Nations Unies

CRC/C/OPAC/GIN/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

25 octobre 2017

Français

Original : anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport soumis parla Guinée en application du paragraphe 1 de l’article 8du Protocole facultatif à la Convention relative aux droitsde l’enfant, concernant l’implication d’enfants dansles conflits armés *

I.Introduction

1.Le Comité a examiné le rapport de la Guinée (CRC/C/OPAC/GIN/1) à sa 2242e séance (voir CRC/C/SR.2242), le 25 septembre 2017, et a adopté les présentes observations finales à sa 2251e séance (voir CRC/C/SR.2251), le 29 septembre 2017.

2.Le Comité accueille avec satisfaction le rapport de l’État partie et les réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/GIN/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de l’État partie.

3.Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales doivent être lues en parallèle avec celles qu’il a formulées au sujet du deuxième rapport périodique que l’État partie a soumis au titre de la Convention (CRC/C/GIN/CO/2), adoptées le 13 juin 2013, et au sujet du rapport qu’il a soumis au titre du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/GIN/CO/1), adoptées le 29 septembre 2017.

II.Observations d’ordre général

Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 16 novembre 2011.

5.Le Comité se félicite de la déclaration que l’État partie a faite lors de la ratification du Protocole facultatif, par laquelle il a fait savoir que l’âge minimum de l’enrôlement volontaire dans les forces armées était fixé à 18 ans.

6.Le Comité salue les diverses mesures positives que l’État partie a prises dans des domaines touchant à la mise en œuvre du Protocole facultatif, en particulier :

a)L’adoption de la politique nationale de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant en Guinée et de son premier plan triennal pour 2017-2019, respectivement en 2015 et en 2016 ;

b)L’adoption, en 2012, de la loi portant statut général des militaires, qui définit l’âge minimum de l’enrôlement dans les forces armées guinéennes ;

c)L’adoption, en 2012, du Code de justice militaire, qui établit la compétence extraterritoriale pour les violations du droit international humanitaire.

III.Mesures d’application générales

A.Coordination

7.Le Comité note avec préoccupation que le Comité guinéen de suivi de la protection des droits de l’enfant, qui est chargé de suivre l’application des conventions internationales relatives aux droits de l’enfant au niveau national, ne dispose pas des ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour assurer la coordination entre les différentes institutions, divisions et subdivisions qui participent à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques. Il s’inquiète également du fait que la restructuration que cet organisme est en train de subir l’empêche de coordonner efficacement les travaux au niveau central, en particulier dans les domaines couverts par le Protocole facultatif. Il est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles la cellule des forces armées guinéennes chargée de la protection et de l’amélioration de la condition de l’enfant n’est plus opérationnelle, ce qui pourrait empêcher les acteurs civils et militaires de collaborer efficacement aux fins de la mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif.

8. Le Co mité recommande à l’État partie  :

a) De prendre les mesures voulues pour que le Comité de suivi de la protection des droits de l’enfant coordonne la mise en œuvre des droits de l’enfant et l’application des dispositions du Protocole facultatif, et de définir clairement les responsabilités de tous les autres acteurs concernés  ;

b) D’accélérer la restructuration du Comité de suivi de la protection des droits de l’enfant et d’allouer à cet organisme les ressources humaines, techniques et financières dont il a besoin pour coordonner, suivre et évaluer efficacement les travaux de mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif dans différents secteurs et à tous les niveaux  ;

c) D’intensifier la collaboration entre le Comité de suivi de la protection des droits de l’enfant et toutes les autres institutions, divisions et unités qui prennent part à la mise en œuvre de la Convention et de ses protocoles facultatifs  ;

d) De faire le nécessaire pour que la cellule des forces armées guinéennes chargée de la protection et de l’amélioration de la condition de l’enfant soit pleinement opérationnelle et de veiller à ce que les acteurs civils et militaires collaborent aux fins de la mise en œuvre des droits de l’enfant et des dispositions du Protocole facultatif.

B.Mécanisme de suivi indépendant

9.Le Comité prend note de la création de l’institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme. Il observe toutefois avec préoccupation que les ressources humaines, techniques et financières allouées à cette institution sont insuffisantes, ce qui l’empêche de s’acquitter de son mandat, à savoir évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des droits énoncés dans le Protocole facultatif, recueillir les plaintes des enfants et y donner suite.

