Terres cultivées

-291 000 ha

Blé

-110 000 ha

Maïs

-95 000 ha

Cultures fourragères

-36 000 ha

Cultures maraîchères

-28 000 ha

Orge de printemps

16 000 ha

Cultures industrielles

6 000 ha

Prairies

86 000 ha

Arboriculture fruitière

12 000 ha

Vignobles

8 000 ha

Pâturages

180 000 ha

Terres agricoles: Total

577 000 ha

6.Le Kosovo recèle d’importants gisements de lignite à pouvoir calorifique élevé et à faible teneur en soufre et en cendre, estimés à plus de 10 milliards de tonnes. Il n’a pas d’autres gisements de combustibles fossiles ni de gaz naturel. Il ne possède pas d’infrastructure d’approvisionnement et d’importation ni de raffinerie de pétrole. Son potentiel hydroélectrique est modeste.

7.Le Kosovo est bien pourvu en gisements de plomb et de zinc de dimension et de grade moyen, répartis le long de la ceinture géologique qui s’étend à l’est du territoire. Il possède également deux gisements de nickel, qui servent à la production de ferronickel, situés dans une ceinture géologique qui s’étend au‑delà de ses frontières jusqu’en Albanie. Le sous‑sol recèle également de la bauxite, de la magnésite et des métaux précieux.

Structure démographique et ethnique

8.Une caractéristique du Kosovo est l’absence de données démographiques précises, en raison des troubles qui ont marqué son histoire récente et des changements démographiques importants qui les ont accompagnés. Le dernier recensement officiellement reconnu a eu lieu en 1981: la population totale était alors estimée à 1 584 000 habitants. Un autre recensement a été organisé en 1991 mais on considère que les résultats ne sont pas sûrs à cause de la faible participation de la majorité de la communauté albanaise du Kosovo.

9.Les estimations de la population du Kosovo faites par le Secrétaire général et par la Banque mondiale donnent des résultats différents: 1,7 million et 2,2 millions en 1998. Déjà imprécise, la situation démographique a été faussée par le conflit de 1998‑1999, à l’origine de mouvements massifs de population pendant et après les hostilités. Le conflit lui‑même a provoqué le déplacement d’environ 800 000 Albanais du Kosovo vers l’Albanie et l’ex‑République yougoslave de Macédoine. Le nombre de personnes déplacées pourrait atteindre 500 000. Les estimations du nombre total de morts causées par le conflit de 1998‑1999 sont de l’ordre de 4 000 à 12 000.

10.À la suite de l’intervention de l’OTAN et depuis la fin des hostilités, en juin 1999, environ 242 000 non‑Albanais ont quitté le Kosovo. Au 8 juillet 1999, toutefois, plus de 650 000 réfugiés y étaient retournés, dans le cadre d’une démarche à la fois spontanée et encouragée par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Il restait donc environ 150 000 personnes vivant toujours dans les régions et pays voisins, 90 000 personnes réinstallées dans des pays tiers et un nombre non connu de demandeurs d’asile.

Indicateurs économiques

11.Le conflit a entraîné l’effondrement de l’économie du Kosovo. Plus de 25 % du parc de logements étaient totalement détruits, le cheptel était décimé et le matériel agricole détruit (selon les estimations, les pertes s’élèveraient de 700 millions de dollars à 800 millions de dollars). Le Kosovo est universellement désigné comme la région la plus pauvre d’Europe.

B. STRUCTURE CONSTITUTIONNELLE, POLITIQUE ET JURIDIQUE DU KOSOVO

Bref aperçu historique

12.Mars 1999: L’OTAN lance une campagne de bombardement aérien à la suite de l’échec des pourparlers de paix de Rambouillet. Il s’ensuit un afflux massif de réfugiés, plus de 800 000 personnes fuyant le conflit.

13.Juin 1999: L’armée nationale yougoslave se retire du Kosovo. Le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 1244 qui place le Kosovo sous l’administration intérimaire de l’ONU et établit la KFOR pour assurer une présence internationale de sécurité. Cette résolution réaffirme l’attachement de tous les États Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie. Il est constitué un Conseil transitoire du Kosovo qui doit déboucher sur l’autonome administration de la région.

14.Décembre 1999: Un accord de partage de l’administration provisoire du Kosovo avec la MINUK porte création de la Structure administrative intérimaire mixte et du Conseil administratif intérimaire. La Structure administrative devait aider à l’administration du Kosovo jusqu’à la mise en place de véritables institutions.

15.Octobre 2000: Les premières élections municipales sont organisées au Kosovo.

16.Mai 2001: Le Cadre constitutionnel de l’autonomie provisoire du Kosovo est promulgué. Pour renforcer les capacités dans le domaine de la justice et de la police, la MINUK crée une nouvelle composante, la composante Police et justice.

17.Novembre 2001: Des élections à l’Assemblée du Kosovo sont organisées; la majorité des sièges revient à la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), suivie par le Parti démocratique du Kosovo (PDK).

18.Mars 2002: Les institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo sont mises en place officiellement par le Représentant spécial du Secrétaire général. Certains pouvoirs clefs leur sont transférés.

19.Juin 2002: Il est créé l’Agence fiduciaire du Kosovo «afin de préserver ou de renforcer l’utilité, la viabilité et la gouvernance des entreprises publiques ou en propriété collective du Kosovo».

20.Octobre 2002: Le deuxième tour des élections municipales a lieu.

21.Décembre 2003: Les «Normes pour le Kosovo» sont adoptées.

22.Mars 2004: Des émeutes éclatent au Kosovo les 17, 18 et 19 mars.

23.Octobre 2004: Des élections à l’Assemblée du Kosovo sont organisées.

Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK)

24.En vertu de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) a été créée en tant que présence internationale civile au Kosovo afin d’y assurer une administration intérimaire. Dans sa résolution, le Conseil de sécurité donnait à la MINUK en particulier les responsabilités suivantes:

Exercer les fonctions d’administration civile de base;

Faciliter l’instauration d’une autonomie et d’une auto‑administration substantielles au Kosovo;

Faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo;

En coordination avec toutes les organisations internationales, faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire et des secours d’urgence;

Appuyer la reconstruction des infrastructures essentielles;

Maintenir l’ordre public;

Promouvoir les droits de l’homme;

Veiller à ce que tous les réfugiés et personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et sans entrave au Kosovo.

25.La structure actuelle de la MINUK a été définie dans le rapport du Secrétaire général au Conseil de sécurité sur la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo daté du 12 juillet 1999. Pour accomplir son mandat, la Mission est formée de quatre grandes «composantes» dont chacune est dirigée par un représentant spécial adjoint du Secrétaire général.

26.Le chef de la MINUK est le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo. En tant que responsable civil international le plus élevé au Kosovo, il préside les travaux des composantes et facilite le processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo. En sa qualité de chef de la MINUK, le Représentant spécial du Secrétaire général est le plus haut responsable civil international au Kosovo. Il détient les pouvoirs exécutifs civils maximaux que la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité prévoit et lui confère et dont l’interprétation lui appartient en dernier ressort.

27.Le Représentant spécial adjoint principal aide le Représentant spécial du Secrétaire général à diriger les travaux de la MINUK et veille à ce que les quatre composantes adoptent une démarche coordonnée et intégrée. Les Représentants spéciaux adjoints principaux qui dirigent les quatre composantes font directement rapport au Représentant spécial du Secrétaire général sur l’exécution de leur mandat. Un comité exécutif, formé du Représentant spécial adjoint principal et des quatre représentants spéciaux adjoints, et présidé par le Représentant spécial, assiste le Représentant spécial dans l’exécution de son mandat et il est le principal instrument permettant à celui‑ci de contrôler la réalisation des objectifs de la Mission.

28.À l’origine, la composante I, qui était chargée de l’aide humanitaire, avait pour chef de file le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Elle a été supprimée, par étapes, en juin 2000. En mai 2001, une nouvelle composante, la composante I − Police et justice − a été créée.

Composante I:Police et justice, placée sous l’autorité directe de l’ONU

29.La police internationale est placée sous l’autorité du Représentant spécial du Secrétaire général, dans la composante I. Son personnel est commandé par le chef de la police de la Mission, qui exerce tous les pouvoirs d’ordres opérationnel, technique et disciplinaire à l’égard de l’ensemble du personnel de police. Il fait rapport au Représentant spécial. La police de la MINUK a deux grandes fonctions: assurer le maintien de l’ordre à titre provisoire et mettre rapidement sur pied un Service de police du Kosovo (SPK) qui sera formé aux méthodes de police démocratiques. Toutes les fonctions de police sont en passe d’être transférées au SPK et les personnels internationaux ne resteront sur place que pour appuyer et surveiller son activité.

30.Il a été prévu que les fonctions de sécurité au Kosovo seraient exécutées en trois phases:

Dans la première phase, la KFOR était chargée d’assurer la sécurité et l’ordre publics jusqu’à ce que la présence civile internationale soit en mesure d’assumer cette tâche. Jusqu’au transfert de ces responsabilités, la police civile de la MINUK conseillait la KFOR et établissait la liaison avec ses homologues locaux et internationaux concernant le maintien de l’ordre;

Dans la deuxième phase, la KFOR a confié à la MINUK la responsabilité du maintien de l’ordre et la police civile de la MINUK s’est acquittée des tâches normales de police et était chargée d’assurer le respect de la loi;

À l’issue de la troisième phase, qui est en cours, la MINUK aura transféré au Service de police du Kosovo ses responsabilités en matière de maintien de l’ordre et de police des frontières. Les unités de la police civile et de la police des frontières de la MINUK commencent à reprendre leurs fonctions de formation, de conseil et de surveillance.

31.Au sein de la MINUK, la composante I est chargée de mettre en place et d’administrer le système judiciaire et la composante III surveille l’ordre juridique afin de vérifier qu’il est conforme aux normes de légalité; elle assure également la formation et le développement de la magistrature et des professions judiciaires. En juillet 1999, le Département des affaires judiciaires a été créé et peu de temps après il s’est scindé en deux sections: i) parquet et administration des tribunaux; et ii) administration pénitentiaire. En mars 2000, un Département administratif de la justice a été mis en place dans le cadre de la Structure administrative intérimaire mixte par le Règlement no 2000/15 et a assumé certaines responsabilités dans ce domaine. L’introduction de juges et procureurs internationaux avait été préalablement approuvée par le Représentant spécial du Secrétaire général, par le biais du Règlement no 2000/6. La Division de l’appui judiciaire international a été créée et rattachée au Département des affaires judiciaires; elle est dirigée par un fonctionnaire international mais concrètement elle est dotée de la même structure administrative que le Département administratif de la justice. Le Département administratif de la justice et le Département des affaires judiciaires se recoupaient en grande partie étant donné qu’ils occupaient les mêmes locaux et avaient en commun un grand nombre des personnels, superviseurs et fonctionnaires.

32.Ces modalités ont été révisées en 2001 et le Département des affaires judiciaires est devenu le Département de la justice, doté de cinq divisions: i) Développement judiciaire; ii) Administration pénitentiaire; iii) Appui judiciaire international; iv) Institution criminelle; et v) Bureau des personnes portées disparues et de la médecine légale. La Division du développement judiciaire est elle‑même divisée en quatre sections: 1) La Section du développement professionnel, qui assure le secrétariat du Conseil de la magistrature du Kosovo et appuie le programme de développement professionnel des juges et des procureurs; 2) La Section de l’intégration judiciaire, qui a pour mission de favoriser la représentation ethnique dans l’appareil judiciaire; 3) Le Groupe de l’inspection judiciaire chargée d’enquêter sur les comportements des juges et des procureurs et d’engager le cas échéant des poursuites en cas de nécessité devant le Conseil de la magistrature du Kosovo; et 4) le Groupe de l’assistance aux victimes.

33.En outre, le Département de la justice a une division de la politique juridique qui s’occupe de faciliter la coopération et l’entraide judiciaires entre les tribunaux du Kosovo et les tribunaux relevant d’autres juridictions, et une unité des opérations chargée d’élaborer des politiques et d’assurer la coordination de la sécurité des personnels des locaux et des biens judiciaires.

34.Le Département de la justice joue un rôle stratégique dans l’élaboration des politiques concernant le système judiciaire et les services du ministère public. Ses objectifs stratégiques spécifiques dans ce domaine sont les suivants:

Mettre en place et administrer un système efficace de tribunaux et de parquets qui assure le respect de la légalité et la protection des droits fondamentaux de tous;

Intégrer les minorités ethniques au système de justice du Kosovo, en leur facilitant l’accès à la justice et en surveillant la façon dont les minorités sont traitées dans le système judiciaire;

Améliorer le Service de médecine légale et de pathologie pour le rendre conforme à des normes internationalement acceptables pour permettre de produire des preuves médico‑légales dans les enquêtes criminelles;

Contrôler le travail des juges et des procureurs, notamment en vérifiant le fonctionnement des tribunaux et du ministère public et en enquêtant sur les plaintes dénonçant un manquement de la part des personnels judiciaires et des procureurs;

Protéger les droits des victimes et veiller à ce qu’elles prennent part aux poursuites pénales.

35.Le Département de la justice, qui relève des pouvoirs réservés du Représentant spécial du Secrétaire général, est chargé d’établir le budget affecté à l’administration judiciaire. Les dépenses totales approuvées pour les traitements s’élevaient au total à 5,18 millions d’euros en 2003, répartis entre 1 946 agents à tous les niveaux de l’appareil judiciaire. Auparavant, c’était les administrateurs des tribunaux régionaux qui effectuaient les dotations aux tribunaux locaux pour des postes de dépenses particuliers, par exemple le petit matériel et les réparations, mais ce système a été modifié. Maintenant, les tribunaux soumettent leurs demandes de financement pour le matériel et l’entretien au Département de l’administration judiciaire du Ministère des services publics des institutions provisoires. Chaque tribunal local reçoit un fonds de caisse d’un montant maximal de 2 500 euros par mois, renfloué quand 75 % du montant de départ ont été utilisés. Les factures courantes (électricité, téléphone, etc.) ne sont pas comprises: elles doivent être soumises directement au Département de l’administration de la justice qui les examine.

Composante II: Administration civile, sous l’autorité directe de l’ONU; elle est devenue récemment le Département de l’administration civile pour marquer la diminution du rôle de la MINUK dans ce domaine.

Composante III: Démocratisation et renforcement des institutions, avec pour organisme chef de file l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

36.La composante renforcement des institutions de la MINUK, placée sous l’autorité de l’OSCE (composante III), a les tâches suivantes: aider la population du Kosovo à renforcer la capacité des institutions locales et centrales et des organisations de la société civile, promouvoir la démocratie, la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme, et aussi organiser les élections.

Composante IV: Reconstruction et développement économique, avec pour organisme chef de file l’Union européenne.

37.Afin de contribuer à instaurer la paix et la prospérité au Kosovo et de faciliter le développement d’une vie économique offrant de meilleures perspectives d’avenir, le Conseil de sécurité a chargé la MINUK, au paragraphe 11 g) de la résolution 1244 (1999), d’encourager la reconstruction des infrastructures essentielles et des structures économiques et sociales. Cette composante de la mission a été confiée à l’Union européenne. Elle a pour principales tâches de planifier et de superviser la reconstruction au Kosovo, d’élaborer et d’évaluer les politiques dans les domaines économique, social et financier, de coordonner l’action des divers donateurs et institutions financières internationales, en vue de s’assurer que l’assistance financière soit totalement affectée aux priorités définies par la MINUK.

Structure administrative intérimaire mixte et transition vers l’instauration d’institutions provisoires d’administration autonome

38.En 2000, le Kosovo était administré par la Structure administrative intérimaire mixte, dont le rôle et les attributions ainsi que ses éléments constitutifs étaient définis dans le Règlement de la MINUK no 2000/1, du 14 janvier 2000. Elle était composée du Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général, des organes de contrôle et de conseil pour tout le Kosovo représentant les institutions et les groupes politiques du Kosovo et de départements administratifs centraux responsables de l’administration, de la prestation des services publics et de la perception fiscale. À l’échelon municipal, un deuxième niveau d’organes administratifs était constitué par des bureaux des administrateurs municipaux de la MINUK, des comités administratifs représentant les institutions et les partis locaux et des conseils administratifs qui recrutaient les personnes chargées des services locaux.

39.Les départements administratifs de la Structure administrative intérimaire mixte ont été regroupés en neuf départements provisoires qui sont devenus des ministères, dans le cadre des institutions provisoires d’administration autonome. Sept ont été confiés à la composante II: Agriculture, forêts et développement rural; Culture, jeunesse et sports; Éducation, science et technique; Travail et protection sociale; Santé, environnement et aménagement du territoire; Transports et communications; Services publics. Les deux autres ont été confiés à la composante IV: Commerce et industrie et Finances et économie.

40.Dans chaque ministère, un administrateur général international a été désigné pour conseiller le ministre dans le domaine de l’élaboration des politiques et de la gouvernance pour coordonner le personnel international affecté au ministère pour faire office d’agent principal de liaison avec la MINUK. Afin de garantir que la transition se fasse sans heurt et efficacement, les membres du personnel international de la MINUK sont restés en fonctions pendant une période limitée après la mise en place du Gouvernement. Le personnel international devait transférer les fonctions exécutives à des fonctionnaires locaux dès que possible et réduire progressivement leurs activités jusqu’à ne plus exercer que des fonctions de conseil et à se limiter aux questions d’intégration et de protection des minorités ainsi qu’à la liaison avec les institutions spécialisées des Nations Unies et d’autres donateurs.

41.En 2001, le Cadre constitutionnel de l’autonomie provisoire au Kosovo (le Cadre constitutionnel) a été promulgué. Il s’agit d’un instrument fondamental pour le gouvernement au Kosovo et, étant donné qu’il a été élaboré à l’issue de négociations poussées avec toutes les parties prenantes, il ménage un équilibre délicat entre les intérêts divergents et prévoit des garanties importantes pour les communautés minoritaires.

42.Conformément au Cadre constitutionnel, le Représentant spécial du Secrétaire général a conservé certains pouvoirs et, afin de lui permettre de s’acquitter de ces fonctions réservées, la MINUK a mis en place les directions suivantes: protection civile (qui a repris les fonctions du Centre de coordination de l’action antimines des Nations Unies, à la suite de l’achèvement de ses opérations, à la mi‑décembre 2001), affaires administratives, infrastructures et affaires rurales. Le Représentant spécial a également conservé la responsabilité du Corps de protection du Kosovo, en collaboration avec la présence internationale de sécurité (KFOR). En outre, il conserve ses pouvoirs dans les domaines ci‑après: administration et financement des services de sécurité civile et de préparation aux situations d’urgence; déminage; administration des biens publics et des biens de l’État; réglementation des entreprises du secteur public; administration des chemins de fer, allocation des fréquences radio et aviation civile; base de données de l’état civil; enregistrement des résidents habituels; Direction du logement et de l’immobilier, y compris la Commission des réclamations; contrôle du transit de marchandises transfrontière. Il conserve enfin des pouvoirs généraux dans un certain nombre de domaines tels que les relations internationales, la police et la justice (sauf l’administration des tribunaux qui a été transférée au Ministère des services publics du Département de l’administration judiciaire), et plusieurs domaines économiques, notamment l’Autorité fiscale centrale, qui travaille en collaboration avec le nouveau Ministère des finances et de l’économie.

43.La MINUK a progressivement instauré un partage des responsabilités entre l’administration internationale et les institutions provisoires d’administration autonome. Le Règlement no 2001/19 relatif au pouvoir exécutif au sein des institutions provisoires d’administration autonome au Kosovo a marqué la fin de la Structure administrative intérimaire mixte et la mise en place d’autorités locales et centrales du pouvoir exécutif.

Institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo

44.Le Cadre constitutionnel dispose, au chapitre 1.4, que le Kosovo sera gouverné démocratiquement par des institutions et des organes législatifs, exécutifs et judiciaires. L’ensemble de ces organes et institutions forment les institutions provisoires d’administration autonome. Selon le principe de subsidiarité, l’article 1.1 du Règlement no 2000/45 portant sur l’autonomie des municipalités au Kosovo a établi «les institutions provisoires d’un gouvernement démocratique et autonome au niveau municipal».

45.Le chapitre 1.5 du Cadre constitutionnel définit les institutions provisoires d’administration autonome au niveau central, comme suit:

Assemblée;

Président du Kosovo;

Gouvernement;

Tribunaux;

Autres organes et institutions prévus dans le Cadre constitutionnel.

46.Les institutions provisoires d’administration autonome sont tenues de promouvoir et de respecter:

«[L]e principe de la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire»; et

«[L]a légalité, les droits de l’homme et les libertés fondamentales, les principes démocratiques et la réconciliation».

47.Conformément au chapitre 5.2 d) du Cadre constitutionnel, les institutions provisoires d’administration autonome centrales ont des pouvoirs dans le domaine de l’administration locale et sont notamment chargées de contrôles de la qualité des services municipaux. Plus généralement, le Cadre constitutionnel donne aux institutions centrales des pouvoirs dans les domaines suivants:

Politique économique et financière;

Questions fiscales et budgétaires;

Commerce intérieur et extérieur, industrie et investissements;

Éducation, science et technique;

Jeunesse et sports;

Culture;

Santé;

Protection de l’environnement;

Travail et protection sociale;

Famille, égalité des sexes et mineurs;

Transports, postes, télécommunications et techniques de l’information;

Services administratifs publics;

Agriculture, forêts et développement rural;

Statistiques;

Aménagement du territoire;

Bonne gouvernance, droits de l’homme et égalité des chances;

Affaires concernant les non‑résidents;

Affaires judiciaires;

Organes d’information.

48.Les institutions provisoires ont également des pouvoirs limités dans le domaine des affaires étrangères − c’est‑à‑dire en ce qui concerne la coopération internationale et extérieure, y compris la négociation et la conclusion d’accords. Ces activités doivent toutefois être menées en coordination avec le Représentant spécial du Secrétaire général.

49.Ce transfert de pouvoirs aux institutions provisoires n’influence ni n’amoindrit en aucune manière l’autorité du Représentant spécial du Secrétaire général pour ce qui est d’assurer l’application sans réserve de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, et de superviser les institutions provisoires, leurs responsables et leurs organes, et de prendre les mesures appropriées quand leurs actions ne sont pas conformes à la résolution 1244 ou au Cadre constitutionnel.

Pouvoir législatif des institutions provisoires

50.Dans le Cadre constitutionnel l’Assemblée du Kosovo est «la plus haute institution provisoire représentative et législative de l’administration autonome».

51.Ainsi, il est prévu (chap. 9.1.2 et 9.1.3) que des élections à l’Assemblée se tiennent à des intervalles de trois ans, au suffrage universel et égal, selon le mode de représentation proportionnelle, un cinquième des sièges étant réservé aux «communautés non albanaises du Kosovo». De même, le paragraphe 26 du même chapitre confère à l’Assemblée le pouvoir d’adopter des lois et des décisions dans les domaines constitutionnels qui relèvent de la responsabilité des institutions provisoires.

52.Outre leur représentation parlementaire spéciale garantie par les sièges réservés, les communautés non albanaises du Kosovo sont assurées d’une participation effective et totale au processus législatif: en effet, elles font fonctionnellement partie de l’Assemblée, ont une responsabilité dans le processus d’élaboration des lois et peuvent utiliser leur langue.

53.Le Cadre constitutionnel prévoit une Assemblée de 120 sièges qui doivent être pourvus par des élections organisées dans tout le Kosovo, selon le système de scrutin proportionnel à liste bloquée, avec une seule circonscription. Il prévoit deux sortes de sièges, les sièges «ouverts» et les sièges «réservés».

54.Sur les 120 sièges de l’Assemblée, 100 doivent être ouvertement «répartis entre tous les partis, coalitions, initiatives de citoyens et candidats indépendants en proportion du nombre de votes valables qu’ils ont obtenus à l’issue du scrutin». Les 20 sièges restants sont réservés à la représentation supplémentaire des communautés non albanaises du Kosovo. Ils sont répartis entre sept communautés minoritaires, comme suit:

Dix sièges reviennent aux partis, coalitions et initiatives de citoyens et candidats indépendants qui déclarent représenter la communauté serbe du Kosovo;

Dix sièges reviennent aux entités politiques autoproclamées qui représentent les autres communautés:

Quatre sièges pour les communautés rom, ashkali et égyptienne;

Trois sièges pour la communauté bosniaque;

Deux sièges pour la communauté turque;

Un siège pour la communauté gorani.

55.Comme les sièges «ouverts», les sièges réservés à chaque communauté ou groupe de communautés doivent être répartis entre des partis, coalitions, initiatives de citoyens et candidats indépendants qui ont déclaré représenter les communautés en question, en proportion du nombre de votes valables obtenus à l’issue du scrutin à l’Assemblée.

56.L’article 5.2 du Règlement de la MINUK sur l’Assemblée dispose que les sièges à l’Assemblée seront attribués de la façon suivante:

a)Le nombre total de votes valables obtenus par chaque entité politique en lice pour un groupe de sièges est divisé par 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15, etc., jusqu’à ce que le nombre de diviseurs utilisé corresponde au nombre total de sièges à attribuer dans le groupe de sièges en question;

b)Les quotients résultant de cette série de divisions sont classés par ordre décroissant. Les sièges sont attribués aux entités politiques en fonction des quotients, le premier siège revenant à l’entité qui a le quotient le plus élevé, le deuxième à l’entité qui a le quotient immédiatement inférieur et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les sièges dans le groupe de sièges soient attribués;

c)Tout quotient qui permet à une entité politique d’obtenir un siège ne doit pas être pris en compte pour la suite de l’attribution des sièges;

d)Si une entité politique obtient autant de sièges qu’elle a de candidats sur sa liste et qu’il reste des sièges à attribuer, les quotients restants de cette entité ne sont pas pris en compte pour l’attribution des sièges restants;

e)Les sièges attribués à une entité politique dans le groupe pour lequel elle était en lice sont additionnés pour donner le nombre total de sièges remportés par cette entité. Cette somme est égale au nombre total de sièges attribués à cette entité à la suite du scrutin et devant être répartis entre ses candidats.

57.En vertu de cette méthode, on procède en premier à l’attribution du groupe de 100 sièges «ouverts» puis à celle du groupe de 20 sièges «réservés» pour la représentation supplémentaire des communautés non albanaises du Kosovo.

58.Les sièges attribués à une entité politique sont répartis entre les candidats figurant sur la liste de cette entité, en fonction de la place qu’ils occupent sur la liste, jusqu’à ce que tous les sièges attribués à cette entité politique aient été distribués. Les sièges ainsi attribués sont détenus à titre personnel par le candidat élu et non par l’entité politique.

59.Le Cadre constitutionnel donne à l’Assemblée une structure fonctionnelle qui facilite le processus législatif et garantit la participation totale et effective des membres représentant les communautés non albanaises du Kosovo à l’élaboration des lois et à la prise de décisions. Cette structure comprend: le Président de l’Assemblée, une présidence de sept membres, deux grandes commissions et neuf commissions fonctionnelles. Au sein de cette structure, le Cadre constitutionnel garantit que les communautés minoritaires soient représentées à la présidence et dans les commissions fonctionnelles; il met en place également une grande commission spéciale − la Commission des droits et intérêts des communautés − afin de répondre aux préoccupations des minorités.

60.Le Président de l’Assemblée du Kosovo est choisi parmi les membres du parti ou de la coalition qui a remporté les élections. Deux membres de la présidence sont nommés par le parti ou la coalition vainqueur: deux par le parti arrivé en deuxième et un par les partis ou coalitions arrivés en troisième position. Les deux membres restants sont choisis parmi les membres de l’Assemblée dont les partis ont déclaré représenter la communauté serbe du Kosovo et une communauté non albanaise et non serbe du Kosovo. L’Assemblée entérine cette composition par un vote.

61.L’Assemblée peut constituer autant de commissions fonctionnelles qu’elle le juge nécessaire et approprié pour s’acquitter de ses fonctions. Les deux grandes commissions sont la Commission budgétaire et la Commission des droits et intérêts des communautés. La première comporte 12 membres, désignés proportionnellement parmi les partis et coalitions représentés à l’Assemblée et la deuxième comprend neuf membres, parmi lesquels deux membres de la communauté serbe, rom, ashkali et égyptienne, bosniaque et turque et un de la communauté gorani. La composition des commissions doit refléter la diversité politique et «communautaire» de l’Assemblée. En particulier, les présidences de toutes les commissions doivent être réparties proportionnellement entre les partis et coalitions représentés. Chaque commission doit avoir deux vice‑présidents issus de partis ou coalitions différents de ceux du Président, et l’un des deux doit en outre appartenir à une communauté différente.

62.L’adoption des lois se déroule selon la procédure suivante: un ou plusieurs membres de l’Assemblée ou du gouvernement soumettent le projet de texte à l’Assemblée qui procède à une première lecture. Le projet est ensuite examiné par les grandes commissions et les commissions fonctionnelles compétentes qui proposent des amendements, le cas échéant. L’Assemblée examine ensuite en seconde lecture le projet de loi et les amendements proposés. Après la seconde lecture, l’Assemblée vote et le projet de loi est adopté s’il recueille la majorité des suffrages des membres présents. Pour entrer en vigueur, les lois doivent être promulguées par le Représentant spécial du Secrétaire général, par un règlement de la MINUK.

63.Si un membre de la présidence de l’Assemblée le demande, tout projet de loi doit être soumis à la Commission des droits et intérêts des communautés. Celle‑ci détermine à la majorité des voix de ses membres, s’il y a lieu de faire des recommandations concernant la proposition qui lui est soumise. Si elle décide de le faire, elle doit dans un délai de deux semaines faire des recommandations afin de garantir que les droits et intérêts des communautés soient dûment pris en considération. La Commission peut également de sa propre initiative proposer des textes de loi et toute autre mesure relevant de la compétence de l’Assemblée qu’elle estime nécessaires dans l’intérêt des communautés.

64.Dans les 48 heures à compter de l’approbation d’une loi, tout membre de l’Assemblée, avec le soutien de cinq autres membres, peut soumettre à la présidence une motion pour faire valoir que le texte, ou certaines de ses dispositions, porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la communauté à laquelle il appartient. Le motif peut être que la loi, ou certaines de ses dispositions, constitue une discrimination à l’encontre d’une communauté, porte atteinte aux droits de la communauté ou de ses membres ou compromet sérieusement d’une autre manière la capacité de la communauté de préserver, protéger ou exprimer son identité ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique. Dans ce cas, la présidence demande aux auteurs du projet de répondre par des arguments motivés dans un délai de trois jours. La présidence s’efforce de soumettre à l’Assemblée une proposition de consensus, dans les cinq jours qui suivent la réception de la réponse. Si un consensus ne peut pas être obtenu, un groupe spécial de trois membres, composé de représentants des deux camps et d’un autre membre, faisant office de président, désigné par le Représentant spécial, est saisi de la question. Le groupe a cinq jours pour rendre une décision recommandant le rejet de la motion par l’Assemblée, le rejet de la loi ou des dispositions contestées ou l’adoption de la loi avec les modifications proposées par le groupe. Celui‑ci prend ses décisions à la majorité des voix de ses membres.

65.Toutes les lois entrent en vigueur le jour de leur promulgation par le Représentant spécial, sauf disposition contraire.

Pouvoir exécutif au sein des institutions provisoires d’administration autonome

66.Le chapitre 9.3.1 du Cadre constitutionnel confère au gouvernement le pouvoir exécutif et le charge de la mise en œuvre des lois adoptées par l’Assemblée du Kosovo et de tout autre texte relevant de la compétence des institutions provisoires à la suite du transfert constitutionnel de responsabilités. Le gouvernement a également l’initiative des lois et peut proposer des textes à l’Assemblée, de sa propre initiative ou à la demande de celle‑ci. Il appartient ensuite au Président de veiller au fonctionnement démocratique des institutions provisoires et de représenter l’unité de la population du Kosovo.

67.Conformément au chapitre 9.4.3. du Cadre constitutionnel et de l’article 1.1 du Règlement no 2001/19, le gouvernement est composé du premier ministre et des ministres ainsi que des ministères placés sous leur autorité − le Cabinet du Premier Ministre ayant le statut d’un ministère. Le gouvernement a été depuis élargi et comporte maintenant un vice‑premier ministre et des vice‑ministres.

68.Le chapitre 9.3.3 du Cadre constitutionnel prévoit la mise en place des «ministères … nécessaires pour mener à bien les fonctions relevant de la compétence du gouvernement». Dans le Règlement no 2001/19 (art. 2.2), il est prévu la création de neuf ministères:

Ministère des finances et de l’économie;

Ministère du commerce et de l’industrie;

Ministère de l’éducation, de la science et de la technique;

Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports;

Ministère de la santé, de l’environnement et de l’aménagement du territoire;

Ministère du travail et de la protection sociale;

Ministère des transports et des communications;

Ministère des services publics;

Ministère de l’agriculture, des forêts et du développement rural.

69.L’article 2.1 du Règlement no 2001/19 prévoit la création du Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme, l’égalité des chances et l’égalité entre les sexes et du Bureau consultatif sur les communautés, entre autres unités organisationnelles, au sein du Cabinet du Premier Ministre. Par la suite une directive administrative pour l’application du Règlement no 2001/19 a créé le poste de coordonnateur interministériel des retours (Coordonnateur interministériel) ayant rang de ministre, au Cabinet du Premier Ministre.

70.Conformément au chapitre 9.3.3 du Cadre constitutionnel, le Règlement no 2001/19 a été modifié une première fois par le Règlement no 2002/5 portant modification du Règlement no 2001/19 relatif au pouvoir exécutif au sein des institutions autonomes provisoires, qui a scindé le Ministère de la santé, de l’environnement et de l’aménagement du territoire en Ministère de la santé d’une part et Ministère de l’environnement et de l’aménagement du territoire d’autre part. Il a ensuite été révisé par le Règlement no 2004/50 portant création de nouveaux ministères et des portefeuilles de vice‑premier ministre et vice‑ministres, et qui a créé trois nouveaux ministères − le Ministère des communautés et des retours, le Ministère de l’administration locale et le Ministère des mines et de l’énergie. Le Bureau consultatif sur les communautés est devenu un département du Ministère des communautés et des retours nouvellement créé.

71.La promulgation du Règlement no 2004/50 a marqué un transfert de compétences, organisé par la présence civile internationale au Kosovo conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, de la MINUK aux institutions autonomes provisoires. Cette redistribution des pouvoirs a conduit à augmenter le nombre de ministères, qui est passé à 13, et donc le nombre de ministres requis, et à créer et de nouveaux portefeuilles pour le vice‑premier ministre et 15 vice‑ministres.

72.Le 20 décembre 2005, une nouvelle étape dans le transfert de compétences aux institutions autonomes provisoires a été franchie avec la promulgation du Règlement no 2005/53 qui a porté création du Ministère de la justice et du Ministère de l’intérieur et a établi leur mandat initial. Ces deux ministères ont des responsabilités juridiques, techniques, financières et administratives en matière de police et de justice mais aucun contrôle opérationnel sur le Service de police du Kosovo ni sur le service pénitentiaire ne leur a été conféré. Il est prévu d’élargir dans un proche avenir les fonctions des deux ministères. Pour l’heure, ils ne sont pas encore opérationnels.

73.Les ministres peuvent être «des personnes compétentes qui ne sont pas membres de l’Assemblée. Dans ce cas, les ministres appartenant à une communauté ethnique, linguistique ou religieuse doivent recevoir l’aval des membres de l’Assemblée qui sont de la même communauté.».

74.Pour ce qui est du vice‑premier ministre et des vice‑ministres, leur «nomination doit être effectuée selon des modalités qui permettent de garantir une représentation équitable des Serbes du Kosovo et des autres communautés non majoritaires, ainsi que des femmes».

75.Les ministres sont élus à la majorité des voix sur une liste gouvernementale soumise à l’Assemblée par le candidat au poste de premier ministre. Pour sa part, le candidat au poste de premier ministre est proposé à l’Assemblée par le Président du Kosovo − à la suite de consultations avec les partis, coalitions et groupes représentés à l’Assemblée − et il est élu, en même temps que son gouvernement, à la majorité des voix. Les ministres sont nommés par le premier ministre après cette investiture.

76.Le vice‑premier ministre et le vice‑ministre sont désignés de la même manière. Toutefois, ils sont «désignés et proposés à l’Assemblée à la suite de consultations au niveau politique et en concertation avec le Représentant spécial du Secrétaire général».

77.Le Coordonnateur interministériel quant à lui est nommé sous l’autorité du Représentant spécial en concertation avec le Premier Ministre.

78.Les compétences du gouvernement sont définies dans le Cadre constitutionnel et précisées dans le Règlement no 2001/19, tel qu’il a été modifié par le Règlement no 2005/15.

79.Le Cadre constitutionnel (dans son chapitre 9.3.14) habilite le Premier Ministre à «représenter le gouvernement selon que de besoin, définir les lignes générales de la politique du gouvernement et organiser son travail». Son cabinet (le Cabinet du Premier Ministre) assure la liaison avec l’Assemblée et coordonne les travaux de tous les autres ministères.

80.Dans son travail, le Premier Ministre est aidé notamment par le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme, l’égalité des chances et l’égalité entre les sexes. Conformément au Règlement de la MINUK no 2005/15, le Bureau consultatif a le mandat suivant:

Il supervise et conseille les ministres dans le domaine de la bonne gouvernance, des droits de l’homme, de l’égalité des chances et de l’égalité entre les sexes;

Il élabore des politiques et émet des directives dans les domaines de la bonne gouvernance, des droits de l’homme, de l’égalité des chances et de l’égalité entre les sexes;

Il examine les projets de loi et les politiques élaborés par le pouvoir exécutif pour vérifier leur conformité avec les normes reconnues en matière de droits de l’homme, de bonne gouvernance et d’égalité des chances et conseille le Premier Ministre et les ministres compétents;

Il aide à la conception et à l’exécution de campagnes d’information visant à sensibiliser la population aux principes internationaux relatifs aux droits de l’homme, à l’égalité entre les sexes, à l’égalité des chances et aux autres principes essentiels au gouvernement démocratique;

Il consulte les représentants des communautés et met en place selon les besoins des organes consultatifs pour s’occuper des questions relatives à la bonne gouvernance, aux droits de l’homme, à l’égalité des chances et à l’égalité entre les sexes;

Il met au point des politiques tenant compte des questions d’égalité des sexes et assure la promotion de la condition des femmes, en collaboration avec la société civile;

Il favorise au sein du gouvernement une prise de décisions démocratique, recueillant une grande adhésion;

Il encourage la participation de la population à la direction des affaires publiques.

81.Conformément au chapitre 9.3.15 du Cadre constitutionnel, les ministres sont chargés de mettre en œuvre la politique du gouvernement dans leur propre domaine de compétence. Dans l’exercice de leurs fonctions, ils sont tenus de veiller à ce que les ministères placés sous leur autorité non seulement assurent «des services fiables … n’exerçant aucune discrimination fondée sur l’origine ethnique ou sociale, la race, le sexe, le handicap, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion» mais également «s’occupent de pourvoir aux besoins des groupes vulnérables et des autres individus dans la population qui peuvent se trouver en situation de danger». Pour ce faire, les ministres et les ministères ont l’obligation d’«arrêter des priorités claires pour l’utilisation des ressources affectées par le budget aux institutions provisoires d’administration autonome».

82.D’une façon plus générale, l’article 1.6 du Règlement de la MINUK no 2001/19 confère aux ministères la tâche d’élaborer des projets de loi et d’autres textes, de faire des recommandations en matière de politique générale et de mettre en œuvre les textes législatifs en vigueur dans leur domaine de compétence. Le mandat spécifique de chacun des 13 ministères est défini dans les annexes au Règlement no 2005/15.

Pouvoir judiciaire

83.Le Cadre constitutionnel dispose en son chapitre 9.4.1 que les tribunaux sont responsables de l’administration de la justice au Kosovo conformément au droit applicable, qui inclut la Convention‑cadre européenne pour la protection des minorités nationales, la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

84.Conformément au chapitre 9.4.4 du Cadre constitutionnel, le système judiciaire comprend: une cour suprême, des tribunaux de district (première instance), des tribunaux municipaux et des tribunaux des délits mineurs. En vertu du droit applicable, la Cour suprême est composée de deux chambres spéciales: l’une est chargée des affaires relatives au Cadre constitutionnel, établie conformément à l’article 9.4.11 du Cadre constitutionnel, et l’autre est chargée des requêtes et demandes reconventionnelles relatives aux décisions ou aux actions de l’Agence fiduciaire pour le Kosovo, créée par le Règlement no 2002/12.

Le chapitre 9.4.3 du Cadre constitutionnel garantit à chacun le droit à ce qu’un tribunal indépendant et impartial statue sur toutes les questions concernant ses droits et obligations et sur toute accusation pénale portée contre lui dans un délai raisonnable. Conformément au chapitre 9.4.6 du Cadre constitutionnel, les juges sont tenus de faire preuve d’indépendance et d’impartialité et il leur est interdit d’occuper d’autres fonctions.

85.La structure de l’appareil judiciaire actuel est pour l’essentiel celle qui était en place avant le conflit de 1999. Elle se compose de tribunaux ordinaires et de tribunaux des délits mineurs. Les tribunaux ordinaires sont la Cour suprême (qui exerce en tant que juridiction de jugement et de recours), cinq tribunaux de district (qui sont également des juridictions de jugement et des juridictions de recours), deux tribunaux de commerce de district (mais actuellement un seul fonctionne), et les tribunaux municipaux (qui sont uniquement des juridictions de première instance). Les décisions des tribunaux des délits mineurs sont susceptibles d’appel exclusivement devant le tribunal supérieur des délits mineurs.

86.Le fondement légal du maintien en place de cette structure découle des dispositions du Règlement no 1999/24 du 12 décembre 1999 relatif au droit applicable au Kosovo (Règlement no 1999/24, tel qu’il a été modifié par le Règlement no 2000/59).

Les principaux textes de loi en vigueur qui régissent l’établissement et la compétence des tribunaux sont:

i)La loi sur les tribunaux ordinaires (Journal officiel de la Province socialiste autonome du Kosovo 1978/21);

ii)La loi sur les infractions mineures (Journal officiel de la Province socialiste autonome du Kosovo 1979/23) (modifiée);

iii)Les règles de fonctionnement des tribunaux (Journal officiel de la Province socialiste autonome du Kosovo 1981/07) (promulguées en application de l’article 62 de la loi sur les tribunaux ordinaires).

