Nations Unies

CED/C/20/2

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

28 mai 2021

Français

Original : anglais

Comité des disparitions forcées

Rapport sur les demandes d’action en urgence reçues au titre de l’article 30 de la Convention *

A.Introduction

1.Le Règlement intérieur du Comité dispose en ses articles 57 et 58 que sont portées à l’attention du Comité toutes les demandes d’action en urgence qui sont présentées pour examen par le Comité au titre de l’article 30 de la Convention. Tout membre du Comité qui en fait la demande peut obtenir le texte intégral de toute demande dans la langue originale. Le présent rapport résume les principales questions traitées concernant les demandes d’action en urgence reçues par le Comité et les décisions prises depuis la dix-neuvième session du Comité au titre de l’article 30 de la Convention.

B.Demandes d’action en urgence reçues depuis la dix-neuvième session du Comité

2.Dans le rapport sur les demandes d’action en urgence adopté à sa dix-neuvième session, le Comité rendait compte des décisions prises au sujet des 969 demandes d’action en urgence enregistrées au 31 août 2020. Entre cette date et le 1er avril 2021, le Comité a reçu 47 nouvelles demandes d’action en urgence, dont 44 ont été enregistrées. Trois demandes n’ont pas été enregistrées car elles concernaient des cas de disparition présumée dans des États qui n’avaient pas ratifié la Convention : conformément à la pratique établie, ces trois demandes ont été transmises au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires. Deux autres demandes n’ont pas été enregistrées car les personnes concernées avaient été retrouvées. Les 44 nouvelles demandes enregistrées concernaient des disparitions au Burkina Faso, en Colombie, au Honduras, en Iraq, au Maroc, au Mexique, au Paraguay, au Pérou et au Togo.

3.Au 1er avril 2021, le Comité avait enregistré 1 013 demandes d’action en urgence, comme indiqué dans le tableau ci-après.

Demandes d’action en urgence enregistrées au 1er avril 2021, par année et par État partie

Année

Argentine

Arménie

Bolivie ( État plurinational de)

Brésil

Burkina Faso

Cambodge

Colombie

Cuba

Honduras

Iraq

Kazakhstan

Lituanie

Mali

Mauritanie

Mexique

Maroc

Niger

Paraguay

Pérou

Sri Lanka

Slovaquie

Togo

Tunisie

Total

2012

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

5

-

-

-

-

-

-

-

-

5

2013

-

-

-

-

-

-

1

-

-

-

-

-

-

-

4

-

-

-

-

-

-

-

-

5

2014

-

-

-

1

-

1

1

-

-

5

-

-

-

-

43

-

-

-

-

-

-

-

-

51

2015

-

-

-

-

-

-

3

-

-

42

-

-

-

-

166

-

-

-

-

-

-

-

-

211

2016

-

-

-

-

-

-

4

-

-

22

-

-

-

-

58

1

-

-

-

-

-

-

-

85

2017

2

1

-

-

-

-

3

-

-

43

2

-

-

1

31

2

-

-

-

1

-

-

-

86

2018

-

-

-

-

-

-

9

1

14

50

-

-

-

-

42

-

-

-

-

-

-

2

-

118

2019

-

-

1

-

-

2

3

3

-

226

-

2

-

-

10

-

-

-

-

-

-

-

1

248

2020

1

-

-

-

1

1

2

-

9

103

-

-

1

-

57

-

1

-

14

-

1

1

-

192

2021 a

-

-

-

-

-

-

-

-

1

1

-

-

-

-

8

1

-

1

-

-

-

-

-

12

Total

3

1

1

1

1

4

24

4

23

492

2

2

1

1

424

4

1

1

14

1

1

3

1

1 013

a Au 1 er avril 2021.

