C omité des droits de l ’ homme
Communication no 1764/2008
Constatations adoptées par le Comité à sa 109e session(14 octobre-1er novembre 2013)
Communication présentée par: |
Zeydulla Vagab Ogly Alekperov (représenté par sa sœur, Rafizat Magaramova) |
Au nom de: |
L’auteur |
État partie: |
Fédération de Russie |
Date de la communication: |
16 janvier 2008 |
Références: |
Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 5 mars 2008 (non publiée sous forme de document) |
Date de l ’ adoption des constatations: |
21 octobre 2013 |
Objet: |
Impossibilité de bénéficier d’un procès avec jury et commutation de la peine capitale en peine de réclusion à perpétuité |
Questions de procédure: |
Griefs insuffisamment étayés; épuisement des recours internes |
Questions de fond: |
Droit à un recours utile; droit à la vie; interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial; droit d’être à l’abri de toute immixtion dans la correspondance; application rétroactive d’une loi pénale prévoyant une peine plus légère; interdiction de la discrimination |
Articles du Pacte: |
2, 6, 7, 14, 15, 17 et 26 |
Articles du Protocole facultatif: |
2 et 5 (par. 2 b)) |
Annexe
Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (109e session)
concernant la
Communication no 1764/2008 *
Présentée par: |
Zeydulla Vagab Ogly Alekperov (représentépar sa sœur, Mme Rafizat Magaramova) |
Au nom de: |
L’auteur |
État partie: |
Fédération de Russie |
Date de la communication: |
16 janvier 2008 |
Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Réuni le 21 octobre 2013,
Ayant achevé l’examen de la communication no 1764/2008 présentée par Zeydulla Vagab Ogly Alekperov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,
Adopte ce qui suit:
Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif
L’auteur de la communication est Zeydulla Vagab Ogly Alekperov, de nationalité azerbaïdjanaise, né en 1971, qui exécute actuellement une peine de réclusion à perpétuité dans un établissement pénitentiaire de Sol-Iletsk, dans la Fédération de Russie. Il affirme être victime de violation par l’État partie des droits garantis par les articles 2, 6, 7, 14, 15, 17 et 26 du Pacte. Il est représenté par sa sœur, Rafizat Magaramova.
Rappel des faits présentés par l’auteur
2.1Le 13 octobre 1995, l’auteur a été condamné pour de multiples infractions à la peine capitale assortie de la confiscation de ses biens par le tribunal régional de Mourmansk, composé d’un juge professionnel assisté de deux juges non professionnels. Il affirme ne pas avoir été jugé par un tribunal compétent, étant donné qu’il a été privé du droit d’être jugé par un jury, que lui garantissent les articles 20, 47 et 19 de la Constitution russe (ci-après «la Constitution»).
2.2L’auteur note que le 16 juillet 1993, en attendant la mise en place du système de jugement par jury dans la Fédération de Russie, la loi portant modification et adaptation de la législation de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) (à savoir la loi sur le système judiciaire, le Code de procédure pénale, le Code pénal et le Code des infractions administratives) a été adoptée. Le paragraphe 7 de l’article 2 de cette loi dispose qu’un nouvel article 10, intitulé «Du jugement par jury», est ajouté au Code de procédure pénale. Conformément au paragraphe 2 de la décision du Conseil suprême (Parlement) également adoptée le 16 juillet 1993, les procès avec jury devaient, dans un premier temps, être mis en place à partir du 1er novembre 1993 dans cinq régions de la Fédération de Russie (Stavropol, Ivanovo, Moscou, Riazan et Saratov) et à partir du 1er janvier 1994 dans quatre autres régions (Altaï, Krasnodar, Oulianovsk et Rostov). Par conséquent, au 13 octobre 1995, date à laquelle l’auteur a été condamné, les affaires dans lesquelles la peine capitale pouvait être prononcée étaient examinées par un jury dans ces neuf régions de la Fédération de Russie. À ce sujet, l’auteur affirme que, en violation des articles 15 et 46 de la Constitution, le système de jugement par jury n’avait pas été mis en place dans la région de Mourmansk à cette date.
2.3Le 23 janvier 1996, la Cour suprême a confirmé le jugement rendu contre l’auteur. Celui-ci fait valoir que, bien qu’il n’ait pas invoqué une violation des dispositions de la Constitution lors de son recours en annulation par ignorance de la loi, la Cour suprême était dans l’obligation de relever ces violations et d’infirmer sa condamnation.
2.4Le 21 décembre 1998, la peine capitale prononcée contre l’auteur a été commuée en peine de réclusion à perpétuité par un décret de grâce présidentielle. L’auteur fait valoir que, en violation de l’article 18 de la Constitution, selon lequel l’administration de la justice dans la Fédération de Russie est du ressort exclusif des tribunaux, sa réclusion à perpétuité a été prescrite par décret présidentiel. En outre, le décret présidentiel lui-même est contraire à l’article 54 de la Constitution et à l’article 10 du Code pénal russe, car le Code pénal de la RSFSR qui était en vigueur au moment où l’infraction a été commise (juillet 1994) ne prévoyait pas la réclusion à perpétuité. La peine prévue pour l’infraction en question était quinze ans d’emprisonnement ou la peine capitale.
