Nations Unies

CRC/C/OPAC/MAR/CO/1

Convention relative aux droits de l’enfant

Distr. générale

13 novembre 2014

Français

Original: anglais

Comité des droits de l’enfant

Observations finales concernant le rapport soumis par le Maroc en application du paragraphe 1 de l’article 8 du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés *

Le Comité a examiné le rapport initial du Maroc (CRC/C/OPAC/MAR/1) à sa 1908e séance (voir CRC/C/SR.1908), le 4 septembre 2014, et a adopté à sa 1929e séance, le 19 septembre 2014, les observations finales ci-après.

I.Introduction

Le Comité accueille avec intérêt la présentation du rapport initial de l’État partie et ses réponses écrites à la liste de points (CRC/C/OPAC/MAR/Q/1/Add.1). Il se félicite du dialogue constructif qu’il a eu avec la délégation multisectorielle de haut niveau de l’État partie.

Le Comité rappelle à l’État partie que les présentes observations finales devraient être lues conjointement avec les observations finales concernant les troisième et quatrième rapports périodiques de l’État partie soumis au titre de la Convention (CRC/C/MAR/CO/3‑4), adoptées le 19 septembre 2014.

II.Observations générales

Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures positives prises dans les domaines en lien avec la mise en œuvre du Protocole facultatif, en particulier:

a)L’adhésion aux Engagements de Paris en vue de protéger les enfants contre une utilisation ou un recrutement illégaux par des groupes ou des forces armés et aux Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés;

b)Les efforts considérables déployés par l’État partie pour déminer le Sahara occidental;

c)Le soutien exprimé par l’État partie en faveur du mandat du Représentant spécial du Secrétaire général pour le sort des enfants en temps de conflit armé.

III.Mesures d’application générales

Coordination

Le Comité s’inquiète qu’aucun organe ne soit chargé de coordonner la mise en œuvre intégrale et effective du Protocole facultatif dans tout le pays.

Le Comité engage instamment l’État partie à désigner l’organe gouvernemental ayant la responsabilité générale de l’application du Protocole facultatif et à mettre en place un mécanisme institutionnel en vue d’assurer une coordination efficace des activités menées par les ministères et les autres organes et partenaires gouvernementaux pour mettre en œuvre le Protocole facultatif.

Allocation de ressources

Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur l’affectation de crédits budgétaires à la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie d’affecter des crédits budgétaires spécifiques suffisants à l’application du Protocole facultatif.

Diffusion et sensibilisation

Le Comité note que le texte du Protocole facultatif a été publié au Journal officiel et que le Ministère de l’éducation nationale s’est employé à en incorporer les dispositions dans les programmes d’enseignement, mais il constate avec regret que ces mesures ne suffisent pas à mieux faire connaître les principes et les dispositions de cet instrument.

Le Comité recommande à l’État partie de diffuser largement les principes et les  dispositions du Protocole facultatif auprès du grand public, des enfants et de leur famille.

Formation

Le Comité accueille avec satisfaction les mesures prises par l’État partie pour établir des programmes de formation au droit international humanitaire à l’intention des membres des forces armées, y compris de ceux qui participent à des opérations de maintien de la paix. Il s’inquiète toutefois de ce que les dispositions du Protocole facultatif ne figurent pas dans les programmes de formation et de ce que les autres groupes professionnels concernés ne reçoivent pas une formation appropriée sur le Protocole facultatif.

Le Comité recommande à l’État partie de dispenser une formation sur les dispositions du Protocole facultatif aux professionnels qui sont en contact avec des enfants, en particulier aux enseignants, aux agents des services de l’immigration, aux membres des forces internationales de maintien de la paix, aux policiers, aux avocats, aux juges, aux personnels médicaux, aux travailleurs sociaux et aux journalistes.

Données

Compte tenu du fait que des enfants réfugiés venus de pays touchés par des conflits armés sont présents sur le territoire de l’État partie, le Comité s’inquiète de l’absence d’un système permettant de repérer et d’enregistrer rapidement les enfants susceptibles d’avoir été enrôlés dans des conflits armés à l’étranger ou qui risquent de l’être.

Le Comité recommande à l’État partie d’établir un système central de collecte de données afin de recenser et d’enregistrer tous les enfants relevant de sa juridiction qui pourraient avoir été enrôlés ou utilisés dans des hostilités à l’étranger. Il lui recommande également de veiller à ce que des données soient dûment collectées sur les enfants réfugiés ou demandeurs d’asile qui ont été victimes de telles pratiques. Toutes les données devraient être ventilées par sexe, âge, nationalité, origine ethnique et milieu socioéconomique, notamment, ainsi que par durée d’utilisation de l’enfant.

IV.Interdiction et questions connexes

Législation et réglementation pénales en vigueur

Le Comité note que depuis l’abolition de la conscription obligatoire en 2007, le recrutement dans les forces armées se fait sur une base volontaire, l’âge minimum à cet égard étant fixé à 18 ans, mais il est cependant préoccupé par le fait que le recrutement et l’utilisation d’enfants dans des hostilités par les forces armées et des groupes armés non étatiques, ainsi que le recrutement et l’utilisation d’enfants par des sociétés de sécurité privées, ne soient toujours pas expressément interdits ni réprimés. Le Comité constate en outre avec préoccupation que la législation marocaine ne qualifie pas de crime de guerre le recrutement de personnes âgées de moins de 15 ans.

