Nations Unies

CCPR/C/MDG/CO/4

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

22 août 2017

Original : français

Comité des droits de l’homme

Observations finales concernant le quatrième rapport périodique de Madagascar *

1.Le Comité des droits de l’homme a examiné le quatrième rapport périodique de Madagascar (CCPR/C/MDG/4) à ses 3384e et 3385e séances (voir CCPR/C/SR.3384 et 3385), les 10 et 11 juillet 2017. À sa 3406e séance, le 25 juillet 2017, il a adopté les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité accueille avec satisfaction le quatrième rapport périodique de l’État partie, bien qu’il ait été soumis avec quatre années de retard, et les renseignements qu’il contient. Il apprécie l’occasion qui lui a été offerte de renouer un dialogue constructif avec la délégation de haut niveau de l’État partie au sujet des mesures prises pendant la période considérée pour appliquer les dispositions du Pacte. Il remercie l’État partie des réponses écrites (CCPR/C/MDG/Q/4/Add.1) apportées à la liste de points à traiter (CCPR/C/MDG/Q/4), qui ont été complétées oralement par la délégation, ainsi que des renseignements supplémentaires fournis par écrit.

B.Aspects positifs

3.Le Comité salue le rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire de l’État partie et l’adoption de la Constitution de la IVe République par référendum le 17 novembre 2010. Il salue également les mesures législatives et institutionnelles prises par l’État partie, notamment :

a)La loi no 2011-014 du 28 décembre 2011 portant insertion dans l’ordonnancement juridique interne de la feuille de route ;

b)La loi no 2014-007 du 22 juillet 2014 portant création de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme ;

c)Les lois no 2014-035 du 9 janvier 2015 relative à l’abolition de la peine de mort et no 2016-053 du 16 décembre 2016 autorisant la ratification du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte visant à abolir la peine de mort ;

d)La loi no 2014-040 du 20 janvier 2015 sur la lutte contre la traite des personnes ;

e)La loi no 2015-020 du 8 octobre 2015 portant création de la Commission nationale électorale indépendante ;

f)La loi no 2016-017 du 22 août 2016 modifiant et complétant certaines dispositions du Code de procédure pénale.

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux ci-après, ou y a adhéré :

a)La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en 2015 ;

b)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2015.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Applicabilité du Pacte en droit interne et suite donnée aux constatations du Comité

5.Le Comité note que l’article 137 de la Constitution malgache consacre la primauté des traités internationaux sur la législation interne et que les dispositions du Pacte peuvent être directement invoquées devant les tribunaux. Il regrette néanmoins que ces dernières n’aient été que rarement invoquées ou appliquées par les tribunaux. Il demeure également préoccupé par le fait qu’il n’existe pas, à ce jour, de mécanisme chargé de mettre en œuvre ses constatations adoptées au titre du Protocole facultatif (art. 2).

6. L’État partie devrait  : a) poursuivre les mesures destinées à sensibiliser les juges, les avocats, les procureurs et autres agents d’application de la loi aux dispositions du Pacte de sorte que celles-ci soient prises en compte devant et par les tribunaux nationaux ; et b) envisager de mettre en place un mécanisme spécifique pour donner pleinement effet aux constatations du Comité.

Commission nationale indépendante des droits de l’homme et Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit

7.Le Comité note que la Commission nationale indépendante des droits de l’homme est opérationnelle depuis la prestation de serment de ses membres le 13 octobre 2016 et a déjà procédé à des investigations sur des affaires impliquant des violations des droits de l’homme. Il exprime toutefois ses regrets quant au fait que son budget autonome ne lui a toujours pas été alloué à ce jour. Le Comité est également préoccupé de ce que le Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit, dont la mission est d’observer le respect de l’éthique du pouvoir, de la démocratie et de l’état de droit et de contrôler la promotion et la protection des droits de l’homme, n’est à ce jour toujours pas opérationnel, ce qui implique également un retard dans la mise en place de la Haute Cour de justice (art. 2).