C.Point sur la situation depuis la dix-neuvième session (jusqu’au 1er avril 2021)

4.En 2020, le Comité a enregistré 192 nouvelles demandes d’action en urgence et envoyé 102 notes de suivi dans lesquelles il formulait à l’intention des États parties concernés des recommandations ciblées relatives aux procédures de recherche et d’enquête concernant la disparition forcée signalée. Entre le 1er janvier et le 1er avril 2021, le Comité a enregistré 12 nouvelles demandes d’action en urgence et adressé 17 notes de suivi.

5.Tout au long de la procédure, le Comité entretient des contacts permanents avec les États parties, par l’intermédiaire de leur mission permanente, et avec les auteurs des demandes d’action en urgence, au moyen de notes et de lettres, ainsi que dans le cadre de réunions et par téléphone. Le Comité compte aussi beaucoup sur la collaboration du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et des présences des Nations Unies sur le terrain, qui souvent relaient les informations entre les auteurs des demandes d’action en urgence (principalement les parents des personnes disparues) et le Comité.

6.Les informations fournies dans le cadre de la procédure d’action en urgence confirment plusieurs des tendances décrites dans les rapports que le Comité a adoptés à ses onzième à dix-neuvième sessions. Depuis la dix-neuvième session, environ la moitié des cas ayant donné lieu à l’enregistrement par le Comité d’une demande d’action en urgence sont liés aux événements en Iraq.

1.Tendances générales observées au cours de la période considérée

7.Sans prétendre à une analyse exhaustive de toutes les informations reçues au titre de la procédure d’action en urgence, les paragraphes ci-après comportent une description des problèmes constatés et des tendances générales observées dans certains des États parties au cours de la période considérée.

8.Pendant la période considérée, le Comité a recensé six catégories de problèmes à analyser au regard des informations reçues dans le cadre de la procédure d’action en urgence, qui sont présentées ci-après.

a)Aucune réponse de l’État partie concerné ou de l’auteur de la demande d’action en urgence

9.Chaque fois que l’État partie concerné ou l’auteur de la demande d’action en urgence ne fournit pas d’informations de suivi dans le délai fixé par le Comité, celui-ci lui adresse jusqu’à trois rappels. La plupart des États parties collaborent avec le Comité en lui fournissant des informations de suivi et en répondant à ses recommandations et demandes de renseignements. Toutefois, lorsqu’un État partie ne répond pas après le troisième rappel, le Comité envoie un nouveau et dernier rappel, dans lequel il met en relief le non-respect par l’État partie des obligations que lui fait l’article 30 de la Convention concernant les actions en urgence, et indique qu’il pourrait décider de rendre cette situation publique à sa prochaine session en en faisant état dans son rapport sur les actions en urgence, puis dans son prochain rapport à l’Assemblée générale. Au 1er avril 2021, le Comité avait envoyé à l’Iraq un dernier rappel concernant 280 demandes d’action en urgence.

10.Il convient de noter que le Comité a déjà signalé, dans ses trois précédents rapports à l’Assemblée générale, que l’Iraq ne respectait pas les obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 30 de la Convention. Le Comité a également attiré l’attention de l’État partie sur ce non-respect à sa dix-neuvième session, dans le cadre de son examen des renseignements complémentaires soumis par l’Iraq en vertu de l’article 29 (par. 4) de la Convention.

