Nations Unies

CED/C/14/2

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

17 juillet 2018

Français

Original : espagnol

Comité des disparitions forcées

Rapport sur les demandes d’action en urgence reçues au titre de l’article 30 de la Convention *

A.Introduction

1.Le règlement du Comité (CED/C/1) dispose en ses articles 57 et 58 que sont portées à l’attention du Comité toutes les demandes d’action en urgence qui sont présentées pour examen par le Comité au titre de l’article 30 de la Convention. Tout membre du Comité qui en fait la demande peut obtenir le texte intégral des demandes dans la langue originale. Le présent rapport résume les principales questions abordées au sujet des demandes d’action en urgence reçues par le Comité et les décisions prises depuis la treizième session du Comité en vertu de l’article 30 de la Convention.

B.Demandes d’action en urgence reçues depuis la treizième sessiondu Comité

2.Dans la note relative aux demandes d’action en urgence publiée à sa treizième session, le Comité rendait compte des décisions prises au sujet des 385 demandes d’action en urgence enregistrées à la date du 12 juillet 2017. Entre cette date et le 1er juin 2018, le Comité a reçu 110 nouvelles demandes d’action en urgence, dont 101 ont été enregistrées. Ces dernières ont trait à des faits survenus en Colombie, au Honduras, en Iraq, au Kazakhstan, au Maroc et au Mexique. On trouvera ci-après la liste des demandes d’action en urgence enregistrées (voir tableau).

3.Six demandes n’ont pas été enregistrées pour les raisons suivantes : la victime présumée a été localisée quelques heures après que les auteurs ont envoyé la demande d’action en urgence (Mexique) ; l’auteur de la demande n’a pas répondu aux messages que lui a envoyés le secrétariat pour l’inviter à fournir des renseignements complémentaires quant à l’identité de la personne disparue (Mexique) ; les renseignements fournis n’étaient pas suffisants pour permettre d’enregistrer la demande et les auteurs n’ont pas répondu à la lettre du Comité les invitant à fournir des renseignements complémentaires (deux cas concernant Cuba) ; les auteurs n’ont pas spécifié dans quel pays la disparition avait eu lieu et n’ont pas répondu à la lettre du secrétariat ; ou les faits étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de la Convention (Colombie). Dans ce dernier cas, il a été suggéré aux auteurs de s’adresser au Comité des droits de l’homme

4.À la date où le présent rapport est établi, le Comité a par conséquent enregistré au total 495 demandes d’action en urgence, réparties comme suit, par année et par pays :

Tableau Demandes d ’ action en urgence enregistrées, par année et par pays

Année

Argentine

Arménie

Brésil

Cambodge

Colombie

Honduras

Iraq

Kazakhstan

Maroc

Mauritanie

Mexique

Sri Lanka

Total

2012

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

5

-

5

2013

-

-

-

-

1

-

-

-

-

-

6 a

-

7

2014

-

-

1

1

1

-

5

-

-

-

43

-

51

2015

-

-

-

-

3

-

43

-

-

-

165

-

211

2016

-

-

-

-

4

-

22

-

1

-

58

-

85

2017

2

1

-

-

3

-

43

2

2

1

31

1

86

2018 b

-

-

-

-

6

14

10

-

-

-

20

-

50

Total

2

1

1

1

18

14

123

2

3

1

328

1

495

a La demande d ’ action en urgence n o  9/2013 concerne deux personnes. Elle est donc comptée comme deux demandes d ’ action en  urgence.

b Au 1 er  juin 2018.