8. L’État partie est encouragé à : a) doter dans les meilleurs délais la Commission nationale indépendante des droits de l’homme d’un budget autonome et suffisant lui permettant d’accomplir pleinement son mandat ; b) garantir s a conformité avec les P rincipes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’homme (Principes de Paris) en initiant dans les meilleurs délais une procédure d’accréditation ; et c) accélérer le processus de mise en place du Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit et garantir l’indépendance de ladite institution en la dotant d’une autonomie financière et de ressources suffisantes lui permettant d’accomplir pleinement son mandat .

État d’urgence

9.Le Comité réitère ses préoccupations quant au fait que la loi no 91-011 du 11 juillet 1991 demeure en vigueur et n’interdit toujours pas explicitement les dérogations aux articles 6, 7, 8 (par. 1 et 2), 11, 15, 16 et 18 du Pacte, ni ne définit les garanties relatives à la mise en œuvre des dérogations aux autres articles du Pacte (art. 4).

10. L’ État partie devrait réviser les dispositions de sa législation a fin de la rendre compatible avec l’article 4 du Pacte, y compris en définissant les garanties relatives à la mise en œuvre des dérogations non prohibées par le Pacte.

Lutte contre la corruption

11.Tout en se félicitant des mesures législatives prises par l’État partie pour lutter contre la corruption et du recrutement, ces dernières années, de nouveaux magistrats et agents de police, le Comité constate avec préoccupation que la corruption est encore assez répandue dans les milieux politiques, dans la magistrature et dans les autorités de police sur le territoire de l’État partie. Il s’inquiète de ce qu’un tel phénomène : a) mine le processus de réconciliation nationale ; b) perpétue le sentiment de défiance des citoyens malgaches à l’égard des institutions de l’État partie ; et c) favorise l’impunité de certains auteurs de violations des droits de l’homme (art. 2, 14, 25 et 26).

12. L’État partie devrait : a) veiller strictement au respect du principe de séparation des pouvoirs et redoubler d’efforts dans sa lutte contre la corruption et l’impunité qui y est associée ; b ) accélérer le processus de mise en place de la Haute Cour de j ustice a fin de garantir de manière effective l’indépendance et l’impartialité de la justice ; c) poursuivre ses efforts de recrutement et de formation de nouveaux magistrats et agents de police, selon des critères de grande transparence, de professionnalisme et d’honnêteté ; d) veiller à ce que les mécanismes de contrôle des affaires publiques, y compris le Bureau indépendant anticorruption, soient effectifs et efficaces ; et e) garantir que l’ensemble des affaires de corruption fassent l’objet d’enquêtes, de mesures disciplinaires et , au besoin , de sanctions judiciaires adéquates.

Enquêtes sur les violations des droits de l’homme entre 2009 et 2013 et processus de réconciliation nationale

13.Le Comité prend note de la loi no 2012-007 du 3 mai 2012 portant amnistie pour la réconciliation nationale, mais regrette toutefois le manque d’informations et de données concernant : a) les poursuites impartiales menées contre les responsables d’actes de torture, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires et sommaires, entre 2009 et 2013, faits qui ne sauraient être amnistiés ; et b) les cas où, en conformité avec la loi no 2012-007, l’amnistie a été accordée. Il est également préoccupé par le fait que le Conseil de la réconciliation malgache et la Caisse nationale de réparations et d’indemnisation, institutions clés du processus de réconciliation nationale, ne sont toujours pas opérationnels, ce qui constitue un obstacle à la bonne mise en œuvre dudit processus (art. 2, 6 et 7).

14. L’État partie devrait accélérer le processus de réconciliation nationale, notamment : a) en enquêtant sur toutes les allégations d’actes de torture, de disparitions forcées, d’exécutions extrajudiciaires et sommaires , et en fai sant en sorte qu’aucune violation grave des droits de l’homme perpétrée dans le passé ne reste impunie ; et b) en rendant opérationnels le C onseil de la réconciliation mal gache et la Caisse nationale de réparations et d’indemnisation , en les dotant de ressources suffisantes.

Cadre de lutte contre la discrimination

15.Le Comité demeure préoccupé par l’absence de législation complète sur la discrimination apportant une définition et une interdiction claires de la discrimination, directe et indirecte, ainsi que des motifs de discrimination. Il est à cet égard particulièrement préoccupé par la situation : a) des personnes vivant avec le VIH/sida ; et b) des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, victimes de stigmatisation et d’actes de discrimination (art. 2, 3 et 26).

