CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.RESTREINTE*

CERD/C/62/D/25/200216 avril 2003

Original: FRANÇAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DELA DISCRIMINATION RACIALE Soixante‑deuxième session

3‑21 mars 2003

DÉCISION

Communication n o  25/2002

Présentée par:

Ahmad Najaati Sadic (représenté par un conseil)

Au nom de:

Le requérant

État partie:

Danemark

Date de la communication:

25 mai 2002 (lettre initiale)

Date de la présente décision:

19 mars 2003

[Annexe]

ANNEXE

DÉCISION PRISE PAR LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION INTERNATIONALE SUR L’ÉLIMINATION

DE TOUTES LES FORMES DE DISCRIMINATION RACIALE

Soixante ‑deuxième session

concernant la

Communication n o  25/2002

Présentée par:

Ahmad Najaati Sadic (représenté par un conseil)

Au nom de:

Le requérant

État partie:

Danemark

Date de la communication:

25 mai 2002 (lettre initiale)

Décision concernant la recevabilité

1.1Le requérant est M. Ahmad Najaati Sadic, citoyen danois d’origine iraquienne né en 1955, qui affirme être victime de violations par le Danemark des articles 2, paragraphe 1 d), et 6 de la Convention. Il est représenté par un conseil, le Centre de documentation et de conseil en matière de discrimination raciale (DRC).

1.2Conformément au paragraphe 6 a) de l’article 14 de la Convention, le Comité a transmis la communication à l’État partie le 16 août 2002.

Les faits

2.1Le 25 juillet 2000, le requérant travaillait sur un chantier de construction de logements sociaux à Randers (Danemark) pour la société «Assentoft Painters and Decorators» appartenant à Jesper Christensen. Le requérant ayant réclamé à M. Christensen des paiements arriérés, la conversation a tourné à la dispute et M. Christensen aurait lancé au requérant les propos suivants: «Retourne dans ton pays, cochon d’Arabe!», «Cochon d’immigré!», «Vous puez, toi et tous les Arabes», «On vous a assez vus, bande d’idiots et de psychopathes!». La dispute entre le plaignant et M. Christensen a été entendue par au moins deux autres ouvriers, M. Carsten Thomassen et M. Frank Lasse Hendriksen.

2.2Le 1er mars 2001, le DRC, au nom du requérant, a informé la police d’Aarhus de l’incident, en prétendant que l’article 266b du Code pénal du Danemark avait été violé par son ancien employeur.

2.3Le 9 juillet 2001, Frank Lasse Henriksen a été interrogé au téléphone par la police de Randers. Le procès‑verbal de l’entretien a été établi comme suit:

«Le témoin a affirmé qu’il était en train de travailler quand son patron, M. Christensen, est arrivé et a présenté un nouvel apprenti; la victime, Ahmad, était également présente. Une discussion/dispute a éclaté entre M. Christensen et la victime au sujet de problèmes de congés payés, de salaire et de fiches de paie perdues […]. Le témoin est intervenu auprès de M. Christensen qui, exaspéré par la dispute avec la victime, a estimé − c’est du moins ce qu’il a dit − que si le témoin prenait le parti de la victime, il pouvait se considérer comme licencié. Le témoin, furieux d’être traité de cette manière, a pris son patron au mot. M. Christensen a alors hurlé que tout cela était la faute d’un salopard d’Arabe, propos qui, de l’avis du témoin, avaient été d’une grossièreté vraiment excessive. Selon le témoin, M. Christensen avait dépassé largement les bornes. Après avoir reçu lecture des propos racistes cités dans la plainte, le témoin a affirmé qu’ils correspondaient aux insultes lancées à la victime par M. Christensen. Après l’incident, le témoin a quitté immédiatement le lieu de travail et n’a pas travaillé pour M. Christensen depuis […].».

2.4Le 12 juillet 2001, Carsten Thomassen a été entendu au téléphone par la police d’Aarhus. Le procès‑verbal a été établi comme suit:

«Le jour des faits, vers 10 h 30, le témoin était sur le balcon du premier étage, juste au‑dessous. Il a compris que les intéressés se disputaient pour des questions de travail et d’argent. Toutefois, le témoin n’avait entendu que des bribes de la dispute entre les deux parties qui, de toute évidence, étaient “très énervées”. À un moment donné, le témoin a entendu M. Christensen dire quelque chose comme: “Rentre chez toi!”, “Saleté de Noir!”. Le témoin ne distinguait pas ce que disait M. Sadic car ce dernier ne parlait pas bien le danois et était difficile à comprendre, surtout lorsqu’il était énervé, comme à ce moment‑là. Toutefois, le témoin considérait que cette querelle était dans une large mesure le genre d’incident qui peut arriver de temps à autre sur un chantier […].».