87.Les dispositions des lois mentionnées aux paragraphes i) et iii) s’appliquent à la Cour suprême, aux tribunaux de district, aux tribunaux de commerce et aux tribunaux municipaux. Les dispositions de la loi sur les infractions mineures (ii)) s’appliquent aux tribunaux des délits mineurs et au tribunal supérieur des délits mineurs. En outre, le chapitre 2 du Code provisoire de procédure pénale définit la compétence juridictionnelle des tribunaux en matière pénale et établit la procédure pénale.

88.Le Ministère des services publics, créé par le Règlement no 2001/19 relatif au pouvoir exécutif au sein des institutions provisoires d’administration autonome, a la responsabilité générale de l’administration des tribunaux, des parquets et du service pénitentiaire. Ces fonctions seront transférées au Ministère de la justice et au Conseil judiciaire du Kosovo quand les deux organes seront opérationnels.

Municipalités

89.L’organisation et les pouvoirs des municipalités sont énoncés dans le Règlement no 2000/45 portant sur l’autonomie des municipalités au Kosovo. Les municipalités sont définies comme l’unité territoriale de base du gouvernement autonome local au Kosovo et doivent «exercer tous les pouvoirs qui ne sont pas expressément réservés à l’Autorité centrale». Elles gèrent et administrent les affaires publiques dans les limites établies par la loi, de façon que tous les habitants du Kosovo puissent vivre en paix et dans des conditions normales. Tous les organes et services des municipalités ont l’obligation de veiller à ce que les habitants jouissent de tous les droits et libertés sans distinction aucune fondée sur la race, l’origine ethnique, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, et qu’ils aient des possibilités égales et justes en matière d’emploi dans les services municipaux à tous les niveaux. Les municipalités ont également l’obligation de favoriser la coexistence entre les habitants et d’offrir des conditions permettant à toutes les communautés d’exprimer leur identité ethnique, culturelle, religieuse et linguistique, de la préserver et de la développer. Le Règlement dispose également que les droits et libertés fondamentaux énoncés dans la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme et ses protocoles doivent être respectés par l’administration municipale, au même titre que toute autre législation applicable.

90.En vertu du Règlement no 2004/45, chaque municipalité assume sur son territoire les responsabilités dans les domaines suivants:

a)Instauration au niveau local des conditions propices à un développement économique durable;

b)Urbanisme, aménagement du territoire et occupation des sols;

c)Permis de construire et autres autorisations;

d)Protection de l’environnement au niveau local;

e)Application et contrôle de la réglementation et des normes de construction:

f)Fourniture de services locaux et infrastructure, notamment approvisionnement en eau, égouts et assainissement, traitement des eaux usées, gestion des déchets, chaussées, transports et systèmes de chauffage locaux;

g)Services de protection civile (pompiers et secouristes);

h)Gestion du patrimoine municipal;

i)Enseignement préprimaire, primaire et secondaire;

j)Soins de santé primaires;

k)Services sociaux et logement;

l)Protection des consommateurs et santé publique;

m)Délivrance de permis et d’agréments relatifs à des locaux et à des services dans les secteurs des loisirs, de l’alimentation, des marchés, des vendeurs de rue, des transports publics et des taxis, de la chasse et de la pêche, de la restauration et de l’hôtellerie;

n)Foires et marchés;

o)Dénomination des routes, rues et autres espaces publics;

p)Création et entretien de parcs publics, des espaces verts et des cimetières;

q)Mise en œuvre des règlements de l’Autorité centrale, notamment en ce qui concerne le cadastre, les registres d’état civil, l’inscription des électeurs et l’inscription au registre du commerce.

91.Les municipalités peuvent prendre des règlements municipaux portant sur des questions locales relevant de leurs compétences. Elles doivent adopter un statut les habilitant à prendre et à publier des règlements après consultation de la population.

92.L’organe représentatif suprême de la municipalité est l’Assemblée municipale, élue au suffrage direct. Le nombre de membres de l’Assemblée municipale varie selon les municipalités, en fonction du nombre d’habitants; leur mandat est fixé à quatre ans.

93.L’Assemblée municipale élit le Président de la municipalité qui convoque et préside les sessions de l’Assemblée. Dans les municipalités où vivent une ou plusieurs communautés non majoritaires, l’Assemblée municipale désigne un autre vice‑président représentant ces communautés. L’Assemblée municipale désigne un directeur général d’administration qui justifie des qualifications énoncées dans le statut et qui est responsable, entre autres fonctions, de la nomination, des conditions d’emploi et du licenciement de tous les agents de la municipalité. L’Assemblée municipale nomme également un conseil d’administration composé des directeurs des départements municipaux et du chef du Bureau des communautés. Le conseil d’administration assiste l’Assemblée municipale et ses commissions en lui apportant tous les renseignements et données nécessaires à la prise de décisions; il assiste le Président et le Directeur général d’administration et exécute toutes les décisions de la municipalité.

94.En vertu de l’article 21 du Règlement de la MINUK no 2000/45, l’Assemblée municipale doit impérativement avoir trois commissions: une commission de la politique générale et des finances, une commission des communautés et une commission de médiation. L’Assemblée municipale peut également constituer d’autres commissions et déterminer leurs compétences et leurs activités. La Commission des communautés doit comporter à la fois des membres de l’Assemblée et des représentants des communautés; chaque communauté présente dans la municipalité doit avoir au moins un représentant à la Commission des communautés; le nombre de membres représentant la communauté majoritaire à la Commission des communautés doit être inférieur à la moitié et les autres membres doivent représenter équitablement les autres communautés. La Commission de médiation comprend autant de membres de l’Assemblée municipale qui ne sont pas membres de la Commission des communautés que de membres représentant de façon équitable les communautés minoritaires.

95.La Commission des communautés est chargée de veiller à ce que, sur le territoire de la municipalité, les personnes qui exercent des fonctions publiques ou qui détiennent une charge publique n’agissent pas de façon discriminatoire à l’encontre de quiconque pour un motif tel que la langue, la religion, l’origine ethnique ou l’appartenance à une communauté; les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels et des chances d’emploi justes et équitables dans les services municipaux à tous les niveaux sont garantis à tous. Les représentants qualifiés des communautés doivent être présents à tous les niveaux de la fonction publique municipale en proportion équitable. La Commission des communautés doit promouvoir les droits et les intérêts des communautés minoritaires vivant dans la municipalité et œuvrer en faveur d’une société plurielle.

96.Les municipalités où une communauté qui n’est pas majoritaire constitue une partie importante de la population doivent mettre en place un bureau des communautés. Ce bureau, qui fait partie intégrante de la municipalité, est chargé de renforcer la protection des droits des communautés et de veiller à ce que les communautés jouissent d’un accès égal aux services publics au niveau municipal.

97.Le Représentant spécial du Secrétaire général peut annuler toute décision prise par une municipalité s’il la considère contraire à la résolution 1244 du Conseil de sécurité ou à la loi applicable ou s’il estime qu’elle ne tient pas suffisamment compte des droits et intérêts des communautés non majoritaires sur le territoire de la municipalité. Il peut obtenir que des membres supplémentaires participent à l’Assemblée municipale s’il le juge nécessaire pour assurer la représentation de toutes les communautés. Dans des cas exceptionnels il peut démettre de ses fonctions un membre d’une Assemblée municipale qui commet des manquements graves dans l’exercice de ses fonctions. Si le Représentant spécial estime qu’une Assemblée municipale agit de façon persistante d’une manière qu’elle ne permet pas à tous les habitants du Kosovo de vivre en paix et dans des conditions normales, en infraction à la résolution 1244, il peut dissoudre l’Assemblée et organiser de nouvelles élections.

Autres institutions

98.Le 6 avril 2001 marque la création du Conseil de la magistrature du Kosovo (KJPC), en vertu du Règlement de la MINUK no 2001/8. Le Conseil de la magistrature est chargé de donner des avis au Représentant spécial du Secrétaire général sur les questions qui touchent à la nomination des juges, des procureurs et des juges non juristes, le cas échéant, et à instruire des plaintes qui pourraient être déposées à l’encontre des juges, des procureurs ou des juges non juristes. Le Conseil est composé de neuf membres. Il doit être multiethnique et comprendre des membres locaux et internationaux. Ces membres doivent être d’éminents professionnels du droit et sont tenus d’agir en toute indépendance et impartialité. Ils ne peuvent pas occuper d’autres fonctions qui seraient incompatibles avec leurs fonctions de membres du Conseil de la magistrature. Les membres du Conseil de la magistrature sont choisis et nommés par le Représentant spécial du Secrétaire général. Leur mandat est d’un an et peut être prorogé pour une durée qui est déterminée par le Représentant du Secrétaire général.

99.Conformément au chapitre 9.4.8 du Cadre constitutionnel, les juges et les procureurs sont nommés par le Représentant spécial du Secrétaire général à partir de listes de candidats proposées par le Conseil de la magistrature et approuvées par l’Assemblée. Selon le chapitre 9.4.7 du Cadre constitutionnel, le corps judiciaire doit être composé de «juristes éminents de la plus haute valeur morale, possédant les diplômes requis» et doit refléter la «diversité de la population du Kosovo». Le Représentant spécial du Secrétaire général décide de la promotion, de la mutation et de la révocation des juges et des procureurs sur recommandation du Conseil de la magistrature ou, dans des cas exceptionnels, de sa propre initiative. Les juges non juristes siègent aux côtés des juges de carrière dans les tribunaux municipaux et les tribunaux supérieurs et sont eux aussi nommés par le Représentant spécial du Secrétaire général sur recommandation du Conseil de la magistrature.

100.Le Conseil de la magistrature décide des sanctions disciplinaires autres que la révocation des juges et des procureurs, des juges non juristes, et donne des avis sur les questions qui touchent au système judiciaire, à la demande du Représentant spécial du Secrétaire général. Le Conseil de la magistrature a aussi adopté des codes d’éthique et de conduite à l’intention des juges, des procureurs et des juges non juristes, qui sont entrés en vigueur après avoir reçu l’aval du Représentant spécial du Secrétaire général.

101.Le 20 décembre 2005, le Règlement de la MINUK no 2005/52 relatif à la création du Conseil judiciaire du Kosovo a été promulgué. En vertu de ce règlement, le Conseil de la magistrature va être remplacé par un nouvel organe, le Conseil judiciaire du Kosovo, corps professionnel indépendant à la responsabilité du pouvoir judiciaire et des tribunaux. Le Conseil judiciaire du Kosovo est composé de sept juges (dont le Président de la Cour suprême est membre d’office) et de quatre autres membres d’office qui sont le Ministre de la justice, le Président du Conseil de l’ordre des avocats du Kosovo, le Président de la Commission des affaires législatives, judiciaires et liées au Cadre constitutionnel de l’Assemblée, ainsi qu’un professeur de droit nommé par l’Assemblée sur recommandation du Conseil d’administration de l’Université de Pristina. Le Conseil judiciaire du Kosovo aura un rôle plus étendu que le Conseil de la magistrature. En vertu de l’article 1.4 du Règlement de la MINUK no 2005/52, le Conseil judiciaire du Kosovo sera chargé de définir la politique et de promulguer des règles et directives applicables aux juges et aux procureurs, touchant notamment le recrutement, la formation et la nomination, l’évaluation, la promotion, la mutation et les mesures disciplinaires aussi bien des juges de carrière et des juges non juristes, et de divers personnels judiciaires et non judiciaires. Le Conseil judiciaire n’a pas encore été formellement constitué et le Conseil de la magistrature est donc toujours opérationnel en vertu des articles 1.1 et 13 du Règlement de la MINUK no 2005/52.

102.La Direction du logement et des biens immeubles et la Commission des litiges relatifs au logement et aux biens immeubles ont été créées en vertu du Règlement de la MINUK no 1999/23 en vue de régulariser les droits relatifs au logement et aux biens immeubles au Kosovo et de régler les litiges concernant les propriétés bâties. La Direction du logement et la Commission des litiges relatifs au logement et aux biens immeubles ont été expressément mises en place afin de disposer d’un mécanisme impartial et indépendant de règlement des plaintes, composé de juristes locaux et internationaux.

103.La Direction du logement analyse les lois, rédige les plaintes, fait office de médiateur et transmet les plaintes à la Commission des litiges qui est appelée à trancher. Elle gère en outre les propriétés bâties abandonnées existant sur tout le territoire du Kosovo, afin de répondre aux besoins de logement des personnes déplacées. Elle assure aussi les services de secrétariat de la Commission des litiges, avec un effectif de près de 250 fonctionnaires, recrutés sur le plan local ou international, et est placée sous l’égide du Département de l’administration civile de la MINUK.

104.La Commission des litiges est l’organe indépendant rattaché à la Direction du logement, et se compose actuellement d’un commissaire local et de deux commissaires internationaux. La Commission a seule compétence pour trancher dans trois catégories de réclamations portant sur des biens non commerciaux:

Les réclamations émanant d’individus qui ont perdu leurs droits de propriété en raison de lois discriminatoires après le 23 mars 1989 (demandes de la catégorie A, touchant la restitution des droits de propriété perdus après que le statut de province autonome a été retiré au Kosovo);

Les réclamations d’individus qui ont effectué des transactions informelles après le 23 mars 1989 (demandes de la catégorie B, visant à légaliser les transferts de droits de propriété informels; il s’agit aussi d’une mesure visant à rétablir le système d’enregistrement des biens immobiliers);

Les réclamations émanant d’individus qui détenaient des droits sur des propriétés bâties en tant que propriétaires, détenteurs ou occupants avant le 24 mars 1999, et qui ont été privés de ces droits et qui ne les ont pas cédés volontairement (réclamations de la catégorie C, visant à mettre fin à l’occupation illégale qui portait atteinte aux droits de propriété des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du territoire).

105.Les décisions de la Commission des litiges sont contraignantes et exécutoires et ne peuvent pas faire l’objet d’un contrôle juridictionnel. Le Règlement de la MINUK no 1999/23 prévoit que la Commission des litiges a seule compétence pour trancher dans les demandes de restitution de propriétés bâties. La Commission des litiges est compétente pour trancher sur les demandes présentées avant le 1er juillet 2003, en attendant que le Représentant spécial du Secrétaire général décide que les tribunaux locaux sont en mesure de remplir ces fonctions. La Commission des litiges est compétente pour statuer sur les réclamations présentées avant le 1er juillet 2003.

106.La création de la Direction du logement et des biens immeubles et de la Commission des litiges relatifs au logement et aux biens immeubles a été jugée capitale pour l’édification d’une société stable et démocratique et le rétablissement de l’état de droit. À côté de la destruction de milliers de biens immeubles durant le conflit, le principal problème tenait à l’occupation illégale de propriétés bâties abandonnées par leurs habitants partis chercher refuge dans les villes voisines ou à l’étranger. Les demandes de la catégorie C visaient notamment à mettre fin à l’occupation illégale interférant avec les droits de propriété des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur du territoire. On pense que la plupart des réclamations au titre de la catégorie C sont présentées par des personnes déplacées à l’intérieur du territoire.

107.Les pouvoirs administratifs de l’Agence fiduciaire pour le Kosovo, tels qu’ils sont énoncés dans le Règlement de la MINUK no 2002/12, «recouvrent toute mesure qui paraît appropriée à l’Agence pour préserver et renforcer la valeur, la viabilité ou la gouvernance des entreprises». À cet effet, l’Agence devrait:

Veiller à ce que les entreprises exploitent au mieux les possibilités commerciales qui sont les leurs;

S’assurer que les entreprises sont gérées de la manière la plus rentable possible;

S’assurer que, pour les entreprises qui fournissent un service public, la qualité du service soit d’un niveau élevé et raisonnable, et qu’elle soit conforme à tous les règlements applicables;

Tenter d’obtenir des crédits des organismes publics compétents lorsque les tarifs du service public fournis ne permettent pas aux entreprises de rentrer dans leurs frais.

108.Les entreprises publiques se heurtent à d’importants problèmes dus à l’absence d’investissements dans l’acquisition de technologie et de matériel et la mise en valeur des ressources humaines, à la médiocrité des actifs, au faible taux de recouvrement des recettes et à des modes de gouvernance et de gestion inadaptés.

109.La MINUK a confié à l’Agence fiduciaire pour le Kosovo la tâche d’administrer les entreprises publiques ci‑après:

L’aéroport de Pristina;

Les entreprises de chauffage urbain de Pristina et de Gjakovë/Ðakovica;

La Compagnie d’électricité du Kosovo;

Les Postes et Télécommunications du Kosovo;

Les chemins de fer de la MINUK;

Les entreprises de distribution d’eau, d’élimination des déchets et d’irrigation.

C. APPLICATION DES NORMES INTERNATIONALES RELATIVES AUX DROITS DE L’HOMME

110.Le Conseil de sécurité de l’ONU, agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, a adopté la résolution 1244 portant création de la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), qui a pour but d’assurer une administration intérimaire dans ce pays. Toute autorité légale au Kosovo découle donc de la résolution 1244 du Conseil de sécurité.

111.Conformément aux dispositions de cette résolution et aux pouvoirs qu’elle lui conférait, le Représentant spécial du Secrétaire général a promulgué le Règlement de la MINUK no 1999/1 sur l’autorité de l’administration intérimaire au Kosovo. La section 1.1 du Règlement est ainsi libellée:

«Toute autorité législative et exécutive concernant le Kosovo, y compris l’administration du pouvoir judiciaire, est entre les mains de la MINUK et est exercée par le Représentant spécial du Secrétaire général.».

112.En outre, toujours selon le même règlement, «[d]ans l’exercice des fonctions confiées à l’administration intérimaire en vertu de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’ONU, la MINUK promulguera, le cas échéant, des textes législatifs sous forme de règlements».

113.Au paragraphe 11 j) de sa résolution 1244, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé que les principales responsabilités de la MINUK consisteraient, notamment, à «défendre et promouvoir les droits de l’homme». Afin de veiller à la pleine réalisation de ces droits au Kosovo, le Représentant spécial du Secrétaire général a édicté le Règlement de la MINUK no 1999/24 sur la loi applicable au Kosovo, lequel modifiait le Règlement de la MINUK no 1999/1 et prévoyait que certains instruments internationaux des droits de l’homme seraient directement applicables par «toutes les personnes exerçant des fonctions publiques ou occupant des emplois publics au Kosovo». La section 1.1 du Règlement de la MINUK sur la loi applicable fait également de la «législation en vigueur au Kosovo au 22 mars 1989» la loi applicable sur tout le territoire. L’une des dispositions de cette législation est l’article 210 de la Constitution de la République socialiste fédérale de Yougoslavie (Constitution de la RSFY), qui dispose que les «traités internationaux qui ont été ratifiés sont appliqués directement par les juridictions nationales».

114.Le 15 mai 2001, le Représentant spécial du Secrétaire général a promulgué le Cadre constitutionnel «dans le but de mettre en place un véritable gouvernement autonome provisoire au Kosovo en attendant le règlement définitif de la situation». De même que le Règlement de la MINUK no 1999/24 tel que modifié, le chapitre 3.2 du Cadre constitutionnel prévoit que les garanties visées dans certains instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme sont incorporées à la loi applicable au Kosovo.

115.La section 1.3 du Règlement de la MINUK no 1999/24 tel que modifié fait obligation à toutes les personnes exerçant des fonctions publiques ou occupant un emploi public au Kosovo de respecter les normes relatives aux droits de l’homme énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention européenne des droits de l’homme) et les Protocoles y afférents, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les Protocoles y relatifs, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et la Convention internationale relative aux droits de l’enfant. Selon la section 1.4 du Règlement, «nulle personne exerçant des fonctions publiques ou occupant un emploi public au Kosovo ne fait de discrimination à l’encontre de quiconque, pour des motifs tenant au sexe, à la race, à la couleur, à la langue, à la religion, à l’opinion politique ou autre, à l’origine naturelle, ethnique ou sociale, à l’association avec une communauté nationale, à la fortune, à la naissance, ou pour tout autre motif».

116.Le chapitre 3 du Cadre constitutionnel prévoit d’autres garanties importantes en matière de droits de l’homme. Le chapitre 3.1 garantit «à toutes les personnes vivant au Kosovo la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales sans discrimination, pour quelque motif que ce soit et en toute égalité». Le chapitre 3.2 prévoit que les institutions provisoires d’administration autonome doivent respecter et garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales reconnus à l’échelon international, parmi lesquels les droits et libertés consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Convention européenne des droits de l’homme et les Protocoles y afférents, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les Protocoles y relatifs, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention relative aux droits de l’enfant, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Convention‑cadre. Le chapitre 3.3 stipule que «[l]es dispositions sur les droits et libertés énoncées dans ces instruments sont directement applicables en tant qu’élément du Cadre constitutionnel».

117.Les principes énoncés dans la Convention‑cadre occupent une place importante dans le Cadre constitutionnel et sont incorporés au chapitre 4, intitulé «Les droits des communautés et de leurs membres», qui est directement inspiré de nombre de dispositions de la Convention‑cadre qui sont autant de garanties expresses des droits et libertés des communautés ethniques, linguistiques et religieuses et des droits et libertés des membres de ces communautés. Le déni discriminatoire de ces droits et de tous les autres droits de l’homme énoncés dans le Cadre constitutionnel est une infraction pénale au sens de l’article 158 du Code pénal provisoire du Kosovo.

118.Afin de garantir la pleine protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales à tous les habitants du Kosovo, sans aucune discrimination pour quelque motif que ce soit, comme le garantit le chapitre 3.1 du Cadre constitutionnel, l’Assemblée du Kosovo a adopté la loi antidiscrimination du 19 février 2004. Cette loi fait de la garantie de l’égalité devant la loi en matière de jouissance des droits civils et politiques consacrée à l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des droits civils, et des droits économiques, sociaux et culturels énoncés à l’article 5 de la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale, un droit à la non‑discrimination tombant sous le coup de la loi et soumis au droit interne du Kosovo.

119.L’interdiction de la discrimination vise à la fois la discrimination directe et indirecte, de même que le harcèlement, le traitement injuste et la ségrégation. Les droits correspondants, dont l’exercice doit être protégé de toutes ces formes de discrimination, et la protection garantie en toute égalité par l’article 4 de la loi antidiscrimination, comprennent:

L’accès à l’emploi, au travail indépendant et à une profession;

L’accès à l’orientation et à la formation professionnelles, à tous les niveaux;

Les conditions d’emploi et de travail;

L’appartenance à des organisations syndicales et confessionnelles;

La sécurité sociale et les soins de santé;

L’éducation;

Le logement;

Les biens mobiliers et immobiliers;

Les biens et les services à la disposition du public;

Un traitement équitable devant les tribunaux et les autres organes rendant la justice;

La sécurité des personnes;

La participation à la vie publique, notamment le droit de voter et d’être élu;

L’accès aux lieux publics;

Tout autre droit énoncé dans la loi applicable.

120.La loi antidiscrimination s’applique à «toutes les personnes physiques et morales du secteur public comme privé, y compris aux organismes publics, dans le cas d’actions ou d’inactions violant les droits d’une ou plusieurs personnes, physiques ou morales». Toute allégation de discrimination au titre de la loi antidiscrimination doit être examinée et tranchée par les organes administratifs et les juridictions qui ont compétence en la matière, conformément à la loi applicable.

121.Il est à noter que nombre des droits économiques protégés par la loi antidiscrimination font également l’objet de conventions adoptées par l’Organisation internationale du Travail (OIT). De même que les instruments internationaux énumérés au chapitre 3.2 du Cadre constitutionnel interdisent la discrimination fondée sur des motifs tenant à la race, à la couleur, au sexe, à la langue, à la religion, à l’opinion politique ou autre, à l’origine nationale ou sociale, à la fortune, à la naissance ou tout autre motif, les conventions de l’OIT en question interdisent toute discrimination aux termes de la loi et garantissent à tous une protection égale et effective contre la discrimination fondée sur ces motifs.

122.Dans la mesure où les Conventions de l’OIT ne sont pas expressément énumérées au chapitre 3.1 du Cadre constitutionnel, elles ne sont pas directement applicables au Kosovo en tant qu’éléments de ce cadre. Toutefois, comme elles ont été promulguées par l’Assemblée de la République socialiste fédérale de Yougoslavie avant le 22 mars 1989, elles peuvent être considérées comme la «loi applicable au Kosovo» surtout si l’article 1.3 du Règlement de la MINUK no 1999/24 est lu conjointement avec l’article 210 de la Constitution de la République socialiste fédérale de Yougoslavie. Le Règlement no 2001/27 sur la législation du travail au Kosovo s’inspire assurément de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, laquelle vise à promouvoir et réaliser, de bonne foi, l’application universelle de ces principes et de ces droits.

123.Sur un plan plus général, les dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme qui faisaient partie de la législation en vigueur au Kosovo au 22 mars 1989 peuvent faire partie de la loi applicable conformément à la section 1 du Règlement de la MINUK no 1999/24 tel que modifié. Il y a lieu de souligner à cet égard que ces textes font partie de la loi applicable en raison du Règlement de la MINUK no 1999/24, tel que modifié et non parce que l’ex‑Yougoslavie était, à l’époque, partie aux instruments et conventions considérés. Il faut ajouter que cela ne signifie pas que ces traités et conventions lient la MINUK de quelque façon que ce soit.

124.Il convient de ne jamais oublier que la situation du Kosovo sous administration intérimaire de la MINUK, est sui generis. C’est pourquoi la position de la MINUK a toujours été que les traités et accords auxquels l’Union d’États de Serbie‑et‑Monténégro est partie ne lient pas automatiquement la MINUK. L’applicabilité des principes et dispositions contenus dans ces instruments doit être déterminée au cas par cas. Le cas échéant, la MINUK peut conclure des arrangements avec les États et les organisations internationales concernés afin de constituer une base juridique qui permette d’atteindre des objectifs répondant à un intérêt commun.

D. CADRE JURIDIQUE GÉNÉRAL DE LA PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME

Cadre juridique général

125.Le statut des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme évoqués à la section C, eu égard à la loi applicable au Kosovo, signifie que les tribunaux sont tenus d’appliquer directement les règles relatives aux droits de l’homme.

126.Selon le paragraphe 9.4.2 du Cadre constitutionnel, toute personne qui se considère directement lésée par une décision du Gouvernement ou d’une entité relevant du Gouvernement a le droit de demander le contrôle juridictionnel de la légalité de ladite décision après épuisement des recours administratifs. En vertu de l’article 7 de la loi sur les procès administratifs, un procès administratif peut être engagé contre une décision administrative rendue en deuxième instance, mais également contre une décision administrative rendue en première instance pour laquelle la procédure administrative ne prévoit pas de recours.

La loi antidiscrimination

127.Selon la loi antidiscrimination, quiconque allègue avoir directement ou indirectement fait l’objet de discrimination peut engager une action pour discrimination auprès des organes administratifs et des tribunaux de la juridiction compétente pour statuer en la matière. Si le plaignant n’est pas satisfait de la décision ou de l’absence de décision rendue en vertu de la loi sur les procédures administratives générales, il peut saisir le tribunal de la juridiction compétente en vertu de la loi applicable.

128.Dans les affaires de discrimination, la charge de la preuve incombe au défendeur, qui doit démontrer qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement. Le plaignant peut néanmoins présenter ses propres éléments de preuve pour faire valoir ses droits.

129.Le plaignant peut aussi avoir recours aux procédures de médiation ou de conciliation sans préjudice de son droit de saisir à tout moment l’organe administratif compétent ou le tribunal de la juridiction compétente. De plus, il est possible à des associations, des organisations ou d’autres entités juridiques d’engager une procédure judiciaire et/ou administrative au nom d’un ou plusieurs plaignants, avec leur consentement.

130.En vertu de la loi antidiscrimination, quiconque allègue avoir été victime, directement ou indirectement, de discrimination dans l’emploi de la part d’un employeur qui est un organisme public peut également introduire une réclamation devant une instance administrative supérieure et/ou une juridiction compétente en la matière. La réclamation peut se rapporter aux conditions d’accès à un emploi, à un emploi indépendant ou à une profession, aux conditions de travail, et à l’accès à toutes les formes et tous les niveaux d’orientation et de formation professionnelles et de recyclage.

Projet de création d’un groupe consultatif sur les droits de l’homme

131.Depuis que la Serbie‑et‑Monténégro est devenue Haute Partie contractante à la Convention européenne des droits de l’homme le 3 mars 2004, toute personne résidant au Kosovo peut saisir la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour de Strasbourg) d’une requête pour violation des droits de l’homme due à une action ou une omission des autorités de Serbie‑et‑Monténégro. En revanche, par suite de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, la Serbie‑et‑Monténégro ne peut pas être tenue responsable d’une violation alléguée des droits de l’homme due à une action ou une omission imputable à la MINUK. La MINUK n’est évidemment pas une Haute Partie contractante à la Convention européenne des droits de l’homme. Il s’ensuit que les personnes vivant au Kosovo n’ont pas de moyen effectif d’obtenir réparation pour une violation alléguée des droits de l’homme en saisissant la Cour de Strasbourg. La création du groupe consultatif sur les droits de l’homme permettra de combler cette lacune en matière de protection des droits de l’homme au Kosovo.

132.La création d’un organe judiciaire qui rendrait des décisions contraignantes pour la MINUK poserait problème étant donné les privilèges et immunités de la MINUK et de son personnel, leur possible niveau de responsabilité et le fait qu’il importe de ne pas porter atteinte au pouvoir d’appréciation laissé aux institutions des Nations Unies pour interpréter le mandat de la MINUK défini dans la résolution 1244 du Conseil de sécurité. C’est pourquoi, à l’issue d’échanges de vues entre la MINUK et le Conseil de l’Europe, il a été décidé que la MINUK instituerait un groupe consultatif sur les droits de l’homme (le Groupe consultatif) qui rendrait des déterminations non contraignantes en cas de plaintes de violation des droits de l’homme par la MINUK. Le groupe consultatif aurait pour principale fonction de donner des avis au Représentant spécial du Secrétaire général au sujet de ces violations alléguées. La MINUK a élaboré les modalités de la création et de l’action du groupe consultatif en étroite collaboration avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit du Conseil de l’Europe (la Commission de Venise) et il a été accordé une attention particulière a été accordée aux orientations fournies par le Siège des Nations Unies à New York.

133.Le groupe consultatif se composera de trois membres, spécialistes des droits de l’homme et en particulier du système européen des droits de l’homme, qui devraient être nommés par le Représentant spécial du Secrétaire général.

134.Un projet de règlement portant création d’un groupe consultatif sur les droits de l’homme a été élaboré et devrait être promulgué sous peu.

Échelon municipal

135.Le Règlement de la MINUK no 2000/45 et le droit administratif applicable prévoient le mécanisme suivant pour le cas où une personne allègue que ses droits ont été violés par un organe administratif à l’échelon municipal:

Une réclamation écrite doit être adressée au chef de l’exécutif de la municipalité dans un délai d’un mois. Les municipalités peuvent également suivre des procédures propres; il incombe au requérant d’engager l’action. Le chef de l’exécutif doit faire part de sa réponse avant un mois;

Le requérant qui conteste la décision peut introduire une requête auprès de l’Autorité centrale. Actuellement, c’est la Direction des affaires administratives qui est chargée de recevoir et de coordonner les recours, qu’elle renvoie à l’«Autorité centrale» compétente. Cette autorité centrale doit faire part de sa réponse dans un délai d’un mois.

Il est possible d’appeler de cette décision en deuxième instance auprès de la Cour suprême. Le délai prévu pour entamer des poursuites administratives est de 30 jours à partir du jour où l’acte administratif a été signifié, ou de 60 jours si la partie ne l’a pas reçu.

Un nouveau recours ou un recours extraordinaire peuvent être introduits contre une décision de justice dans le cadre d’un procès administratif. Ils doivent être transmis à la juridiction compétente dans les 30 jours suivant le prononcé de la décision contestée.

136.Il existe encore une autre voie de recours, ce sont les comités des communautés et les comités de médiation établis en vertu de la Section 23 du Règlement de la MINUK no 2000/45. Toute personne qui estime que ses droits ont été violés par un acte de l’assemblée municipale peuvent saisir le Comité des communautés de la municipalité. Si celui‑ci estime qu’une mesure prise ou envisagée par l’assemblée municipale ou en son nom a violé ou risque de violer les droits d’une communauté ou d’un membre d’une communauté, ou pourrait porter atteinte aux intérêts d’une communauté, il doit immédiatement soumettre l’affaire au Comité de médiation.

137.Le comité de médiation doit examiner toutes les affaires dont il est saisi par le comité des communautés. Il doit mener les enquêtes nécessaires afin d’établir si les droits d’une communauté ou d’un membre d’une communauté ont été ou risquent d’être violés ou si une mesure qui porterait atteinte aux intérêts d’une communauté a été prise ou envisagée. Il doit tenter de régler le différend par la voie de la médiation. Le comité de médiation doit, dans un délai de 28 jours, présenter un rapport sur chaque affaire à l’assemblée municipale, avec des recommandations sur la manière dont il considère que l’affaire devrait être traitée.

138.L’assemblée municipale doit examiner chaque rapport que lui soumet le comité de médiation et décider de la mesure ou de toute mesure supplémentaire à prendre en rapport avec l’action concernée.

139.Si l’assemblée municipale ne parvient pas à prendre une décision dans les 21 jours qui suivent la soumission du rapport du comité de médiation ou si le comité des communautés n’est pas satisfait de la décision de l’assemblée municipale, l’affaire peut être renvoyée devant l’Autorité centrale.

140.En outre, les personnes déboutées peuvent saisir par écrit au comité des communautés en expliquant les raisons du rejet de leur demande, dans les sept jours qui suivent la décision. Aucun délai de réponse n’est prévu, mais si le requérant n’est pas satisfait de la réponse du comité, il peut saisir le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général pour l’administration civile qui examine la plainte et fait des recommandations au Représentant spécial du Secrétaire général quant aux mesures qui devraient être prises. Tout recours doit être introduit dans les 30 jours qui suivent la réception du rejet de la demande par le comité. La procédure décrite ci‑dessus est un mélange de mécanisme politique et de recours juridiques. Il semble qu’elle pourrait, au moins dans certains cas, servir de voie de recours pour les violations des droits des membres de communautés minoritaires.

Comité de contrôle indépendant

141.La personne qui estime être victime de pratiques discriminatoires dans le cadre d’un emploi dans la fonction publique peut saisir le Comité de contrôle indépendant établi en vertu du Règlement de la MINUK no 2001/36 avant de saisir les tribunaux. Le Comité de contrôle statue sur les recours introduits contre des décisions de l’entité employeuse. Avant d’en arriver à ce stade, le fonctionnaire ou candidat qui s’estime lésé doit avoir épuisé toutes les voies de recours internes de l’entité employeuse, à moins d’en être dispensé par le Comité au vu d’éléments de preuve attestant d’une crainte raisonnable de représailles, de l’incapacité de l’entité employeuse à régler le différend en interne dans un délai de 60 jours, ou pour toute autre raison valable.

142.Le Comité de contrôle indépendant se compose de sept membres, désignés par le Représentant spécial du Secrétaire général en consultation avec le Premier Ministre. Les membres du Comité sont choisis en fonction de leurs compétences, de leur intégrité et de leur volonté d’établir au Kosovo une fonction publique politiquement neutre, fondée sur le mérite et reflétant le caractère multiethnique du Kosovo. Trois de ses membres au moins doivent appartenir à la communauté albanaise du Kosovo, et deux aux moins aux communautés albanaises non kosovares vivant sur le territoire. Un nouveau recours ou un recours extraordinaire peut être introduit contre une décision de justice dans le cadre d’un procès administratif.

143.Les fonctionnaires peuvent faire appel de décisions discriminatoires d’un conseil de discipline auprès des comités des recours qui doivent être mis en place par chaque entité employeuse. Le Comité des recours a les fonctions suivantes:

Décider si, à première vue, l’appel formé contre la décision d’un conseil de discipline est recevable;

Si l’appel est admis, décider s’il est justifié ou non après avoir examiné les preuves et entendu les parties;

Lorsqu’un recours est considéré comme justifié, ordonner l’octroi d’une réparation appropriée à l’appelant. Le Comité des recours doit clore les auditions dans les 30 jours suivant la date à laquelle il a été saisi de l’affaire.

Éducation, services sociaux et santé

144.Les réclamations concernant des actes de discrimination en matière d’accès à l’éducation mettant en cause des fonctionnaires de l’éducation peuvent être déposées auprès du responsable désigné du membre du personnel. Les fonctionnaires des services de l’éducation peuvent être sanctionnés pour manquement à leur devoir ou à leurs obligations dans le cadre d’une lettre de nomination, d’un contrat de travail, au titre d’un code de conduite ou d’un règlement local publié par le Département de l’éducation et des sciences. Si la plainte est fondée, le Département de l’éducation et des sciences peut prendre des mesures disciplinaires et/ou administratives.

145.Si une plainte est déposée contre un enseignant ou si le directeur de l’établissement apprend qu’un enseignant a manifestement un comportement qui appelle une action disciplinaire, le directeur doit examiner la plainte et donner à l’enseignant le droit de répondre aux allégations présentées. Si, après avoir mené son enquête et donné à l’enseignant un droit de réponse, le directeur de l’établissement conclut que ce dernier a bien eu un comportement qui appelle une mesure disciplinaire, il doit en aviser l’enseignant par écrit avant l’application de la sanction. Il doit également, sauf en cas d’avertissement oral, l’informer par écrit de la possibilité qu’il a d’interjeter appel dans les 10 jours suivant la réception de la notification. Une commission de réexamen doit procéder à l’audition en appel et doit signifier sa décision par écrit à l’enseignant dans un délai de 7 jours .

146.Si une plainte est déposée contre le directeur d’un établissement ou si son haut responsable apprend qu’il a manifestement un comportement qui appelle une action disciplinaire, une commission de réexamen doit être constituée pour mener une enquête.

147.Si le plaignant n’est pas satisfait de la décision prise en vertu des procédures ci‑dessus, il peut saisir la Cour suprême.

148.Le requérant qui conteste une décision officielle du Centre d’action sociale peut faire recours par écrit auprès du directeur dudit centre auquel la demande d’aide sociale a été adressée à l’origine. Ces recours doivent être introduits au plus tard 14 jours après réception par l’appelant de la signification de la décision. Le directeur examine le recours et signifie sa décision à l’appelant par écrit dans les 21 jours suivant la réception du recours.

149.Le requérant qui n’est toujours pas satisfait de la décision officielle prise par le directeur peut former un recours par écrit auprès d’une commission des recours désignée par le Ministère du travail et des affaires sociales, qui agit sous l’autorité de ce dernier. Ce genre de recours doit être introduit au plus tard 14 jours après réception par l’appelant de la signification de la décision en appel. La Commission des recours l’examine et signifie sa décision à l’appelant par écrit dans les 21 jours suivant la réception du recours.

150.Un requérant directement concerné par une décision de la commission médicale (à la suite d’un examen médical d’un membre de la famille affirmant souffrir d’une incapacité permanente) ou de la Commission des recours a le droit de faire réexaminer ladite décision par une juridiction compétente. La Chambre administrative de la Cour suprême devrait être compétente en la matière.

151.La loi sur les droits et responsabilités des résidents au Kosovo dans le cadre du système de santé, adoptée par l’Assemblée, offre également une voie de recours aux personnes qui estiment que leurs droits en tant que patients ont été violés.

152.En vertu de cette loi, il peut être déposé plainte contre l’institution de soins qui a dispensé des soins de santé à un résident au Kosovo dans les 60 jours suivant la survenue de l’incident présumé. L’institution ouvre une enquête et informe le requérant de ses conclusions dans les 10 jours ouvrables. Il peut être fait appel de ces conclusions auprès de l’instance supérieure, à savoir la municipalité pour les institutions de soins primaires et le Ministère de la santé pour les institutions de soins secondaires et tertiaires et les institutions privées. La loi ne prévoit pas de délai pour ce genre de recours.

153.Un patient peut aussi présenter une demande d’indemnisation pour préjudice à sa santé lors d’un traitement médical dans l’année suivant sa première prise de conscience d’une altération de sa santé. La demande doit être soumise à une commission, constituée par le Ministère de la santé, qui statue sur sa validité et détermine le montant de l’indemnisation. La demande doit être examinée dans un délai de trois mois (la loi n’indique pas de date de départ précise) et la décision doit être signifiée au requérant par écrit.

154.Il est possible de faire appel d’une décision de la commission auprès d’une juridiction compétente, conformément aux lois pertinentes.

155.En revanche, la loi ne dit rien de la possibilité de porter devant la justice la décision de l’instance supérieure. D’après les règles générales contenues dans la législation applicable sur les procédures administratives, un tel recours devrait être possible.

156.Il convient de noter que toutes les voies de recours prévues par la loi sont ouvertes exclusivement aux résidents du Kosovo.

Propriétés bâties

157.Les réclamations concernant des propriétés bâties présentées en vertu du Règlement de la MINUK no 1999/23 devaient être déposées auprès de la Direction du logement avant la date limite du 1er juin 2003, par la personne physique relevant de la catégorie considérée, un membre de sa famille ou un représentant légal. Toutes les parties intéressées identifiées dans la réclamation devaient être notifiées du grief et disposaient de 14 jours pour faire connaître leur intention de participer. Les parties défenderesses devaient recevoir une copie de la réclamation et disposaient de 30 jours pour y répondre. Le requérant ou les autres parties concernées avaient 30 jours pour répondre à toute question soulevée dans la réponse de la partie défenderesse. Si la Direction du logement ne rejetait pas par écrit la réclamation comme ne relevant manifestement pas de la compétence de la Commission des litiges, elle tentait de régler l’affaire à l’amiable. À défaut, elle renvoyait l’affaire à la Commission des litiges. Le rejet d’une réclamation par la Direction du logement est susceptible de recours devant la Commission. La partie qui conteste une décision de la Commission dispose d’un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision pour demander un réexamen. La demande de réexamen doit être présentée à la Direction du logement. Aucun autre recours n’est prévu. La Commission a seule compétence pour statuer sur ces réclamations en attendant que les tribunaux ordinaires soient à nouveau en mesure de siéger.