16. L’ État partie devrait : a) adopter une législation complète pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale incluant une définition de la discrimination, directe et indirecte, y compris l’orientation sexuelle et l’identité de genre  ; b) s’assurer que toute s les victimes de discrimination ont accès à des recours efficaces  ; et c) prendre toutes les mesures intérimaires nécessaire s , en attendant l’adoption d’une législation complète, pour combattre et prévenir la stigmatisation et les actes de discrimination à l’égard des personnes vivant avec le VIH/sida et des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées .

Égalité salariale entre hommes et femmes et représentation des femmes dans la vie publique et politique

17.Le Comité prend note de l’information selon laquelle l’égalité salariale entre hommes et femmes est garantie dans la fonction publique malgache. Il demeure toutefois préoccupé par les informations faisant état d’écarts salariaux importants dans le secteur privé. Il s’inquiète également, en dépit des progrès accomplis, de la faible représentation des femmes aux postes politiques électifs ainsi que de leur faible présence à des postes de responsabilité dans les secteurs public et privé (art. 2, 3, 25 et 26).

18. L’ État partie devrait  : a) poursuivre les mesures visant à garantir une meilleure représentation des femme s dans les affaires publiques en adoptant, si nécessaire, des mesures temporaires spéciales pour donner pleinement effet aux dispositions du Pacte ; b) sensibiliser les partis politiques à la parité et encourager les femmes à se porter candidates à des postes politiques électifs ; c) prendre des mesures en vue d’accroître le nombre de femmes à des postes de responsabilité , notamment dans le secteur privé  ; et d) prendre toutes les mesures nécessaires en vue de corriger les différences de salaires observées entre hommes et femmes, particu lièrement dans le secteur privé.

Discrimination et pratiques préjudiciables à l’égard des femmes

19.Le Comité prend note de la réforme du Code de la nationalité en 2016, permettant désormais à la femme de transmettre automatiquement sa nationalité à ses enfants. Il demeure toutefois préoccupé par le fait que les femmes ne peuvent toujours pas transmettre leur nationalité à leur mari étranger ou apatride ainsi qu’à leurs enfants adoptifs. Il s’inquiète également de la persistance de : a) discriminations en matière de propriété et d’administration foncière pour les femmes rurales ; et b) discriminations en matière successorale. Il est en outre préoccupé par le maintien de pratiques traditionnelles préjudiciables à l’égard des femmes et, en particulier, par : a) des informations faisant état de mariages forcés et précoces ; et b) le fait que la polygamie soit toujours pratiquée. Le Comité prend note des progrès accomplis pour lutter contre la croyance, notamment dans la région de Mananjary, selon laquelle le fait d’avoir des enfants jumeaux porterait malheur, mais demeure préoccupé par la situation des femmes ostracisées lorsqu’elles décident d’élever leurs jumeaux (art. 2, 3, 7, 23, 24 et 26).

20. L’ État partie devrait  : a) poursuivre les mesures visant à accélérer la révision de toute législation pertinente a fin d ’assurer une stricte égalité entre hommes et femmes, notamment dans le domaine de la nationalité, de l’accession à la propriété et des successions ; b) poursuivre ses efforts pour lutter contre la pratique des mariages forcés et précoces et la polygamie ; et c) renforcer ses campagnes de sensibilisation auprès de sa population et des chefs traditionnels pour faire évoluer les attitudes à l’égard de s femme s , notamment les mères de jumeaux .

Interruptions volontaires de grossesse et santé sexuelle des femmes

21.Le Comité demeure préoccupé par l’article 317 du Code pénal malgache qui criminalise l’interruption volontaire de grossesse tant pour la mère que pour le personnel médical, sans aucune exception. Il s’inquiète de ce que ladite législation pousse les femmes à se faire avorter clandestinement, par des personnes non professionnelles de la santé et dans des conditions qui mettent leur vie et leur santé en danger. Tout en notant les efforts importants fournis par l’État partie en matière de planification familiale et de formation des agents de santé, le Comité demeure préoccupé par les taux toujours importants de grossesses précoces et de mortalité maternelle, en particulier parmi les jeunes femmes, ainsi que par l’inaccessibilité des services de santé sexuelle et reproductive en zone rurale et le manque d’information en matière de contraception (art. 2, 3, 6, 7, 17 et 26).

