Nations Unies

CED/C/PRY/CO/1/Add.1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

31 décembre 2015

Français

Original : espagnol

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Observations finales concernant le rapport soumis par le Paraguay en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Additif

Renseignements reçus du Paraguay au sujet de la suite donnée aux observations finales *

[Date de réception : 20 octobre 2015]

Réponse aux observations finales concernant le rapport soumis par le Paraguay en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Paragraphe 12. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures voulues pour désigner dès que possible un nouveau Défenseur du peuple dûment qualifié. Il lui recommande également de prendre des mesures afin que le Service du Défenseur du peuple dispose des ressources financières, matérielles et humaines dont il a besoin pour s’acquitter de son mandat en toute efficacité et indépendance, conformément aux Principes de Paris.

Conformément à la loi organique no 631/1995 relative au Service du Défenseur du peuple, le Défenseur du peuple est élu à la majorité des deux tiers de la Chambre des députés, sur la base d’une liste de candidats proposée par le Sénat.

Le Congrès a engagé cette année le processus de sélection du Défenseur du peuple et du Défenseur du peuple adjoint. Pour ce faire, il a lancé un appel à candidature au niveau national, après quoi le Sénat a entendu en séance publique toutes les personnes qui s’étaient portées candidates pour l’un ou l’autre de ces deux postes.

Le processus en est actuellement à la phase d’établissement de listes de candidats présélectionnés pour ces deux fonctions. Il est à signaler que 79 candidatures ont été reçues et que le Sénat en a retenu 65.

Le Congrès est par ailleurs saisi actuellement d’un projet de loi qui établira le budget général de la Nation pour l’exercice budgétaire 2016, dans lequel il est prévu d’allouer au Service du Défenseur du peuple un budget de 10 789 436 130 guaranies.

Paragraphe 20. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires, notamment l’adoption de procédures obligatoires et l’affectation de ressources suffisantes, pour garantir dans la pratique à toute personne privée de liberté l’exercice du droit de communiquer sans délai avec sa famille, son avocat ou toute autre personne de son choix et, s’il s’agit d’un étranger, de communiquer avec ses autorités consulaires.

Il convient tout d’abord de signaler que le Ministère de l’intérieur a lancé la Stratégie nationale de sécurité publique. Il s’agit d’un premier pas vers une politique publique en matière de sécurité axée sur les droits de l’homme et l’intégrité, élaborée avec la participation pluridisciplinaire des différents acteurs étatiques et des organisations de la société civile.

La Stratégie nationale de sécurité publique s’appuie entre autres sur un programme visant à aligner les procédures policières sur les normes internationales des droits de l’homme applicables aux activités de police. Dans cette perspective et afin de donner suite aux recommandations figurant au paragraphe 20 des observations finales, un projet de décision a été soumis au Haut Commandement de la Police nationale pour adoption, qui établit les normes minimales à respecter en matière de garde à vue et met en place le dispositif institutionnel de transmission des informations garant de l’exercice du droit à la défense et du respect des délais de procédure.

Ce document fixera les conditions qui devront impérativement être remplies pour toute privation de liberté dans des locaux de police. Les personnes privées de liberté devront ainsi jouir sans restriction aucune du droit d’être traitées dignement par le personnel policier et les tiers, et des garanties y afférentes, telles que le droit d’avertir immédiatement de leur détention les membres de leur famille ou toute autre personne qu’elles auront désignée au personnel, de communiquer librement avec les membres de leur famille et leur défenseur et d’avoir accès à des soins médicaux.

Il sera de même institué un mécanisme institutionnel de transmission des informations afin de garantir le respect des délais de procédure, en vertu duquel toute privation de liberté sera immédiatement notifiée au ministère public, au juge pénal des garanties, au tribunal pénal pour mineurs ou au Service de la Défense publique, selon le cas.

Parallèlement, le 26 novembre 2014, le Haut Commandement de la Police nationale a publié la circulaire no 65, par laquelle il a rappelé à l’ensemble des effectifs de la Police nationale que la Convention américaine relative aux droits de l’homme (Pacte de San José de Costa Rica), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention de Vienne sur les relations consulaires étaient en vigueur sur le territoire national et que l’observation des garanties prévues par ces instruments était obligatoire.

Il est à signaler qu’en son article 3, la loi organique no 222/93 relative à la Police nationale dispose que « la Police nationale adaptera l’exercice de sa mission aux normes constitutionnelles et législatives et fondera son action sur le respect des droits de l’homme », ce qui a également été souligné dans la circulaire susmentionnée.