2.5M. Christensen a été entendu par la police de Randers le 23 juillet 2001, mais aucune charge n’a été retenue contre lui, sans préjudice de son droit de refuser de faire une déposition. Le procès‑verbal a été établi dans les termes suivants:

«M. Christensen a affirmé que, le jour des faits, il s’était querellé avec la victime au sujet du paiement d’heures supplémentaires […]. M. Christensen et la victime […] auraient échangé des injures […]. M. Christensen n’a jamais prononcé […] des mots tels que “Saleté d’Arabe!”, “Saleté de Pakistanais!”, “Les Arabes puent!”, etc., à l’encontre de la victime. M. Christensen a été confronté à la déclaration faite par M. Henriksen à titre de témoin. M. Christensen a riposté en disant qu’il avait auparavant renvoyé M. Henriksen à cause de désaccords. […] Après avoir été renvoyé, M. Henriksen avait quitté le chantier et n’aurait pas pu par conséquent entendre sa conversation avec la victime. […] Vu les renseignements présentés, M. Christensen ne peut reconnaître qu’il y ait eu violation de l’article 266b du Code pénal. […]».

2.6Dans une lettre datée du 24 août 2001, le chef de la police d’Aarhus a informé le DRC que l’enquête avait été close au motif qu’on ne pouvait raisonnablement considérer qu’une infraction pénale susceptible de faire l’objet de poursuites ex officio avait été commise. Le principal argument invoqué pour justifier la clôture de l’enquête était le fait que la dispute entre le requérant et M. Christensen s’était produite sur le lieu de travail «où deux autres personnes seulement étaient présentes». Indépendamment de la question de savoir si M. Christensen avait tenu les propos en cause, le chef de la police a estimé que, en tout état de cause, ces propos n’avaient pas été tenus publiquement ou avec l’intention de leur donner une large diffusion. Concernant sa demande de dédommagements, il a conseillé au requérant d’engager une procédure civile.

2.7Le 28 septembre 2001, le requérant a fait appel de la décision de clore l’enquête devant le Procureur général de région de Viborg, en faisant valoir que son ancien employeur avait tenu les propos en cause sur un chantier de construction situé dans une zone de logements sociaux et avait, par conséquent, accepté tout au moins la possibilité que ses réflexions soient entendues par d’autres personnes. En outre, le requérant a invoqué plusieurs jugements des tribunaux danois qui ont estimé que l’article 266b du Code pénal exigeait que les propos aient été proférés publiquement, très largement. Il a contesté la conclusion du chef de la police selon laquelle deux autres personnes seulement avaient été présentes au moment de l’incident. Le requérant a cité une déclaration écrite dans laquelle M. Thomassen affirmait que «le mardi 25 juillet 2000 vers 10 h 30, je, soussigné Carsten Thomassen, me trouvais avec trois autres collègues […] sur le balcon ou nous prenions une courte pause quand, à notre grande surprise, nous avons entendu une conversation/querelle entre le patron […] et Ahmad.».

2.8Dans une lettre datée du 27 novembre 2001, le Procureur général de région de Viborg a rejeté l’appel au motif que, même s’il ne pouvait pas être établi de façon certaine que deux autres personnes seulement étaient présentes au moment de l’incident, les propos imputés à M. Christensen avaient été proférés au cours d’une dispute entre le requérant et son employeur à un moment où les deux parties étaient déjà très énervées, que les témoins se trouvaient à une certaine distance du lieu exact de la querelle et qu’ils n’en avaient entendu que des bribes. Étant donné qu’il «s’agissait seulement d’une querelle assez vive que d’autres avaient entendu de loin […]», le Procureur général de région a estimé que les propos de l’employeur n’avaient pas eu un caractère public. Comme la dispute n’était pas de nature à troubler la tranquillité publique ou à déranger d’autres personnes, il n’y avait pas eu non plus violation du règlement de la police. En conséquence, il a été conseillé au requérant d’engager toute action éventuelle en réparation par le biais d’une procédure civile. La décision du Procureur général de région était définitive et non susceptible d’appel.

