Nations Unies

CCPR/C/100/D/1818/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

2 novembre 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Centième session

11-29 octobre 2010

Constatations.

Communication no 1818/2008

Présentée par:

Bradley McCallum (représenté par un conseil, Egon Aristidie Oswald)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Afrique du Sud

Date de la communication:

7 juillet 2008 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 16 octobre 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

25 octobre 2010

Objet:

Punition collective en détention

Questions de procédure:

Néant

Questions de fond:

Torture, peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; droit de toute personne privée de liberté à être traitée avec humanité; droit à un recours

Articles du Pacte:

7, 10 seuls et lus conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2

Article du Protocole facultatif:

Le 25 octobre 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1818/2008.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (centième session)

concernant la

Communication no 1818/2008 **

Présentée par:

Bradley McCallum (représenté par un conseil, Egon Aristidie Oswald)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Afrique du Sud

Date de la communication:

7 juillet 2008 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 25 octobre 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1818/2008 présentée au nom de M. Bradley McCallum en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication, datée du 7 juillet 2008, est M. Bradley McCallum, né le 18 avril 1979. Il est actuellement détenu à la prison de sécurité maximale Saint-Albans, à Port Elisabeth, dans la province du Cap oriental. Il affirme être victime de violations par l’Afrique du Sud de l’article 7 et de l’article 10, seuls et lus conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte. L’auteur est représenté par un conseil, M. Egon Aristidie Oswald.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur est détenu à la prison de sécurité maximale de Saint-Albans, à Port Elisabeth, dans la province du Cap oriental. Le 15 juillet 2005, un agent de nettoyage de la section C de la prison a informé l’auteur et les autres détenus de la cellule no C2 que l’un de leurs codétenus avait poignardé le gardien N., dans le réfectoire, et que ce dernier était décédé. Le même jour, des gardiens de la section B ont attaqué les détenus de la section en question.

2.2Le 17 juillet 2005, l’auteur et les autres détenus de sa cellule ont reçu l’ordre de sortir de la cellule tout en se faisant insulter par le gardien P. Lorsque l’auteur en a demandé la raison, le gardien l’a frappé avec sa matraque en haut du bras gauche et sur le côté gauche de la tête. Un deuxième gardien, M., est intervenu et a arraché la chemise de l’auteur. Dans le couloir, le gardien M. lui a donné un coup de pied dans le dos ce qui l’a fait tomber. Le gardien a alors obligé l’auteur à retirer son caleçon et l’a plaqué au sol, ce qui lui a disloqué la mâchoire et les dents de devant. Dans le couloir se trouvaient environ 40 à 50 gardiens en uniforme. L’auteur en a reconnu cinq. Ils se sont mis à tabasser aveuglément les détenus et les ont obligés à se déshabiller entièrement et à se coucher sur le sol mouillé du couloir. Le gardien P. a demandé aux détenus de s’allonger par terre en ligne, le visage dans l’anus du détenu précédent.

2.3Environ 60 à 70 détenus étaient étendus, nus, sur le sol du corridor mouillé, formant une chaîne de corps humains. Les détenus qui levaient la tête recevaient des coups de matraque et des coups de pied. Il y avait environ une vingtaine de gardiennes qui marchaient sur les détenus, leur donnaient des coups de pied dans les parties génitales et faisaient des remarques insultantes à leur sujet. Ensuite, les détenus ont été aspergés d’eau, battus par les gardiens à coups de matraques, de boucliers, de manches à balai, de queues de billard et de manches de pioche. On leur a également ordonné de retirer le couteau qu’ils avaient dans l’anus. Sous l’effet du choc et de la peur, les détenus ont uriné et déféqué sur eux-mêmes et sur leurs voisins de la chaîne humaine.

2.4À un moment donné, le gardien P. s’est approché de l’auteur et, tout en l’insultant, lui a enfoncé une matraque dans l’anus. L’auteur a essayé de s’éloigner en rampant, mais le gardien est monté sur son dos pour l’obliger à rester à plat sur le sol. L’auteur continue d’avoir des images de ce qu’il a vécu comme un viol. Entre-temps, certains des gardiens sont entrés dans les cellules et ont pris les effets personnels des détenus. Les détenus ont ensuite reçu l’ordre de retourner dans leur cellule. Mais tout cela avait créé un grand désordre, le sol était inondé d’eau, d’urine, d’excréments et de sang et certains détenus sont tombés les uns sur les autres.

