Nations Unies

CCPR/C/107/D/1945/2010

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

18 juin 2013

Français

Original: espagnol

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1945/2010

Constatations adoptées par le Comité à sa 107e session(11-28 mars 2013)

Communication p résentée par:

María Cruz Achabal Puertas (représentée par son avocat, Me Jaime Elías Ortega)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

2 novembre 2010 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application des articles 92 et 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 17 mai 2010 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations:

27 mars 2013

Objet:

Torture pendant une détention au secret

Questions de procédure:

Affaire déjà soumise à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement; épuisement des recours internes

Questions de fond:

Droit de ne pas être soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; droit à un recours utile

Articles du Pacte:

7 et 2 (par. 3)

Article du Protocole facultatif:

5 (par. 2 a) et b))

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (107e session)

concernant la

Communication no 1945/2010 *

Présentée par:

María Cruz Achabal Puertas (représentée par son avocat, Me Jaime Elías Ortega)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Espagne

Date de la communication:

2 novembre 2010 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 27 mars 2013,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1945/2010 présentée au nom de María Cruz Achabal Puertas (représentée par son avocat, Me Jaime Elías Ortega) en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Mme María Cruz Achabal Puertas, de nationalité espagnole, née le 16 octobre 1961. Elle prétend être victime d’une violation par l’Espagne des droits consacrés au paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte. Elle est représentée par un avocat.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1Le 7 juin 1996, vers 2 h 30, un groupe d’une quinzaine de gardes civils se sont présentés au domicile de l’auteur à Bilbao et, après une fouille minutieuse, l’ont arrêtée au motif qu’elle était soupçonnée d’appartenance à un groupe armé. L’auteur a été conduite à la caserne de La Salve, où ses empreintes digitales ont été relevées, elle-même photographiée et ses effets personnels confisqués. Cette même nuit elle a été transférée, par la route, à la Direction générale de la Garde civile à Madrid. Au cours du trajet, qu’elle a effectué accroupie et les yeux bandés, elle a été frappée et menacée, notamment de disparition forcée. À l’arrivée, elle a été contrainte de passer par une sorte de tunnel dans lequel elle a commencé à recevoir des coups à la tête et à entendre des mots tels que «tu ne sortiras pas d’ici», «finalement on t’a eue», alors qu’elle avait toujours les yeux bandés, et elle est arrivée dans un cachot. Quelques minutes plus tard, on lui a passé une cagoule noire et elle a été conduite dans une salle où, au milieu des cris et des coups, plusieurs gardes civils la sommaient de passer aux aveux.

2.2Plusieurs séances d’interrogatoire de ce type ont eu lieu, au cours desquelles l’auteur était frappée à la tête, insultée et menacée de violences sexuelles, le tout entrecoupé de brefs séjours au cachot. À un moment donné, l’auteur a subi une tentative de viol et elle a perdu connaissance. Un peu plus tard, et toujours avec la cagoule sur la tête, elle a été présentée au médecin légiste, non sans avoir été auparavant menacée pour qu’elle ne parle pas du traitement qui lui avait été infligé. Alors qu’elle se trouvait au cachot, on lui a dit que son mari avait été arrêté et qu’il avait déjà parlé. De retour dans la salle d’interrogatoire, on lui a annoncé que sa fille avait été arrêtée, qu’elle se trouvait dans les mêmes locaux et qu’elle allait être interrogée. La pression est montée, au point qu’on lui a fait croire que sa fille se trouvait dans un cachot; l’auteur a même cru l’entendre pleurer et voir des sandales noires et le bas d’un pantalon qui ressemblaient à ceux que possédait sa fille. On lui a également dit que sa fille allait subir des abus sexuels. L’auteur a été présentée une deuxième fois au médecin légiste, auquel elle a indiqué qu’elle avait eu une crise d’angoisse et avait du mal à respirer. La pression au sujet de sa fille a été maintenue et les interrogatoires se sont poursuivis; face à cette situation, l’auteur a répondu aux questions des agents dans le sens souhaité par eux. On lui a ensuite donné quelques pages à lire, en lui disant que cela constituerait sa déclaration et qu’elle impliquerait les personnes qui y étaient désignées. Par la suite, on lui a dit qu’elle allait faire une déclaration devant un avocat commis d’office, et que si cette déclaration ne correspondait pas à ce qu’elle avait lu ou si elle se plaignait des mauvais traitements qui lui avaient été infligés, sa fille en paierait les conséquences. Alors qu’on lui disait cela, une porte s’est entrouverte, et elle a pu voir des sandales noires et un pantalon semblables à ceux de sa fille, et elle a cru l’entendre pleurer. C’est dans ces conditions qu’elle a fait la première déclaration, devant une personne qu’on lui a présentée comme étant l’avocat commis d’office, une autre qui prenait des notes, une autre encore qui posait les questions, ainsi qu’une quatrième personne. Les insultes et les menaces ont continué après cela, et l’auteur a été de nouveau présentée au médecin légiste, auquel elle a dit qu’elle souffrait encore de fortes crises d’angoisse.

2.3Après d’autres interrogatoires en présence d’un nouvel avocat commis d’office et de nouvelles menaces, l’auteur a été présentée à l’Audiencia Nacional. Elle y a confirmé ses déclarations sans dénoncer les actes de torture. Elle a été transférée ensuite au centre pénitentiaire de Carabanchel, où elle est restée jusqu’en février 1997. Durant son séjour dans ce centre, les services médicaux ont constaté qu’elle souffrait de crises d’angoisse, accompagnées de cauchemars et de terreurs nocturnes, et que son état se détériorait progressivement. Le 11 février 1997, elle a été transférée au centre pénitentiaire de Nanclares de Oca. Selon les rapports médicaux de cet établissement, elle souffrait de crises d’anxiété, d’angoisse et de tachycardie et avait des difficultés à trouver le sommeil; à plusieurs reprises, durant les crises, elle a revécu ce qui s’était passé au commissariat.

