec la délégation intersectorielle.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues conjointement avec les observations finales concernant les troisième et quatrième rapports soumis en un seul document (CRC/C/LKA/CO/3-4), adoptées le 1er octobre 2010.

I.Aspects positifs

4.Le Comité relève les éléments positifs ci-après:

a)L’État partie a accompagné sa ratification du Protocole facultatif d’une déclaration dans laquelle il a fixé à 18 ans l’âge minimum de l’engagement volontaire dans les forces armées;

b)Il n’y a pas de conscription dans l’État partie et l’âge minimum de l’engagement volontaire est fixé à 18 ans, sans exception;

c)Le Code pénal a été modifié (loi portant modification no 16 du 1er janvier 2006) afin d’incriminer l’engagement ou l’enrôlement d’enfants dans un conflit armé.

5.Le Comité se félicite aussi de la ratification, le 1er mars 2001, de la Convention no182 (1999) de l’Organisation internationale du Travail concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination.

II.Mesures d’application générales

Surveillance indépendante

6.Le Comité note avec préoccupation que la Commission nationale des droits de l’homme n’est pas pleinement indépendante et ne dispose pas des moyens humains, financiers et techniques requis pour s’acquitter efficacement de ses responsabilités. Le Comité regrette en outre que l’État partie n’ait pas donné suite à sa recommandation l’appelant à envisager de créer un bureau des droits de l’enfant au sein de la Commission afin de la rendre plus accessible aux enfants.

7. Le Comité engage l ’ État partie à faire le nécessaire pour garantir l ’ indépendance de la Commission nationale des droits de l ’ homme, conformément aux principes relatifs au statut des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris). Attirant l ’ attention sur son O bservation générale n o 2 (2002) concernant le rôle des institutions nationales indépendantes des droits de l ’ homme dans la promotion et la protection des droits de l ’ enfant, le Comité appelle en outre l ’ État partie à faire en sorte que la Commission nationale des droits de l ’ homme soit dotée des moyens humains, financiers et techniques requis pour s ’ acquitter efficacement de ses responsabilités. Il engage en outre l ’ État partie à envisager de mettre en place au sein de la Commission un bureau des droits de l ’ enfant ou un médiateur des enfants. L ’ État partie devra faire en sorte que ce bureau ou ce médiateur dispose des moyens humains, financiers et techniques requis, soit accessible à tous les enfants et soit habilité à recevoir, instruire et traiter les plaintes émanant d ’ enfants, en particulier de ceux affectés par un conflit.

Diffusion et sensibilisation

8.Le Comité s’inquiète du caractère très limité des mesures prises par l’État partie pour diffuser le Protocole facultatif auprès du public en général et des enfants en particulier.

9. Eu égard au paragraphe 2 de l ’ article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l ’ État partie de diffuser largement les principes et dispositions inscrites dans cet instrument auprès du public en général et des enfants en particulier.

Formation

10.Le Comité note avec préoccupation que les groupes professionnels concernés, en particulier les militaires, les policiers et les autres membres des services de sécurité, de même que le personnel en charge de l’administration de la justice, ne reçoivent pas une formation appropriée aux dispositions du Protocole facultatif, comme l’atteste le peu d’information fourni à ce sujet par l’État partie.

11. Le Comité recommande à l ’ État partie de développer la formation relative aux droits de l ’ homme dispensée aux membres des forces armées, aux policiers, aux autres membres des services de sécurité et aux fonctionnaires en charge de l ’ administration de la justice, et de veiller à ce qu ’ ils reçoivent une formation spéciale sur les dispositions du Protocole facultatif. Le Comité recommande de plus à l ’ État partie d ’ élaborer des programmes de sensibilisation, d ’ éducation et de formation sur les dispositions du Protocole à l ’ intention des groupes professionnels travaillant avec les enfants, notamment des membres des forces de l ’ ordre, des travailleurs sociaux, des professionnels de santé, des enseignants, des journalistes et des fonctionnaires locaux et de district. L ’ État partie est invité à fournir des informations sur ce point dans son prochain rapport.

Enfants tués

12.Le Comité est vivement préoccupé par l’insuffisance des efforts entrepris par l’État partie pour enquêter sur le décès de centaines d’enfants au cours des cinq derniers mois du conflit en 2009, décès qui seraient imputables en particulier à des pilonnages et bombardements aériens visant des civils, des hôpitaux, des écoles et des structures humanitaires, et à la privation délibérée de nourriture, de soins et d’assistance humanitaire.