b)Absence de stratégie de recherche et d’enquête adaptée à chaque cas

11.Dans presque tous les cas ayant donné lieu à l’enregistrement d’une demande d’action en urgence, le Comité a fait part de sa préoccupation quant au fait que l’État partie n’avait pas défini et mis en œuvre une stratégie d’ensemble pour la recherche de la personne disparue et l’enquête sur sa disparition, conformément aux articles 12 et 24 de la Convention, y compris un plan d’action et un calendrier révisés périodiquement. Malgré les efforts déployés dans certains cas, les recherches et l’enquête semblaient généralement être menées dans le cadre d’une action isolée et souvent non coordonnée, sans stratégie claire. En pareils cas, le Comité a demandé à l’État partie concerné de veiller à ce qu’une stratégie soit élaborée et appliquée à chaque étape des recherches et de l’enquête, dans le respect du principe de diligence due, qui veut notamment que l’enquête soit menée immédiatement et de manière approfondie et exhaustive par des professionnels compétents et indépendants, et conformément au principe 8 des Principes directeurs concernant la recherche de personnes disparues. La stratégie adoptée doit fixer les activités et mesures de diligence à mettre en œuvre de manière intégrée, et prévoir les moyens et procédures nécessaires pour retrouver la personne disparue et enquêter sur sa disparition. Au cours de la période considérée, de telles recommandations ont été adressées à l’Argentine, au Cambodge, à la Colombie, au Honduras, à l’Iraq, à la Lituanie et au Mexique.

c)Manque de coordination des procédures de recherche et d’enquête

12.Le Comité a continué de constater un manque apparent de coordination des procédures de recherche et d’enquête dans la majorité des cas ayant donné lieu à l’enregistrement d’une demande d’action en urgence. Ce manque de coordination est généralement dû au fait que les autorités compétentes de l’État partie ne partagent pas les informations et les éléments qu’elles ont recueillis dans l’exercice de leurs mandats respectifs, ou qu’elles ne le font pas de manière systématique. Le Comité a constaté que ce manque de coordination entraîne un chevauchement des activités dans certains cas et des lacunes dans l’information dans d’autres, de sorte que les recherches comme dans les enquêtes souffrent de retards. Dans de tels cas, le Comité a recommandé une coordination entre les autorités chargées des recherches et celles chargées de l’enquête, comme le prévoit le principe 13 des Principes directeurs concernant la recherche des personnes disparues.

d)Manque de coordination entre les autorités fédérales et celles des États fédérés

13.Dans plusieurs cas de demande d’action en urgence concernant des disparitions dans des États fédéraux, le Comité a constaté un manque de coordination entre les autorités fédérales et fédérées chargées des recherches et des enquêtes. Ce manque de coordination a eu pour conséquence que des enquêtes ont été menées simultanément aux niveaux fédéral et fédéré, avec des activités menées en double et un manque d’information sur les résultats. Dans de tels cas, le Comité a systématiquement recommandé une coordination entre les autorités chargées des enquêtes au niveau fédéral et au niveau fédéré, et que leurs fonctions respectives soient clairement définies.

e)Obstacles à la participation effective des proches aux recherches et à l’enquête

14.Dans la majorité des cas, il a été indiqué au Comité que les proches des personnes disparues n’étaient pas suffisamment informés des mesures prises et des résultats obtenus dans le cadre des recherches et de l’enquête, et que les proches qui souhaitaient participer à celles-ci rencontraient des obstacles. En pareils cas, le Comité a recommandé aux États parties concernés de mettre en place des mécanismes officiels clairs et bien définis pour informer périodiquement les proches et les représentants des personnes disparues de l’état d’avancement des recherches et de l’enquête et pour leur permettre d’y participer pleinement, en leur donnant accès à toute information utile sur leur déroulement et leurs résultats, conformément à l’article 24 de la Convention et au principe 5 des Principes directeurs concernant la recherche des personnes disparues.

f)Principales difficultés touchant la mise en œuvre des mesures de protection demandées par le Comité

15.Pendant la période considérée, le Comité a été informé du fait que des proches de personnes disparues avaient fait l’objet de menaces et de manœuvres d’intimidation pour avoir réclamé avec insistance une enquête sur la disparition forcée des intéressés. Ces menaces présentaient les mêmes caractéristiques que celles constatées pendant les périodes couvertes par les précédents rapports et revêtaient différentes formes : menaces de mort, rondes autour du domicile des personnes visées et décisions de procédure qui nuisaient à la protection des personnes concernées. En pareils cas, le Comité a demandé à l’État partie concerné de prendre les mesures provisoires nécessaires pour protéger la vie des intéressés et assurer leur sécurité, et pour permettre aux particuliers de rechercher leurs proches disparus sans être soumis à des actes de violence et de harcèlement. Le Comité a aussi souligné l’importance de revoir régulièrement les plans de protection en consultation avec les personnes à qui ils sont destinés, en particulier en ce qui concerne les modalités des mesures de protection et les institutions responsables de leur mise en œuvre, afin d’obtenir la pleine confiance de ces personnes.