Il convient de noter que la Police nationale ne peut en aucun cas ordonner une arrestation. Elle se borne à procéder aux arrestations et à exécuter les mandats d’arrêt décernés par le ministère public ou par un juge compétent. De même, le ministère public peut ordonner la libération de la personne appréhendée quand il estime qu’il ne demandera pas son placement en détention provisoire.

En cas de placement en détention d’un ressortissant étranger, conformément à la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires, le consulat du pays dont l’intéressé est originaire est immédiatement informé par la Direction des affaires internationales du ministère public, par l’entremise du Ministère des relations extérieures. Il est à noter qu’en cas d’urgence le ministère public pourra prendre directement contact avec le consulat concerné.

Sur cette question précise, le Bureau du Procureur général de la République a publié en janvier 2012 la circulaire no 2, ayant force obligatoire pour tous les procureurs du pays, dans laquelle il a rappelé l’obligation d’aviser immédiatement le consulat du pays concerné de tout placement en détention, toute inculpation ou toute condamnation d’un ressortissant étranger, conformément à ce que prévoit l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires.

Paragraphe 26. Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires sur le plan législatif et dans d’autres domaines pour garantir le droit d’obtenir réparation et d’être indemnisé rapidement, équitablement et de manière adéquate à toute personne ayant subi un préjudice direct du fait d’une disparition forcée, quelle que soit la date à laquelle l’acte a été commis. À cette fin, ses recommandations sont les suivantes :

a) Prendre les mesures législatives nécessaires pour établir un système de réparation complète qui soit pleinement conforme aux prescriptions énoncées aux paragraphes 4 et 5 de l’article 24 de la Convention et tienne compte des questions de genre ;

b) Redoubler d’efforts et prendre les mesures nécessaires pour garantir à toutes les personnes ayant subi un préjudice direct à la suite des disparitions forcées enregistrées entre 1954 et 1989 la possibilité d’exercer leur droit d’obtenir une réparation complète, conformément aux paragraphes 4 et 5 de l’article 24 de la Convention, y compris des formes de réparations telles que la réadaptation médicale et psychologique, sans imposer de conditions susceptibles d’entraver le plein exercice de ce droit.

L’État paraguayen renvoie le Comité aux renseignements qu’il avait déjà fournis dans ses réponses à la liste de points concernant le processus d’indemnisation des victimes de violations des droits de l’homme commises entre 1954 et 1989.

Il convient à cet égard de souligner que les indemnisations prévues par la loi no 838/1996, telle que modifiée, sont des indemnisations spéciales, relevant d’organes administratifs, et qu’il n’y a donc pas de procédure contradictoire, ce qui facilite l’octroi de ces indemnisations. Il importe de même de signaler que les personnes qui ne sont pas expressément visées par la loi spéciale susmentionnée, ou qui considèrent que l’indemnisation préétablie prévue par cette loi est insuffisante, ont la possibilité d’engager une action civile, par la voie ordinaire, contre les responsables présumés, en invoquant la responsabilité subsidiaire de l’État, en application de l’article 106 de la Constitution.

Il faut également souligner que les modifications apportées par la loi no 4381/11 aux articles 1er et 3 de la loi no 838/1996 (relative à l’indemnisation des victimes de la dictature) ont vocation à simplifier le traitement, jusqu’alors excessivement bureaucratique, des dossiers jusqu’à ce qu’un avis soit rendu et une indemnisation arrêtée, avec l’introduction d’un délai maximal dans lequel l’autorité compétente doit statuer. Tel qu’il a été modifié, l’article 1er de la loi no 838/96 dispose en outre que le droit de demander réparation est imprescriptible.

On notera à cet égard que le Bureau du Procureur général a engagé un processus de révision des critères d’indemnisation en mettant principalement l’accent sur le bon sens critique et en diminuant nettement l’importance accordée aux preuves légales. L’objectif est d’améliorer et d’accélérer la formulation des recommandations adressées au Défenseur du peuple, qui prend les décisions finales pour ce qui est de l’octroi des indemnisations.