2.5À la requête du tribunal municipal de Moscou et à la suite des plaintes déposées par trois détenus, G., F. et K., la Cour constitutionnelle russe a examiné la constitutionnalité des paragraphes 1 et 2 de la décision du 16 juillet 1993. Le 2 février 1999, elle a conclu que le paragraphe 1 de la décision était en partie contraire aux articles 19, 20 et 46 de la Constitution car il ne permettait pas la réalisation du droit, accordé à tous les accusés passibles de la peine capitale, d’être jugés par un jury dans tout le territoire de la Fédération de Russie. Elle a indiqué que le paragraphe 1 de la décision du 16 juillet 1993 ne pouvait plus être invoqué pour rejeter la demande d’un accusé passible de la peine capitale d’être jugé par un jury et que les condamnés devaient avoir la possibilité de faire examiner leur cause par un jury. Entre l’entrée en vigueur de la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999 et l’entrée en vigueur d’une loi fédérale garantissant la réalisation effective du droit à un procès avec jury dans tout le territoire de la Russie, la peine capitale ne pouvait plus être imposée par un tribunal, quelle que soit sa composition (jurés, avec trois juges professionnels ou un juge professionnel assisté de deux juges non professionnels).
2.6L’auteur fait valoir que conformément à l’article 10 du Code Pénal, à l’article 54 de la Constitution et au paragraphe 13 de l’article 397 du Code de procédure pénale, le tribunal compétent aurait dû, de son propre chef, mettre la sentence prononcée contre lui en conformité avec la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999. Cela n’avait pas été le cas et l’auteur n’avait pas demandé au tribunal d’engager une procédure de réexamen par ignorance de la loi.
2.7En 2004, l’auteur a demandé au tribunal de district de Sol-Iletsk, dans la région d’Orenbourg, de mettre sa sentence en conformité avec les modifications introduites dans le Code pénal par la loi du 8 décembre 2003 portant modification et adaptation du Code pénal. Le 29 juin 2004, le tribunal de district de Sol-Iletsk a examiné la condamnation de l’auteur, a modifié la qualification juridique de certains de ses actes mais a maintenu la peine de réclusion à perpétuité. L’auteur affirme que le tribunal de district de Sol-Iletsk a omis de rendre sa peine conforme à la loi alors en vigueur, et, plus précisément, à la décision rendue par la Cour constitutionnelle le 2 février 1999.
2.8En mars 2006, l’auteur a été informé de la décision par laquelle le tribunal municipal de Zlatooust, dans la région de Tcheliabinsk, le 29 janvier 2001, avait mis la condamnation prononcée contre un autre détenu, D., en conformité avec la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999. Ayant appris que cette décision constituait un précédent qu’il pouvait invoquer pour demander à être jugé par un tribunal compétent, l’auteur, à une date non précisée, a introduit une demande en ce sens auprès du tribunal de district de Sol-Iletsk de la région d’Orenbourg.
2.9Le 23 août 2006, le tribunal de district de Sol-Iletsk de la région d’Orenbourg s’est déclaré incompétent et a rejeté la demande, expliquant que la question relevait de la compétence du Présidium de la Cour suprême. L’auteur affirme que cette décision a violé des droits qui lui sont reconnus par le paragraphe 13 de l’article 397 du Code de procédure pénale et l’article 19 de la Constitution, car ce tribunal était du même niveau hiérarchique que le tribunal municipal de Zlatooust de la région de Tcheliabinsk (voir par. 2.8) et avait donc la même autorité que celui-ci pour mettre la sentence prononcée contre lui en conformité avec la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999.
2.10En octobre 2006, l’auteur a introduit un recours auprès du Président de la Cour suprême. Le 2mars 2007, le recours a été rejeté par un juge de la Cour suprême au motif que l’auteur n’avait pas pris part à la procédure constitutionnelle qui avait abouti à la décision rendue par la Cour constitutionnelle le 2février 1999. Rien, dans l’article 49 du Code de procédure pénale, ne pouvait donc être invoqué comme motif de révision de sa condamnation. L’auteur fait valoir que bien que D. (voir par.2.8) n’ait pas pris part à la procédure constitutionnelle en question, sa peine a été mise en conformité avec la décision de la Cour constitutionnelle du 2février 1999. En outre, la Cour constitutionnelle ne peut pas prendre deux décisions différentes sur le même sujet et, lorsqu’une question similaire se pose, les tribunaux doivent être guidés par la décision existante de la Cour constitutionnelle.
2.11Par une lettre reçue le 31 août 2010, la sœur de l’auteur a informé le Comité que son frère ne cessait d’avoir des difficultés à recevoir et envoyer du courrier en rapport avec la présente communication. En particulier, bien que l’auteur ait reçu la lettre du Comité en date du 31 mars 2010, les observations datées du 4 mai 2010 qu’il avait envoyées à l’adresse de sa sœur pour qu’elle les transmette ensuite au Comité n’étaient jamais arrivées. Le 7 juillet 2010, l’auteur a de nouveau envoyé une copie de ses observations du 4 mai 2010 à sa sœur, qui ne l’a pas reçue non plus. La sœur de l’auteur a demandé au Comité: 1) de ne pas cesser l’examen de sa communication, 2) d’informer la Mission permanente de la Fédération de Russie à Genève de l’immixtion dans la correspondance de l’auteur avec le Comité, et 3) de demander à la Mission permanente de la Fédération de Russie de fournir des explications.
