Nations Unies

CCPR/C/104/D/1641/2007

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

25 avril 2012

Français

Original: espagnol

C omité des droits de l’homme

Communication no 1641/2007

Constatations adoptées par le Comité à sa 104e session(12-30 mars 2012)

Présentée par:

Jaime Calderón Bruges (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Colombie

Date de la communication:

22 mai 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 6 décembre 2007 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

23 mars 2012

Objet:

Condamnation d’une personne en cassation

Questions de procédure:

Bien-fondé des griefs

Questions de fond:

Droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue publiquement et avec les garanties nécessaires par un tribunal compétent, indépendant et impartial; droit à la présomption d’innocence; droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi; interdiction d’une double condamnation pour les mêmes faits; droit sans discrimination à une égale protection de la loi

Article s du Pacte:

14 (par. 1, 2, 5 et 7), 15 et 26

Article du Protocole facultatif:

2

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatifaux droits civils et politiques (104e session)

concernant la

Communication no 1641/2007 *

Présentée par:

Jaime Calderón Bruges (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Colombie

Date de la communication:

22 mai 2007 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 23 mars 2012,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1641/2007 présentée au nom de M. Jaime Calderón Bruges en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Jaime Calderón Bruges, de nationalité colombienne, né le 17 mars 1941. Il se déclare victime de violations par la Colombie des paragraphes 1, 2, 5 et 7 de l’article 14, de l’article 15 et de l’article 26, lu conjointement avec les paragraphes 1 et 3 de l’article 2 et avec le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur n’est pas représenté par un conseil. Le Pacte et le Protocole facultatif sont entrés en vigueur pour l’État partie le 23 mars 1976.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En novembre 1998, le bureau du Procureur général (Fiscalía General de la Nación) a ouvert une enquête contre l’auteur, au motif de liens présumés avec Miguel Ángel Rodríguez Orejuela, narcotrafiquant bien connu. Concrètement, l’auteur était accusé d’avoir reçu en prêt de M. Rodríguez Orejuela des sommes d’argent provenant d’activités illégales, faits constitutifs d’enrichissement illicite de particuliers. Le 7 décembre 1998, l’auteur a été placé en détention provisoire et suspendu de ses fonctions de conservateur national des actes de l’état civil.

2.2Par un jugement rendu le 18 janvier 2000, le troisième tribunal pénal spécialisé du circuit de Bogota a acquitté l’auteur, faute de preuves de sa culpabilité. Le ministère public a fait appel du jugement devant le tribunal supérieur du district judiciaire de Bogota qui, en date du 15 juin 2000, a confirmé le jugement de première instance, car il n’avait pas été prouvé que l’auteur connaissait M. Rodríguez Orejuela ni qu’il avait connaissance de l’origine illégale des fonds qui lui avaient été prêtés par l’intermédiaire d’un tiers. Le tribunal supérieur a également ordonné que la mise en liberté provisoire de l’auteur, prononcée le 30 mars 2000, devienne définitive et inconditionnelle.

2.3Le 24 août 2000, le parquet a formé un pourvoi en cassation devant la Cour suprême de justice, essentiellement pour erreur de la juridiction du deuxième degré dans l’appréciation des preuves. Le 21 juillet 2004, concluant que le tribunal supérieur avait commis des erreurs, la Cour suprême a cassé son jugement et condamné l’auteur à un emprisonnement de cinq ans, assorti d’une amende et d’une interdiction d’exercer les droits civiques ou une charge publique pendant la même durée. L’auteur a donc été incarcéré et suspendu des fonctions de notaire, qu’il occupait depuis son acquittement.

