CERD

Convention internationale

sur l’élimination

de toutes les formes

de discrimination raciale

Distr.

GÉNÉRALE

CERD/C/62/CO/10

2 juin 2003

FRANÇAIS

Original: ANGLAIS

COMITÉ POUR L’ÉLIMINATIONDE LA DISCRIMINATION RACIALESoixante‑deuxième session3‑21 mars 2003

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale *

Tunisie

1.Le Comité a examiné les treizième à dix‑septième rapports périodiques de la Tunisie, présentés en un document unique (CERD/C/431/Add.4), à ses 1560e et 1561e séances (CERD/C/SR.1560 et 1561), tenues les 6 et 7 mars 2003. À sa 1575e séance, tenue le 18 mars 2003 (CERD/C/SR.1575), il a adopté les observations finales suivantes.

A. Introduction

2.Le Comité accueille favorablement les treizième à dix‑septième rapports périodiques, présentés en un document unique, ainsi que les compléments d’information fournis par la délégation de l’État partie durant son exposé oral, et se félicite de l’opportunité qui lui est offerte de poursuivre le dialogue avec l’État partie.

3.Le Comité note toutefois que, en dépit de ses précédentes observations à cet égard, il contient encore presque exclusivement des informations sur la législation adoptée pour donner effet à la Convention et ne donne pas suffisamment de renseignements sur la question de savoir dans quelle mesure les individus bénéficient concrètement de la protection offerte par la Convention.

B. Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction qu’en application de l’article 32 de la Constitution les instruments internationaux ratifiés par l’État partie, y compris la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, ont une autorité supérieure à celle des normes du droit interne de l’État partie et peuvent être invoqués directement devant les tribunaux.

5.Le Comité salue les efforts déployés par l’État partie dans le domaine de l’enseignement des droits de l’homme, y compris sa campagne en faveur des principes de tolérance et de respect conformément à l’article 7 de la Convention, et se félicite de la création d’une commission nationale pour l’éducation en matière de droits de l’homme.

6.Le Comité se félicite des mesures prises dans le domaine économique et social, qui ont favorisé la croissance économique et une réduction importante de la pauvreté. Il note avec intérêt la mise en place d’un fonds de solidarité nationale visant à combattre la pauvreté et la marginalisation, ainsi que la création d’une banque nationale de solidarité, dont il salue les résultats obtenus jusqu’ici. Il prend également note des progrès accomplis en vue d’assurer l’égalité des hommes et des femmes dans la société tunisienne, ainsi que le respect de la liberté religieuse, dans la mesure où ces progrès ont une incidence sur la promotion du principe de non‑discrimination au motif de l’origine ethnique. Il encourage l’État partie à continuer sur cette voie.

C. Sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité prend note de l’opinion exprimée par l’État partie au sujet de l’homogénéité de sa population. Toutefois, étant donné que le rapport lui‑même fait état des libertés et des droits reconnus aux non‑Arabes et aux non‑musulmans, et compte tenu de l’absence de données statistiques sur la composition ethnique de la société tunisienne, le Comité recommande à l’État partie de fournir, dans ses rapports ultérieurs, des estimations de sa composition démographique, comme demandé au paragraphe 8 des principes directeurs concernant la forme et la teneur des rapports. Il appelle l’attention de l’État partie sur sa Recommandation générale no VIII relative à l’identification des membres de groupes raciaux et ethniques particuliers.

8.Le Comité note que l’État partie n’a pas fourni de renseignements sur la population berbère (ou amazigh) ni sur les mesures prises aux fins de la protection et de la promotion de la culture et de la langue berbères. Étant donné l’absence de toute mention de ce groupe dans le rapport, il souhaite recevoir des informations concrètes à ce sujet et recommande que davantage d’attention soit donnée à la situation des Berbères en tant que composante spécifique de la population tunisienne.