C.Suite donnée aux demandes d’action en urgenceaprès leur enregistrement : tendances observéesdepuis la douzième session (jusqu’au 12 juillet 2017)

1.Interaction avec les États parties

5.Le Comité maintient des contacts permanents avec les États parties par l’intermédiaire des missions permanentes desdits États. Toutefois, le Comité réaffirme que pour que les recommandations qu’il formule dans le prolongement des demandes d’action en urgence aient un plus grand poids, il importe d’établir des relations plus directes avec les autorités chargées de rechercher les personnes disparues et d’enquêter sur leur disparition, de manière que le Comité puisse leur faire part directement de ses préoccupations et recommandations chaque fois qu’il convient. Jusqu’à présent, aucune voie permettant d’établir de telles relations n’a pu être identifiée, mais le Comité insiste sur l’importance d’une telle relation et interroge les États parties sur les options qui pourraient être mises en œuvre dans ce sens.

6.La teneur des réponses des États parties confirme plusieurs des tendances relevées dans les rapports adoptés aux onzième, douzième et treizième sessions (CED/C/11/3, CED/C/12/2 et CED/C/13/3). Comme précédemment, la majorité des cas porte sur des faits survenus au Mexique et en Iraq. Le Comité relève les constantes ci-après dans les réponses des États parties.

7.Dans le cas du Mexique, à la date d’établissement du présent rapport, le Comité n’avait pas reçu de réponse dans 70 des actions en urgence enregistrées ; et l’État partie n’avait pas répondu à 20 des lettres de suivi. En pareil cas, des lettres de rappel sont envoyées.

8.S’agissant des procédures d’action en urgence dans lesquelles le Mexique a répondu aux demandes et recommandations du Comité, les tendances ci-après se confirment :

a)Dans toutes les procédures d’action en urgence engagées, il continue à ressortir des observations de l’État partie et des commentaires des auteurs que les mesures prises sont ponctuelles, isolées, de nature essentiellement formelle, et qu’elles ne semblent pas s’inscrire dans une stratégie d’enquête et de recherche préalablement définie, ni obéir à une telle stratégie ;

b)Il ressort des renseignements disponibles que, dans bien des cas, c’est à la demande des membres de la famille et des proches de personnes disparues, ou de leurs représentants, que les autorités compétentes ouvrent une enquête. Lorsque les membres de la famille et les proches des personnes disparues ou leurs représentants ne sont pas en mesure d’identifier des pistes sur lesquelles se fonder pour enquêter dans l’affaire en cause et n’insistent pas auprès des autorités pour qu’elles prennent les mesures voulues, les dossiers restent généralement au point mort ;

c)La première étape des recherches consiste généralement en des courriers envoyés aux hôpitaux et aux centres de détention pour obtenir des informations. La plupart de ces demandes demeurent sans réponse. Le Comité s’est dit préoccupé de ce qu’en pareil cas le ministère public ne semblait pas faire pleinement usage de ses attributions, qui l’autorisent notamment à prendre des mesures contraignantes, pour obtenir des autorités compétentes qu’elles fournissent les informations demandées. Le Comité a également été informé de cas dans lesquels des mesures contraignantes ont été prescrites, mais n’ont pas été suivies d’effet de la part des autorités compétentes ;

d)D’une manière générale, les enquêtes in situ demeurent très rares. Dans bien des cas, les auteurs de demandes d’action en urgence disent au Comité que les autorités chargées de l’enquête redoutent de se rendre sur les lieux où elles pourraient trouver des éléments de preuve pertinents ;

e)Les auteurs font aussi souvent valoir que les autorités chargées de l’enquête seraient directement ou indirectement impliquées dans les faits en cause et que les procédures de recherche et d’enquête n’avancent pas ;

f)Les rapporteurs relèvent également parmi les éléments récurrents que les enquêtes prescrites par le ministère public ne sont pas instruites. Il ressort en outre souvent des informations reçues, soit que les autorités n’interviennent pas, soit, dans certains cas, qu’elles entravent les procédures de recherche et d’enquête. Dans les affaires concernées, le Comité a demandé à l’État partie, d’une part, de mettre en place des mécanismes officiels clairs qui fassent que les équipes chargées de rechercher les personnes disparues et d’enquêter sur leur disparition forcée aient à rendre compte périodiquement et en toute transparence des progrès accomplis et des difficultés rencontrées ; et, d’autre part, de prendre toutes les mesures voulues pour que toute intervention des autorités de l’État partie susceptible d’avoir nui à l’efficacité des procédures de recherche et d’enquête en cours donne lieu à une enquête et aux sanctions qui s’imposent ;