2.Tendances observées en Iraq et au Mexique

16.Pendant la période considérée, l’Iraq et le Mexique sont restés les deux États parties ayant fait l’objet du plus grand nombre de demandes d’action en urgence enregistrées ; à ce jour, 91 % de l’ensemble des demandes d’action en urgence enregistrées concernent ces deux pays. Le Comité estime qu’il convient de mettre en relief les principales tendances observées dans ces cas.

a)Iraq

17.Au 1er avril 2021, le Comité avait enregistré un total de 492 cas liés à des faits survenus en Iraq, ce qui représente 49 % de toutes les demandes d’action en urgence enregistrées à ce jour. Le Comité est très préoccupé par le fait que les personnes disparues n’ont été retrouvées que dans 26 de ces cas.

18.Le Comité est également préoccupé par le fait que, malgré plusieurs rappels, l’Iraq n’a toujours pas répondu à la majorité des demandes d’action en urgence enregistrées concernant des faits survenus sur son territoire. Pendant la période considérée, quatre rappels ont été envoyés concernant 280 des demandes d’action en urgence enregistrées. Le Comité souligne avec préoccupation que, dans certains cas, l’État partie a répondu à un dernier rappel par une demande de renseignements personnels sur les victimes, lesquels avaient déjà été fournis dans la note d’enregistrement initiale.

19.Lorsque l’État partie a envoyé des réponses au Comité, elles suivaient la même tendance que celle décrite par le Comité dans ses précédents rapports, à savoir que l’État partie n’a communiqué aucune information sur les mesures prises pour rechercher les personnes disparues ou pour mener une enquête sur leur disparition forcée présumée. En outre, l’État partie n’a pas précisé les moyens d’action dont disposaient les victimes.

20.Dans plusieurs de ses réponses, l’État partie s’est borné, comme précédemment, à affirmer que les victimes présumées étaient affiliées à des groupes terroristes, sans fournir d’autres renseignements sur les accusations précises portées contre elles, les procédures engagées ou les mandats d’arrêt délivrés à leur encontre. Dans ces cas, le Comité a rappelé à l’État partie qu’il avait le devoir de rechercher toute personne disparue et d’enquêter sur sa disparition, indépendamment de son profil ou de son appartenance politique.

21.Dans un certain nombre de cas ayant donné lieu à l’enregistrement d’une demande d’action en urgence, l’État partie a informé le Comité que, dans le cadre de l’enquête sur la disparition forcée présumée, le service de médecine légale du Ministère de la santé demandait que des parents au premier degré de la personne disparue se présentent, au cas où ils pourraient identifier la personne disparue sur une photographie de corps non identifiés. Cependant, l’État partie n’a pas précisé s’il avait déjà envoyé des invitations à se présenter aux parents et, dans la négative, les raisons pour lesquelles il ne l’avait pas fait.

22.Au cours de la période considérée, le Comité n’a enregistré aucune demande d’action en urgence supplémentaire concernant la disparition de personnes ayant participé aux manifestations qui ont commencé en octobre 2019, principalement sur la place Tahrir à Bagdad, ou qui ont apporté un soutien quelconque aux participants, question dont le Comité avait largement traité dans le rapport sur les demandes d’action en urgence qu’il a adopté à sa dix-neuvième session. Le nombre de ces demandes est donc toujours de 28, et l’État partie n’a pas encore répondu à 13 d’entre elles.