Teneur de la plainte
3.1L’auteur soutient que les faits décrits ci-dessus constituent des violations, par l’État partie, des droits qui lui sont reconnus aux articles 2, 6, 7, 14, 15 et 26 du Pacte. En particulier, il fait valoir qu’il n’a pas été jugé par un tribunal compétent, en violation des articles 2, 6 et 14 du Pacte. Il fait référence aux articles 14 et 15 du Pacte pour faire valoir que sa condamnation n’a pas été mise en conformité avec la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999, qui prévoit que tout accusé a le droit d’être jugé au pénal par un tribunal avec jury. Il affirme également que, en violation de l’article 15 du Pacte, 1) il a été gracié par le Président et non par un tribunal, alors que les tribunaux nationaux sont chargés de l’administration de la justice en Russie, et 2) en conséquence de la commutation de la peine, une peine plus lourde que celle qui était applicable au moment de la commission de l’infraction, soit quinze ans d’emprisonnement, a été prononcée contre lui. Il se dit en outre victime d’une violation de l’article 26 du Pacte car il n’a pas eu le droit d’être jugé par un jury dans la région de Mourmansk, alors que des tribunaux avec jury examinent les affaires passibles de la peine capitale dans neuf autres régions russes.
3.2L’auteur se plaint également d’immixtion illégale dans sa correspondance avec le Comité en rapport avec sa communication, ce qui soulève des questions au regard du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte.
Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond
4.1Dans une note verbale du 22 juillet 2008, l’État partie a fait valoir que les décisions prises dans l’affaire en cause étaient conformes à ses obligations internationales et à sa législation nationale et que les allégations de l’auteur sont infondées. L’auteur a été condamné à mort le 13 octobre 1995 par le tribunal régional de Mourmansk. Sa cause a été entendue par un tribunal composé d’un juge professionnel assisté de deux juges non professionnels. Le 23 janvier 1996, la Cour suprême a confirmé sa condamnation en appel. Le 29 juin 2004, le tribunal de district de Sol-Iletsk a examiné la condamnation de l’auteur et a modifié la qualification juridique de certains de ses actes, la mettant ainsi en conformité avec la loi du 8 décembre 2003. Il a confirmé la condamnation de l’auteur à la réclusion à perpétuité.
4.2Conformément à l’article 421 du Code de procédure pénale de la RSFSR, toute personne accusée d’une infraction passible de la peine de mort et qui relève de la compétence d’un tribunal territorial, régional ou municipal, comme prévu à l’article 36 dudit Code, peut demander à ce que sa cause soit examinée par un tribunal avec la participation de jurés. L’auteur a été accusé d’un crime relevant de la compétence de ce type de tribunal. Cependant, au moment où il a été jugé, les procès avec jury n’avaient pas encore été instaurés dans la région de Mourmansk. Selon le chapitre 2 (partie 6) des «Dispositions finales et transitoires» de la Constitution, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi fédérale fixant la procédure à suivre pour l’examen des affaires par un tribunal avec la participation de jurés, la procédure antérieure d’examen judiciaire est maintenue.
4.3Conformément à l’article 8 de la loi fédérale no 177-FZ du 18 décembre 2001 «Sur la mise en œuvre du Code de procédure pénale russe» tel que modifié, les procès avec jury ont été instaurés dans la région de Mourmansk à compter du 1er janvier 2003. Le 13 avril 2000, la Cour constitutionnelle a examiné la constitutionnalité de l’article 421 du Code de procédure pénale de la RSFSR. Dans sa décision no 69-0, elle a estimé que le renvoi d’une affaire pénale d’un tribunal compétent territorialement à un autre tribunal, pour la seule raison qu’un procès avec jury n’était pas disponible dans le premier tribunal, était contraire au paragraphe 1 de l’article 47 de la Constitution. L’État partie rappelle en outre qu’à l’époque des faits, l’auteur ne s’était pas opposé à ce que sa cause soit examinée par un tribunal avec la participation de deux juges non professionnels. Il s’ensuit que sa cause a été examinée par un tribunal dûment constitué.
4.4L’État partie fait valoir en outre que, le 21 décembre 1998, l’auteur a été gracié par décret présidentiel et que la peine de mort a été commuée en peine de réclusion à perpétuité, qui est une peine plus clémente. Le décret présidentiel graciant l’auteur a été pris dans l’exercice de la prérogative constitutionnelle qu’a le Président de gracier. La grâce opère en dehors du cadre de l’administration de la justice dans les affaires pénales, qui exige le respect des articles 10 et 54 du Code pénal russe interdisant l’application rétroactive d’une loi aggravant la responsabilité d’une personne. Le décret présidentiel a été pris en application des articles 59 et 85 du Code pénal russe, alors en vigueur, qui prévoient la possibilité de commuer des condamnations à mort en peine de réclusion à perpétuité. L’article 24 du Code pénal de la RSFSR, qui était en vigueur au moment de la commission de l’infraction par l’auteur, prévoyait également la commutation de la peine capitale en peine de réclusion à perpétuité. La grâce n’est pas liée à la responsabilité pénale ni à la fixation de la peine, qui sont régies par des dispositions de la procédure pénale et déterminées exclusivement par les tribunaux.