2.4L’auteur a engagé une action en protection contre l’arrêt en cassation devant la chambre disciplinaire du Conseil régional de la magistrature (Consejo Seccional de la Judicatura) de Cundinamarca, alléguant notamment des violations du droit à la vie, du droit à la liberté, du droit à l’égalité et du droit à une procédure équitable. Il signalait que le pourvoi en cassation avait été formé alors qu’étaient en vigueur les articles 1er et 6 de la loi no 553/2000, qui autorisaient ce recours contre des jugements exécutoires (définitifs) rendus en deuxième instance par un tribunal supérieur. Or, la Cour constitutionnelle avait déclaré ces dispositions inapplicables (inconstitutionnelles) sur ce point, par l’arrêt C-252 du 28 février 2001; celles-ci avaient néanmoins été appliquées, alors qu’elles étaient moins favorables pour l’auteur. Dans son arrêt, la Cour suprême avait estimé qu’elle était compétente pour connaître du pourvoi, car celui-ci avait été présenté dans les délais prévus par la loi alors en vigueur, et que les effets de l’inconstitutionnalité déclarée en 2001 ne valaient que pour l’avenir. En date du 18 novembre 2004, le Conseil régional de la magistrature a débouté l’auteur de son recours en protection, considérant que ce recours n’était pas approprié pour attaquer une interprétation judiciaire, et que le pourvoi devant la Cour suprême avait été formé conformément aux lois alors en vigueur et que la Cour n’avait donc pas agi de manière arbitraire.

2.5L’auteur a contesté cette décision, ce qui a donné lieu à un réexamen par le Conseil supérieur de la magistrature (Chambre juridictionnelle disciplinaire). Le 2 février 2005, le Conseil a fait droit au recours en protection et a annulé la décision du Conseil régional de la magistrature de Cundinamarca. La Chambre a estimé que, suite à l’arrêt C-252 de la Cour constitutionnelle, la Cour suprême aurait dû se déclarer incompétente pour connaître en cassation de l’arrêt du tribunal supérieur, puisqu’il s’agissait d’un jugement exécutoire. Ainsi la Chambre juridictionnelle disciplinaire a conclu que la Cour suprême n’avait pas tenu compte du principe du bénéfice de la loi la plus favorable en matière pénale et qu’elle avait porté atteinte au droit de l’auteur à une procédure régulière et au droit à la liberté. Le Conseil supérieur de la magistrature a donc décidé de déclarer nul et de nul effet l’arrêt de la Cour suprême, de confirmer le jugement du tribunal supérieur du district judiciaire de Bogota et d’ordonner la mise en liberté immédiate de l’auteur.

2.6Par la suite la Cour constitutionnelle a révisé le jugement du Conseil supérieur de la magistrature et a rendu, en date du 20 juin 2005, un nouvel arrêt sur l’action en protection. Elle a jugé que c’était à bon droit que la Cour suprême n’avait pas estimé contraire à l’arrêt C-252 de 2001 le fait de statuer sur le recours en cassation formé en août 2000, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale en vigueur à l’époque et avant la décision d’inapplicabilité partielle rendue par la Cour constitutionnelle. Elle a indiqué dans son arrêt qu’il n’était pas obligatoire «qu’il y ait une interprétation unique, exclusive et inéluctable qui conduise à conclure nécessairement que la Cour suprême de justice […] n’aurait pas dû se prononcer sur des pourvois en cassation formés contre des jugements d’acquittement à caractère exécutoire, comme le prétend le plaignant. La Cour a considéré qu’il était impératif de statuer sur les pourvois formés avant l’arrêt C-252 de 2001, sans la moindre distinction». Par conséquent, la Cour constitutionnelle a annulé le jugement du Conseil supérieur de la magistrature et confirmé celui du Conseil régional de la magistrature de Cundinamarca.

2.7L’auteur a présenté contre cette décision un recours en nullité que la Chambre plénière de la Cour constitutionnelle a rejeté en date du 26 septembre 2005. Du fait de l’annulation de la décision du Conseil supérieur de la magistrature, l’auteur a de nouveau été privé de liberté.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur affirme qu’en vertu de l’arrêt C-252 de la Cour constitutionnelle, la Coursuprême n’avait pas compétence pour examiner le pourvoi en cassation et que la condamnation prononcée constitue donc une violation des droits qu’il tient de l’article 14 du Pacte.