g)Le morcellement des enquêtes entre les différentes institutions, notamment entre les institutions de l’État fédéral et celles des États fédérés, et l’absence de coordination interinstitutions et de stratégie commune, observés précédemment, se confirment. À cet égard, il a été dit qu’il était particulièrement difficile de regrouper tous les éléments de preuve dans une seule et même enquête. La multiplicité des enquêtes et l’absence de coordination contribuent à prolonger de manière excessive la durée des enquêtes.

9.Pour ce qui est des demandes d’action en urgence enregistrées pour des faits survenus en Iraq, le Comité rappelle, comme indiqué dans les rapports adoptés à ses douzième et treizième sessions, qu’il a envoyé une quatrième lettre de rappel portant sur 23 des demandes d’action en urgence enregistrées. À sa douzième session, le Comité a tenu une réunion bilatérale avec la Mission permanente de la République d’Iraq, qui avait pour objet de permettre à l’État partie d’exposer les raisons pour lesquelles il n’avait pas été en mesure de répondre aux lettres du Comité. Après avoir reçu les éclaircissements demandés sur la procédure d’action en urgence, l’État partie s’est engagé à fournir des renseignements dans le cadre des procédures d’action en urgence dans les semaines suivant la session, ce qu’il a fait. Néanmoins, à la date d’établissement du présent rapport, 15 des actions en urgence concernant l’Iraq demeurent sans aucune réponse, en dépit des quatre rappels envoyés. En ce qui concerne les autres demandes d’action en urgence, le Comité est préoccupé par la nature des réponses envoyées par l’État partie. Celui-ci a en effet d’abord envoyé des réponses dans lesquelles il demandait au Comité de lui transmettre des informations sur l’identité de la personne disparue, informations que le Comité lui avait déjà communiquées dans des lettres antérieures ; qu’il fournisse des renseignements sur les auteurs de la demande d’action en urgence concernée ; ou que les membres de la famille des personnes signalées disparues qui s’étaient présentés à la Direction des droits de l’homme s’adressent au Bureau de l’Inspecteur général du Ministère de l’intérieur pour « déposer une demande officielle de recherche et pour témoigner afin de faciliter les recherches en cours ». En réponse à ces lettres, le Comité a appelé l’attention de l’État partie sur le fait que l’information demandée au sujet de l’identité des victimes avait déjà été fournie et que celle demandée au sujet des auteurs de la demande était confidentielle ; et s’est dit préoccupé par la manière dont les personnes qui s’étaient présentées à la Direction des droits de l’homme avaient été accueillies (voir CED/C/12/2et CED/C/13/3).

10.Depuis la dernière session du Comité, l’Iraq a envoyé des réponses « groupées » pour indiquer qu’il ne disposait pas d’informations sur les personnes au nom desquelles les demandes d’action en urgence avaient été enregistrées. Des lettres de ce type ont été envoyées le 15 décembre 2017 au sujet de 33 demandes d’action en urgence, le 2 février 2018 au sujet de 23 demandes d’action en urgence, le 7 février 2018 au sujet de 31 demandes, le 28 mars 2018 au sujet de 36 demandes et le 17 avril 2018 au sujet de 22 demandes (certaines des demandes d’actions en urgence étaient évoquées dans plusieurs lettres). Compte tenu de ce qui précède, le Comité a envoyé des lettres à l’État partie dans lesquelles il lui a rappelé que ce type de réponse n’était pas conforme à ses obligations conventionnelles. Le Comité a également rappelé à l’État partie les demandes et recommandations formulées dans les documents d’enregistrement des demandes d’action en urgence en question, dans lesquelles les autorités compétentes étaient invitées à adopter des plans de recherche et d’enquête, et à prendre toutes les mesures nécessaires pour rechercher chacune des personnes disparues et enquêter sur sa disparition. Enfin, le Comité a rappelé à l’État partie son obligation au titre de l’article 30 de fournir des renseignements sur les mesures prises à ce sujet.