4.5L’État partie renvoie en outre aux décisions no 60-0 et 61-0 de la Cour constitutionnelle en date du 11 janvier 2002 dans les affaires de A. G. et de I. F., dans lesquelles la Cour a indiqué que la grâce est un acte de compassion qui ne peut avoir pour conséquence d’alourdir la peine prévue par le droit pénal établissant la responsabilité pénale et prononcée par un tribunal dans un cas précis. C’est pourquoi la commutation, par l’exercice du droit de grâce, de la peine capitale en une peine plus légère prévue par le droit pénal en vigueur (dans le cas de l’auteur, la réclusion à perpétuité) ne peut pas être considérée comme aggravant la situation du condamné.
4.6Conformément au paragraphe 4 1) de l’article 413 du Code de procédure pénale russe, en vigueur à compter du 1er juillet 2002, une affaire pénale peut être réexaminée si des circonstances nouvelles apparaissent, en particulier, dans le cas où la Cour constitutionnelle constate que le droit appliqué dans cette affaire est contraire à la Constitution. L’État partie note que l’auteur n’a pas pris part à la procédure engagée auprès de la Cour constitutionnelle qui a abouti à la décision du 2 février 1999. Rien, dans l’article 49 du Code de procédure pénale russe, ne pouvait donc être invoqué comme motif de réexamen de sa cause.
4.7La décision prise par le tribunal municipal de Zlatooust le 29 janvier 2001 n’est elle non plus pas un motif de réexamen de l’affaire de l’auteur. Les décisions des tribunaux n’ont pas valeur de précédent en vertu du droit russe. En outre, les modifications de l’article 24 du Code pénal russe prévoyant la possibilité de commuer la peine capitale en peine de réclusion à perpétuité par l’exercice du droit de grâce ont été introduites par la loi fédérale no 4123-1 du 17 décembre 1992 et sont entrées en vigueur à compter du 6 janvier 1993. Auparavant, l’article 24 du Code pénal de la RSFSR, tel que modifié le 28 mai 1986, prévoyait la possibilité de commuer la peine capitale en peine de quinze à vingt ans d’emprisonnement. D., dont la peine a été modifiée par le tribunal municipal de Zlatooust, avait commis l’infraction pour laquelle il avait été condamné le 12 novembre 1992, soit avant l’entrée en vigueur de la loi fédérale du 17 décembre 1992. Par conséquent, rien dans le dossier ne porte à croire que l’auteur a été privé des droits reconnus par le Code pénal de la RSFSR et le Code de procédure pénale de la RSFSR applicables au moment des faits ou par les dispositions du Pacte.
Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie
5.1En date du 6 décembre 2011, l’auteur a réfuté l’argument de l’État partie qui affirme qu’au moment où la condamnation a été prononcée (le 13 octobre 1995), la loi fédérale prévoyant la mise en place de procès avec jury n’était pas en vigueur et qu’il n’y avait pas de procès avec jury dans la région de Mourmansk. Il fait valoir que les procès avec jury ont été instaurés par la loi du 16 juillet 1993, c’est-à-dire avant même l’entrée en vigueur de la Constitution russe, le 12 décembre 1993. Conformément à la décision du Conseil suprême de Russie en date du 16 juillet 1993, les procès avec jury devaient être instaurés dans neuf régions au 1er janvier 1994 au plus tard.
5.2L’auteur soutient que l’État partie avait assez de temps, entre le 12 décembre 1993 (date de l’entrée en vigueur de la Constitution) et le 13 octobre 1995 (date du prononcé de sa peine), pour mettre en place les procès avec jury dans toute la Fédération de Russie. Le fait que l’État partie n’ait pas mis en place ces procès a donné lieu à une violation des droits reconnus par les articles 20 et 47 de la Constitution et l’article 6 du Pacte, car l’auteur a été privé de la possibilité de présenter une demande pour que sa cause soit examinée par un jury. L’auteur fait en outre valoir une violation des droits qu’il tire de l’article 19 de la Constitution et de l’article 26 du Pacte qui protègent le droit à l’égalité devant la loi, car le fait que l’État partie n’ait pas instauré les procès avec jury dans la région de Mourmansk l’a désavantagé par rapport aux accusés jugés dans les neuf régions où ils pouvaient demander l’examen de leur cause par un jury. L’auteur soutient également que le fait que l’État partie n’ait pas assuré la réalisation de son droit de demander l’examen de sa cause par un jury, consacré par l’article 20 de la Constitution, induit que le tribunal régional de Mourmansk composé d’un juge professionnel et de deux juges non professionnels qui l’a reconnu coupable le 13 octobre 1995 n’était pas compétent pour le condamner à mort. Par conséquent, après l’entrée en vigueur, le 12 décembre 1993, des dispositions constitutionnelles prévoyant que la peine capitale ne peut être appliquée que si l’affaire est examinée par un jury, l’État partie aurait dû adopter une loi interdisant l’imposition de la peine capitale jusqu’à ce que les procès avec jury soient mis en place dans toute la Russie. Or, cette loi n’a été adoptée qu’après la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999, qui a été motivée par les plaintes de citoyens alléguant des violations de leur droit à un procès avec jury.
