Nations Unies

CCPR/C/105/D/1840/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 septembre 2012

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1840/2008

Décision adoptée par le Comité à sa 105e session (9-27 juillet 2012)

Communication p résentée par:

X. J. (représentée par un conseil, M. A. Collet)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

8 septembre 2008 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 10 décembre 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

23 juillet 2012

Objet:

Demande d’asile d’une mineure non accompagnée

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; griefs non étayés; irrecevabilité ratione materiae

Questions de fond:

Immixtion arbitraire dans la famille; protection de l’enfance

Articles du Pacte:

17 et 24

Articles du Protocole facultatif:

1er, 2 et 5 (par. 2 b))

Annexe

Décision du Comité des droits de l’homme prise en vertudu Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (105e session)

concernant la

Communication no 1840/2008 *

Présentée par:

X. J. (représentée par un conseil, M. A. Collet)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

8 septembre 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 juillet 2012,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1840/2008 présentée au nom de X. J. en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.1L’auteur de la communication, datée du 8 septembre 2008, est X. J., de nationalité chinoise, née le 2 octobre 1986. Elle se déclare victime de violations par les Pays-Bas des articles 17 et 24 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle est représentée par un conseil, M. A. Collet.

1.2Le 1er avril 2009, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires, agissant au nom du Comité, a rejeté la demande de l’État partie qui souhaitait que la recevabilité de la communication soit examinée séparément du fond.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a perdu ses parents à l’âge de 3 ans. Elle a alors vécu avec sa grand-mère. À la mort de sa grand-mère, l’un de ses oncles s’est occupé d’elle. La grand-mère et les parents de l’auteur étaient des militants politiques. Après leur décès, l’auteur a reçu des avertissements des autorités locales lui conseillant de ne pas suivre la même voie. Les habitants de son village ont aussi fait pression sur elle. En 1999, l’oncle de l’auteur a pris des dispositions pour qu’elle soit conduite aux Pays-Bas.

2.2L’auteur est arrivée sur le territoire des Pays-Bas en 1999, à l’âge de 13 ans. Elle a vécu avec un homme pendant deux ans avant de parvenir à s’échapper en 2001. C’est alors qu’elle a introduit une demande d’asile.

2.3En novembre 2001, l’auteur a introduit une demande d’asile, qui a été rejetée le 12 décembre 2001. Elle a formé un recours, qui a été rejeté par le tribunal de district de La Haye le 24 janvier 2002 pour ce qui concernait la demande d’asile; dans la même décision, le tribunal renvoyait la demande de permis de séjour pour mineur non accompagné, pour décision, aux autorités de l’immigration, étant entendu qu’il ne serait pas demandé à l’auteur de quitter le territoire des Pays-Bas tant que sa demande serait en cours d’examen. Cette demande a également été rejetée, en date du 27 février 2007. Dans une décision du 21 novembre 2007, le tribunal de district de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, a rejeté l’appel. Le 11 décembre 2007, l’auteur a formé un recours contre cette décision. Le 11 mars 2008, la Division administrative du Conseil d’État a confirmé la décision du Tribunal, les voies de recours internes étant ainsi épuisées.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que l’État partie a violé les droits qu’elle tient de l’article 17 du Pacte parce qu’elle vit aux Pays-Bas depuis l’âge de 13 ans et qu’elle a fait tout pour s’intégrer dans la société néerlandaise. Elle a été prise en charge par une institution néerlandaise de protection de la jeunesse (NIDOS) et, à l’époque où la communication a été présentée, elle vivait dans un foyer protégé. Elle a appris le néerlandais et s’est fait un réseau d’amis avec qui elle s’entend bien. Se référant à la jurisprudence du Comité dans l’affaire Winata c.Australie, elle indique que, comme elle vit aux Pays-Bas depuis l’âge de 13 ans, elle y a fait sa vie et s’y sent en sécurité. Par conséquent, elle invoque une violation du droit au respect de la vie privée et de la vie de famille.