11.En ce qui concerne les demandes d’action en urgence concernant d’autres États parties, le Comité estime que le nombre de demandes enregistrées ne permet pas de dégager des phénomènes récurrents. Néanmoins, il insiste sur les éléments ci-après en rapport avec les demandes d’action en urgence enregistrées :

a)Argentine : i)la demande d’action en urgence enregistrée dans l’affaire qui concerne l’enfant Ezequiel est toujours en instance (demande d’action en urgence no 358/2017). L’État partie continue à nier l’implication des autorités dans les faits en cause. Une lettre de suivi a été envoyée à l’État partie, dans laquelle lui est rappelée l’obligation qui lui incombe d’enquêter sur toutes les hypothèses qui peuvent exister dans cette affaire, ainsi que sur les faits qui pourraient avoir été dissimulés lors des recherches visant à retrouver l’enfant disparu et de l’enquête sur sa disparition ; ii) pour ce qui est de la demande d’action en urgence enregistrée dans l’affaire concernant Santiago Maldonado (demande d’action en urgence no 381/2017), en octobre 2017, le Comité a été informé qu’un corps avait été retrouvé dans le fleuve Chubut, lequel a été identifié le 20 octobre 2017 par une équipe d’experts médico‑légaux comme étant celui de M. Maldonado. La famille a elle aussi reconnu le corps. Conformément au paragraphe 4 de l’article 30 de la Convention, le Comité a estimé que l’objectif de la demande d’action en urgence, à savoir de « chercher et [de] retrouver la personne disparue » avait été rempli. Le 23 janvier 2018, le Comité a envoyé une lettre à l’État partie dans laquelle il l’informait de la clôture de la procédure d’action en urgence. Dans cette lettre, le Comité a rappelé à l’État partie que le fait que le corps de Santiago Maldonado ait été localisé ne le dispensait pas de ses autres obligations au titre de la Convention, en particulier de celles consacrées par l’article 12 de procéder à une enquête approfondie, impartiale et indépendante sur les circonstances de la disparition de l’intéressé du 1er août 2017 au 20 octobre 2017 ; de garantir la pleine participation de la famille de M. Maldonado et de ses représentants à la procédure d’enquête ; de protéger les proches de la personne disparue et leurs défenseurs, ainsi que les témoins et toute personne participant à l’enquête, contre toute forme de pression, d’acte d’intimidation ou de représailles ; dans le cas où il serait avéré que Santiago Maldonado a été victime d’une disparition forcée, de veiller à ce que les responsables fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme et soient dûment sanctionnés, et de garantir le droit à réparation des victimes. Le Comité a publié une note explicative sur sa décision de clôturer la demande d’action en urgence. Cette note a été mise en ligne sur la page Web du Comité et diffusée par le Bureau régional du Haut‑Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (ci-après le Haut-Commissariat) au Chili ;

b)Arménie : dans l’affaire concernant Ara Khachatryan (demande d’action en urgence no 376/2017), l’État partie a envoyé sa réponse dans laquelle il souligne qu’une enquête préliminaire est en cours depuis 2011. Cette réponse a été communiquée aux auteurs de la demande aux fins de recueillir leurs commentaires. Au vu des informations reçues, le Comité a envoyé une lettre de suivi dans laquelle il rappelle à l’État partie l’obligation qui est la sienne de prendre des mesures concrètes pour rechercher la personne disparue et de veiller à ce que la famille et les proches de la personne disparue ainsi que leurs représentants soient dûment tenus informés et puissent participer aux procédures de recherche et d’enquête ;