2.4Du fait de la détérioration de son état de santé, en avril 1997, l’auteur a été admise à l’hôpital Santiago Apóstol de Vitoria-Gasteiz, où elle est restée plusieurs semaines et où ont été diagnostiqués un syndrome de stress post-traumatique chronique et un trouble dépressif majeur. Le rapport psychiatrique daté du 2 mai 1997, établi dans cet hôpital, précise notamment que: «durant son hospitalisation [la patiente a eu] plusieurs crises d’angoisse […] avec perte de connaissance […]. Ces épisodes sont apparus en présence de stimuli qui avivaient son traumatisme, comme lorsqu’elle est passée dans un couloir au sous-sol devant le gardien du service de radiologie, ou qu’on lui a demandé d’expliquer ce qui déclenchait les signes cliniques, ou encore lorsqu’elle a reçu certaines visites ou nouvelles». Le rapport conclut que: «même si son témoignage constitue l’unique élément de preuve, étant donné la cohérence des signes cliniques et l’objectivation de la symptomatologie durant son séjour, nous écartons toute idée de simulation. Elle est soumise à une série de facteurs de stress permanents qui avivent son traumatisme, comme sa détention et la présence de gardiens, ce qui entraîne l’autoperpétuation des symptômes […]. Il convient de mettre l’accent sur l’absence de troubles de la personnalité et d’antécédents psychiatriques, bien qu’il soit probable que les difficultés que connaissait la patiente (problèmes financiers, familiaux et professionnels, conditions de vie) l’aient prédisposée aux troubles dont elle souffre actuellement».

2.5Le 13 juin 1997, l’auteur a été placée en liberté provisoire après le versement d’une caution. En juillet 1997, elle a été examinée au Centre de santé mentale Ercilla de Bilbao. En date du 4 novembre 1997, le docteur A. C. A., chef de clinique du service de santé mentale du Centre, a établi un rapport dans lequel il affirmait que l’auteur, qui n’avait pas d’antécédents psychiatriques personnels, souffrait, depuis sa mise en détention en juin 1996 par la garde civile, de stress post-traumatique chronique. Le rapport indique que «les troubles psychiques de la patiente sont compatibles avec le témoignage fourni et semblent être une conséquence logique des violences subies, ce qui engendre une situation extrêmement difficile tant à l’heure actuelle que pour l’avenir, avec des incidences sur l’équilibre affectif et les relations interpersonnelles (l’auteur ne communique pratiquement qu’avec sa fille). La patiente est dans un état désespéré, socialement repliée sur elle-même; elle a besoin d’un accompagnement constant, étant incapable de subvenir à ses propres besoins sans aide, ce qui révèle une détérioration significative des fonctions les plus importantes pour la vie d’une personne». Le rapport précise également que «toute déclaration obtenue dans les conditions décrites par la personne ayant fait l’objet de l’expertise doit être considérée comme étant viciée d’emblée».

2.6En novembre 1997, sur la recommandation du docteur A. C. A., l’auteur a été admise à l’hôpital psychiatrique de Zaldibar, où l’équipe médicale a confirmé le diagnostic antérieur. C’est ce qui ressort du rapport que le docteur D. A. T., psychiatre de l’hôpital, a remis à l’Audiencia Nacionalen décembre 1997, dans le cadre de l’action engagée contre l’auteur. En réponse à la question de l’Audiencia sur le point de savoir quel avait été l’événement déclencheur du syndrome de stress post-traumatique chronique dont souffre l’auteur, le rapport indique qu’il s’agissait de la «détention et de la crainte d’atteinte à l’intégrité physique». En réponse à la question sur l’existence d’une quelconque raison médicale susceptible d’expliquer pourquoi l’auteur n’avait pas informé l’autorité judiciaire des mauvais traitements qu’elle prétendait avoir subis, le rapport indique que «la pathologie déclenchée par l’événement peut constituer en elle-même un motif suffisant pour expliquer que l’événement en question n’ait pas été signalé d’emblée».

2.7Par décision du 27 janvier 1998, l’Audiencia Nacional a acquitté l’auteur de l’infraction de collaboration avec une bande armée dont elle était accusée. La décision précise que le tribunal «ne considère pas comme prouvée l’accusation du ministère public fondée sur la seule déclaration de l’auteur devant la police, eu égard à l’état psychologique de l’auteur au moment de la déclaration, état mis en évidence par l’expertise pratiquée à l’occasion du procès». Lors de ce procès il a également été établi que, avant d’être placée en détention, l’auteur avait une vie normale et collaborait à un projet en faveur des toxicomanes pour le compte de la municipalité de Arrigorriaga. Dans sa déclaration en tant qu’inculpée, l’auteur a dénoncé les mauvais traitements qu’elle avait subis au commissariat, et a affirmé qu’elle ne les avait pas évoqués devant le tribunal par crainte de représailles de la part des policiers concernés.

2.8L’auteur est restée à l’hôpital jusqu’en mars 1998, et y a poursuivi son traitement médico-psychiatrique ainsi que des thérapies psychologiques, lesquelles ont été maintenues jusqu’à présent en raison du caractère chronique des troubles. Elle affirme que son état de santé n’a pas changé, que son incapacité de travail demeure et que les souvenirs post‑traumatiques persistent.

2.9Le 18 octobre 2000, l’auteur a engagé une action au pénal pour torture et coups et blessures contre les gardes civils présumés responsables. Au cours de l’instruction, divers éléments de preuve ont été administrés. L’auteur mentionne comme particulièrement important le rapport du médecin légiste de la clinique médico-légale de Bilbao, le docteur G. P. L., établi le 22 février 2002 sur ordre du tribunal. Selon ce rapport, l’auteur «présente un syndrome de stress post-traumatique consécutif au traitement inhumain et dégradant qu’elle a subi, incluant des violences physiques et psychiques, alors qu’elle était détenue par la police en 1996. Malgré le temps qui s’est écoulé depuis, les troubles demeurent présents et aigus dans toutes leurs manifestations». Le rapport précise également que l’auteur «ne souffrait, avant son placement en détention par la police, d’aucun trouble psychiatrique ni déséquilibre de la personnalité susceptible d’avoir un lien avec les troubles présentés par la suite». Il est également indiqué que «le syndrome de stress post-traumatique découle de la situation psychotraumatique décrite dans la plainte déposée par l’auteur». Dans sa déclaration à la justice, le docteur G. P. L. a confirmé l’intégralité des conclusions de son rapport. Trois autres médecins qui avaient examiné l’auteur ont fait des déclarations et les rapports susmentionnés ont été mis à la disposition de la justice.

2.10À la demande du procureur, un médecin légiste de Madrid, le docteur E. F. R., a été invité à établir un rapport. Il a affirmé que, sans avoir examiné l’auteur, il ne pouvait confirmer quel était l’événement ayant déclenché les troubles post-traumatiques allégués. En juillet 2002, l’auteur a demandé que le médecin qui l’avait examinée à l’hôpital de Zaldibar, la seule psychiatre qui l’avait soignée et qui n’avait pourtant pas été citée, ainsi que son médecin de famille et le psychologue qui la suivait, soient invités à faire une déclaration. Cependant, cette demande n’a pas été suivie d’effet.