b)Mexique

23.Au 1er avril 2021, le Comité avait enregistré un total de 424 demandes d’action en urgence liées à des faits survenus au Mexique, ce qui représente 42 % de toutes les demandes d’action en urgence enregistrées à ce jour. Sur ces 424 actions en urgence, 46 ont été clôturées car les personnes disparues avaient été retrouvées ; les autres restent ouvertes ou ont été suspendues (voir les paragraphes 32 et 33 ci-dessous). Le Comité se félicite de l’augmentation du nombre de réponses de l’État partie concernant les demandes enregistrées, bien que des rappels aient encore été envoyés pour environ la moitié des cas. Dans la grande majorité des cas, dès réception des informations demandées, le Comité a envoyé des notes de suivi, dans lesquelles il a réitéré plusieurs de ses recommandations relatives à l’élaboration et à la mise en œuvre de stratégies de recherche et d’enquête par les autorités compétentes (voir les paragraphes 11 à 13 ci-dessus).

24.Il a souvent été indiqué au Comité qu’il y avait un manque de coordination entre les autorités fédérales et fédérées chargées des recherches et des enquêtes au Mexique, ce qui entravait lesdites recherches et enquêtes, voire les empêchait de progresser. Dans certains cas, le Comité a été informé que les autorités fédérées avaient refusé de collaborer avec les autorités fédérales. Dans ces cas, le Comité a envoyé des notes de suivi, dans lesquelles il demandait que les autorités responsables aux différents niveaux définissent clairement et coordonnent leurs fonctions respectives (voir le paragraphe 13 ci-dessus).

25.Dans ses recommandations, le Comité a insisté à diverses reprises sur l’obligation faite à l’État partie par la Convention de veiller à ce que les victimes soient régulièrement informées des mesures prises par les autorités chargées des recherches et des enquêtes, et de les associer à ces activités. Au cours de la période considérée, les progrès réalisés dépendaient encore dans une très large mesure des initiatives prises et des démarches engagées par les proches des personnes disparues. Dans plusieurs cas, le fait que les victimes avaient eu la possibilité d’avoir des échanges avec les autorités de l’État partie chargées des recherches et des enquêtes avait été déterminant pour la réalisation de certains progrès. Cela étant, les auteurs des demandes d’action en urgence ont souvent signalé qu’ils avaient des difficultés à obtenir des autorités qu’elles prennent en considération avec toute la diligence voulue les informations qu’ils leur communiquaient. Ils ont aussi souvent regretté qu’il était fréquent qu’aucune enquête ne soit menée sur le terrain et que les éléments de preuve disponibles ne fassent pas l’objet d’un examen approfondi.

26.Les auteurs de demandes d’action en urgence concernant des faits survenus au Mexique ont continué de formuler de nombreuses allégations selon lesquelles les autorités étaient directement ou indirectement impliquées dans les faits entourant les disparitions forcées et les procédures étaient au point mort. S’agissant d’événements survenus plusieurs années auparavant, les auteurs ont souvent mis en cause les autorités de l’État partie pour leur manque de diligence, soulignant que leur inaction était devenue un facteur d’aggravation de leur responsabilité dans la disparition forcée alléguée. En pareils cas, le Comité a appelé l’attention de l’État partie sur l’importance que revêtait la création de mécanismes permettant de demander des comptes aux fonctionnaires chargés des recherches et des enquêtes, et il l’a invité à ouvrir des enquêtes sur les allégations selon lesquelles certains de ces fonctionnaires avaient entravé le bon déroulement des procédures.