3.2L’auteur ajoute qu’elle a été victime de violations de l’article 24 du Pacte. Elle fait valoir que l’Office de l’immigration n’a pas tenu compte du fait qu’elle n’avait que 15 ans lorsqu’elle a déposé sa demande d’asile et qu’elle a été traitée comme un demandeur d’asile adulte. Elle considère que l’État partie n’a pas respecté le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, et renvoie à la jurisprudence du Comité et aux articles 3 et 20 de la Convention relative aux droits de l’enfant.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 10 février 2009, l’État partie conteste la recevabilité de la communication en faisant valoir que les recours internes n’ont pas été épuisés, que les griefs ne sont pas étayés et que la communication est irrecevable ratione materiae. Il objecte que l’auteur n’a pas soulevé devant les tribunaux nationaux les questions concernant le respect de l’article 17 du Pacte, de sorte qu’ils n’ont pas eu la possibilité de répondre à ce grief. Il affirme donc que cette partie de la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

4.2L’auteur a suivi la procédure néerlandaise de demande d’un permis de séjour au titre de l’asile. Compte tenu de l’âge qu’elle avait à l’époque, les autorités ont examiné si elle ne pouvait pas bénéficier d’un permis de séjour ordinaire, dit «permis de séjour pour demandeur d’asile mineur non accompagné». Dans le cadre des procédures internes l’examen de son cas a visé principalement à déterminer si l’auteur avait besoin d’être protégée au titre de la loi sur l’asile ou en raison de son statut de mineur. Si toutefois l’auteur estimait qu’elle remplissait les conditions requises pour obtenir un permis de séjour en raison de la vie de famille qu’elle s’était construite aux Pays-Bas, elle aurait pu demander un permis de séjour ordinaire pour raisons spéciales, selon les dispositions du paragraphe 3 de l’article 3.4 du décret de 2000 sur les étrangers. Comme elle ne l’a pas fait, elle n’a pas épuisé les voies de recours internes.

4.3En ce qui concerne la référence à la jurisprudence du Comité dans l’affaire Winata c. Australie, l’État partie considère que les deux situations ne sont pas comparables. Dans l’affaire Winata il s’agissait d’un enfant qui avait passé toute son enfance en Australie et n’avait que peu ou pas de liens avec le pays d’origine de ses parents et l’expulsion des parents aurait constitué une immixtion illégale dans le droit au respect de la vie de famille. Dans la présente affaire, l’auteur a vécu en Chine, son pays d’origine, jusqu’à l’âge de 13 ans. Elle parle donc le chinois et connaît la culture et la société chinoises.

4.4Étant donné que l’auteur n’a pas expliqué la nature de sa vie de famille aux Pays‑Bas, cette partie de la communication devrait aussi être considérée comme insuffisamment étayée au titre de l’article 2 du Protocole facultatif. Il est clair que l’auteur n’a pas de famille aux Pays-Bas. La vie de famille qu’elle a décrite, sans donner plus de détails, consiste en un vaste réseau d’amis avec lesquels elle s’entend bien.

4.5L’État partie considère aussi que les griefs tirés de l’article 24 du Pacte devraient être considérés comme irrecevables, pour non-épuisement des recours internes, puisque la seule démarche de l’auteur a été de contester le résultat de l’examen visant à déterminer si elle pouvait prétendre à un permis de séjour ordinaire, dit «permis de séjour pour demandeur d’asile mineur non accompagné». Elle n’a pas engagé d’action contre le rejet de la demande d’asile elle-même. L’État partie note aussi que la violation de l’article 24 a été avancée pour la première fois dans les motifs de la demande de réexamen judiciaire déposée le 18 avril 2007. L’auteur avait 20 ans à l’époque. Compte tenu de son âge et sachant qu’elle était adulte lorsque les recours internes ont été épuisés, l’invocation de cette disposition est sans fondement.

4.6L’État partie affirme que les griefs tirés des articles 3 et 20 de la Convention relative aux droits de l’enfant sont irrecevables en vertu de l’article premier du Protocole facultatif parce qu’ils concernent des violations de droits consacrés non pas par le Pacte mais par la Convention relative aux droits de l’enfant.

4.7En date du 10 juin 2009, l’État partie a présenté ses observations sur le fond, tout en soulignant qu’il maintenait et réaffirmait ses observations sur la recevabilité. Il fait valoir que les demandes d’asile de mineurs non accompagnés sont évaluées attentivement. De plus, des garanties additionnelles sont appliquées pendant les entretiens en raison de l’âge du mineur. En règle générale, l’intérêt supérieur de l’enfant exige le rétablissement des relations avec les parents, la famille ou le milieu. L’État partie ajoute que lorsqu’une demande d’asile faite par un mineur non accompagné est rejetée, le Secrétaire d’État mène systématiquement une enquête pour déterminer si le retour du mineur dans son pays d’origine ou dans un autre pays est envisageable et raisonnable. S’il est établi qu’aucune des deux options n’est possible, le demandeur d’asile mineur peut recevoir un permis de séjour ordinaire, le «permis de séjour pour étranger mineur non accompagné».