2.11Le 26 août 2002, la chambre d’instruction no 28 de Madrid a rendu une décision de classement de l’affaire. Elle précisait qu’aucune donnée objective ne permettait d’affirmer que les mauvais traitements avaient été infligés pendant le laps de temps au cours duquel l’auteur avait été détenue à la Direction générale de la garde civile ou mise à la disposition de l’Audiencia Nacional; qu’aucun des trois avocats qui avaient assisté l’auteur au cours de sa détention n’avait remarqué de signes de mauvais traitements physiques, et qu’elle ne leur avait rien dit à ce sujet; qu’il n’existait aucune donnée objective attestant l’existence de mauvais traitements, et qu’il était donc impossible d’établir une relation de cause à effet avec la maladie de l’auteur.

2.12L’auteur a présenté un recours en révision et, à titre subsidiaire, en appel contre cette décision, faisant valoir que les rapports psychiatriques, compatibles avec sa déclaration, étaient des indices rationnels d’infraction pénale suffisamment importants pour que la procédure soit poursuivie. Elle a indiqué également qu’il incombait à l ’ Audiencia Provincial de se prononcer, à l’issue de la procédure orale, sur l’existence ou non d’éléments de preuve suffisants. Le recours en révision a été rejeté en date du 11 octobre 2002. Le 21 mai 2003, l’Audiencia Provincial de Madrid a rejeté l’appel et confirmé le classement de l’affaire. L’Audiencia Provincial a estimé que la déclaration de l’auteur et les rapports médico-légaux établis n’accréditaient pas l’existence de mauvais traitements. L’auteur fait observer que la procédure devant la juridiction d’instruction ne visait pas à confirmer l’existence de mauvais traitements, le Code de procédure pénale exigeant uniquement l’existence d’indices rationnels suffisants pour passer à la procédure orale.

2.13Le 23 juin 2003, l’auteur a présenté un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel. Elle y affirmait que sa déclaration cohérente et sans contradiction, accompagnée de nombreux rapports médicaux confirmant le syndrome de stress post‑traumatique chronique, constituaient des indices suffisants pour justifier la conduite d’une procédure orale offrant toutes les garanties, qui aurait permis d’établir les faits allégués. Le 12 janvier 2005, le Tribunal constitutionnel a rendu une décision par laquelle il déclarait irrecevable le recours en amparo au motif qu’il n’était manifestement pas suffisamment étayé pour justifier une décision quant au fond.

2.14Le 11 juillet 2005, l’auteur a adressé à la Cour européenne des droits de l’homme une requête invoquant la violation de l’article 3, lu seul et conjointement avec l’article premier de la Convention européenne des droits de l’homme, du fait de l’absence d’enquête effective sur sa plainte pour torture. Le 13 mai 2008, l’auteur a reçu de la Cour une lettre l’informant qu’un comité de trois juges avait déclaré la demande irrecevable, au motif qu’«aucune violation apparente des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles» n’avait été observée.

2.15L’auteur affirme que la Cour s’est fondée sur de simples apparences et relève qu’en déclarant la requête irrecevable, elle n’a pas pu examiner le fond de l’affaire. Il n’y a donc aucune raison pour que la présente communication ne soit pas examinée par le Comité.

2.16L’auteur a fourni au Comité des copies des rapports médicaux mentionnés plus haut, et elle souligne que tous les psychiatres qui se sont occupés d’elle appartiennent à des organismes officiels (centres pénitentiaires, Service basque de santé et cliniques médico‑légales). Aucun d’entre eux ne s’est prononcé à titre privé.

Teneur de la plainte

3.1L’auteur indique que les faits exposés constituent une violation du paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte, en ce qu’elle a été torturée alors qu’elle était privée de liberté et détenue au secret les 7, 8 et 9 juin 1996. Elle soutient que si elle n’avait pas été détenue au secret, les gardes civils n’auraient pu agir avec un tel degré d’impunité, et que les faits rapportés auraient pu être évités. La limitation du droit d’être assisté par un avocat de confiance, avec la possibilité de s’entretenir avec lui en privé, ou d’informer la famille de l’existence de la détention, engendre une sensation d’abattement chez le détenu et un sentiment d’impunité chez les policiers, et donne lieu à des situations pouvant avoir des conséquences extrêmement graves, comme dans le cas d’espèce. À cet égard, l’auteur rappelle les recommandations du Comité et celles des Rapporteurs spéciaux sur la question de la torture demandant à l’Espagne de supprimer le régime de la détention au secret.

3.2L’auteur indique que les tribunaux espagnols ont empêché la tenue d’un procès équitable sur les faits de torture. En l’absence de condamnation, elle n’a pas pu faire reconnaître la responsabilité matérielle de l’État. L’objectif qu’elle poursuit par la présente communication demeure le même, à savoir, principalement, faire reconnaître qu’elle a été torturée et être indemnisée en conséquence. Elle demande également au Comité de déclarer que le régime de la détention au secret, réglementé par les articles 520 bis et 527 de la loi de procédure pénale, est incompatible avec le paragraphe 1 de l’article 10 du Pacte. Elle affirme que ce régime constitue un obstacle dans la lutte pour l’élimination de la torture en Espagne.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Le 7 juillet 2010, l’État partie a formulé des observations sur la recevabilité, affirmant que la communication devait être déclarée irrecevable. Il relève que l’auteur a présenté devant la Cour européenne des droits de l’homme, en juillet 2005, une requête portant sur les mêmes faits dans laquelle elle se disait victime d’une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, lu seul et conjointement avec l’article premier, en ce que sa plainte n’avait pas donné lieu à une enquête effective de la part des juridictions espagnoles. L’auteur affirme que sa requête n’ayant pas été déclarée recevable, la question n’a été examinée par aucun tribunal international. L’État partie ne partage pas cette thèse. Indépendamment de cette requête et de son issue, les décisions d’irrecevabilité doivent, conformément à l’article 35 de la Convention, être fondées sur un examen au fond («la requête est incompatible avec les dispositions de la Convention ou de ses Protocoles, manifestement mal fondée ou abusive»). L’irrecevabilité des requêtes manifestement mal fondées ne concerne pas les simples formalités externes ou le respect de la procédure, mais le fondement matériel de la prétention. L’irrecevabilité présuppose un examen par la même cour, et cet examen exclut que la même question puisse être soumise au Comité. C’est la situation prévue à l’alinéa e de l’article 96 du Règlement intérieur du Comité.