22. L’ État partie devrait : a) revoir sa législation en vue d’éliminer la prohibition sans exception de l’avortement qui incite les femmes à recourir à des avortements à risque, mettant leur vie et leur santé en danger ; b) garantir, dans l’attente de cette révision, qu’aucune poursuite ne soit engagée à l’encontre de femmes recourant à l’avortement, ainsi qu’à l’encontre de professionnels de la santé pratiquant un avortement ; c) améliorer l’accès des femmes à des soins et services de santé sexuelle ; d) améliorer l’accès aux contraceptifs sur l’ensemble d u territoire ; et e) poursuivre ses efforts d’organisation de programmes d’éducation et de sensibilisation sur l’importance de la contraception et des droits à la santé sexuelle et génésique.

Violence à l’égard des femmes

23.Le Comité prend note de la loi no 2000-21 du 28 novembre 2000, qui érige la violence familiale et les sévices sexuels en infractions pénales, mais demeure toutefois préoccupé par : a) la prévalence du phénomène sur le territoire de l’État partie ainsi que sa large acceptation sociale ; b) le faible taux de dénonciation desdites violences par les victimes, notamment en raison d’un manque de confiance dans les institutions judiciaires et de pressions sociales ; c) l’article 332 qui punit le viol mais ne prévoit pas le viol conjugal ; d) le manque de données relatives aux enquêtes, poursuites et réparations accordées aux victimes dans le cadre de la loi no 2000-21 ; et e) le faible nombre de cliniques juridiques (centres d’assistance) chargées de soutenir les victimes de violence, en particulier en milieu rural (art. 3, 6, 7 et 26).

24. L’ État partie devrait  : a) élaborer, de manière prioritaire , une législation définissant et criminalisant l’ensemble des actes de violence à l’égard des femmes, en particulier la violence familiale, le viol conjugal et les sévices sexuels ; b) encourager la dénonciation de toutes les violences par les victimes , notamment en lançant des campagnes de sensibilisation de la population et en veillant à ce que l’ensemble des autorités de police et judiciaires a it reçu une formation adéquate pour prendre en charge les cas de violences basées sur le genre ; c) garantir que les cas de violence fassent l’objet d’une enquête approfondie et que les auteurs soient traduits en justice ; d) améliorer le système de collecte et d’utilisation des données sur les violences basées sur le genre par les services de police et de gendarmerie nationale ; et e) augment er les structures d’accueil et les dispositifs de prise en charge des victimes.

Vindictes populaires

25.Le Comité exprime sa préoccupation face à l’augmentation du sentiment de défiance envers l’État et son système de justice se traduisant par des cas de vindictes populaires et de lynchage de personnes suspectées d’infractions. Il est préoccupé par les informations faisant état d’un taux important de classement d’affaires pénales concernant des personnes ayant participé à ces vindictes (art. 2, 6 et 7).

26. L’État partie devrait : a) prendre des mesures concrètes pour restaurer la confiance de ses citoyens envers ses institutions judiciaires ; b) mener des enquêtes et poursuivre tous les auteurs présumés de vindictes populaires ou de lynchage et, s’ils sont reconnus coupables, les condamner à des sanctions appropriées ; et c) poursuivre les mesures prises et mener des campagnes de sensibilisation sur l’illégalité de la justice expéditive et populaire et sur la responsabilité pénale des auteurs.

Exécutions sommaires et extrajudiciaires commises par les forces de l’ordre

27.Le Comité exprime ses préoccupations quant aux informations faisant état d’exécutions sommaires et extrajudiciaires commises par les forces de l’ordre, notamment dans le contexte des opérations de sécurisation des régions où opèrent les dahalo(voleurs de bovidés). Il demeure préoccupé par : a) les allégations d’attaques indiscriminées par les forces de l’ordre contre des groupes supposés être des dahalo ; b) les allégations selon lesquelles, au cours de l’opération Tandrokaen 2012, les forces de l’ordre auraient indistinctement exécuté un nombre important de personnes, parmi lesquelles des civils ; et c) les représailles menées par les forces de l’ordre, suite à des vindictes populaires ainsi qu’en témoignent les événements d’Antsakabary (art. 6).