c)Brésil : dans l’affaire concernant Davi Santos Fiuza (demande d’action en urgence no 61/2014), une note de suivi contenant une demande de renseignements complémentaires a été envoyée à l’État partie le 21 novembre 2017. L’État partie a demandé un délai supplémentaire pour répondre, lequel lui a été accordé jusqu’au 15 décembre 2017. Le Comité n’a pas reçu de réponse. Des rappels ont été envoyés à l’État partie ;

d)Cambodge : la demande d’action en urgence enregistrée au nom de Khem Sophath (demande d’action en urgence no11/2014) est toujours en instance. Une lettre de suivi a été envoyée à l’État partie en novembre 2017, dans laquelle le Comité lui demande de fournir des renseignements complémentaires et lui rappelle l’obligation qui lui incombe de prendre des mesures de recherche et d’enquêter sur la base de toutes les hypothèses existant dans ce dossier, y compris celle de la participation des agents de l’État aux faits en cause. Le Comité est extrêmement préoccupé par l’absence de réponse et de coopération de la part de l’État partie, malgré les nombreux rappels envoyés. Le Comité souligne qu’il est important que l’État partie prenne immédiatement des mesures pour chercher et retrouver la personne disparue, et qu’il fournisse des informations à ce sujet au Comité et aux familles, aux proches et aux représentants de la personne disparue, conformément à ses obligations conventionnelles ;

e)Colombie : comme indiqué dans le rapport de la douzième session du Comité, il ressort souvent des renseignements communiqués par l’État partie au sujet des 12 procédures d’action en urgence que, quelques mois après avoir été lancées, les enquêtes et les recherches sont au point mort. Dans différentes affaires, les auteurs ont fait savoir que les lettres du Comité avaient débouché sur des mesures concrètes, même si ces dernières ne semblent pas s’inscrire dans une stratégie de recherche et d’enquête claire (CED/C/13/3) ;

f)Honduras : au total 14 demandes d’action en urgence ont été enregistrées depuis la treizième session. Les allégations formulées portent sur deux types de cas : i) la disparition d’un homme de 24 ans, Manuel de Jesús Bautista Salvador, survenue dans le cadre du couvre-feu instauré par décret de l’exécutif le 1er décembre 2017 ; ii) 13 cas de personnes qui ont disparu au cours de leur parcours migratoire (voir les demandes d’action en urgence nos 454/2018 à 466/2018). Dans aucune de ces affaires, le lieu où les faits sont survenus n’est clair. Les seules hypothèses sont que la disparition aurait pu survenir au Mexique, au Guatemala, ou aux États-Unis d’Amérique. Pour autant, ces hypothèses n’ont jamais donné lieu à une enquête et il est allégué que les intéressés pourraient également avoir disparu en d’autres points de leur parcours migratoire. Le Comité a souligné que, selon les informations qui lui ont été communiquées, ces faits semblent s’inscrire dans un contexte de violence et de criminalité qui touche directement les migrants et qui comprend dans bien des cas des détentions illégales, des disparitions et des meurtres engageant la responsabilité d’agents de l’État par action, acquiescement ou omission. Dans ces circonstances, le Comité a demandé à l’État partie d’adopter une stratégie globale visant à mener des recherches complètes et à enquêter sur la disparition des personnes disparues compte tenu de la responsabilité qui lui incombe au titre de l’article 9 de la Convention, de prendre les mesures nécessaires « pour établir sa compétence aux fins de connaître d’un crime de disparition forcée […] quand la personne disparue est l’un de ses ressortissants ». Compte tenu des circonstances dans lesquelles se sont produits les faits dans chacune de ces affaires, le Comité a également demandé à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour engager une procédure de demande d’entraide judiciaire internationale auprès du Guatemala, du Mexique et des États-Unis, conformément à l’article 14 de la Convention, aux fins de retracer la route migratoire empruntée par les victimes et de faire la lumière sur les faits survenus. L’État partie a répondu à toutes les demandes du Comité qui attend les observations des auteurs ;