13. Le Comité engage l ’ État partie à diligenter des enquêtes rapides, indépendantes et impartiales, à traduire en justice les tueurs d ’ enfants et à leur infliger des sanctions pénales appropriées, tout en veillant à prévenir de nouvelles tueries d ’ enfants. À cette fin, le Comité engage l ’ État partie à coopérer pleinement avec la C ommission consultative d ’ experts instituée par le Secrétaire général sur les allégations de violations des droits de l ’ homme à Sri Lanka, qui aidera la Commission des enseignements et de la réconciliation de l ’ État partie à instituer un mécanisme de mise en cause des responsables crédible et efficace et à appliquer les meilleures pratiques internationales en la matière.

Enfants disparus et collecte de données

14.Le Comité relève avec préoccupation que les données sur les enfants dans le conflit armé sont collectées presque exclusivement par le canal d’une base de données mise en place en 2003 par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Le Comité note avec une vive inquiétude qu’en dépit de certains progrès concernant la recherche des familles, le sort de centaines d’enfants disparus n’a toujours pas été élucidé et que beaucoup d’enfants n’ont toujours pas été identifiés, en raison principalement de l’absence de structure de recherche coordonnée et des difficultés auxquelles se heurtent les organisations humanitaires, en particulier celles spécialisées dans la recherche familiale et le regroupement familial, pour accéder aux camps et aux zones de transit, de retour et de réinstallation. Le Comité s’inquiète aussi de l’absence de données précises sur les enfants décédés du fait du conflit et des difficultés qu’éprouvent les familles à obtenir des certificats de décès.

15. Le Comité engage l ’ État partie à déterminer ce qu ’ il est advenu de tous les enfants dont le sort demeure inconnu et à collecter à cette fin des données précises sur tous les aspects couverts par le Protocole facultatif, notamment les enfants enrôlés et employés dans les conflits armés, les enfants disparus, les enfants non accompagnés et séparés et les enfants rendus à leur famille. Il engage aussi l ’ État partie à garantir un accès total du nord et de l ’ est du pays aux organisations humanitaires locales et internationales et aux partenaires dotés d ’ un savoir-faire spécifique en matière de recherche familiale et de regroupement familial. Le Comité engage en outre l ’ État partie à prendre, en se fondant sur les données collectées, toutes les mesures nécessaires en vue d ’ accélérer le processus de délivrance de certificats de décès et, le cas échéant, à réaliser des tests ADN.

III.Prévention

Prévention de l’enrôlement par des forces armées non étatiques

16.Le Comité est préoccupé par l’insuffisance des informations fournies par l’État partie au sujet des mesures prises pour prévenir l’enrôlement et l’emploi d’enfants dans les conflits armés. Le Comité note aussi avec préoccupation qu’il a été impossible de vérifier les informations figurant dans le dernier rapport de l’Envoyé spécial du Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés concernant le réenrôlement d’enfants par un ancien commandant du Tamil Makkal Viduthalai Puligal (TMVP) dans le district d’Ampara, et que la position de l’État partie, selon lequel le besoin d’un tel enrôlement a cessé d’être, n’empêche pas l’adoption de mesures concrètes visant à prévenir le réenrôlement d’enfants et à enquêter sur les cas éventuels. Le Comité relève également que les efforts de prévention sont entravés par le manque de services de protection et de services sociaux en faveur de l’enfance dans les régions touchées par la guerre, où seuls quelques agents qualifiés ont été déployés, équipés et financés pour subvenir aux besoins de milliers d’enfants particulièrement vulnérables.

17. Se fondant sur l ’ article 4 du Protocole, le Comité engage l ’ État partie à prendre toutes les mesures envisageables pour éliminer les causes de l ’ enrôlement et empêcher l ’ utilisation de mineurs de 18 ans par des groupes armés non étatiques. Le Comité encourage l’État partie à créer sans plus tarder les comités de village chargés de surveiller et prévenir l ’ enrôlement d ’ enfants dans un conflit armé mentionnés dans son rapport (CRC/C/OPAC/LKA/1, par. 95). Le Comité engage en outre l ’ État partie à faire du bien-être et de la protection des enfants une priorité de ses projets de reconstruction dans le nord et l ’ est du pays et à rétablir de toute urgence les services de protection et de promotion du bien-être des enfants dans les régions sinistrées par la guerre.

