CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.GÉNÉRALE

CERD/C/62/CO/121 mars 2003

FRANÇAISOriginal: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑deuxième session3‑21 mars 2003

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ ARTICLE  9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale*

Côte d’ Ivoire

1.Le Comité a examiné les cinquième à quatorzième rapports périodiques de la Côte d’Ivoire, soumis en un seul document (CERD/C/382/Add.2) à ses 1568 et 1569e séances (CERD/C/SR.1568 et 1569) des 12 et 13 mars 2003. À sa 1582e séance (CERD/C/SR.1582), tenue le 21 mars 2003, le Comité a adopté les conclusions suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction les rapports périodiques soumis par l’État partie et les renseignements complémentaires apportés oralement par la délégation. Le Comité a été encouragé par le fait que, malgré la crise que traverse actuellement l’État partie, le Gouvernement se soit fait représenter par une délégation de rang élevé et ait apporté des réponses franches et constructives aux questions et commentaires exprimés.

B. Facteurs et difficultés entravant l’application de la Convention

3.Le Comité note que la Côte d’Ivoire traverse actuellement une période de troubles qui pose des difficultés pour sa stabilité et qui représente autant de facteurs qui peuvent entraver les efforts de l’État partie pour appliquer la Convention.

C. Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction la conclusion de l’Accord de Linas-Marcoussis du 23 janvier 2003 de même que l’Accord d’Accra du 8 mars 2003 qui ont permis la formation d’un gouvernement de réconciliation nationale, afin de rétablir la confiance et de sortir de la crise.

5.Le Comité accueille avec satisfaction l’engagement pris par l’État partie de poursuivre tout média qui aura incité à la haine ou à la discrimination raciale.

6.Le Comité note avec satisfaction que la Côte d’Ivoire a créé un Ministère des droits de l’homme et compte mettre en place une commission nationale des droits de l’homme (prévue par le décret no 2000-830 du 22 novembre 2000) et un médiateur de la République (art. 115 à 118 de la Constitution).

7.Le Comité se félicite de la déclaration de principe du Gouvernement en faveur des droits de l’homme dans son document d’information sur les efforts entrepris par le Gouvernement pour faire respecter les droits de l’homme dans la situation de crise actuelle. Par ailleurs, le Comité note qu’une ligne téléphonique gratuite a été ouverte pour permettre à toute personne victime de violation de droits de l’homme de contacter le Ministère des droits de l’homme.

8.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a récemment ratifié la Convention no 182 de l’OIT concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de les éliminer.

9.Prenant note des conclusions du Forum de la réconciliation nationale relatives à la correction des disparités économiques et sociales entre le nord et le sud de la Côte d’Ivoire, le Comité encourage l’État partie à poursuivre la campagne de réduction des disparités régionales.

10.Prenant note avec satisfaction de l’action de sensibilisation des forces de l’ordre en matière de droits de l’homme organisée le 4 octobre 2001, le Comité encourage l’État partie à poursuivre et à élargir cet effort, de manière à couvrir les partis politiques, les organes de presse et la société civile.

D. Sujets de préoccupation et recommandations

11.Le Comité, rappelant le paragraphe 3 de l’article premier de la Convention, note avec préoccupation que l’utilisation abusive à des fins politiques de la loi n° 61-415 du 14 décembre 1961 portant code de la nationalité, modifiée par la loi n° 72-852 du 21 décembre 1972, a donné lieu à des pratiques discriminatoires. Par ailleurs, le Comité constate que l’utilisation abusive du concept «d’ivoirité», qui ne figure pas dans la Constitution, à des fins xénophobes, a été un facteur important dans la crise actuelle. Le Comité recommande une application du Code de la nationalité conforme aux dispositions de la Convention.

12.Le Comité exprime sa préoccupation eu égard aux informations faisant état de violences raciales et xénophobes qu’atteste l’existence de charniers dans différentes régions du pays et encourage l’État partie à poursuivre ses efforts pour en prévenir la répétition et en punir les responsables.

13.Le Comité note avec préoccupation que la loi no 98-750 du 23 décembre 1998 relative au domaine foncier a provoqué, lors de son application, une insécurité foncière pour les étrangers de certains groupes ethniques qui possédaient des terres antérieurement à son adoption. Le Comité prie instamment l’État partie de poursuivre ses efforts pour mieux expliquer ce texte auprès des populations concernées et pour mieux protéger les droits acquis.

14.Le Comité note avec préoccupation que l’interprétation abusive des lois électorales a provoqué des tensions entre les groupes ethniques et religieux et recommande que ces lois fassent l’objet d’un réexamen eu égard aux dispositions de la Convention quant au droit de tous les citoyens de participer à la vie politique du pays.