La plainte

3.1Le requérant affirme avoir épuisé les recours internes car il n’a la possibilité ni de faire appel de la décision du Procureur général de région ni de saisir les tribunaux danois. Il prétend qu’en vertu de l’article 275 du Code pénal les violations de l’article 266b ne peuvent donner lieu qu’à des poursuites ex officio et qu’une action en justice contre son ancien employeur aurait été vouée à l’échec, étant donné que la police et le Procureur général de région avaient rejeté sa plainte. Le requérant prétend, à l’appui de cette affirmation, que selon une décision de la Haute Cour de la région de l’Est, en date du 5 février 1999, un incident de discrimination raciale ne constitue pas en soi une violation de l’honneur et de la réputation d’une personne au sens de l’article 26 de la loi sur la responsabilité civile.

3.2Le requérant prétend que l’État partie a violé ses obligations en vertu des articles 2, paragraphe 1 d), et 6 de la Convention, en ne faisant pas procéder à une enquête efficace en vue d’établir dans quelle mesure le chantier de construction était accessible au public, combien de personnes étaient présentes au moment de l’incident et dans quelle mesure d’autres personnes ont pu entendre les propos de l’employeur. Le requérant fait valoir que par suite de la décision du Comité concernant la communication L.K. c. Pays ‑Bas (affaire no 4/1991, opinion adoptée le 16 mars 1993), les États parties ont le devoir, en vertu des dispositions susmentionnées, de prendre des mesures efficaces contre les incidents de discrimination raciale qui leur sont signalés.

3.3En invoquant une autre affaire qui a fait l’objet d’une décision du Comité (Kashif Ahmad c. Danemark, affaire no 16/1999, opinion adoptée le 13 mars 2000), dans laquelle des propos racistes avaient été tenus dans le hall longeant une salle de classe, le requérant affirme que l’État partie n’a pas alors fait valoir que les propos en cause n’avaient pas été proférés publiquement et que le Comité a estimé qu’une violation avait été commise. Il invoque en outre deux affaires dans lesquelles les tribunaux danois ont estimé qu’il y avait eu violation de l’article 266b du Code pénal dans des circonstances qu’il considère comme similaires.

3.4Le requérant demande au Comité d’inviter l’État partie à mener une enquête sérieuse sur l’incident qu’il a signalé et à lui octroyer une réparation financière, conformément à l’article 6 de la Convention.

Observations de l’État partie concernant la recevabilité et le fond de la communication

4.1Par une note verbale datée du 20 novembre 2002, l’État partie a présenté ses observations sur la recevabilité et, subsidiairement, sur le fond de la communication.

4.2En ce qui concerne la recevabilité, l’État partie affirme que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes. Contrairement aux violations de l’article 266b, qui sont susceptibles de faire l’objet de poursuites ex officio, les violations de l’article 267 du Code pénal − disposition générale relative aux diffamations qui complète l’article 266b − ne font l’objet de poursuites qu’à la demande de l’intéressé, en vertu de l’article 275 du Code pénal. Le requérant aurait donc pu demander que soit intentée une action au pénal au titre de l’article 267 contre son employeur et, ce faisant, obtenir une décision sur le point de savoir si ce dernier avait tenu les propos en cause et, sous réserve des conditions énoncées à l’article 267, obtenir la condamnation de M. Christensen.

4.3L’État partie affirme que l’engagement d’une action pénale en vertu de l’article 267 du Code pénal offre un recours efficace. En outre, la décision des autorités danoises de clore l’enquête menée en vertu de l’article 266b ne mettait pas en doute l’efficacité de ce recours, étant donné que ni le chef de la police ni le Procureur général de région n’avaient pris position sur la question de savoir si M. Christensen avait tenu les propos qui lui étaient reprochés. L’État partie fait valoir, pour la même raison, que la clôture de l’enquête ouverte en vertu de l’article 266b n’empêchait pas le requérant d’engager une action en réparation pour préjudice non pécuniaire contre son ancien employeur, en vertu de l’article 26 de la loi sur la responsabilité civile.