3.2En particulier, l’auteur se dit victime d’une violation du paragraphe 2 de l’article 14 du Pacte. Il a été jugé par deux tribunaux dans le cadre d’une procédure ordinaire avec présentation et contestation des preuves, plaidoirie, recours et possibilité de contester la décision rendue. Il a été acquitté par les deux tribunaux, dont les décisions sont passées en force de chose jugée. Aucune preuve nouvelle n’est apparue ultérieurement qui remette en cause l’innocence reconnue par ces jugements. Néanmoins, la Cour suprême a imposé à l’auteur une procédure en cassation sans lui donner la possibilité d’apporter ou de contredire des preuves, sans recours et sans la moindre possibilité de contester. Il affirme que cette procédure n’était pas conforme aux garanties d’une procédure régulière énoncées dans le Pacte.

3.3L’auteur affirme que son procès s’est achevé avec un jugement d’acquittement exécutoire, prononcé par la juridiction du deuxième degré. Par conséquent, le pourvoi en cassation ne constituait pas un recours ordinaire ou extraordinaire mais une action indépendante qui a abouti à un nouveau procès pour les mêmes faits et ne donnait pas la possibilité de contester la condamnation. Cette situation est contraire aux paragraphes 1 et 5 de l’article 14 du Pacte, qui protègent le droit de tout condamné de contester la condamnation et la peine prononcées.

3.4La justice colombienne a enfreint la règle de la chose jugée et le principe non bis in idem, consacrés par le paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte. En effet, elle n’a pas respecté le caractère exécutoire du jugement d’acquittement rendu en deuxième instance et l’a soumis à un nouveau procès pour les faits pour lesquels il avait été acquitté par deux juridictions à l’issue de procès qui s’étaient déroulés dans le plein respect des formes et avec toute possibilité d’argumenter et de contester.

3.5L’auteur affirme que la Cour suprême n’a pas tenu compte de son droit au principe du bénéfice de la loi la plus favorable, violant ainsi l’article 15 du Pacte. La Cour a appliqué une règle de procédure qui avait été précédemment supprimée du système juridique au motif qu’elle était attentatoire aux droits fondamentaux. Le pourvoi en cassation avait été formé au titre de la loi no 553/2000, qui permettait un tel recours dans un délai de trente jours après la date à laquelle le jugement de la juridiction du deuxième degré était devenu exécutoire. La règle antérieure à la loi no 553/2000, abrogée par celle-ci, disposait que le pourvoi en cassation devait être formé avant que le jugement de la juridiction du deuxième degré soit exécutoire. L’arrêt C-252 de la Cour constitutionnelle a rétabli la validité de la règle antérieure à la loi no 553, et c’est cette règle qui aurait dû être appliquée, parce qu’elle était en vigueur à la date à laquelle il a été statué sur le pourvoi en cassation et par respect du principe du bénéfice de la loi plus favorable.

3.6D’après l’auteur, la Cour suprême a, sans justification, traité de manière différente des faits identiques. Toute personne acquittée par jugement exécutoire dont le pourvoi en cassation a été formé avant l’arrêt prononcé par la Cour constitutionnelle en 2001 doit renoncer à ses droits fondamentaux, tandis que toute personne acquittée par jugement exécutoire après l’annonce par la Cour constitutionnelle de l’arrêt qu’elle a prononcé en 2001 bénéficie de l’intangibilité du jugement d’acquittement exécutoire rendu à son égard. Il y a là violation de l’article 26, lu conjointement avec les articles 2 (par. 1 et 3) et 14 (par. 1) du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Dans une note verbale datée du 6 février 2008, l’État partie affirme que la communication est irrecevable. Il fait valoir qu’elle devrait être déclarée irrecevable car le Comité n’est pas compétent pour apprécier les faits et les preuves puisque l’auteur demande au Comité d’agir en tant que tribunal d’appel ou de quatrième degré et d’apprécier des faits et des situations ou des interprétations de la législation nationale qui ont déjà été examinés au niveau interne, en particulier par la Cour constitutionnelle. L’État partie rappelle qu’il n’appartient pas au Comité de substituer ses avis aux décisions des juridictions internes relatives à l’appréciation des faits et des éléments de preuve dans une affaire donnée, mais qu’il doit veiller à ce que les États assurent à leurs ressortissants une administration de la justice qui soit respectueuse des garanties d’une procédure régulière prévues par le Pacte.