9.Le Comité n’accepte d’aucun État partie l’affirmation selon laquelle la discrimination raciale n’existe pas sur son territoire et recommande à la Tunisie d’éviter de telles généralisations dans ses rapports futurs. Notant que les nouvelles lois pénales réprimant la discrimination raciale et l’incitation à la haine raciale sont un prolongement de la loi qui incrimine le terrorisme, le Comité est préoccupé par l’association de la discrimination raciale et du terrorisme. Le Comité reste également préoccupé par le fait que la législation de l’État partie ne semble pas correspondre entièrement aux prescriptions de l’article 4 de la Convention. Il recommande à l’État partie de revoir sa législation intérieure à la lumière de la Recommandation générale no XV de 1993 concernant l’application de l’article 4 de la Convention, et d’adopter une législation distincte sur le délit de discrimination raciale et la propagation de la haine raciale.

10.En outre, le Comité demande à l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des données statistiques sur les poursuites engagées et les condamnations prononcées pour des délits qui sont liés à la discrimination raciale et auxquels ont été appliquées les dispositions pertinentes de la législation intérieure en vigueur. Il lui rappelle que l’absence de plaintes et d’actions en justice de la part des victimes de discrimination raciale peut s’expliquer principalement par l’inexistence d’une législation spécifique pertinente, l’ignorance des recours disponibles ou le manque de volonté des autorités pour ce qui est d’engager des poursuites. Il demande à l’État partie de veiller à ce que la législation nationale contienne des dispositions appropriées et d’informer le public de tous les recours juridiques disponibles dans le domaine de la discrimination raciale.

11.Le Comité note le caractère insuffisant des renseignements fournis dans le rapport et dans les réponses orales au sujet de l’efficacité des organes et mécanismes des droits de l’homme dans l’État partie, en particulier le Haut Comité des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le médiateur administratif. Tout en notant les informations fournies par la délégation selon lesquelles l’institution du médiateur administratif avait été renforcée par une loi promulguée en février 2002, le Comité demande à l’État partie de fournir, dans son prochain rapport périodique, des compléments d’information sur le rôle, les responsabilités, le fonctionnement et les résultats de ces institutions, ainsi que sur les mesures prises pour garantir leur indépendance.

12.Tout en prenant note des renseignements sur les activités des organisations non gouvernementales en Tunisie, le Comité constate l’absence dans le rapport de toute indication sur la contribution de la société civile à l’élaboration dudit rapport. Il encourage l’État partie à consulter les organisations de la société civile ayant pour vocation de combattre la discrimination raciale, lorsqu’il élabore ses rapports.

13.Le Comité note que l’État partie n’a pas fait la déclaration prévue à l’article 14 de la Convention et lui demande instamment d’envisager la possibilité de le faire.

14.Le Comité recommande vivement à l’État partie de ratifier les modifications du paragraphe 6 de l’article 8 de la Convention, adoptées le 15 janvier 1992 lors de la quatorzième réunion des États parties à la Convention et approuvées par l’Assemblée générale dans sa résolution 47/111. À ce propos, le Comité renvoie à la résolution 57/194 de l’Assemblée générale, en date du 18 décembre 2002, dans laquelle l’Assemblée a demandé instamment aux États parties de hâter leurs procédures internes de ratification de l’amendement et d’informer par écrit le Secrétaire général, dans les meilleurs délais, de leur acceptation de cet amendement.

15.Le Comité recommande à l’État partie de prendre en compte les éléments pertinents de la Déclaration et du Programme d’action de Durban lorsqu’il incorpore dans son ordre juridique interne les dispositions de la Convention, en particulier celles des articles 2 à 7, et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur les plans d’action ou autres mesures adoptées pour appliquer la Déclaration et le Programme d’action de Durban au niveau national.

16.Le Comité recommande à l’État partie de rendre rapidement publics ses rapports dès leur soumission au Comité, de même que les observations finales de ce dernier.

17.Le Comité recommande à l’État partie de soumettre son dix‑huitième rapport périodique en même temps que le dix‑neuvième, attendu le 4 janvier 2006, et d’y aborder tous les points soulevés dans les présentes observations finales.

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