Le Comité recommande à l’État partie de procéder à une étude exhaustive de sa législation de façon à la rendre conforme aux principes et dispositions du Protocole facultatif et, en particulier:

a) D’interdire et d’incriminer expressément le recrutement et l’utilisation d’enfants de moins de 18 ans dans des hostilités par les forces armées, des groupes armés non étatiques et des sociétés de sécurité;

b) De qualifier de crime de guerre et de punir en tant que tel le recrutement d’ enfants de moins de 15  ans, et d’envisager de ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale .

Compétence extraterritoriale

Le Comité prend note avec satisfaction de l’information fournie au cours du dialogue avec la délégation de l’État partie selon laquelle un projet de loi établissant notamment la compétence extraterritoriale de ce dernier pour les infractions visées par le Protocole facultatif est en voie d’adoption.

Le Comité recommande à l’État partie d’exercer sa compétence extraterritoriale pour les actes prohibés par le Protocole facultatif, y compris la conscription ou l’enrôlement d’enfants dans les forces armées ou des groupes armés, ou leur utilisation aux fins de participation active à des hostilités, si ces infractions sont commises par ou contre un ressortissant marocain ou une personne qui entretient un lien étroit avec l’État partie.

V.Protection, réadaptation et réinsertion

Mesures adoptées pour protéger les droits des enfants victimes

Le Comité exprime sa grave préoccupation face aux nombreux cas de refoulement d’enfants réfugiés et demandeurs d’asile et à l’absence d’informations concernant les mesures existant pour protéger les droits des enfants victimes de recrutement et empêcher que les enfants soient utilisés dans des conflits armés à l’étranger.

Le Comité demande instamment à l’État partie de veiller au plein respect du principe fondamental du non-refoulement, y compris le non-refus d’ admission à la  frontière.

Aide à la réadaptation physique et psychologique et à la réinsertion sociale

Le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas suffisamment prêté attention à la détection précoce des enfants réfugiés ou demandeurs d’asile qui pourraient avoir été impliqués dans un conflit ou avoir subi des traumatismes liés à un conflit. Il est également préoccupé par le fait que les enfants qui sont profondément éprouvés et souffrent d’un handicap sensoriel, intellectuel ou mental après avoir été victimes ou témoins de violences et de situations douloureuses liées à la guerre n’ont eu qu’un accès limité à des services d’aide à la réadaptation physique et psychologique.

Le Comité recommande à l’ État partie:

a) De dispenser à tous les professionnels travaillant avec ou pour les enfants, en particulier au personnel chargé de la surveillance des frontières, aux agents des services de l’immigration, aux militaires et aux professionnels de l’éducation, une formation systématique à la détection précoce des enfants qui pourraient avoir été impliqués dans un conflit ou touchés par un conflit, et de veiller à ce que les agents des services de l’immigration s’assurent le concours de professionnels de la santé , y  compris des psychologues, lorsqu’ils s’occupent de ces enfants;

b) De renforcer l’assistance et le soutien fournis aux enfants réfugiés ou demandeurs d’asile susceptibles d’avoir été impliqués dans un conflit ou d’avoir subi des traumatismes ou des déplacements liés à un conflit;

c) De solliciter à cet égard l’aide de partenaires et d’organismes internationaux, notamment du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, afin d’élaborer des programmes de réadaptation physique et psychologique à l’intention de ces enfants.

VI.Assistance et coopération internationales

Abus commis sur des enfants par des membres des forces de maintien de la paix

Le Comité prend note des informations communiquées par la délégation de l’État partie indiquant que des enquêtes approfondies sont menées en collaboration avec le Bureau des services de contrôle interne de l’ONU sur les cas d’abus sexuels commis par des Casques bleus marocains contre des enfants en Côte d’Ivoire en 2007, mais il est néanmoins vivement préoccupé par l’absence de mesures prises pour prévenir de tels actes, par les sanctions clémentes rendues contre ceux qui sont reconnus coupables de ces faits et par l’absence d’informations sur les réparations obtenues par les victimes.

Le Comité rappelle à l’État partie que les enfants impliqués dans un conflit armé ont droit à une protection spéciale en vertu du droit international humanitaire, y  compris celui d’être protégés contre les agressions sexuelles. Il demande par conséquent instamment à l’État partie de prendre à titre prioritaire toutes les mesures voulues pour empêcher les membres de ses forces armées déployés dans des opérations de maintien de la paix d’abuser des enfants, et de veiller à ce que ceux qui sont reconnus coupables soient punis de peines proportionnelles à la gravité de leurs crimes. Le Comité prie en outre instamment l’État partie de faire figurer dans son prochain rapport périodique au titre de la Convention des renseignements précis sur les réparations obtenues par les victimes.

VII.Suivi et diffusion

Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les mesures voulues pour garantir la pleine application des présentes recommandations, notamment en les transmettant au Parlement, aux ministères concernés, y compris le Ministère de la défense, à la Cour suprême et aux autorités locales, pour examen et suite à donner.

Le Comité recommande que le rapport initial et les réponses écrites de l’État partie, ainsi que les observations finales du Comité s’y rapportant, soient largement diffusés, notamment mais pas exclusivement par l’Internet, auprès du grand public, des organisations de la société civile, des organisations de jeunes, des groupes professionnels et des enfants, afin de susciter un débat et de faire connaître le Protocole facultatif, son application et son suivi.

VIII.Prochain rapport

Conformément au paragraphe 2 de l’article 8 du Protocole facultatif, le Comité prie l’État partie de fournir de plus amples informations sur l’application du Protocole facultatif et des présentes observations finales dans le prochain rapport périodique qu’il soumettra au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, conformément à l’article 44 de la Convention.