4.2En date du 26 juin 2008, l’État partie a présenté ses observations sur le fond. Il affirme que la cassation est un mécanisme de contrôle extraordinaire qui permet un réexamen judiciaire des jugements sans faire intervenir les juges d’instance. Il donne la possibilité de procéder au contrôle de la légalité des décisions d’un juge et de s’assurer qu’elles ne sont pas entachées d’erreur in judicando (erreur de fond) ou in procedendo (vice de forme). Ce recours ne réexamine pas les questions qui ont fait l’objet de délibérations au procès, mais donne un jugement de valeur sur le verdict rendu à la fin de la procédure et qui pourrait être en violation de la loi. Dans la présente affaire, il y a une erreur in judicando de fond étant donné que les preuves produites au procès n’avaient pas fait l’objet d’une appréciation juridique adéquate.

4.3Conformément à la loi no 553/2000, le pourvoi en cassation contre des jugements exécutoires était recevable, et le parquet a donc formé un pourvoi en cassation, le 24 août 2000, contre l’arrêt du Tribunal supérieur du 15 juin 2000. Parallèlement, une action publique en inconstitutionnalité a été engagée pour contester plusieurs articles de la loi no 553/2000, notamment celui qui autorisait la cassation de jugements exécutoires. Dans son arrêt C-252, la Cour a considéré que la possibilité de casser un jugement exécutoire était contraire aux garanties d’une procédure régulière.

4.4En vertu de l’article 235 de la Constitution, la Cour suprême agit comme une juridiction de cassation. La cassation est un mécanisme de contrôle extraordinaire qui permet un réexamen judiciaire des jugements sans faire intervenir les juges d’instance. Parmi les motifs justifiant la cassation d’un jugement, que ce soit sous le régime en vigueur avant la loi no 553/2000 ou dans le cadre de celle-ci, il y a là violation d’une norme de droit substantiel, qui peut résulter d’une erreur dans l’appréciation des preuves, comme en l’espèce. La procédure de cassation ne réexamine pas les questions qui ont fait l’objet de délibérations en première et en deuxième instance, mais donne un jugement de valeur sur le verdict rendu à la fin de la procédure et qui pourrait être en violation de la loi. Par conséquent, la cassation n’est pas indépendante de la procédure de première et de deuxième instance.

4.5Il n’y avait pas de raison pour que la déclaration d’inapplicabilité des règles qui, à l’époque, avaient permis qu’un pourvoi soit introduit, influe sur la cassation ou fasse obstacle à la décision de la Cour suprême, les effets de l’inconstitutionnalité de la loi valant pour l’avenir, comme il ressort de l’arrêt de la Cour constitutionnelle. À ce propos, l’État partie rappelle que le Comité a établi que l’interprétation de la législation nationale incombait au premier chef aux tribunaux et aux autorités de l’État partie concerné.

4.6Outre qu’il souhaite que le Comité se prononce en quatrième instance, l’auteur n’a pas démontré non plus le manque d’impartialité des magistrats de la Chambre pénale de la Cour suprême ni mis en évidence des vices de procédure, ni expliqué les raisons de fond pour lesquelles il considère que la condamnation était injuste. Par conséquent, il n’y a aucune violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.