5.3L’auteur affirme en outre que la commutation de la peine capitale en peine de réclusion à perpétuité est illégale car, conformément au Code pénal de la RSFSR en vigueur au moment de la commission de l’infraction, la peine d’emprisonnement maximale était de vingt ans.
5.4En ce qui concerne la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999, l’auteur note que la condamnation de F., qui est à l’origine de cette décision, a fait l’objet d’une révision. Cela induit, selon l’auteur, que la Cour constitutionnelle a reconnu que: 1) la condamnation à mort de F. avait été prononcée en violation de la Constitution; et 2) cette violation s’était produite avant la décision prise par la Cour le 2 février 1999. Étant donné que l’auteur, comme F., a été condamné à mort avant la décision du 2 février 1999, il affirme être victime d’une violation de ses droits à l’égalité devant la loi et à une égale protection devant la loi consacrés par l’article 19 de la Constitution et l’article 26 du Pacte. Il soutient en outre que cette violation devrait donner lieu au réexamen de sa cause en raison de circonstances nouvelles, conformément au paragraphe 4 1) de l’article 413 du Code de procédure pénale russe. Il conteste l’argument de l’État partie qui affirme que le résultat de la procédure constitutionnelle ne s’applique pas à sa cause parce qu’il n’a pas pris part à cette procédure. Il renvoie à la décision rendue par le tribunal municipal de Zlatooust le 29 janvier 2001, par laquelle la condamnation d’un autre détenu, D., a été mise en conformité avec la décision de la Cour constitutionnelle, alors que ce détenu n’avait lui non plus pas pris part à la procédure constitutionnelle.
5.5L’auteur réfute en outre l’argument de l’État partie qui affirme qu’au moment où D. avait commis l’infraction, la loi prévoyait la possibilité de commuer la peine capitale en peine de quinze à vingt ans d’emprisonnement, alors qu’au moment où l’auteur avait commis l’infraction, la loi prévoyait la commutation de cette peine en peine de réclusion à perpétuité. Il fait valoir que cette disposition est contraire à l’article 21 du Code pénal de la RSFSR car la réclusion à perpétuité ne figure pas parmi les peines qui y sont prévues. Par conséquent, le Président ne peut pas, dans l’exercice de son droit de grâce, imposer une peine qui n’a pas de fondement en droit interne.
5.6À la lumière de ce qui précède, l’auteur demande à l’État partie de mettre sa condamnation en conformité avec la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999, comme le tribunal municipal de Zlatooust l’a fait pour D. À défaut, il demande que, conformément à ladite décision, sa condamnation soit révisée, cassée et que l’affaire soit renvoyée au tribunal régional de Mourmansk pour un nouvel examen avec la participation de jurés, car les procès avec jury ont été mis en place dans toute la Fédération de Russie à compter du 1er janvier 2010.
5.7L’auteur invoque à l’appui de sa soumission une lettre ouverte adressée au Président de la Cour suprême par un avocat de Stavropol (Russie), qui fait état de difficultés dans l’application de la décision de la Cour constitutionnelle du 2 février 1999 aux condamnations à mort devenues définitives avant cette date.
Observations supplémentaires de l’État partie
6.1Dans une note verbale du 21février 2011, l’État partie a indiqué que depuis le 23 mai 2001, l’auteur exécute sa peine dans l’établissement pénitentiaire no 6 de l’Administration du Service pénitentiaire fédéral dans la région d’Orenbourg (Исправительная кололония № 6 Управления Федеральной Службы Исполнения Наказаний Россиии по Оренбургской области , ИК-6,ci-après «centre de détention IK‑6»). Pendant cette période, l’auteur a envoyé 87 courriers à différentes autorités nationales et organisations non gouvernementales, notamment, dont trois lettres adressées au Comité et une lettre adressée à l’Organisation des Nations Unies. Aucun retard dans le traitement ou l’envoi de la correspondance de l’auteur n’a été enregistré de la part de l’administration pénitentiaire. L’auteur a été dûment informé que son courrier avait été envoyé, ce qui est confirmé par sa signature figurant sur les pièces justificatives. Selon l’administration du centre de détention IK-6, aucun courrier du Comité destiné à l’auteur n’a été reçu.
6.2L’État partie fait valoir en outre que l’auteur ne s’est jamais plaint d’immixtion dans l’envoi ou la réception de sa correspondance pendant qu’il exécutait sa peine au centre de détention IK-6. De plus, un contrôle du service mené par les autorités pénitentiaires à la suite de la requête du Comité n’a fait apparaître aucune violation du droit qu’a l’auteur de faire des propositions, de soumettre des demandes et de déposer plainte, qui est protégé par l’article 12 du Code de procédure pénale russe.