Éducation aux droits de l’homme et pour la paix

18.Tout en relevant qu’une évaluation des besoins d’éducation dans les régions touchées par le conflit a été réalisée en 2003, notamment en matière d’éducation pour la paix, le Comité s’inquiète de l’absence d’information sur l’éducation spécifique relative aux droits de l’homme dispensée dans le cadre des programmes scolaires de tous les niveaux, y compris l’éducation pour la paix.

19. Considérant que l ’ éducation aux droits de l ’ homme et pour la paix est essentielle pour promouvoir une culture de paix et de relations harmonieuses propres à développer un esprit de non-violence chez les enfants et dans la société en général, le Comité recommande à l ’ État partie de prendre promptement des mesures concrètes tendant à systématiser l ’ éducation aux droits de l ’ homme et, plus particulièrement, l ’ éd ucation pour la paix dans les écoles et à former les enseignants et autres professionnels pour leur permettre d ’ aider les élèves à résoudre les conflits par l ’ apprentissage des techniques de résolution des conflits et la médiation des pairs.

Mines terrestres

20.Le Comité note qu’en dépit des efforts faits par l’État partie en matière de déminage et d’éducation aux risques liés aux mines, les enfants demeurent exposés au risque d’être tués ou mutilés par des mines antipersonnel et des munitions non explosées. Il note aussi avec inquiétude que toutes les familles déplacées à l’intérieur du pays ne reçoivent pas systématiquement une éducation aux risques liés aux mines avant leur retour dans leur région d’origine et que l’assistance en faveur des rescapés des mines demeure insuffisante.

21. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De continuer à renforcer les campagnes de sensibilisation et les activités de déminage, notamment en augmentant les moyens financiers consacrés aux activités de déminage, en coopération avec les unités de déminage humanitaire et les agents des organisations internationales et non gouvernementales en charge du déminage;

b) D ’ envisager de mettre en place des programmes de réadaptation spécialisés pour les enfants blessés par l ’ explosion de mines et touchés par les autres conséquences du conflit armé, et de veiller à ce que tous les enfants concernés puissent bénéficier de ces programmes, notamment en accroissant les ressources affectées aux centres d ’ action sociale et en élargissant la couverture du système de prestations au titre du handicap;

c) De veiller à ce que les familles déplacées dans le pays reçoivent une éducation sur les risques liés aux mines avant, pendant et après leur retour, et d ’ introduire des mesures éducatives adaptées aux enfants, en coordination avec la société civile, particulièrement au niveau municipal, dans les zones rurales où la présence de mines est soupçonnée ou avérée;

d) D ’ envisager de devenir partie à la Convention sur l ’ interdiction de l ’ emploi, du stockage, de la production et du transfert de mines antipersonnel et sur leur destruction.

IV.Interdiction et mesures connexes

Législation

22.Tout notant avec satisfaction que la loi no 16 en date du 1er janvier 2006 portant modification du Code pénal incrimine l’engagement et le recrutement d’enfants dans le but de les employer dans un conflit armé, le Comité regrette vivement que cette nouvelle loi n’aie pas encore donné lieu à l’ouverture de poursuites judiciaires et que les personnes ayant enrôlé et employé des enfants continuent à vivre dans l’impunité. Le Comité note avec une vive inquiétude que les investigations sur le sort des derniers enfants enrôlés par le TMVP avancent lentement et que selon certaines allégations des fonctionnaires de l’État se feraient complices de l’enrôlement d’enfants par le groupe Karuna.

23. Le Comité engage l ’ État partie à enquêter en priorité sur le sort des derniers enfants enrôlés par le TMVP, comme suite aux recommandations formulées par l ’ Envoyé spécial du Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés dans son rapport de décembre 2009. Le Comité engage en outre l ’ État partie à prendre des mesures plus concrètes pour donner suite à la recommandation du Secrétaire général (S/2009/ 325, par. 58 c)) priant le Gouvernement de veiller à l ’ application efficace de sa politique de «tolérance zéro» en matière de recrutement d ’ enfants et notamment de mener des enquêtes systématiques et diligentes sur chaque cas signalé, d ’ engager des poursuites et de faire condamner les personnes reconnues responsables et de mener à son terme l ’ enquête ouverte par le Comité interministériel sur la complicité d ’ agents de l ’ État dans l ’ enlèvement et le recrutement d ’ enfants.