28. L’État partie devrait  : a) mener de manière systématique des enquêtes promptes, impartiales et efficaces pour identifier les responsables d’exécutions sommaires et extrajudiciaires , les poursuivre et, s’ils sont reconnus coupables , les condamner à des sanctions appropriées  ; et b) veiller à ce que les familles des victimes reçoivent une réparation appropriée.

Interdiction de la torture et des mauvais traitements

29.Le Comité exprime ses préoccupations quant au fait qu’à ce jour, la législation malgache ne prévoit toujours pas de peines sanctionnant les mauvais traitements ni l’imprescriptibilité pour les actes de torture. Il s’inquiète également de ce que ni le Code pénal ni le Code de procédure pénale n’incluent les dispositions de la loi no 2008-008 sur la lutte contre la torture. Le Comité exprime également ses préoccupations quant aux allégations faisant état d’actes de torture et de traitements inhumains ou dégradants sur des personnes lors de l’arrestation et de la garde à vue. Il demeure à cet égard préoccupé par l’absence de données relatives aux enquêtes, poursuites et condamnations prononcées dans les cas de torture et mauvais traitements (art. 7, 10 et 14).

30. L’ État partie devrait : a) réviser dans les meilleurs délais la loi n o 2008-008 dans le but de garantir l’inclusion de sanctions contre les mauvais traitements, l’imprescriptibilité des actes de torture et l’inadmissibilité des aveux obtenus sous la contrainte ou la torture comme preuve devant les tribunaux ; b) effectuer les ajustements nécessaires a fin de refléter les dispositions de la loi n o 2008-008 dans le Code pénal et le Code de procédure pénal e  ; c) s’assurer que les cas présumés de torture et de mauvais traitements commis par les forces de police et de sécurité font l’obj et d’une enquête approfondie, et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées ; d) s’assurer que les victimes sont dûment indemnisées et se voient proposer des mesures de réadaptation  ; et e ) créer un mécanisme indépendant chargé d’enquêter sur les plaintes pour les faits de torture et de mauvais traitements commis par des membres des forces de police et de sécurité.

Châtiments corporels

31.Le Comité prend note de la loi no 2007-023 du 20 août 2007 sur les droits et la protection de l’enfant. Il regrette toutefois qu’à ce jour, les châtiments corporels ne soient formellement prohibés que dans le cadre scolaire (art. 7 et 24).

32. L’État partie devrait prendre des mesures pratiques , notamment d’ordre législatif, pour mettre un terme aux châtiments corporels dans tous les contextes. Il devrait encourager le recours à des formes non violentes de discipline pour remplacer les châtiments corporels et mener des campagnes d’information pour sensibiliser la population aux effets préjudiciables de cette pratique.

Garde à vue et garanties juridiques fondamentales

33.Le Comité demeure préoccupé par : a) les délais de garde à vue qui peuvent être prolongés jusqu’à douze jours, et ce, sur la base de critères insuffisamment définis par la législation ; et b) les allégations selon lesquelles les personnes en détention rencontrent des difficultés pour disposer des services d’un avocat. Il exprime également son inquiétude quant aux informations, confirmées par la délégation, selon lesquelles les plaignants ont la possibilité de contribuer aux frais de fonctionnement des officiers de police judiciaire afin d’accélérer la procédure d’enquête, ce qui constitue une rupture d’égalité devant le service public (art. 9, 14 et 26).

34. L’ État partie devrait : a) revoir sa législation pour garantir que les prolongations de garde à vue soient décidées sur la base de critères clairement établis conformément à l’ o bservation générale n o 35 du Comité (2014) sur la liberté et la sécurité de la personne  ; b) s’assurer que l’ensemble des personnes en détention ont accès à un avocat, y compris en développant des services d’aide juridictionnelle ; et c) veiller au respect du principe d’égalité en dotant le Ministère de la sécurité publi que d’un budget adéquat lui permettant d’accomplir pleinement ses fonctions.