2.5Les blessés n’ont pas été autorisés à voir un médecin avant septembre 2005. Les prisonniers ont alors cherché à soigner eux-mêmes leurs blessures en utilisant des cendres comme désinfectant et du sable comme hémostatique. C’est à la fin du mois de septembre 2005 seulement que l’auteur a réussi à se faire soigner. Toutefois, le médecin de la prison ne lui a administré aucun traitement, car il considérait que les plaintes de l’auteur avaient un caractère «interne» et ne relevaient donc pas de ses attributions. L’auteur a demandé un dépistage du VIH parce qu’il craignait d’avoir contracté le virus, le 17 juillet 2005, au contact des liquides organiques des autres détenus. Mais il ne l’a pas obtenu. Le VIH est très répandu dans les prisons sud-africaines. En octobre 2005, l’auteur a été soigné pour sa mâchoire luxée et les dents déchaussées. Entre mars et novembre 2006, l’auteur a eu les dents arrachées l’une après l’autre, ce qui a eu des répercussions sur son alimentation et sa santé. Le 3 avril 2008, l’auteur a demandé aux autorités pénitentiaires de lui fournir une prothèse dentaire, mais sa demande est restée sans réponse.

2.6Après l’attaque, la prison a été fermée et coupée de tout contact avec l’extérieur, ce qui fait que l’auteur s’est vu refuser tout contact avec sa famille et son avocat pendant un mois environ. On lui a également retiré le droit de téléphoner et la promenade. Par la suite, il a été autorisé à recevoir des visites de cinq à dix minutes chacune.

2.7Le 20 novembre 2006, l’avocat de l’auteur a demandé un dépistage du VIH pour l’auteur et les autres victimes. Il a écrit au Directeur de la prison, au Ministre des services pénitentiaires, au Commissaire national et provincial du Département des services pénitentiaires et au Procureur général. Le 13 décembre 2006, le Bureau du Procureur général a répondu que le Département des services pénitentiaires niait toutes les allégations de torture et de mauvais traitement formulées par l’auteur et par les autres victimes présumées et qu’il n’avait aucune objection à ce qu’il soit procédé au dépistage à condition que les détenus donnent leur consentement par écrit et indiquent la manière dont le paiement sera effectué. L’auteur a répondu au Procureur général en invoquant les articles 27 et 35 de la Constitution sur le droit d’avoir accès à des soins de santé et à un traitement médical d’urgence pour les personnes privées de liberté. Malgré plusieurs échanges de correspondance, le Procureur général n’a jamais répondu au sujet des allégations de torture, pas plus qu’il n’a répondu à la demande de dépistage gratuit du VIH. Il s’est borné à indiquer qu’il attendait des instructions du Département des services pénitentiaires. Au cours de l’examen du rapport initial de l’État partie devant le Comité contre la torture, le 15 novembre 2006, un membre de la délégation a reconnu que «le jour du meurtre qui s’est produit à la prison de sécurité maximale de Saint-Albans, les fonctionnaires ont été dépassés par la situation et c’est alors que les agressions ont eu lieu». Le 18 février 2008, l’auteur a demandé au Bureau du magistrat enquêteur de faire connaître ses conclusions concernant cet incident. Malgré plusieurs lettres de rappel, il n’a reçu aucune information.

2.8Peu après l’incident, l’auteur a déposé plainte auprès des autorités pénitentiaires, mais la plainte n’a pas été acceptée. Pendant les mois d’août et septembre 2005, le magistrat enquêteur a visité la prison et a pris note des doléances de l’auteur et des autres détenus. En septembre 2005, un inspecteur du Service de la police sud-africaine a enregistré la déclaration de l’auteur dans laquelle ce dernier se plaignait du traitement qu’il avait subi. L’inspecteur a promis d’ouvrir une enquête; à la connaissance de l’auteur toutefois il n’y a pas eu d’enquête sur cette question.

2.9En mai 2006, l’auteur a été informé de l’existence d’un représentant légal qui était disposé à assister les victimes de torture. Jusqu’alors, l’auteur n’avait pu obtenir les services d’un représentant légal. Le 12 mai 2006, l’auteur a engagé une procédure civile pour réclamer des dommages-intérêts pour les préjudices subis. L’auteur a contesté la défense de l’État partie (Ministre des services pénitentiaires) au motif que l’État plaidait purement et simplement le déni de responsabilité. Le tribunal (Magistrate Court) a toutefois admis la défense de l’État, qui niait que des tortures et des peines ou traitements inhumains et dégradants aient été commis le 17 juillet 2005. De plus, l’État a invoqué l’article 3 de la loi no 40 de 2002 sur l’ouverture d’actions en justice contre certains organes de l’État, article selon lequel le plaignant (l’auteur) était tenu de notifier par écrit, dans un délai de six mois, au défendeur, en sa qualité d’organe de l’État, les motifs de l’action en justice et les faits engageant la responsabilité de l’État. L’auteur a retiré sa plainte et intenté une autre action devant la High Court. Il fait valoir toutefois que la procédure civile devant la High Court pourrait ne pas avoir de suite du fait qu’il n’a pas respecté la règle du délai de six mois mentionnée plus haut.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme que le fait d’avoir subi des passages à tabac et d’autres sévices pendant sa détention à la prison de sécurité maximale de Saint-Albans, le fait d’avoir été soumis à des conditions de détention inhumaines et dégradantes, l’absence d’enquête sérieuse sur ses allégations de mauvais traitements et son maintien au secret pendant un mois après l’attaque constituent une violation de l’article 7.