4.7En ce qui concerne le grief de l’auteur qui affirme que la présomption d’innocence n’a pas été respectée, l’État partie signale que la présomption d’innocence ne s’applique que dans le cadre d’une procédure pénale ordinaire et qu’elle n’est pas pertinente dans celui de la cassation. La cassation vise non pas à procéder à un nouveau jugement mais à examiner la légalité du jugement. De plus, le pourvoi en cassation a été notifié à l’auteur, qui a pu présenter ses arguments, lesquels ont été dûment examinés par la Cour suprême. L’auteur a été traité comme innocent jusqu’à la décision de cassation, et il n’a pas expliqué en quoi l’ordre juridique ou les actes des serviteurs de la justice avaient fait de lui un coupable avant que soit rendu l’arrêt de condamnation.

4.8En ce qui concerne les allégations de violation du paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte, l’État partie indique que la loi en vigueur quand le pourvoi en cassation a été formé était certes applicable à des jugements exécutoires, mais que le terme «exécutoires» ne signifie pas que le verdict ne peut pas être attaqué ou modifié. Les dispositions de la loi no 553/2000 autorisant le pourvoi en cassation s’appliquaient donc encore au verdict, même exécutoire; elles permettaient de former un pourvoi en cassation dans les trente jours après la date à laquelle le jugement rendu en appel était devenu exécutoire. La loi prévoyait certes la possibilité de former un pourvoi contre des jugements exécutoires, qui n’étaient donc pas intangibles, puisqu’ils étaient sous le coup d’une procédure en cassation. De fait, en Colombie, l’effet exécutoire d’un jugement peut être levé par d’autres actions, comme le recours en révision ou l’action en protection qui, comme la cassation, visent à éviter des procédures ou des jugements définitifs injustes, quand ils sont contraires aux normes constitutionnelles ou légales. À l’évidence, la cassation faisait donc partie du système de contrôle de la légalité et pouvait à bon droit être appliquée au verdict rendu au pénal par la juridiction de deuxième degré; il n’y a donc pas eu de violation du paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte.

4.9En ce qui concerne l’allégation de violation de l’article 15 du Pacte, l’État partie fait valoir que l’auteur a été condamné pour des actes qui, au moment des faits, constituaient une infraction et étaient réprimés comme tels. La peine infligée à l’auteur n’était pas particulièrement sévère, puisqu’une nouvelle loi (loi no 599/2000), qui venait d’entrer en vigueur lorsque le jugement de cassation a été prononcé, imposait des peines plus lourdes. La norme appliquée était celle qui était en vigueur au moment des faits et elle était plus favorable pour ce qui est de la peine. L’État partie a donc respecté les dispositions de l’article 15 du Pacte.

4.10En ce qui concerne l’allégation de violation de l’article 26 du Pacte, l’État partie réfute l’idée que l’auteur ait été traité de manière discriminatoire. Les juges ont appliqué de manière uniforme la législation, en vigueur à ce moment-là, qui prévoyait la possibilité de la cassation contre des jugements exécutoires. De même, après que l’arrêt C-252 a été rendu, l’impossibilité de ce recours extraordinaire dans le cas de jugements exécutoires a cessé d’être respectée de manière uniforme. Il n’y a donc pas violation de l’article 26 du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1En date du 4 septembre 2008, l’auteur a fait part de ses commentaires sur les observations de l’État partie.

5.2L’auteur réaffirme ses arguments initiaux. Il maintient qu’en analysant les décisions et procédures judiciaires, il entend démontrer la violation des dispositions pertinentes du Pacte et ne cherche en aucune manière à solliciter une instance supérieure ou nouvelle en dehors du système national.