Détention préventive

35.Le Comité demeure préoccupé par le fait qu’en dépit de la révision du Code de procédure pénale de 2016, les délais de détention préventive demeurent excessifs et abusifs pour un très grand nombre de personnes (art. 7 et 9).

36. L’ État partie devrait : a) prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que la détention préventive reste soumise à des délais raisonnables ; b) prendre des mesures pour identifier les cas de détention illégale et ainsi remédier à la situation des personnes qui sont en détention préventive abusive ; et c) s’assurer que les victimes de détention préventive abusive sont dûment indemnisées .

Conditions carcérales

37.Le Comité accueille favorablement les efforts d’ouverture des lieux de détention mais demeure toutefois préoccupé par : a) le taux de surpopulation carcérale inquiétant, notamment en raison de la forte présence de prévenus ; b) les conditions d’insalubrité et les difficultés d’accès aux soins médicaux ; c) le taux inquiétant de malnutrition parmi les détenus, qui aurait entraîné la mort de certains d’entre eux ; et d) l’absence de séparation entre adultes et mineurs, et entre prévenus et détenus (art. 6, 7 et 10).

38. L’ État partie devrait : a) redoubler d’efforts pour améliorer les conditions de vie et le traitement des détenus, y compris la nutrition et l es soins médicaux ; b) poursuivre les mesures visant à remédier au problème de la surpopulation carcérale conformément à l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) ; c) s’assurer que les personnes ne restent pas en détention préventive au-delà des délais prévus et mettre en place une politique effective de recours aux peines de substitution à la privation de liberté ; et d) prendre les mesures nécessaires pour une séparation des détenus selon l’âge et le régime de détention.

Traite des êtres humains

39.Le Comité, tout en constatant les efforts importants déployés par l’État partie, demeure préoccupé par : a) l’ampleur de la traite, en particulier des femmes et des enfants, y compris à des fins d’exploitation économique ou sexuelle ; et b) les informations faisant état de l’exploitation de travailleurs migrants malgaches, notamment en Afrique du Nord et au Moyen-Orient (art. 7, 8 et 24).

40. L’État partie devrait : a) appliquer rigoureusement les dispositions de la loi n o 2014-040 du 20 janvier 2015 sur la lutte contre la traite ; b) allouer un budget suffisant au Bureau national de la lutte contre la traite des êtres humains lui permettant d’accomplir pleinement son mandat et de renforcer les mécanismes de surveillance ; c) s’assurer que les cas présumés de traite de personnes font l’objet d’une enquête approfondie, et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées ; et d) s’assurer que les travailleurs migrants mal gaches sont dûment informés de leurs droits et exercer un contrôle accru sur les agences de placement a fin de garantir qu’aucun travailleur mal gache ne soit exploité à l’étranger.

Travail des enfants

41.Le Comité accueille favorablement la législation sur les pires formes de travail des enfants et le Plan national d’action pour la lutte contre le travail des enfants mais demeure toutefois préoccupé par les informations faisant état de travail domestique, de travail dans les milieux agricoles, mines et carrières et d’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales (art. 7, 8 et 24).

42. L’ État partie devrait : a) s’assurer que sa législation interdit et définit le travail des enfants ; b) s’assurer que des ressources suffisantes sont allouées pour la mise en œuvre du Plan n ational d’ a ction pour la l utte contre le t ravail des e nfants  ; c) s’assurer que les inspecteurs du travail ont une formation spécialisée sur la question et disposent de ressources adéquates pour procéder à leurs activités de contrôle sur l’ensemble du territoire ; d) s’assurer que les cas présumés de travail des enfants font l’objet d’une enquête approfondie, et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, condamnés à des peines appropriées ; et e) s’assurer que les enfants victimes disposent de mesures de réadaptation.

Réfugiés et demandeurs d’asile

43.Tout en notant le caractère résiduel du nombre de réfugiés et demandeurs d’asile à Madagascar à ce jour, le Comité regrette toutefois que l’État partie ne dispose toujours pas d’un cadre juridique cohérent pour la détermination du statut de réfugié et n’ait pris aucune initiative en vue de créer un bureau pour les réfugiés et les apatrides (art. 13).