27.Au cours de la période considérée, le Comité a reçu 45 demandes d’action en urgence concernant des cas de disparition présumée dans l’État de Nayarit, disparitions qui auraient été commises avec la participation directe ou indirecte du personnel du Bureau du Procureur général de l’État de Nayarit. Dans ces demandes, il était allégué que l’ancien Procureur général de Nayarit, Edgar Veytia, qui a été reconnu coupable de trafic de stupéfiants aux États-Unis d’Amérique, entretenait des liens avec le crime organisé et avait lui-même été impliqué dans de nombreuses affaires de disparition forcée et d’autres violations des droits de l’homme dans l’État. Dans certaines des demandes d’action en urgence, il a également été allégué que des membres actuels du personnel du Bureau du Procureur spécial chargé d’enquêter sur les disparitions de personnes de l’État de Nayarit avaient été impliqués dans les disparitions forcées ou avaient travaillé en étroite collaboration avec M. Veytia. Si dans certains cas les auteurs présumés des faits ont été identifiés, aucune enquête n’a été menée pour établir leur responsabilité. Dans ces cas, le Comité a demandé à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour enquêter sur toute activité ou intervention des autorités visant à entraver les recherches et les enquêtes liées aux disparitions forcées et d’en punir les responsables, et, en particulier, d’enquêter sur les membres du personnel du Bureau du Procureur qui auraient pu avoir des liens avec M. Veytia afin de déterminer s’ils auraient pu être impliqués dans les disparitions en question. Le Comité a en outre demandé à l’État partie de garantir la compétence et l’indépendance du Bureau du Procureur spécial.

28.Les auteurs de demandes d’action en urgence ont souvent fait état des difficultés qu’avaient les proches de personnes disparues à obtenir l’aide à laquelle ils avaient droit en vertu de la législation nationale et de l’article 24 (par. 6) de la Convention. En vertu de cet article, les États parties sont tenus de prendre des mesures appropriées en ce qui concerne la situation juridique des personnes disparues dont le sort n’a pas été élucidé et de leurs proches, notamment pour ce qui touche à la protection sociale, aux questions financières, au droit de la famille et aux droits de propriété. Dans chacun de ces cas, le Comité a indiqué à l’État partie les mesures qu’il était tenu de prendre en fonction des besoins particuliers des proches de la personne disparue, notamment en ce qui concernait l’accès à la nourriture, à l’éducation, au logement ou aux services de santé. Le Comité a également rappelé l’obligation incombant aux autorités compétentes de l’État partie d’informer les proches de la personne disparue de la nature et de l’étendue de l’aide qu’ils étaient en droit d’attendre de ces autorités et de la durée pendant laquelle cette aide était accordée. Le Comité a demandé à l’État partie de veiller à ce que la situation et les besoins des intéressés soient dûment pris en compte par la Commission exécutive d’aide aux victimes dans le cadre de l’élaboration et de la révision des plans d’aide.

3.Éléments nouveaux concernant le Burkina Faso, le Maroc, le Paraguay et le Pérou

29.Disparition forcée d ’ un membre d ’ un groupe autochtone. Au cours de la période considérée, le Comité a enregistré la première demande d’action en urgence intéressant le Burkina Faso. La demande concernait la disparition forcée présumée d’un membre du groupe ethnique des Peuls, après qu’il a été arrêté par des gendarmes.

30.Disparition forcée dans le cadre de la lutte contre une guérilla . Le Comité a également enregistré la première demande d’action en urgence intéressant le Paraguay. La demande concernait la disparition forcée présumée d’une fille dans le cadre d’une opération menée par une équipe spéciale conjointe de la police et de l’armée créée pour lutter contre l’Ejército del Pueblo Paraguayo (Armée du peuple paraguayen), une organisation de guérilla. Dans sa note de suivi, le Comité s’est dit préoccupé par l’absence d’informations sur les mesures concrètes prises pour rechercher et localiser la fille et enquêter sur sa disparition, notamment en explorant la possibilité qu’elle soit détenue par l’Ejército del Pueblo Paraguayo.

31.Disparition forcée dans le cadre de manifestations. Le Comité a enregistré 13 demandes d’action en urgence concernant le Pérou. Les demandes concernaient la disparition forcée présumée de participants aux manifestations contre le Président qui avaient eu lieu à Lima en novembre 2020. Ces actions ont été clôturées après que les détenus ont été localisés et libérés (voir le paragraphe 37 ci-dessous).