Occupation d’écoles par des militaires

24.Le Comité note avec une vive inquiétude que des écoles sont encore occupées par les forces armées de l’État partie ou utilisées pour héberger des «séparés». Il s’inquiète aussi de l’état de dégradation dans lequel ces occupants laissent ces écoles à leur départ.

25. Le Comité appelle l ’ État partie:

a) À mettre fin immédiatement à l ’ occupation et à l ’ utilisation d ’ écoles par des militaires et à veiller à respecter strictement le droit humanitaire et le principe de distinction ainsi qu ’ à cesser d ’ utiliser la section primaire de l ’ école V/Tamil MV et du collège central Omantahi de Var uniya pour héberger des «séparés»;

b) À veiller à ce que les infrastructures scolaires dégradées suite à leur occupation par des militaires soient rapidement et intégralement remises en état.

Activités des écoles militaires

26.Le Comité note avec satisfaction que selon l’État partie le Ministère de l’éducation supervise l’administration, les programmes et le fonctionnement de l’école des cadets, mais constate avec préoccupation que la formation des cadets donne lieu au port d’armes à feu durant les exercices de défilé.

27. Le Comité engage l ’ État partie à veiller à ce que la formation des cadets ne comporte aucune activité militaire. Il appelle en outre l ’ État partie à interdire le maniement et l ’ usage d ’ armes à feu pour tous les enfants, conformément au Protocole facultatif.

V.Protection, réadaptation et réinsertion

Restrictions de l’accès humanitaire aux enfants

28.Le Comité note avec alarme qu’en juin 2010 le Ministère de la défense a ordonné à tous les commandants des forces de sécurité de restreindre l’accès humanitaire pour la quasi-totalité des organismes des Nations Unies, des organisations internationales et des organisations non gouvernementales nationales et internationales, alors que les familles déplacées, en particulier les familles vivant dans un camp, manquent de nourriture et ont un besoin urgent d’assistance.

29. Le Comité rappelle à l ’ État partie que les organisations humanitaires internationales et autres acteurs légitimes ont le droit d ’ offrir leurs services aux personnes déplacées et l ’ appelle donc à lever immédiatement les restrictions inutiles aux activités des organisations humanitaires et à n ’ opposer aucun obstacle à la prestation de services aux familles déplacées et aux enfants qui ont un besoin urgent d ’ assistance.

Protection des victimes et des témoins de crimes

30.Le Comité prend note avec préoccupation du peu de progrès intervenus depuis 2008 sur la voie de l’adoption du projet de loi sur l’assistance et la protection des victimes et témoins d’infractions. De ce fait, actuellement aucune disposition ne permet de protéger les témoins dans l’État partie, ce qui entrave les enquêtes sur les affaires d’enrôlement et d’emploi d’enfants dans le conflit armé. Le Comité prend également note avec préoccupation des représailles, menaces et manœuvres d’intimidation dont auraient été victimes certaines personnes après avoir signalé des cas d’enrôlement et d’utilisation d’enfants pendant le conflit armé. Il s’inquiète en outre du fait que le projet de loi présente certaines lacunes et que ses dispositions sont insuffisantes pour assurer la pleine prise en considération des besoins spécifiques des enfants.

31. Le Comité engage l ’ État partie à examiner attentivement les lacunes du projet de loi sur la protection des témoins , qui sont susceptibles de nuire à la protection effective des enfants victimes et témoins , en vue d ’ en mettre le texte en conformité avec les normes reconnues internationalement et les meilleures pratiques en matière de protection des victimes et témoins d ’ infraction , et à en accélérer l ’ adoption. Le Comité appelle aussi l ’ État partie à veiller à que la loi tienne pleinement compte des besoins spécifiques aux enfants en matière d ’ appréciation de la menace, de protection et d ’ assistance. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie de mettre rapidement en place un programme de protection des témoins et à lui affecter des ressources suffisantes de manière, en particulier, à doter sa division de la protection d ’ agents expérimenté s spécialement formé s pour travailler auprès des enfants.