3.2Il affirme en particulier qu’il a été tabassé à coups de matraque et de bouclier alors qu’il était allongé, nu, sur le sol mouillé du couloir et a été violé au moyen d’une matraque enfoncée dans l’anus. La violence physique était telle qu’il a eu la mâchoire luxée et les dents endommagées de manière irréversible, au point qu’il a fallu les extraire. De surcroît, il a été violé à l’aide d’une matraque, contraint de se déshabiller entièrement, d’essuyer des remarques sur ses parties génitales et obligé d’introduire le nez dans la cavité anale d’un autre détenu. On l’a délibérément obligé à rester sur un sol souillé d’urine, d’excréments et de sang pour qu’il ait peur d’être infecté par le VIH. Le fait que les autorités aient ensuite refusé de faire pratiquer un dépistage du VIH a exacerbé le traumatisme. L’auteur fait valoir que ces faits sont assimilables à la torture et constituent une violation de l’article 7 du Pacte.

3.3L’auteur ajoute qu’il a été placé au secret après l’incident et qu’il a été privé pendant un mois de l’usage du téléphone, d’exercice physique et du droit d’accès à des soins médicaux, à une représentation légale et à la visite de sa famille. Il déclare que cela aussi était une violation de l’article 7.

3.4L’auteur cite la jurisprudence du Comité, selon laquelle une peine n’est dégradante que si l’humiliation ou l’abaissement qui en résulte dépasse un certain seuil et, en tout état de cause, si elle comporte des éléments qui dépassent le simple fait d’être privé de liberté. Il fait valoir que les conditions de détention ont atteint un seuil bien supérieur à ce qu’implique la simple privation de liberté et qu’elles ont donc représenté une violation de l’article 7.

3.5Au sujet de ses conditions de détention, l’auteur rappelle les nombreuses déclarations du Comité selon lesquelles l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus fait effectivement partie de l’article 10. Il affirme que le surpeuplement dans la prison de sécurité maximale de Saint-Albans équivaut à une violation de l’article 10, dans la mesure où l’auteur était incarcéré dans une cellule où il y avait 60 à 70 détenus, alors que, selon le paragraphe 9 de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, les cellules ne doivent être occupées que par un seul détenu. Certains de ses codétenus devaient partager un lit; l’auteur a vécu dans une absence totale d’intimité et sans accès à des installations sanitaires suffisantes. Il ajoute que le taux de surpopulation dans la prison atteignait 300 %, ce qui est confirmé dans un rapport du Comité du Portefeuille du Département des services pénitentiaires. De plus, contrairement aux dispositions des paragraphes 10 à 21 de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, ceux-ci ne disposaient pas de vêtements, de literie, d’une alimentation ni d’installations sanitaires suffisants et, contrairement aux paragraphes 22 à 26, les détenus ne recevaient pas de soins médicaux adéquats.

3.6L’auteur déclare en outre que l’État partie n’a pas enquêté sérieusement sur ses plaintes pour mauvais traitements et ne lui a pas assuré un recours. Il rappelle l’Observation générale no 20 du Comité, selon laquelle les plaintes présentées au titre de l’article 7 doivent faire l’objet d’enquêtes rapides et impartiales des autorités compétentes pour que le recours soit efficace. Le manquement de l’État partie constitue par conséquent une violation des droits que l’auteur tient de l’article 7 et de l’article 10 lus conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2.

3.7En ce qui concerne l’épuisement des recours internes, l’auteur affirme que la police sud-africaine n’a pas enquêté sérieusement sur son cas, que les autorités de poursuite n’ont pas engagé de procédure et qu’aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre les responsables par le Département des services pénitentiaires. L’auteur déclare en outre que l’État partie a adopté une loi qui oblige, dans les actions civiles dirigées contre l’État, les requérants à engager la procédure dans un délai de six mois, alors que le délai normal est de trois ans. Le procès civil risque donc de ne pas aboutir, en raison des difficultés que l’auteur a pour rassembler des preuves concernant son état physique, psychologique et médical, en raison de son manque de moyens financiers, qui a une incidence sur la qualité des services d’avocat dont il peut bénéficier, et en raison du délai de six mois à respecter pour la notification des actions civiles engagées contre l’État.