10. Le Comité rappelle les observations finales qu’il a formulées au titre de la Convention e t prie instamment l’État partie  :

a) D’allouer à l’institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme les ressources humaines, techniques et financières dont elle a besoin pour s’acquitter de son mandat  ;

b) De renforcer cette institution afin qu’elle puisse suivre efficacement les progrès accomplis dans la réalisation des droits énoncés dans le Protocole facultatif et donner suite aux plaintes émanant d’enfants  ;

c) De continuer de solliciter l’assistance technique du Programme des Nations Unies pour le développement et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, entre autres.

C.Diffusion et sensibilisation

11.Le Comité note avec préoccupation que les efforts visant à déployer de vastes programmes de sensibilisation aux dispositions du Protocole facultatif, entre autres dans l’enseignement supérieur et en particulier à l’intention des parents, des adolescents et des enfants qui vivent dans les quartiers de Conakry où opèrent des groupes armés non étatiques ne sont pas suffisants.

12. Se référant au paragraphe 2 de l’article 6 du Protocole facultatif, le Comité recommande à l’État partie de faire largement connaître les principes et les dispositions du Protocole facultatif au grand public, notamment par le biais de l’enseignement supérieur et d’activités spécifiques de sensibilisation des parents, des adolescents et des enfants qui viven t dans les quartiers de Conakry où opèrent des groupes armés non étatiques.

D.Formation

13.Le Comité note avec satisfaction que la question des droits de l’homme a été intégrée au programme de formation initiale des forces armées et que, dans le cadre de la politique de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant en Guinée, il est prévu que les membres de tous les groupes professionnels concernés reçoivent une formation aux outils, aux normes et aux règles relatives à la protection des droits de l’enfant. Le Comité observe toutefois avec préoccupation :

a)Que les membres des professions concernées, notamment les avocats, les juges et les Guinéens qui participent à des missions humanitaires à l’étranger ne reçoivent pas tous une formation suffisante sur les dispositions du Protocole facultatif ;

b)Que la politique de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant, instrument clef de la prévention de l’enrôlement d’enfants dans des groupes armés et les forces armées, ne bénéficie que d’un appui financier ponctuel de l’État partie et que la société civile n’y prête que peu d’attention.

14. Le Co mité recommande à l’État partie  :

a) D’intégrer plus largement les dispositions du Protocole facultatif dans les programmes de formation des membres de toutes les professions concernées  ;

b) De collaborer plus étroitement avec la société civile et de prévoir des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour prévenir l’enrôlement d’enfants dans des groupes armés et les forces armées grâce à l’application de la politique de promotion et de protection des droits et du bien-être de l’enfant.

E.Données

15.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur les enfants migrants, réfugiés ou demandeurs d’asile, parmi lesquels les enfants non accompagnés ou séparés de leur famille, qui entrent sur le territoire de l’État partie et sont susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

16. Le Co mité recommande à l’État partie  :

a) De mettre en place un mécanisme permettant d’enregistrer tous les enfants demandeurs d’asile ou réfugiés qui relèvent de sa juridiction  ;

b) Compte tenu des observations finales formulées au titre de la Convention, d’établir un système national de collecte de données portant notamment sur les enfants demandeurs d’asile et les enfants migrants, parmi lesquels les enfants non accompagnés, qui entrent sur son territoire et sont susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger, en veillant à ce que les données soient ventilées par sexe, âge, nationalité et origine ethnique.

IV.Prévention

A.Procédures de vérification de l’âge

17.Le Comité note qu’en application de la loi portant statut général des militaires, les personnes de moins de 18 ans ne peuvent pas entrer dans l’armée. S’il salue l’initiative visant à moderniser les registres d’état civil, il est préoccupé par la lenteur des progrès accomplis dans la numérisation des archives et des documents relatifs à l’identité, par le faible taux d’enregistrement des naissances, en particulier dans les zones rurales, et par la falsification des actes de naissance. Il note également avec préoccupation que, par conséquent, la procédure de vérification de l’âge des recrues n’est pas fiable.