158.Les personnes qui, entre le 23 mars 1989 et le 13 octobre 1999, ont procédé à des transactions informelles concernant des propriétés bâties qui étaient fondées sur le libre arbitre des parties, mais qui sont illégales au titre de la loi alors en vigueur (réclamations de la catégorie «B»), disposent d’une option supplémentaire si leur réclamation n’est pas contestée et que la Direction du logement considère comme suffisantes les preuves attestant que le requérant a acquis le droit de propriété dans le cadre d’une transaction informelle. Le cas échéant, la Direction du logement peut ordonner l’inscription de la transaction informelle au registre public pertinent.

159.Toutefois, cette décision ne constitue pas une décision contraignante en matière de droits de propriété et elle est sans préjudice du droit de former un recours auprès de la Direction du logement en vertu de la section 1.2 du Règlement de la MINUK no 1999/23. Le recours doit néanmoins être formé dans les 30 jours suivant la réception de la décision de la Direction du logement et au plus tard un an à compter de la date de la décision.

160.Dans le cas où un contrat de vente se rapporte à un bien immobilier situé dans une zone géographique spécifique, la juridiction compétente ne peut pas vérifier l’authenticité du contrat en l’absence de preuve que celui-ci a été enregistré par l’Administrateur municipal de la MINUK. La personne qui estime que ses droits de propriété ont été violés par suite du refus d’enregistrer une vente dans une zone géographique spécifique peut demander par écrit à l’administrateur municipal de revoir sa décision, prise en vertu de la section 3 du Règlement de la MINUK no 2001/17. La demande doit être présentée 30 jours au plus après le refus d’enregistrement. L’administrateur municipal doit rendre sa décision finale dans les 30 jours suivant la demande en réexamen. Si le requérant conteste la décision en question, il peut interjeter appel auprès d’un collège de trois juges nommés par le Représentant spécial du Secrétaire général pour qu’il soit procédé à un contrôle juridictionnel (y compris du respect des prescriptions de forme). Le recours doit être introduit par écrit dans les 60 jours suivant la date où la décision de l’administrateur municipal de ne pas enregistrer la vente devient définitive. Aucun autre recours ou délai de réponse n’est prévu.

E. cadre général de la promotion DES DROITS de l’homme au kosovo

161.Le Bureau du Médiateur au Kosovo a été mis en place par le Règlement de la MINUK n° 2000/38 dans le but de renforcer la protection des droits de l’homme au Kosovo. Le bureau se compose du médiateur lui-même, de ses adjoints, de juristes spécialistes des droits de l’homme et du personnel administratif. Depuis sa création, il est multiethnique: il comprend en majorité des Albanais du Kosovo et également des Serbes, des Turcs et des Roms du Kosovo. Le bureau a été inauguré officiellement le 21 novembre 2000.

162.Le Bureau du Médiateur est habilité à recevoir et à instruire des plaintes émanant de toute personne qui s’estime victime d’une violation des droits de l’homme ou d’un abus de pouvoir. Les langues officielles de travail du bureau sont l’albanais, le serbe et l’anglais. Il s’efforce de traiter avec les requérants dans leur langue, même s’il ne s’agit pas d’une de ces trois langues.

163.Si une situation ou action impliquant une violation des droits de l’homme est signalée au Bureau du Médiateur, celui-ci a la possibilité d’ouvrir une enquête sans qu’une plainte individuelle n’ait été déposée (il s’agit alors d’enquêtes ex officio). Le bureau a notamment compétence pour contrôler les politiques et lois adoptées par les autorités afin de veiller à ce qu’elles soient conformes aux normes relatives aux droits de l’homme et aux exigences en matière de bonne gouvernance. Lorsqu’il est saisi d’une plainte ou s’il est convaincu qu’une situation nécessite une action immédiate, le médiateur engage une correspondance avec l’autorité publique qui fait l’objet de la plainte ou de l’information reçue. Si une médiation n’est pas jugée nécessaire ou qu’un règlement à l’amiable n’est pas possible pour le problème en question, le médiateur publie, après enquête, un rapport dans lequel il examine si les droits fondamentaux du requérant ont effectivement été bafoués. Dans l’affirmative, le rapport contient également les recommandations du médiateur au Représentant spécial, qui représente la plus haute autorité civile au Kosovo, sur la manière d’assurer le respect des droits de l’homme à l’avenir. Lorsque le médiateur estime qu’une pratique ou situation générale ne portant pas seulement préjudice à une personne ou un groupe de personnes mais à la population dans son ensemble est contraire aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, il élabore un rapport spécial dans lequel figurent également des recommandations adressées au Représentant spécial.

164.La composante III de la MINUK a créé un groupe de formation aux droits de l’homme en septembre-octobre 1999. Un mois après sa création, ce groupe a organisé une conférence internationale sur les droits de l’homme, les 10 et 11 décembre 1999. Le but de cette conférence était de commencer à faire prendre conscience de l’importance des droits de l’homme pour la société après le conflit et de réunir des représentants de tous les secteurs et de tous les groupes du Kosovo pour qu’ils discutent ensemble de leurs sujets communs de préoccupation. Cette conférence, qui a duré deux jours, a réuni quelque 800 participants locaux représentant tous les groupes ethniques du Kosovo, et une trentaine d’experts internationaux ont présenté des exposés sur neuf sujets différents concernant le contexte du Kosovo après le conflit, à savoir la protection des minorités, la prévention de la torture, la justice en période de transition, la police démocratique, le droit au logement et les droits de propriété, les droits des femmes et des enfants, les détenus et les disparus. Un rapport sur la conférence, qui contient tous les exposés présentés, rend compte des débats et présente des recommandations de réforme, a été publié en anglais, en albanais et en serbe par la composante III et distribué à tous les participants après la conférence.

165.En 2000 et en 2001, le groupe de formation aux droits de l’homme a organisé des cours de formation de base sur les normes générales en matière de droits de l’homme à l’intention d’un public très divers. Ces cours de formation ont porté sur l’histoire des droits de l’homme, le droit relatif aux droits de l’homme et les moyens d’identifier les violations des droits de l’homme. Des études de cas ont été présentées, afin d’aider les participants à appliquer les droits de l’homme dans leur travail. Ces formations ont été dispensées dans le cadre des programmes d’amélioration des connaissances et des compétences professionnelles organisés par le Département de la démocratisation de la composante III de la MINUK à l’intention d’un public très divers (fonctionnaires municipaux, membres des conseils municipaux, responsables des élections municipales, travailleurs sociaux, journalistes, membres d’ONG de défense des droits de l’homme, d’organisations de jeunes et d’organisations de femmes, enseignants et étudiants en droit). Tous les participants ont reçu une traduction albanaise ou serbe de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Au cours de la même période, les responsables des droits de l’homme travaillant dans les bureaux de la composante III sur le terrain ont donné des conférences ponctuelles sur les droits de l’homme à des élèves du primaire et du secondaire. Du matériel pédagogique se rapportant aux droits de l’homme, en albanais et en serbe, a été distribué à des enseignants du primaire par le personnel de l’OSCE dans l’ensemble du Kosovo. Ce matériel, élaboré pour l’essentiel par Amnesty International et le Conseil de l’Europe, comprenait des versions simplifiées de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Convention relative aux droits de l’enfant et de la Convention européenne des droits de l’homme.

166.Parallèlement, l’OSCE a cherché à développer la capacité à long terme en matière de droits de l’homme au Kosovo en offrant un certain nombre de cours de formation intensive à ses agents locaux. Ces cours comprenaient un programme de formation d’un an dans le domaine de la surveillance des droits de l’homme et de la présentation de rapports, destiné aux observateurs nationaux des droits de l’homme, un cours d’une durée de 40 heures sur le droit relatif aux droits de l’homme, à l’intention des conseillers juridiques nationaux, et plusieurs cours de formation plus courts destinés à la majorité du personnel national des départements organiques de l’OSCE.

167.En janvier 2002, au moment de la création des institutions provisoires d’administration autonome, l’OSCE a créé une section de promotion des droits de l’homme dont les membres sont disséminés dans toutes les régions du Kosovo, le but étant de multiplier les cours de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme. Cette section comprenait 20 spécialistes des droits de l’homme, de l’enseignement et de la formation. Entre 2002 et 2006, la section a mis au point des programmes de formation spécialisés destinés à différents publics et conçus pour faire suite à la courte introduction aux droits de l’homme qui avait été proposée les années précédentes et pour améliorer la compréhension des droits de l’homme chez les personnes visées. La section s’adressait en particulier aux fonctionnaires municipaux, aux professionnels de la justice et du droit et aux élèves du primaire, du secondaire et du supérieur.

168.À partir de 2002, la section a organisé des clubs de jeunes pour les droits de l’homme dans neuf villes du Kosovo. Dans le cadre de ces clubs, qui réunissent des lycéens, l’OSCE propose des cours sur les droits de l’homme, organise des débats sur des questions connexes et finance les activités de sensibilisation lancées par les membres. Parmi ces activités, on peut signaler des pièces de théâtre et des expositions de photos itinérantes, des concerts et des débats publics sur différentes questions relatives aux droits de l’homme, comme les droits des handicapés, le droit à l’éducation pour tous et la liberté d’expression. En outre, l’OSCE a fourni des fonds à ces clubs de jeunes pour l’organisation de manifestations destinées à célébrer la Journée internationale des droits de l’homme, le 10 décembre, journée qui concentre généralement l’attention des médias.

169.Après la publication en 2002 d’un rapport de l’ONG internationale Mental Disability Rights International, qui appelait l’attention sur un certain nombre de problèmes, l’OSCE a proposé à tout le personnel des établissements de protection sociale, de la maison de retraite et de l’Institut spécial de Stimje/Stimlje, y compris le personnel d’appui, des cours de formation spécifiques consacrés aux droits de l’homme et aux principes relatifs aux droits de l’homme applicables aux personnes soufrant d’un handicap mental et aux personnes placées en détention.

170.Au début de 2002, une section a été créée au sein de l’OSCE pour offrir un appui aux victimes de crimes violents et sexistes. Après la conférence consacrée en décembre 2001 aux modèles internationaux d’assistance et de défense des victimes, un manuel de défense des victimes a été publié en anglais, en albanais et en serbe et largement diffusé auprès des centres sociaux, des ONG de défense des femmes et des enfants, des avocats, des responsables gouvernementaux et des membres de l’appareil judiciaire. La publication de ce manuel avait pour objectif de provoquer le débat et de faire prendre conscience de l’importance des services spécifiques d’assistance aux victimes pour le développement d’une institution professionnelle dans ce domaine. La section a organisé des programmes de formation spécifiques sur l’accueil des victimes de crimes sexistes à l’intention des travailleurs sociaux et du personnel du groupe d’assistance et de défense des victimes nouvellement créé au sein du Département de la justice de la MINUK. Plusieurs conférences publiques ont été organisées sur la lutte contre la traite d’êtres humains, l’appui aux victimes et la violence dans la famille. Elles ont attiré un grand nombre de participants. En outre, la section, en collaboration avec le Service de police du Kosovo, a organisé à l’intention d’élèves du secondaire de tout le Kosovo, des cours de formation sur la violence dans la famille et la violence dans les fréquentations, ces cours étant assurés par des policiers locaux.

171.En outre, l’OSCE a lancé un certain nombre de campagnes de sensibilisation dans les médias et par le biais de cours de formation portant sur diverses questions relatives aux droits de l’homme, notamment les droits civils et sociaux. Parallèlement aux campagnes consacrées à des thèmes généraux comme l’occupation illégale de propriété, plusieurs campagnes ont été organisées pour fournir des informations de base concernant par exemple les services d’assistance aux victimes, les services de lutte contre la traite ou encore les lignes d’assistance téléphoniques. Ces campagnes sont de plus en plus souvent organisées en collaboration avec le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme, l’égalité des chances et la parité entre les sexes, qui relève du Cabinet du Premier Ministre des institutions provisoires. Parmi les exemples de campagnes conjointes, on peut citer la campagne d’information organisée dans toutes les langues officielles sur la mise en œuvre de la loi contre la discrimination, récemment adoptée.

172.Les cours de formation et de sensibilisation aux droits de l’homme sont assurés par un certain nombre d’institutions publiques, dont l’école du Service de police du Kosovo. En 2002, une formation des formateurs axée sur les droits de l’homme et la police a été organisée pour le personnel de l’école du Service de police du Kosovo; elle a permis de mettre en place un cours spécifique sur les droits de l’homme, que suivent toutes les recrues du Service de police du Kosovo. Des cours spécialisés sur des questions spécifiques relatives aux droits de l’homme, par exemple sur l’accueil des victimes de violence familiale ou de traite, sont également organisés.

173.Depuis 2000, l’Institut judiciaire du Kosovo accueille des programmes de formation au droit relatif aux droits de l’homme conçus et exécutés par le Conseil de l’Europe à l’intention des juges et procureurs kosovars et internationaux. Ces programmes mettent l’accent sur les normes appliquées par la Cour européenne des droits de l’homme en matière de procès et de détention. Le Conseil de l’Europe finance des cours de formation de formateurs destinés à une sélection de juges du Kosovo et qui portent sur les droits civils et politiques visés par la Convention européenne des droits de l’homme. Cette formation débouchera sur l’élaboration d’un programme de formation financé par le Conseil de l’Europe, dont bénéficieront tous les juges et les procureurs du Kosovo et qui portera sur tous les aspects de la Convention européenne des droits de l’homme.

174.En outre, l’Institut judiciaire du Kosovo a servi de cadre à plusieurs programmes de formation aux droits de l’homme destinés aux membres de l’appareil judiciaire, en particulier un cours sur l’application du nouveau Code provisoire de procédure pénale du Kosovo, dont les dispositions sont respectueuses des droits de l’homme, ainsi que sur la façon d’aborder les affaires de traite d’êtres humains et de violence familiale. Dans le cadre de son programme ordinaire, l’Institut propose des cours sur l’éthique et la justice à tous ses étudiants.

175.Avec l’appui de la section de l’État de droit de l’OSCE, la Chambre des avocats a mis au point des cours de formation à l’intention des avocats nouvellement qualifiés et des avocats spécialisés dans le droit civil. Le droit relatif aux droits de l’homme fait partie de ces cours de formation.

176.La section de l’état de droit de l’OSCE organise également un cours préparatoire à l’examen du Barreau, qui se fonde sur un manuel d’examen du Barreau, récemment publié en albanais et en serbe. La formation comme le manuel accordent une large place au droit international relatif aux droits de l’homme, partie du programme qui a été élaborée et qui est enseignée par un expert de l’OSCE.

177.À l’occasion de la création du Bureau du Médiateur, l’OSCE a organisé des cours de formation complets sur les objectifs, les pouvoirs et les responsabilités de cette institution à l’intention des ONG locales de défense des droits de l’homme et d’autres ONG du Kosovo. Le but était d’aider les ONG à comprendre comment tirer parti de l’institution au nom des personnes qu’elles représentent. Le Bureau du Médiateur lui-même publie ses rapports en anglais, en albanais et en serbe, fait régulièrement des déclarations et accorde des entretiens aux médias locaux, et publie des éditoriaux dans la presse locale sur des questions relatives aux droits de l’homme et sur les analyses et le travail du Médiateur.

178.Parallèlement, la section du renforcement des capacités en matière de droits de l’homme de l’OSCE propose un programme de formation aux droits de l’homme ciblé, dispensé en albanais et en serbe aux hauts fonctionnaires du Kosovo qui travaillent au niveau municipal dans une des six institutions publiques, à savoir l’administration publique, la santé publique, l’éducation publique, la protection sociale, l’appareil judiciaire et le Service de police du Kosovo. Ce programme conjugue une formation au droit relatif aux droits de l’homme, qui s’appuie sur des études de cas pratiques pour apprendre aux étudiants à identifier les violations des droits de l’homme, et une formation destinée à renforcer les compétences cognitives des participants, afin qu’ils respectent davantage les droits de l’homme dans le cadre de leur travail.

179.Des questions spécifiques relatives aux droits de l’homme sont examinées dans le cadre du programme de l’Université de Prishtinë/Priština à la faculté de droit et à la faculté d’administration publique et de science politique. Ces cours sont dispensés en albanais uniquement. L’Université de Pristina, située à Mitrovicë/Mitrovica et gérée par le Ministère serbe de l’éducation, dispense des cours en serbe.

180.Avec l’appui de l’OSCE, du Programme finlandais d’appui aux droits de l’homme et de l’Université de Graz en Autriche, un centre des droits de l’homme a été créé à la faculté de droit de l’Université de Prishtinë/Priština. Ce centre, qui dispose d’une bibliothèque consacrée aux droits de l’homme, finance des travaux de recherche sur des questions relatives aux droits de l’homme et organise des programmes de formation universitaire, à l’intention notamment de journalistes et de non-juristes. Il a aussi commandé, publié et diffusé des versions albanaises et serbes de manuels relatifs aux droits de l’homme et des recueils d’instruments internationaux des Nations Unies. Les textes anglais et les traductions albanaises et serbes d’un certain nombre d’instruments relatifs à la protection des droits de l’homme contenus dans le Cadre constitutionnel et directement applicables au Kosovo depuis 2001 sont maintenant facilement consultables.

181.Le centre de consultation juridique du Kosovo (Kosovo Law Centre), ONG créée par l’OSCE, ouvre sa bibliothèque consacrée au droit, y compris au droit relatif aux droits de l’homme, aux étudiants, aux universitaires et aux juristes et organise à l’intention de divers publics des cours de formation consacrés notamment à des questions relatives aux droits de l’homme, y compris un cours de formation de base destiné aux jeunes délinquants et aux jeunes d’âge scolaire qui est comparable aux programmes de vulgarisation juridique (Street Law) mis en place dans d’autres pays.

182.Le Ministère de l’éducation, de la science et de la technologie a mis au point un nouveau programme scolaire pour le primaire et le secondaire et a introduit l’éducation civique dans le programme de presque toutes les années d’enseignement. Le programme d’éducation civique permet d’aborder un certain nombre de questions relatives aux droits de l’homme adaptées aux différents niveaux. Pour un grand nombre de ces questions, il reste encore à élaborer le matériel d’enseignement. Pour les cours dispensés en sixième année, l’OSCE a élaboré des supports et une méthode d’enseignement, qui ne sont pour l’instant disponibles qu’en albanais. L’OSCE propose aux enseignants d’éducation civique de sixième année des cours sur l’histoire des droits de l’homme, sur les rudiments du droit relatif aux droits de l’homme et sur la méthode d’enseignement. Un programme de formation au droit international relatif aux droits de l’homme, financé par le Comité international de la Croix‑Rouge, a été inclus dans le programme d’éducation civique du secondaire. L’élaboration de supports d’enseignement pour les écoles de langue bosniaque ou turque du Kosovo est en cours. Le programme et les supports d’enseignement destinés aux écoles de langue serbe qui opèrent au Kosovo sont élaborés par le Ministère de l’éducation de la République serbe.

183.Des ONG locales ont fourni un appui à des publics spécifiques et/ou à des questions spécifiques relatives aux droits de l’homme. C’est le cas par exemple du programme de formation aux droits de l’homme du Centre du Kosovo pour les droits de l’homme, organisé à l’intention des enseignants, dans la région de Pejë/Peć, des programmes de formation de juristes proposés par l’ONG NORMA, qui fournit une assistance juridique aux femmes, de la formation aux droits de l’enfant proposée par l’UNICEF et Save the Children aux responsables municipaux chargés des droits de l’enfant, des programmes de formation sur les droits des femmes proposés par UNIFEM (en particulier un programme de formation intensive consacré aux femmes et à la législation et destiné aux avocats publics et privés), des campagnes de sensibilisation et de formation consacrées aux droits des handicapés, organisées par l’ONG locale HANDIKOS, et d’autres encore, notamment un cours de formation spécifique destiné aux responsables municipaux chargés des questions relatives aux femmes et aux défenseurs des victimes.

184.Un service de la KFOR organise des campagnes de sensibilisation sur un large éventail de thèmes dans les médias locaux et par voie d’affichage. Nombre de ces campagnes portent sur des questions relatives aux droits de l’homme. Ainsi, en 2005, une campagne de grande envergure a été menée conjointement avec le Cabinet du Premier Ministre pour promouvoir la liberté de circulation.

185.Dans le cadre de son mandat de protection des droits de l’homme, l’OSCE a aussi publié en anglais, en albanais et en serbe des rapports analytiques sur diverses questions relatives aux droits de l’homme, accompagnés de recommandations destinées aux acteurs et institutions concernés. Ces rapports sont généralement très médiatisés. Parmi les rapports publiés ces six dernières années, on peut citer dix rapports d’évaluation sur les minorités, des rapports globaux ou thématiques sur les normes en matière de procès et de détention, des examens approfondis de la protection des droits de propriété et un certain nombre de rapports spécialisés, notamment sur la réaction du système de justice pénale aux émeutes de mars 2004.

F. rôle du processus de présentation de rapports dans la promotion des droits de l’homme au kosovo

186.Le 23 août 2004, le Représentant spécial du Secrétaire général et le Secrétaire général du Conseil de l’Europe ont signé l’accord entre la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo et le Conseil de l’Europe sur les arrangements techniques liés à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (Accord MINUK/Conseil de l’Europe). En vertu de l’article 2.2 de cet accord, la MINUK doit soumettre «au Comité des Ministres des informations complètes sur la législation et les autres mesures prises pour donner effet aux principes énoncés par la Convention-cadre». Ce faisant, «la MINUK affirme pour son compte et celui des institutions provisoires d’administration autonome que leurs responsabilités respectives seront exercées en conformité avec les principes contenus dans la Convention-cadre».

187.L’article 2.2 de l’accord dispose, entre autres, que la MINUK doit soumettre au Comité des Ministres des informations complètes sur la législation et les autres mesures prises pour donner effet aux principes énoncés par la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (Convention-cadre). La MINUK a transmis ces informations le 2 juin 2005 sous la forme d’un rapport (rapport de la MINUK).

188.Le rapport de la MINUK a été examiné par le Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (Comité consultatif). Une délégation s’est rendue au Kosovo du 11 au 15 octobre 2005 pour obtenir des informations complémentaires. Le Comité consultatif a rendu son avis le 25 novembre 2005. En vertu de l’article 2.4 de l’Accord MINUK/Conseil de l’Europe, après la réception des informations de la MINUK et d’un avis du Comité consultatif de la Convention-cadre, le Comité des Ministres doit examiner et adopter ses conclusions sur l’adéquation des mesures prises par la MINUK et les institutions provisoires d’administration autonome pour donner effet aux principes de la Convention-cadre. Le Comité des Ministres adoptera ses conclusions après la réunion du Comité consultatif du 21 février 2006, au cours de laquelle l’avis sera examiné.

189.Auparavant, le 22 juillet 2005, le Premier Ministre, Bajram Kosumi, avait décidé de créer des groupes des droits de l’homme dans chacun des ministères de l’exécutif des institutions provisoires d’administration autonome. Dans son instruction administrative du 11 août 2005, il reconnaît que la surveillance de la mise en œuvre des plans d’action et des normes internationales et la présentation de rapports à ce sujet par les ministères font partie intégrante de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme, l’égalité des chances et l’égalité entre les sexes a été prié d’assurer la coordination.

190.À ce jour, des groupes des droits de l’homme ont été constitués dans huit ministères. Toutefois, ils ne sont pas encore opérationnels, en partie pour des raisons financières mais aussi parce que le FMI a demandé que les ressources humaines disponibles soient utilisées pour les nouveaux ministères de la justice et de l’intérieur.

G. non-discrimination et égalité

Généralités

191.Le principe de non-dicrimination est ancré dans les Règlements de la MINUK. Le chapitre C du présent rapport met en évidence les dispositions du Règlement de la MINUK n° 1999/24 et du Cadre constitutionnel qui portent sur la discrimination. Le Règlement n° 1999/1 du 25 juillet 1999 sur l’autorité de l’administration provisoire au Kosovo, premier règlement à être adopté, consacre ces principes dans son article 2 qui est ainsi libellé: «Dans l’exercice de leurs fonctions, toutes les personnes exerçant une fonction publique ou occupant un emploi public au Kosovo doivent respecter les normes des droits de l’homme internationalement reconnues et ne doivent faire preuve de discrimination à l’égard de quiconque, pour des raisons de sexe, de race, de couleur, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine ethnique ou sociale, d’appartenance à une communauté nationale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.».

192.Le principe de non-discrimination est aussi réaffirmé dans l’article 2 de la loi antidiscrimination, ainsi libellé: «L’égalité de traitement signifie qu’il ne peut y avoir de discrimination directe ou indirecte à l’encontre de quiconque pour des raisons de sexe, d’identité sexuelle, d’âge, de statut marital, de langue, de handicap mental ou physique, d’orientation sexuelle, d’appartenance ou de conviction politique, d’origine ethnique, de nationalité, de religion ou de croyance, de race, d’origine sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.».

193.L’objectif de cette loi est de créer des mécanismes efficaces pour assurer l’application et le respect des textes et de prévoir des sanctions proportionnées et dissuasives en cas de violation de la part d’acteurs publics ou privés. L’interdiction de la discrimination couvre à la fois la discrimination directe et indirecte, le harcèlement, l’ordre d’appliquer une discrimination, la victimisation et la ségrégation. La loi s’applique à «toutes les personnes physiques et morales, du secteur public comme du secteur privé, y compris les organismes publics, concernant les actes ou omissions qui violent les droits de toute personne ou groupe de personnes physiques ou morales» et couvre les domaines économique, politique, social et culturel. Toute plainte pour discrimination déposée en vertu de la loi antidiscrimination est examinée conformément à la loi applicable par des organes administratifs et des tribunaux qui ont compétence ratione materiae sur l’affaire. L’un des aspects fondamentaux de la loi est que la charge de la preuve incombe désormais à la personne accusée de traitement discriminatoire, ce qui renforce la protection des victimes de discrimination dans les affaires qui mettent en cause des institutions. Les victimes présumées peuvent être soutenues par différentes organisations ou personnes morales lorsqu’elles portent plainte. La loi habilite les tribunaux non seulement à accorder des indemnités pour les dommages subis par les victimes de traitement discriminatoire mais aussi à infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 2 000 euros à toute institution violant la loi antidiscrimination. En outre, elle autorise le Médiateur du Kosovo à recevoir des plaintes pour discrimination et à leur donner suite. Il importe de noter que la loi encourage le recours à des mesures positives pour assurer une véritable égalité au quotidien. Ces mesures visent à prévenir ou à pallier les désavantages dont pâtissent les personnes appartenant à certains groupes comme les handicapés, les femmes, les personnes déplacées, les rapatriés, etc. En outre, en cas de violation de la loi, des mesures positives peuvent être imposées par la justice. Les contrats pour l’octroi de fonds publics ou autres avantages doivent comprendre des dispositions concernant le respect de la loi antidiscrimination et peuvent être déclarés nuls en cas de violation de loi. Enfin, la loi antidiscrimination dispose que les sommes perçues sous forme d’amendes imposées aux personnes ayant violé la loi sont versées à un fonds permettant de proposer une assistance juridique gratuite à toute personne physique ou morale dont le droit à l’égalité de traitement a été violé.

194.Le Cadre constitutionnel, la loi antidiscrimination et le mandat de tous les ministères des institutions provisoires d’administration autonome offrent une protection contre la discrimination qui a permis d’améliorer de manière sensible l’égalité en droit de tous les groupes sujets à la discrimination au Kosovo.

195.Il est difficile d’évaluer l’étendue de la discrimination dont sont victimes les femmes, les enfants, les minorités, les handicapés et d’autres groupes vulnérables, au niveau central comme au niveau local, en raison du manque de données. On ne dispose que de peu de chiffres et de statistiques sur la représentation et la part des minorités, des femmes et des personnes déplacées en ce qui concerne des questions telles que les retours, la réintégration, l’accès aux services sociaux, la participation aux prises de décisions, etc. L’absence d’information pose problème. Les statistiques disponibles font apparaître des disparités entre la majorité et les minorités, en particulier les Roms, les Ashkalis et les Égyptiens, en ce qui concerne l’éducation, l’emploi et la pauvreté. Les femmes, en particulier dans les régions rurales, sont surtout désavantagées en matière d’emploi (leur taux d’activité est de 25,54 % contre 74,39 % pour les hommes) et d’éducation (7,94 années d’école en moyenne contre 10 pour les hommes).

196.Au cours de la période considérée, il n’existait aucun mécanisme pour surveiller l’application des lois dans la pratique. La création de mécanismes de surveillance est envisagée, conformément à une recommandation du Cabinet du Premier Ministre. Un comité chargé de surveiller l’application des lois et de présenter des rapports à ce sujet pourrait être créé au sein du Gouvernement ou de l’Assemblée du Kosovo.

197.Après la promulgation de la loi antidiscrimination, le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme, l’égalité des chances et l’égalité entre les sexes a organisé une campagne d’information pour mieux faire connaître la loi et les droits qu’elle protège. Cette campagne a consisté en une conférence de presse, un atelier destiné aux ministères et aux responsables de la MINUK et une campagne promotionnelle en deux phases, des brochures, des prospectus et des affiches ayant été diffusés tout d’abord auprès des fonctionnaires puis auprès du grand public. Le Département de l’administration centrale du Ministère des services publics, les fonctionnaires municipaux pour la parité entre les sexes et des ONG ont fait en sorte que les documents soient diffusés dans toutes les municipalités du Kosovo. Par ailleurs, le Bureau consultatif a participé à un certain nombre d’initiatives appuyées par des donateurs et visant à faire mieux connaître au grand public le contenu de la loi, ainsi qu’à différentes activités de formation destinées aux avocats et aux juges. Le Secrétaire permanent du Cabinet du Premier Ministre a mis en place un groupe de travail chargé de rédiger tous les règlements administratifs relatifs à l’application de la loi antidiscrimination. Depuis août 2005, le Groupe de travail se réunit régulièrement; lors de sa deuxième réunion, les membres ont formulé des observations sur le projet d’instruction administrative proposé par le Ministère des services publics. Pour traiter la question de manière globale, le Cabinet du Premier Ministre a mis en place en 2005, en coopération avec l’OSCE, le HCR et la MINUK, un plan d’action coordonné établissant la marche à suivre. Le 11 octobre 2005, le Plan d’action global pour la loi antidiscrimination a été adopté après un débat public organisé par le Premier Ministre.

198.Le Règlement de la MINUK n° 2001/19 offre un exemple important de mesures positives dans le domaine de l’emploi public. Les secrétaires permanents des ministères et les directeurs des organes exécutifs sont chargés d’appliquer «des politiques de gestion du personnel non discriminatoires au sein du ministère ou de l’organe exécutif, y compris une représentation équitable des sexes; dans tous les domaines et à tous les niveaux, et de veiller à ce que la composition du personnel reflète le caractère pluriethnique du Kosovo». Le Règlement précise que «la composition du personnel de la fonction publique à tous les niveaux doit être étroitement proportionnelle à la représentation des communautés non majoritaires à l’Assemblée».

199.Pour donner effet au principe de la «représentation équitable dans la fonction publique», le but étant de corriger les déséquilibres qui ont pour effet d’exclure les minorités, y compris les personnes déplacées et les réfugiés, de l’accès à l’emploi et aux ressources sur la base de leur appartenance ethnique et/ou de leur sexe, le Règlement de la MINUK n° 2001/36 (loi sur la fonction publique) et, en particulier, la Directive administrative n° 2003/2 qui en porte application, disposent que «tous les organes employeurs […] peuvent recourir aux mesures positives suivantes selon que de besoin: a) Recruter activement: faire des efforts particuliers pour identifier et solliciter des demandes d’emploi de la part de personnes issues de groupes sous‑représentés, en particulier les personnes déplacées et les réfugiés; b) Remédier aux effets de la discrimination de longue date: élaborer des programmes de formation en cours d’emploi à l’intention des populations couramment désavantagées afin qu’elles puissent postuler à des promotions; c) Lutter contre la discrimination en veillant à ce que le personnel comprenne les politiques antidiscrimination et ait accès aux procédures de dépôt de plaintes adéquates.».

200.Un autre aspect important de la loi est qu’elle fournit à tous les organismes employeurs, par le biais d’une instruction administrative, des conseils leur permettant de s’acquitter de leurs responsabilités légales concernant la création d’une fonction publique pluriethnique fondée sur le principe de l’égalité des chances. En vertu de cette instruction administrative, des responsables de l’égalité des chances doivent être nommés dans chaque ministère, chaque municipalité et chaque organe exécutif et chargés d’élaborer des politiques d’égalité des chances ainsi que leurs stratégies d’application, en définissant les mesures pratiques à prendre au cours des trois prochaines années pour atteindre les objectifs fixés dans les politiques d’égalité des chances, y compris les mesures proactives à prendre pour: «a) encourager les candidatures à des postes au ministère/à la municipalité/à l’organe exécutif de la part des groupes sous-représentés de la société, dont les membres des communautés minoritaires, les femmes et les handicapés; b) veiller à ce que les communautés minoritaires, les femmes et les handicapés soient représentés à tous les échelons dans l’organisme employeur; c) faire comprendre à tous les employés l’importance et les avantages d’une fonction publique vraiment représentative; d) encourager l’utilisation des deux langues officielles du Kosovo par tous les employés; e) veiller à ce que tous les usagers des services proposés par le ministère/la municipalité/l’organe exécutif se voient offrir la même qualité élevée de services conformément aux procédures relatives à l’égalité des chances.». Chaque secrétaire permanent ou haut responsable des municipalités, ministères et organes exécutifs devrait surveiller les progrès accomplis dans l’application des politiques d’égalité des chances et faire régulièrement des rapports à ce sujet.

201.À ce jour, toutefois, peu d’efforts ont été faits pour nommer des responsables de l’égalité des chances dans les ministères, municipalités et organes exécutifs ou pour définir des critères ou des procédures pour l’application et la surveillance des politiques de représentation équitable à tous les niveaux de la fonction publique. Malgré des améliorations récentes, essentiellement dues à l’application des Normes, plusieurs postes réservés aux minorités restent vacants.

202.Pour faire appliquer le principe de la représentation équitable dans la fonction publique, la MINUK a décidé en juin 2002 d’établir une représentation proportionnelle des minorités. Le Groupe de travail sur l’emploi des minorités du Conseil d’orientation sur les communautés, qui regroupe des représentants de la composante II/Bureau des affaires communautaires, de la composante III/OSCE, de la composante IV/Union européenne, du Cabinet du Premier Ministre, du Ministère du travail et du bien-être social, du Ministère des services publics, du HRC, de l’Alliance pour les droits et la tolérance et du Bureau des rapatriés et des communautés, a mis au point une méthode efficace pour veiller à la représentation proportionnelle des communautés dans la fonction publique du Kosovo. Le Représentant spécial de l’époque, M. Steiner, a approuvé les objectifs et les plans. Le Groupe de travail a pris pour point de départ les résultats des élections à l’Assemblée centrale du 17 novembre 2001. Se fondant sur la représentation des communautés à cette occasion, il a défini des fourchettes pour parvenir à une représentation proportionnelle des communautés dans la fonction publique centrale, représentation qui se rapprocherait le plus possible de la représentation des différentes communautés à l’Assemblée du Kosovo. Selon cette formule, la représentation des minorités doit correspondre à un des deux chiffres concernant les membres de l’Assemblée issus de minorités, à savoir 1) le nombre de sièges réservés aux minorités ou 2) le nombre total de sièges occupés par des membres issus de minorités. En vertu de cette méthode, la proportion de Serbes devrait être comprise entre 8,3 % et 18,3 % tandis que les minorités non serbes représenteraient collectivement de 8,3 % à 10,8 % des effectifs. Ces fourchettes peuvent contribuer à l’élaboration d’objectifs appropriés en matière de représentation. Elles peuvent aussi être utilisées comme critères par un mécanisme de surveillance: leur dépassement peut suggérer un problème de favoritisme tandis que des chiffres inférieurs au seuil doivent appeler l’attention sur une éventuelle discrimination, chaque cas de figure nécessitant une intervention.

203.En outre, des mesures positives d’accompagnement ont été proposées: par exemple, promouvoir l’égalité des chances en matière de recrutement en «élargissant les campagnes de recrutement destinées aux membres des communautés minoritaires et en prolongeant de manière appropriée les délais pour la réception de leurs candidatures» si les candidatures reçues dans les délais ne sont pas suffisamment équilibrées, prendre des mesures préférentielles en privilégiant «le recrutement et la promotion de membres des communautés minoritaires qui répondent aux critères, afin de respecter les conditions de représentation des communautés, pour veiller à une représentation proportionnelle des communautés à tous les échelons de la fonction publique» et pallier les effets de la discrimination à long terme en mettant au point «des programmes de formation en cours d’emploi pour les populations communément défavorisées (à savoir les communautés rom, ashkali et égyptienne) afin de leur donner les moyens de postuler à des emplois». Malheureusement, ni la méthode d’établissement de la représentation proportionnelle des communautés, ni les propositions de mesures positives n’ont été mises en œuvre pour l’instant et, en particulier pour les postes à responsabilité, le recrutement des minorités «a trop souvent été considéré comme un moyen de respecter les quotas plus que comme une façon de promouvoir une véritable participation des communautés».

Égalité entre les sexes

204.La loi n° 2004/2 sur l’égalité entre les sexes au Kosovo, promulguée par le Règlement de la MINUK n° 2004/18 en date du 7 juin 2004, vise à promouvoir et à garantir l’égalité entre les sexes en tant que valeur fondamentale pour le développement démocratique de la société du Kosovo, en offrant les mêmes chances aux hommes et aux femmes de participer à la vie politique, économique, culturelle et autre de la société. La loi crée des conditions favorables à l’égalité entre les sexes en mettant en place des politiques qui favorisent le développement général et visent en particulier à améliorer le statut des femmes afin qu’elles aient plus de pouvoir dans la famille et dans la société. Elle introduit des mesures générales et spécifiques pour garantir l’égalité des droits et désigne les autorités responsables, en définissant leurs domaines de compétence.

205.La loi sur l’égalité entre les sexes prévoit la représentation égale des hommes et des femmes à tous les échelons dans les organes exécutifs, législatifs et judiciaires, dans les institutions publiques et dans les organes gouvernementaux centraux et locaux. L’égalité de représentation est explicitement définie comme une proportion d’au moins 40 % d’hommes comme de femmes. Elle prévoit la création d’un conseil interministériel comprenant des responsables des affaires relatives à l’égalité entre les sexes des ministères, d’un bureau pour l’égalité entre les sexes, institution gouvernementale distincte, et des bureaux pour les affaires relatives à l’égalité entre les sexes au sein des organismes gouvernementaux locaux.

206.L’article 6 est ainsi libellé: «Les questions de discrimination qui sont directement liées à des distinctions de sexe sont traitées par le Groupe de l’égalité entre les sexes du Bureau du Médiateur créé en vertu du Règlement de la MINUK no 2000/38, qui a aussi la responsabilité d’examiner les projets de loi, de formuler des observations sur l’application de la présente loi et sur la législation existante dans la mesure où elle porte sur des questions d’égalité entre les sexes […] Le financement est assuré par le budget consolidé du Kosovo.». Cependant, conformément au Règlement de la MINUK no 2000/38, la compétence du Groupe pour l’égalité entre les sexes du Bureau du Médiateur est limitée aux actions et décisions des institutions provisoires d’administration autonome. L’article 3.1 du Règlement de la MINUK no 2000/38 est ainsi libellé: «Le Médiateur a compétence pour recevoir et examiner des plaintes émanant de toute personne ou entité au Kosovo concernant des violations des droits de l’homme et des actes constituant un abus de pouvoir de la part de l’administration civile provisoire ou toute nouvelle institution centrale ou locale.».

207.En mars 2004, le Premier Ministre a adopté le Plan d’action national pour la réalisation de l’égalité entre les sexes. Le plan a été conçu comme un mécanisme permettant de garantir l’égalité entre les sexes; son premier objectif est d’assurer l’égalité de participation, de représentation et d’avantages pour les femmes dans toutes les sphères et à tous les niveaux de la vie politique, économique, culturelle et sociale au Kosovo. Il présente des recommandations destinées à trouver des solutions aux problèmes spécifiques des femmes et aux disparités entre hommes et femmes et sert de feuille de route au Gouvernement qui a fait de l’égale participation, des femmes et des hommes au développement futur du Kosovo son objectif central. S’appuyant sur l’analyse de la situation et des problèmes existants, le plan d’action définit six domaines de préoccupation, à savoir l’éducation, l’économie, la politique, la santé et le secteur social, les droits de l’homme et la violence contre les femmes, et la culture des enfants.

Éducation

208.La loi sur l’enseignement primaire et secondaire au Kosovo (loi no 2002/2), promulguée par le Règlement de la MINUK no 2002/19, et la loi sur l’enseignement supérieur au Kosovo (loi no 2002/3), promulguée par le Règlement de la MINUK no 2003/14, contiennent toutes deux des dispositions garantissant l’accès à l’éducation sans aucune discrimination directe ou indirecte pour tout motif réel ou présumé comme le sexe, la race, l’orientation sexuelle, le handicap physique ou autre, le statut marital, la couleur, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale, ethnique ou sociale, l’association à une communauté nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Des disparités entre les sexes existent à tous les âges; l’écart entre garçons et filles n’est pas énorme en ce qui concerne le taux de scolarisation net global (89,5 pour les garçons contre 87,41 pour les filles) mais les différences en ce qui concerne le nombre moyen d’années d’écoles (10,40 pour les garçons contre 8,42 pour les filles, qui se situent ainsi en dessous de la durée minimale de scolarisation obligatoire, fixée à 9 ans), mettent en évidence un problème d’abandon scolaire chez les filles. La situation est particulièrement critique dans les zones rurales et dans les minorités rom, ashkali et égyptienne (10 ans de scolarité pour les garçons des zones rurales contre 7,94 pour les filles, 8,04 pour les garçons roms, ashkalis ou égyptiens et seulement 5,69 pour les filles issues des mêmes minorités). Si les données qualitatives sur les raisons pour lesquelles les enfants ne sont pas scolarisés restent rares, des études comme «Situation Analysis of Children and Women in Kosovo» (UNICEF, février 2004), «Girls’ enrolment and drop-out in Kosovo, A casual analysis of girls’ enrolment and drop-out» (UNICEF et Ministère de l’éducation, de la science et de la technologie, novembre 2004) et les informations fournies par le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme, l’égalité des chances et l’égalité entre les sexes laissent à penser que les principales raisons qui expliquent la non-scolarisation sont l’absence de transport depuis les villages isolés, la préférence donnée aux garçons pour des raisons économiques, la culture et les traditions ainsi que les problèmes de sécurité auxquels se heurtent les minorités.