g)Kazakhstan : s’agissant des deux demandes d’action en urgence enregistrées en 2017 au nom de Zabit Kisi et Enver Kilic (demandes d’action en urgence nos 415/2018 et 416/2018), l’État partie a informé le Comité que les personnes disparues avaient été mises dans un avion aux fins d’être expulsées vers la Turquie et que les autorités ne disposaient d’aucune information sur ce qu’il était advenu de ces personnes et sur l’endroit où elles se trouvaient depuis lors. Le Comité a envoyé une lettre de suivi à l’État partie, dans laquelle il rappelle à celui-ci que les personnes disparues ont été vues pour la dernière fois entre les mains des autorités de l’État partie, ce qui lui fait obligation, au titre de la Convention, de chercher et de retrouver ces personnes. À cet égard, le Comité a invoqué les articles 14 à 16 de la Convention. Le Comité attend la réponse de l’État partie ;

h)Maroc : s’agissant des deux demandes d’action en urgence enregistrées en 2017, l’État partie a informé le Comité du lieu de détention de la victime présumée. Cette information a été communiquée aux auteurs pour recueillir leurs observations, lesquels auteurs ont confirmé être parvenus à entrer en contact avec les personnes au nom desquelles ils avaient introduit les demandes. Après cette confirmation, le Comité a suspendu l’examen des demandes d’action en urgence ;

i)Mauritanie : l’État partie a informé le Comité du lieu où était détenue la personne disparue et lui a indiqué que les visites avaient été autorisées. Cette information a été confirmée par les auteurs de la demande d’action en urgence. Le Comité a par conséquent décidé de suspendre l’examen de la demande d’action en urgence, en rappelant à l’État partie les obligations qui lui incombaient au titre de l’article 17 de la Convention ;

j)Sri Lanka : l’État partie n’a répondu ni à la demande d’action en urgence, ni aux rappels. Les rapporteurs ont invité l’État partie à participer à une rencontre qui visait à préciser la procédure prévue à l’article 30 de la Convention. Aucun représentant de la Mission permanente n’étant disponible, cette rencontre n’a pu avoir lieu au cours de la session, mais elle se tiendra prochainement avec le secrétariat du Comité.

12.Dans toutes les demandes d’action en urgence enregistrées, le Comité n’a de cesse de rappeler combien il est important que les activités de recherche soient menées le plus tôt possible après la disparition de la personne ; que des stratégies soient mises en place pour chercher la personne disparue et enquêter sur sa disparition ; et qu’il importe de ne pas perdre de vue que cette enquête est nécessaire notamment pour identifier les responsables, ce qui peut se révéler essentiel pour retrouver la personne disparue.

2.Interaction avec les auteurs

13.Le secrétariat continue à entretenir des échanges réguliers avec les auteurs de demandes d’action en urgence, essentiellement au moyen de lettres qu’il leur adresse au nom du Comité, mais aussi de manière directe, par courrier électronique et par téléphone. Des éléments récurrents ressortent de ces échanges, comme indiqué ci-après.

14.Les auteurs continuent de mettre en avant l’importance que revêt l’appui du Comité, dans lequel ils ont trouvé un interlocuteur après avoir fait plusieurs tentatives infructueuses auprès des autorités nationales. Ils soulignent également que suite aux lettres du Comité, ils ont pu obtenir des réponses à des demandes ponctuelles, principalement sur la mise en œuvre de mesures d’enquête spécifiques recommandées par le Comité.

15.Cependant, dans la majorité des cas, les auteurs continuent de signaler un manque de continuité dans ces mesures. Comme indiqué dans les rapports précédents (CED/C/13/3), dans bien des cas, très peu de temps après l’enregistrement des demandes d’action en urgence, les auteurs constatent avec déception que l’État ne s’acquitte pas de ses devoirs en matière de recherche et d’enquête. Ils soulignent avec inquiétude que les autorités compétentes ne prennent pas les mesures d’enquête qui s’imposent pour chercher et retrouver les personnes disparues, même lorsqu’il existe des indices pertinents sur lesquels elles pourraient s’appuyer pour faire avancer l’enquête et les recherches.