44. L’ État partie devrait : a) revoir le décret n o 94-652 du 11 octobre 1994 fixant modalités d’application de la loi n o 62-006 du 6 juin 1962 sur l’organisation et le contrôle de l’immigration en vue d’assurer que les demandeurs d’asile ont accès à une procédure équitable et satisfaisante de détermination de leur statut de réfugié ; et b) envisager de ratifier le Protocole relatif au statut des réfugiés.

Administration de la justice et justice traditionnelle (dina)

45.Le Comité demeure préoccupé par : a) les informations faisant état d’interventions fréquentes des autorités politiques en matière judiciaire ; b) le fait que, même si les membres élus du Conseil supérieur de la magistrature constituent la majorité du Conseil, le Président de la République et le Ministre de la justice soient respectivement Président et Vice-Président du Conseil, ce qui peut être vu comme une atteinte à son indépendance ; et c) le faible nombre de cas traités par ledit Conseil. Il s’inquiète également : a) des retards importants dans l’administration de la justice ; b) de la faible couverture judicaire sur le territoire de l’État partie ; et c) du coup élevé des procédures qui poussent un grand nombre de citoyens à préférer les systèmes de justice traditionnelle. À cet égard, il s’inquiète des informations alléguant que les dina traiteraient de cas excédant leur domaine de compétence limité au champ civil (art. 14).

46.L’État partie devrait : a ) garantir l’indépendance du pouvoir judicia i re vis-à-vis de toute interférence politique et poursuivre les efforts en vue de mettre en œuvre une justice accessible et efficace ; b) allouer des ressources humaines et financières supplémentaires à l’appareil judiciaire, y compris pour garantir une meilleure couverture judiciaire et une assistance judiciaire effective et de bonne qualité ; et c) veiller à ce que les dina ne traitent que d’affaires civiles et poursuivre ses efforts afin qu’aucune décision de dina contraire aux dispositions du Pacte ne soit mise en œuvre.

Enregistrement des naissances et droit à la reconnaissance de la personnalité juridique

47.En dépit des efforts notables fournis par l’État partie, le Comité demeure inquiet quant aux informations faisant état d’un nombre important d’enfants qui ne seraient toujours pas inscrits sur les registres d’état civil, en particulier dans certaines zones rurales. Il s’inquiète également de ce que, par l’effet restrictif des règles relatives à la nationalité, des personnes et enfants nés sur le territoire malgache demeurent apatrides (art. 7, 13, 16 et 24).

48. L’État partie devrait : a) poursuivre ses mesures visant à accélérer l’enregistrement des enfants non encore enregistrés ; b) poursuivre les campagnes de sensibilisation des populations et des familles à l’enregistrement des naissances ; et c) s’assurer que sa législation et réglementation en matière de nationalité règle l’ensemble des problèmes d’apatridie.

Liberté d’expression

49.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’intimidations, de harcèlement et de mauvais traitements à l’encontre de journalistes, d’opposants politiques et de défenseurs des droits de l’homme directement liés à l’exercice de leurs fonctions. Il s’inquiète également : a) des allégations de brouillages et coupures de courant à l’encontre de médias d’opposition ; b) de ce que le Code de la communication de 2016 prévoit la possibilité d’infliger des amendes disproportionnées pour diffamation, injure et outrage aux bonnes mœurs, ayant pour conséquence potentielle l’autocensure des journalistes ; et c) de ce que la loi no 2014-006 sur la lutte contre la cybercriminalité prévoit des peines de prison ferme pour injure ou diffamation faite à l’encontre des représentants de l’État par voie électronique (art. 7 et 19).

50. L’État partie devrait : a) prendre l es mesures nécessaires pour garantir la protection des journalistes, opposants politiques et défenseurs des droits de l’homme contre les menaces et les intimidations et leur donner la latitude nécessaire à l’exercice de leurs activités ; b) enquêter, poursuivre et condamner les responsables d’actes de harcèlement, de menaces et d’intimidations à l’encontre de journalistes, d’ opposants politiques et de défenseurs des droits de l’homme ; et c) revoir sa législation relative aux activités de la presse et des médias de manière à la rendre strictement conforme aux dispositions de l’article 19 du Pacte .