18.Le Comité rappelle la recommandation qu’il a formulée précédemment au titre de la Convention et recommande à l’État partie de poursuivre et d’intensifier ses efforts, en particulier dans les zones rurales, pour numériser les registres d’état civil et parvenir à l’enregistrement universel des naissances, et garantir ainsi l’identification des enfants. Il lui recommande également d’élaborer des directives sur la vérification de l’âge des candidats souhaitant entrer dans les forces armée s et de donner pour instruction aux recruteurs des forces armées de ne pas enrôler de personnes dont l’âge n’est pas établi avec certitude.

B.Écoles militaires

19.Le Comité est préoccupé par les informations données au cours du dialogue, selon lesquelles l’État partie ne connaît pas les programmes de formation utilisés dans les écoles militaires des pays voisins où sont envoyés des enfants guinéens, et ne sait pas quelles règles et quels règlements disciplinaires y sont appliqués et si les élèves sont considérés comme des civils.

20. Le Comité recommande à l’État partie de veiller à ce que les enfants guinéens ne soient placés que dans les écoles militaires de pays voisins dont le programme et les règles disciplinaires sont conformes aux dispositions du Protocole facultatif.

V.Interdiction et questions connexes

A.Législation et réglementation pénales en vigueur

21.Le Comité note que l’État partie a entrepris de réviser son Code de l’enfant afin d’incorporer pleinement les dispositions du Protocole facultatif dans la législation nationale. Il observe toutefois avec préoccupation que :

a)L’enrôlement d’enfants par les forces armées, des groupes armés non étatiques et des sociétés militaires ou de sécurité privées n’est pas expressément érigé en infraction, pas plus que la complicité dans la commission des infractions visées par le Protocole facultatif ;

b)Le Code de l’enfant guinéen ne prévoit pas de peine proportionnée à la gravité de l’infraction que constitue l’enrôlement d’enfants et le Code de procédure pénale prévoit un délai de prescription de trois ans pour ce type d’infraction ;

c)L’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans n’est pas défini comme un crime de guerre dans la législation de l’État partie.

22. Le Co mité recommande à l’État partie  :

a) D’incriminer expressément l’enrôlem ent de personnes de moins de 18  ans par les forces armées, des groupes armés non étatiques et des sociétés militaires ou de sécurité, de même que la complicité dans la commission des infractions visées par le Protocole facultatif  ;

b) D’instituer des sanctions proportionnées à la gravité de l’infraction que constitue l’enrôlement d’enfants et d’abroger les dispositions qui fixent un délai de prescription aux infractions de ce type  ;

c) De définir l’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans comme un crime de guerre et de le sanctionner en tant que tel  ;

d) De faire largement connaître la nouvelle législation et de prévoir des ressources humaines, techniques et financières suffisantes pour sa mise en œuvre.

B.Compétence extraterritoriale

23.Le Comité note avec préoccupation que la compétence extraterritoriale de l’État partie ne s’applique que pour les cas impliquant des membres des forces armées.

24. Le Comité recommande à l’État partie d’établir et d’exercer sa compétence extraterritoriale pour les actes visés par le Protocole facultatif, notamment le fait de procéder à la conscription ou à l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ou des groupes armés ou de les faire participer activement à des hostilités, lorsque ces actes sont commis par ou contre un Guinéen ou une personne liée de près à l’ É tat partie, qu’il s’agisse ou non d’un membre des forces armées.

C.Réglementation de la détention d’armes

25.Le Comité prend note de l’existence de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre. Il constate toutefois avec préoccupation que la loi de 1996 portant sur les armes, les munitions, les poudres et explosifs n’interdit pas expressément l’acquisition et l’utilisation d’armes à feu par des enfants. Il constate également avec préoccupation que des civils sont encore en possession d’armes légères et de petit calibre, ce qui continue de faire peser une menace sur la sécurité des enfants.

26. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter d’urgence une nouvelle loi sur les armes à feu qui interdise expressément l’acquisition, la possession et l’utilisation d’armes à feu par des enfants  ;

b) De prendre des mesures supplémentaires pour empêcher les enfants et les adolescents d’obtenir une arme à feu et de récupérer les armes à feu détenues illégalement.