209.Certaines municipalités coopèrent avec le Ministère de l’éducation pour offrir des transports gratuits ou à prix réduit. Après que la KFOR a cessé, en 2002, de faire escorter par des hommes armés les écoliers ou les bus scolaires dans certaines zones ethniquement mixtes, par exemple à Cernic/Cernica (municipalité de Gjilan/Gnjilane), dans la municipalité de Obiliq/Obilić, ou encore dans la municipalité de Viti/Vitina, le Médiateur a contribué à veiller à ce que des équipes ethniquement mixtes du Service de police du Kosovo continuent à offrir aux enfants une protection adaptée lorsqu’ils vont à l’école ou en reviennent.

Emploi

210.Le Règlement de la MINUK no 2001/27 sur la législation essentielle du travail au Kosovo dispose qu’un employeur doit offrir la même rémunération (salaire de base auquel s’ajoutent éventuellement d’autres prestations et émoluments offerts directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur à l’employé) aux hommes et aux femmes pour un travail de valeur égale. Toutefois, selon les informations disponibles, nombre de femmes ne recevraient toujours pas un salaire égal à celui des hommes pour le même travail. Il existe des obstacles culturels concernant le type de travail que les femmes sont autorisées à faire. Alors que la loi en vigueur est très explicite quant à l’égalité des chances, les normes culturelles en décident autrement. Il faudra encore faire des efforts pour que les femmes soient présentes dans les entreprises et participent à la main‑d’œuvre qualifiée. Elles ne comptent que pour 30 % de la main‑d’œuvre dans les villes et pour à peine 20 % dans les zones rurales.

211.La Directive administrative no 2003/2 portant application du Règlement de la MINUK no 2001/36 sur la fonction publique au Kosovo met en place des mesures spécifiques pour le recrutement dans la fonction publique. L’article 3.3 dispose que «le recrutement dans la fonction publique doit se faire après une mise en concurrence équitable et ouverte des candidats, sur la base du mérite et conformément au principe de la représentation équitable des communautés du Kosovo et de la représentation équitable des hommes et des femmes dans tous les domaines et à tous les échelons […] conformément aux fourchettes de représentation applicables aux différents secteurs de la fonction publique, telles que régulièrement fixées par le Représentant spécial du Secrétaire général». L’article 10.1 dispose que tous les organismes employeurs doivent mettre en place des procédures pour garantir une représentation pluriethnique et un équilibre entre les sexes dans les ministères, municipalités ou organes exécutifs, conformément à l’article 3.3, et peuvent recourir en tant que de besoin aux mesures positives ci-après: a) Recruter activement: faire des efforts particuliers pour identifier et solliciter des demandes d’emploi de la part de personnes issues de groupes sous-représentés, en particulier les personnes déplacées et les réfugiés; b) Remédier aux effets de la discrimination de longue date: élaborer des programmes de formation en cours d’emploi à l’intention des populations couramment désavantagées afin qu’elles puissent postuler à des promotions; c) Lutter contre la discrimination en veillant à ce que le personnel comprenne les politiques antidiscrimination et ait accès aux procédures de dépôt de plaintes adéquates.

212.La loi sur l’égalité entre les sexes prévoit la représentation sur un pied d’égalité des hommes et des femmes à tous les échelons des organes exécutifs, législatifs et judiciaires, des organismes publics et des organes gouvernementaux centraux et locaux. Les entités désignées comme responsables de la réalisation de l’égalité entre les sexes sont notamment l’Assemblée du Kosovo, le Gouvernement et les ministères et les organes gouvernementaux locaux. La loi prévoit également les points suivants:

Rédaction par le Gouvernement d’un Programme pour l’égalité entre les sexes, qui sera soumis pour approbation à l’Assemblée;

Création d’un conseil interministériel comprenant des fonctionnaires chargés de l’égalité entre les sexes, nommés par chaque ministère, qui sera responsable de l’application de la stratégie pour l’égalité entre les sexes établie par la loi sur l’égalité entre les sexes, en collaboration avec le bureau pour l’égalité entre les sexes;

Nomination de responsables de l’égalité entre les sexes dans chaque municipalité et création d’un bureau des affaires féminines par les organes gouvernementaux locaux.

213.L’article 4 de l’instruction administrative 2005/8 sur les compétences et les devoirs des responsables de l’égalité entre les sexes au sein des municipalités charge le bureau municipal pour l’égalité entre les sexes de tenir à jour la base de données statistiques sur l’égalité entre les sexes et d’en analyser les informations. L’instruction administrative portant création du bureau pour l’égalité entre les sexes confie à sa direction du suivi et de la présentation de rapports la responsabilité de surveiller la situation en matière d’égalité et d’en rendre compte et met en place des mécanismes d’application aux niveaux ministériel et municipal. Un véritable mécanisme de suivi peut ainsi être créé.

Santé et bien ‑être social

214.Plusieurs mécanismes ont été créés par la loi sur l’égalité entre les sexes pour garantir l’égalité d’accès aux services fournis au niveau municipal. Ces mécanismes comprennent des responsables municipaux de l’égalité entre les sexes (dans les 30 municipalités), des responsables de l’égalité des chances (dans 24 municipalités) et des comités de l’égalité entre les sexes (dans 20 municipalités).

215.À Prizren/Prizren et à Mitrovicë/Mitrovica, plusieurs projets d’ONG de femmes ont reçu un appui financier de la municipalité grâce aux pressions du comité pour l’égalité des chances. Le responsable municipal de l’égalité entre les sexes informe régulièrement le comité des projets proposés par les ONG. Ces projets sont alors approuvés ou refusés par le comité. Les projets approuvés et mis en œuvre à Prizren/Prizren sont notamment une campagne de sensibilisation pour la promotion des droits des femmes sur les chaînes locales de télévision, l’organisation de la journée internationale des femmes, l’organisation de cours de formation destinés aux aveugles, la création d’un refuge pour les victimes de violence familiale, l’appui aux enfants handicapés mentaux, des débats dans des établissements d’enseignement secondaire sur la traite des êtres humains, des conférences et des cours de formation sur la santé destinés aux femmes des zones rurales, des visites médicales gratuites pour les femmes et les filles dans deux villages albanais, un village bosniaque, un village serbe et un village turc. À Mitrovicë/Mitrovica, un projet d’éducation destiné aux filles des zones rurales a été lancé en 2003 et d’autres projets ont été mis en œuvre en 2004 et 2005.

216.D’après l’UNICEF, même si le système de santé concentre plus de 11 % des dépenses publiques, l’allocation des fonds continue de souffrir de graves déséquilibres. Les dépenses les plus importantes (13 250 millions d’euros, soit 30 %) portent sur l’achat de produits pharmaceutiques, suivies des dépenses relatives aux salaires, 11 % des dépenses étant des dépenses d’équipement (infrastructure). D’après la même source, 26 % des dépenses totales prennent la forme d’allocations spécifiques accordées aux municipalités pour couvrir les dépenses relatives aux soins de santé primaires. L’UNICEF signale également que, même si des données exactes restent difficiles à obtenir, on estime que le taux de mortalité infantile est actuellement de 35 ‰.

Handicap

217.Les handicaps physiques ou mentaux figurent dans la loi antidiscrimination comme l’un des motifs de discrimination spécifiquement interdits, ce qui montre la volonté du Kosovo de parvenir à l’égalité pour les personnes handicapées. La loi antidiscrimination offre une base légale pour la suppression des obstacles à l’égalité de participation et pour l’élimination de la discrimination fondée sur le handicap.

218.Depuis le début 2000, le Kosovo a pris des mesures pour promouvoir l’égalité pour les handicapés en désignant Handicap International comme l’institution internationale chef de file dans le domaine du handicap et en lui demandant d’appuyer les recommandations formulées par des ONG locales, comme celle de Handikos, qui visait à mettre au point une stratégie globale sur le handicap, fondée sur les Règles pour l’égalisation des chances des handicapés. En décembre 2003, on a mis en place un cadre d’orientation pour les handicapés en 14 points qui définit des objectifs en matière d’accessibilité, d’éducation et d’emploi. Ce cadre prévoit la promulgation de la loi antidiscrimination qui vise à remédier aux inégalités du passé et à prévenir de nouvelles discriminations, étape initiale complétée par des mécanismes de mise en œuvre. Il est recommandé de créer un Bureau des personnes handicapées au sein du Cabinet du Premier Ministre, ce bureau ayant accès à tous les services du Gouvernement, et de transformer l’équipe spéciale sur le handicap en structure consultative permanente qui prendrait la forme d’un conseil du handicap. Depuis 2002, un poste de conseiller pour les questions relatives au handicap a été créé au sein du Cabinet du Premier Ministre et un projet de création d’un Conseil national du handicap, organe consultatif permanent appuyé par le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme, l’égalité des chances et l’égalité entre les sexes, est en cours d’examen par le Premier Ministre. Le projet du bureau a été développé. Des campagnes de sensibilisation sur les questions relatives aux handicapés et des manifestations telles que des tables rondes sur l’octroi de permis de conduire aux handicapés et des campagnes «Pas de décision nous concernant sans que nous soyons consultés» ont eu lieu en 2005, l’objectif étant de veiller à la prise en compte des questions relatives aux handicapés dans les différentes politiques menées.

219.Pour améliorer la participation des organisations représentant les handicapés à l’élaboration des politiques municipales, quatre municipalités (Pristina, Prizren/Prizren, Gjakove/Dakovica et Sukareke/Suva Reka) ont créé des commissions chargées des handicapés. La commission mise en place à Pristina est composée de membres de l’assemblée municipale issus des commissions obligatoires et d’autres commissions tandis que, dans d’autres municipalités, la commission comprend des membres de l’administration civile, des membres de l’assemblée municipale et des représentants de la société civile. Ces commissions visent à contribuer à l’élaboration des politiques et des pratiques et à influencer ces dernières, le but étant de répondre aux besoins des personnes handicapées.

220.En outre, toutes les municipalités collaborent avec l’ONG Handikos à l’élaboration de programmes à l’intention d’enfants handicapés. Cinq municipalités proposent des cours spéciaux, dont bénéficient au total 1 081 élèves handicapés.

Minorités

221.Le chapitre B du présent rapport décrit les mesures prises pour protéger les communautés minoritaires dans les domaines de la législation et de l’exécutif.

222.En vertu du Règlement de la MINUK no 2000/45, les organes municipaux sont tenus de «donner effet dans leurs politiques et pratiques à la nécessité de promouvoir la coexistence entre les habitants et de créer des conditions appropriées permettant à toutes les communautés d’exprimer, de préserver et de développer leur identité ethnique, culturelle, religieuse et linguistique tandis que le Cadre constitutionnel étend son obligation positive aux institutions provisoires d’administration autonome à tous les niveaux.

223.Pour donner effet à ce principe, l’instruction administrative 2001/1 sur la gestion des fonds municipaux des communautés non majoritaires, en date du 9 novembre 2001, impose aux municipalités d’allouer une part proportionnelle de leur budget consolidé total, financé par leurs ressources propres et par les allocations générales et relatives à l’éducation et à la santé, aux communautés minoritaires résidant sur leur territoire, conformément aux proportions fixées en fonction des données issues des recensements (mécanisme de partage équitable du financement). En 2002, on a élaboré un modèle de rapport permettant de s’assurer que les municipalités se conforment à ces dispositions et le Règlement no 2002/23 sur l’approbation du budget consolidé du Kosovo et les dépenses autorisées pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2003, en date du 31 décembre 2002, a introduit des dispositions visant à veiller à ce que les municipalités allouent des ressources suffisantes aux communautés minoritaires vivant sur leur territoire. Des dispositions analogues figurent également dans tous les règlements de la MINUK sur le budget consolidé du Kosovo parus ultérieurement.

224.Chaque année, le Ministre des finances et de l’économie et le Représentant spécial adjoint du Secrétaire général publient une instruction administrative sur l’administration des allocations financières, qui fournit des instructions pour le calcul des allocations conformément aux postes budgétaires et aux catégories économiques et prévoit des mécanismes de signalement et des sanctions en cas d’allocations financières inéquitables.

225.A chaque trimestre de l’année budgétaire, les municipalités présentent des rapports sur les fonds qu’elles ont alloués aux communautés non majoritaires. Ces rapports sont rédigés par les responsables financiers des municipalités et signés par le Président de l’assemblée municipale et la communauté. Ils sont soumis au Ministre des finances et de l’économie qui analyse et contrôle les chiffres fournis.

226.Les rapports montrent que le principe du partage équitable du financement n’a été que partiellement respecté. Il apparaît qu’au niveau local les principaux obstacles à la réalisation des objectifs budgétaires fixés selon ce principe sont les institutions parallèles qui sont toujours dirigées par Belgrade et la candidature de personnes non qualifiées issues des minorités à des postes dans les secteurs de l’éducation et de la santé. Un autre motif de préoccupation est l’inexactitude de l’image que donnent des résultats obtenus par les municipalités les quotas fixés pour le partage équitable du financement. Dans certaines municipalités, les chiffres sont mathématiquement corrects, les calculs et les extrapolations étant fondés sur le nombre d’habitants issus des minorités et non sur le nombre de ces personnes qui bénéficient effectivement des services proposés; la méthode de calcul des allocations pour les différentes catégories n’est pas toujours claire.

227.Afin de garantir l’égalité d’accès des communautés aux services municipaux, le Règlement de la MINUK no 2000/45 autorise la création de bureaux des communautés «dans les communautés où une communauté qui n’est pas en majorité forme une partie importante de la population». Ces bureaux sont financés par le budget consolidé du Kosovo et perçoivent des allocations budgétaires pour le paiement des salaires et des prestations, les dépenses relatives aux biens et aux services et les dépenses d’équipement, en fonction des demandes qu’ils présentent pour l’année budgétaire. En 2004, 1 300 759 euros ont été alloués à ces bureaux, qui ont employé 241 personnes. Le Département du budget consolidé du Kosovo, au sein du Ministère des finances et de l’économie, collabore étroitement avec ces bureaux et les aide à élaborer et à gérer leur budget. Des bureaux municipaux des communautés ont été créés dans toutes les municipalités comptant un nombre important d’habitants issus de communautés minoritaires.

228.Le Règlement de la MINUK no 2000/45 prévoit la création obligatoire, dans chaque municipalité, d’une commission des communautés et d’une commission de médiation. Ces deux commissions ont été conçues pour protéger les communautés de personnes issues d’un même groupe ethnique, religieux ou linguistique, tel que défini à l’article 2.3, et pour donner suite à leurs plaintes.

229.La Commission des communautés doit comprendre des membres de l’assemblée et des représentants des communautés. Chaque communauté résidant dans la municipalité doit être représentée par au moins un membre à la Commission. La communauté majoritaire de la municipalité ne peut disposer d’un nombre de représentants supérieur à la moitié du nombre total de membres, les autres communautés devant être représentées de manière équitable. La Commission de médiation doit comprendre en nombre égal des représentants de l’assemblée municipale qui ne sont pas membres de la Commission des communautés et des représentants des communautés non majoritaires, dans des proportions équitables.

230.Bien que les rôles et procédures des deux Commissions aient été définis respectivement dans l’instruction administrative 2003/002 et l’instruction administrative 2005/001, au moment de la rédaction du présent rapport, un certain nombre d’obstacles continue d’entraver leur fonctionnement. Une étude récente menée conjointement par l’OSCE et le Bureau des communautés, des retours et des minorités de la MINUK montre que seules les commissions des communautés de quelques municipalités (Dragash/Dragas, Ferizaj/Uroševac, Klinë/Klina, Prizren/Prizren et Shtime/Štimlje) se réunissent régulièrement et que les réunions ne débouchent pas sur des résultats concrets. Des affaires ont été transmises pour examen à la Commission de médiation dans moins d’un tiers des municipalités (Dragash/Dragas, Ferizaj/Uroševac, Gjilan/Gnjilane, Kaçanik/Kacanik, Prishtinë/Priština, Prizren/Prizren et Viti/Vitina) et cette commission, dans la plupart des municipalités, ne s’est plus jamais réunie après sa session d’inauguration (Deçan/Dečane, Gjakovë/Dakovica, Klinë/Klina, Skenderaj/Srbica et Shuareke/Suva Reka). Il importe de noter que dans deux municipalités (Gllogovc/Glogovac et Malishevë/Mališevo) la commission des communautés et la commission de médiation n’ont jamais été créées.

231.Le manque de participation des membres de la Commission aux réunions, l’absence de quorum qui en découle et diverses difficultés d’organisation restent des problèmes récurrents dans plusieurs municipalités. Plus particulièrement, l’absence aux réunions des représentants des Serbes du Kosovo est un problème dans plusieurs municipalités, où elle a souvent fait obstacle et nui au travail des commissions pendant plusieurs mois. Les causes profondes de ces différents problèmes vont de la sélection inadéquate des membres représentant les communautés (ce qui nuit à la légitimité au niveau local et entraîne une mauvaise représentation des besoins et des intérêts des communautés) aux luttes de pouvoir internes entre les représentants des communautés au sein des commissions, trop souvent considérées comme un moyen de promouvoir les programmes des différents partis politiques. Enfin, la situation est encore aggravée par le manque général de connaissances et de compétences des membres des commissions concernant les pratiques discriminatoires et les techniques de médiation, ce qui nuit aux performances des commissions.

232.La discrimination indirecte à l’encontre des communautés minoritaires reste importante au Kosovo et entrave l’accès de ces communautés aux services essentiels comme l’emploi, l’éducation, la santé, la protection sociale et les services municipaux, ce qui nuit aux efforts déployés pour créer des conditions propices au retour. Par exemple, plusieurs éléments montrent que les membres des communautés minoritaires souffrent d’une discrimination indirecte, pour des raisons liées à l’appartenance ethnique et à la langue, dans l’accès aux services publics et aux services sociaux.

233.Les enfants des communautés minoritaires éprouvent encore des difficultés à accéder à l’enseignement primaire, secondaire et supérieur. Au cours des événements de mars 2004, des écoles ont été brûlées, endommagées ou occupées par des personnes déplacées, ce qui a empêché ou entravé l’accès aux établissements. Le fait que les élèves issus des minorités soient tributaires des transports scolaires limite également leur accès à l’enseignement. En ce qui concerne l’égalité d’accès à l’emploi, il faut signaler que certains postes vacants dans le secteur public font l’objet d’annonces dans les journaux albanais et non dans les médias des minorités.

234.Ce sont essentiellement les membres des communautés rom, ashkali et égyptienne, et en particulier ceux qui vivent encore dans des camps, qui souffrent de discrimination dans l’accès aux services sociaux. Le fait de ne pas avoir accès aux services sociaux les plus basiques a, dans de nombreux cas, conduit les Roms à vivre dans une pauvreté extrême, ce qui les rend étroitement tributaires de l’aide humanitaire.

235.En vertu de la législation applicable, le Ministère de la santé est tenu de fournir des services de santé publique aux communautés «[…] de manière transparente et responsable, en ne faisant aucune discrimination en fonction de l’origine ethnique ou sociale […]». En outre, le Ministère est tenu de «mettre au point des politiques et appliquer la législation pour garantir la mise en place d’un système de santé non discriminatoire et responsable», pour «suivre la situation sanitaire et appliquer des mesures appropriées pour prévenir et limiter les problèmes en matière de soins de santé» et «promouvoir la participation des communautés et le développement des initiatives et des activités des communautés dans le domaine de la santé […]».

236.Les municipalités ont la responsabilité de fournir des soins de santé primaires (dispensaires et centres plus petits comme les «ambulantas» et les centres de santé familiale) alors que les hôpitaux, qui assurent les soins de santé secondaires, sont gérés au niveau central, par le Ministère de la santé. Il existe un système de santé parallèle au Kosovo. Outre le système de santé géré par le Ministère de la santé, il y a des établissements gérés par le Ministère serbe de la santé qui les supervise, paie les salaires et couvre tous les frais de fonctionnement. La coopération et l’échange d’informations entre les deux systèmes sont limités.

237.Les violences de mars 2004 ont aggravé la défiance entre les membres de la communauté albanaise du Kosovo et les membres des communautés minoritaires (la communauté serbe du Kosovo, dans une large mesure). Les membres de la communauté serbe du Kosovo préfèrent recourir aux structures de soins de santé secondaires parallèles plutôt que d’utiliser celles des institutions provisoires d’administration autonome, même si cela suppose de longs déplacements. Cela est dû principalement au fait que les établissements qui prodiguent des soins de santé secondaires emploient peu de personnel issu des minorités et qu’ils sont généralement situés dans des zones peuplées majoritairement d’Albanais du Kosovo.

238.En outre, le manque de moyens de transport constitue le principal obstacle aux soins de santé pour les membres des communautés minoritaires. Les restrictions à la liberté de circulation entravent surtout l’accès aux soins de santé secondaires car, en général, l’accès aux établissements suppose de longs déplacements alors que les établissements de soins de santé primaires sont généralement situés à une distance raisonnable des lieux d’habitation des communautés minoritaires. Dans certains cas, les établissements ne disposent pas de suffisamment d’ambulances pour transporter les patients à l’hôpital en cas d’urgence ou pour fournir des services aux patients de manière efficace. Les communautés minoritaires doivent essentiellement compter sur les véhicules privés ou les transports publics. Cependant, les problèmes de sécurité, réels ou supposés, dissuadent souvent les membres des communautés minoritaires d’utiliser des véhicules privés, même en cas d’urgence médicale.

239.S’agissant de la situation des minorités, l’UNICEF indique qu’à l’heure actuelle il n’y a dans les zones serbes du Kosovo que deux établissements de santé maternelle et infantile en état de fonctionnement qui sont librement accessibles à la communauté. L’un se trouve dans la partie nord de Mitrovicë/Mitrovica, l’autre à Gračanica/Graçanicë, non loin de Prishtinë/Priština. Dans son rapport, l’UNICEF indique également que de nombreuses familles roms, ashkalis ou égyptiennes vivent dans des habitations dont les installations d’assainissement sont soit inexistantes soit très rudimentaires et qui n’ont pas l’eau courante, ce qui accroît de manière sensible le risque de maladie et d’infection. Par comparaison, les enfants bosniaques et turcs du Kosovo seraient relativement bien intégrés et ne souffriraient pas de discrimination manifeste dans l’accès au système de soins.

240.Pour que les tribunaux soient efficaces, il faut qu’ils soient pratiques d’accès. Or cela pose un problème au Kosovo, en particulier pour les Serbes du Kosovo qui se heurtent à des problèmes de sécurité. Outre la question de la présence d’avocats serbes du Kosovo pouvant les représenter et de juges pour améliorer l’impartialité, se pose le problème crucial de la sécurité physique, qui entrave le fonctionnement des tribunaux dans les zones abritant des Serbes du Kosovo. Les problèmes de sécurité auxquels se heurtent les Serbes du Kosovo les dissuadent de se rendre dans les centres‑villes, où se trouvent les tribunaux. En outre, dans certaines zones où vivent des minorités ethniques, les tribunaux manquent de personnel. Les émeutes de mars 2004 ont créé une situation d’insécurité qui a pour effet d’empêcher les Serbes d’accéder aux tribunaux. Le problème est aggravé par l’existence de structures judiciaires serbes parallèles.

DEUXIÈME PARTIE: RAPPORT SUR LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME AU KOSOVO DEPUIS JUIN 1999 PRÉSENTÉ AU COMITÉ DES DROITS DE L’HOMME PAR LA MISSION D’ADMINISTRATION

INTÉRIMAIRE DES NATIONS UNIES AU KOSOVO

Introduction

1.Le présent rapport sur la situation des droits de l’homme au Kosovo depuis juin 1999 au Comité des droits de l’homme est soumis par la Mission d’administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo conformément au mandat que lui avait confié le Conseil de sécurité des Nations Unies dans sa résolution 1244 (1999). Ce rapport est le premier à être soumis selon le nouveau modèle de présentation de rapports sur les droits de l’homme faisant appel à un document de base élargi commun et à des documents spécifiques à chaque instrument, conformément aux Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (les Directives) dont le principe a été approuvé à la dix‑septième réunion des présidents des organes conventionnels, tenue les 23 et 24 juin 2005.

2.Dans un premier temps, un projet de rapport avait été établi par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe avec la contribution des composantes et bureaux de la Mission et des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo. Le projet a été ensuite révisé par le Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général.

Article 1 er

3.Eu égard au mandat de la MINUK au titre de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, le présent article n’appelle aucune observation.

Article 2

4.Des matériels concernant cet article sont présentés dans la partie G du document de base commun.

Article 3

5.Des matériels concernant cet article sont présentés dans la partie G du document de base commun.

Article 4

6.La procédure de dérogation prévue à l’article 4 ne s’applique pas à la MINUK, qui n’est pas un État Partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Article 5

7.La MINUK n’a aucune observation à faire à propos de cet article.

Article 6

Peine de mort

8.Le paragraphe 5 de l’article premier du Règlement de la MINUK no 1999/24 en date du 12 décembre 1999 (tel que modifié) sur le droit applicable au Kosovo stipule que la peine de mort est abolie. Telle a été la position depuis que la MINUK a commencé à exercer son mandat.

Risques sanitaires dus à l’environnement

9.Une équipe spéciale a été mise en place au sein des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo et de la MINUK en réaction au problème que connaissent les camps roms, ashkalis et égyptiens situés dans la partie nord de Mitrovicë/Mitrovica, dont les habitants courent un grand risque d’empoisonnement au plomb du fait de la pollution de l’environnement.

10.Le Ministère de la santé, opérant en étroite collaboration avec la MINUK et l’organisation non gouvernementale Caritas Kosovo, a distribué des vivres et des vêtements aux habitants de ces camps. En outre, ces organismes fournissent des soins médicaux, du matériel jetable et des médicaments par le biais de deux équipes médicales. L’objectif principal de ces activités est d’assurer aux personnes concernées un environnement salubre dans des conditions convenables. L’OMS a fourni l’équipement nécessaire pour détecter la présence de plomb dans le sang au sein des groupes de personnes vulnérables.

11.Le Ministère de la santé et l’Institut national de la santé publique ont établi, avec l’aide du Bureau des minorités, qui relève des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo, des contacts directs avec des experts de l’Institut de la mère et de l’enfant à Belgrade, qui assure un traitement hospitalier aux personnes qui vivent dans ces camps.

Mesures pour éliminer les épidémies

12.Les infractions pénales contre la santé publique sont définies dans le Code pénal provisoire du Kosovo. Parmi ces infractions figurent la propagation de maladies contagieuses (art. 215), le non‑respect des règles sanitaires pendant les épidémies (art. 216), la propagation de maladies vénériennes, dont le VIH (art. 217) et l’emploi de personnes souffrant de maladies contagieuses (art. 218).

13.L’Institut national de la santé publique est responsable du dépistage, de l’enregistrement des cas et de la lutte contre les maladies contagieuses et les maladies causées par la vermine. L’Institut estime dans son rapport de 2005 que les mécanismes servant à signaler les cas de maladie contagieuse au Kosovo laissent encore à désirer, notamment pour ce qui est du nombre de cas signalés et des retards dans la transmission de l’information, qui semblent pourtant moins importants.

14.Le Ministère de la santé s’est doté d’une commission chargée du suivi de la tuberculose et du VIH/sida.

15.L’année passée, l’Institut national de la santé publique a créé un mécanisme d’observation de la tuberculose dans le cadre du système de surveillance des maladies contagieuses et a exécuté une série d’activités sur la base du protocole applicable à la «fièvre hémorragique virale». L’Institut a formé des médecins de famille et hospitaliers à la fois au diagnostic et au signalement des maladies contagieuses, en particulier celles qui présentent un risque de contamination très élevé.

16.À l’Institut, un service chargé du VIH/sida/MST (maladies sexuellement transmissibles) suit tous les cas ayant trait à ces maladies dans tous les établissements de santé du Kosovo. Durant la période allant de janvier à novembre 2005, deux cas de VIH/sida ont été signalés. Au Centre national de transfusion sanguine, 11 723 donneurs de sang ont fait l’objet d’un dépistage et aucun d’eux n’a été déclaré séropositif. Le Ministère de la santé a assuré un traitement à cinq personnes souffrant du VIH/sida. Deux centres de dépistage «sur appel» ont été ouverts pour le VIH, l’hépatite B et la syphilis. Bien que le nombre de personnes infectées par le VIH ou atteintes du sida soit très faible au Kosovo, l’Institut estime que l’épidémie gagne du terrain en raison des conditions économiques et sociales, du développement de l’industrie du sexe et d’une augmentation de la consommation de drogues injectables. Des fonds doivent être investis dans le système servant à signaler les cas de VIH/sida afin qu’il réponde aux normes internationales.

17.Pour se préparer aux futures épidémies de grippe, le Ministère de la santé a défini les tâches d’un futur comité appelé à planifier la lutte contre ces épidémies et a fait des propositions au Cabinet du Premier Ministre concernant la composition de cet organe. Le Ministère a également élaboré un plan d’action pour la préparation en vue d’une éventuelle épidémie de grippe et d’une intervention rapide pour y faire face. Il a établi une instruction administrative pour promouvoir des mesures visant à prévenir la grippe aviaire et à assurer une intervention rapide pour lutter contre cette maladie. Ce document définit la chaîne de commandement en cas de grippe aviaire. Conformément à cette instruction administrative, des commissions antigrippe aviaire ont été créées dans les différentes régions et au sein des institutions sanitaires. Ces organes ont déjà quantifié le matériel et les médicaments nécessaires pour traiter les éventuels cas de grippe aviaire. Le 20 octobre 2005, le Ministère de la santé a demandé au Cabinet du Premier Ministre un montant de 2,2 millions d’euros. Il a en outre publié une circulaire d’information sur les mesures administratives et d’organisation nécessaires à tous les niveaux.

Mesures de prévention de la privation arbitraire de vie

18.Le Manuel des politiques et des procédures du Service de police du Kosovo stipule ce qui suit:

«Le recours à la force quel qu’en soit le degré n’est justifié que lorsque le fonctionnaire de police a des raisons sérieuses de croire qu’elle est nécessaire. Les principes fondamentaux régissant le recours à la force sont la légalité, la nécessité et la proportionnalité. Les facteurs ou les circonstances que le fonctionnaire ignorait au moment de l’utilisation de la force ne seront pas pris en considération ultérieurement pour déterminer si l’emploi de la force était justifié. L’usage de la force a pour objectif de venir à bout de la résistance d’un suspect au dessein légitime du fonctionnaire de police. Il est interdit aux fonctionnaires de police d’employer inutilement ou excessivement la force.».

19.Le Manuel des politiques et des procédures fixe les règles que doivent appliquer tous les fonctionnaires du Service de police du Kosovo avant d’utiliser la force dans l’exercice de leurs fonctions officielles et indique clairement quel degré de force est acceptable. Les membres du Service de police du Kosovo sont généralement en mesure d’appréhender des auteurs présumés de violations de la loi sans recourir à la force physique. Dans la mesure du possible, ils doivent user de conseils, de persuasion et d’avertissements pour obtenir la coopération nécessaire de l’auteur de la violation lorsqu’une arrestation doit être effectuée. Les membres du Service de police du Kosovo peuvent seulement utiliser la force lorsque les autres méthodes pouvant être employées pour maîtriser le suspect sont inefficaces et seulement dans la limite de ce qui est nécessaire pour l’accomplissement de leurs fonctions officielles. Chaque agent du Service de police du Kosovo est tenu de connaître de manière approfondie les procédures et de les respecter pleinement.

20.Pour ce qui est de l’utilisation des armes à feu, le Manuel des politiques et des procédures du Service de police du Kosovo stipule ce qui suit:

Il est interdit de pointer sans discernement des armes sur une personne;

L’usage de toutes les armes à feu est interdit sauf à des fins d’entraînement et conformément aux présentes politiques;

Les fonctionnaires de police s’abstiendront de faire feu sur des véhicules en marche lorsqu’ils effectuent une poursuite. Les fonctionnaires de police s’abstiendront de faire feu sur un véhicule en marche à moins que ce véhicule ne soit utilisé comme une arme contre eux ou contre d’autres personnes ou à moins que cela ne soit nécessaire pour empêcher qu’une blessure grave ou un décès ne soit causé par des armes à feu utilisées contre eux ou d’autres personnes depuis le véhicule en marche.

21.Une formation à l’«utilisation progressive de la force» est dispensée, l’officier de police étant tenu de moduler la force utilisée en fonction de la menace. Par exemple, le premier degré de l’usage de la force consiste à adresser des sommations verbales au suspect pour qu’il arrête son activité illégale. Aux fins de déterminer le degré de force physique nécessaire pour empêcher une infraction pénale en cours ou effectuer une arrestation, plusieurs facteurs doivent être pris en considération par le fonctionnaire de police, à savoir:

L’âge du suspect;

Le sexe du suspect;

Les aptitudes physiques ou autres du suspect;

Les moyens dont dispose le suspect pour arriver à ses fins (taille, force);

Les armes/matériels dont dispose le suspect (bâton, couteau, arme à feu);

Le fait que le suspect est sous l’empire de l’alcool, de stupéfiants ou de médicaments;

L’état mental du suspect;

Le nombre de suspects et d’officiers de police en présence.

22.La formation de base dispensée aux policiers comporte des exercices pratiques sur les tactiques de défense et les techniques de contention physique permettant de procéder de manière légale à l’arrestation d’un suspect qui oppose une résistance physique active ou passive. Dans le cadre de ces exercices, les élèves pratiquent ces techniques les uns sur les autres et apprennent de façon concrète comment utiliser la force de manière progressive.

Article 7

23.En application de l’article 3 du Règlement no 1999/24 sur le droit applicable au Kosovo, dans l’exercice de leurs fonctions toutes les personnes qui accomplissent des tâches publiques ou exercent des fonctions publiques au Kosovo observeront les normes internationalement reconnues relatives aux droits de l’homme consacrées par différents instruments internationaux, notamment la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 17 décembre 1984 (Convention contre la torture).

24.L’Accord sur les modalités techniques relatives à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est entré en vigueur après sa signature par le Représentant spécial du Secrétaire général et le Secrétaire général du Conseil de l’Europe le 23 août 2004. Il vise à faciliter la tâche du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment en lui permettant d’accéder à tout lieu au Kosovo où se trouvent des personnes privées de leur liberté par la MINUK.

25.L’article 165 du Code pénal provisoire du Kosovo contient une définition du délit pénal de torture qui reflète celle qui figure dans la Convention contre la torture.

26.Le paragraphe 1 de l’article 4 du Règlement de la MINUK no 2004/46 en date du 19 novembre 2004 relatif à la loi sur l’application des peines pénales dispose qu’aucun condamné ne sera soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Quant au paragraphe 1 de l’article 195, il stipule que l’entité publique compétente en matière judiciaire procède à l’inspection interne des établissements pénitentiaires pour faire en sorte qu’ils soient administrés de manière économique et efficace et assurer le respect de l’objet, de l’esprit et des principes de la loi.

Article 8

Interdiction de l’esclavage et lutte contre la traite des êtres humains

27.La Convention relative à l’esclavage de 1926, telle que modifiée en 1955, la Convention sur la répression de la traite des personnes et de l’exploitation de la prostitution d’autrui de 1949 et les Conventions de l’Organisation internationale du Travail (OIT) no 29 de 1930 concernant le travail forcé ou obligatoire, no 105 de 1957 sur l’abolition du travail forcé, no 182 de 1999 sur les pires formes de travail des enfants sont entrées en vigueur pour le Kosovo le 22 mars 1989, et en application du paragraphe 3 de l’article premier du Règlement de la MINUK no 1999/24, font partie du droit applicable au Kosovo. En outre, la définition de la traite des personnes figurant à l’article 139 du Code pénal provisoire du Kosovo reprend les termes du Protocole additionnel de 2000 à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants.

28.L’article 139 du Code pénal provisoire du Kosovo érige en infraction le fait de se livrer à la traite des personnes, de l’organiser ou de la faciliter par négligence et d’offrir à autrui les services d’une victime connue de la traite. L’article 137 érige en infraction la tenue ou le maintien d’une personne en esclavage, le placement, l’achat, la vente ou le fait de servir d’intermédiaire dans l’achat ou la vente d’une personne réduite à l’esclavage ou astreinte à des conditions de travail forcé analogues à l’esclavage, ce qui inclut le fait de s’approprier une personne, de refuser à une personne les fruits de son travail ou de la priver de la liberté de changer son statut professionnel ou ses conditions de travail, en violation des règles du droit international. Lorsque l’infraction pénale est commise à l’encontre d’un enfant dans le contexte d’une relation domestique ou par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, la peine prévue est plus lourde. La prostitution forcée et l’exploitation des enfants à des fins pornographiques sont érigées en infraction par les articles 201 et 202, respectivement, du Code pénal provisoire du Kosovo. En outre, le Règlement de la MINUK no 2001/27 en date du 8 octobre 2001 relatif à la loi sur les activités professionnelles essentielles prévoit une protection contre le travail forcé ou obligatoire et interdit l’emploi de personnes âgées de moins de 15 ans.

29.Ces dispositions sont complétées par le Règlement de la MINUK no 2001/4 qui contient des dispositions relatives à la protection des victimes et des témoins pendant l’enquête et le procès. La Directive administrative no 2005/3 de la MINUK décrit les modalités d’action et les fonctions du Coordonnateur de l’assistance aux victimes qui est chargé de coordonner, notamment en ce qui concerne l’assistance aux victimes de la traite, l’application du Règlement au cours de l’enquête, des poursuites et des activités de réadaptation entreprises par les organes chargés d’appliquer la loi et les organismes qui apportent une assistance et assurent un refuge aux victimes. Le Règlement de la MINUK no 2001/4 stipule qu’une personne qui se prostitue, séjourne ou travaille illégalement au Kosovo n’est pas pénalement responsable s’il y a des motifs sérieux de croire qu’elle est ou qu’elle a été victime de la traite, et garantit que l’assistance accordée aux victimes ne soit pas refusée dans cette situation. Le Règlement exige également des agents chargés d’appliquer la loi d’informer dès que possible les personnes, dont on pense qu’elles sont victimes de la traite, de leur droit de demander les prestations prévues dans le Règlement et de prendre contact avec les personnes compétentes pour obtenir l’assistance dont elles ont besoin. L’assistance est coordonnée par le biais du Groupe chargé de défendre la cause des victimes et de leur apporter une assistance du Département de la justice (Victims Advocacy and Assistance Unit, VAAU), le Ministère du travail et de la protection sociale, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’Organisation internationale pour les migrations et plusieurs ONG agissant conformément aux procédures opératoires types pour l’assistance directe aux victimes de la traite non originaires du Kosovo. Les mêmes procédures sont appliquées de manière informelle aux victimes originaires de la province en attendant l’adoption de procédures opératoires types. Aux fins de répondre aux besoins des victimes, le Règlement no 2001/4 définit les types de service devant être fournis aux victimes de la traite. Ces services sont les suivants: a) interprétation gratuite dans la langue de leur choix (fournie par le Groupe chargé de défendre la cause des victimes et de leur apporter une assistance ou par les tribunaux); b) aide judiciaire gratuite (financée par le Groupe) pour les affaires de traite (au pénal ou au civil); c) hébergement temporaire dans un lieu sûr et assistance psychologique médicale et sociale selon les besoins; et d) tout autre service spécifié dans la directive administrative, notamment: assistance à la réintégration, aide financière, assistance pour les travaux de réparation en vue du retour dans les cas des demandeurs se trouvant à l’extérieur du Kosovo et établissement de contacts avec les organisations compétentes appelées à fournir une assistance médicale, juridique, psychologique, sociale et financière dans le pays dont le demandeur est citoyen ou dans le précédent lieu de résidence habituel du demandeur. En outre, les articles 11 et 12 du Règlement de la MINUK no 2001/4 protègent la victime de l’expulsion et rendent possible une évaluation du statut de réfugié.

30.Les refuges suivants pour victimes de la traite sont actuellement opérationnels au Kosovo: refuge intérimaire du Groupe chargé de défendre la cause des victimes et de leur apporter une assistance qui assure un hébergement immédiat dans un lieu sûr pour une période de réflexion de trois jours à toutes les victimes présumées de la traite; un refuge géré par une ONG locale destiné aux victimes non originaires du Kosovo de la traite qui souhaitent être rapatriées; un foyer de protection pour enfants géré par le Ministère du travail et de la protection sociale où sont hébergés des enfants victimes de la traite courant un risque minime ou moyen et un programme de vie semi‑indépendante pour enfants victimes de la traite administré par une ONG et financé par le Groupe.

31.Le nombre des victimes de la traite qui ont obtenu une assistance à ce jour est indiqué dans le tableau ci‑après:

Année

Victimes assistées par le Groupe

Victimes hébergées dans un refuge provisoire

2005

32

25

2004

23

23

2003

20

12

32.Les enquêtes sur la traite des êtres humains sont effectuées au Kosovo par la Section de la traite des êtres humains de la MINUK où travaillent actuellement 26 agents du Service de police du Kosovo et 26 agents de la police civile de la MINUK répartis dans cinq bureaux extérieurs qui couvrent les cinq régions du Kosovo. En 2005, les enquêtes menées par la Section ont permis d’arrêter 39 personnes et d’en inculper 13. Trois agents de la police des Nations Unies et quatre étrangers ont été arrêtés par la police civile de la MINUK et le Service de police du Kosovo à la fin du mois d’août pour participation à la traite des êtres humains au Kosovo.

33.L’approbation du Plan d’action pour combattre la traite des êtres humains au Kosovo, le 17 mai 2005, est un pas important vers la mise en place d’un cadre institutionnel durable visant à assurer une coordination permanente et complète entre les principales entités qui participent à la lutte contre la traite. Ce plan d’action repose sur cinq principes: 1) mise en œuvre par les pouvoirs publics; 2) participation de la société civile; 3) traitement des victimes fondé sur les droits de l’homme; 4) coordination interdisciplinaire au niveau ministériel et local et entre les pouvoirs publics, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales; et 5) évaluation et durabilité. Le Plan vise trois objectifs stratégiques, à savoir la prévention, la protection et l’engagement de poursuites. Le cadre à l’appui de la mise en œuvre du Plan d’action prévoit la création d’un groupe de travail interministériel associant tous les ministères compétents des institutions provisoires d’administration autonome, des organisations internationales et différentes ONG actives dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains; son but principal consiste à élaborer et à appliquer la stratégie et le plan d’action de lutte contre la traite du Kosovo, à appuyer le système de surveillance, d’évaluation et d’examen du Plan d’action et à assurer la liaison entre le groupe de travail interministériel et les organismes de tutelle, de façon à garantir une circulation régulière de l’information entre toutes ces entités.