Absence de coopération de l’État partie

4.Le 16 octobre 2008, le 7 juillet 2009, le 15 décembre 2009, le 6 mai 2010 et le 18 août 2010, l’État partie a été prié de fournir au Comité des informations sur la recevabilité et le fond de la communication. Le Comité note que ces informations ne lui sont pas parvenues. Il regrette que l’État partie n’ait apporté aucun éclaircissement sur la recevabilité ou le fond des griefs de l’auteur. Il rappelle qu’il découle implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que les États parties examinent de bonne foi toutes les allégations qui sont portées contre eux, et transmettent au Comité les informations qu’ils détiennent. En l’absence de réponse de l’État partie, le Comité doit accorder le crédit voulu aux griefs formulés par l’auteur, pour autant que ceux-ci aient été étayés.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

5.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

5.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

5.3Compte tenu des plaintes adressées par l’auteur à l’administration pénitentiaire, à la police, au Bureau du magistrat enquêteur, à la Magistrate Court et à la High Court, plaintes qui, apparemment, n’ont pas fait l’objet d’enquêtes, et en l’absence de toute observation de l’État partie, le Comité considère que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne font pas obstacle à la recevabilité de la communication.

5.4Ayant constaté que rien ne faisait obstacle à la recevabilité des griefs formulés par l’auteur au titre des articles 7 et 10, seuls et lus conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte, le Comité procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

6.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées. Il note que l’État partie n’a pas répondu aux allégations de l’auteur. Dans ces circonstances, tout le crédit voulu doit être accordé à ces allégations, dans la mesure où elles sont suffisamment étayées.

6.2Le Comité note le grief de l’auteur qui affirme que, le 17 juillet 2005, les gardiens de la prison de Saint-Albans l’ont frappé à coups de matraque et de bouclier alors qu’il était allongé, nu, sur le sol mouillé du couloir de la prison et qu’il en est résulté plusieurs blessures, notamment une mâchoire luxée, des lésions irréversibles aux dents et des blessures au bras gauche ainsi que sur le côté gauche de la tête. Le Comité note en outre que l’auteur dit qu’il revit ce qu’il a vécu alors, le viol avec une matraque, les remarques cruelles sur ses parties génitales, le fait qu’il a dû enfoncer son nez dans la cavité anale d’un autre détenu, qu’il a été obligé de rester sur le sol souillé d’urine, d’excréments et de sang, avec la crainte de contracter le VIH. Le Comité note également le grief de l’auteur qui fait valoir qu’à la suite de l’incident il est resté détenu au secret pendant un mois et n’a pas pu voir de médecin, d’avocat ni sa famille. Le Comité note également le grief selon lequel les conditions de détention allaient au-delà de ce qu’implique la privation de liberté, en précisant notamment qu’il était détenu dans une cellule comptant 60 à 70 détenus, qu’il n’avait aucune intimité, ne disposait pas d’installations sanitaires, de literie, de vêtements, de nourriture suffisants, n’avait pas accès à des soins médicaux et que la surpopulation dans la prison était de 300 %. À l’appui de ces griefs, l’auteur fournit une copie de son dossier médical, des coupures de presse relatant l’incident du 17 juillet 2005 ainsi qu’un croquis de sa cellule.

6.3Le Comité note en outre le grief de l’auteur qui fait valoir que ses plaintes n’ont pas fait l’objet d’enquête et qu’il a par conséquent été privé d’un recours utile. À l’appui de son allégation, l’auteur a joint des copies de lettres, de confirmations de messages par télécopie et de divers rappels adressés aux autorités pour demander qu’une enquête soit menée sur l’incident du 17 juillet 2005, ainsi que pour demander un test gratuit de dépistage du VIH. Le Comité note en outre que l’auteur a engagé une action civile contre le Département des services pénitentiaires devant la Magistrate Court, action qu’il a décidé de retirer puis d’engager de nouveau devant la High Court. Le Comité note aussi l’argument de l’auteur selon lequel le procès civil a peu de chance d’aboutir en raison des difficultés qu’il a à se procurer des éléments de preuve, du fait qu’il n’a pas les moyens de se faire représenter convenablement en justice et du fait que le délai de six mois à respecter pour la notification d’une plainte dirigée contre un organe de l’État est déjà expiré.