Commentaires supplémentaires de l’auteur
7.1Par lettre du 6 décembre 2011, l’auteur a précisé qu’il avait reçu cinq lettres du Comité lui demandant de commenter les observations de l’État partie. La dernière lettre a été reçue le 2 décembre 2011. L’auteur note qu’il a répondu aux quatre premières lettres, ce que confirment en partie les observations de l’État partie en date du 21 février 2011.
7.2L’auteur confirme que, comme l’a constaté l’État partie, il a adressé trois lettres au Comité par l’intermédiaire des autorités pénitentiaires du centre de détention IK-6. Ces lettres contenaient ses commentaires sur les observations de l’État partie en date du 22 juillet 2008. La dernière lettre a été enregistrée sous le no 56/5 A-54 et expédiée le 28 juillet 2010. L’auteur a envoyé copie de ces lettres à sa sœur et a chargé celle-ci de les transmettre au Comité. Il apparaît que ni sa sœur ni le Comité n’ont reçu ces lettres. Par conséquent, sa sœur s’est plainte d’immixtion dans sa correspondance (le 31 août 2010) et le Comité a prié l’État partie de faire des observations sur la situation (le 24 novembre 2010).
7.3L’auteur ajoute qu’au début de décembre 2010, les autorités pénitentiaires du centre de détention IK-6 l’ont informé de la demande du Comité en date du 24 novembre 2010. Selon les observations de l’État partie en date du 21 février 2011, l’auteur a confirmé par écrit que les autorités pénitentiaires n’avaient pas commis d’immixtion dans sa correspondance. Les autorités pénitentiaires ont envoyé toutes ses lettres au Comité et à sa sœur et lui ont communiqué leurs numéros d’enregistrement. L’auteur réaffirme en outre qu’il ne peut pas expliquer pourquoi ces lettres ne sont pas parvenues à leurs destinataires.
Délibérations du Comité
Examen de la recevabilité
8.1Avant d’examiner une plainte présentée dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si cette communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.
8.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement. Il note qu’une requête analogue soumise par l’auteur a été déclarée irrecevable par la Cour européenne des droits de l’homme le 17 avril 2009. Il relève cependant que l’affaire n’est plus pendante devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement international et que la Fédération de Russie n’a pas fait de réserve au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif. Par conséquent, le paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif n’empêche pas le Comité d’examiner la présente communication.
8.3Le Comité note que l’auteur affirme avoir été victime d’une violation des droits reconnus à l’article 2 du Pacte, sans préciser la nature de la violation de cette disposition. Il fait observer que les dispositions de l’article 2 du Pacte, qui énoncent des obligations générales à l’intention des États parties, ne peuvent pas être invoquées isolément dans une communication soumise en vertu du Protocole facultatif. Dans la mesure, cependant, où l’auteur invoque l’article 2 conjointement avec l’article 14 pour faire valoir qu’on lui aurait refusé de manière discriminatoire le droit à un procès avec jury, le Comité considère que ce grief est suffisamment étayé aux fins de la recevabilité.
8.4Le Comité prend note des griefs de l’auteur qui affirme que les droits qu’il tient de l’article 7 du Pacte ont été violés. Cependant, faute d’information ou d’élément à l’appui de ce grief, il estime que celui-ci n’est pas suffisamment étayé aux fins de la recevabilité et le déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.
8.5Le Comité prend note du grief de la sœur de l’auteur concernant l’immixtion présumée des autorités pénitentiaires du centre de détention IK-6 dans la correspondance de l’auteur en rapport avec la présente communication, ce qui peut soulever des questions au regard de l’article 17 du Pacte. Le Comité note que, comme l’a indiqué l’État partie et comme l’a reconnu l’auteur, celui-ci ne s’est jamais plaint de l’immixtion des autorités pénitentiaires du centre de détention IK-6 dans sa correspondance pendant la période en question. Il note également que l’État partie a procédé à une vérification officielle de ces allégations et qu’il a été établi que les autorités pénitentiaires avaient traité et expédié en temps opportun le courrier reçu et envoyé par l’auteur et le lui avait notifié, ce qui est confirmé par la signature de l’auteur. Il fait en outre observer que l’auteur ne réfute pas ces arguments de l’État partie et a confirmé avoir reçu tous les courriers du Comité en rapport avec son affaire et y avoir répondu. Dans ces circonstances, le Comité ne peut pas conclure que le fait que la lettre de l’auteur datée du 4 mai 2010 ne lui soit pas parvenue est imputable aux autorités de l’État partie. En conséquence, il considère que cette partie de la communication n’est pas suffisamment étayée aux fins de la recevabilité et la déclare irrecevable au regard de l’article 2 du Protocole facultatif.
8.6Le Comité considère que les autres griefs de violation des articles 2, 6, 14 (par. 1), 15 (par. 1) et 26 du Pacte ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et il procède à leur examen quant au fond.