34.Dans le cadre d’un effort de sensibilisation, plusieurs campagnes médiatiques de vaste envergure, conçues par le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance, les droits de l’homme, l’égalité des chances et la parité entre les sexes, le Groupe chargé de défendre la cause des victimes et de leur apporter une assistance et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), sont en cours dans tout le Kosovo. Elles visent le grand public, les officiels ainsi que les enfants, en particulier les jeunes femmes et les filles. Le Ministère de l’éducation, de la science et de la technologie et l’UNICEF ont produit un documentaire sur la traite, l’esclavage et la prostitution des femmes dans le cadre d’un projet de plus vaste portée sur la promotion et l’alphabétisation des filles. En outre, le Ministère exécute actuellement en coopération avec l’OIM un projet de prévention de la traite des êtres humains dans les Balkans qui fait appel à des activités éducatives et de renforcement de capacités dans les écoles. Ce projet triennal est exécuté à l’échelle de l’ensemble de la région de l’Europe du Sud‑Est. Le Groupe chargé de défendre la cause des victimes et de leur apporter une assistance de la MINUK exécute, en coopération avec le Ministère de l’éducation, de la science et de la technologie à Prishtinë/Priština, et l’OSCE, une campagne pluriethnique contre la traite intitulée «Pas à vendre» visant à empêcher que des jeunes ne soient victimes de la traite. Dans le cadre de la campagne sont organisés des festivals à l’occasion de la Journée de la jeunesse, un concours de chant dans toutes les écoles du Kosovo et d’autres activités visant à familiariser les jeunes, toutes origines ethniques confondues, avec le problème de la traite des êtres humains, leurs droits et la manière de se protéger. La campagne vise également à faire connaître la permanence téléphonique gratuite du Groupe chargé de défendre la cause des victimes et de leur apporter une assistance. Plus de 5 000 personnes ont directement participé à travers le Kosovo à la campagne qui a fait l’objet d’une vaste couverture médiatique dans le pays.

Article 9

35.La MINUK a pris d’importantes mesures législatives pour protéger les droits garantis à l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

36.Dans le Code de procédure pénale de la République fédérale de Yougoslavie qui était applicable en vertu du Règlement de la MINUK no1999/24, il n’y avait pas d’obligation expresse de fournir des informations à une personne arrêtée au moment de son arrestation. En vertu de l’alinéa a du paragraphe 1 de l’article 2 du Règlement de la MINUK no 2001/28 en date du 12 octobre 2001 sur les droits des personnes, une personne arrêtée a le droit d’être informée des raisons de son arrestation dans une langue qu’elle comprend et d’être informée oralement de ses droits dès son arrestation. Ces dispositions ont été incorporées au paragraphe 1 de l’article 14, au paragraphe 3 de l’article 212 et au paragraphe 1 de l’article 214 du Code de procédure pénale provisoire du Kosovo qui consacre le droit de la personne arrêtée d’être informée des raisons de son arrestation dans une langue qu’elle comprend.

37.En vertu du paragraphe 5 de l’article 212 du Code de procédure pénale provisoire du Kosovo, dès qu’une personne est arrêtée et au plus tard six heures après l’arrestation, le Procureur public ou un responsable de la police autorisé lui remet un ordre écrit de détention sur lequel figureront son nom et son prénom, le lieu, la date et l’heure exacte de l’arrestation, l’infraction pénale dont cette personne est soupçonnée, le motif légal de l’arrestation et la notification de droit de contester la mesure. Aux termes du paragraphe 3 de l’article 192 du Code de procédure pénale de la République fédérale de Yougoslavie qui était auparavant applicable, l’ordre de détention pouvait être notifié à la personne arrêtée jusqu’à 24 heures après son arrestation.

38.Le Code de procédure pénale provisoire n’a pas modifié la période maximale au terme de laquelle une personne privée de sa liberté, parce qu’elle est soupçonnée d’avoir commis une infraction pénale, doit être présentée à un juge. En vertu du paragraphe 2 de l’article 14 du Code, une telle personne doit être traduite devant un juge rapidement et au plus tard dans les 72 heures qui suivent son arrestation et a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable ou d’être libérée en attendant d’être jugée.

39.En vertu du paragraphe 1 de l’article 281, un tribunal peut ordonner la mise en détention provisoire d’une personne si:

a)Il y a des raisons sérieuses de penser qu’elle a commis une infraction pénale;

b)Une des conditions suivantes est remplie:

i)La personne est en cachette, son identité ne peut être établie ou d’autres circonstances indiquent qu’elle risque de s’enfuir;

ii)Il y a des raisons de penser que la personne risque de détruire, de dissimuler, de modifier ou de contrefaire les éléments de preuve d’une infraction pénale ou si des circonstances particulières donnent à penser que cette personne entravera le déroulement de la procédure pénale en influant sur les témoins, les victimes ou les complices; ou

iii)La gravité de l’infraction pénale ou la manière dont elle a été commise, les circonstances dans lesquelles elle l’a été ou les caractéristiques, les antécédents, l’entourage, les conditions de vie ou d’autres circonstances personnelles de la personne concernée indiquent qu’il y a un risque qu’elle commette de nouveau l’infraction pénale, qu’elle achève une tentative d’infraction pénale ou qu’elle commette une infraction pénale qu’elle a menacé de commettre; et

c)Une citation à comparaître, un mandat d’arrêt, la promesse que le défendant ne quittera pas son lieu de résidence, l’interdiction qui lui est faite de s’approcher d’un lieu ou d’une personne, l’obligation de se présenter à un poste de police, le paiement d’une caution ou l’assignation à résidence sont jugés insuffisants pour assurer la présence de la personne, empêcher toute récidive et garantir le bon déroulement de la procédure pénale.

40.En vertu de l’article 191 du Code de procédure pénale précédemment applicable, un ordre de détention provisoire pouvait être émis même lorsqu’il y avait d’autres solutions que la détention pour s’assurer de la présence d’une personne, empêcher la récidive et garantir le bon déroulement de la procédure. Il convient également de noter que l’interdiction de s’approcher de certains lieux ou de certaines personnes, l’obligation de se présenter à la police et l’assignation à résidence ont été instituées en tant que solutions de remplacement de la détention provisoire par le Code de procédure pénale provisoire du Kosovo.

41.Les paragraphes 2 et 3 de l’article 286 du Code provisoire établissent une procédure d’habeas corpus qui n’était pas prévue dans le Code de procédure pénale précédemment applicable. En vertu du paragraphe 2 de l’article 286 du Code provisoire, le détenu ou son conseil peuvent demander à tout juge d’instruction ou juge du fond de se prononcer sur la légalité de la détention. Si la requête prouve, à première vue, que les motifs de détention provisoire fixés à l’article 281 du Code provisoire n’existent plus en raison de l’évolution de la situation ou de la découverte de faits nouveaux depuis la dernière ordonnance de détention provisoire émise par le tribunal ou que la détention est illégale pour toute autre raison, le juge d’instruction ou le juge du fond peuvent tenir une audience en présence du procureur public et du conseil de l’accusé, au cours de laquelle ils ordonnent la libération immédiate du détenu si les motifs à l’origine de la détention provisoire prévus à l’article 281 du présent Code n’existe plus, si la période de détention provisoire ordonnée par les tribunaux s’est achevée, si la période de détention ordonnée par le tribunal excède les délais fixés ou si la détention est illégale pour toute autre raison.

42.Les dispositions du Code provisoire sur le dédommagement en cas d’arrestation ou de détention illégales sont quasi identiques à celles du Code pénal précédemment applicable. Le paragraphe 1 de l’article 538 du Code provisoire dispose, entre autres, que bénéficie du droit à indemnisation toute personne qui du fait d’une erreur ou d’un acte illégal de l’autorité a été arbitrairement arrêtée, placée pendant une certaine période en détention provisoire, incarcérée pour servir une peine ou une mesure ou placée en détention provisoire pendant une période plus longue que la durée de la peine d’emprisonnement qui lui a été infligée. Le paragraphe 2 de l’article 538 dispose qu’une personne qui a été arrêtée par la police sans justification légale a droit à une indemnisation si elle n’a pas fait l’objet d’une ordonnance de détention provisoire ou si la période qu’elle a passée en détention provisoire n’a pas été déduite de la durée de la peine d’emprisonnement imposée pour une infraction pénale ou un délit mineur.

Article 10

43.Le Règlement de la MINUK no 2004/46 relatif à la loi sur l’application des sanctions pénales, les procédures opérationnelles types de la Division de l’administration pénitentiaire, le Règlement de la MINUK no 2004/8 sur le Code de justice pour mineurs et le Code de procédure civile provisoire du Kosovo définissent, tous, le cadre juridique pour assurer le respect des lois applicables et faire en sorte que le fonctionnement de chaque lieu de détention garantisse la dignité et les droits fondamentaux de tous les détenus et les prisonniers.

Traitement des personnes privées de leur liberté

44.Le Règlement de la MINUK no 2004/46 définit le type de traitement acceptable pour les condamnés. Des procédures opérationnelles types ont été élaborées sur la base de ce règlement. Elles sont applicables dans toutes les prisons et communiquées à tout le personnel. Le règlement de la prison est élaboré conformément à ces procédures et affiché dans toutes les cellules.

45.Un système pour déterminer le régime applicable a été mis en place pour tous les condamnés. En fonction du comportement du prisonnier, qui fait l’objet d’une évaluation continue, ainsi que de la longueur et de la nature de la peine, les privilèges auxquels a droit le prisonnier sont fixés. Des évaluations complètes des risques sont effectuées pour assurer la discipline dans la prison lorsque les prisonniers sont astreints à tel ou tel régime particulier. Les règles applicables aux prisonniers régissent leurs activités. Un exemplaire de ces règles est remis à tous les membres du personnel de la prison et à tous les prisonniers pour leur garantir un traitement approprié.

46.Chaque prisonnier ou détenu peut consulter son dossier en adressant une demande au Directeur. Cela permet d’avoir accès aux documents juridiques pertinents. Pour des raisons de confidentialité, les prisonniers ne sont pas autorisés à emporter ces documents dans leur cellule.

47.Tous les prisonniers ont accès à un système de dépôt de plaintes qui leur permet de transmettre leurs griefs sans que le personnel et la direction de la prison n’interfèrent dans le processus. Une boîte scellée placée à chaque étage permet à chaque prisonnier d’adresser une plainte à toute personne ou organisation. Cette boîte est vidée une fois par semaine par un fonctionnaire chargé de la levée des plaintes qui consigne dans un registre officiel chaque plainte et la transmet à la personne ou à l’organisation à laquelle elle est destinée.

48.Les conditions dans les prisons sont évaluées en permanence à la lumière des normes européennes figurant dans différents instruments tels que les règles des Nations Unies régissant les prisons. L’obligation de procéder à une inspection interne des établissements pénitentiaires, conformément à l’article 195 du Règlement de la MINUK no 2004/46, a été examinée plus haut dans le contexte de l’article 7.

49.Des équipes médicales, des travailleurs sociaux, des médiateurs et le Comité international de la Croix‑Rouge (CICR) inspectent régulièrement les conditions dans les prisons et font rapport au Directeur de la Division de l’administration pénitentiaire pour assurer la sécurité des prisonniers et du personnel. Des organismes indépendants font également rapport sur les conditions dans les prisons afin de garantir que les règles en vigueur soient conformes aux normes européennes. Il y a une liste agréée d’une douzaine d’organismes et d’ONG pouvant accéder aux prisons. Tous les autres visiteurs officiels peuvent y accéder en en faisant la demande au Commissaire.

50.Si un prisonnier a besoin de services médicaux qui ne peuvent être dispensés par le Service pénitentiaire du Kosovo, des dispositions sont prises pour qu’il puisse être examiné et soigné à l’hôpital le plus proche. Dans chaque prison opère une équipe de travailleurs sociaux dont les membres sont répartis entre les différents quartiers de l’établissement. Les travailleurs sociaux voient régulièrement les prisonniers et effectuent aussi des visites sur demande.

Séparation des accusés d’avec les condamnés

51.Il y a au Kosovo deux prisons (celle de Dubrava et celle de Lipjan) et six centres de détention (Prizren, Peja/Pec, Gjilan, Pristina, Mitrovica et Lipjan). Dans la mesure du possible, les personnes en détention provisoire n’occupent pas les mêmes locaux que les condamnés. Toutefois, pour des raisons pratiques et afin d’assurer la sécurité des prisonniers et du personnel, certains condamnés peuvent se retrouver dans un centre de détention provisoire et certains détenus peuvent être placés dans une prison. Le cas échéant, les condamnés ne sont pas logés dans les mêmes cellules que les détenus et en sont séparés dans le reste du lieu de détention, selon le régime et les règles qui leur sont applicables.

52.Plusieurs condamnés sont incarcérés dans des centres de détention, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, dans certains cas particuliers, des condamnés sont placés dans un centre de détention s’ils souhaitent être plus proches de leur famille pour une raison précise. Ce type de placement n’est pas courant. Il peut être toutefois envisagé si les motifs invoqués par le prisonnier sont valables. Deuxièmement, plusieurs condamnés sont placés délibérément dans des centres de détention pour y acquérir une formation professionnelle. Il s’agit généralement d’une formation professionnelle sur le tas, le plus souvent dans les cuisines de l’établissement. Il est en revanche très difficile de faire travailler des détenus en raison du droit qui leur est applicable. C’est aux tribunaux qu’incombe la décision finale en la matière. Tous les prisonniers placés dans les centres de détention sont traités selon les normes en vigueur dans les prisons. Troisièmement, les condamnés peuvent être transférés dans un autre établissement afin de maintenir l’ordre dans la prison. Cela permet de protéger à la fois le personnel et le prisonnier et d’assurer une certaine stabilité dans les prisons.

Amendement et réadaptation sociale

53.Le cadre applicable aux activités de réinsertion sociale et de réadaptation des prisonniers est régi par le Règlement de la MINUK no 2004/46. Le Service pénitentiaire du Kosovo tient compte de l’importance des programmes en faveur des prisonniers dans sa définition du rôle des établissements pénitentiaires. Le travail des prisonniers a deux objectifs: leur permettre de gagner de l’argent et leur donner la possibilité d’acquérir des compétences.

54.Une formation professionnelle est dispensée aux prisonniers dans les prisons de Dubrava et de Lipjan en matière d’agriculture, de mécanique automobile, de plomberie, d’électricité, de travail des métaux, de menuiserie et de confection. Chacune de ces activités est actuellement renforcée avec l’apport de donateurs extérieurs. La Division de l’administration pénitentiaire/Service pénitentiaire du Kosovo cherche en permanence des méthodes et des ressources pour continuer de développer le programme de formation professionnelle.

Article 11

55.En vertu du droit applicable au Kosovo, il n’y a aucune base juridique pour emprisonner une personne du simple fait qu’elle est incapable de s’acquitter d’une obligation contractuelle. Une peine d’emprisonnement ne peut être imposée par un tribunal que si le défendeur est jugé coupable dans une affaire pénale ou une affaire dans laquelle un juge de simple police déclare le défendeur coupable d’une infraction mineure mais pas dans d’autres procédures ou du fait de l’incapacité de s’acquitter d’obligations contractuelles.

Article 12

56.De mars à juin 1999, les troupes de l’ex‑République fédérale de Yougoslavie et de la Serbie ont expulsé de force de la province environ 863 000 Albanais du Kosovo. Parmi ces derniers, 783 000 − soit la vaste majorité − sont restés dans la région − en Albanie, en ex‑République yougoslave de Macédoine, au Monténégro ou en Bosnie‑Herzégovine. Au 9 juin, 80 000 réfugiés avaient été transférés dans 40 autres pays participant à un programme d’évacuation humanitaire géré par le Haut‑Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations.

57.En outre, plusieurs centaines de milliers d’autres Albanais du Kosovo ont été déplacés à l’intérieur de la province et y sont restés tout au long du conflit. Les chiffres concernant les personnes déplacées à l’intérieur du Kosovo sont moins fiables que ceux relatifs aux réfugiés. Le HCR a estimé qu’au 13 mai 1999, il y avait 590 000 personnes déplacées au Kosovo encore que le manque de personnel international sur le terrain rende ces données difficilement vérifiables.

58.La vaste majorité des Albanais de souche qui avaient été déplacés à l’intérieur du Kosovo ou qui s’étaient réfugiés à l’étranger sont revenus à leur lieu d’origine dans les semaines qui ont suivi l’adoption de la résolution 1244 du Conseil de sécurité en date du 10 juin 1999 bien qu’ils aient été avertis que leur sécurité ne pouvait pas encore être garantie. À la fin de juin, environ 500 000 personnes étaient retournées, parfois à un rythme de 50 000 personnes par jour. À la mi‑novembre, 810 000 réfugiés du Kosovo étaient rentrés, dont environ 60 % de personnes qui avaient été évacuées par le HCR vers des pays tiers. Toutefois, parce qu’environ 100 000 logements étaient devenus inhabitables, de nombreux rapatriés continuaient de vivre en tant que personnes déplacées à l’intérieur du Kosovo. Environ 350 000 étaient encore dans cette situation à la fin de l’année.

Déplacements et rapatriements entre juin 1999 et le premier semestre de 2000

59.Depuis la fin du conflit jusqu’au premier semestre de 2000, un nombre croissant d’incidents commis par des Albanais du Kosovo contre des Serbes et des Roms du Kosovo ont été à l’origine d’une deuxième vague de départs. Des assassinats et des enlèvements qui avaient défrayé la chronique mais aussi des pillages, des incendies criminels et des expropriations forcées d’appartements ont, en particulier, provoqué des départs.

60.Sur les quelque 841 000 réfugiés albanais du Kosovo qui étaient retournés dans la province, plus de 147 000 l’avaient fait de manière organisée, la plupart avec l’aide du HCR et de l’OIM. Au 29 mai 2000, le nombre total de personnes déplacées originaires du Kosovo, qui avaient demandé une assistance humanitaire en République fédérale de Yougoslavie et étaient immatriculées à cette fin, s’élevait à environ 211 000, dont 180 000 en Serbie et 31 000 au Monténégro.

61.Si les mouvements de retour volontaire d’Europe occidentale et d’autres pays ont été permanents, les rapatriements forcés ont commencé à la fin de mars, date à laquelle on s’attendait à ce qu’entre 100 000 et 150 000 personnes reviennent au Kosovo en 2000. La MINUK, notamment par le biais du HCR, a demandé instamment aux gouvernements hôtes d’assurer des retours organisés dans des conditions humaines et progressifs et d’accorder clairement la priorité aux rapatriements librement consentis.

Déplacements et retours entre le second semestre de 2000 et le premier semestre de 2001

62.Tout au long de l’année 2000, des flambées de violence répétées à Mitrovicë/Mitrovica ont provoqué un regain de tensions ethniques et de nouveaux départs de familles albanaises du Kosovo de la partie nord de la ville. Par exemple, rien qu’en juillet 2000, plus de 20 familles de souche albanaise de la partie nord de Mitrovicë/Mitrovica ont fui vers la partie sud de la ville où, hébergées par des familles ou des centres de transit temporaire du HCR, elles ont vécu dans des conditions socioéconomiques difficiles dépendant de l’aide des organisations humanitaires. Certaines familles ont déclaré qu’elles avaient été verbalement ou physiquement menacées, que leur habitation avait été attaquée ou envahie, qu’elles avaient reçu des appels téléphoniques les incitant à partir ou qu’elles avaient été «expulsées» sommairement de leur foyer. Bien que depuis mars 2001 aucun nouveau départ important d’Albanais du Kosovo de la rive nord de l’Ibar n’ait été enregistré, la situation de ce groupe dans les régions où il est minoritaire (par exemple à Štrpce/Shtërpcë) est demeurée extrêmement précaire et leur liberté de circulation très limitée.

63.Les personnes de souche serbe et les Roms qui n’avaient pas quitté le Kosovo lorsque les forces yougoslaves s’en étaient retirées vivaient essentiellement dans des enclaves, étaient restés principalement dans les municipalités septentrionales de Leposavic/Leposaviq, de Zubin Potok et de Zvecan et dans les quartiers nord de Mitrovicë/Mitrovica ainsi qu’ailleurs dans des enclaves éparpillées placées sous la protection de la Force de paix au Kosovo (KFOR). La KFOR et la MINUK ont assuré la sécurité de ces enclaves, établissements et camps et ont escorté les personnes appartenant à des minorités qui avaient quitté leur lieu de résidence ainsi que les convois de véhicules privés serbes. Le HCR a fourni des autocars pour transporter des Serbes en grand nombre entre les enclaves et sur le territoire serbe proprement dit de façon à leur permettre de s’occuper d’affaires privées.

64.La sécurité a continué d’être une question primordiale pour les Serbes et les autres communautés minoritaires et les attaques, en particulier contre les Serbes, sont demeurées très fréquentes. Par exemple, un attentat à la bombe, commis contre un autobus transportant plus de 250 Serbes qui se rendaient à une cérémonie religieuse au Kosovo, a fait sept morts et plus de 40 blessés. Selon la police de la MINUK, entre le 2 janvier et le 28 octobre 2000, 122 Albanais (58 % du nombre total de victimes) et 78 Serbes ou membres d’autres communautés (37 %) (l’origine ethnique de victimes restantes n’a pas été indiquée) ont été tués, alors que globalement les minorités ethniques constituent à peine 10 % de la population totale du Kosovo. Toutefois, les niveaux de sécurité fluctuaient en fonction des circonstances locales, variant d’une municipalité à l’autre et d’une communauté à l’autre. Certaines communautés ont assisté à une diminution de la violence alors que d’autres continuaient d’être sujettes à des attaques incessantes.

65.Les communautés rom, ashkali et égyptienne ont vu leur liberté de circulation − plus ou moins − restreinte ce qui a entravé l’exercice de leurs droits économiques et sociaux, notamment pour ce qui est de l’accès à l’emploi, à l’éducation, à la santé, aux services sociaux et aux services collectifs. Des centaines de Roms, d’Ashkalis et d’Égyptiens déplacés vivant dans des enclaves, des centres collectifs ou des camps pour personnes déplacées, comme ceux situés à Plemetin/Plemetina, Mitrovicë/Mitrovica, Zhitkoc/Zitkovac et Leposavic/Leposaviq, ou hébergés par leur communauté dans des quartiers/villages voisins ne pouvaient toujours pas regagner leurs propres quartiers ou leurs habitations endommagées, détruites ou illégalement occupées.

66.Souvent parmi les principaux obstacles au retour figuraient des conditions de vie insoutenables dans les lieux de retour potentiels, l’absence d’amélioration notable sur le plan de la sécurité et dans l’exercice de la liberté de circulation à travers le Kosovo ainsi que le manque d’aide à la reconstruction. Un rapport conjoint OSCE/HCR cite l’exemple des communautés égyptiennes albanophones de l’ouest du Kosovo, qui «connaissaient une baisse graduelle mais importante de l’insécurité, une amélioration constante de la liberté de circulation et une intensification du dialogue et des échanges avec la communauté albanaise majoritaire sans que la région enregistre un nombre significatif de nouveaux retours. Cela peut être imputé en partie au fait que les conditions matérielles (en particulier les possibilités de reconstruction et d’activités rémunératrices) n’étaient pas assurées partout et que les communautés égyptiennes avaient épuisé leur capacité d’absorption, les mécanismes de placement dans des familles d’accueil étant déjà trop sollicités.».

67.Bien que la situation des Ashkalis et des Égyptiens se soit davantage améliorée que celle des Serbes du Kosovo et des Roms de langue serbe, rares ont été les retours spontanés au cours de la période. S’agissant des Roms, des Ashkalis et des Égyptiens, leurs retours se sont limités dans une large mesure à des flux facilités par le HCR émanant de l’ex‑République fédérale yougoslave de Macédoine, lesquels ont continué d’être très restreints (seuls 327 réfugiés égyptiens sont retournés au Kosovo en 2001). Il y a lieu de constater que ces retours ont eu lieu essentiellement vers six municipalités et que la majorité des retours au Kosovo (70 %) au cours de l’année se sont produits entre avril et juillet, soit pendant les phases les plus critiques du conflit armé interne en ex‑République fédérale yougoslave de Macédoine.

68.Parmi les autres minorités, les Bosniaques, les Croates et les Goranis ont vu aussi leur liberté de circulation plus ou moins réduite. Les personnes appartenant à ces communautés ont été en butte à des actes de harcèlement et des pratiques discriminatoires plus ou moins marquées dans l’accès aux possibilités économiques et aux services sociaux en raison de leur origine ethnique et du problème connexe de la langue et de malentendus dus au fait qu’ils parlent une langue serbe. Ces facteurs ont contraint de nombreux individus appartenant à ces communautés à quitter le Kosovo.

69.Le processus en cours de déplacement de populations minoritaires au départ du Kosovo continue d’être de faible envergure et discret mais ne semble pas près de s’arrêter. Selon un rapport conjoint de l’OSCE et du HCR, «la motivation principale de ces départs est la sécurité. Les préoccupations dans ce domaine se manifestent non seulement par une crainte des personnes pour leur intégrité physique mais aussi de façon plus complexe, notamment par la crainte de restrictions à la liberté de circulation et d’un manque de possibilités d’accès aux services de base et à l’emploi. Dans cette optique, les départs intervenus récemment peuvent être attribués aussi bien aux actes de violence qu’à la résignation après de longues périodes d’intimidation et de harcèlement. Le pessimisme des personnes quant à leur avenir au Kosovo est un des principaux facteurs à l’origine des départs.».

70.Étant donné que les personnes déplacées au Kosovo ne sont pas systématiquement inscrites et eu égard au boycott du système d’enregistrement de la MINUK, c’est seulement en avril 2001 que l’on a pu obtenir des estimations fiables du nombre de personnes déplacées au Kosovo. En plus des 10 800 Albanais du Kosovo originaires du sud de la Serbie, le HCR a estimé à 10 000 le nombre de personnes déplacées de souche serbe (originaires des municipalités situées sur la rive sud de l’Ibar) se trouvant dans la partie nord des municipalités de Mitrovicë/Mitrovica, de Zubin Potok, de Zvecan et de Leposavic/Leposaviq, à 2 000 le nombre de personnes déplacées de souche serbe dans la municipalité de Štrpce/Shtërpcë (dont la plupart sont originaires de Prizren et de la municipalité de Ferizaj/Urosevac), à 2 500 le nombre de personnes déplacées de souche serbe/rom se trouvant dans des lieux d’hébergement collectifs dans diverses régions du Kosovo, à 8 000 le nombre de personnes déplacées de souche albanaise (en majorité dans la municipalité du sud de Mitrovicë/Mitrovica) et à 2 500 le nombre de personnes déplacées de souche serbe et rom (dispersées dans différentes municipalités).

71.Toutefois, en dépit des problèmes de sécurité continus que connaissent les communautés minoritaires, quelques retours spontanés ont eu lieu en juin et en septembre; dont ceux de 35 Serbes du Kosovo déplacés revenus à Slivovo (région de Prishtinë/Priština) et d’une centaine d’autres au village de Grace à Vushtrri/Vucitrn (Mitrovicë/Mitrovica). En 2000, les personnes qui sont retournées dans la province étaient peut‑être au nombre de 2 000 parmi les Serbes du Kosovo et environ 104 000 parmi les Albanais du Kosovo. Si la vaste majorité (plus de 80 000) de ces derniers est retournée spontanément, plus de 12 500 ont été forcés à le faire. La version révisée du document d’orientation de la MINUK sur le rapatriement des Albanais du Kosovo est sortie en octobre. Dans ce document, la MINUK a préconisé un moratoire sur les rapatriements forcés pendant les mois d’hiver et encouragé les pays hôtes à continuer de soutenir en priorité l’action entreprise au Kosovo pour que soit réunies les conditions de nature à faire du rapatriement des Albanais du Kosovo une solution durable. En janvier 2001, l’OIM a fourni une aide pour le retour librement consenti d’environ 430 personnes et la police des frontières de la MINUK a signalé qu’environ 530 personnes avaient été forcées de retourner au Kosovo pendant le mois de janvier 2001. L’OIM a facilité le retour volontaire de 2 759 Albanais du Kosovo entre le 1er janvier et le 30 avril alors que pendant la même période le nombre des retours forcés atteignait 2 300.

Déplacements et retours entre le second semestre de 2001 et le premier semestre de 2002

72.En septembre 2001 et avril 2002, en dépit de la baisse du nombre d’assassinats, d’incendies criminels, de pillages et autres infractions à motivation ethnique, le principal problème rencontré par les minorités a continué d’être lié aux menaces contre l’intégrité physique. Cette préoccupation majeure, qui influe sur la perception de la sécurité par les personnes et, partant, sur l’exercice de la liberté de circulation a sapé la capacité d’un grand nombre de personnes appartenant à des minorités de se donner les moyens d’être autonomes provoquant des déplacements continus et empêchant des retours durables. Cela dit, de manière générale, le nombre estimatif des communautés minoritaires se trouvant au Kosovo est resté plus ou moins constant. Des craintes persistantes au sujet de la sécurité font que rares sont les minorités qui sont retournées au Kosovo. Dans le même temps, le nombre des minorités quittant la province s’est stabilisé.

73.Cette période a vu les premiers retours organisés de Serbes du Kosovo dans la province. Quatre opérations de rapatriement de petite envergure ont eu lieu avec l’aide du HCR, de la MINUK, de la KFOR et d’autres partenaires au cours du second semestre de 2001; au cours de cette opération plus de 175 personnes sont revenues dans la province.

74.En plus du problème des biens occupés et des préoccupations relatives à la sécurité, l’une des raisons à l’origine des déplacements au cours de cette période est la capacité d’absorption restreinte et l’infrastructure en ruine des municipalités du Kosovo, qui ne disposaient que de très peu de moyens d’hébergement. Selon les estimations, 98 000 habitations détruites ou endommagées en 1999 sont restées inhabitables en 2001. Si l’on suppose que les familles comptent en moyenne six personnes, cela signifie que jusqu’à 600 000 personnes déplacées n’ont pas encore retrouvé leur foyer. Cette estimation est à prendre avec précaution car il est possible que certaines personnes déracinées aient trouvé d’autres solutions durables et que d’autres ne soient pas retournées chez elles, bien que leurs habitations soient intactes, par peur des persécutions. En conséquence, en avril 2001, environ 3 500 personnes se trouvaient toujours dans des lieux d’hébergement collectifs temporaires.

75.Selon le HCR, 997 personnes déplacées appartenant à des minorités, dont 439 Serbes du Kosovo, sont retournées dans leur foyer dans la province au cours des premiers mois de 2002. Le nombre de personnes appartenant à des communautés minoritaires qui ont quitté la province était d’environ 268.

76.En mai 2002, le Représentant spécial du Secrétaire général a informé les donateurs que les besoins financiers pour organiser les retours s’élevaient à plus de 16 millions d’euros et a lancé le «document directif sur le droit à un retour durable» fondés sur le droit de chacun de retourner à son lieu d’origine.

Déplacements et retours entre le second semestre de 2002 et le premier semestre de 2003

77.La sécurité, la liberté de circulation et l’accès aux services de base des membres des communautés minoritaires ont continué de s’améliorer. Néanmoins, la situation variait considérablement selon la communauté, d’un lieu à un autre, les possibilités de circuler restant très restreintes dans la majeure partie de la région de Pejë/Pec et de fortes restrictions étant enregistrées dans les régions de Prishtinë/Priština et de Mitrovicë/Mitrovica. En revanche, les membres des communautés minoritaires étaient en mesure de se déplacer sans restriction notable dans la région de Gjilan/Gnjilane, et la liberté de circulation a continué de s’améliorer dans la région de Prizren. Toutefois, compte tenu du harcèlement persistant subi par les membres des communautés minoritaires au Kosovo, le risque d’être victimes d’actes de violence et de la peur qui en résultait, la liberté de circulation continuait de rencontrer des obstacles majeurs à travers le Kosovo. La non‑reconnaissance des plaques d’immatriculation du Kosovo par les autorités serbo‑monténégrines a continué de nuire à la liberté de circulation de la communauté serbe du Kosovo.

78.Au cours de la période considérée, la KFOR a poursuivi sa stratégie de «surveillance mobile» en vertu de laquelle le nombre de son personnel chargé de tâches «statiques» de surveillance des sites patrimoniaux menacés ou affecté aux postes fixes de contrôle des véhicules a été réduit. La stratégie de «surveillance mobile» vise également à alléger le dispositif de protection permanente des convois automobiles. Bien que les escortes fournies par la Force aux autobus ou aux convois soient maintenues dans certaines régions, par exemple dans celles de Pejë/Pec et de Prizren, la politique générale va dans le sens d’une réduction de la protection rapprochée des convois et de la simple fourniture de services sécurisation des routes. La police de la MINUK a commencé à réduire graduellement ses services d’escorte, fonction prise en charge par le Service de police du Kosovo, là où ce type de prestation est encore considéré comme nécessaire. Plusieurs services spéciaux de transport pour les membres des communautés minoritaires sont restés en place. Le service d’autobus publics pour les fonctionnaires, le train «liberté de circuler» de la MINUK et le service d’autocars humanitaire ont tous continué d’opérer. On estime à 15 % le nombre de personnes appartenant à des minorités qui ont encore besoin de services spéciaux de transport pour rejoindre leur lieu de travail.

79.Les dirigeants politiques serbes du Kosovo se sont fortement opposés à la levée du dispositif de sécurité fixe de la KFOR. Toutefois, bon nombre de personnes appartenant aux communautés minoritaires semblent avoir de manière générale compris les motifs à l’origine de cette mesure, et il est de plus en plus accepté que leur sécurité n’a pas été compromise par les nouvelles méthodes. Toutefois, les Serbes du Kosovo ayant réclamé des mesures de sécurité accrues et plus efficaces, la KFOR et la MINUK ont été amenées à réévaluer et à renforcer le dispositif de sécurité dans plusieurs endroits. La proportion des escortes assurées dans le cadre du service d’autocars humanitaire, qui avaient été réduites à 15 % des trajets ont de nouveau été portées à 26 %.

80.Le HCR a estimé au total à 22 000 le nombre de personnes déplacées appartenant à des minorités, c’est‑à‑dire les membres d’une «communauté qui est en infériorité numérique par rapport aux communautés qui l’entourent». Il s’agit cependant non pas de chiffres issus d’une opération d’enregistrement ou d’un recensement mais d’une estimation. Selon les statistiques officielles, en novembre 2002, au moins 1 744 personnes déplacées membres de minorités non albanaises, dont 796 personnes de souche serbe et 651 Roms, ainsi que 2 450 Albanais continuaient d’être hébergés dans des lieux d’hébergement collectifs temporaires.

81.Une analyse des statistiques du HCR sur les retours de personnes appartenant à des minorités a montré que le degré de sécurité physique et de jouissance de la liberté de circulation variait selon la minorité concernée et l’endroit où elle se trouvait, et que cet élément constituait un facteur clef qui influait sur le rythme des retours. Le nombre des personnes appartenant à des minorités, dont on a enregistré le retour vers leur lieu d’origine en 2002 (2 741), a dépassé le nombre des retours recensés au cours des années précédentes. Contrairement à ce qui s’était passé en 2000, année durant laquelle 1 906 personnes (pour la plupart des Serbes du Kosovo de retour dans les enclaves monoethniques) étaient revenues à leur lieu d’origine, les retours enregistrés en 2002 ont été ethniquement et géographiquement plus diversifiés. Toutefois, les données statistiques peuvent être dans une certaine mesure trompeuses dans la mesure où elles donnent à penser que la situation s’était beaucoup plus améliorée que dans la réalité. L’augmentation du nombre des retours en 2002 doit être mise en balance avec une tendance générale à la baisse des retours, surtout parmi les Serbes du Kosovo, enregistrée l’année précédente. De nombreux facteurs ont contribué à cette diminution, notamment des attaques violentes subies par des communautés minoritaires en 2000 et 2001 et le climat d’instabilité créé dans la région par les conflits dans l’ex‑République yougoslave de Macédoine et dans le sud de la Serbie. Autre facteur déterminant, la saturation des enclaves monoethniques, vers lesquelles il y avait eu un afflux massif de personnes déplacées en plus des personnes rapatriées. Les familles serbes du Kosovo déplacées de ces enclaves ont continué d’y retourner. Ces retours ont été encouragés par la sécurité résultant des concentrations de populations serbes du Kosovo. Il convient de noter que les communautés monoethniques serbes du Kosovo, vers lesquelles les retours s’étaient effectués, vivaient dans des villages monoethniques ou des secteurs de village ou de ville qui étaient ethniquement mixtes avant le conflit et où les Serbes du Kosovo s’étaient retirés lorsque les affrontements avaient éclaté. En conséquence, dans un contexte caractérisé par des préoccupations de sécurité persistantes et justifiées, la préférence accordée aux régions où étaient concentrées les familles serbes et le besoin d’aller dans des secteurs où la sécurité était assurée par la KFOR, la police de la MINUK ou le Service de police du Kosovo expliquent pourquoi la majorité des retours des Serbes du Kosovo se sont faits vers des zones monoethniques plutôt que des zones mixtes. Il est donc évident que les conditions de sécurité déterminent les lieux vers lesquels s’effectuent les retours et le rythme de ces retours.

82.Un tel comportement a été constaté dans la région de Pejë/Pec où, avant les conflits, les communautés serbes du Kosovo étaient relativement séparées tant physiquement que sur le plan des contacts des autres communautés ethniques. Lorsqu’ils sont retournés dans la région, les Serbes ont reproduit le même mode d’établissement serbe qui existait avant le conflit en revenant dans les enclaves ou les villages monoethniques. Lors du fameux retour à la municipalité d’Istog/Istok (vallée d’Osojan/Osojane), les personnes concernées sont restées isolées, recréant la situation qui régnait avant le conflit. Cet isolement s’est traduit par une forte dépendance à l’égard des services de sécurité et des escortes assurées par la KFOR. Les mesures de sécurité prises ont eu pour effet de restreindre la liberté de circulation, l’accès aux services de base et les possibilités d’emploi à l’extérieur des villages. Les préoccupations relatives à la sécurité se sont accentuées lorsque des habitants du village ont été attaqués dans la ville de Pejë/Pec en octobre 2002. Cette situation est à mettre en contraste avec le retour vers les deux villages monoethniques voisins de Bica/Biqë et de Grapc/Grabac dans la municipalité de Klinë/Klina, où la volonté d’établir des contacts avec les villages albanais voisins manifestée immédiatement par les nouveaux venus n’a pas été entravée, eu égard aux mesures de sécurité plus souples de la KFOR. Positives au départ, les relations se sont néanmoins progressivement détériorées. Non seulement les contacts ont diminué mais des problèmes de sécurité se sont posés.

83.S’agissant des retours de non‑Serbes, les Roms, les Ashkalis et les Égyptiens du Kosovo sont pour la plupart revenus dans des communautés mixtes de toutes les régions de la province. Les Ashkalis sont, par exemple, retournés dans les régions de Magura, de Mala Dobraja et dans la ville de Prishtinë/Priština (région de Prishtinë/Priština). Il y a également eu des retours de non‑Serbes vers des zones ethniquement distinctes dans des communautés mixtes, par exemple dans les cinq municipalités de la région de Pejë/Pec. Les retours vers les secteurs ethniquement mixtes ont nécessité une surveillance accrue de la part du Service de police du Kosovo et de la police de la MINUK. En dépit d’une préparation longue et intensive et d’une participation encourageante des responsables locaux, ils ont été marqués par des incidents de sécurité qui ont touché à la fois la communauté minoritaire hôte et les nouveaux venus. Le retour d’Ashkalis dans la ville de Vushtrri/Vucitrn, où de graves incidents se sont produits en 2002, en est un bon exemple.

84.Les problèmes de sécurité persistants qui ont caractérisé tous les retours ont mis en évidence la nécessité d’accorder la priorité au renforcement de la confiance et au dialogue interethnique de façon à assurer un minimum de stabilité avant les retours. Faute d’un tel dialogue, la sécurité et la liberté de circulation restent problématiques. Dans ces conditions, le rôle que jouent la KFOR et la police de la MINUK demeure indispensable comme cela a été constaté à Osojan/Osojane. À moins qu’ils ne soient accompagnés d’intenses efforts de réconciliation, de tels retours laissent les communautés vulnérables à la violence ou au harcèlement dès que les effectifs des forces militaires ou de police internationales tombent en deçà d’un certain niveau.

85.Si les problèmes de sécurité ne sont pas réglés, les mouvements de retour ont peu de chance d’être durables. Dans un autre exemple, le retour spontané du premier groupe de 26 Albanais du Kosovo dans leur village monoethnique abandonné de Donja Bitinja/Bitanja e Ultë − qui est situé dans la municipalité de Štrpce/Shtërpcë qui est peuplée en majorité de Serbes du Kosovo − a rencontré au départ une forte opposition de la part des habitants du village serbe voisin du même nom. Des préoccupations au sujet de la sécurité des deux communautés ont amené les troupes de la KFOR, composées de Polonais et d’Ukrainiens, à imposer temporairement des restrictions à la liberté de circulation à l’intérieur et autour du village. Des organisations internationales sont intervenues pour permettre aux personnes déplacées de souche albanaise du Kosovo d’exercer leur droit au retour. En conséquence, la KFOR est convenue de faire en sorte que le dispositif de sécurité soit efficace mais moins restrictif. Simultanément, les rapatriés ont pris l’initiative d’engager un dialogue avec les Serbes du Kosovo.

86.En novembre 2002, à l’occasion d’une réunion de coordination des donateurs tenue à Bruxelles, la MINUK a présenté son manuel pour des retours durables pour 2003, qui contient un programme mettant l’accent sur la nécessité d’une approche communautaire et sur des projets multisectoriels qui associent l’ensemble de la collectivité. Au cours du même mois, un groupe de travail sur les retours, composé de représentants de la MINUK, de la KFOR, des institutions provisoires d’administration autonome et du HCR a été créé, le but étant de faire en sorte que la stratégie des retours soit appliquée efficacement et de façon cohérente par les institutions clefs, et à ce que le processus de retour soit appuyé et supervisé à un haut niveau.