4.2Au sujet de la requête de l’auteur tendant à ce que le Comité engage l’État partie à réparer les préjudices subis et déclare le régime de la détention au secret incompatible avec le Pacte, les voies de recours internes n’ont pas été épuisées. Il existe des voies spécifiques pour demander l’indemnisation des préjudices causés par le comportement des administrations publiques ou des tribunaux, voies indépendantes et compatibles avec toute décision d’acquittement d’infraction pénale dont auraient pu bénéficier des fonctionnaires relevant des entités visées. En ce qui concerne les administrations publiques, la question est régie par la loi no 30/1992, qui étend le champ de la responsabilité au-delà des situations découlant strictement de la commission d’infractions par des fonctionnaires ou des employés. Tout préjudice résultant du fonctionnement normal ou anormal des services publics confère un droit à indemnisation. Le classement de la plainte pénale déposée par l’auteur n’empêchait pas celle-ci d’invoquer la responsabilité de l’État pour le préjudice dénoncé, sous réserve que l’existence de ce préjudice et son lien causal avec le fonctionnement des services publics soient établis. En conséquence, le critère d’irrecevabilité énoncé au paragraphe f) de l’article 96 du Règlement du Comité est rempli.

4.3En ce qui concerne l’incompatibilité éventuelle avec la Constitution des normes procédurales relatives à la détention au secret, lesquelles enfreindraient l’interdiction de la torture et des traitements dégradants, l’auteur n’a pas soulevé cette question devant les tribunaux. Par conséquent, ce grief doit être déclaré irrecevable conformément à l’article 96 f) du Règlement intérieur du Comité.

Observations de l’État partie sur le fond

5.1Le 28 avril 2011, l’État partie a présenté ses observations quant au fond. Il souligne que, alors qu’elle avait été mise en liberté en juin 1997 et acquittée en janvier 1998, ce n’est que le 18 octobre 2000 que l’auteur a porté plainte pour le traitement qui lui avait été infligé. Par la suite, la décision du 26 août 2002, par laquelle la chambre d’instruction no 28 de Madrid a classé l’affaire, indiquait qu’il n’existait pas d’indices rationnels donnant à penser que les faits en question auraient pu été perpétrés. L’État partie précise également qu’aucun des avocats ayant assisté l’auteur pendant sa détention n’a observé de signes de mauvais traitements physiques et que l’auteur elle-même n’a rien dit à ce sujet, «alors qu’on peut logiquement penser que, si ces faits s’étaient véritablement produits, la victime les aurait portés à la connaissance de son avocat et du juge d’instruction devant lequel elle a comparu; or, à la question de savoir quel traitement elle avait reçu, elle a simplement répondu qu’elle n’avait pas été frappée».

5.2Dans le cadre de la procédure, de nombreuses mesures d’enquête ont été ordonnées, en particulier à caractère médico-légal. À cet égard, la chambre indique que s’il est effectivement confirmé que l’auteur souffre d’un syndrome de stress post-traumatique depuis son arrestation et son séjour en prison, «il n’existe aucune donnée objective qui permettrait de confirmer l’existence de mauvais traitements au cours de la détention et il est dès lors impossible d’établir une relation causale entre de mauvais traitements et la maladie (…). Une simple arrestation, quelle que soit la situation dans laquelle elle se produit − en l’espèce, soupçon d’appartenance au groupe terroriste ETA − suivie d’un emprisonnement, provoque ou peut provoquer chez l’intéressé un déséquilibre qui entraîne des troubles à caractère psychique». La décision de classement de l’affaire n’empêchait pas l’auteur d’engager une action au civil en vue d’obtenir une indemnisation adéquate pour les dommages et préjudices qu’elle aurait pu avoir subis.

5.3Dans sa décision rejetant le recours en appel, l’Audiencia Provincial de Madrid a conclu que «rien n’indique l’existence d’une relation logique et chronologique entre une situation déterminée qui se serait produite le 14 juin 1996 − ou, à tout le moins, que l’on fait remonter à cette date − et les soins médicaux dispensés postérieurement dans le centre pénitentiaire où a été placée la plaignante, dans la mesure où l’état d’angoisse de la plaignante à cette première date − le 14 juin 1996 − qui a pu être constaté du fait de sa détention, n’a été signalé aux services médicaux de la prison que le 18 juin 1996». En ce qui concerne le recours en amparo, le Tribunal constitutionnel a conclu qu’au vu des nombreuses mesures d’enquête qui avaient été prises sur le plan médical, les arguments de l’auteur relatifs à la pertinence des éléments de preuve dont elle avait demandé l’examen n’étaient pas convaincants, raison pour laquelle cet examen n’avait pas été ordonné avant la décision définitive du Tribunal.

5.4La requête soumise à la Cour européenne des droits de l’homme a été déclarée irrecevable par décision d’un comité formé de trois juges. Il ne s’agit pas d’une décision stéréotypée ni superficielle, mais d’une décision qui a été prise après un examen approfondi des faits. Dans la lettre faisant état de cette décision, il est indiqué que la Cour «n’observe aucun indice de violation des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles». En outre, bien que l’action engagée devant la Cour européenne se soit conclue le 13 mai 2008, l’auteur n’a saisi le Comité qu’en novembre 2009. Ce fait, ainsi que le laps de temps écoulé depuis la décision du Tribunal constitutionnel (presque cinq ans) et le délai de près de trois ans qu’il a fallu à l’auteur pour dénoncer les mauvais traitements supposés devant les juridictions internes, mettent en question le sérieux et le fondement de la présente communication.

5.5L’auteur a été arrêtée, maintenue au secret pendant une période tout juste supérieure à soixante-douze heures, avant d’être emprisonnée. Dans la perspective de l’article 7 du Pacte, la question pertinente est de savoir si les troubles constatés après l’arrestation et le placement en détention provisoire pendant presque quinze mois sont une conséquence normale (quoique indésirable et malheureuse) de cette détention, ou s’ils résultent de mauvais traitements qui lui auraient été infligés. La cause des troubles n’a pas été clairement déterminée lors de l’enquête judiciaire, et ce, malgré les nombreuses expertises médicales pratiquées. À cet égard, la communication ne comporte pas de nouveaux éléments qui permettraient de formuler une conclusion différente. S’il est vrai que certains rapports médicaux tendent à confirmer la version de l’auteur, d’autres la contredisent ou, à tout le moins, invitent à ne pas écarter d’autres hypothèses. Ainsi, dans son rapport, établi à la demande de la chambre d’instruction no 28, le docteur E. F. R., psychiatre à la clinique médico-légale du Ministère de la justice, précise qu’«il n’est pas possible d’établir un lien de causalité entre le tableau clinique et l’expérience psychotraumatique objet de la plainte, dans la mesure où ce lien est uniquement mentionné par l’intéressée, en l’absence de tout élément objectif, et où son existence n’est donc pas avérée. […] Cet état de stress post‑traumatique peut être dû à de multiples facteurs, et l’expert n’est pas en mesure, compte tenu des diagnostics disponibles, d’affirmer catégoriquement lequel de ces facteurs a pu être à l’origine des troubles allégués […]. Une simple arrestation, quelle que soit la situation dans laquelle elle se produit et sans qu’il n’y ait nécessairement mauvais traitements, suivie d’un emprisonnement, peut entraîner un état de trouble adaptatif accompagné d’un syndrome de stress post-traumatique auxquels auraient contribué en tant que facteurs de stress à caractère vital l’arrestation suivie de l’emprisonnement».