15.De manière générale, s’agissant des dispositions de la Constitution, notamment son article 35, ou des actes législatifs sur la nationalité qui ont été mis en cause dans le cadre de la crise qui frappe la Côte d’Ivoire, le Comité recommande à l’État partie de tenir compte des réalités existantes sur le terrain, en particulier la coexistence de groupes ethniques différents, pour assurer une application plus adéquate de ces dispositions.

16.Le Comité, notant avec préoccupation la propagande menée par certains médias nationaux dans le but d’inciter à la guerre et d’encourager la haine et la xénophobie, recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour mettre un terme à cette pratique.

17.Le Comité invite l’État partie à lui fournir des renseignements sur la place de la Convention dans la hiérarchie des normes juridiques en Côte d’Ivoire, ainsi que sur la possibilité pour les individus d’invoquer directement ses dispositions devant les tribunaux nationaux. Il aimerait également recevoir des renseignements sur l’application pratique des textes interdisant la discrimination raciale, ainsi que sur le nombre de plaintes et de poursuites instruites pour actes de racisme.

18.Le Comité recommande à l’État partie de poursuivre ses efforts sur la voie de l’adoption de textes législatifs ou réglementaires qui fixent les domaines de compétence respectifs de la commission nationale des droits de l’homme et du médiateur de la République, la procédure à suivre pour les saisir et la force obligatoire de leurs décisions. Plus spécifiquement, le Comité invite l’État partie à renforcer les garanties d’indépendance de ces organes, l’efficacité et la crédibilité de leur action, en particulier pour la médiation. L’État partie devra prendre à cet effet les mesures appropriées pour informer le public des voies de recours ouvertes aux victimes d’actes de discrimination ou de xénophobie.

19.Le Comité recommande à l’État partie de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d’éduquer et de sensibiliser les fonctionnaires, les leaders politiques et le public aux dispositions de la Convention. Il convient de tenir dûment compte de la recommandation générale XIII en vertu de laquelle les responsables de l’application des lois devraient recevoir une formation qui leur permette, dans l’exercice de leurs fonctions, de respecter et de protéger les droits de l’homme de tous sans distinction d’origine ethnique ou de confession religieuse.

20.Le Comité invite le Gouvernement, les partis politiques, la société civile et les forces armées à honorer les engagements de l’État partie découlant de la Convention en vue de rétablir la paix et la sécurité et d’entretenir un dialogue franc et constructif au sein de la population ivoirienne, comme le fait le Forum de réconciliation nationale.

21.Le Comité rappelle la requête faite par l’État partie aux fins de la création d’une commission internationale d’enquête appelée à diligenter des investigations et à établir les faits sur toute l’étendue du territoire national afin de recenser les cas de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire depuis le 19 septembre 2002. Le Comité invite instamment l’État partie à prendre les mesures, à créer les conditions propices au déroulement d’une telle enquête et à inclure toutes informations sur cette question dans son prochain rapport périodique.

22.Le Comité recommande que l’État partie fournisse dans son prochain rapport périodique des renseignements détaillés et complets sur les mesures prises au niveau national pour appliquer les dispositions de l’article 5 pour prévenir et incriminer toute forme de discrimination dans la jouissance des droit économiques, sociaux et culturels par les différents groupes ethniques.

23.Le Comité invite instamment l’État partie à renforcer les mesures assurant la contribution des organisations issues de la société civile à la promotion de l’entente interethnique et il exprime l’espoir que le prochain rapport périodique fera état du rôle de ces organisations notamment de leur participation à la lutte contre la discrimination en faisant connaître la Convention.

24.Le Comité recommande à l’État partie, lorsqu’il applique dans l’ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, de tenir compte des passages pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban et de communiquer dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les plans d’action et autres mesures adoptées pour appliquer au niveau national la Déclaration et le Plan d’action de Durban.

25.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration facultative prévue à l’article 14 de la Convention et l’appelle instamment à envisager la possibilité de faire une telle déclaration.

26.Le Comité recommande instamment à l’État partie de ratifier l’amendement au paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adopté le 15 janvier 1992 à la quatorzième réunion des États parties à la Convention et par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111 du 15 décembre 1992. À ce propos, le Comité attire l’attention de l’État partie sur la résolution de l’Assemblée générale 57/194 du 18 décembre 2002, dans laquelle l’Assemblée générale demande instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général dans les meilleurs délais de leur acceptation de cet amendement.

27.Le Comité recommande à l’État partie de rendre ses rapports périodiques accessibles au public dès qu’ils sont soumis et de diffuser de la même manière les conclusions du Comité.

28.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre ses quinzième, seizième et dix‑septième rapports périodiques en un seul rapport, attendu le 3 février 2006, et de répondre à tous les points soulevés dans les présentes conclusions.

-----