5.3L’auteur déclare que l’argument avancé par l’État partie selon lequel l’exécution d’une décision finale peut être levée en cassation est incohérent. Ni le Pacte, ni la législation nationale, ni la jurisprudence internationale ou nationale ne reconnaissent cette capacité au pourvoi en cassation. Seules deux actions peuvent lever le caractère définitif d’un jugement exécutoire: la révision et le recours en protection ou en amparo. Ces actions visent à établir la vérité matérielle dans la justice et à faire prévaloir les droits fondamentaux de la personne.

5.4Concernant le paragraphe 2 de l’article 14, l’auteur affirme que dans la procédure judiciaire, la présomption d’innocence a été élevée au rang de certitude procédurale dans le cadre d’un procès ordinaire qui a abouti à un jugement d’acquittement rendu exécutoire.

5.5En ce qui concerne le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, l’auteur affirme que l’État partie confond le pourvoi en cassation avec le jugement de cassation. Le pourvoi a été formé le 24 août 2000, conformément à la loi no 553/2000 qui autorisait la cassation contre un jugement exécutoire. Le jugement de cassation a été rendu le 21 juillet 2005, plusieurs années après que la Cour constitutionnelle avait supprimé de l’ordre juridique la cassation de jugements exécutoires, considérant qu’elle était contraire aux droits fondamentaux et donc au Pacte. L’auteur réaffirme que lorsque la Chambre de cassation pénale de la Cour suprême a prononcé son jugement, elle n’était pas compétente pour le faire, étant donné qu’elle a appliqué un contenu normatif inconstitutionnel, violant ainsi toute une série de droits fondamentaux protégés par le Pacte. En général, les effets d’une déclaration d’inconstitutionnalité valent pour l’avenir, sauf si le jugement en dispose autrement ou lorsqu’il s’agit d’appliquer rétroactivement une loi pénale plus favorable.

5.6Pour ce qui est du paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte, l’auteur fait valoir que le recours en cassation ne peut pas lever un jugement exécutoire et que les règles procédurales portant sur des questions de fond sont applicables immédiatement. Il cite un extrait de l’arrêt C-252, dans lequel la Cour constitutionnelle signale: «La cassation, comme recours extraordinaire visant à appliquer le droit matériel, à rétablir les droits fondamentaux des parties au procès et à réparer les préjudices subis, est le recours le plus adapté et le plus efficace à ces fins, à condition que la modification soit prononcée avant que le jugement rendu par le tribunal de deuxième instance ne devienne définitif, étant donné qu’il s’agit d’en confirmer la validité juridique et que cela n’est possible que dans le cadre de la même procédure pénale.».

5.7En ce qui concerne l’article 15 du Pacte, l’auteur affirme que les arguments présentés par l’État partie sont irrecevables et incohérents, et renvoie aux arguments qu’il a exposés à ce sujet dans sa communication initiale. Pour ce qui est de l’article 26 du Pacte, l’auteur affirme que l’égalité découle de l’application du principe du bénéfice des lois pénales favorables sans discrimination, quelle que soit l’issue de la procédure. Dans le cas d’une condamnation imposée en deuxième instance, la cassation devrait être prononcée au motif du principe du bénéfice des lois pénales favorables. Pour les mêmes motifs, en cas d’acquittement en deuxième instance, la Cour devrait s’abstenir de connaître du pourvoi.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

6.3Le Comité prend note des observations de l’État partie, qui affirme que la communication doit être déclarée irrecevable parce que le Comité ne peut pas procéder à l’appréciation de faits déjà examinés par les juridictions nationales et sur lesquels celles-ci ont déjà statué. Néanmoins, il considère que l’auteur ne demande pas que le Comité procède à une nouvelle évaluation des faits et des éléments de preuve sur lesquels se sont fondés les tribunaux internes mais que ses griefs portent uniquement sur la compatibilité de certains aspects de la procédure avec le Pacte, comme il est expliqué ci-après.