4.8En ce qui concerne les conditions appropriées de prise en charge et de protection du mineur dans le pays de renvoi, l’État partie les définit comme ne différant pas fondamentalement des conditions accordées aux demandeurs d’asile qui se trouvent dans une situation comparable. Le placement dans une institution privée ou publique peut être considéré comme adéquat si la prise en charge qui y est assurée est jugée acceptable au regard des normes locales.

4.9À moins que le motif pour lequel un étranger souhaite rester aux Pays-Bas ne soit lié à la situation dans son pays d’origine de sorte que, de l’avis du Secrétaire d’État, pour apprécier correctement la situation il faut qu’une demande d’asile soit déposée, un permis de séjour peut être délivré en vertu du paragraphe 3 de l’article 3.4 du décret relatif aux étrangers, mais sous réserve d’une restriction autre que celles qui sont énumérées dans cet article. Autrement dit, le permis de séjour sera accordé en raison de l’existence de circonstances personnelles exceptionnelles. L’étranger qui estime que du fait d’une circonstance personnelle exceptionnelle il peut avoir droit à un permis de séjour en vertu du droit à la vie de famille, peut faire une demande de permis de séjour. Un tel permis ne peut être délivré que si l’intéressé a fait une demande au titre de l’article 3.4 du décret relatif aux étrangers, lu conjointement avec l’article 3.6.

4.10En ce qui concerne la présente affaire, l’État partie souligne d’abord que les déclarations de l’auteur au Comité sur les circonstances dans lesquelles elle a quitté la Chine et la date de son arrivée aux Pays-Bas ne concordent pas avec la version qu’elle a donnée aux autorités nationales. L’auteur n’avait pas signalé qu’elle était arrivée aux Pays‑Bas en 1999 et qu’elle avait été retenue par un homme pendant deux ans avant d’arriver à s’échapper et à déposer sa demande d’asile.

4.11L’État partie rappelle que, dans le cadre de la procédure d’asile, le premier entretien a eu lieu le 11 décembre 2011. Le 12 décembre, l’auteur a eu l’occasion de faire des commentaires sur sa demande d’asile. Un rapport écrit a été établi pour chacun de ces entretiens, durant lesquels elle a été assistée par un interprète qui parlait le mandarin. Dans une lettre en date du 12 décembre 2001, l’auteur a utilisé la possibilité qui lui était offerte d’apporter des modifications ou des précisions aux rapports. Le 12 décembre 2001, l’intention de rejeter la demande de permis de séjour au titre de l’asile et de refuser le «permis de séjour pour étranger mineur non accompagné» a été notifiée par écrit. L’auteur a eu l’occasion d’exprimer son point de vue sur les décisions prises, ce qu’elle a fait le jour même. Par décision du 12 décembre 2001, la demande de l’auteur a été rejetée et il a été décidé de ne pas lui délivrer le «permis de séjour pour étranger mineur non accompagné».

4.12L’auteur a introduit auprès du tribunal de district une demande de réexamen de cette décision, qui a été transmise au Secrétaire d’État par lettre, le 24 janvier 2002, afin qu’elle soit traitée en tant qu’ «objection», requête de droit administratif visant le réexamen d’une décision. Le tribunal de district a déclaré qu’il n’était pas compétent pour connaître de la demande de réexamen parce que l’auteur n’avait présenté aucun argument pour contester la décision de lui refuser un permis de séjour temporaire. Par décision du 27 février 2007, l’objection a été déclarée dénuée de fondement. Quant à la demande de réexamen judiciaire, elle a été déclarée dénuée de fondement par le tribunal de district de La Haye, siégeant à Bois-le-Duc, dans sa décision du 21 novembre 2007. Le 11 décembre 2007, l’auteur a fait appel de la décision du tribunal de district auprès de la Division de la juridiction administrative du Conseil d’État, recours qui a été déclaré dénué de fondement par décision du 11 mars 2008. Au moment où l’État partie a rédigé ses observations, l’auteur n’avait présenté aucune demande de permis de séjour au motif de circonstances personnelles exceptionnelles. Elle n’avait pas non plus demandé un autre type de permis de séjour ordinaire.

4.13En ce qui concerne les griefs tirés de l’article 17 du Pacte, l’État partie note que tous les types de relations interpersonnelles entrant dans le champ de la définition de la «famille» se fondent sur les traditions culturelles des États qui sont parties au Pacte, comme le mentionne le Comité dans son Observation générale no 16 relative à l’article 17 du Pacte. Une amitié intime sans liens de sang ni cohabitation ne peut pas être considérée comme un lien familial au regard des normes néerlandaises, ni d’ailleurs au regard des normes de la Chine, pays où la notion de famille est beaucoup plus large qu’elle ne l’est en Europe. L’État partie est d’avis qu’il n’y a pas de vie de famille dans la présente affaire et que par conséquent il n’y a pas d’atteinte au droit à la vie de famille.