Déplacements et retours entre le second semestre de 2003 et le premier semestre de 2004

87.Le second semestre de 2003 a été marqué par plusieurs attaques violentes; des membres de la communauté serbe du Kosovo, ainsi que des membres du personnel de la MINUK chargé d’appliquer la loi ont ainsi été abattus. La police de la MINUK et la KFOR ont renforcé la sécurité dans les secteurs concernés à la suite de ces incidents et ont continué d’enquêter sur les crimes commis. Même s’il n’est pas possible de dire si tous ces crimes étaient de nature interethnique, il n’en demeure pas moins qu’ils ont fortement contribué au sentiment d’insécurité parmi les Serbes du Kosovo et ont obligé d’autres minorités à rester sur le qui-vive. Bien que les protestations contre les incidents au sein des communautés serbes au Kosovo aient été dans une large mesure pacifiques, il y a eu des cas d’intimidation et de harcèlement au sein des communautés albanaises du Kosovo, serbes du Kosovo et d’autres communautés. L’accentuation du sentiment d’insécurité à la suite des incidents susmentionnés a porté un coup sévère à la confiance entre les minorités, dont plusieurs ont réclamé le rétablissement des escortes là où, en raison de l’amélioration de la situation, elles avaient été supprimées. La KFOR et la police de la MINUK ont également reçu plus de demandes d’escortes pour les écoliers. Dans certains endroits, les parents ont refusé d’envoyer leurs enfants à l’école sans escorte. Le regain de tension et la réclamation par les Serbes du Kosovo de mesures de sécurité accrues et plus efficaces ont amené la KFOR et la MINUK à réévaluer et à renforcer leur dispositif dans plusieurs secteurs. Plusieurs services de transports spéciaux pour les membres des minorités ont continué d’opérer, y compris le service d’autobus publics pour les fonctionnaires, le train «liberté de circuler» de la MINUK et le service d’autocars humanitaires.

88.Même si elle a conduit au report de nombreux projets de retour, la montée de la peur parmi les Serbes du Kosovo et d’autres communautés minoritaires n’a pas débouché sur l’annulation pure et simple de ces projets, ce qui constitue un signe prometteur, dans une période généralement décourageante. De même, selon les informations rapportées à propos de projets individuels de retour, bon nombre de personnes avaient différé leur décision mais peu nombreux étaient ceux qui avaient carrément renoncé au retour à la suite de la série de crimes commis en août. Néanmoins, comme ces crimes s’étaient produits vers la fin de l’année, bon nombre de ceux qui envisageaient de retourner en 2003 ont reporté à plus tard leur décision sur la question.

89.En 2003, 3 629 personnes au total sont retournées dans des communautés minoritaires, dont 1 487 Serbes du Kosovo, 1 387 Roms/Ashkalis/Égyptiens, 377 Bosniaques, 133 Goranis et 245 Albanais du Kosovo.

90.La flambée de manifestations de masse de mars 2004 a débouché sur des violences interethniques et des troubles sans précédent depuis 1999. La violence s’est rapidement propagée à toutes les régions du Kosovo, causant des déplacements de population dans toutes les communautés minoritaires. Chose significative, la violence visait systématiquement les membres des communautés minoritaires non déplacées au cours des cinq années passées, encore que des personnes qui étaient retournées dans la province aient été aussi victimes d’attaques directes. Les Serbes du Kosovo étaient les principales cibles de cette violence interethnique; ils étaient 3 400 à aller chercher refuge dans les camps de la KFOR, dans des bâtiments publics ou chez des particuliers. De même, les Roms, les Ashkalis et les Égyptiens ont été victimes de plusieurs incidents de sécurité graves. Cela a été en particulier le cas dans la ville de Vushtrri/Vucitrn où l’ensemble du quartier ashkali a subi des attaques systématiques et où des maisons ont été brûlées et pillées. Certaines communautés et familles albanaises en situation de minorité dans les municipalités du nord ont également été en butte à des problèmes de sécurité. Enfin, même s’ils n’étaient pas directement visés, certains Bosniaques et Goranis se sont sentis suffisamment en danger pour quitter leur lieu de résidence par leurs propres moyens ou avec l’aide de la police. Les pouvoirs publics et les dirigeants politiques n’ont pas été en mesure d’arrêter rapidement les violences et les trois jours de déprédations ont fait selon des informations initiales 19 morts et plus de 950 blessés parmi les civils; les victimes appartenaient à différents groupes ethniques. Près de 730 habitations appartenant à des minorités ont été endommagées ou détruites ainsi que 36 églises, monastères et sites religieux et des bâtiments publics desservant les minorités. Le 23 mars, au total plus de 4 100 Serbes, Roms, Ashkalis, Égyptiens et Albanais avaient été déplacés du fait des troubles.

Déplacements et retours entre le second semestre de 2004 et le premier semestre de 2005

91.Même si les conditions de sécurité se sont stabilisées après la flambée de violence de mars, le bien‑être et la sécurité des Serbes du Kosovo et des membres d’autres communautés ont continué d’être gravement menacés pour des raisons ethniques. Dans certaines régions, les Serbes du Kosovo ne pouvaient se déplacer dans les zones où vivait une majorité albanaise du Kosovo qu’avec des escortes ou au moyen de services de transports spéciaux alors que dans d’autres secteurs ils utilisaient des véhicules avec des plaques d’immatriculation KS pour les déplacements de routine et se faisaient escorter pour les déplacements où ils pouvaient être reconnus.

92.Le rythme des retours a nettement diminué après les événements de mars et les retours qui se sont effectués se sont déroulés dans des conditions de sécurité précaires et leur réussite était incertaine. Au 24 septembre 2004, 2 288personnes déplacées à la suite des violences de mars n’avaient pas encore regagné leur foyer. Entre le début de l’année et le 31 août 2004, le nombre de retours de membres de communautés minoritaires au Kosovo s’était élevé à 1 300. Le rythme des retours en 2004 est sensiblement plus lent qu’en 2003 et le chiffre enregistré à la fin du mois d’août ne représentait que 40 % du total de l’année passée à la même époque. Lesévénements de mars ont eu en particulier des effets néfastes sur les retours en zone urbaine où les seuls projets importants à l’heure actuelle concernaient les Roms et les Égyptiens du Kosovo. Desprogrammes en zone urbaine étaient également en cours dans les municipalités de Pejë/Pec et de Klinë/Klina. Des projets se déroulaient également dans deux municipalités qui n’avaient pas enregistré d’importants retours organisés avant 2004 (Ferizaj/Urosevac et Gjakovë/Djakovica).

93.Six ans après la fin du conflit et sur un total de quelque 250 000personnes déplacées, on n’a enregistré que 12 700retours de membres de communautés minoritaires en avril 2005, c’est‑à‑dire des retours de personnes déplacées vers les régions où leur groupe ethnique constitue une minorité ou vers des établissements où ils étaient majoritaires mais avaient certaines craintes pour leur sécurité. Bien que les conditions de sécurité et l’efficacité de la protection des droits des minorités par l’administration se soient améliorées depuis 1999, seul un petit nombre de personnes déplacées étaient retournées. Le faible nombre de retours s’explique essentiellement par l’insécurité, qu’elle soit vécue réellement ou subjective, une liberté de circulation limitée, des problèmes d’accès aux services sociaux, l’absence de perspectives économiques, l’occupation des habitations et l’usurpation des terres. De même, les incertitudes quant au statut final du Kosovo ont un impact sur les déplacements et les retours. Les membres des minorités ethniques et, en particulier, les Serbes du Kosovo pouvaient difficilement prendre une décision définitive en connaissance de cause quant à leur retour dans la province. On considère généralement qu’il ne faut pas compter sur des retours importants tant qu’aucune décision n’a été prise quant au statut futur du Kosovo et que les personnes déplacées n’auront pas eu la possibilité de surveiller l’évolution de la situation politique, économique et sécuritaire au cours des mois qui suivront cette décision.

94.La plupart des retours se sont effectués vers les zones rurales où vit la majorité des personnes de souche serbe restées sur place. Cela met en évidence la nécessité d’aider les personnes déplacées à accéder à leur terre et à les récupérer de façon qu’elles deviennent autosuffisantes. Le fait que le premier mouvement de retour de Serbes vers une ville (municipalité de Klinë/Klina) n’a eu lieu qu’en mars 2005 et a été considéré comme un événement significatif met en lumière les obstacles qui entravent les retours vers les zones urbaines. Le HCR note que la quasi-totalité des retours de personnes de souche serbe se sont faits vers les communautés serbes et les zones habitées par des minorités ayant des contacts minimaux avec les Albanais de souche. Cela montre que non seulement le nombre des retours est faible, mais encore qu’il ne laisse apparaître aucune progression réelle vers un Kosovo multiethnique dans la mesure où la plupart des personnes qui ont regagné la province vivent quasiment en marge de la société et du cadre institutionnel kosovars. Des progrès substantiels sont nécessaires pour permettre le retour des personnes déplacées, quels que soient leur lieu d’origine et leur appartenance ethnique. Les perspectives de retour varient considérablement selon la région, au sein d’une même région et d’un groupe ethnique à l’autre. Dans certaines zones, les personnes déplacées/réfugiées qui souhaitaient ardemment retourner l’ont fait en établissant des contacts avec les municipalités et les communautés hôtes. Dans d’autres, le rétablissement du dialogue et l’obtention de l’appui des communautés hôtes nécessitent plus d’efforts et de temps.

Politique de la MINUK relative au retour

95.À la fin de 2001 la MINUK a créé le Bureau des retours et des communautés pour faire face à l’accent accru mis sur le retour des personnes appartenant aux minorités au Kosovo et aux perspectives d’un tel retour. En août 2005, le Bureau des retours et des communautés et le Bureau des affaires communautaires ont fusionné pour créer le Bureau des communautés, des retours et des affaires minoritaires. Cet organe contribue à une approche cohérente et globale des retours et tient lieu de contact pour les donateurs, facilitant l’accès à l’information et aux structures qui organisent les retours et la transmission de renseignements sur les priorités des projets de retour. En outre, le Bureau permet d’entrer plus directement en contact avec les autorités et les parties prenantes (telles que la communauté de personnes déplacées) en Serbie, par l’intermédiaire du Bureau de liaison de la MINUK à Belgrade.

96.En mars 2003, la MINUK et le HCR ont publié le «Manual for Sustainable Returns» (Manuel pour des retours durables), guide détaillé des politiques et des structures du processus des retours. Le Manuel a été largement diffusé dans le Kosovo et il a aidé tous ceux qui interviennent dans le processus des retours. En juillet 2005, Søren Jessen‑Petersen, Représentant spécial du Secrétaire général, et Bajram Kosumi, Premier Ministre, ont lancé le Cadre stratégique 2005 pour les communautés et les retours, au cours de la première réunion du Groupe de travail sur les retours. Le Cadre stratégique est destiné à ébaucher «la marche à suivre pour le processus des retours et il s’articule autour de trois grands axes prioritaires: promotion de la sécurité et de la liberté de circulation, création de conditions durables de retour et amélioration du soutien institutionnel pour les retours».

97.Le «Manuel pour des retours durables» expose les objectifs, les principes et le processus du retour des personnes déplacées hors du Kosovo. L’idée maîtresse est de placer l’individu au centre du processus, de promouvoir une approche fondée sur les droits et, en définitive, de faire respecter le droit de l’individu à un retour durable.

98.Afin d’éviter des retours massifs, non préparés ou mal préparés qui exposeraient les réfugiés à des difficultés et à des risques, la MINUK et le HCR proposent une double démarche consistant: 1) à fournir aux personnes déplacées à l’intérieur du pays et aux réfugiés une information utile et objective sur la situation au Kosovo, tout en améliorant cette situation afin de permettre aux personnes déplacées de revenir, 2) à assurer aux rapatriés des conditions sur le terrain propices à un retour durable, notamment en encourageant leur intégration dans la société du Kosovo.

99.Conformément au mandat qui lui est assigné dans la résolution 1244 du Conseil de sécurité, la MINUK s’attache à organiser le retour au lieu d’origine en tant que solution durable optimale au problème du déplacement. Les ressources sont donc consacrées à la situation dans les lieux d’origine. Selon un document de réflexion de la MINUK: «le rôle de la MINUK ou de toute autorité gouvernementale n’est ni de désigner les lieux de retour ni de dicter aux personnes déplacées et aux réfugiés quand et comment ils doivent revenir; il est de faciliter l’amélioration de la situation afin que les personnes déplacées et les réfugiés aient la possibilité d’exercer leur droit individuel au retour. […] Le retour n’est pas un processus déterminé par la politique, il résulte au premier chef de la décision des intéressés de revenir; […] le choix du lieu doit être fondé sur le désir exprimé par les personnes déplacées de revenir à leur lieu d’origine et non sur des considérations politiques.». La MINUK comprend que des personnes déplacées peuvent ne pas vouloir revenir au lieu qu’elles ont été obligées de quitter, au Kosovo; mais pour soutenir l’objectif à long terme de la promotion d’une société multiethnique au Kosovo et afin d’éviter de politiser le sort de milliers de personnes déplacées, la priorité demeure le soutien au retour dans les lieux d’origine.

100.Le Manuel établit un certain nombre de structures à l’échelon local et à l’échelon central. Le Groupe de travail sur les retours contribue de façon déterminante à assurer la coordination et le soutien des activités en faveur du retour entre la MINUK, les institutions provisoires d’administration autonome, le HCR et la KFOR. Le Groupe constitue un important organe d’examen et d’approbation de la politique et des processus de retour. Étant donné les nombreux problèmes posés par le retour des minorités, le Groupe de travail demeure indispensable pour garantir que ce processus bénéficie de la priorité et du soutien politique.

101.Ainsi qu’il est dit dans le Manuel, le processus des retours commence avec la constatation d’un désir sincère de retour volontaire et en connaissance de cause chez les personnes déplacées ou les réfugiés. Cette constatation peut émaner de sources diverses, à savoir les personnes restées sur place et les personnes déplacées dans un lieu proche de leur foyer d’origine, les associations de personnes déplacées et de réfugiés et les médias.

102.Il existe un moyen particulièrement efficace de vérifier le désir de retour, ce sont: les «visites d’information», coordonnées par le HCR, qui visent à renseigner les personnes déplacées, dans leur lieu de déplacement, sur la situation qui règne dans leur lieu d’origine, ce qui leur permet de prendre une décision en meilleure connaissance de cause quant à la possibilité du retour; les «visites exploratoires», qui visent à donner aux personnes déplacées l’occasion d’évaluer leurs possibilités en fonction de la situation qui règne dans leur municipalité. Les intéressés sont invités à se rendre dans leur localité d’avant le conflit, dans le cadre d’un voyage organisé assurant la sécurité et le transport, des séances d’information ainsi que des rencontres informelles avec d’anciens voisins. Ces deux types de visite sont des instruments indispensables pour ouvrir le dialogue entre les personnes déplacées/les réfugiés et la communauté d’accueil, notamment les institutions municipales.

103.Les relations entre les personnes déplacées/les réfugiés et leur municipalité d’origine se font surtout sous la forme de participation des intéressés à des groupes de travail municipaux. Ces groupes de travail ont été créés en tant qu’organismes municipaux chargés d’amorcer et de coordonner le processus de retour; ils se composent des autorités locales, de représentants des personnes déplacées ainsi que de toutes les organisations internationales et locales qui concourent à ce processus.

104.En tant qu’organismes locaux de coordination des projets de retour, les groupes de travail municipaux donnent la possibilité à tous les intervenants (personnes déplacées/réfugiés, communautés d’accueil, agents municipaux, HCR, MINUK, KFOR, CivPol/SPK et ONG): a) de se rencontrer et de partager l’information concernant les besoins de retour; b) de déceler tout obstacle à un retour durable, à savoir les obstacles matériels (problèmes de propriété non réglés, mauvaises conditions économiques d’existence, etc.) et les problèmes de situation (absence de liberté de circulation ou d’accès aux services publics à cause d’un climat discriminatoire, etc.); c) de s’attaquer à ces obstacles par une démarche stratégique consistant à rédiger des documents de réflexion concernant les besoins de retour identifiés.

105.Les documents de réflexion que les ONG et les municipalités élaborent à la suite des délibérations des groupes de travail municipaux doivent traiter de différents besoins à satisfaire dans les projets de retour: a) aide pour le logement/la reconstruction/la reprise de possession; b) infrastructure; c) emploi et formation de revenu; d) accès aux services publics et aux services communautaires; e) dialogue interethnique et intégration dans la collectivité. Jusqu’en 2004, les documents de réflexion approuvés par les groupes de travail étaient soumis, à l’échelon central, à l’examen d’un comité composé des principaux partenaires: MINUK, HCR, OSCE et ONG. La communauté internationale et les donateurs en particulier encouragent et soutiennent de plus en plus une participation accrue des personnes déplacées et des associations de personnes déplacées aux travaux des instances locales chargées d’administrer les retours. Toutefois, il y a encore beaucoup à faire pour améliorer l’accueil fait par les structures locales à la participation des intéressés au processus de retour.

106.À la date de rédaction du présent rapport, la présidence de presque tous les groupes de travail municipaux a été dévolue aux présidents des assemblées municipales des institutions provisoires d’administration autonome, ce qui témoigne manifestement d’un rôle central beaucoup plus puissant pour les municipalités dans le processus de retour. La fonction des présidents d’assemblées a déjà été établie fermement dans les groupes de travail municipaux. Tout particulièrement au cours de l’année écoulée, l’intervention de la municipalité est passée d’un rôle de soutien politique à un engagement opérationnel, sans grand résultat quantifiable jusqu’à présent.

107.Avec la création au début de 2005 du Ministère des communautés et des retours, le processus d’examen à l’échelon central a été révisé dans le sens d’une intervention plus directe des institutions provisoires d’administration autonome. La restructuration qui a suivi a provoqué un retard notable dans l’examen de 27 documents de réflexion rédigés par les ONG, les municipalités et les associations de personnes déplacées. La réprobation générale dont le processus des retours fait l’objet jusqu’à présent de la part de toutes les parties prenantes tient surtout au long intervalle qui s’écoule entre la constatation du désir de retour, l’élaboration du document de réflexion et la réalisation concrète du projet de retour. À la suite de l’élaboration en cours du Cadre stratégique pour les communautés, il est envisagé de raccourcir et de simplifier le processus de retour.

108.L’élaboration de stratégies municipales des retours et la nomination d’administrateurs municipaux chargés des opérations visent à renforcer la participation des municipalités au processus et à s’acheminer vers le développement communautaire en général. Au titre du Plan d’application sur les normes pour le Kosovo, chaque municipalité doit désigner un administrateur, élaborer (et appliquer effectivement) une stratégie des retours et finalement assumer la responsabilité des retours et de la création d’un climat de tolérance et de sécurité pour toutes les communautés. Les stratégies qui doivent être approuvées par les groupes de travail municipaux, devront donc fournir à ces groupes un cadre d’action définissant à la fois de grands objectifs et des activités précises concernant les retours. Le but visé est d’assurer la transparence des stratégies et la cohérence des activités liées aux retours, la coordination des activités entre les parties prenantes ainsi que la définition des besoins, des ressources et de l’assistance technique en vue de l’intégration dans la communauté. En novembre 2005, des stratégies municipales étaient approuvées dans 26 municipalités, dont un bon nombre étaient adoptées aussi (ou plutôt) par l’assemblée municipale, et des administrateurs municipaux étaient nommés dans 28 municipalités.

109.En ce qui concerne la qualité et la teneur des stratégies, on a décelé la nécessité d’apporter des améliorations considérables dans un certain nombre de domaines. Au début notamment, les stratégies étaient souvent trop générales. Les droits et principes concernant les retours étaient énoncés explicitement et des objectifs à long terme très larges étaient présentés, mais sans plan d’application comportant un calendrier précis ni référence à des données exactes sur les besoins et les ressources. De ce fait, certaines stratégies étaient de simples déclarations en faveur des retours et non des plans opérationnels concrets. Une préoccupation, souvent évoquée par les personnes déplacées et leurs associations, était de n’avoir pas été associées à l’élaboration des stratégies. Dans bien des cas, l’absence de données quantitatives et qualitatives exactes sur les personnes déplacées a entraîné des erreurs de jugement concernant la demande éventuelle de retour et, par exemple, on a négligé pour une grande part le retour dans les zones urbaines. Le langage politisé et les propos haineux figurant dans certaines des stratégies municipales ont encore compromis l’utilité de ces documents, qui étaient censés «faire partie d’une approche d’ensemble de la création d’un climat de tolérance et de sécurité pour toutes les communautés». Enfin, la plupart des municipalités ont élaboré leur stratégie sans tenir compte des ressources disponibles ni des moyens de réaliser les projets et sans trouver d’abord un donateur pour les financer.

110.En 2005, la question de la protection des communautés et du retour des minorités a progressé dans l’ordre des préoccupations politiques et conduit à la création d’un nouveau Ministère des communautés et des retours. Le Gouvernement et la plupart des municipalités ont sensiblement accru l’appui officiel aux retours et ont entrepris un vaste programme de mobilisation visant à renforcer et appuyer la liberté de circulation, les retours, le dialogue et la tolérance. Les données sont incomplètes, mais il est constaté qu’en 2005 au moins 14 municipalités ont aidé à organiser des visites aux sites de rapatriement, des visites de personnes déplacées dans les cimetières et des visites d’information et d’exploration.

111.Le Premier Ministre, les ministres et de nombreux dirigeants municipaux se sont activement occupés des personnes déplacées. Pour la première fois, des ministres se sont rendus auprès de populations déplacées et de réfugiés au Kosovo, au Monténégro et dans l’ERYM, y compris des visites en commun du Ministre des communautés et des retours (qui est un Serbe du Kosovo) et du Ministre de l’administration locale (qui est un Albanais du Kosovo). Le Premier Ministre et 23 municipalités (appartenant toutes à la majorité des Albanais du Kosovo) ont adopté le 25 février 2005 une déclaration conjointe dans laquelle ils demandaient aux personnes déplacées de revenir chez elles et à la population majoritaire d’accepter et d’assurer ses responsabilités particulières à l’égard des communautés minoritaires, d’assurer la protection des droits de propriété et de rendre les biens illégalement occupés. Le premier retour de Serbes du Kosovo en zone urbaine s’est déroulé à Klinë (Klina) avec le soutien du Premier Ministre et du Président de l’assemblée municipale. Les instances municipales sont manifestement devenues plus enclines à s’engager dans le processus des retours, mais la plupart d’entre elles n’ont toujours pas les moyens ni la volonté politique d’assumer l’entière responsabilité du retour des minorités.

Retours forcés

112.La majorité des personnes qui avaient quitté le Kosovo dans les premières années 90 ont choisi de rester dans leur pays d’accueil en attendant l’évolution de la situation. Or, les pays d’accueil ont considéré rapidement que les Kosovars qui n’avaient pas acquis le droit juridique bien établi de demeurer dans le pays devaient retourner au Kosovo, étant donné qu’il n’y aurait plus de danger de persécution politique et, étant donné les énormes efforts déployés par la communauté internationale pour reconstruire le Kosovo, qu’il n’y avait guère de motifs de rester dans le pays d’accueil pour des raisons humanitaires. C’est alors que certains Kosovars ont dit appartenir à un groupe minoritaire qui ne pouvait pas rentrer en toute sécurité ou ont avancé des raisons de santé comme obstacles au retour.

113.Certains pays, notamment ceux qui abritaient un grand nombre de Kosovars, comme l’Allemagne et la Suisse, ont commencé à pratiquer à petite échelle des retours forcés au Kosovo dès la fin de 1999 et le début de 2000. Afin de gérer le processus de façon ordonnée et d’éviter le retour forcé d’individus qui avaient encore besoin d’une protection internationale, la MINUK a conclu avec chacun des deux pays, en 1999 et 2000, un mémorandum d’accord distinct. La conclusion d’un mémorandum avec la Suède a suivi en novembre 2004. Il y a aussi un mémorandum d’accord avec l’Allemagne qui remonte à mars 2003 et qui concerne spécifiquement les modalités de retour d’un petit nombre d’Ashkalis et d’Égyptiens; ce mémorandum a guidé le retour de membres de ces communautés jusqu’en mars 2004, date à laquelle la MINUK a suspendu tous les retours avec effet immédiat à la suite d’une éruption de violence dirigée contre des minorités. Sur la base d’une «note concertée» d’avril 2005, l’Allemagne a recommencé en mai 2005 à soumettre à la MINUK une liste limitée d’Ashkalis et d’Égyptiens destinés à un retour forcé.

114.La politique générale de la MINUK en matière de retours forcés s’applique de la même façon à tous les pays, qu’ils aient conclu ou non un mémorandum d’accord, et elle attend des pays désireux de renvoyer des personnes au Kosovo qu’ils le fassent conformément à la politique et aux procédures fixées par elle. La politique de la MINUK a évolué avec le temps, mais la Mission a toujours refusé d’accepter le retour forcé de personnes dont la sécurité ou le bien‑être auraient été mis en péril. Dans l’élaboration et l’adaptation de sa politique, la MINUK s’inspire du HCR et de ses rapports de situation sur le besoin persistant de protection internationale pour les individus originaires du Kosovo, le dernier rapport ayant été publié en mars 2005.

115.Actuellement, la MINUK n’accepte pas le retour forcé de Serbes ou de Roms, ni d’Albanais/Bosniaques originaires de zones où ils constituent une minorité, particulièrement dans les municipalités du nord, notamment Mitrovica (nord). Le retour forcé de membres de la communauté ashkali ou égyptienne ne sera accepté qu’en nombre limité, pour certaines localités désignées et après un processus de vérification approfondi conduit par la MINUK. Celle‑ci n’accepte pas non plus le retour forcé de personnes souffrant de maladie chronique ou gravement malades, dont l’état exige des soins médicaux spécialisés non disponibles au Kosovo, de personnes gravement handicapées ou de personnes âgées isolées et sans soutien social. La MINUK a aussi pour politique, conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant et à la Convention européenne des droits de l’homme, de prévenir la dislocation des familles, sauf lorsque c’est dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Afin d’évaluer s’il convient d’émettre une réserve ou une demande d’informations complémentaires, la MINUK demande à être informée par les pays d’accueil au moins sept jours avant la date envisagée d’un retour forcé. Elle s’efforce de veiller à ce que les garanties et normes internationales relatives aux retours forcés soient respectées par les pays d’accueil, y compris, entre autres choses, en ce qui concerne la séparation de membres proches d’une même famille.

116.Conformément à l’objectif visant à faire du Kosovo une société véritablement multiethnique, la MINUK essaye d’éviter les déplacements secondaires par voie de retours forcés. Elle encourage systématiquement le retour au lieu d’origine plutôt que la formation d’agglomérations ethniquement pures. La MINUK n’accepte donc pas le retour forcé d’Albanais/de Bosniaques originaires de zones où ils constituent une minorité, particulièrement dans les municipalités du nord du Kosovo, y compris Mitrovica (nord). Cette politique tient à des motifs divers, dont le principal est la sécurité et le souci d’éviter les déplacements internes dans le Kosovo.

117.En 2004, quelque 4 000 personnes ont été renvoyées de force au Kosovo dont à peu près la moitié en provenance de l’Allemagne (suivie par la Suisse et la Suède). La plupart étaient des Albanais, mais il y avait aussi des membres de communautés plus petites telles que les Bosniaques, les Goranis, les Turcs, etc. Immédiatement après les violences de mars 2004, la MINUK a suspendu le retour forcé de ces minorités jusqu’en juin 2004, date à laquelle il a été établi qu’elles n’auraient pas à craindre d’être la cible de violence systématique. Le retour forcé de Serbes, de Roms, d’Ashkalis et d’Égyptiens a été suspendu toute l’année 2004.

118.L’assistance sociale et la capacité d’absorption au Kosovo demeurent très limitées. L’insuffisance de logements et d’accès aux services sociaux élémentaires est souvent un sujet de préoccupation, en particulier pour les minorités rapatriées de force. Les projets de retour sont généralement axés sur des retours planifiés, volontaires et durables, tandis que souvent les personnes renvoyées de force n’ont pas préparé leur retour, non plus que la communauté vers laquelle elles reviennent. En outre, aucune aide internationale n’est disponible pour ces individus à leur arrivée. Les problèmes auxquels sont confrontés ces rapatriés de force sont souvent aggravés par l’absence de réseaux familiaux actifs. La responsabilité d’apporter une aide sociale aux personnes qui reviennent et de les intégrer incombe en dernier ressort à l’administration centrale et locale des institutions provisoires d’administration autonome, mais il reste beaucoup à faire, avec l’aide de la MINUK et de la communauté internationale, pour développer cette capacité.

Article 13

119.Concernant l’expulsion d’étrangers du Kosovo, le Règlement de la MINUK no 2005/16 du 8 avril 2005, tel que modifié, relatif à la circulation des personnes dans le Kosovo et hors du Kosovo, a clarifié la position juridique de trois catégories d’étrangers:

a)Les étrangers qui ont demandé l’autorisation d’entrer au Kosovo et d’y rester;

b)Les étrangers qui demandent le statut de réfugié;

c)Les étrangers dont le statut de réfugié a expiré.

120.Conformément à l’article 18.1, les personnes qui demandent le statut de réfugié ou dont le statut de réfugié a expiré peuvent recevoir l’autorisation de demeurer temporairement au Kosovo en attendant qu’il soit statué sur leur cas. En vertu de l’article 5.3, l’agent dûment autorisé de la police des frontières de la MINUK fournit à l’étranger dont la demande d’entrer au Kosovo et d’y rester a été rejetée une décision motivée par écrit qui comprend la notification du droit à révision de la décision et du délai de demande de révision. La décision comprend aussi un ordre enjoignant à l’intéressé de quitter le Kosovo, avec effet immédiat.

121.En vertu de l’article 12.4, il est statué en première instance sur la demande de statut de réfugié par «l’autorité compétente», qui est l’organisme au sein de l’Administration de la police et de la justice chargé de prendre les décisions en première instance sur les demandes de statut de réfugié et les demandes connexes et les décisions concernant l’expiration de ce statut. L’article 12.5 est ainsi conçu:

Lorsqu’elle statue sur une demande, l’autorité compétente convoque le requérant et son conseil juridique à une audience pour présenter ses arguments. Elle demande à des représentants du HCR et d’autres organisations internationales compétentes de faire des communications en tant qu’amicus curiae et de présenter des arguments. Les audiences sont organisées dans les quinze (15) jours qui suivent la réception de la demande de statut de réfugié. Il est établi un compte rendu de l’audience, qui est traduit dans la langue choisie par le requérant et signé par lui.

122.En vertu de l’article 12.6, la décision de l’autorité compétente comprend la notification du droit de révision de cette décision et du délai de demande de révision, elle est communiquée au requérant et à son conseil, ainsi qu’au représentant du HCR ou d’une autre organisation internationale compétente. En vertu de l’article 15.2, la décision de mettre un terme au statut de réfugié est préservée par écrit et comprend la notification du droit à révision et du délai de demande de révision. L’article prévoit en outre que la décision peut être un ordre de quitter le Kosovo, qui est suspendu en attendant la procédure de révision de la décision de retrait du statut de réfugié.

123.En vertu de l’article 22.1, la personne qui fait l’objet d’une décision de refus d’entrer ou d’autorisation d’entrer et de demeurer au Kosovo, de refus du statut de réfugié, de levée du statut de réfugié, peut demander par écrit à un collège de trois (3) juges du tribunal de district de la juridiction territoriale compétente la révision de la décision, dans les sept (7) jours suivant la réception de celle‑ci. En vertu de l’article 22.5, le tribunal émet une décision motivée par écrit concernant la demande de révision dans les cinq jours qui suivent la clôture de l’audience.

124.Les procédures par lesquelles il est statué sur le statut de réfugié ou décidé de ce statut en vertu du Règlement de la MINUK no 2005/16 ne sont pas encore opérationnelles. Un projet de directive administrative est en préparation.

Article 14

Égalité devant la loi

125.Le droit à l’égalité devant les tribunaux est protégé aussi bien par la procédure civile que par la procédure pénale applicables actuellement.

126.Le Code provisoire de procédure pénale du Kosovo précise le droit et dispose que les tribunaux, le ministère public et la police ont le devoir au cours de l’enquête de mettre à la disposition de la défense tous les faits et preuves qui sont en faveur du prévenu, avant l’ouverture de la procédure ou pendant celle‑ci. Le Code autorise la défense à demander la collecte, par le ministère public au cours de l’enquête, d’éléments de preuve spécifiques qui pourraient être perdus ou qui justifient la libération de la personne mise en détention provisoire. En cas de refus du procureur, celui‑ci doit motiver son refus, dont il peut être fait appel devant le juge de la mise en état.

127.Pour être effectif, l’accès aux tribunaux doit être réalisable en pratique, ce qui pose un problème immédiat au Kosovo, particulièrement pour les Serbes. La sécurité est un obstacle majeur qui affecte le fonctionnement des tribunaux dans les zones où habitent des Serbes. Les conditions de sécurité dissuadent les Serbes de se rendre dans certains centres urbains où se trouvent les tribunaux. En outre, dans les zones de minorités ethniques, les tribunaux n’ont pas assez de personnel. Pour pallier ces difficultés, le Département de la justice a créé des offices de liaison judiciaire à Graçanicë/Gračanica, Novobërdë/Novo Brdo, Gorazhdevc/Goraždevac, Vrbovc/Verbovac, Hoça e Madhe/Velika Hoča, Priluzhë/Prilužje, Shillovë/Šilovo et Mitrovicë/Mitrovica.

Droit d’être présumé innocent jusqu’à ce que la culpabilité ait été légalement établie

128.Le principe énoncé à l’article 14 2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est reflété à l’article 3 1) du Code provisoire de procédure pénale qui dispose que toute personne soupçonnée ou accusée d’un délit criminel est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie par un jugement définitif des tribunaux.

Droit pour l’inculpé d’être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui

129.Le principe énoncé à l’article 14 3) a) du Pacte relatif aux droits civils et politiques est reflété à l’article 11 1) du Code provisoire, qui dispose ce qui suit:

Lors du premier interrogatoire, l’inculpé est informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre lui.

130.En outre, en vertu de l’article 14 1) du Code provisoire, toute personne privée de liberté est informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, entre autres choses, des motifs de son arrestation.

Droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix

131.Avec la mise en vigueur le 11 octobre 2001 du Règlement de la MINUK no 2001/28 relatif aux droits des personnes arrêtées par les autorités de maintien de l’ordre public se trouvent établies les normes concernant les droits du suspect mis en garde à vue avant l’enquête préliminaire. Ces normes ont été regroupées dans le Code provisoire aux articles 214 à 219; elles comprennent l’accès à l’aide juridique par l’intermédiaire d’un tableau de permanence dressé par la Chambre des avocats du Kosovo, la fourniture de moyens et le droit d’accès rapide à l’aide juridique dès l’arrivée et pendant les interrogatoires; toutefois, cet accès peut être limité dans les affaires de terrorisme; si l’aide juridique demandée par le suspect est jugée inappropriée ou si elle n’est pas disponible à bref délai, une solution de rechange peut être fournie. Les postes de police sont parfois dépourvus d’installations suffisantes pour que le détenu puisse s’entretenir avec son défenseur.

132.L’article 12 2) du Code provisoire dispose que l’inculpé a le droit de se défendre personnellement ou, par le biais de l’aide juridique, d’être défendu par un avocat de son choix.

133.En vertu de la loi de procédure pénale applicable précédemment, la possibilité pour l’avocat de s’entretenir en privé avec l’inculpé faisait l’objet d’un certain nombre de restrictions. L’article 74 de la loi n’autorisait l’avocat à s’entretenir avec une personne en détention qu’après que celle‑ci eût été interrogée ou inculpée officiellement ou qu’une information eût été recueillie sans interrogatoire. Jusqu’à ce point, le juge pouvait inspecter toute correspondance échangée entre l’accusé et son avocat ou assister en personne ou par procuration aux consultations juridiques.

134.La loi de procédure pénale imposait aussi des restrictions aux communications des personnes inculpées et placées en détention en ce sens que les visites d’avocat devaient être demandées par l’intéressé et approuvées par le tribunal et que toutes les visites et communications pouvaient être surveillées, ce qui empêchait totalement l’intéressé de s’entretenir en privé avec son représentant légal. Le Code provisoire de procédure pénale du Kosovo établit clairement le droit pour l’avocat de communiquer librement et en privé avec son client dans certaines conditions garanties.

135.Lorsque le tribunal envisage d’accepter un aveu de culpabilité au cours de la confirmation de l’audience d’inculpation, le juge examine activement si le prévenu a eu la possibilité d’être représenté pour sa défense et s’il a eu accès suffisamment à cette représentation pour qu’on puisse considérer que l’aveu est volontaire.

Droit d’être jugé sans retard excessif

136.Le Code provisoire dispose qu’un détenu a le droit d’être jugé dans un délai raisonnable et sans retard excessif. Dans la pratique, certains tribunaux n’ont pas les moyens de se conformer à cette prescription. En 2004, la plupart des tribunaux municipaux avaient un arriéré de dossiers. Sur les 2 894 affaires pénales enregistrées au premier semestre 2003, à compter de la date où le président du tribunal avait été désigné, 56 % des affaires ont été traitées dans les six mois et 27 % dans plus d’une année. Des retards ont été relevés dans le prononcé du jugement. L’OSCE a rassemblé des données sur la délivrance de jugements écrits dans deux tribunaux de district, Mitrovicë/Mitrovica et Gjilan/Gnijlane. Dans 25 affaires sur les 36 suivies à Mitrovicë/Mitrovica en 2000, le jugement avait été rendu avec un retard de un à huit mois. Des retards allant jusqu’à cinq mois ont été relevés dans des affaires traitées en 2001. Au tribunal de district de Gjilan/Gnijlane, parmi les affaires traitées en 2000, dans 49 cas sur 72 le jugement a été prononcé avec un retard de un à sept mois. Toutefois, fait positif, on peut signaler que le même tribunal a amélioré ses résultats en 2001, année où six jugements seulement sur 67 ont été rendus avec un retard d’un mois. Dans deux affaires jugées au tribunal de district de Prizren, l’OSCE a recensé des retards de plus de 14 mois dans l’émission du jugement par écrit.

Droit d’être présent au procès et de se défendre soi-même ou d’avoir l’assistance d’un défenseur

137.Un prévenu ne peut être jugé par contumace que dans une procédure sommaire (infractions pénales entraînant une peine de prison maximum de trois ans). L’article 472 1) du Code provisoire de procédure pénale dispose ce qui suit:

Si l’accusé ne se présente pas au tribunal à l’instance principale sur le fond alors qu’il a été dûment convoqué, le juge peut décider que la procédure se déroulera en son absence, à condition que sa présence ne soit pas nécessaire, qu’il ait déjà été interrogé et que son avocat soit présent.

L’article 70 1) dispose ce qui suit:

Seul un avocat inscrit au barreau peut être engagé comme avocat de la défense, mais il peut être remplacé par un stagiaire. Si la procédure concerne une infraction pénale passible d’une peine de prison d’au moins cinq ans, l’avocat stagiaire ne peut assurer le remplacement que s’il a passé l’examen de qualification. Devant la Cour suprême du Kosovo, l’inculpé ne peut être représenté que par un avocat inscrit au barreau.

138.Le Code provisoire maintient le recours à un avocat commis d’office si l’inculpé ne peut pas se défendre lui‑même par suite d’une incapacité ou de signes de trouble mental perçus dès le premier interrogatoire ou dans des procédures ressortissant à un recours juridique extraordinaire; ou bien si l’acte d’inculpation contient des chefs d’accusation entraînant une peine de prison de plus de huit ans. Avec l’abolition de la peine de mort, l’intervention d’un avocat est obligatoire si une peine de prison de longue durée peut être prononcée et que les critères additionnels des audiences de mise en détention s’appliquent. Si aucun avocat n’est choisi par l’inculpé ou par d’autres personnes (par exemple des parents proches), un avocat sera désigné pour assurer sa défense, aux frais de la collectivité. Cette formule est considérée comme une solution de dernier recours pour un inculpé non représenté. En pareil cas, il ne peut pas être renoncé d’un commun accord au droit à l’aide juridique.

139.Avant tout interrogatoire, par exemple lors du premier interrogatoire, le tribunal ou une autre autorité compétente est tenu d’informer l’inculpé de son droit à être représenté pour sa défense. En vertu de l’article 74, l’inculpé doit être informé de son droit à une aide juridique aux frais de l’État, avant le premier interrogatoire dans les affaires où la présence d’un avocat de la défense est obligatoire. En vertu de l’article 469 2), l’inculpé est informé, dans la convocation à procédure sommaire, de son droit d’être représenté pour sa défense.

Comparution et interrogatoire des témoins

140.La comparution et l’interrogatoire de témoins sont prévus expressément par l’article 10 2) du Code provisoire. Il n’existait pas de disposition de ce genre dans la loi de procédure pénale qui s’appliquait auparavant. Le Code établit fermement le droit de la défense à citer des témoins et à procéder au contre‑interrogatoire des témoins à charge.

141.La défense et son représentant juridique n’ont pas le droit d’assister à l’interrogatoire des témoins, mais le procureur a la faculté d’inviter la défense. Une déposition faite par le témoin devant la police ou le ministère public n’est admissible que si l’inculpé a eu la possibilité de la contester à un stade quelconque de la procédure. L’inculpé peut demander en vertu de l’article 154 que le témoignage soit déclaré irrecevable et le tribunal doit rendre à ce sujet une décision motivée.

142.Dans certains cas, un témoignage fait pendant l’enquête peut être utilisé dans le débat principal sur le fond si le témoin ne peut pas comparaître pour cause de décès ou de maladie (y compris maladie mentale), s’il lui est impossible pour une autre raison de se présenter, si le témoin refuse sans motif, ou bien si les parties sont d’accord.