16.Les auteurs des demandes d’action en urgence font valoir comme précédemment que dans les affaires les plus anciennes les autorités nationales prennent de moins en moins de mesures pour chercher et retrouver les personnes disparues et se contentent de prendre des mesures d’ordre formel ou de conduire des investigations qui ont déjà été réalisées. Dans d’autres cas, ils font valoir que les autorités nationales ne prennent pas les mesures voulues, par exemple, pour que tous les témoins des faits soient dûment interrogés en temps utile aux fins de la recherche des personnes disparues et des enquêtes sur leur disparition, ou pour analyser comme il se doit les éléments de preuve disponibles (voir par exemple les affaires dans lesquelles il s’écoule plusieurs mois entre la transmission des registres d’appels téléphoniques aux autorités compétentes et le moment où ceux-ci sont analysés).

17.Parmi les principaux phénomènes observés dans l’examen des demandes d’action en urgence, on notera également les difficultés auxquelles se heurtent la famille et les proches des personnes disparues pour pouvoir participer aux procédures de recherche et d’enquête. Ces difficultés tiennent principalement au manque d’information sur les procédures en cours. Les auteurs des demandes soulignent que s’ils n’en font pas la demande, les autorités ne leur communiquent pas les renseignements pertinents, y compris lorsqu’elles prévoient des activités auxquelles il pourrait être utile qu’ils participent.

18.Dans certaines affaires, il a également été indiqué que les rares fois où les autorités avaient pris contact avec la famille ou les proches de la personne disparue comme elles sont tenues de le faire au regard de la loi et de la Convention, elles l’avaient fait d’une manière susceptible d’entraîner une victimisation secondaire (par exemple, au moyen de sms envoyés sans préavis sur le téléphone de membres de la famille et dans lesquels on pouvait lire par exemple : « Nous n’avons toujours aucun renseignement sur votre fils »). Dans ces affaires, le Comité a rappelé à l’État partie que, conformément au paragraphe 2 de l’article 24 de la Convention, « [t]oute victime a le droit de savoir la vérité sur les circonstances de la disparition forcée, le déroulement et les résultats de l’enquête et le sort de la personne disparue [et que t]out État partie prend les mesures appropriées à cet égard ». Sur ce point, il a précisé que les modalités d’information de la famille et des proches des personnes disparues faisaient partie intégrante des responsabilités de l’État partie et que cette obligation visait à permettre à la famille et aux proches de la personne disparue, ainsi qu’à leurs représentants, de prendre part aux procédures d’enquête, tout au long de celles-ci, et ce, de manière active et éclairée. Il s’agit entre autres choses d’informer correctement la famille et les proches de la personne disparue de leurs droits et de leur expliquer comment les exercer, mais aussi de les informer périodiquement des mesures mises en œuvre pour retrouver les personnes disparues et du déroulement de l’enquête sur leur disparition.

19.Dans le cas du Mexique, les auteurs indiquent souvent que l’appui aux membres de la famille et aux proches des personnes disparues est très limité et qu’il n’est pas adapté à leurs besoins. Dans les affaires où ce problème a été signalé, le Comité a rappelé à l’État partie l’importance que les mesures d’appui et de protection soient définies et mises en œuvre en concertation avec les bénéficiaires afin de s’assurer qu’elles répondent à leurs besoins. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a fait part de la même préoccupation dans ses observations finales sur le Mexique (E/C.12/MEX/CO/5-6, par. 43 et 44).