4.14L’auteur a vécu en Chine jusqu’à l’âge de 13 ans et il n’y a donc aucune raison qu’elle ne puisse pas y retourner, d’autant qu’elle n’a pas de famille aux Pays-Bas et que dans un autre côté elle parle le chinois et connaît bien la culture et la société chinoises. Elle n’a nullement démontré que si elle retourne en Chine elle souffrirait d’exclusion sociale ou aurait des difficultés d’ordre financier. L’État partie considère donc que le grief de violation de l’article 17 devrait être déclaré manifestement dénué de fondement. Si le Comité devait conclure qu’il y a eu immixtion dans la vie de famille de l’auteur, l’État partie objecterait qu’une telle immixtion n’était ni arbitraire ni illégale. En effet, compte tenu de la familiarité de l’auteur avec la langue, la culture et les coutumes chinoises, un équilibre raisonnable a été établi dans cette affaire entre le droit de l’auteur à la vie de famille d’une part, et l’intérêt public, servi par l’application d’une politique restrictive d’admission d’autre part.

4.15En ce qui concerne le grief tiré de l’article 24 du Pacte, l’État partie souligne que la politique néerlandaise relative aux mineurs non accompagnés dont la demande d’asile est rejetée a été définie en accordant la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant. La règle qui veut que l’étranger mineur non accompagné soit renvoyé dans son pays répond à l’intérêt du mineur lui-même. En règle générale, l’intérêt supérieur de l’enfant exige le rétablissement de la relation avec ses parents, sa famille et, ce qui revêt une importance particulière dans la présente affaire, son milieu social. Lorsqu’il n’y a pas de protection ni de prise en charge conforme aux normes locales pour le demandeur d’asile mineur et que celui-ci ne peut pas subvenir à ses besoins, il peut lui être accordé un «permis de séjour pour étranger mineur non accompagné». De plus, l’âge du demandeur est pris en considération puisque la fondation NIDOS désigne un tuteur pour le mineur non accompagné. L’âge est aussi pris en compte durant les entretiens et l’évaluation de la demande. Les procédures nationales prévoient des garanties suffisantes à cet égard.

4.16Enfin, l’État partie note que l’auteur a eu suffisamment de temps pour démontrer que, dans son cas particulier et en raison de circonstances personnelles exceptionnelles, elle ne bénéficierait pas de la prise en charge ou de la protection adéquates en Chine. Elle avait un représentant légal, nommé par NIDOS, ainsi qu’un avocat, qui l’a représentée dans les procédures engagées au titre de la loi relative aux étrangers. Or elle n’a pas présenté de documents pour expliquer de manière convaincante les raisons pour lesquelles elle ne pourrait bénéficier d’une prise en charge et d’une protection appropriées en Chine. L’État partie ajoute que la référence à l’affaire Bakhtiyari c. Australie, faite par l’auteur, n’est pas pertinente parce dans cette affaire, les parents devaient quitter le pays tandis que les enfants étaient autorisés à y rester. À l’inverse, dans la présente affaire, l’auteur n’a aucune famille aux Pays-Bas; les deux affaires ne sont donc pas comparables.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 8 octobre 2009, l’auteur répond qu’elle a invoqué en substance l’article 17 auprès des juridictions nationales, en se référant l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui contient des dispositions équivalentes. Elle note également que le droit néerlandais relatif à l’immigration est organisé de telle manière qu’il sépare strictement les procédures de demande d’asile des autres procédures d’immigration. Ainsi, l’Office de l’immigration peut rejeter une demande qui a trait au droit à la vie privée ou à la vie de famille si cette demande est faite dans le cadre d’une procédure d’asile. Dans la procédure d’asile qu’elle a engagée, l’auteur a fondé sa demande sur l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. L’Office de l’immigration et le tribunal de district n’ont pas tenu compte de sa demande, en invoquant la législation applicable en matière d’immigration; or, en vertu de la Constitution néerlandaise, par laquelle l’État partie est tenu de respecter les obligations que lui imposent les instruments internationaux, comme la Convention européenne des droits de l’homme et le Pacte, ces autorités auraient dû examiner sa demande.