5.6Le fait que la plainte pour torture a été présentée près de trois ans après les faits représente une difficulté objective pour mener une enquête. Cela étant, tous les agents de la Garde civile qui avaient été en contact avec l’auteur ont été identifiés et interrogés; la déposition de tous les avocats commis d’office qui avaient été en contact avec l’auteur pendant sa détention et celle de tous les médecins légistes qui l’avaient examinée ont été recueillies; en outre, de nombreux rapports médicaux sur l’état de santé de l’auteur ont été versés au dossier. L’ensemble de ces investigations a permis de confirmer l’existence d’un syndrome de stress post-traumatique. Cependant, les mesures d’enquête prises, notamment la déposition des avocats indépendants qui avaient assisté l’auteur et celle des médecins légistes, n’ont fourni aucun indice qui aurait justifié de poursuivre la procédure pénale par l’ouverture d’un procès. À supposer même que les troubles dont souffre l’auteur soient la conséquence de son arrestation et de son placement en détention provisoire, il y a des raisons de penser qu’ils résultent de la situation judiciaire de l’auteur, accusée d’infractions graves, et non d’irrégularités qui auraient été commises lors de son arrestation et pendant sa détention provisoire.

5.7Quant à la demande d’indemnisation déposée par l’auteur, l’État partie considère qu’elle ne relève pas du mandat confié au Comité en matière d’examen de communications individuelles. Il réaffirme que l’auteur n’a pas cherché à obtenir une quelconque indemnisation devant les juridictions espagnoles, alors même que la loi prévoit expressément cette possibilité dans les cas de détention provisoire suivie d’un acquittement. Il s’agit d’un système objectif de responsabilité matérielle qui prévoit, en outre, l’indemnisation du préjudice moral, sans qu’il soit nécessaire de confirmer l’existence de mauvais traitements ou de torture. Partant, l’allégation de l’auteur relative à l’impossibilité d’obtenir une indemnisation sans condamnation préalable des responsables d’actes de torture est sans fondement.

5.8En ce qui concerne la plainte de l’auteur relative au régime de la détention au secret, l’État partie maintient qu’il n’est pas approprié de formuler, dans le cadre d’une communication individuelle, une plainte visant à obtenir un jugement abstrait et général sur la compatibilité d’une norme juridique nationale avec le Pacte. Par ailleurs, le régime de la détention au secret, réglementé par les articles 520 bis et 527 de la loi de procédure pénale, est conforme à l’article 10, paragraphe 1, du Pacte. Ce régime n’est applicable que dans des cas concrets et de manière restrictive. En tout état de cause, son application est subordonnée à une autorisation judiciaire fondée sur une décision motivée et raisonnée, qui doit être prise dans les vingt-quatre heures suivant le placement en détention, et à une surveillance constante et directe de la situation personnelle du détenu par le juge qui a pris cette décision ou le juge d’instruction de la circonscription judiciaire où est détenu l’intéressé. Les seules particularités de ce régime vis-à-vis du régime ordinaire de détention sont les suivantes: a) l’avocat est désigné d’office; b) le détenu ne peut exiger qu’un membre de sa famille ou la personne de son choix soit informé de sa détention ni du lieu où il se trouve; c) le détenu n’est pas autorisé non plus à s’entretenir en privé avec l’avocat commis d’office à l’issue de l’acte de procédure pour lequel celui-ci est intervenu; et d) la période maximale de détention (soixante-douze heures) peut être prorogée par le juge. Ce dernier point n’entre pas en ligne de compte dans le cas de l’auteur, dans la mesure où elle a été placée en détention le 7 juin et présentée à un juge le 11 juin.

5.9En ce qui concerne l’assistance d’un avocat commis d’office plutôt que d’un avocat librement choisi, il s’agit de trouver un équilibre entre la prévention des attentats terroristes et la protection des détenus. L’avocat commis d’office est désigné par un organisme professionnel indépendant des autorités publiques, et il doit avoir des qualifications spéciales pour pouvoir assister des personnes détenues au secret, à savoir dix années d’expérience professionnelle et une spécialisation reconnue en matière pénale. La présence de l’avocat a pour but de garantir que les droits constitutionnels du détenu sont respectés, que celui-ci ne subit aucune contrainte ni un traitement incompatible avec sa dignité et sa liberté de déclaration, et qu’il bénéficie de l’assistance technique voulue quant à la conduite à tenir durant les interrogatoires, y compris la possibilité de garder le silence. En tout état de cause, les déclarations du détenu à la police n’ont pas, en elles-mêmes, de valeur probante. Une fois achevée la période de détention au secret, le détenu peut à nouveau exercer son droit de choisir librement son avocat.

5.10L’État partie affirme que les dispositions juridiques appliquées à l’auteur ont été modifiées par la suite, et qu’une réforme générale du régime de la détention au secret est à l’étude, dans le cadre de la réforme de la loi de procédure pénale. Ainsi, conformément à la réforme de novembre 2003, toute personne détenue au secret peut demander à être examinée par un deuxième médecin légiste désigné par le juge ou le tribunal compétent pour connaître des faits. Ni le juge ni les autorités gouvernementales ne peuvent désigner le médecin légiste qui va examiner un détenu, cette tâche incombant au médecin rattaché au tribunal compétent en l’espèce.

5.11Plusieurs des six juridictions chargées d’instruire les infractions de terrorisme autorisent actuellement des mesures de protection supplémentaires, notamment l’enregistrement des interrogatoires et un contrôle médical supplémentaire. Ces mesures, officialisées en vertu d’une décision adoptée le 12 décembre 2006, ont été appliquées à 90 % environ des personnes mises au secret depuis lors. Le contrôle médical supplémentaire permet aux détenus qui le souhaitent d’être examinés par le médecin de leur choix, conjointement avec le médecin légiste, lequel rend visite aux détenus toutes les huit heures et chaque fois que cela est nécessaire. Le médecin légiste et le médecin choisi établissent chacun un rapport, remis au juge qui entendra le détenu.

