Nations Unies

CCPR/C/109/D/1795/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

2 décembre 2013

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Communication no 1795/2008

Constatations adoptées par le Comité à sa 109e session(14 octobre-1er novembre 2013)

Communication p résentée par:

Oleg Anatolevich Zhirnov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

3 septembre 2004 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 1er juillet 2008 (non publiée sous forme de document)

Date de l’adoption des constatations:

28 octobre 2013

Objet:

Procès inéquitable

Questions de fond:

Droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, de communiquer avec le conseil de son choix et de se voir attribuer d’office un défenseur chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige

Questions de procédure:

Néant

Articles du Pacte:

14 (par. 3 b) et d))

Article du Protocole facultatif:

Néant

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (109e session)

concernant la

Communication no 1795/2008 *

Présentée par:

Oleg Anatolevich Zhirnov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Fédération de Russie

Date de la communication:

3 septembre 2004 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 octobre 2013,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1795/2008 présentée par M. Oleg Anatolevich Zhinov en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est M. Oleg Anatolevich Zhirnov, de nationalité russe, né en 1972, qui était incarcéré en Fédération de Russie au moment de la soumission de la communication. Il se dit victime d’une violation par l’État partie des droits qu’il tient du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il n’est pas représenté par un conseil.

Exposé des faits

2.1L’auteur indique avoir été, à une date non précisée, arrêté et inculpé de meurtre, d’extorsion et d’enlèvement. Il ajoute que lorsque, en juillet 2000, M. Vasyaev, enquêteur du Bureau du Procureur du district de Volzhskaya, dans la région de Samara, lui a officiellement présenté les preuves retenues contre lui (procédure dite de «prise de connaissance de l’affaire pénale»), c’était en l’absence de son premier conseil, Mme Gordeeva. Il fait valoir que lui-même et son avocate ont été informés séparément du contenu du dossier le concernant, alors qu’il avait expressément demandé que cette procédure se déroule en présence de son conseil. Il déclare qu’il y avait là violation du paragraphe 5 de l’article 49 du Code de procédure pénale alors en vigueur, en vertu duquel il est obligatoire qu’un avocat participe à la procédure pénale chaque fois qu’un individu est inculpé d’un crime passible de la peine de mort. L’auteur était accusé, entre autres, d’un crime visé à l’article 102 du Code pénal (meurtre avec préméditation et circonstances aggravantes) qui était à l’époque passible de la peine de mort.

2.2À une date non précisée, l’auteur, ainsi que d’autres coaccusés, ont saisi la Division criminelle du tribunal régional de Saratov et demandé le renvoi de l’affaire pour complément d’enquête. L’auteur a également demandé, entre autres, que lui-même et son deuxième conseil, Mme Abramova, à qui il n’avait confié sa défense que le 6 mai 2000, aient accès à tous les éléments versés au dossier. Le 12 mai 2000, la Division criminelle du tribunal régional de Saratov a conclu que d’importantes violations du droit de procédure pénale avaient été commises par les autorités chargées de l’enquête et que l’affaire devait être renvoyée pour complément d’enquête afin de remédier aux vices de procédure recensés. Le tribunal a indiqué expressément que dans les affaires où un avocat participe à la procédure pénale, l’enquêteur doit présenter tous les éléments du dossier au prévenu et à son conseil, à moins que l’un ou l’autre ne demandent à prendre connaissance du contenu du dossier séparément.

2.3Le complément d’enquête a été achevé le 20 juin 2000. L’auteur affirme que, contrairement à la décision de la Division criminelle du tribunal régional de Saratov en date du 12 mai 2000, il a de nouveau pris connaissance d’une partie des éléments du dossier en l’absence de son avocat. À une date non précisée, en juillet 2000, le deuxième conseil de l’auteur, Mme Abramova, a été reçue à l’examen de magistrat et n’a pas pu continuer à assurer sa défense. Bien que l’auteur ait présenté de nombreuses requêtes orales afin qu’un nouvel avocat lui soit attribué ou que la procédure de prise de connaissance du dossier soit reportée, l’enquêteur chargé de l’affaire a continué à lui présenter officiellement le dossier en l’absence d’un conseil. Plus précisément, les 18, 19, 20 et 21 juillet, l’auteur s’est vu présenter plusieurs parties des volumes 6 et 7 de son dossier, ainsi que les volumes 12, 13 et 14, en l’absence d’un avocat. Le 21 juillet 2000, il a pris un troisième avocat, M. Nekhoroshev. Le 24 juillet 2000, il a pris connaissance du contenu du volume 15 de son dossier en l’absence de M. Nekhoroshev. En outre, l’enquêteur n’a pas présenté à l’auteur une vidéo qui faisait partie des éléments de preuve, malgré les nombreuses requêtes orales que celui-ci avait présentées afin de pouvoir la visionner avec son avocat. En conséquence, ce n’est qu’au cours des audiences que l’auteur a vu cette vidéo pour la première fois. Le tribunal a considéré que les transcriptions de la vidéo étaient des éléments de preuve recevables.