5.2Concernant la recevabilité du grief de l’article 24, l’auteur fait valoir qu’elle a invoqué cet article en substance devant les tribunaux nationaux. Elle est arrivée aux Pays‑Bas à l’âge de 13 ans. Néanmoins, elle n’a jamais été traitée comme une mineure durant la procédure de demande d’asile qui, de plus, a été déraisonnablement longue. Entre‑temps, elle s’est intégrée dans la société néerlandaise. Le fait qu’elle avait 20 ans à l’époque où elle a formé le recours n’entre pas en ligne de compte, puisque la violation de ses droits s’est produite alors qu’elle n’avait pas 18 ans.

5.3Pour ce qui est de ses griefs tirés des articles 3 et 20 de la Convention relative aux droits de l’enfant, même si le respect de ces dispositions n’entre pas dans le champ de compétence du Comité, leur applicabilité est incontestable. Ces articles sont, par essence, liés aux articles du Pacte.

5.4En ce qui concerne le fond, l’auteur insiste sur le fait que durant la procédure d’asile, elle n’a pas osé dire qu’elle avait été retenue par un homme pendant deux ans parce qu’elle avait peur des conséquences pour l’issue de la procédure d’asile. Ce n’est que quelques mois plus tard qu’elle a révélé cet élément dans ses motifs d’appel, présentés le 18 avril 2007. À l’argument de l’État partie qui estime que dès le début de la procédure, elle pouvait savoir que le permis de séjour lui serait refusé, elle répond qu’elle avait le droit de faire appel d’une telle décision et qu’on ne peut pas lui reprocher de l’avoir fait.

5.5En ce qui concerne l’article 17, l’auteur estime que la question de savoir si, théoriquement, elle serait capable de se créer des attaches en Chine n’est pas pertinente en l’espèce. La question pertinente qui se pose est de savoir si le fait de la renvoyer en Chine alors qu’elle a construit sa vie aux Pays-Bas constitue une violation de l’article 17 du Pacte. Elle ajoute qu’elle vit aux Pays-Bas depuis l’âge de 13 ans, ce qui signifie qu’elle y a passé la période la plus importante de sa vie. Même si elle est encore capable de parler le chinois, elle n’est pas habituée à vivre en Chine et ne connaît plus bien les coutumes du pays. Étant donné qu’il y aurait immixtion dans sa vie de famille, l’auteur considère que cette immixtion contrevient à l’article 17 du Pacte.

5.6En ce qui concerne l’article 24, l’auteur estime que la charge de la preuve qui lui a été imposée était aussi lourde que pour un demandeur d’asile adulte. Les audiences de l’Office de l’immigration n’étaient pas différentes des audiences des adultes et la décision a été rendue de la même manière que pour un adulte. La seule différence est qu’elle avait un tuteur de la fondation NIDOS. L’auteur convient que l’intérêt supérieur de l’enfant est de rester avec ses parents. Mais elle n’a ni parents ni famille avec lesquels elle pourrait vivre en Chine. Dans son cas, l’intérêt supérieur est donc de rester aux Pays-Bas où elle a des liens étroits et un réseau social sur lequel elle peut compter. Enfin, l’auteur souligne que si elle a cité l’affaire Winata c. Australie, c’est pour appeler l’attention sur le fait que, dans certaines circonstances, il arrive qu’un État partie exerce ses pouvoirs discrétionnaires en matière de politique d’immigration de manière arbitraire. Si elle a cité l’affaire Bakhtiyari c. Australie c’est parce qu’elle illustre les principes énoncés au premier paragraphe de l’article 24 du Pacte.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3En ce qui concerne la condition de l’épuisement des recours internes énoncée au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité prend note de l’argument de l’État partie selon lequel l’auteur n’a pas présenté de demande de permis de séjour ordinaire motivé par des circonstances spéciales, comme il est prévu au paragraphe 3 de l’article 3.4 du décret sur les étrangers de 2000, et relève qu’un tel permis ne peut être délivré qu’à la suite d’une demande déposée conformément à cette disposition lue conjointement avec l’article 3.6 du même décret. Le Comité note que l’auteur a invoqué ses droits dans l’appel qu’elle a formé après le refus du permis de séjour pour mineur non accompagné mais qu’elle ne s’est pas prévalue de la possibilité d’introduire une demande de permis de séjour ordinaire motivée par des circonstances personnelles exceptionnelles, en vertu des dispositions pertinentes de la législation interne. Dans la présente affaire, l’auteur avait un représentant légal nommé par NIDOS et un avocat qui la représentait dans les procédures engagées au titre de la loi relative aux étrangers. Par conséquent, elle pouvait être bien conseillée sur les recours qu’elle devait utiliser pour faire valoir ses droits au titre du Pacte, dont la demande de permis de séjour pour des raisons personnelles exceptionnelles. Le Comité considère donc que la communication est irrecevable pour non-épuisement des recours internes, en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]