Commentaires de l’auteur concernant les observations de l’État partie sur le fond

6.1Le 28 juillet 2011, l’auteur a soumis des commentaires sur les observations de l’État partie. En ce qui concerne l’argument de l’État partie relatif au fait qu’elle n’a porté plainte que trois ans après avoir été libérée, elle affirme que son avocat a remis au tribunal qui instruisait l’affaire une lettre décrivant les mauvais traitements qu’elle avait subis, et que dans la déclaration qu’elle avait faite devant ce même tribunal le 7 janvier 1998, elle avait confirmé la teneur de cette lettre. En outre, elle renvoie à l’un des rapports médicaux présentés, dans lequel il est affirmé que la pathologie déclenchée par l’événement peut suffire à expliquer pourquoi la plainte n’a pas été déposée immédiatement. Son état mental ne lui permettait pas de faire l’énorme effort que supposait le dépôt d’une plainte. Ce n’est qu’en octobre 2000 qu’elle en a trouvé la force.

6.2L’auteur réaffirme son désaccord avec l’affirmation, qui figure dans la décision de classement de l’affaire en date du 26 août 2002, selon laquelle il était impossible d’établir un lien de causalité entre d’éventuels mauvais traitements et la maladie de l’auteur. Elle rappelle les rapports présentés par des psychiatres indépendants. Dans l’un d’eux, par exemple, il est affirmé que l’auteur «présente un syndrome de stress post-traumatique consécutif au traitement inhumain et dégradant qu’elle a subi, incluant des violences physiques et psychiques, alors qu’elle était détenue par la police en 1996». Le rapport affirme également que l’auteur «ne souffrait, avant d’être placée en détention par la police, d’aucun trouble psychiatrique ni déséquilibre de la personnalité susceptible d’avoir un lien avec les troubles présentés par la suite». L’auteur rejette catégoriquement l’affirmation qui figure dans la décision selon laquelle ses souffrances psychiques sont simplement dues à la détention.

6.3À propos de la requête adressée à la Cour européenne des droits de l’homme, l’auteur indique l’avoir déposée le 11 juillet 2005, après quoi la Cour a mis plus de trois ans à se prononcer. Le fait qu’elle a attendu un peu plus d’un an, après avoir reçu la notification de la Cour, pour saisir le Comité est dû au scepticisme engendré par les multiples décisions négatives rendues jusqu’alors.

6.4L’auteur indique que les conclusions de l’ensemble des psychiatres qui l’ont examinée sont concordantes. Le docteur E. F. R., qui a établi le rapport sur lequel s’appuie l’État partie pour affirmer qu’une telle concordance n’existe pas, ne l’a jamais soignée ni examinée. En ce qui concerne les déclarations que les gardes civils ont prononcées en qualité d’inculpés, la seule fois où ils ont comparu devant la chambre d’instruction no 28, elles ne répondent pas aux questions de la partie demanderesse, et le représentant du ministère public ne s’est même pas présenté. Le ministère public n’a participé à aucun des actes d’instruction au cours de la procédure. Il n’a pas non plus ouvert une enquête d’office lorsque l’auteur, dans le cadre de la procédure engagée contre elle devant l’Audiencia Nacional, a affirmé avoir subi des mauvais traitements.

6.5Concernant sa demande d’indemnisation, l’auteur fait observer que s’il est reconnu qu’elle a été torturée, la seule manière de réparer un tant soit peu le préjudice qu’elle a subi est de lui accorder une indemnisation. Une assistance médicale spécialisée et gratuite serait également d’un grand secours. L’auteur affirme être ouverte quant à la forme de réparation qui sera jugée adéquate.

6.6En ce qui concerne la procédure d’indemnisation à laquelle se réfère l’État, prévue à l’article 294 de la loi organique relative au pouvoir judiciaire, ce même article exige que la non-existence du fait imputé soit établie. Or il est généralement impossible de prouver un fait négatif, ce qui, compte tenu de la décision d’acquittement, conduit pratiquement à une impasse.

6.7Quant au grief relatif au régime de la détention au secret, l’auteur affirme qu’il est parfaitement pertinent. Malgré les recommandations du Comité, ce régime, réglementé par les articles 509, 520 bis et 527 de la loi de procédure pénale, n’a été ni abrogé ni modifié. Les modifications qu’évoque l’État partie ont été apportées après les faits de l’espèce.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité observe que l’auteur a présenté une requête portant sur les mêmes faits à la Cour européenne des droits de l’homme. Dans une lettre du 13 mai 2008, l’auteur a été informée qu’un comité de trois juges avait décidé de déclarer la requête irrecevable au motif qu’aucun des droits et libertés garantis par la Convention ou ses Protocoles ne semblait avoir été violé. Le Comité rappelle qu’en ratifiant le Protocole facultatif, l’Espagne a émis une réserve excluant la compétence du Comité pour examiner des questions qui ont été examinées ou qui sont en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité renvoie à sa jurisprudence relative au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif et rappelle que, lorsque la Cour européenne déclare une requête irrecevable, non seulement pour vice de forme, mais aussi pour des motifs reposant, dans une certaine mesure, sur un examen au fond, il est considéré que la question a déjà été examinée au sens des réserves au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif; et qu’il convient de considérer que la Cour européenne est allée au-delà d’un simple examen des critères de recevabilité purement formels lorsqu’elle déclare une requête irrecevable au motif qu’elle «ne fait apparaître aucune violation des droits et libertés consacrés dans la Convention ou ses Protocoles». Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, le raisonnement succinct exposé dans la lettre de la Cour ne permet pas au Comité de conclure que l’examen a inclus une analyse suffisante des éléments de fond eu égard aux informations qui lui ont été fournies tant par l’auteur que par l’État partie. Par conséquent, le Comité considère qu’il lui est loisible d’examiner la présente communication conformément au paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.4Le Comité constate que l’auteur a engagé une action pénale pour faits de torture en première instance, a fait appel devant la juridiction provinciale (Audiencia Provincial de Madrid) et déposé un recours en amparo devant le Tribunal constitutionnel, et qu’elle a été à chaque fois déboutée. Par conséquent, il considère que les recours internes ont été épuisés. Les autres critères de recevabilité ayant été satisfaits, le Comité déclare la communication recevable et procède à son examen au fond.

Examen au fond

8.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de l’ensemble des informations qui lui ont été communiquées par les parties.