Détention d’enfants dans le cadre de l’état d’urgence

32.Le Comité constate avec une profonde inquiétude que des enfants soupçonnés d’atteintes à la sécurité ont été détenus, et le sont peut-être encore, en vertu du règlement no 1 relatif à l’état d’urgence (dispositions et prérogatives diverses) de 2005 et de la loi sur la prévention du terrorisme. Le Comité relève avec une vive inquiétude que ces enfants sont susceptibles d’être détenus jusqu’à un an dans des lieux de détention tenus secrets et de se voir refuser l’accès à un avocat, à un membre de leur famille, à un juge et à toute autre autorité pour contester la légitimité de leur détention.

33. Le Comité engage l ’ État partie à enquêter à nouveau sans délai pour s ’ assurer que plus aucun enfant n ’ est détenu en vertu de dispositions législatives relatives à la sécurité ou à la prévention du terrorisme. Le Comité engage en outre l ’ État partie à abroger sans délai les règlements relatifs à l ’ état d ’ urgence susceptibles de fonder la détention d ’ enfants hors du cadre du système judicaire ordinaire.

34.Le Comité note l’adoption du règlement no 1580/5 de 2008 relatif à l’état d’urgence concernant des procédures de réadaptation et de réinsertion respectueuses de l’enfant pour les enfants associés à des groupes armés, qui prévoit une intervention de la justice dans le processus de réadaptation et de réinsertion. Le Comité note cependant avec préoccupation que ce processus n’est pas conforme aux règles internationales relatives à la justice pour mineurs, s’agissant en particulier du droit des enfants d’être assistés par un conseil et de contester la légitimité de leur placement en centre d’hébergement protégé, ce pourquoi les organismes des Nations Unies sont défavorables au règlement relatif à l’état d’urgence.

35. Le Comité engage l ’ État partie à réviser le cadre juridique applicable à la réadaptation et à la réinsertion des enfants et à veiller à ce que les enfants:

a) Puissent exercer leur droit d ’ être entendu s , reçoivent un exemplaire du rapport d ’ enquête sociale et soient informé s des preuves dont sont saisis les magistrats;

b) Soient autorisés à bénéficier de l ’ assistance d ’ un conseil juridique;

c) Puissent contester la légalité de leur détention devant une autorité supérieure et produire des éléments de preuve supplémentaires à leur décharge.

Centres de réadaptation

36.Le Comité se félicite de l’information donnée par l’État partie selon laquelle les 667 enfants ayant suivi une réadaptation, dont certains avaient été longtemps placés en centre de réadaptation et séparés de leur famille, ont tous été rendus à leur famille à leur sortie. Il constate toutefois avec préoccupation que des militaires sont associés à l’exécution des programmes de réadaptation.

37. Le Comité engage l ’ État partie à lancer promptement des programmes de réadaptation dans le cadre de la famille et de la communauté, conformément au règlement n o 1580/5 relatif à l ’ état d ’ urgence, et de ne recourir à des centres de réadaptation qu ’ en dernier recours. Le Comité engage en outre l ’ État partie à veiller à ce que les centres de réadaptation soient administrés e t dirigés en se conformant aux p rincipes et directives relatifs aux enfants associés à des forces ou groupes armés, en particulier à ne plus affecter des militaires à l ’ administration de ces centres.

Responsabilité pénale des enfants ayant été associés à un groupe armé

38.Le Comité salue l’élément positif que constituent les assurances données par l’État partie selon lesquelles les enfants impliqués dans le conflit armé, y compris ceux détenus du chef d’atteinte à la sécurité ou de terrorisme, ne seront pas poursuivis en justice. Le Comité redoute néanmoins qu’en l’absence de document officiel exonérant de toute responsabilité pénale les enfants ayant appartenu à des groupes armés, des actions pénales demeurent possibles contre des enfants en vertu du règlement 1462/8 de septembre 2006 relatif à l’état d’urgence ainsi que d’autres lois relatives à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme, qui s’appliquent indistinctement aux adultes et aux enfants.

39. Le Comité engage l ’ État partie à envisager d ’ officialiser sa volonté de ne pas poursuivre en justice les enfants impliqués dans le conflit armé en adressant sans tarder à toutes les autorités judiciaires une directive indiquant clairement que les enfants ne doivent pas être poursuivis au motif d ’ avoir été associé s à un groupe armé.