4.4L’État partie affirme que la communication est incompatible avec la Convention ratione materiae, car l’argument central de la plainte est que les autorités danoises n’ont pas interprété et appliqué correctement l’article 266b du Code pénal. Tous les éléments concrets qui, selon le requérant, auraient dû faire l’objet d’une enquête se rapportent aux conditions prévues pour prononcer les peines énoncées à l’article 266b, à savoir le lieu où les propos ont été proférés, le nombre de personnes qui ont entendu ou auraient pu entendre M. Christensen, etc. L’État partie est d’avis que l’évaluation juridique faite par le chef de la police et le Procureur général de région de Viborg, selon laquelle les conditions prévues à l’article 266b n’étaient pas remplies dans le cas d’espèce, est principalement une question concernant l’interprétation et l’application du droit interne, question que le Comité n’est pas habilité à examiner.

4.5À la lumière des arguments susmentionnés, l’État partie estime que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu des paragraphes 1 et 7 a) de l’article 14 de la Convention.

4.6Subsidiairement, l’État partie affirme, en ce qui concerne le fond, que les autorités danoises ont examiné la plainte du requérant sérieusement, puisqu’elles ont ouvert une enquête et entendu des témoins ainsi que l’ancien employeur du requérant, à la suite de la plainte. Il estime donc que la manière dont le chef de la police et le Procureur général de région ont traité et examiné la plainte est pleinement conforme aux obligations de l’État partie en vertu des articles 2, paragraphe 1, et 6 de la Convention.

4.7Concernant la disposition exigeant que les propos aient été proférés «publiquement ou avec l’intention de leur donner une large diffusion», l’État partie reconnaît qu’il existe inévitablement un certain flou quant à la limite entre le domaine public et privé et soutient qu’il appartient par conséquent aux autorités nationales d’établir si cette condition est remplie dans tel ou tel cas.

4.8L’État partie affirme que les deux jugements présentés à l’appui des arguments du requérant n’étaient pas utiles en l’espèce, car l’un ne faisait état d’aucun renseignement précis sur le nombre de personnes présentes dans le point de vente de journaux et l’autre mentionnait que le tribunal avait noté que «de nombreuses personnes doivent avoir entendu […] l’incident».

4.9L’État partie affirme en outre que l’article 266b du Code pénal n’est pas la seule disposition visant à assurer le respect des obligations de l’État partie en vertu de la Convention, car il est complété par d’autres dispositions, notamment l’article 267 du Code.

4.10L’État partie estime que même si la communication était déclarée recevable par le Comité, elle ne fait pas apparaître de toute façon une violation de la Convention.

Observations du requérant

5.1Le requérant affirme que l’article 267 du Code pénal, ainsi que l’article 26 de la loi sur la responsabilité civile, ne traitent pas du problème de la discrimination raciale et n’offrent donc pas un recours efficace contre les actes de discrimination raciale, d’une manière qui satisfasse aux prescriptions énoncées aux articles 2, paragraphe 1 d), et 6 de la Convention. Il considère que le seul recours utile est prévu à l’article 266b du Code pénal et indique que dans des affaires précédentes, le Comité n’a pas estimé que le requérant aurait dû, pour épuiser les recours internes, engager une action pénale en vertu de l’article 267 du Code pénal ou une action civile en vertu de l’article 26 de la loi sur la responsabilité civile.

5.2En ce qui concerne les conditions énoncées à l’article 266b du Code pénal, le requérant affirme de nouveau que les tribunaux danois ont estimé dans le passé qu’il y avait eu violation même lorsqu’une seule personne autre que la victime (ou les victimes) avait été présente pendant un incident de discrimination raciale. Il invoque également l’opinion adoptée dans l’affaire Kashif Ahmad c. Danemark (affaire no 16/1999, par. 6.1), où le Comité a estimé qu’il y avait eu violation de l’article 6 de la Convention au motif «que l’auteur [avait] été insulté en public» car les propos incriminés [avaient] été tenus «dans un couloir du lycée et en présence de plusieurs témoins».

5.3En se fondant sur la déclaration écrite de M. Thomassen, le requérant prétend qu’au moins cinq personnes ont entendu sa dispute avec son employeur et que la police n’a pas contacté les trois autres collègues mentionnés dans cette déclaration.

5.4Le requérant rejette le raisonnement de l’État partie selon lequel l’argument central de sa communication est lié à l’interprétation de la législation interne et à l’évaluation des faits et des éléments de preuve. Il fait valoir que le défaut d’enquête efficace est étroitement lié au fait que les autorités danoises ont estimé que sa plainte n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 266b du Code pénal.