VI.Protection, réadaptation et réinsertion

A.Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

27.Le Comité note avec préoccupation que les enfants qui ont commis des infractions alors qu’ils étaient dans les forces armées ou dans des groupes armés non étatiques, que ce soit en temps de paix ou de conflit, ne bénéficient pas de mesures de protection suffisantes et qu’aucune procédure n’est prévue à cet égard.

28.  Le Comité rappelle les observations finales qu’il a formulées précédemment au titre de la C onvention (CRC/C/GIN/CO/2, par. 87) et recommande à l’État partie :

a) De réviser le Code de justice militaire de façon que les enfants enrôlés dans les forces armées ou des groupes armés soient traités comme des victimes et des témoins  ;

b ) De veiller à ce que tous les enfants victimes ou témoins d’infractions bénéficient de la protection requise au titre de la Convention et de tenir pleinement compte des Lignes directrices en matière de justice dans les affaires impliquant des enfants victimes et témoins d’actes criminels.

B.Démobilisation et réinsertion

29.Le Comité prend note du soutien fourni à certains enfants qui auraient participé aux conflits de 2001-2002 et de 2009 en vue de leur démobilisation et de leur réinsertion sociale et professionnelle. Il regrette toutefois :

a)Qu’il n’y ait pas de politique globale de réinsertion des enfants victimes d’un conflit et que les programmes de réinsertion n’aient qu’une portée limitée ;

b)Que le système national de protection de l’enfant ne mène pas une action systématique de démobilisation et de réinsertion sociale et professionnelle des enfants enrôlés ou utilisés dans des hostilités ;

c)Que l’action du système de protection de l’enfant visant à identifier les enfants en danger soit limitée du fait de l’insuffisance des ressources humaines, techniques et financières allouées à ses représentations aux niveaux national et préfectoral.

30. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une politique globale de réadaptation physique et psychologique et de réinsertion sociale visant l’ensemble des enfants concernés et de prévoir les ressources humaines, techniques et financières nécessaires à sa mise en œuvre  ;

b) De consolider les structures du système de protection de l’enfant en y intégrant des services spécialisés de sorte que les enfants qui ont été enrôlés ou utilisés dans des hostilités reçoivent une aide appropriée à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale et professionnelle, et de prévoir les ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de ces structures  ;

c) De veiller à ce que les structures nationales et préfectorales du système de protection de l’enfant soient présentes sur l’ensemble du territoire et à ce qu’elles soient pleinement opérationnelles, et de prévoir les ressources humaines, techniques et financières nécessaires pour identifier effectivement et correctement les enfants réfugiés, demandeurs d’asile ou migrants, notamment les enfants non accompagnés, qui entrent sur son territoire et sont susceptibles d’avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger.

VII.Assistance et coopération internationales

31. Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre et de renforcer sa coopération avec le Comité international de la Croix-Rouge et avec le Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé, et d’étudier la possibilité d’accroître sa coopération avec le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et d’autres organismes des Nations Unies aux fins de la mise en œuvre du Protocole facultatif.

VIII.Ratification du Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications

32. Le Comité recommande à l’État partie de ratifier le Protocole facultatif établissant une procédure de présentation de communications, afin de renforcer encore le respect des droits de l’enfant.

IX.Mise en œuvre et soumission de rapports

A.Suivi et diffusion

33. Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour que les recommandations figurant dans les présentes observations finales soient pleinement mises en œuvre, et notamment qu’elles soient transmises au P arlement, aux ministères concernés, dont le Ministère de la défense, à la Cour suprême et aux autorités locales pour examen et suite à donner.

34. Le Comité recommande que le rapport et les réponses écrites à la liste de points soumis par l’État partie et les présentes observations finales soient largement diffusés, notamment dans les médias , auprès du grand public, des organisations de la société civile, des mouvements de jeunesse, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et une prise de conscience concernant le Protocole facultatif, son application et son suivi.

B.Prochain rapport périodique

35. Conformément au paragraphe 2 de l’article  8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de faire figurer des informations complémentaires sur la mise en œuvre du Protocole facultatif et sur la suite donnée aux présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumet tra en application de l’article  44 de la Convention.