2.4Le 29 août 2000, au cours d’une audience, l’auteur s’est plaint à ce sujet auprès de la Division criminelle du tribunal régional de Saratov. Son troisième avocat, M. Nekhoroshev, a ajouté que chacun des avocats précédents avait représenté son client à différents stades de la procédure et qu’il avait lui-même pris connaissance de la totalité des éléments versés au dossier, alors que l’auteur ne s’était vu présenter qu’une partie du dossier, et ce en son absence. L’auteur a indiqué au tribunal que son dossier devait contenir une attestation en date du 13 août 2000 confirmant que son avocate précédente, Mme Abramova, avait été reçue à l’examen de magistrat, et qu’il avait ensuite confié sa défense à M. Nekhoroshev. Commentant l’intervention de l’auteur, le procureur a déclaré que rien ne confirmait que Mme Abramova avait effectivement été nommée juge. Le tribunal a ajourné la requête de l’auteur qui demandait à prendre connaissance du contenu du dossier en présence de M. Nekhoroshev, en attendant de vérifier les informations concernant Mme Abramova. Finalement, la Division criminelle du tribunal régional de Saratov ne s’est jamais prononcée sur la question.

2.5Le 1er novembre 2000, l’auteur a été reconnu coupable de meurtre avec préméditation et circonstances aggravantes (art. 102 du Code pénal) et de trois autres chefs visés aux paragraphes 2 et 3 de l’article 146, au paragraphe 2 de l’article 126 et au paragraphe 2 de l’article 148 du Code pénal, par le tribunal régional de Saratov et condamné à onze ans de réclusion. Le recours en cassation formé par l’auteur a été rejeté par la Division criminelle de la Cour suprême le 25 avril 2001. L’auteur a été débouté de sa demande de contrôle de la décision de la Cour suprême le 17 juillet 2003. La Cour suprême a indiqué qu’elle n’avait constaté aucune violation des dispositions du droit procédural justifiant une modification du jugement rendu en première instance. Le recours formé par l’auteur contre la décision de la Cour suprême en date du 17 juillet 2003 a été rejeté par le Vice-Président de la Cour suprême le 12 novembre 2003.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur invoque une violation des droits qu’il tient du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14, à savoir le droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, de communiquer avec le conseil de son choix et de se voir attribuer d’office un défenseur chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige. Le dossier était constitué de 19 volumes, dont beaucoup comptaient plus de 200 pages. Conformément aux dispositions du paragraphe 6 de l’article 201 du Code de procédure pénale en vigueur à l’époque, l’enquêteur avait fixé un calendrier serré, ne laissant à l’auteur qu’un seul jour par volume (à raison de quatre ou cinq heures de consultation par jour) pour prendre connaissance du dossier. Après le retrait de son deuxième conseil, l’auteur avait dû examiner seul certains volumes, les 18, 19, 20, 21 et 24 juillet 2000. Par la suite, après avoir pris un autre avocat, il avait demandé à réexaminer, cette fois en présence de son conseil, les éléments du dossier qu’il avait déjà consultés, mais sa demande avait été rejetée.

3.2L’auteur soutient que, faute d’avocat, il n’a pas pu bénéficier d’une assistance juridique spécialisée sur le contenu du dossier aussitôt après en avoir pris connaissance. De plus, il n’a pas pu respecter le calendrier serré imposé par l’enquêteur car il n’a pas été autorisé à faire des copies du dossier mais a dû prendre des notes manuscrites et, le 2 août 2000, il a dû signer un procès-verbal d’«achèvement de la prise de connaissance du dossier» sans avoir pu, en réalité, prendre connaissance de la totalité des éléments à charge. L’auteur a noté, dans ce procès-verbal, le nombre de volumes qu’il avait examinés en présence de son avocat et le nombre de ceux qu’il n’avait pas pu consulter. Il affirme avoir été privé du droit d’obtenir une assistance juridique spécialisée sur le contenu de certains éléments du dossier avant le procès, et de la possibilité, conjointement avec son avocat, de déposer en temps utile des requêtes concernant des questions essentielles à sa défense et déterminantes pour l’issue du procès (par exemple, pour demander que d’autres témoins soient cités et que des experts médico-légaux supplémentaires soient nommés). L’auteur conclut que la violation de son droit à la défense a eu des incidences négatives sur la légalité et la validité de sa peine, car il a été privé de la possibilité de se défendre par tous les moyens légaux.