Délibérations du Comité

6.1Avant d’examiner une communication quant au fond, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale doit, conformément à l’article 91 de son règlement intérieur, décider si la communication est recevable ou non en vertu de la Convention.

6.2Le Comité note que le requérant a adressé une plainte en vertu de l’article 266b du Code pénal à la police et au Procureur général de région et que ces autorités, après avoir entendu deux témoins et l’ancien employeur du requérant, ont décidé d’abandonner l’action pénale prévue à l’article 266b après avoir estimé que les conditions prévues par cette disposition n’étaient pas remplies. Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie selon lequel, en dépit de l’abandon des poursuites engagées en vertu de l’article 266b du Code pénal, le requérant aurait pu demander qu’une action pénale soit engagée contre son ancien employeur en vertu de la disposition générale sur les diffamations (art. 267 du Code pénal). Le requérant ne nie pas l’existence de ce recours, mais il met en doute son efficacité pour les incidents de discrimination raciale.

6.3Le Comité note que la notion de «voie de recours effective», au sens de l’article 6 de la Convention, ne se limite pas aux procédures pénales fondées sur des dispositions qui punissent spécifiquement, expressément et exclusivement les actes de discrimination raciale. En particulier, le Comité ne considère pas qu’il y a violation des articles 2, paragraphe 1 d), et 6 de la Convention si, comme dans le cas de l’État partie, les dispositions de droit pénal interdisant spécifiquement les actes de discrimination raciale sont complétées par une incrimination générale des propos diffamatoires qui est applicable aux propos racistes, même si ceux‑ci ne font pas l’objet de dispositions légales spécifiques.

6.4En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel une action pénale contre son ancien employeur en vertu de l’article 267 aurait été vouée à l’échec puisque les autorités avaient déjà rejeté sa plainte en vertu de l’article 266b du Code pénal, le Comité note, au vu des éléments dont il dispose, que les conditions prévues pour déclencher des poursuites en vertu de l’article 266b ne sont pas identiques à celles prévues pour engager une action en vertu de l’article 267 du Code pénal. Par conséquent, il n’apparaît pas que la décision des autorités danoises d’abandonner les poursuites en vertu de l’article 266b, pour défaut d’éléments permettant d’établir si les propos de l’employeur ont été proférés publiquement ou avec l’intention de leur donner une large diffusion, ait porté préjudice à la demande d’engagement d’une action pénale que le requérant aurait pu présenter en vertu de l’article 267 (combiné avec l’article 275 du Code pénal). Le Comité estime, par conséquent, que la possibilité d’engager une telle action peut être considérée comme une voie de recours efficace que le requérant n’a pas épuisée.

6.5S’agissant de la question des dédommagements, le Comité rappelle l’argument de l’État partie selon lequel le requérant n’a pas engagé une action civile en vertu de l’article 26 de la loi sur la responsabilité civile contre son ancien employeur, et qu’il n’a pas, par conséquent, épuisé les voies de recours internes. En ce qui concerne les arguments du requérant selon lesquels la Haute Cour de la région de l’Est a estimé, dans une décision précédente, qu’un incident de discrimination raciale ne constitue pas en soi une atteinte à l’honneur et à la réputation d’une personne, le Comité estime que le fait d’avoir de simples doutes sur l’efficacité des recours internes au civil ne dispense pas un plaignant de les engager. (Voir la communication no 19/2000, Sarwar Seliman Mostafa c. Danemark, décision adoptée le 10 août 2001, par. 7.4)

6.6Par conséquent, le Comité considère que, faute d’avoir épuisé les recours internes disponibles, l’auteur n’a pas satisfait aux conditions prescrites par le paragraphe 7 a) de l’article 14 de la Convention.

6.7En conséquence, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale décide:

a)Que la communication est irrecevable;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et au requérant.

6.8Toutefois le Comité invite l’État partie à réexaminer sa législation, dans la mesure où la condition restrictive de large publicité ou «d’atteinte d’un vaste public», exigée par l’article 266b du Code pénal danois pour l’incrimination des injures à caractère racial, n’apparaît pas pleinement conforme aux exigences des articles 4 et 6 de la Convention.

[Fait en anglais (version originale) et traduit en arabe, chinois, espagnol, français et russe.]

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