L’Équipe nationale chargée des enquêtes et des recherches concernant les personnes détenues, disparues ou victimes d’exécutions extrajudiciaires entre 1954 et 1989 et de l’identification de ces personnes (ENABI), dont les travaux sont actuellement coordonnés par le Ministère de la justice, poursuit ses activités de recherche et d’identification de personnes disparues. Il est procédé depuis 2006 à des enquêtes, des fouilles et des exhumations de restes humains, initialement à l’initiative de la Commission vérité et justice, ultérieurement par l’intermédiaire du Défenseur du peuple et à présent par le biais de l’ENABI.

Pendant ces neuf années, ce sont au total les ossements de 34 personnes présumées disparues pendant la période de dictature qui ont été exhumés, dans différents lieux publics et privés du pays. Ces restes humains ont été confiés au ministère public aux fins de leur identification.

Afin d’identifier les 34 restes humains exhumés, l’ENABI a signé, par l’intermédiaire de son entité de coordination, un accord avec l’Institut d’études comparées en sciences pénales et sociales (INECIP-Paraguay), qui prévoit l’identification des restes de victimes de disparitions forcées au Paraguay par l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale (EAFF).

Dans ce cadre, des journées de travail ont été organisées à Asunción et par visioconférence avec l’équipe technique de l’ENABI, l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale et l’INECIP, afin d’établir un plan de travail biennal. Les activités convenues pour la période 2014-2016 sont les suivantes :

Création d’une base de données établissant la fréquence dans les différents groupes de population des marqueurs génétiques d’intérêt médico-légal ;

Création d’une banque d’échantillons sanguins de membres de la famille des personnes disparues pour raisons politiques et établissement d’une base de données de profils génétiques ;

Définition du profil génétique des échantillons de restes humains récupérés et analyses anthropologiques de ces échantillons ;

Renforcement des capacités médico-légales.

À cet effet, il incombe au Ministère de la justice de transmettre à l’Équipe argentine d’anthropologie médico-légale :

La base de données sur les personnes disparues sous la dictature, entre 1954 et 1989;

La liste des exhumations, classées par lieu, avec les rapports techniques correspondants ;

Les dossiers concernant les nouvelles fouilles prévues, avec les informations suivantes : données de géolocalisation, témoignages, informations historiques, relevés photographiques du site ;

600 échantillons sanguins prélevés de manière aléatoire sur la population ;

200 échantillons sanguins prélevés sur les membres de la famille des personnes disparues.

Il est à noter que la base de données regroupant les informations sur les personnes disparues a déjà été constituée et est actuellement complétée grâce à des recherches dans les archives et dans les dossiers fiscaux, menées par l’Unité spécialisée du ministère public chargé des atteintes aux droits de l’homme dans les archives et les dossiers fiscaux. À ce jour, les données concernant plus de 400 personnes signalées comme disparues entre 1954 et 1989 ont été téléchargées.

Il importe de signaler que la Direction des réparations et de la mémoire historique met actuellement au point une convention-cadre avec le Service paraguayen pour la paix et la justice (SERPAJ-Py). Ce dernier prévoit d’élaborer un plan pilote de recherche et d’identification des personnes disparues sous la dictature et d’engager deux consultantes externes afin de renforcer ses équipes, en particulier en ce qui concerne l’exploitation systématisées des résultats des travaux que l’État a menés dans ce domaine pendant neuf ans et la standardisation et l’institutionnalisation des processus de recherche et d’identification des personnes disparues.

En ce sens, il a été jugé nécessaire d’unir les efforts de la société civile et de l’État, de manière à renforcer les instances publiques actives dans le domaine de la réparation, afin que leurs orientations ne se limitent pas au mandat de tel ou tel gouvernement mais s’inscrivent dans la durée en tant que politiques publiques.

La phase initiale du projet est de dix mois. Il est prévu de mener à bien les activités ci-après, conjointement avec les consultantes engagées :

Enquêtes : sur les lieux où des indices font suspecter des tombes anonymes ou des fosses communes pouvant être celles de personnes disparues pendant la période sur laquelle portent les enquêtes, au moyen de recherches dans les archives et de travail de terrain ;

Registres et documentation : les travaux d’enquête, de fouilles et de conservation seront dûment consignés dans des registres. La base de données constituée sera utilisée pour identifier les personnes disparues, systématiser le projet et divulguer des informations à la société civile ;

Systématisation : l’ensemble du travail réalisé dans le cadre du processus d’identification depuis 2006 et jusqu’à ce jour sera systématisé aux fins de la rédaction d’un rapport final qui fera partie intégrante du plan pilote de recherche et d’identification des personnes disparues.