8.2L’auteur affirme avoir été torturée alors qu’elle était détenue au secret, du 7 au 9 juin 1996; pendant cette période, elle n’a eu le droit ni d’être assistée par l’avocat de son choix ni de communiquer avec sa famille. Elle soutient que le traitement qui lui a été infligé a provoqué un syndrome de stress post-traumatique chronique, diagnostiqué par plusieurs médecins du système public de santé et pour lequel elle est encore soignée. L’auteur affirme également qu’elle n’a pas bénéficié d’une procédure équitable lorsqu’elle a porté plainte, dans la mesure où le juge a classé l’affaire sans qu’un procès ait eu lieu, estimant qu’aucun élément objectif ne confirmait l’existence de mauvais traitements. L’État partie soutient que la cause des troubles dont souffre l’auteur n’a pas été clairement déterminée lors de l’enquête, malgré les nombreuses expertises médicales pratiquées, et que les troubles en question pourraient être liés à la situation dans laquelle se trouvait l’auteur, visée par une procédure judiciaire. Il affirme également qu’aucune des expertises pratiquées n’a fourni d’indices suffisants pour que la procédure pénale soit suivie de l’ouverture d’un procès.

8.3Le Comité rappelle ses Observations générales nos 20 (1992)et 21 (1992) concernant la relation entre les articles 7 et 10, paragraphe 1 du Pacte, et considère que les faits allégués par l’auteur relèvent du champ d’application de l’article 7, seul et lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte. Par conséquent, le Comité examinera les faits dans cette perspective, et non dans celle du paragraphe 1 de l’article 10 invoqué par l’auteur.

8.4Le Comité prend note de la description détaillée et cohérente que fait l’auteur des circonstances ayant entouré son arrestation et sa détention à la Direction générale de la garde civile de Madrid. Il prend acte également des rapports médicaux présentés par l’auteur, en particulier ceux des psychiatres qui se sont occupés d’elle et qui ont diagnostiqué le syndrome de stress post-traumatique chronique qui aurait pour origine les faits survenus durant sa détention. Selon ces rapports, ce syndrome a nécessité des périodes d’hospitalisation ainsi qu’un traitement prolongé encore maintenu actuellement. Face à ces éléments, l’État partie met en avant le rapport du psychiatre de la clinique médico-légale du Ministère de la justice, établi à la demande de la chambre d’instruction no 28, selon lequel il est impossible d’affirmer de manière catégorique quelle a pu être l’origine des troubles en se fondant uniquement sur les rapports médicaux mentionnés plus haut. Cependant, de l’avis du Comité, ce rapport, dont l’auteur lui a fourni une copie dans le cadre de la présente communication, et qui a été établi sans que l’auteur ait été examinée par le médecin concerné, ne saurait constituer un élément suffisant pour invalider les rapports médicaux fondés sur la prise en charge et le traitement direct de l’auteur, ni étayer la conclusion selon laquelle les faits ne se seraient pas produits de la manière dont l’auteur les décrit. Par ailleurs, le rapport indique qu’il est impossible d’établir un lien de causalité entre les troubles constatés et les faits rapportés par l’auteur, en raison de l’absence de données objectives. Cela conduit le Comité à aborder la question de l’examen de la plainte de l’auteur par les juridictions internes.

8.5.Le Comité observe que, dans le cadre de l’enquête conduite par la chambre d’instruction no 28, les agents de la garde civile ayant été en contact avec l’auteur, les avocats commis d’office par l’État pendant que celle-ci était au secret et les médecins légistes qui ont examiné l’auteur pendant cette même période ont été identifiés et interrogés. L’auteur affirme toutefois que les agents de la garde civile, à l’occasion de leur unique comparution devant le juge, ont refusé de répondre aux questions de l’accusation. En ce qui concerne les avocats commis d’office et les médecins légistes, qui ont affirmé que l’auteur ne s’était pas plainte de mauvais traitements, le Comité juge convaincantes les raisons avancées par l’auteur pour expliquer qu’elle ne les avait pas informés du traitement auquel elle était soumise, compte tenu en particulier de la situation de vulnérabilité dans laquelle elle se trouvait du fait de sa détention au secret. Le Comité constate également que, dans le cadre de la procédure engagée contre l’auteur devant l’Audiencia Nacional, l’intéressée a évoqué les mauvais traitements subis alors qu’elle était au secret sans qu’aucune enquête ne soit ouverte d’office.

8.6Le Comité rappelle ses Observations générales no 20 (1992) et no 31 (2004), ainsi que sa jurisprudence constante par laquelle il est établi que les plaintes pour violation de l’article 7 doivent rapidement donner lieu à une enquête approfondie et impartiale par les autorités compétentes et les mesures qui s’imposent doivent être prises contre les personnes reconnues coupables. Dans le cas d’espèce, le Comité considère que, vu le classement de l’affaire en phase d’instruction, qui a empêché la tenue du procès (juicio oral), il n’a pas été satisfait aux exigences d’examen approfondi auquel doit donner lieu toute plainte pour torture, et que les seuls actes d’instruction effectués n’ont pas été suffisants pour que les faits soient examinés de manière approfondie, comme l’exigeaient la maladie de l’auteur et les rapports des médecins qui l’ont examinée et ont posé le diagnostic. Compte tenu de la difficulté qu’il y a à prouver l’existence de tortures et de mauvais traitements lorsque ceux‑ci ne laissent pas de traces physiques, comme dans le cas d’espèce, les enquêtes sur de tels faits doivent être exhaustives. En outre, tout préjudice physique ou psychique causé à une personne en détention, qui plus est au secret, suscite une importante présomption de fait, et il convient dès lors de considérer que la charge de la preuve ne doit pas peser sur la victime présumée. Dans ces circonstances, le Comité considère que l’enquête conduite par les juridictions internes n’a pas été suffisante pour garantir à l’auteur son droit à un recours utile, et que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 7, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

9.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation de l’article 7, lu seul et conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2 du Pacte.

10.Conformément au paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile consistant notamment en: a) une enquête impartiale, efficace et approfondie sur les faits, le jugement et la condamnation des responsables; b) l’octroi d’une réparation intégrale, y compris une indemnisation adéquate; c) des mesures d’assistance médicale spécialisée et gratuite. L’État partie est également tenu d’éviter que des violations analogues ne se reproduisent à l’avenir. À cet égard, le Comité rappelle la recommandation qui a été adressée à l’État partie à l’occasion de l’examen de son cinquième rapport périodique, tendant à ce qu’il adopte les mesures nécessaires, y compris législatives, pour mettre un terme définitif au régime de la détention au secret, et à ce que soit reconnu à tous les détenus le droit de choisir librement un avocat qu’ils puissent consulter de manière totalement confidentielle et qui soit présent lors des interrogatoires.