Observations de l’État partie sur le fond

4.1Par lettre du 29 octobre 2008, l’État partie fait valoir que les griefs de l’auteur au sujet de la violation de ses droits procéduraux en matière de défense ont été examinés à de nombreuses reprises par le Bureau du Procureur général et qu’aucune violation n’a été constatée. Il ajoute que l’affaire a été examinée par toutes les instances judiciaires compétentes, y compris la Cour constitutionnelle, et qu’aucune d’elles n’a constaté de violation de ces droits. Il ajoute également que l’affirmation de l’auteur qui dit avoir dû prendre connaissance du dossier en l’absence de son avocat ne concorde pas avec les faits. Selon un procès-verbal du 21 juin 2000, le prévenu a été informé de l’achèvement de l’enquête préliminaire et il lui a été précisé, en présence de son conseil, Mme Abramova, qu’il avait le droit d’examiner le dossier seul et avec son avocat. L’examen du dossier par l’auteur et son avocat a débuté le 22 juin 2000. Le 30 juin 2000, l’auteur a été averti par écrit par l’enquêteur qu’il était exclu de prolonger l’examen du dossier. Estimant que l’auteur prolongeait délibérément cet examen, l’enquêteur a pris le 6 juillet 2000 une décision laissant à l’auteur jusqu’au 28 juillet 2000, dernier délai, pour prendre connaissance du dossier. Le 18 juillet 2000, l’auteur a demandé à être représenté par un autre conseil, M. Nekhoroshev, et l’examen du dossier s’est poursuivi en conséquence avec ledit conseil.

4.2L’État partie affirme en outre que, le 29 août 2000, le tribunal a rejeté la requête formée par l’auteur en vue d’obtenir le renvoi de l’affaire pour complément d’enquête au motif qu’il y avait eu violation de son droit de prendre connaissance du dossier. Il soutient donc qu’il n’y a pas eu violation des droits que l’auteur tient du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

Dans une communication du 28 novembre 2008, l’auteur indique qu’il a commencé à examiner le dossier et à préparer sa défense avec son conseil, Mme Abramova, le 22 juin 2000. À cette fin, tous deux ont pris des notes et copié les déclarations des témoins à charge et les procès‑verbaux d’interrogatoire. Le 30 juin 2000, l’enquêteur a averti l’auteur qu’il était exclu de faire durer l’examen du dossier. L’auteur a répondu qu’il souffrait de myopie et qu’un médecin lui avait conseillé d’interrompre sa lecture toutes les heures pour faire une pause de quinze minutes, que copier des procès‑verbaux prenait du temps et qu’il n’avait aucunement l’intention de faire durer l’examen du dossier. Malgré ces explications, le 6 juillet 2000, l’enquêteur a fixé au 28 juillet 2000 la date limite pour examiner le dossier. L’auteur rappelle qu’il avait en moyenne 200 pages à examiner par jour et qu’il lui était impossible de préparer correctement sa défense dans le court laps de temps imparti. Il rappelle également que, le 29 août 2000, au cours de l’audience, il a soumis une requête faisant valoir qu’il y avait eu violation de son droit de prendre connaissance du dossier en présence de son avocat, mais que le tribunal n’a jamais statué sur cette requête.

Observations complémentaires de l’État partie sur le fond

6.1Dans une communication du 9 juin 2009, l’État partie fait valoir que la réponse de l’auteur en date du 28 novembre 2008 ne contient aucune information nouvelle. Il ajoute que l’affaire a été examinée par le tribunal et renvoyée pour complément d’enquête par deux fois, et que l’auteur a eu la possibilité de prendre connaissance du dossier à deux reprises, d’abord du 1er février au 12 avril 1999, puis du 6 janvier au 7 avril 2000. L’auteur a pu consulter le dossier une troisième fois entre le 22 juin et le 28 juillet 2000. Cette fois‑là, l’examen du dossier a commencé avec un avocat et s’est achevé avec un autre, parce que l’auteur a refusé les services de Mme Abramova. L’État partie soutient que l’affirmation de l’auteur qui dit avoir examiné des éléments de son dossier les 13, 20, 21 et 24 juillet 2000 en l’absence de son avocat est en contradiction avec les informations contenues dans le calendrier d’examen du dossier.

6.2En ce qui concerne l’allégation de l’auteur qui fait valoir qu’il n’a pas disposé de suffisamment de temps pour prendre connaissance du dossier, l’État partie indique que, conformément à l’article 201 du Code de procédure pénale en vigueur à l’époque, l’enquêteur était habilité à décider, avec l’aval du procureur, de fixer une date limite pour l’examen du dossier si, à l’évidence, le prévenu et son avocat faisaient durer les choses. L’État partie soutient qu’il était évident que le prévenu faisait durer l’étude du dossier et que, contrairement à ses allégations, le 29 août 2000, le tribunal avait examiné et rejeté sa requête faisant valoir qu’il y avait eu violation de son droit de prendre connaissance du dossier.