Examen au fond
9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.
9.2Le Comité note que les griefs de l’auteur qui affirme: 1) qu’il n’a pas bénéficié d’un procès avec jury; 2) que les tribunaux internes n’ont pas mis sa sentence en conformité avec la décision de la Cour constitutionnelle du 2 février 1999; et 3) que sa grâce a été décidée par le Président et non par un tribunal, soulèvent des questions au regard du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, en particulier en ce qui concerne le droit à un procès équitable par un tribunal compétent, établi par la loi.
9.3En ce qui concerne le fait que la cause de l’auteur n’a pas été entendue par un jury, le Comité prend note de l’argument de l’État partie qui indique que la sentence a été prononcée le 13 octobre 1995 par un tribunal composé d’un juge professionnel assisté de deux juges non professionnels et que cette situation était due au fait que, à ce moment-là, les procès avec jury n’avaient pas encore été mis en place dans la région de Mourmansk. L’État partie a également indiqué qu’à l’époque des faits, l’auteur ne s’était pas opposé à ce que sa cause soit entendue par un tribunal ainsi composé, ce que l’auteur n’a pas réfuté. Le Comité prend aussi note de l’explication de l’État partie qui affirme que la cause de l’auteur a été entendue par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, puisque, selon le chapitre 2 (partie 6) des «Dispositions finales et transitoires» de la Constitution, la procédure d’examen qui s’appliquait à cette catégorie d’affaires était maintenue jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi fédérale instituant les procès avec jury. Le Comité prend également note de la référence faite par l’État partie à la décision du 13 avril 2000 dans laquelle la Cour constitutionnelle a estimé que le renvoi d’une affaire pénale d’un tribunal compétent territorialement à un autre tribunal, pour la seule raison qu’un procès avec jury n’était pas disponible dans le premier tribunal, constituerait une violation du droit constitutionnel à ce que sa cause soit entendue par un tribunal compétent. À la lumière de ces explications, le Comité considère que la cause de l’auteur a été examinée par un tribunal compétent au sens du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte.
9.4En ce qui concerne le grief de l’auteur relatif au fait que les tribunaux internes n’ont pas réexaminé la sentence prononcée contre lui sur la base de la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999, le Comité fait observer que, en substance, l’auteur conteste l’application temporelle de la décision de la Cour constitutionnelle et le fait que l’exemple du tribunal municipal de Zlatooust n’ait pas été suivi. Ce grief porte donc sur l’interprétation du droit interne. Le Comité renvoie à sa jurisprudence, réaffirmant qu’il appartient en principe aux tribunaux des États parties d’apprécier les faits et les éléments de preuve et d’interpréter le droit interne, à moins que cette appréciation ait été manifestement arbitraire ou ait représenté un déni de justice. Cependant, l’auteur n’a pas montré que tel ait été le cas de la décision du tribunal de district de Sol-Iletsk de la région d’Orenbourg, qui a réexaminé sa sentence. En particulier, le Comité rappelle que la Cour constitutionnelle a décidé que dès le moment de l’entrée en vigueur de sa décision (2 février 1999) et jusqu’à l’adoption d’une loi fédérale garantissant l’exercice du droit de toute personne accusée d’une infraction passible de la peine capitale d’être jugée par un jury, la peine capitale ne pouvait plus être imposée. Il prend note de l’argument de l’État partie qui indique que cette décision n’a pas d’effet rétroactif et que les sentences capitales prononcées avant son entrée en vigueur (c’est-à-dire avant le 2 février 1999) ne sont pas susceptibles de réexamen sur la base de cette décision. Il relève que l’auteur a été condamné à mort le 13 octobre 1995, plus de trois ans et sept mois avant l’entrée en vigueur de ladite décision, et que par conséquent celle-ci ne peut pas servir de base légale pour le réexamen de sa condamnation. Il prend également note de l’argument de l’État partie qui affirme que la décision du tribunal municipal de Zlatooust concernait une personne qui, contrairement à l’auteur, avait été reconnue coupable d’une infraction commise avant une modification apportée au Code pénal en 1992. À la lumière de ce qui précède, le Comité conclut qu’il n’y a pas eu d’arbitraire ni de déni de justice dans la présente affaire.
9.5En ce qui concerne l’objection de l’auteur concernant la commutation de sa peine par décret présidentiel plutôt que par un tribunal, le Comité prend note des arguments de l’État partie qui affirme que ce décret a été pris dans l’exercice de la prérogative constitutionnelle qu’a le Président d’accorder une grâce et mis en œuvre conformément aux articles 59 et 85 du Code de procédure pénale russe, en vigueur au moment de la grâce, et à l’article 24 du Code de procédure pénale de la RSFSR, en vigueur au moment de la commission de l’infraction, qui prévoient la possibilité de commuer la peine capitale en peine de réclusion à perpétuité. Le Comité rappelle que le pouvoir discrétionnaire de commutation de la peine, qui est expressément envisagé au regard de la peine de mort par le paragraphe 4 de l’article 6 du Pacte, peut être confié à un chef d’État ou à un autre organe exécutif sans que cela porte atteinte à l’article 14. Le Comité ne dispose d’aucun élément sur lequel se fonder pour conclure au caractère arbitraire de la position de l’État partie à savoir que le pouvoir de gracier conféré à l’exécutif est conforme à la Constitution.