6.4En ce qui concerne l’allégation de violation des paragraphes 1 et 2 de l’article 14, de l’article 15 et des paragraphes 1 et 3 de l’article 2 du Pacte, le Comité note que l’auteur invoque ces articles d’une manière générale, sans étayer suffisamment les motifs pour lesquels il considère que les faits allégués constituent des violations de ces dispositions. Par conséquent, le Comité estime que cette partie de la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif, les griefs étant insuffisamment étayés. En ce qui concerne le grief de violation de l’article 26, selon lequel le principe d’égalité n’aurait pas été respecté au cours de la procédure, le Comité relève que rien dans les renseignements présentés par l’auteur ne donne à penser qu’il y a eu discrimination selon les critères énoncés dans l’article 26. Par conséquent, il estime que ce grief n’a pas été étayé, aux fins de la recevabilité, et le déclare irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5L’auteur prétend être victime d’une violation du paragraphe 7 de l’article 14 du Pacte en ce qu’il a été jugé en cassation en raison d’une infraction pour laquelle il avait déjà été acquitté en première instance et en appel. Le Comité estime, au vu des renseignements apportés par les parties, que le pourvoi en cassation ne constituait pas un nouveau procès, mais une étape dans la poursuite de la procédure ouverte à l’encontre de l’auteur en 1998. Ce recours a été introduit en 2000, conformément aux prescriptions légales alors en vigueur. En conséquence, le Comité estime que l’auteur n’a pas établi le bien-fondé de ses griefs aux fins de leur recevabilité et les déclare irrecevables au titre de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.6En ce qui concerne les griefs de violation du paragraphe 5 de l’article 14, le Comité estime qu’ils sont suffisamment étayés, que l’État partie n’a pas contesté l’épuisement des recours internes et que les autres critères de recevabilité sont remplis. Par conséquent, il les déclare recevables et procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

7.2L’auteur affirme que sa condamnation en cassation par la Cour suprême, alors qu’il avait été acquitté de l’infraction dont il était inculpé, en première instance et en appel, a entraîné la violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Le Comité constate que l’auteur a déposé un certain nombre de recours en protection, y compris auprès de la Cour constitutionnelle, dans lesquels il a remis en cause le fait que la Cour suprême était compétente pour statuer en cassation. Le Comité estime toutefois qu’aux fins de l’application du paragraphe 5 de l’article 14, ces procédures étaient dénuées de pertinence car elles ne tendaient pas à faire examiner le bien-fondé des accusations en matière pénale dirigées contre l’auteur.

7.3Le Comité rappelle sa jurisprudence d’où il ressort que le paragraphe 5 de l’article 14 garantit que la déclaration de culpabilité est soumise à une juridiction supérieure. Dans son Observation générale no32, le Comité a souligné qu’«il y a violation du paragraphe 5 de l’article 14 non seulement lorsque la décision rendue en première instance est définitive, mais également lorsqu’une déclaration de culpabilité prononcée par une juridiction d’appel ou une juridiction statuant en dernier ressort après que l’acquittement a été prononcé en première instance, conformément au droit interne, ne peut pas être réexaminée par une juridiction supérieure». Le Comité constate qu’en l’espèce, l’auteur a été jugé et acquitté par le troisième tribunal pénal spécialisé du circuit de Bogota. Le ministère public a fait appel de l’acquittement devant le tribunal supérieur du district judiciaire de Bogota, qui a confirmé le jugement en première instance. Par la suite, le parquet a formé un pourvoi en cassation devant la Cour suprême, essentiellement pour erreur de la juridiction du deuxième degré dans l’appréciation des preuves. La Cour suprême a cassé le jugement et condamné l’auteur à une peine d’emprisonnement de cinq ans, entre autres. La condamnation n’ayant pas été réexaminée par une juridiction supérieure, le Comité conclut qu’il y a violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation du paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte.

9.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’accorder à l’auteur un recours utile, sous la forme du réexamen de sa déclaration de culpabilité et d’une indemnisation appropriée. Il est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif, l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en espagnol (version originale), en anglais et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]