32.Disparition forcée dans le cadre d’une extradition. Le Comité a enregistré une demande d’action en urgence concernant la disparition d’un individu qui avait été extradé du Maroc vers l’Arabie saoudite et dont le lieu où il se trouvait n’avait pas été révélé aux proches par les autorités saoudiennes. Dans ce cas, le Comité a demandé à l’État partie de coopérer avec les autorités saoudiennes en vue de déterminer le lieu où se trouvait l’individu et d’enquêter sur sa disparition forcée présumée, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 14 et 15 de la Convention.

D.Actions en urgence classées, clôturées, maintenues ouvertes ou suspendues aux fins de la protection des personnes en faveur desquelles des mesures de protection ont été recommandées

33.En application des critères adoptés par le Comité en séance plénière à sa huitième session :

a)Une action en urgence est classée lorsque la personne disparue a été retrouvée, mais qu’elle est toujours en détention ; en effet, en pareil cas, la personne est particulièrement exposée au risque de disparaître à nouveau et d’être soustraite à la protection de la loi ;

b)Une action en urgence est clôturée lorsque la personne disparue a été retrouvée libre, quand elle a été retrouvée puis libérée ou quand elle a été retrouvée morte, à condition que les membres de la famille ou les auteurs ne contestent pas ces faits ;

c)Une action en urgence est maintenue ouverte si la personne disparue a été retrouvée, mais que les personnes auxquelles des mesures de protection ont été accordées dans le cadre de l’action en urgence restent menacées ; en pareil cas, le Comité se borne à assurer le suivi des mesures de protection.

34.Outre ces critères, le Comité a adopté la nouvelle catégorie de cas suivante à sa vingtième session :

d)Une action en urgence, et son suivi par le Comité, sont suspendus lorsque l’auteur de la demande d’action en urgence a perdu le contact avec les membres de la famille de la personne disparue et ne peut plus fournir d’informations de suivi ; une action en urgence suspendue peut être rouverte si l’auteur informe le Comité qu’il a repris contact avec les membres de la famille.

35.Au 1er avril 2021, le Comité avait clôturé 89 actions en urgence, en avait classé 15 et en avait suspendu 96. Au total, 813 actions en urgence restaient ouvertes.

36.Dans deux cas ayant donné lieu à une action en urgence dans lesquels la personne disparue avait été retrouvée morte (no 12/2014, concernant la Colombie, et no 8/2013, concernant le Mexique), l’action en urgence demeurait ouverte car les personnes en faveur desquelles des mesures provisoires de protection avaient été prises continuaient de faire l’objet de menaces.

37.Le Comité se félicite du fait qu’à ce jour, 106 personnes disparues ont été retrouvées. Il se félicite en particulier de ce que dans 82 cas la personne concernée a été retrouvée vivante. À cet égard, le Comité souhaite mettre en relief l’issue positive de demandes d’action en urgence enregistrées au cours de la période considérée concernant des cas au Cambodge, au Mexique et au Pérou. Concernant le cas faisant l’objet de la demande intéressant le Cambodge (no 782/2020), dans lequel la personne a été retrouvée et détenue en Turquie, le Comité a néanmoins regretté que l’État partie n’ait pas coopéré avec l’État dont la personne disparue était ressortissante, le Mexique, afin d’aider les victimes et de rechercher, localiser et libérer la personne disparue, conformément à l’article 15 de la Convention.

38.S’agissant d’une demande d’action en urgence concernant la Lituanie (no 569/2019), le Comité a été informé par la personne au nom de laquelle la demande d’action en urgence avait été soumise et par le parent qui en est le gardien que celle-ci était prise en charge par un programme de protection des témoins, que le lieu où elle se trouvait était connu et qu’elle ne souhaitait pas être représentée par l’auteur de la demande d’action en urgence. L’action a donc été clôturée et toutes les parties concernées ont été informées en conséquence.