20.Le Comité demeure préoccupé par les menaces, les pressions et les représailles que subiraient les auteurs de demandes d’action en urgence, en particulier les auteurs de demandes portant sur des faits survenus au Mexique et en Colombie. Dans les procédures d’action en urgence concernées, les auteurs ont demandé au Comité d’intervenir et de solliciter la mise en place de mesures de protection de la part de l’État partie, afin de protéger les personnes qui sont en danger en raison de leurs liens avec la personne disparue ou des efforts qu’elles déploient pour la retrouver. En pareil cas, le Comité rappelle l’importance que les mesures de protection soient placées sous la responsabilité d’autorités qui ne fassent pas l’objet d’allégations concernant une éventuelle implication dans les faits en cause. Il souligne en outre qu’il importe que les modalités d’application des mesures de protection soient fixées de concert avec les bénéficiaires et leurs représentants, afin que ceux-ci puissent avoir toute confiance dans les personnes chargées de leur protection et que ces mesures soient pleinement adaptées à leurs besoins, dans le cadre des recherches engagées pour retrouver les personnes disparues et de l’enquête sur leur disparition. Dans cette optique, le Comité prie l’État partie d’organiser régulièrement des réunions de coordination entre les autorités chargées de la mise en œuvre des mesures provisoires, les bénéficiaires et leurs représentants.

D.Actions en urgence suspendues, clôturées, ou maintenues ouvertesaux fins de la protection des personnes en faveur desquelles des mesures de protection ont été autorisées

21. En application des critères adoptés par le Comité en séance plénière à sa huitième session :

a) Une action en urgence est suspendue lorsque la personne disparue a été retrouvée, mais qu’elle est toujours en détention. En effet, en pareil cas, cette personne est particulièrement exposée au risque de disparaître à nouveau et de ne plus bénéficier de la protection de la loi ;

b)Une action en urgence est clôturée lorsque la personne disparue a été retrouvée libre, quand elle a été retrouvée puis libérée ou quand elle a été retrouvée morte et que les membres de la famille ou les auteurs ne contestent pas ces faits ;

c)Une action en urgence est maintenue ouverte si la personne disparue a été retrouvée, mais que les personnes en faveur desquelles des mesures de protection ont été autorisées dans le cadre de l’action en urgence demeurent menacées. Dans ce cas, le Comité se contente d’assurer le suivi des mesures de protection autorisées.

22.À la date du présent rapport, le Comité a clôturé en tout 36 actions en urgence : dans 15 cas, la personne disparue a été retrouvée vivante et remise en liberté vivante et dans les 21 autres, les personnes disparues ont été retrouvées mortes.

23.En outre, le Comité a suspendu quatre procédures d’action en urgence, car la personne disparue avait été retrouvée, mais demeurait en détention.

24. Dans deux actions en urgence, la personne disparue a été retrouvée morte, mais l’action en urgence demeure ouverte, car les personnes en faveur desquelles des mesures de protection ont été autorisées continuent de recevoir des menaces.

E.Mesures prises dans le prolongement des décisions adoptées en séance plénière à la treizième session et questions soumises au Comité en séance plénière à sa quatorzième session

25.À sa treizième session, le Comité a décidé de prendre des mesures concrètes, avec le concours du secrétariat, pour diffuser des informations plus claires sur les procédures d’action en urgence, principalement auprès des organisations de la société civile et des agents des États parties. Les rapporteurs et le secrétariat ont élaboré une brochure d’information simple disponible en anglais, espagnol et français sur le site Web du Comité.

26.Dans le même ordre d’idées, le Comité demande de nouveau que soient multipliés les échanges et les activités de formation avec les autorités nationales en ce qui concerne la procédure d’action en urgence et ses objectifs, en coordination avec les bureaux extérieurs du Haut-Commissariat, ainsi que le programme de renforcement des capacités des organes conventionnels, dans une optique de renforcement des connaissances sur la portée et les objectifs des procédures d’action en urgence.

27.Le Comité répète que le nombre de demandes d’action en urgence enregistrées continue d’augmenter. Cet état de fait exige un renforcement d’urgence du nombre de fonctionnaires du secrétariat du Haut-Commissariat affectés au traitement des demandes d’action en urgence qui, au lieu d’augmenter, a diminué depuis la dernière session avec l’arrêt du programme financé par l’Allemagne.