Commentaires supplémentaires de l’auteur

Le 6 décembre 2009, l’auteur a adressé au Comité des copies de la dernière page du procès‑verbal relatif à l’achèvement de l’examen du dossier, de certaines parties du calendrier d’examen du dossier établi par l’enquêteur et de certaines parties de la décision de l’enquêteur lui fixant un délai pour l’examen du dossier. La copie du procès‑verbal contient une note de l’auteur indiquant qu’il n’a pas pris entièrement connaissance du dossier, que les 13, 20 et 21 juillet 2000, son avocat n’était pas présent et qu’il souhaitait examiner la vidéo qui faisait partie des éléments de preuve en présence de son avocat. Une note de l’avocat, M. Nekhoroshev, indique qu’il avait lu la totalité du dossier.

Observations complémentaires de l’État partie sur le fond

Par lettre du 13 août 2010, l’État partie renvoie à ses observations précédentes et fait valoir que le calendrier d’examen du dossier porte la signature de l’auteur, comme celle de ses avocats, ce qui est en contradiction avec la note portée par l’auteur à la fin du procès‑verbal relatif à l’achèvement de l’examen du dossier.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

9.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

9.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même question n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

9.3Le Comité note que l’État partie n’a pas soulevé d’objections quant à la recevabilité de la communication. Il déclare la communication recevable dans la mesure où elle semble soulever des questions au titre des dispositions du paragraphe 3 b) et d) de l’article 14 du Pacte, et procède à son examen quant au fond.

Examen au fond

10.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

10.2Le Comité prend note des allégations de l’auteur qui affirme qu’il n’a pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et n’a pas pu communiquer avec le conseil de son choix, car il a dû examiner la totalité du dossier, soit 19 volumes (plus de 4 000 pages), en trente-sept jours, n’a pas pu consulter toutes les pièces du dossier et n’a pas été autorisé à prendre connaissance de certains éléments du dossier en présence de son (ses) avocat(s). Le Comité prend également note de l’observation de l’État partie qui indique que la présence des signatures de l’auteur et de son avocat contredit les allégations de l’auteur, qui soutient qu’il a dû examiner certaines parties du dossier en l’absence de son avocat. Le Comité relève cependant que l’auteur a porté à la fin du calendrier d’examen du dossier une note indiquant qu’il n’avait pas pu examiner la totalité du dossier. Il constate également qu’il ressort du procès-verbal de l’audience du 29 août 2000 devant le tribunal régional de Saratov que le conseil de l’auteur a confirmé que, comme l’affirmait son client, celui-ci n’avait pas eu assez de temps pour examiner la totalité du dossier.

10.3Le Comité rappelle que, en vertu du paragraphe 3 b) de l’article 14, l’accusé doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et pouvoir communiquer avec le conseil de son choix. Cette disposition est un élément important de la garantie d’un procès équitable et une application du principe de l’égalité des armes. Le Comité note en outre que le tribunal régional de Saratov, dans son jugement du 12 mai 2000, avait estimé que le fait que certaines pièces du dossier avaient été présentées à l’auteur en l’absence de son avocat constituait une violation de la procédure pénale interne et qu’il avait, pour ce motif, décidé de renvoyer l’affaire pour complément d’enquête. Le Comité relève également qu’il ressort du procès-verbal du procès ultérieur que ce même tribunal avait omis de statuer sur une requête identique et avait condamné l’auteur. Le Comité note en outre que l’État partie affirme que le tribunal avait rejeté cette requête, mais n’a pas fourni de document étayant cette affirmation.

10.4Le Comité constate que l’auteur n’a pas bénéficié de la possibilité de faire des copies des pièces versées au dossier et que le temps limité dont il a disposé pour examiner celui-ci ne lui a pas permis de prendre des notes manuscrites. En outre, l’auteur n’a eu aucune occasion d’examiner certaines parties du dossier en présence de son avocat, notamment une vidéo qui faisait partie des éléments de preuve et dont il a pris connaissance pour la première fois pendant le procès. Le Comité note aussi que les 13, 20 et 21 juillet 2013, l’auteur s’est vu refuser la possibilité d’examiner certaines parties du dossier en présence de son avocat, contrairement aux dispositions du droit procédural interne. Compte tenu de la gravité des charges retenues, dont une était passible de la peine de mort à l’époque du procès, le Comité considère que l’auteur n’a pas disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et qu’il y a donc eu violation des droits garantis au paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte.

10.5Compte tenu de la constatation ci-dessus, le Comité décide de ne pas examiner le grief de violation du paragraphe 3 d) de l’article 14 du Pacte.

Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie des droits que l’auteur tient du paragraphe 3 b) de l’article 14 du Pacte.

En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile, notamment sous la forme d’une indemnisation appropriée. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas.

Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire ou relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations et à les diffuser largement dans la langue officielle.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]