11.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais, en espagnol (version originale) et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Appendice

Opinion individuelle (dissidente) de Mme Anja Seibert-Fohr,M. Yuji Iwasawa, Mme Iulia Antoanella Motoc, M. Gerald L. Neuman, M. Yuval Shany et M. Konstantine Vardzelashvili

Nous ne sommes pas en mesure d’approuver la décision de recevabilité adoptée par le Comité dans le cas d’espèce, et ce pour la raison suivante. Lorsque le Gouvernement espagnol a adhéré au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il l’a fait «étant entendu que les dispositions de l’article 5, paragraphe 2, dudit Protocole, signifient que le Comité des droits de l’homme ne devra examiner aucune communication émanant d’un particulier sans s’être assuré que la même question n’est pas déjà en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement ou n’a pas déjà été examinée par une telle instance».

Selon la jurisprudence bien établie du Comité concernant l’article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif, cette condition n’est pas remplie lorsqu’une affaire a été rejetée uniquement pour des motifs procéduraux. Mais, lorsque la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré une requête irrecevable non seulement pour vice de forme, mais aussi sur des motifs qui supposent «un examen quant au fond» alors, selon la jurisprudence du Comité, il devrait être considéré qu’une question a été «examinée» au sens de la réserve à l’article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif. Le Comité a reconnu qu’une décision d’irrecevabilité fondée sur «un examen même limité du fond» constitue un examen au sens de la réserve dont il s’agit. La question est considérée comme étant la même si les dispositions de la Convention européenne, telles qu’interprétées par la Cour européenne des droits de l’homme, sont suffisamment proches de la protection offerte au titre du Pacte.

Nous ne voyons pas de raison de nous écarter de cette interprétation bien établie dans le cas d’espèce. Pour étayer sa décision d’irrecevabilité, la Cour européenne a fait valoir que les griefs avancés par l’auteur ne faisaient «apparaître aucune violation des droits et libertés consacrés par la Convention ou ses Protocoles». Nous voyons mal comment cet argument pourrait être interprété autrement que comme un examen même limité du fond. En effet, dans de précédentes affaires, le Comité a estimé qu’il fallait considérer que la Cour européenne était allée au-delà de l’examen de critères de recevabilité reposant uniquement sur des questions de procédure lorsqu’elle déclarait une requête irrecevable pour de tels motifs.

L’auteur de la communication pouvait choisir de présenter sa requête à la Cour européenne des droits de l’homme ou au Comité des droits de l’homme. Dans la mesure où elle a soumis sa requête à la Cour européenne des droits de l’homme, en alléguant une violation de l’article 3, indépendamment de l’article premier de la Convention européenne et eu égard à celui-ci, requête qui a ensuite été déclarée irrecevable en l’absence de violation apparente des droits et libertés garantis par la Convention, la question a été «examinée par une autre instance internationale d’enquête» conformément à la réserve susmentionnée. Il n’appartient pas au Comité des droits de l’homme de déterminer si une affaire a été examinée de manière suffisamment approfondie dans le cadre d’une procédure qui garantit une norme offrant un niveau de protection équivalent à celui prévu par l’article 7 du Pacte, et qui a été invoquée sans succès par l’auteur d’une communication avant que la question ne soit soumise au Comité.

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]

Opinion individuelle de MM. Cornelis Flinterman et Fabián Salvioli

1.Nous approuvons la conclusion du Comité selon laquelle les réserves introduites par l’Espagne lors de la ratification du Protocole facultatif ne sauraient être considérées, dans les circonstances particulières de l’espèce, comme un obstacle à l’examen au fond de la communication présentée par l’auteur, au titre de l’article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif. Toutefois, il aurait été souhaitable que le Comité insiste davantage sur les circonstances spécifiques de l’affaire, ce qui aurait permis de bien montrer qu’il ne s’éloigne de sa position générale, consistant à respecter des réserves telles que celles faites par l’Espagne et par un grand nombre d’autres pays européens et par l’Ouganda, qu’à titre exceptionnel.

2.La réserve espagnole à l’article 5, paragraphe 2 a), implique que le Comité ne peut examiner les communications qui lui sont soumises par un particulier que s’il s’est assuré que la même question n’a pas déjà été ou n’est pas examinée par une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, en l’occurrence la Cour européenne des droits de l’homme. Dans le cas d’espèce, il ne fait aucun doute que la communication soumise au Comité soulève la même question que la requête qui a été présentée à la Cour européenne des droits de l’homme. La principale question est de savoir si la Cour européenne des droits de l’homme a effectivement «examiné» l’affaire, auquel cas la réserve relative à l’article 5, paragraphe 2 a), s’appliquerait.

3.À cet égard, il convient d’évoquer la jurisprudence du Comité, selon laquelle le Comité ne considère pas que la notion d’«examen» de la question dans le contexte de réserves telles que la réserve espagnole signifie «un examen quelconque» (Lemercier c. France, 1228/2003). Vu les circonstances particulières du cas d’espèce,le Comité a pris note du caractère limité des arguments énoncés en termes succincts dans la lettre que la Cour européenne des droits de l’homme a adressée à l’auteur, dans laquelle celle-ci a été informée que la Cour avait déclaré sa requête irrecevable au motif qu’elle n’avait constaté aucune violation apparente des droits et libertés garantis par la Convention (européenne) ou ses Protocoles. Malheureusement, le Comité s’en tient là et ne cherche pas à approfondir davantage les circonstances spécifiques de l’espèce.

4.Le Comité aurait pu ajouter que, dans le cas d’espèce, la Cour européenne des droits de l’homme avait adressé la lettre à l’auteur presque trois ans après que celle-ci lui eût présenté sa requête, et sans que cette requête ait été transmise à l’État partie pour qu’il fasse connaître ses observations quant à la recevabilité et au fond de l’affaire. Le Comité aurait pu également indiquer qu’en l’espèce, l’auteur avait adressé sa requête à la Cour européenne des droits de l’homme en faisant valoir une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (interdiction de la torture ou d’un traitement ou d’une peine inhumain ou dégradant), article qui est similaire à l’article 7 du Pacte. Les documents présentés à la Cour européenne des droits de l’homme par l’auteur étaient semblables à ceux qu’elle a présentés au Comité. Dans des cas où l’intégrité physique, voire le droit à la vie, du requérant a été en jeu, il devrait ressortir clairement de la décision (d’irrecevabilité) de la Cour européenne des droits de l’homme que la Cour a accordé une attention suffisante au fond de l’affaire, de sorte qu’il puisse être considéré que celle-ci a été examinée aux fins d’une réserve qui, comme celle de l’Espagne, vise à empêcher l’examen d’une communication en application de l’article 5, paragraphe 2 a), du Protocole facultatif. Si tel n’est pas le cas, le Comité peut légitimement déclarer la communication recevable en dépit de la réserve, comme il l’a fait dans le cas d’espèce.

[Fait en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]