Zones de haute sécurité

40.Le Comité note qu’au cours du dialogue avec la délégation de l’État partie celle-ci a expliqué que les zones de haute sécurité étaient maintenues afin de procéder à des opérations de déminage dans les régions touchées par le conflit. Il constate néanmoins avec inquiétude que des milliers de familles avec enfants sont toujours déplacées, certaines hébergées en camp de transit et d’autres en famille d’accueil, ou privées d’accès à leurs terres durant des périodes prolongées du fait de l’existence de ces zones de haute sécurité, notamment à Shanthapuram et Indupuram (districts de Mullativu et Killinochchi), à Silvathurai et Mullikulam (districts de Puttalam et Mannar) et à Sampur (district de Trincomalee) ainsi que sur d’autres sites spéciaux.

41. Attirant l ’ attention sur les p rincipes concernant la restitution des logements et des biens dans le cas des réfugiés et des personnes déplacées, le Comité rappelle à l ’ État partie que tous les réfugiés et déplacés ont le droit de se voir restituer tout logement, terre et/ou bien dont ils ont été privés arbitrairement ou illégalement, et qu ’ il doit privilégier le droit à la restitution comme recours en cas de déplacement et comme élément clef de la justice réparatrice. C ’ est pourquoi le Comité appelle l ’ État partie à accélérer les opérations de déminage dans les régions touchées par la guerre en vue de démanteler au plus tôt les zones de haute sécurité et de permettre aux familles de regagner leur région d ’ origine.

Appui psychosocial

42.Le Comité salue l’élément positif qu’est la création, sous la supervision du Président de l’Agence nationale de protection de l’enfance, d’un sous-comité multidisciplinaire chargé de procéder à une évaluation approfondie des enfants soldats et de leur apporter un appui psychosocial, ainsi que d’élaborer des directives sur la protection, la réadaptation et la réinsertion des enfants soldats. Le Comité est toutefois préoccupé par la lenteur avec laquelle cet appui psychosocial est apporté aux milliers d’enfants soldats qui en ont besoin d’urgence, et par l’insuffisance persistante des services de santé mentale.

43. Le Comité engage l ’ État partie à renforcer l ’ assistance psychosociale destinée aux enfants et à recruter davantage d ’ agents de santé mentale et autres professionnels spécialisés dans le travail auprès des enfants victimes du conflit. Le Comité encourage l ’ État partie à solliciter une assistance technique en la matière.

Armes légères

44.Tout en notant que l’État partie est attaché au programme d’action visant à prévenir, combattre et éradiquer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects et s’est doté d’une commission nationale sur les armes légères en 2004, le Comité constate avec inquiétude que la prolifération des armes légères dans l’État partie continue de représenter une menace majeure pour la sûreté et la sécurité des enfants.

45. Le Comité engage l ’ État partie à mettre en place d ’ urgence une politique tendant à maîtriser et faire cesser la disponibilité des armes, dont celles de petit calibre, et à veiller à ce que les ventes d ’ armes s ’ effectuent sous le strict contrôle des autorités.

VI.Assistance et coopération internationales

46. Se fondant sur la résolution 1882 (2009) du Conseil de sécurité, le Comité encourage l ’ État partie à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et programmes des Nations Unies, en particulier le Haut-Commissariat aux droits de l ’ homme et l ’ UNICEF, et avec les organisations non gouvernementales, ainsi qu ’ à renforcer encore sa coopération avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés, en vue de définir et de mettre en œuvre des mesures visant à garantir l ’ application effective du Protocole facultatif.

47. Le Comité recommande à l ’ État partie de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

VII.Suivi et diffusion

48. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures propres à assurer la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Ministère de la défense, à la Cour suprême, au x membres du Gouvernement et au Parlement, ainsi qu ’ à toutes les autorités nationales et locales concernées, pour examen et suite à donner.

49. Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l ’ État partie, ainsi que les observations finales adoptées par le Comité soient largement diffusés, y compris (mais pas exclusivement) via Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des groupements de jeunesse, des groupes de professionnels, dont les travailleurs sociaux, des médias et des enfants, afin de susciter un débat et de sensibiliser au Protocole facultatif, à son application et à son suivi.

VIII.Prochain rapport

50. Conformément au paragraphe 2 de l ’ article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l ’ État partie de fournir un complément d ’ information sur l ’ application du Protocole et des présentes observations finales dans son prochain rapport périodique au titre de la Convention relative aux droits de l ’enfant, attendu le 1 er octobre 2015. Le Comité prie en outre l ’ État partie de soumettre aussitôt que possible son rapport initial en application du Protocole facultatif concernant la vente d ’ enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, qui était attendu pour le 22 octobre 2008.