143.À «titre exceptionnel», la défense ou l’accusation peut demander au juge de la mise en état de recueillir les dires d’un témoin ou d’un témoin expert, qui seront utilisés au cours de la procédure au fond. C’est là une solution qui doit donner la «possibilité unique» de recueillir des éléments de preuve importants qui sont en «danger notable» de ne pas être disponibles lors du procès. Si le juge accepte la demande, les droits de l’inculpé doivent être protégés et cette protection doit être concrétisée dans la procédure, notamment par la présence de la défense lors de l’audition du témoin.

144.L’article 157 ne permet pas de fonder une condamnation uniquement ou de «manière décisive» sur des dépositions faites par l’inculpé devant la police ou le procureur, sur les propos d’un témoin complaisant ou anonyme, ou sur tout élément de preuve que la défense n’a pas eu la possibilité de contester en posant des questions à un stade quelconque de la procédure pénale.

145.Les mesures de protection visées au chapitre XX du Code provisoire visent à permettre aux témoins à charge et à décharge de s’exprimer en toute sécurité s’il existe un danger ou un risque pour le témoin ou sa famille. Elles peuvent être demandées par toutes les parties, y compris la défense. Ces mesures sont les suivantes: omission de renseignements qui permettraient d’identifier un témoin, utilisation de paravents, télévision en circuit fermé, interrogatoires enregistrés sur cassette vidéo ou tout autre moyen de masquer l’identité du témoin; attribution d’un pseudonyme; renvoi temporaire de l’inculpé de la salle du tribunal pour permettre au témoin de s’exprimer; audiences à huis clos; ordre donné à l’avocat de la défense de ne pas divulguer l’identité du témoin ou des éléments qui permettraient de l’identifier; non‑divulgation de documents permettant d’identifier le témoin.

Assistance gratuite d’un interprète

146.Le Code provisoire dispose que l’inculpé a droit aux services d’un interprète de manière à comprendre la procédure et à y participer effectivement. Le Code prévoit pour l’inculpé un interprète «indépendant», facteur qui n’était pas précisé dans la loi de procédure pénale antérieure. L’interprète peut être un interprète dans le langage des signes, qui peut être une personne connue de l’inculpé, et non un interprète professionnel.

147.Le refus d’accorder l’assistance d’un interprète peut être un motif de recours. En outre, si au cours du premier interrogatoire l’inculpé n’est pas avisé de son droit, le Code provisoire considère les preuves comme irrecevables.

Droit de ne pas être forcé de témoigner contre soi ‑même ou de s’avouer coupable

148.Le Code provisoire prévoit le droit de rester silencieux mais ce droit est tempéré par l’obligation de décliner son identité. Si au cours du premier interrogatoire l’inculpé n’est pas avisé de ce droit, le Code considère les preuves comme irrecevables. Il en va de même pour le débat principal au fond.

Procédure concernant les jeunes gens qui ne sont pas encore majeurs

149.En vertu du Code de la justice pour mineurs du Kosovo, la majorité pénale est 14 ans et le Code s’applique à quiconque a commis une infraction entre les âges de 14 et 18 ans. Un adulte âgé de 18 à 21 ans peut être poursuivi en tant que mineur pour une infraction commise avant l’âge de 16 ans et si cette infraction est passible d’une peine supérieure à cinq ans.

150.La justice pour mineurs a notamment pour principe «de favoriser au maximum le bien‑être du mineur et de faire en sorte que la réaction suscitée par les jeunes délinquants soit toujours proportionnelle à la situation du délinquant et aux circonstances de l’infraction pénale».

151.Les mesures qui peuvent être appliquées à des mineurs sont des mesures de déjudiciarisation et des mesures éducatives; les peines qui peuvent leur être appliquées sont des amendes, des travaux d’intérêt public et des peines de prison pour mineurs. Pour évaluer la peine à imposer, le parquet ou le juge pour mineurs peut demander un rapport sur la situation sociale du mineur.

152.Le Code de la justice pour mineurs prévoit l’intervention d’un expert chargé d’évaluer l’état de santé mentale du mineur et son aptitude à être jugé. Le juge peut demander au Service de probation de rédiger un rapport sur le milieu social de l’intéressé. Au cours de la procédure, le mineur peut être accompagné par un de ses parents, un parent adoptif ou un tuteur ainsi que par son avocat. Au cours du débat principal, l’Autorité de tutelle et le Service de probation sont représentés aussi. Le tribunal peut autoriser la présence d’autres experts des enfants. Le mineur peut être interrogé avec l’aide d’un pédopsychologue ou de tout autre professionnel qualifié, s’il y a lieu.

153.Le tribunal désigne d’office un avocat de la défense à partir du premier interrogatoire, à partir de la décision d’ouverture d’une procédure préparatoire si l’infraction est passible d’une peine de prison de plus de trois ans, ou à partir de l’ouverture de la procédure préparatoire si l’intérêt de la justice l’exige.

154.En ce qui concerne la publicité du procès, le Code de la justice pour mineurs est explicite: «Toutes les procédures faisant intervenir des mineurs sont confidentielles.». Il est expressément prévu que les autorités agiront avec diligence et sans délai et que l’enfant ne peut pas être jugé in absentia.

155.Les autorités qui participent à la procédure doivent tenir compte des répercussions de la procédure sur l’enfant et s’efforcer de prévenir toute conséquence néfaste pour lui.

156.Avant le premier interrogatoire, le mineur est informé de son droit à une aide juridique par le tribunal. Dans certains cas, cette aide est obligatoire à partir du premier interrogatoire, ou à partir du début de la procédure pour les infractions passibles d’une peine d’un certain niveau, c’est‑à‑dire une peine de plus de trois ans de prison (antérieurement de plus de cinq ans), et pour d’autres infractions lorsque le juge pour mineurs l’estime nécessaire. Le Code de la justice pour mineurs donne à l’enfant la possibilité de demander l’aide juridique gratuite mais celle‑ci ne sera accordée que si l’intéressé n’est pas en mesure de payer. Le représentant juridique doit être un avocat inscrit au barreau. L’enfant peut être accompagné d’un de ses parents ou d’un tuteur. Le mineur ne peut renoncer au droit à l’aide juridique qu’avec le consentement de ses parents, de la personne qui en a la charge ou d’un travailleur social.

157.Le Code de la justice pour mineurs prévoit pour la procédure préparatoire un délai de six mois au‑delà duquel le parquet doit demander une prorogation, ce qui facilite le procès dans un délai raisonnable. En outre, le parquet doit notifier la défense 15 jours avant la clôture prévue de la procédure préparatoire pour permettre à l’avocat de la défense de demander éventuellement l’examen de nouvelles preuves.

Droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi

158.L’inculpé est avisé de son droit de recours dans le jugement qui lui est remis par écrit. Dans les procédures pénales, la demande de recours doit être déposée dans les 15 jours de la réception de la transcription du jugement.

159.Un jugement rendu en première instance peut être contesté pour les motifs suivants: violation flagrante de la procédure pénale, violation du droit pénal, faits erronés ou dossier incomplet.

160.L’article 420 1) du Code provisoire de procédure pénale du Kosovo dispose ce qui suit:

Le tribunal de deuxième instance peut, en séance du collège des juges ou à la suite d’une audience:

1)Rejeter un recours comme étant tardif ou irrecevable;

2)Rejeter un recours comme étant non fondé et confirmer le jugement du tribunal de première instance;

3)Annuler le jugement et renvoyer l’affaire devant le tribunal de première instance pour être rejugée;

4)Modifier le jugement du tribunal de première instance.

161.L’article 430 1) du Code provisoire dispose ce qui suit:

Il peut être fait appel devant la Cour suprême du Kosovo du jugement d’un tribunal de deuxième instance dans les cas suivants:

1)Le tribunal de deuxième instance a imposé une peine de prison de longue durée ou a confirmé le jugement rendu en première instance imposant cette peine;

2)Le tribunal de deuxième instance, après avoir tenu une audience, a donné de la situation de fait une interprétation différente de celle du tribunal de première instance et a fondé son jugement sur cette interprétation des faits; ou

3)Le tribunal de deuxième instance a modifié une décision d’acquittement du tribunal de première instance et l’a remplacée par une condamnation.

Indemnisation

162.Les personnes pouvant prétendre à une indemnisation sont les personnes accusées, inculpées ou condamnées à tort. Le délai permettant de demander une indemnisation est de trois ans à compter de la décision du tribunal de première instance ou de la juridiction d’appel. Avant de déposer une demande en indemnisation, la partie lésée doit s’adresser à l’autorité publique compétente pour déterminer s’il est possible de parvenir à un accord à l’amiable quant au montant de l’indemnisation. Le délai de trois ans est suspendu pendant que la partie lésée négocie une éventuelle transaction. Si la partie lésée n’a pas obtenu un accord ou n’a obtenu qu’un accord partiel, elle peut encore déposer une demande en indemnisation auprès de la juridiction compétente. Le droit à indemnisation se transmet aux héritiers.

Ne bis in idem

163.Le principe de ne bis in idem est intégralement énoncé dans le Code provisoire. L’article 4 dispose ce qui suit:

1)Nul ne peut être poursuivi et puni pour une infraction pénale s’il a été acquitté ou condamné par une décision définitive d’un tribunal, s’il a été mis fin à une procédure pénale contre lui par une décision définitive d’un tribunal ou s’il a fait l’objet d’un non‑lieu consigné dans une décision définitive d’un tribunal.

2)Une décision définitive d’un tribunal ne peut être annulée à la suite d’un recours extraordinaire qu’en faveur de la personne condamnée, sauf disposition contraire du présent Code (art. 442, par. 2).

164.L’article 442 2) dispose qu’une procédure pénale qui a été close par un jugement définitif ne peut être rouverte qu’en faveur de l’inculpé. Cependant, s’il est prouvé que les circonstances prévues à l’article 442 1) 1) ou 442 1) 2) résultent d’une infraction pénale commise par l’inculpé ou son agent à l’égard d’un témoin, d’un témoin expert, d’un interprète, d’un magistrat ou d’un juge non professionnel ou de tiers proches de ces personnes, la procédure pénale qui a été close par un jugement définitif peut être rouverte à l’encontre de l’inculpé. Les circonstances visées à l’article 442 1) 1) ou 442 1) 2) sont les suivantes: il est avéré que le jugement repose sur un document falsifié ou une fausse déclaration d’un témoin, d’un témoin expert ou d’un interprète, ou que le jugement découle d’un délit pénal commis par un juge, un juge non professionnel ou une personne qui a procédé à l’enquête.

Article 15

165.L’article 1.2 du Code pénal provisoire dispose ce qui suit:

Aucune sanction pénale ou mesure obligatoire ne peut être appliquée à une personne pour un acte si, avant les faits, la loi ne définissait pas cet acte en tant qu’infraction pénale et ne prévoyait pas pour cette infraction une sanction pénale ou une mesure obligatoire.

166.L’article 2 1) et 2) du Code provisoire reflète le principe énoncé à l’article 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, selon lequel «si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier»; l’article est ainsi conçu:

1)La loi en vigueur au moment de l’infraction pénale est appliquée à l’auteur de l’infraction.

2)En cas de modification de la loi applicable à une affaire donnée avant le prononcé d’une décision définitive, c’est la loi la plus favorable à l’auteur de l’infraction qui est appliquée.

Article 16

167.L’information relative à l’article 16 est donnée dans le document de base commun.

Article 17

168.Afin de s’acquitter au mieux de son mandat, la MINUK a mis en place une législation qui exige la collecte de renseignements sur la population. Dans cette législation, elle a prévu de nombreuses garanties contre toute atteinte arbitraire ou illégale à la vie privée, à la famille, au foyer ou au courrier des individus.

169.La loi de procédure pénale de la République fédérative de Yougoslavie, qui s’appliquait jusqu’au 18 mars 2002, n’avait pas été modifiée sur le fond depuis 1977 et ne fournissait guère de bases juridiques pour l’emploi des méthodes modernes de surveillance et d’enquête. Le Règlement de la MINUK no 2002/6, du 18 mars 2002, relatif aux mesures secrètes et techniques de surveillance et d’enquête pallie cette lacune. Pour la rédaction du texte, on s’est référé à la loi du Royaume-Uni régissant les pouvoirs d’investigation, à la législation des États-Unis concernant les écoutes téléphoniques, à la loi australienne de 1979 sur les télécommunications (interception) et aux codes de procédure pénale de l’Allemagne, de la France et de la Slovénie. On s’est inspiré aussi de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative aux articles 6, 8 et 13, et de celle des États‑Unis relative à la loi 18 U.S.C 2518(11). Le Règlement de la MINUK no 2002/6 a été incorporé dans le Code provisoire de procédure pénale du Kosovo en tant que chapitre XXIX.

170.L’article 16 de la Directive administrative no 2000/8 de la MINUK prévoit une protection étendue des données personnelles inscrites au Registre central de l’état civil et détenues dans les centres municipaux d’état civil.

171.La Directive administrative no 2002/16 de la MINUK, promulguée le 19 juillet 2002, autorise la communication de données figurant au Registre central de l’état civil aux autorités chargées du maintien de l’ordre et aux instances judiciaires afin d’aider au maintien de l’ordre public et à la bonne administration de la justice. En vertu de cette directive, le Registre central de l’état civil peut divulguer des données personnelles lorsque la demande lui en est faite par le Représentant spécial du Secrétaire général, la police de la MINUK, la KFOR ou les services judiciaires de la MINUK, à l’occasion d’une demande d’aide juridique, d’une enquête pénale ou d’une procédure judiciaire pénale ou civile. La demande est adressée au Directeur de la Direction des affaires administratives, qui est responsable du Registre central de l’état civil, et les renseignements ne sont divulgués qu’aux fins indiquées dans la demande. Les données concernant des personnes non désignées nommément dans la demande ne sont pas divulguées.

172.Il existe en outre une série de règles et de procédures qui, conformément à la Directive administrative 2002/16, visent à assurer la protection des données personnelles contenues dans la base de données du Registre central.

173.La protection contre les atteintes illégales à l’honneur et à la réputation sera traitée à propos de l’article 19.

Article 18

174.Le paragraphe 4.4 du Cadre constitutionnel dispose que les communautés et leurs membres ont le droit de protéger les sites présentant une importance religieuse, historique ou culturelle pour la communauté, avec le concours des pouvoirs publics, et d’entretenir des institutions religieuses.

175.La loi sur le statut juridique des communautés religieuses protège la liberté d’appartenance à une communauté religieuse, le droit d’organiser et d’exécuter des activités religieuses, le droit de construire ou reconstruire des bâtiments servant à l’exercice d’activités ou à la célébration de cérémonies religieuses, le droit d’administrer de façon indépendante des écoles religieuses, y compris les programmes d’études et le personnel enseignant, et le droit de collecter des fonds pour les besoins du culte. Le droit d’établir des pensionnats ou des institutions analogues, d’exercer les fonctions des écoles religieuses et d’éditer des publications religieuses peut être exercé moyennant le dépôt et l’approbation d’une demande aux autorités municipales.

176.La loi sur le processus de stabilisation et d’association proscrit toute manifestation religieuse qui équivaut à prôner la haine raciale ou religieuse et constitue une incitation à l’hostilité ou à la violence. Ces actes sont criminalisés en vertu de l’article 115 du Code provisoire pénal du Kosovo.

177.La loi sur le processus de stabilisation et d’association prévoit aussi l’imposition par les autorités de restrictions aux manifestations religieuses publiques:

Parmi les mesures générales prises par les autorités municipales compétentes en matière de communication publique ou de maintien de l’ordre, ou pour d’autres besoins touchant la protection de la population (protection civile), ces autorités peuvent mettre un terme à la tenue d’assemblées religieuses pendant le temps où sont présentes les circonstances qui ont motivé ces mesures (art. 7).

Des cérémonies religieuses collectives, y compris d’autres activités religieuses, peuvent être menées, en sus des membres du clergé et des personnes de nationalité yougoslave, par des ressortissants étrangers et/ou des personnes apatrides, pour autant que la communauté religieuse ait obtenu de l’autorité administrative municipale chargée des affaires intérieures une autorisation à cet effet (art. 10).

178.Les règles qui gouvernent l’établissement d’organisations et d’associations s’appliquent aussi à l’établissement de communautés religieuses en tant que personnes morales. Actuellement, aucune institution, organisation ou association religieuse n’est financée par le budget consolidé du Kosovo ni ne reçoit d’aide financière des autorités du Kosovo.

179.Des progrès ont été faits récemment dans l’élaboration d’une législation relative à la liberté religieuse et au statut juridique des communautés religieuses. Un projet de loi est à l’étude à l’Assemblée du Kosovo. Le Ministère autrichien des affaires étrangères et l’Université de Vienne ont organisé en Autriche, du 4 au 6 décembre 2005, une réunion très utile sur le projet de loi. Des représentants des principales communautés religieuses du Kosovo, y compris de l’Église orthodoxe serbe, y ont participé et ont engagé un débat de fond avec des représentants des institutions provisoires d’administration autonome et de la MINUK. Tout est mis en œuvre pour inviter instamment le Gouvernement et l’Assemblée du Kosovo à incorporer dans le projet de loi qui est à l’étude toutes les propositions très importantes sur lesquelles les participants à la réunion se sont mis d’accord.

180.En juin et juillet 1999, le monastère de Zociste, construit au XIVe siècle, a été incendié, puis miné et les moines ont été expulsés. Le couvent de la Sainte‑Trinité, près du village de Musutiste, municipalité de Suhareke/Suva Reka, a été attaqué en juin 1999, après l’arrivée de l’OTAN au Kosovo, miné et entièrement démoli, et les religieuses ont été expulsées. Ce sont là deux des nombreux exemples d’églises et de monastères qui ont été incendiés, minés ou dévastés. Au cours des émeutes de mars 2004, lors d’attaques sur le patrimoine culturel et religieux du Kosovo, 36 églises, monastères et autres sites religieux ou culturels orthodoxes ont été saccagés ou détruits. Les lieux de culte qui ont été attaqués datent parfois du XIVe siècle. Deux d’entre eux sont classés par l’UNESCO au Patrimoine mondial de l’humanité et un troisième parmi les sites d’intérêt régional.

181.En juin 2004, un Mémorandum d’accord a été conclu entre le Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports et l’Église orthodoxe serbe concernant des mesures d’intervention urgentes pour les églises et autres sites et bâtiments orthodoxes serbes dévastés au cours des émeutes de mars 2004. Comme suite à cette même action, les 24 et 25 mars 2005, un Mémorandum d’accord sur les principes généraux concertés pour la reconstruction des sites religieux serbes a été signé entre le Patriarche de l’Église orthodoxe serbe et le Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports. Le Mémorandum prévoit l’établissement d’une commission de cinq membres qui devra appliquer les recommandations du Conseil de l’Europe et de l’UNESCO visant la protection, la restauration et la reconstruction des églises, monastères et autres sites religieux endommagés. La commission comprendrait un expert international désigné par le Conseil de l’Europe, la Commission européenne ou un autre organisme international, un représentant de l’Église orthodoxe serbe, un représentant du Ministère IPM de Belgrade, un de celui du Kosovo et un représentant du Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports. La MINUK facilitera les travaux de la commission en coordonnant les questions de sécurité et en lui fournissant une assistance technique. L’Église orthodoxe serbe et le Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports peuvent suggérer des modifications aux recommandations du Conseil de l’Europe et de l’UNESCO, qui seront examinées par la commission. La commission sera habilitée à rédiger des appels d’offres, à publier des appels d’offres pour les travaux de réfection et à choisir les entreprises chargées d’exécuter les travaux. L’Église orthodoxe serbe peut demander à la commission de reconsidérer le choix des entreprises, mais la décision finale incombera à la commission. Toutefois, si l’Église orthodoxe serbe n’approuve pas le choix de l’entreprise, la construction ne sera pas financée par les institutions provisoires d’administration autonome. Si l’entreprise est approuvée, le Ministère de la culture, de la jeunesse et des sports devra faire en sorte que des fonds soient engagés et débloqués. Le Mémorandum d’accord stipule que la somme de 4,2 millions d’euros déjà engagée par les institutions provisoires devra être utilisée à cette fin. Des fonds additionnels pourraient être attribués par ces institutions. La commission serait chargée de surveiller les travaux. Le Mémorandum stipule aussi que l’utilisation des fonds des institutions provisoires n’affectera pas «l’identité des propriétaires et la fonction initiale» des sites religieux. La somme de 4,2 millions d’euros a été prélevée sur le budget consolidé du Kosovo pour la reconstruction initiale des sites orthodoxes serbes saccagés en 2004.

182.En 2004, sur un budget total de 4 800 000 euros, la Division du patrimoine culturel a dépensé 4 202 000 euros, soit 87 % de cette somme, en faveur des minorités ou pour la réparation des dommages subis par les monuments culturels au cours des événements de mars. La restauration du bâtiment d’habitation du monastère de Deçan/Dečani a coûté 350 000 euros.

Article 19

Accès à l’information publique/officielle

183.La loi concernant l’accès aux documents officielsest en vigueur. Toutefois, elle n’a pas fait l’objet d’une application générale. Le Ministère des services publics a proposé un projet de directive administrative pour sa mise en application.

184.Les formalités, conditions, restrictions et sanctions auxquelles l’exercice de la liberté d’expression est assujetti sont exposées dans les Règlements de la MINUK gouvernant la radiodiffusion et la presse et dans le Code pénal provisoire du Kosovo. On peut dire que les six mesures prioritaires figurant dans la norme du Plan d’application des normes pour le Kosovo relative aux retours et aux droits des communautés, modifiées après les violences de mars 2004, reflètent la politique de la MINUK concernant les restrictions nécessaires à l’exercice de la liberté d’expression dans une société démocratique. Ces mesures prioritaires exigent entre autres choses que les institutions provisoires d’administration autonome et les dirigeants de partis politiques condamnent publiquement les articles de presse qui ont contribué à la violence ethnique et qu’ils fassent une enquête sur les instances publiques qui, soit ont contribué aux violences de mars 2004, soit ne sont pas intervenues avec la diligence voulue pour prévenir ces violences. À la suite de son enquête sur le rôle de la presse locale écrite et parlée dans les troubles de 2004, le Commissaire temporaire aux médias a accusé un certain nombre de stations locales de radiodiffusion d’inciter à la violence et aux propos haineux; ces accusations, à l’époque, avaient été critiquées par les intéressés comme constituant une atteinte à la liberté de la presse. Par la suite, certaines des stations ont reconnu, pour échapper au paiement d’une amende, qu’elles avaient diffusé des déclarations «qui pouvaient être considérées comme des propos haineux».

Droit à la liberté d’expression dans les médias

185.Le Règlement de la MINUK no 2000/36 sur l’octroi de licences aux organes de radiodiffusion et de télédiffusion au Kosovo et le Code de conduite des organes de radiodiffusion et de télévision qui lui est associé (Code de conduite de la radiodiffusion), ainsi que le Règlement de la MINUK no 2000/37 sur la conduite des organes de la presse écrite au Kosovo et le Code temporaire de conduite des organes de la presse écrite qui lui est associé (Code de conduite de la presse) traduisent les principes généraux de la Convention européenne des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques concernant les restrictions à la liberté d’expression en dispositions spéciales identiques qui proscrivent la diffusion et la publication d’informations de nature à compromettre la réputation ou les droits d’autrui, et qui réservent au Représentant spécial du Secrétaire général le pouvoir d’imposer des restrictions dans l’intérêt de la sécurité publique et de la prévention des troubles ou de la délinquance.

186.Aux fins de comparaison, les dispositions applicables du Règlement de la MINUK no 2000/36 concernant les organes de radiodiffusion et de télédiffusion et du Règlement de la MINUK no 2000/37 concernant la presse écrite sont reproduits intégralement ci‑après.

187.L’article 5 du Règlement de la MINUK no 2000/36 sur l’octroi de licences aux organes de radiodiffusion et de télédiffusion au Kosovo est ainsi conçu:

5.1Les organes de radiodiffusion et de télévision s’abstiendront de diffuser des renseignements personnels concernant un individu, notamment son nom, son adresse ou son lieu de travail, si cette diffusion constituait une menace grave pour la vie ou la sécurité de cette personne du fait de violences de la part de milices d’autodéfense ou d’autres formes de violence.

5.2Aucune disposition du présent règlement ne limite ni restreint de quelque façon le pouvoir du Représentant spécial du Secrétaire général de prendre les mesures qu’il pourrait juger nécessaires pour des raisons de sécurité, pour protéger des vies, ou pour le maintien de l’ordre public.

188.L’article 4 du Règlement de la MINUK no 2000/37 sur la conduite des organes de la presse écrite au Kosovo est ainsi conçu:

4.1Les propriétaires, exploitants, éditeurs et rédacteurs s’abstiendront de diffuser des renseignements personnels concernant un individu, notamment son nom, son adresse ou son lieu de travail, si cette diffusion constituait une menace grave pour la vie, ou la sécurité de cette personne du fait de violences de la part de milices d’autodéfense ou d’autres formes de violence.

4.2Aucune disposition du présent règlement ne limite ni restreint de quelque façon le pouvoir du Représentant spécial du Secrétaire général de prendre les mesures qu’il pourrait juger nécessaires pour des raisons de sécurité, pour protéger des vies, ou pour le maintien de l’ordre public.

189.Le préambule des deux codes de conduite associés aux règlements susmentionnés reprend intégralement le texte de l’article 10.2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les restrictions générales prévues dans la Convention sont à la base des paragraphes du dispositif du Code de conduite de la radiodiffusion et aussi du Code de conduite de la presse qui proscrivent «les propos provocateurs».

190.Le texte des paragraphes pertinents du Code de conduite des organes de radiodiffusion et de télédiffusion au Kosovo est le suivant:

2.2Les organes de radiodiffusion ne diffuseront aucun contenu encourageant la délinquance ou les activités criminelles ou entraînant le risque imminent de causer des dommages, ceux‑ci étant définis comme la mort, les blessures, des dommages à la propriété ou autre forme de violence.

2.3Les organes de radiodiffusion ne diffuseront aucun contenu dénigrant un groupe ethnique ou religieux ou insinuant qu’un groupe ethnique ou religieux est responsable d’une activité criminelle.

191.La Directive administrative no 2000/22 de la MINUK relative à un code temporaire de conduite des organes de la presse écrite dispose ce qui suit:

2.1Les éditeurs ne rédigeront, n’imprimeront, ne publieront ni ne distribueront aucun contenu encourageant la délinquance ou les activités criminelles ou entraînant le risque imminent de causer des dommages, ceux‑ci étant définis comme la mort, les blessures, des dommages à la propriété ou autre forme de violence.

2.2Les éditeurs ne rédigeront, n’imprimeront, ne publieront ni ne diffuseront aucun contenu dénigrant un groupe ethnique ou religieux ou insinuant qu’un groupe ethnique ou religieux est responsable d’une activité criminelle.

192.Le Règlement de la MINUK no 2000/36 sur les organes de radiodiffusion et le Code de conduite qui lui est associé stipulent que l’octroi des licences de radiodiffusion sera conforme au code susmentionné.

193.Article premier − Demande: «Tous les propriétaires, directeurs de station, éditeurs en chef et/ou personnes exerçant le contrôle éditorial absolu des programmes des stations de radio ou de télévision au Kosovo (ci‑après dénommés «organes de radiodiffusion») s’engagent à se conformer au présent Code, condition de l’obtention d’une licence de radiodiffusion délivrée par le Commissaire temporaire aux médias.».

194.Dans la mesure où le Règlement de la MINUK no 2000/36 sanctionne le non‑respect du Code de conduite des organes de radiodiffusion, le respect de ses dispositions est une obligation pour l’obtention d’une licence de radiodiffusion. L’article 3 du Règlement énonce les dispositions gouvernant la prise de sanctions administratives pour non‑respect du Code de conduite. L’article 2 du Règlement de la MINUK no 2000/37 sur la conduite des organes de la presse écrite contient des dispositions analogues. Les deux Règlements stipulent que l’application des sanctions administratives est sans préjudice de toute sanction pénale applicable ou de l’introduction d’une action civile.

195.Le cadre juridique et institutionnel de la réglementation des médias est en cours de réorganisation avec la mise en application de la loi relative à la Commission indépendante des médias et à la radiodiffusion.

196.Les infractions pénales suivantes ressortissent à l’article 19:

Article 28 du Code pénal provisoire du Kosovo qui établit une responsabilité pénale spéciale pour les infractions commises par l’intermédiaire des médias.

Article 115 du Code provisoire qui criminalise les «propos provocateurs» interdits par le Code de conduite de la radiodiffusion, article 2.2‑2.3, et le Code de conduite de la presse écrite, article 2.1‑2.2.

Articles 187 et 188 du Code provisoire qui font de l’exercice criminel de la liberté d’expression contre l’honneur et la réputation d’autrui une infraction pénale.

Article 20

197.L’article 115 du Code pénal provisoire du Kosovo définit l’incitation à la haine raciale, religieuse ou ethnique, à la discorde ou à l’intolérance comme constituant une infraction pénale.

198.La politique «normes au‑dessus des statuts», qui a été approuvée conjointement par la MINUK et les institutions provisoires d’administration autonome, exige que les propos haineux ou toute autre forme d’incitation à la haine soient condamnés par les dirigeants politiques, l’autorité de réglementation des médias et les commentateurs des médias. Le Plan d’application des normes pour le Kosovo, qui a été élaboré pour donner effet à cette politique et qui a été approuvé aussi par la MINUK et les institutions provisoires d’administration autonome, pose en principe qu’il faut prendre des mesures pour créer des médias professionnels, responsables et non discriminatoires s’adressant à toutes les communautés ethniques. «Les violences des 17 à 20 mars 2004 et le rôle irresponsable joué par certains dans les médias confirment cette nécessité.». Ces mesures supposent la création d’un conseil multiethnique de la presse, afin de doter les médias de la presse écrite du système nécessaire d’autorégulation, notamment d’un système propre à éliminer les propos haineux. Ce système devrait faire obligation aux médias de condamner toute forme de propos haineux et de s’abstenir de les diffuser ou de les imprimer. Les médias devraient encourager la tolérance entre les communautés et faire des comptes rendus impartiaux, surtout lorsqu’ils traitent de situations de tension interethnique.

199.Les violences de mars 2004, qui ont apparemment été déclenchées par la mort de trois enfants albanais qui s’étaient noyés dans l’Ibar, près de la ville de Zubin Potok (région de Mitrovica) le 16 mars 2004, sont considérées comme ayant été aggravées par le ton incendiaire et la partialité avec lesquels les médias en ont rendu compte.

200.À la suite de ces violences, on a conduit des enquêtes pour analyser les dérapages médiatiques et pour organiser une aide en conséquence. Le 23 avril 2004, le Commissaire temporaire aux médias a publié un rapport contenant ses constatations préliminaires sur la conduite des médias les plus influents du Kosovo − Radiotélévision Kosovo (RTK), organe public émettant dans tout le Kosovo, la station de télévision privée Kosovo Télévision (KTV) et la station de télévision privée TV 21 − au cours des trois jours d’émeute. Le Commissaire a relevé qu’elles avaient toutes violé le Code de conduite des organes de radiodiffusion, il a proposé l’application de sanctions et recommandé certaines mesures correctives.

201.Concernant RTK, le rapport conclut que si un certain nombre de journalistes et d’équipes de tournage ont fait preuve d’un courage et d’un sang‑froid louables lorsqu’ils ont rendu compte de situations violentes dans tout le Kosovo, certains correspondants régionaux, en revanche, avaient des styles variables allant de calme et objectif à surexcité. Le Commissaire a conclu aussi que le regard porté par la direction de RTK sur l’actualité était caractérisé par un mépris irresponsable du risque d’incitation aux troubles civils et d’exacerbation de ces troubles et que les bulletins d’information semblaient inspirés par le goût de la dramatisation et du sensationnel, sans aucun sens modérateur des responsabilités concernant les effets que les émissions pouvaient avoir dans un climat politique explosif.

202.Dans sa conclusion, le rapport constatait ce qui suit:

Beaucoup des bulletins d’information de RTK concernant la soirée du 16 mars, qui faisaient référence aux «bandits serbes» et aux «hordes tchetniks», et l’emploi inconsidéré du terme «attaque» pour décrire ce qui était arrivé aux enfants, en sus d’autres émissions du 17 mars, paraissent être contraires au propre code de conduite éditoriale de RTK concernant l’emploi de termes «passionnels» ou «provocateurs».

203.Le rapport indiquait que les informations diffusées par RTK pouvaient à juste titre être considérées comme constituant une «violation de l’article 2.2 du Code de conduite des organes de radiodiffusion et de télévision du Commissaire temporaire aux médias, qui interdit la diffusion d’éléments comportant un risque évident et immédiat d’incitation à la violence, et qu’elles seront traitées comme telles.».

204.Le rapport du Commissaire provisoire aux médias faisait différentes recommandations pour traiter les problèmes signalés. En ce qui concerne KTV, le rapport parvenait à la conclusion que la manière dont on avait relaté la noyade des trois garçons accordait un crédit excessif aux propos de l’enfant survivant et que, ce faisant, KTV n’avait pas rendu compte convenablement de l’incertitude entourant les faits. Le rapport concluait aussi qu’il ressortait de l’entretien avec le survivant que les enfants avaient fui un chien, et non des gens, mais que KTV n’avait rien fait pour souligner cette révélation importante, et avait donc manqué une occasion importante de modifier la perception de l’événement par le public avant l’éruption de violence du lendemain. Le rapport constatait enfin que, si certains correspondants de KTV avaient fait preuve de modération et de courage dans leurs reportages sur les lieux des scènes de violence, d’autres correspondants avaient envoyé des rapports manifestement tendancieux qui n’avaient été ni contestés, ni corrigés.

205.Le Commissaire comparait KTV aux deux autres grandes stations et indiquait que si KTV était plus enclin que TV 21 à donner dans le dramatique et le sensationnel, il n’avait en revanche rien fait pour «politiser la mort des trois enfants ou pour susciter autour de cet événement le type d’hystérie patriotique qui marquait les émissions de RTK».

206.Concernant TV 21, le commissaire concluait que le premier bulletin d’information concernant l’incident attachait foi à l’excès aux propos de l’enfant survivant, ne reproduisait pas avec exactitude ce qu’il disait aux reporters et avait omis de mentionner un élément crucial, à savoir que les dires de l’enfant n’étaient corroborés par aucun témoignage indépendant. Le Commissaire a déclaré que cette omission pouvait être interprétée comme une violation de l’article 7.2 du Code de conduite des organes de radiodiffusion.

207.Le Commissaire a estimé que les journalistes de TV 21 avaient abordé l’affaire avec calme et qu’ils avaient fait des efforts méritoires pour y ajouter des commentaires et des analyses rationnels et qu’ils s’étaient abstenus de politiser l’événement ou de verser dans le sensationnel. Le rapport constatait que TV 21 avait pris des mesures louables pour élucider ce qui était réellement arrivé aux quatre enfants, avait rendu compte des violences sur un ton calme et objectif et que, dans l’ensemble, elle cherchait à tempérer le caractère passionnel de l’information tout en la transmettant au public fidèlement.

208.Le rapport recommandait d’organiser à l’intention des correspondants et des rédacteurs de TV 21 une formation spécifique sur la technique et sur l’éthique du conflit.

209.Au début, les médias, en particulier RTK, n’ont pas voulu reconnaître que leurs bulletins d’information, tels qu’ils ont été résumés ci‑dessus, témoignaient d’un manque grave de professionnalisme qui attisait la violence au lieu de la tempérer. Au contraire, RTK a réagi en prétendant que l’enquête, les constatations préliminaires, les amendes proposées et les mesures correctives recommandées par le Commissaire constituaient une atteinte à la liberté de la presse.

210.Depuis lors, le Commissaire est parvenu à un accord avec RTK, KTV et TV 21 respectivement à propos des critiques concernant la manière dont ils avaient rendu compte des violences de mars 2004. RTK en particulier a reconnu qu’elle avait diffusé «des déclarations qui pouvaient être considérées comme des propos haineux» parce qu’elles «sous‑entendaient qu’une catégorie ethnique particulière était responsable d’activités criminelles». On s’est mis d’accord sur un montant minimum de financement pour donner une formation au personnel de la rédaction en 2005.

Article 21

Cadre juridique

211.L’exercice du droit de réunion est régi par les lois de la Province socialiste autonome du Kosovo sur la paix et l’ordre publics et sur les réunions publiques, toutes deux de 1981. La première réglemente le comportement des personnes dans les lieux publics, et la seconde l’organisation des réunions publiques. Ces deux lois contiennent des dispositions générales concernant les formalités, les conditions, les restrictions et les sanctions auxquelles l’exercice de ce droit est soumis.

212.La loi de 1981 sur les réunions publiques oblige les organisateurs d’une réunion publique à en notifier la tenue aux autorités municipales chargées du maintien de l’ordre et impose à ces dernières de veiller à ce que la réunion se déroule sans atteinte à l’ordre public. Les articles 2, 7 et 8 de la loi sur les réunions publiques contiennent des dispositions restreignant le droit de réunion analogues à celles du paragraphe 2 de l’article 22 du Pacte. La loi oblige en outre les organisateurs de réunions publiques à maintenir l’ordre et à disperser les participants en cas de danger pour la sécurité des personnes et des biens.

213.L’article 4 de la loi sur la paix et l’ordre publics impose des obligations analogues aux organisateurs de spectacles publics. Elle prévoit aussi l’intervention des forces de maintien de l’ordre si les organisateurs sont dans l’incapacité de satisfaire à ces obligations et oblige de même les participants à respecter la sécurité et l’ordre publics et les droits et libertés d’autrui.

214.L’article 173 du Code pénal provisoire du Kosovo érige en crime toute restriction illégale à l’exercice du droit de réunion.

Pratique

215.Il n’existe pas de statistiques concernant les demandes de réunions publiques présentées par des personnes appartenant à des communautés minoritaires qui ont été refusées. Toutefois, la police n’a pas autorisé les manifestations suivantes:

Deux demandes d’autorisation d’une manifestation pour un monument aux morts qui devait être érigé dans la région de Shatervan ont été refusées au motif que cette manifestation pouvait entraîner des actes de violence et que son lieu n’était pas approprié.

L’Association des familles pour les personnes enlevées et les victimes de guerre souhaitait organiser une manifestation de 50 à 150 personnes le 30 août 2004. Elle avait l’intention de bloquer deux grandes rues au centre de Prishtinë/Priština et de projeter des diapositives en face du Théâtre national. La demande a été rejetée, la police de la MINUK étant d’avis que le blocage du centre de la ville désorganiserait tous les services essentiels, notamment les ambulances et les services de police. Au cours des négociations, elle a proposé un autre lieu pour la manifestation, que les organisateurs ont refusé. Il semble que la manifestation ait eu lieu sans autorisation.

Le parti politique «Lëvizja Popullore e Kosovës» (LPK) a demandé l’autorisation d’organiser une manifestation pacifique en face de l’Assemblée du Kosovo entre le 13 et le 28 novembre 2003. Dans un mémo, le Spécialiste des opérations du Quartier général régional de la police de la MINUK à Prishtinë/Priština a rejeté cette demande, décision qui a été confirmée par le Commandant régional de la MINUK de cette ville le 6 novembre 2003 au motif que la manifestation obligerait la police à boucler la zone et donc à fermer la route pendant plusieurs jours. La désorganisation de la circulation des piétons et des véhicules qui en aurait résulté aurait été disproportionnée par rapport aux raisons qu’avait le LPK de tenir une manifestation pacifique.

Article 22

216.Le Cadre constitutionnel garantit le droit d’association en général, des dispositions spéciales régissant ce droit dans le cas des personnes appartenant à des communautés minoritaires. Sur les 2 800 organisations non gouvernementales enregistrées, 300 représentent des Serbes du Kosovo, 55 des Roms et quelques‑unes les communautés bosniaque, turque, goranie et croate. Ces ONG opèrent relativement librement sur tout le territoire du Kosovo.

217.Le paragraphe 4.4 du Cadre constitutionnel prévoit, entre autres dispositions, que les communautés et leurs membres ont le droit de:

g)Créer des associations pour promouvoir leurs propres intérêts;

h)Nouer librement des contacts avec des organisations non gouvernementales locales, régionales et internationales et participer à leur action, conformément aux procédures de ces organisations…

218.Le Règlement no 1999/22 de la MINUK du 15 novembre 1999 sur l’enregistrement et les activités des organisations non gouvernementales au Kosovo régit la nature, l’enregistrement et le statut de toutes les ONG opérant au Kosovo. Les dispositions pertinentes de l’article 4 de ce règlement se lisent comme suit:

4.1Une ONG dépose une demande d’enregistrement auprès de la MINUK afin d’opérer en tant qu’entité juridique au Kosovo.

4.2Une fondation ou une association s’enregistre en déposant auprès de la MINUK une demande d’enregistrement, l’instrument qui en porte création et ses statuts.

[…]

4.6La MINUK délivre à l’ONG un certificat d’enregistrement ou lui notifie son refus par écrit dans les soixante (60) jours ouvrables suivant le dépôt de la demande, à moins qu’elle ne demande par écrit des informations ou précisions supplémentaires. La MINUK motive tout refus.

10.3Une ONG peut demander le statut d’organisme d’intérêt public au moment de son enregistrement ou ultérieurement. La MINUK accordera ce statut si les documents d’enregistrement de l’ONG attestent que ses buts et activités satisfont aux conditions énoncées dans l’article 10.1. Pour conserver le statut d’organisme d’intérêt public, l’ONG établit des rapports financiers et d’activité conformément aux directives administratives du Représentant spécial du Secrétaire général.

219.L’article 5.1 du Règlement de la MINUK no 1999/22 prévoit que celle‑ci peut refuser une demande d’enregistrement si les statuts de l’ONG vont à l’encontre des dispositions de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité de l’ONU ou de l’un quelconque de ses règlements.

220.L’article 2 du Règlement de la MINUK no2004/11 du 5 mai 2004 sur l’enregistrement et les activités des partis politiques au Kosovo dispose ce qui suit:

2.1Il est tenu un registre des partis politiques contenant le nom, l’adresse et le numéro de téléphone de tous les bureaux de chaque parti politique enregistré, ainsi que les noms et adresses du président et des membres de l’organe directeur suprême de chaque parti politique enregistré.

2.2Un parti politique inscrit dans le registre acquiert le statut de personne morale ayant capacité de posséder des biens, de conclure des contrats et d’ester en justice.