6.4Le Comité prend note de la description détaillée que l’auteur donne de l’incident du 17 juillet 2005, au cours duquel il aurait fait l’objet de sévices, ainsi que du fait qu’il donne le nom de cinq gardiens qui auraient pris part à l’incident. Il prend note aussi du dossier médical de l’auteur ainsi que des coupures de presse relatant l’incident du 17 juillet 2005. Le Comité relève qu’en l’espèce les arguments avancés par l’auteur nécessitaient à tout le moins une enquête indépendante sur l’implication potentielle des gardiens de prisons de l’État partie dans les sévices subis par l’auteur. Le Comité considère par conséquent que le fait que les allégations de l’auteur n’aient pas reçu l’attention voulue de la part de l’État partie justifie la constatation d’une violation de l’article 7 du Pacte.

6.5Concernant la plainte de l’auteur qui affirme que la prison de Saint-Albans a été coupée de tout contact avec l’extérieur après l’incident du 17 juillet 2005 et qu’il est resté détenu au secret pendant un mois sans voir de médecin, d’avocat ni même sa famille, le Comité rappelle son Observation générale no 20 (1992) sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui recommande que les États prennent des dispositions pour interdire la détention au secret, et il note que l’isolement total d’un détenu ou d’une personne emprisonnée peut constituer un acte prohibé par l’article 7. Compte tenu de cette observation, le Comité conclut à une violation supplémentaire de l’article 7 du Pacte.

6.6En ce qui concerne la plainte de l’auteur qui fait valoir que, malgré plusieurs demandes adressées à diverses autorités, il n’a pas subi de test de dépistage du VIH qu’il craignait d’avoir contracté à la suite de l’incident du 17 juillet 2005, le Comité conclut que la prévalence du VIH dans les prisons sud-africaines, attestée par le Comité contre la torture dans les observations finales adoptées à l’issue de l’examen du rapport initial de l’État partie, que l’auteur a portées à l’attention du Comité, ainsi que les circonstances de l’incident du 17 juillet 2005 conduisent à conclure à une violation de l’article 7.

6.7Le Comité prend note de la teneur des plaintes présentées par l’auteur à différentes autorités, c’est-à-dire l’administration pénitentiaire, la police, le Bureau du magistrat enquêteur, la Magistrate Court et la High Court, dont il apparaîtrait qu’aucune n’a fait l’objet d’enquête. Le Comité rappelle son Observation générale no 20 (1992) sur l’interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et son Observation générale no 31 (2004) sur la nature de l’obligation juridique générale imposée aux États parties au Pacte, ainsi que sa jurisprudence constante, et réaffirme que les plaintes pour violations présumées de l’article 7 doivent faire l’objet d’enquêtes rapides, approfondies et impartiales menées par des autorités compétentes et des mesures appropriées doivent être prises contre les personnes reconnues coupables. Dans les circonstances de l’espèce, et en l’absence de toute explication de la part de l’État partie, le crédit voulu doit être accordé aux allégations de l’auteur. En conséquence, le Comité conclut que les faits dont il est saisi constituent une violation de l’article 7, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

6.8En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme qu’il n’a pas eu accès à des soins médicaux après les sévices subis le 17 juillet 2005, le Comité note que dans le dossier médical de l’auteur il est indiqué qu’il a été conduit à l’hôpital de la prison le 31 août 2005. Le Comité réaffirme que les personnes privées de liberté ne doivent pas subir de privation ou de contrainte autre que celles qui sont inhérentes à la privation de liberté et qu’elles doivent être traitées dans le respect de l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus notamment. Le Comité réaffirme que l’État partie a l’obligation de veiller à la sécurité et à la santé des personnes privées de liberté. Il observe que, bien que l’auteur ait demandé à voir un médecin immédiatement après l’incident du 17 juillet 2005, d’après le dossier médical, l’auteur a été vu par un médecin pour la première fois le 31 août 2005. Le Comité considère que l’intervalle qui s’est écoulé entre la demande de l’auteur et la réponse des autorités pénitentiaires équivaut à une violation des droits que l’auteur tient du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte.

7.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation des droits de M. McCallum au titre de l’article 7, seul et lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, et une violation du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte.

8.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, consistant notamment à procéder à une enquête approfondie et effective sur les allégations de l’auteur au titre de l’article 7, à poursuivre les responsables et à accorder une réparation complète, sous la forme notamment d’une indemnisation appropriée. Pendant son incarcération, l’auteur doit être traité avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à l’être humain et bénéficier de soins de santé appropriés. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

9.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]