Libertés de réunion et d’association

51.Le Comité est préoccupé par les informations faisant état d’atteintes à la liberté d’association et à la liberté de réunion sur le territoire de l’État partie, caractérisées par : a) des refus d’autorisation de manifester pour les syndicats et les organisations non gouvernementales ; et b) des limitations pour rejoindre des mouvements syndicaux. Il s’inquiète également des informations selon lesquelles le droit de manifester, même pacifiquement, des opposants politiques serait systématiquement nié (art. 21 et 22).

52. L’État partie devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les particuliers et tous les partis politiques puissent jouir pleinement, en pratique, du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association, et notamment garantir que toute restriction imposée à l’exercice de ces droits soit conforme aux conditions strictes énoncées dans le Pacte.

Participation aux élections

53.Le Comité exprime ses préoccupations quant au retard et aux difficultés de mise en œuvre du processus de réconciliation nationale, processus crucial pour que l’ensemble des acteurs de la vie politique puisse accepter les prochaines élections et y participer. Il demeure préoccupé par : a) l’actuel découpage électoral qui ne garantit pas l’égalité entre les districts ; b) les informations faisant état du manque d’indépendance de la Commission nationale électorale indépendante ; c) l’actuelle procédure de plaintes établissant des délais de soumission trop brefs ; et d) le faible taux de participation notamment des femmes et des personnes handicapées dans le processus électoral (art. 3, 25 et 26).

54. L’ État partie est encouragé à : a) mettre tous les moyens en œuvre pour accélérer le processus de réconciliation nationale avant les prochaines échéances électorales ; b) mettre tous les moyens en œuvre pour garantir la bonne tenue d ’ élections libres et équitables ; c) renforcer l’indépendance de la Commission nationale électorale indépendante et garantir l’accès de tous les citoyens à de s procédures de plainte et de recours utile en cas de contestation ; et d) favoriser et garantir la participation de tous les citoyens au processus électoral, notamment les femmes et les personnes souffrant d’un handicap.

D.Diffusion et suivi

55.L’État partie devrait diffuser largement le texte du Pacte, de son quatrième rapport périodique, des réponses écrites à la liste des points à traiter établie par le Comité et des présentes observations finales auprès des autorités judiciaires, législatives et administratives, de la société civile et des organisations non gouvernementales présentes dans le pays, ainsi qu’auprès du grand public, afin de les sensibiliser aux droits consacrés par le Pacte. L’État partie devrait faire en sorte que le rapport, les réponses écrites et les présentes observations finales soient traduits dans ses langues officielles.

56.Conformément au paragraphe 5 de l’article 71 du règlement intérieur du Comité, l’État partie est invité à faire parvenir, dans un délai d’un an à compter de l’adoption des présentes observations finales, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations formulées aux paragraphes 8 (Commission nationale indépendante des droits de l’homme et Haut Conseil pour la défense de la démocratie et de l’état de droit), 14 (Enquêtes sur les violations des droits de l’homme entre 2009 et 2013 et processus de réconciliation nationale) et 30 (Interdiction de la torture et des mauvais traitements).

57.Le Comité demande à l’État partie de lui soumettre son prochain rapport périodique le 28 juillet 2021 au plus tard et d’y faire figurer des renseignements précis et à jour sur la mise en œuvre des recommandations faites dans les présentes observations finales et sur l’application du Pacte dans son ensemble. Le Comité demande également à l’État partie, lorsqu’il élaborera ce rapport, de tenir de vastes consultations avec la société civile et les organisations non gouvernementales présentes dans le pays. Conformément à la résolution 68/268 de l’Assemblée générale, le rapport ne devra pas dépasser 21 200 mots. Le Comité invite également l’État partie à accepter, d’ici le 28 juillet 2018, la procédure simplifiée d’établissement des rapports, qui consiste pour le Comité à transmettre une liste de points à l’État partie avant que celui-ci ne soumette son rapport. Les réponses à cette liste constitueront le rapport périodique suivant à soumettre par l’État partie en application de l’article 40 du Pacte.