9.6À la lumière des considérations qui précèdent, le Comité estime que les informations qui ont été versées au dossier ne lui permettent pas de conclure que les droits garantis à l’auteur par le paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte ont été violés en l’espèce.
9.7En ce qui concerne le grief que l’auteur tire de l’article 6 du Pacte, le Comité relève que, le 21 décembre 1998, l’auteur a été gracié par décret présidentiel et que sa condamnation à mort prononcée le 13 octobre 1995 a été commuée en peine de réclusion à perpétuité. Compte tenu de ces circonstances, il n’examinera pas séparément le grief tiré par l’auteur de cette disposition du Pacte.
9.8Le Comité prend note du grief de l’auteur qui affirme que la commutation de la peine capitale en peine de réclusion à perpétuité constitue une violation de ses droits au titre du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte. Il prend note à cet égard des arguments de l’auteur qui affirme: 1) que la décision de la Cour constitutionnelle en date du 2 février 1999 proscrivait la peine de mort et que, par conséquent, la sanction prévue pour l’infraction qu’il avait commise était réduite (au maximum quinze ou vingt ans d’emprisonnement); 2) qu’à la suite de la grâce présidentielle, il s’est vu imposer une peine plus lourde que celle qui était applicable au moment où il a commis l’infraction en question; et 3) que sa grâce aurait dû être décidée par un tribunal.
9.9Le Comité fait observer que le paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte porte sur la nature et l’objet de la peine, sa qualification en droit interne et les procédures liées à sa détermination et à son application dans le cadre de la procédure pénale. Il note en outre que la grâce est une mesure par essence humanitaire ou de nature discrétionnaire ou motivée par des considérations d’équité, qui n’implique pas qu’il y ait eu une erreur judiciaire. Il souligne que, comme l’affirme l’État partie, la peine capitale pouvait être commuée en réclusion à perpétuité conformément à la loi en vigueur au moment des faits et à la loi en vigueur au moment de la grâce, et que c’est au Président que la Constitution a confié le pouvoir d’accorder une commutation de peine en tout temps. Il note également qu’en tout état de cause, la réclusion à perpétuité ne peut pas être considérée comme une peine plus lourde que la peine capitale. Il en conclut qu’il n’y a pas eu violation du paragraphe 1 de l’article 15 du Pacte.
9.10Le Comité note en outre que l’auteur affirme avoir été victime d’une violation des droits qu’il tire de l’article 26 du Pacte parce qu’il n’a pas eu la possibilité de choisir d’être jugé par un jury, alors que cette option est offerte à des personnes accusées passibles de la peine capitale dans d’autres régions de Russie. Il prend note de la référence faite par l’État partie au chapitre 2 (partie 6) des «Dispositions finales et transitoires» de la Constitution de la Fédération de Russie, qui précise que jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi fédérale fixant la procédure à suivre pour les procès avec jury, la procédure antérieure d’examen judiciaire des affaires correspondantes est maintenue. Il note en outre que les procès avec jury ont dans un premier temps été mis en place dans neuf régions russes et que la région de Mourmansk n’en faisait pas partie. Comme il ressort des informations communiquées par l’État partie, les procès avec jury ont été mis en place dans la région de Mourmansk à compter du 1er janvier 2003, conformément à l’article 8 de la loi fédérale du 18 décembre 2001. Le Comité rappelle sa jurisprudence et réaffirme que bien que le Pacte ne contienne aucune disposition garantissant le droit d’être jugé au pénal par un tribunal avec jury, si le droit interne de l’État partie garantit ce droit et que celui-ci est accordé à certaines personnes accusées d’une infraction pénale, il doit être accordé dans des conditions d’égalité aux autres personnes dans la même situation. Toute distinction doit être fondée sur des motifs objectifs et raisonnables. Le Comité note que la question de savoir si l’accusé peut être jugé par un tribunal avec jury relève du droit fédéral, mais qu’il n’y avait pas de loi fédérale sur le sujet jusqu’à l’adoption de la loi du 18 décembre 2001. Il considère que le fait qu’un État fédéral autorise des différences entre les divers éléments de la Fédération en matière de procès avec jury ne constitue pas en soi une violation de l’article 26 du Pacte. L’auteur n’ayant donné aucune information indiquant que des procès avec jury ont été tenus dans des affaires portant sur des infractions passibles de la peine capitale dans la région de Mourmansk pour établir qu’il y a eu une différence de traitement entre lui et les autres accusés, le Comité ne saurait conclure à une violation de ses droits consacrés à l’article 26 du Pacte. Pour les mêmes raisons, le Comité ne constate aucune violation des droits que l’auteur tire du paragraphe 1 de l’article 2, lu conjointement avec l’article 14 du Pacte.
10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que les faits dont il est saisi ne font pas apparaître de violation de l’une quelconque des dispositions du Pacte.
[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]