221.L’article 4 du Règlement de la MINUK no 2004/11 sur l’enregistrement et les activités des partis politiques prévoit qu’une demande d’enregistrement est refusée si les documents l’accompagnant, notamment les statuts du parti, ne satisfont pas aux obligations énoncées dans le Règlement ou sont contraires à la loi applicable, ou si le parti demande à être enregistré sous un nom, un acronyme ou un symbole qui risque d’inciter à la haine ou à la violence intercommunautaire, ethnique ou religieuse.

222.Le droit de s’associer en syndicats est à la fois garanti et régi par le Règlement de la MINUK no 2001/27 sur le droit du travail au Kosovo, entré en vigueur le 8 octobre 2001. Les dispositions pertinentes de l’article 5 du Règlement se lisent comme suit:

5.1Les employés et les employeurs ont le droit de constituer et, sous réserve des seules règles de l’(des) organisation(s) concernée(s), d’adhérer à l’(aux) organisation(s) de leur choix sans autorisation préalable. Les organisations des employés s’entendent aussi des syndicats.

5.2L’(Les)organisation(s) d’employés et d’employeurs ont le droit de créer une (des) fédération(s) et confédération(s) et d’y adhérer. Cette (Ces) organisation(s), fédération(s) ou confédération(s) a (ont) le droit de s’affilier avec une (des) organisation(s) internationale(s) d’employés et d’employeurs.

5.3L’(Les) organisation(s) d’employés et d’employeurs et leur(s) fédération(s) et confédération(s) respective(s) ont le droit d’élaborer leur constitution et leur règlement, d’élire leurs représentants, d’organiser leur administration et leurs activités et de formuler leur programme.

5.4Les pouvoirs publics s’abstiennent de toute ingérence de nature à restreindre les droits des employés et des employeurs, tels qu’énoncés à l’article 5.1, et ceux de leur(s) organisation(s), fédération(s) et confédération(s) respective(s), tels qu’énoncés à l’article 5.2.

5.5L’(Les) organisation(s) d’employés et d’employeurs et leur(s) fédération(s) et confédération(s) respective(s) ne peuvent être ni dissoutes ni suspendues par le Département administratif du travail et de l’emploi (ci‑après dénommé «le Département»), ou l’autorité qui lui succédera.

5.6L’acquisition de la personnalité morale par l’(les) organisation(s) et leur(s) fédération(s) et confédération(s) respective(s) d’employés et d’employeurs ne peut être soumise à des conditions propres à restreindre l’application des articles 5.1, 5.3, 5.4 et 5.5.

5.7Les syndicats se font enregistrer et remettent une copie de leur constitution et une liste des noms, prénoms, dates de naissance et adresses des personnes responsables de leur gestion et de leur administration au Département ou à l’autorité qui lui succédera.

5.8Les employés et les employeurs et leur(s) organisation(s), fédération(s) et confédération(s) respective(s) exercent leurs droits au titre du présent Règlement, conformément à la loi applicable au Kosovo.

223.La même loi interdit la discrimination au motif de l’appartenance à un syndicat. Le service de la MINUK chargé de l’enregistrement des organisations non gouvernementales et de la liaison avec elles indique qu’aucune ONG ne s’est vu refuser le droit de s’enregistrer au Kosovo depuis 1999. Aucune non plus n’a été suspendue ou radiée.

Article 23

224.Le cadre juridique de la famille et du mariage demeure essentiellement celui qui était énoncé dans la loi sur le mariage et les relations familiales entrée en vigueur il y a plus de 20 ans. Les institutions provisoires d’administration autonome sont en train d’élaborer de nouvelles lois dans ce domaine.

225.L’article 2 dispose que, conformément à la loi, la famille représente l’union des parents, des enfants et des autres membres de la famille tout au long de la vie.

226.L’article 24 dispose qu’un mariage est réputé être conclu au moment où le couple déclare ensemble sa volonté de former une union devant l’organe compétent conformément aux conditions énoncées dans la loi. Conformément à l’article 25, le mariage n’est pas considéré comme valide lorsque l’un des futurs époux n’y consent pas librement ou que le mariage lui est imposé par la force ou résulte d’une tromperie.

227.L’article 26 dispose que le mariage n’est pas valide s’il est contracté dans des conditions, prévues par la loi, qui le rendent invalide, telles que l’existence d’un mariage précédent, l’incapacité de l’une des parties de se prononcer en raison d’une maladie mentale, l’existence de différents types de liens de sang ou familiaux entre les parties et le fait que l’une des parties est âgée de moins de 18 ans, bien que, dans certains cas, des personnes de plus de 16 ans mais de moins de 18 ans puissent contracter mariage.

228.Le paragraphe 2 de l’article 6 dispose que le mariage repose sur la libre décision du mari et de la femme de contracter mariage dans des conditions d’égalité, de solidarité et d’amour réciproque, de respect, de compréhension et de bonne foi. La propriété dans la famille repose sur les principes de l’égalité, de la réciprocité et de la solidarité ainsi que sur la protection des intérêts des enfants mineurs. Les partenaires au mariage sont égaux dans toutes les relations personnelles et relatives à leurs biens, et ils sont tenus d’être loyaux l’un envers l’autre ainsi que de s’entraider et de se respecter.

229.Lorsque la juridiction compétente dans un différend matrimonial rend un jugement de dissolution ou d’annulation du mariage, ou lorsqu’une demande visant à faire établir l’existence du mariage est rejetée, le tribunal, dans le même jugement, décide des soins et de l’éducation à donner aux enfants mineurs des parties.

Article 24

230.L’enregistrement des enfants nés au Kosovo relève du Règlement de la MINUK no 2000/45 portant sur l’autonomie des municipalités au Kosovo ainsi que de son Règlement no 2005/21 sur la promulgation de la loi no 2004/46 relative aux registres de l’état civil, adoptée par l’Assemblée du Kosovo.

231.Les hôpitaux sont tenus de signaler la naissance d’un enfant, lequel doit être déclaré dans les 30 jours suivant sa naissance.

232.Les écoles jouent un rôle particulier dans la prévention de la violence familiale et la protection des enfants qui y sont exposés. Certains volets de la formation des maîtres aux droits de l’homme concernent leur rôle dans la prévention et le signalement de ce type de violence. Dans la pratique, toutefois, il est apparu que des enseignants dissimulaient parfois des cas de ce type et protégeaient les auteurs. La formation aux droits de l’homme vise en outre à permettre aux enfants d’exercer leur droit à la liberté d’opinion.

233.Il semble y avoir un réel décalage entre les zones rurales et les zones urbaines, les formes traditionnelles d’éducation (autoritaires, imposées d’en haut) l’emportant dans les zones rurales, alors que six ans de réforme éducative commencent à porter leurs fruits dans les zones urbaines.

Article 25

Le droit et la possibilité de voter

234.Pour exercer le droit de vote, une personne doit avoir 18 ans au moins le jour des élections et résider au Kosovo, conformément à l’article 3 du Règlement de la MINUK no 2000/13 sur le Registre central de l’état civil, qui dispose ce qui suit:

L’officier de l’état civil enregistre les personnes ci‑après comme étant résidentes habituelles du Kosovo:

a)Les personnes nées au Kosovo ou dont un parent au moins est né au Kosovo;

b)Les personnes qui peuvent prouver qu’elles résident au Kosovo de manière ininterrompue depuis cinq ans au moins;

c)Toute autre personne qui, de l’avis de l’officier de l’état civil, a été contrainte de quitter le Kosovo et n’a pu de ce fait satisfaire aux critères de résidence énoncés au paragraphe b) du présent article;

d)Les enfants à charge, ne remplissant pas par ailleurs les conditions voulues, de personnes enregistrées conformément aux alinéas a, b et c du présent article, âgés de moins de 18 ans, ou de moins de 23 ans mais dont il est attesté qu’ils fréquentent à plein temps un établissement éducatif reconnu.

235.Avant chaque élection, des périodes d’inscription sur les listes électorales et des commissions électorales du contentieux et des recours donnent aux électeurs la possibilité de vérifier les données les concernant dans le registre électoral (par exemple le centre de vote où ils sont inscrits) et d’obtenir un appui juridique en cas de plainte. Avant chaque scrutin, les électeurs qui viennent de se faire inscrire, réunissent pour la première fois les conditions voulues ou ont changé d’adresse depuis l’élection précédente reçoivent par courrier notification de leur bureau de vote. En 2004, 116 962 notifications écrites de ce type ont été envoyées; 9 521 (8,14 %) d’entre elles n’ont pu être remises à leurs destinataires, sans doute en raison d’adresses incomplètes.

236.En 2000, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a procédé à une campagne d’inscription sur les listes électorales en Serbie‑et‑Monténégro et inscrit environ 100 000 personnes déplacées. Une deuxième campagne menée en 2002 par l’OSCE a permis d’inscrire 10 000 autres personnes déplacées. Le processus d’inscription s’est heurté à des difficultés, dues notamment à l’absence de documents d’identité (en particulier pour les Roms).

237.Aucune autre inscription en personne n’a eu lieu avant les élections de 2004. En Serbie‑et‑Monténégro, des notifications ont été envoyées par courrier aux personnes déplacées pour les inviter à s’inscrire, mais 60 000 de ces lettres adressées en Serbie ont été retournées à l’envoyeur. C’est entre autres pour cette raison qu’il a été décidé qu’en 2004 les électeurs de Serbie‑et‑Monténégro voteraient en personne. Cent bureaux de vote ont été ouverts en Serbie. Dans chacun d’entre eux un bureau d’inscription était à la disposition des électeurs non encore inscrits qui pouvaient s’inscrire le jour du scrutin et voter avec un bulletin provisoire.

238.Lors de chaque élection tenue au Kosovo depuis 2000, une règle électorale a permis aux électeurs analphabètes, handicapés ou dont la liberté de mouvement était restreinte soit de se faire aider pour voter soit de voter avant le jour du scrutin. Le vote par correspondance était prévu afin de permettre aux personnes déplacées et aux réfugiés de voter et, dans chaque cas, les personnes déplacées ont pu voter dans des bureaux de vote situés en Serbie‑et‑Monténégro. Pour l’élection de l’Assemblée du Kosovo en 2004, le vote en Serbie‑et‑Monténégro ne faisait pas partie du plan opérationnel initial mais, du fait de la décision de dernière minute des Serbes de mettre fin à leur boycottage des élections au Kosovo et du manque d’inscriptions pour le vote par correspondance, le Représentant spécial du Secrétaire général a promulgué la Directive administrative no 2004/25 relative à l’ouverture de bureaux de vote en Serbie‑et‑Monténégro le jour du scrutin. Étant donné que cette instruction autorisait à voter des personnes qui n’étaient pas inscrites sur les registres de l’état civil ou n’avaient pas obtenu dans les délais fixés le droit de voter par correspondance, le Représentant spécial du Secrétaire général a promulgué la Directive administrative no 2004/27 autorisant à voter les anciennes personnes déplacées de Serbie‑et‑Monténégro qui étaient retournées au Kosovo après l’expiration du délai légal. La raison en était qu’une ancienne personne déplacée restée en Serbie‑et‑Monténégro aurait rempli les conditions requises pour voter conformément aux dispositions de la Directive administrative no 2004/25.

239.Avant les élections organisées au Kosovo, des manuels, des brochures, des dépliants et des affiches, en albanais, en anglais et en serbe avaient été distribués à chaque communauté dans sa langue. Des matériels électoraux étaient également disponibles en turc.

240.L’OSCE a organisé des élections dans des institutions/lieux particuliers ainsi que des programmes pour les électeurs analphabètes de l’établissement pour handicapés mentaux de Shtime/Štimlje. Pour les élections au Kosovo de 2001, 2002 et 2004, un programme de vote anticipé/vote pour les personnes ayant des besoins spéciaux a été mis en place. Il visait à donner le droit de voter aux électeurs du Kosovo qui, pour des raisons précises et évidentes indépendantes de leur volonté, ne pouvaient se rendre dans un bureau de vote ordinaire, à savoir les électeurs du Kosovo et de la Serbie‑et‑Monténégro qui ne pouvaient quitter leur domicile en raison d’un handicap ou par peur, qui étaient incarcérés ou qui vivaient dans le foyer de Prishtinë/Priština pour personnes âgées ou dans l’établissement pour handicapés mentaux de Shtime/Štimlje.

241.Depuis les élections municipales de 2000, le climat électoral et le processus électoral se sont considérablement améliorés. L’un des plus gros problèmes demeure l’exactitude du processus d’inscription sur les listes:

Ce n’est pas l’absence d’erreurs qui fait l’exactitude d’un processus d’inscription mais le fait qu’il permet de repérer les erreurs et d’y remédier rapidement. Noms mal orthographiés, données personnelles inexactes, électeurs décédés ou absents et noms ne figurant pas dans la base de données électorales précédente sont au nombre des erreurs les plus courantes. La grande majorité d’entre elles pourraient être corrigées en procédant à un nouveau recensement ou à un examen minutieux des registres. Il faudrait en outre que tous les électeurs soient dûment notifiés et que les registres soient facilement accessibles;

L’éloignement par rapport aux centres de vote est un autre facteur qui a empêché les électeurs d’exercer leur droit de vote. Des mesures ont été prises pour remédier à ce problème. Pendant les dernières élections, de nouveaux centres ont été mis en place à proximité de certains villages éloignés. Si cette mesure résout la question de l’éloignement (manque de moyens de transport), elle ne règle pas complètement le problème. Les intempéries et le mauvais état des routes dissuadent aussi les électeurs de se rendre aux urnes. Il fallait donc faire davantage. Le personnel de l’OMIK n’a ménagé ni son temps ni sa peine pour distribuer des affiches et des brochures, rencontrer les chefs de village et faire du porte‑à‑porte, pour comprendre pourquoi la participation électorale était faible dans certains villages éloignés. Pour faciliter le déplacement des électeurs et accroître le taux de participation électorale, le secrétariat de la Commission électorale centrale (CECS), en fonction des circonstances, a soit envoyé une équipe mobile soit ouvert un nouveau bureau de vote;

La mise en place de nouveaux bureaux de vote a beaucoup aidé à surmonter quelques problèmes le jour des élections. En 2000, les électeurs inscrits dans les grands centres de vote étant très nombreux, l’attente y était longue, à l’intérieur et à l’extérieur, le jour du scrutin, ce qui a bien entendu eu un effet dissuasif. À partir de 2001, le nombre des centres de vote a été sensiblement augmenté pour remédier à ce problème.

242.Les instructions contenues dans tous les manuels électoraux et les brochures d’information destinées aux électeurs mettaient l’accent sur le caractère secret du vote. Le personnel des centres de vote et ses superviseurs (plus tard appelés présidents) étaient chargés de surveiller les opérations et d’empêcher tout acte éventuel d’intimidation des électeurs pendant tout le processus de vote. Les centres étaient équipés de quatre «isoloirs» qui permettaient aux électeurs de marquer leur bulletin à l’abri des regards. Ces «isoloirs» devaient être suffisamment éloignés les uns des autres et placés de manière que personne ne puisse voir l’électeur marquer son bulletin. L’espace délimité par «l’isoloir» était privé et ne devait pas être vu à travers une fenêtre. Pourtant, il y a eu un grand nombre de cas de «votes multiples» et «d’assistance à des membres de la famille», notamment à la campagne.

243.Lors de chaque élection, on accorde une attention particulière à la sécurité des opérations de vote et des matériels avant et après le jour du scrutin. La sécurité du processus électoral garantit la crédibilité des résultats. L’OSCE, la police de la MINUK, le Service de police du Kosovo et la KFOR se sont employés conjointement à l’assurer. Leur principale tâche consistait à veiller à ce que la distribution des matériels (matériels sensibles) se fasse dans des conditions de sécurité, à encadrer le transport de ces matériels et à affecter des policiers en nombre suffisant dans les bureaux de vote le jour du scrutin. Lorsqu’un électeur ne pouvait pas se rendre dans le bureau de vote où il était inscrit, il avait la possibilité d’exercer son droit de vote au moyen d’un bulletin provisoire dans le centre de vote le plus proche de son domicile. Conformément aux règles et procédures, cet électeur plaçait personnellement son bulletin de vote dans une enveloppe bleue qui en assurait le secret, que la Commission du centre de vote plaçait ensuite dans une enveloppe scellée où se trouvaient aussi les données se rapportant à l’électeur, avant de la mettre dans l’urne. Lorsque le centre de dépouillement, sous supervision nationale et internationale, confirmait que l’électeur réunissait les conditions voulues pour voter, l’enveloppe bleue était retirée de l’enveloppe blanche et placée dans l’urne correspondant à la municipalité de l’électeur avec toutes les autres enveloppes bleues.

244.Les procédures susmentionnées garantissaient le secret, la validité et la sécurité du vote. Jusqu’à présent, toutes les élections qui ont eu lieu au Kosovo ont été supervisées et contrôlées par les partis politiques, des ONG et des observateurs internationaux.

245.Jusqu’en 2004, les élections étaient organisées par le Département de l’OSCE pour l’organisation des élections qui formait également le personnel des centres de vote. Pendant les élections de 2000, 2001 et 2002, quelque 2 000 superviseurs internationaux avaient la responsabilité de la conduite du scrutin et du dépouillement dans ces centres et, parfois même, dans le centre de dépouillement principal. Outre les superviseurs internationaux, quelque 12 000 observateurs nationaux et plus de 200 observateurs internationaux du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales ont observé le déroulement du scrutin lors de chaque élection. La présence de superviseurs internationaux et d’observateurs a empêché les irrégularités et renforcé la crédibilité des résultats des élections. Les superviseurs internationaux ont préparé le terrain en vue du transfert de leurs responsabilités à la Commission des centres de vote en 2004.

246.En prévision des élections de 2004, le personnel de l’OSCE a travaillé en coopération étroite avec le secrétariat de la Commission électorale centrale (CEC) nouvellement créé, qui était responsable de l’organisation des élections − conseils, encadrement et suivi de chaque étape du processus. Le scrutin et le dépouillement des bulletins ont également été suivis de près par des observateurs nationaux et internationaux qui ont validé les résultats.

247.La Commission du contentieux et des recours (ECAC) a traité des plaintes et des recours des électeurs et des observateurs des partis politiques et autres intéressés. Elle avait pleinement accès aux matériels nécessaires. On a noté que cette Commission avait travaillé avec plus de professionnalisme en 2004.

Le droit et la possibilité de faire acte de candidature

248.Pour les quatre dernières élections, les conditions à remplir par les candidats étaient définies par le Cadre constitutionnel, le Règlement de la MINUK sur les élections au Kosovo et les règles électorales de la Commission électorale centrale (CEC). Conformément au Cadre constitutionnel et aux articles 1 et 4 de la règle électorale 8/2002, les conditions à remplir par les personnes faisant acte de candidature à l’Assemblée du Kosovo et aux élections municipales étaient les suivantes:

Tout candidat aux élections municipales ou à l’Assemblée doit avoir la qualité d’électeur;

Tout candidat aux élections municipales doit être inscrit sur les listes électorales de la municipalité dans laquelle il se présente;

Ne peut faire acte de candidature quiconque: i) est membre de la CEC, de l’ECAC, d’une commission pour les élections à l’Assemblée ou d’une commission de centre de vote; ii) est membre du Service de police du Kosovo ou du Corps de protection du Kosovo; iii) est juge ou procureur en exercice; iv) purge une peine prononcée par le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie ou, ayant été mis en accusation par le Tribunal, n’a pas obéi à un mandat à comparaître devant celui‑ci; ou v) est privé de capacité juridique par décision finale d’un tribunal;

Un membre d’une assemblée municipale ne peut pas être simultanément membre de l’Assemblée du Kosovo (voir art. 3 1) − mandat − du Règlement de la MINUK no 2002/11).

249.Toutefois, le même règlement électoral de la CEC impose des conditions supplémentaires:

a)iii)La Commission électorale centrale n’inscrit pas un(e) candidat(e) sur la liste électorale des candidats si l’un quelconque des règlements de la MINUK ou des règles électorales de la CEC interdit sa candidature.

e)i) ii)Un(e) candidat(e) ne peut pas figurer simultanément sur plus d’une liste de candidats d’un parti politique, d’une coalition ou d’une initiative citoyenne ou se présenter aussi comme candidat indépendant.

Accès à la fonction publique dans des conditions générales d’égalité

250.Le Règlement de la MINUK no 2001/36 sur la fonction publique du Kosovo et sa directive administrative no 2003/2 donnant effet à ce règlement fixent les fondements juridiques de la fonction publique du Kosovo et les conditions essentielles qui la régissent. Les principes de l’égalité, du mérite et de la non‑discrimination sont énoncés dans les alinéas ci‑après de l’article 2.1 du Règlement.

La fonction publique est régie par les principes ci‑après:

a)Équité: traitement juste et équitable des fonctionnaires et autres, conformément à la loi; …

f)Mérite: l’entrée, la promotion et l’affectation dans la fonction publique ne s’opèrent qu’au moyen de procédures justes, ouvertes et compétitives, reposant sur des critères objectifs liés à l’emploi;

g)Non‑discrimination: il ne peut y avoir de discrimination, directe ou indirecte, fondée sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, l’opinion politique, l’origine nationale, ethnique ou sociale, l’association avec une communauté nationale, la propriété, la naissance, le handicap, la situation familiale, la grossesse, l’orientation sexuelle ou l’âge;

h)Ouverture: le recrutement à tous les niveaux de la fonction publique reflète le caractère multiethnique du Kosovo et la nécessité d’une représentation équitable de toutes les communautés du Kosovo.

251.La Directive administrative no 2003/2 rend obligatoire la création de comités multiethniques et comprenant un nombre égal d’hommes et de femmes non seulement pour la sélection des fonctionnaires mais aussi pour les mesures disciplinaires et les recours des fonctionnaires.

Article 26

252.Le document de base traite de cet article.

Article 27

Principes généraux régissant l’utilisation de leur langue par les communautés minoritaires

253.Le droit d’utiliser sa propre langue dans les sphères privée et publique et dans les contacts avec les organes administratifs et judiciaires; le droit d’utiliser son propre nom dans une langue minoritaire et de voir ce nom officiellement reconnu, le droit d’utiliser, dans une langue minoritaire, des enseignes de nature privée ainsi que des signes topographiques, et le droit d’apprendre et de recevoir une instruction dans une langue minoritaire sont réglementés par un cadre juridique composite comprenant des lois de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, de la MINUK et des institutions provisoires d’administration autonome.

254.La loi de 1977 de la République fédérative socialiste de Yougoslavie sur l’application des principes d’égalité des langues et des alphabets dans la Province socialiste autonome du Kosovo établissait l’égalité des Albanais et des Serbo‑Croates et, dans les zones «où vivent des membres de nationalité turque», des Turcs.

255.Le Cadre constitutionnel énonce les droits des communautés et de leurs membres en son chapitre IV. Ces droits comprennent, notamment, celui «a) d’utiliser librement leur langue et leur alphabet, y compris devant les tribunaux, dans les institutions et autres organes publics du Kosovo; c) d’accéder à la formation dans leur propre langue; … i) de diffuser l’information dans la langue et l’alphabet de leur communauté; … m) d’assurer des services sociaux et de santé publique et d’en bénéficier, sur une base non discriminatoire».

Utilisation des langues à l’Assemblée et au Gouvernement

256.Conformément au Cadre constitutionnel, toutes les réunions de l’Assemblée du Kosovo et de ses commissions doivent avoir lieu en albanais et en serbe. En outre, les membres de l’Assemblée qui ne sont ni albanais ni serbes ont le droit de s’adresser à l’Assemblée ou à ses commissions et de leur présenter des documents dans leur propre langue, En pareil cas, des services d’interprétation ou de traduction en albanais ou en serbe doivent être assurés. Tous les documents officiels de l’Assemblée doivent être imprimés en albanais et en serbe. Toutefois, lorsque ces documents concernent une communauté précise, l’Assemblée doit les diffuser dans la langue minoritaire de la communauté en question. Les dispositions pertinentes du Cadre constitutionnel sont les suivantes:

9.1.49Les réunions de l’Assemblée et de ses commissions sont conduites à la fois en albanais et en serbe. Tous les documents officiels de l’Assemblée sont imprimés à la fois en albanais et en serbe. L’Assemblée s’emploie à diffuser les documents officiels qui concernent une communauté donnée dans la langue de cette communauté.

9.1.50Les membres de l’Assemblée qui appartiennent à une communauté autre que les communautés albanaise et serbe du Kosovo peuvent s’adresser à l’Assemblée ou à ses commissions dans leur propre langue et présenter à l’Assemblée des documents dans leur propre langue. En pareil cas, des services d’interprétation ou de traduction en albanais et en serbe sont assurés pour les autres membres de l’Assemblée ou de la commission.

9.1.51Toutes les lois promulguées sont publiées en albanais, bosniaque, anglais, serbe et turc.

9.3.17Les réunions du Gouvernement et de ses organes sont conduites à la fois en albanais et en serbe. Tous les documents officiels du Gouvernement sont imprimés à la fois en albanais et en serbe.

9.3.18Les membres du Gouvernement appartenant à une communauté autre que les communautés albanaise et serbe du Kosovo sont autorisés à utiliser leur propre langue.

Utilisation des langues au niveau municipal

257.L’article 2.3 du Règlement de la MINUK no 2000/45 dispose que tous les organes et entités d’une municipalité font en sorte que les habitants de la municipalité jouissent de tous leurs droits et libertés sans distinction d’aucune sorte, telle que la langue. En vertu de l’article 9 du Règlement, les membres des minorités ont le droit de communiquer dans leur propre langue avec tous les organes et fonctionnaires municipaux.

258.Les réunions de l’Assemblée municipale et de ses commissions, ainsi que les réunions publiques, sont conduites à la fois en albanais et en serbe et, dans les municipalités où vit une communauté dont la langue n’est ni l’albanais ni le serbe, les procédures sont traduites dans la langue de la communauté en question.

259.Tous les documents officiels des municipalités sont imprimés à la fois en albanais et en serbe et, dans les municipalités où vit une communauté dont la langue n’est ni l’albanais ni le serbe, tous les documents officiels sont communiqués à la communauté en question dans sa langue. La même règle vaut pour la signalétique officielle (nom des villes, localités, villages, routes, rues et autres lieux publics). Les dispositions pertinentes du Règlement de la MINUK no 2000/45 sont les suivants:

9.1Les membres de communautés ont le droit de communiquer dans leur propre langue avec tous les organes et fonctionnaires municipaux.

9.2Les réunions de l’assemblée municipale et de ses commissions, ainsi que les réunions publiques, sont conduites à la fois en albanais et en serbe. Dans les municipalités où vit une communauté dont la langue n’est ni l’albanais ni le serbe, les procédures sont également traduites, au besoin, dans la langue de cette communauté.

9.3Tous les documents officiels des municipalités sont imprimés à la fois en albanais et en serbe. Dans les municipalités où vit une communauté dont la langue n’est ni l’albanais ni le serbe, tous les documents officiels sont communiqués à la communauté en question dans sa langue.

9.4La signalétique officielle (noms des villes, localités, villages, routes, rues et autres lieux publics) est rédigée en albanais et en serbe. Dans les municipalités où vit une communauté dont la langue n’est ni l’albanais ni le serbe, ces noms sont également indiqués dans la langue de la communauté en question.

9.5Le statut municipal contient des dispositions détaillées concernant l’utilisation des langues des communautés, comme prévu par le présent article, en tenant compte de la composition communautaire de la municipalité.

Enregistrement des noms personnels

260.Les noms et prénoms figurant sur les cartes d’identité, les documents de voyage et les permis de conduire doivent apparaître sous la forme du nom original translittéré dans l’alphabet latin. Les procédures à suivre pour l’état civil sont régies par le Règlement de la MINUK no 2001/13 sur le Registre central de l’état civil et ses instructions administratives ultérieures établissant la Direction de l’état civil, la Commission de recours et les critères de base de l’enregistrement. Par sa décision 2005/15, le Représentant spécial du Secrétaire général a transféré de la MINUK aux institutions provisoires d’administration autonome les responsabilités opérationnelles et de gestion de l’état civil.

261.Les documents et certificats d’état civil tels que certificats de naissance, de mariage et de décès doivent être délivrés par les services municipaux dans la langue maternelle de la personne demandant l’enregistrement de ces données, en utilisant l’orthographe indiquée par elle, conformément à la loi applicable.

Utilisation des langues dans l’éducation

262.Le Ministère de l’éducation, de la science et de la technologie (MEST) est tenu d’encourager l’égalité de chances dans l’accès à l’enseignement primaire et secondaire ainsi que de respecter et de promouvoir les droits des communautés et de leurs membres énoncés au chapitre IV du Cadre constitutionnel.

263.Le droit de chacun à l’éducation dans sa langue maternelle (c’est‑à‑dire le droit de recevoir une instruction, en tout ou en partie, dans la langue minoritaire), est garanti par le Règlement de la MINUK no 2002/19 (la «loi sur l’éducation») qui dispose ce qui suit: «Les communautés et leurs membres ont le droit de … b) recevoir une éducation dans leur propre langue; …», «aucun enfant ne se verra refuser le droit à l’éducation» et «en application de ce droit, les principes ci‑après s’appliquent … c) chaque enfant jouit du droit à l’éducation dans sa langue dans les écoles élémentaires et secondaires».

264.La loi sur l’éducation exige que l’accès à tous les niveaux de l’enseignement primaire et secondaire au Kosovo et le passage d’un niveau à l’autre se fassent sans discrimination directe ou indirecte pour toute raison réelle ou présumée, telle que la race, la couleur, la langue ou l’origine ethnique. Le Ministère de l’éducation, de la science et de la technologie est l’instance chargée d’appuyer et de superviser l’application de la loi et des instructions données à ce titre par les municipalités et les établissements scolaires.

265.Pour appliquer l’article 12.3, qui prévoit que le Ministère publie des directives le 31 décembre 2003 au plus tard concernant l’apprentissage de l’albanais par les élèves d’une autre langue maternelle, et l’apprentissage d’autres langues régionales et internationales, le MEST a publié les instructions administratives 8/2004 du 5 février 2004 et 51/2004 du 16 septembre 2004.

266.Dans le but de créer un établissement d’enseignement supérieur dispensant une éducation dans les langues slaves, la Directive administrative no 2002/2 a conféré à l’Université du Nord‑Kosovo à Mitrovicë/Mitrovica le statut d’élément autonome au sein du système d’enseignement supérieur du Kosovo. Pendant les années 2003 et 2004, l’école supérieure de commerce de Pejë/Peć et la faculté de pédagogie de l’Université de Prizren ont opéré, en tant qu’unités délocalisées de l’Université de Prishtinë/Priština.

Le Règlement de la MINUK no 2003/14 dispose que l’enseignement supérieur dispensé par des prestataires agréés au Kosovo «est accessible à tous sur le territoire du Kosovo (…) sans discrimination directe ou indirecte pour toute raison réelle ou présumée telle que l’origine nationale, ethnique (…), ou l’association avec une communauté nationale».

Utilisation des langues minoritaires en privé et en public

267.La grande majorité des Kosovars parlent l’albanais, mais d’autres langues sont également utilisées au Kosovo, dont le serbe, d’autres langues slaves et le turc. De manière générale, l’utilisation du turc en public pose moins de problèmes que celle des langues slaves.

268.C’est en grande partie l’aptitude limitée des minorités de langue slave à parler l’albanais qui les empêche de se sentir en sécurité et de circuler librement sur le territoire du Kosovo. Bien qu’il n’ait pas été signalé récemment d’incidents sérieux étroitement liés à l’utilisation du serbe en public, les minorités de langue slave, lorsqu’elles se trouvent en dehors de leur propre communauté, continuent de dissimuler leur langue, craignant pour leur sécurité. Mais tout en s’abstenant de la parler en public, elles ont souvent la possibilité de l’utiliser dans leurs rapports informels avec les membres de la majorité ethnique, qui manient le serbo‑croate avec plus ou moins d’aisance.

Enseignes, inscriptions et autre information de nature privée

269.Ne se sentant pas en sécurité dans les régions où vivent plusieurs ethnies, de nombreuses personnes de langue slave hésitent à montrer au grand jour des enseignes, des inscriptions et autre information de nature privée dans leur propre langue. On se soucie rarement de tempérer les pressions nationalistes et culturelles qui s’exercent pour que les langues slaves ne soient pas utilisées en public. Ainsi, les dirigeants politiques albanais du Kosovo, à quelques exceptions près, s’abstiennent généralement de les parler en public.

Signalétique et autres signes topographiques dans les langues minoritaires

270.Dans les limites de leurs compétences respectives, les municipalités et le Ministère des transports et des communications (MOTC) partagent la responsabilité de l’installation et de l’entretien des panneaux de direction et de ceux qui indiquent le nom des localités, villes, villages, routes, rues et autres lieux publics. Les autorités municipales et le Ministère doivent donc veiller à ce que ces panneaux soient conformes à la liste officielle des noms de municipalités et des zones cadastrales figurant dans le Règlement de la MINUK no 2000/43, tel que modifiée et remplacée par l’annexe A de son règlement no 2004/36.

271.Toutefois, bien qu’on ait observé un respect croissant de la loi applicable pendant toute la période 2003‑2005, les autorités locales ne contrôlent pas systématiquement les panneaux routiers et ne prennent pas rapidement les mesures nécessaires, si besoin est. Ces panneaux n’indiquent donc pas tous le nom des routes, villes, villages et rues en plusieurs langues, et les panneaux en place dans les villes ne donnent pas tous l’orthographe exacte du nom serbe (ou du nom albanais dans les zones à majorité serbe), qui est très souvent rayé ou effacé. En outre, dans un certain nombre de municipalités, les médias, les transports publics et l’administration ont tendance à utiliser le nom albanais officieux des villes, villages et zones d’habitation. Dans l’ensemble, le respect des règles relatives à la signalétique est variable.

Documents dans les langues officielles et minoritaires

272.Des Kosovars se sont plaints, par exemple auprès de l’Ombudsman, que les municipalités publient des documents dans une langue qui n’était pas celle de leurs destinataires. Il en va de même des factures et des avis envoyés uniquement en albanais par des entreprises comme la KEK et la PTK.

Utilisation des langues minoritaires dans l’administration centrale et locale

273.En janvier 2004, l’Équipe spéciale sur le respect des critères linguistiques, conduite par la MINUK et comprenant des représentants de la Mission, de l’OSCE et des institutions provisoires d’administration autonome a entrepris un examen approfondi de la manière dont ces institutions respectaient les dispositions applicables concernant les services de traduction et d’interprétation à assurer aux niveaux local et central pour les langues minoritaires. Elle a conclu que le bilan était au mieux mitigé s’agissant de respecter le principe de la libre utilisation des langues et les obligations juridiques s’y rapportant.

274.Selon les conclusions de l’Équipe spéciale, 12 municipalités sur 30 ne disposaient pas d’un seul auxiliaire linguistique (interprète). La plupart de celles qui assuraient des services linguistiques se bornaient à recruter un seul auxiliaire/interprète. Même dans les municipalités qui faisaient un réel effort dans ce domaine, les services de traduction/d’interprétation n’étaient pas pleinement adéquats. Au niveau central, le personnel linguistique s’établissait comme suit: six personnes dans un seul des six ministères, cinq dans deux autres et une seule dans un ministère, tandis que les deux autres avaient recours au personnel linguistique de la MINUK. Outre ces lacunes techniques, il n’y avait ni interprétation simultanée ni traduction systématiques des documents qui n’étaient pas publiés à temps et dont la traduction était souvent médiocre. Des inexactitudes ont ainsi été signalées dans la traduction des lois en albanais et en serve, d’où le nombre limité de lois traduites dans les autres langues des communautés.

275.L’Équipe spéciale a attribué l’insuffisance des services de langue au Kosovo à divers facteurs, le fait que la fonction publique du Kosovo était mal payée et que la catégorie des traducteurs/interprètes ne figurait pas dans la grille professionnelle n’étant pas la moindre d’entre eux. La faiblesse des salaires dans la fonction publique du Kosovo et le manque de budget pour les langues/la traduction dans les municipalités, une dépendance excessive à l’égard du personnel de la MINUK et la faible priorité accordée à la question du recrutement d’interprètes/de traducteurs sont autant de facteurs qui ont contribué à ôter tout attrait à cette profession.

276.Un autre problème mis en lumière par l’Équipe spéciale tenait au fait que la loi applicable n’était pas comprise partout de la même façon, ses diverses dispositions étant interprétées et appliquées différemment, notamment au niveau local. Cette situation était peut‑être due au caractère composite du cadre juridique, qui crée des confusions, par exemple en ce qui concerne le statut de langue officielle du serbo‑croate. Il convient de noter que le Règlement de la MINUK no 2000/45 ne précise pas le niveau minimum des services que les municipalités doivent assurer dans la langue d’une communauté.

Le projet de loi sur les langues

277.Pour régler ces problèmes dans leur totalité, l’Équipe spéciale a recommandé l’adoption d’une instruction administrative qui servirait d’instrument provisoire jusqu’à ce qu’une loi spéciale sur l’utilisation des langues, fondée sur cette instruction, soit élaborée et approuvée par l’Assemblée du Kosovo. Le Gouvernement a donc donné la priorité à la promulgation d’une loi sur les langues officielles dans son programme législatif de 2005 et il a prié le Ministère des services publics de préparer un projet initial d’ici à la fin de février 2005.

Éducation dans la langue maternelle

278.Aujourd’hui, l’existence de facto de deux systèmes d’éducation se répercute directement sur la capacité des élèves du Kosovo d’exercer leur droit d’apprendre leur langue maternelle, de recevoir une éducation dans certaines disciplines dans leur langue maternelle et d’étudier l’histoire et la culture de leur groupe ethnique. L’existence d’«écoles parallèles», financées par le Ministère serbe de l’éducation et des sports (SMES) et suivant le programme d’études serbe est à la fois la cause et la conséquence de l’absence de système d’éducation unifié au Kosovo.

279.Le fait que les Serbes du Kosovo (et d’autres minorités, par exemple les Roms, les Croates et les Goranis) s’en remettent à des établissements d’enseignement parallèles reflète leur sentiment d’insécurité et leur profonde méfiance à l’égard des structures du MEST, perçues comme peu sûres et inappropriées pour leurs enfants. Ce sentiment généralisé d’insécurité, aggravé par les événements de mars 2004, a pour conséquence directe de rendre peu probable la présence d’enfants serbes du Kosovo dans des classes multiethniques et leur dialogue avec des enfants albanais du Kosovo, rendant donc vain l’objectif du dialogue interethnique et de la compréhension mutuelle.

280.Par ailleurs, le MEST n’a pas encore, comme il y est tenu, offert des possibilités adéquates d’apprentissage des langues minoritaires et encouragé l’instauration des conditions voulues pour que les communautés de langue slave puissent conserver, préserver et développer leur langue en tant qu’élément essentiel de leur identité. Ainsi, il n’a pas encore établi ou mis en œuvre de plan d’ensemble prévoyant l’intégration des membres des communautés minoritaires en général, et des membres de la communauté de langue slave en particulier, dans le système éducatif qu’il administre. Un tel plan, tout en éliminant les barrières existantes entre les enfants de langue albanaise et de langue slave, offrirait une solution autre que des structures qui, bien que souvent inférieures aux normes et dotées d’enseignants insuffisamment qualifiés, sont les seules auxquelles ont accès un grand nombre de minorités de langue slave, en particulier les personnes déplacées.

Le droit des communautés minoritaires de jouir de leur propre culture

281.Le Règlement no 2000/45 portant sur l’autonomie des municipalités au Kosovo dispose qu’entre autres commissions, l’assemblée municipale nomme une Commission des communautés et une Commission de médiation qui sont des instances permanentes. La Commission des communautés promeut les droits et les intérêts des communautés vivant dans la municipalité et travaille à l’instauration d’une société où la diversité des traditions culturelles, sociales et religieuses est non seulement tolérée, mais aussi encouragée. Elle veille à ce que, sur le territoire de la municipalité:

a)Nul, parmi ceux qui assument des obligations publiques ou une fonction publique, ne fasse preuve de discrimination à l’égard de quiconque pour des raisons telles que la langue, la religion, l’origine ethnique ou l’association avec telle ou telle communauté;

b)Tous jouissent, sur un pied d’égalité, des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, et de possibilités équitables et égales d’emploi au service de la municipalité à tous les niveaux;

c)Le service public municipal reflète une proportion équitable de représentants qualifiés des communautés à tous les niveaux.

282.La Commission de médiation examine toutes les questions que lui renvoie la Commission des communautés. Elle mène les enquêtes nécessaires pour déterminer si les droits d’une communauté ou d’un membre d’une communauté ont été ou risquent d’être violés, ou si une mesure qui est ou risque d’être préjudiciable aux intérêts d’une communauté a été adoptée ou proposée. Elle s’efforce de régler le problème par la médiation.

283.En vertu du même Règlement de la MINUK no 2000/45, un Bureau des communautés est créé dans les municipalités où une communauté qui n’est pas majoritaire forme une partie appréciable de la population. Il est chargé de renforcer la protection des droits de cette communauté et de veiller à ce qu’elle ait accès dans des conditions d’égalité aux services publics municipaux.

284.Outre les dispositions mentionnées ci‑dessus relatives à la Commission des communautés, à la Commission de médiation et au Bureau des communautés, le Règlement de la MINUK no 2000/45 contient des dispositions spécifiques qui concernent les droits de l’homme en général ainsi que des droits précis comme le droit d’une communauté de présenter une pétition et d’utiliser sa propre langue. Les dispositions de l’article 2.3 de ce règlement donne une dimension droits de l’homme aux municipalités en prévoyant ce qui suit: «Tous les organes et entités des municipalités font en sorte que les habitants de la municipalité jouissent de tous leurs droits et libertés, sans distinction fondée sur la race, l’ethnicité, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou le statut, et bénéficient de possibilités d’emploi égales et équitables dans les services municipaux à tous les niveaux. Les municipalités tiennent compte dans leurs politiques et pratiques, de la nécessité de promouvoir la coexistence entre les habitants et de créer les conditions voulues pour que toutes les communautés puissent exprimer, préserver et développer leur identité ethnique, culturelle, religieuse et linguistique. Dans le présent règlement, le terme «communautés» s’entend de communautés d’habitants appartenant au même groupe ethnique, religieux ou linguistique.».

Notes