Nations Unies

CCPR/C/104/D/1883/2009*

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 juin 2012

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1883/2009

Constatations adoptées par le Comité à sa 104e session(12-30 mars 2012)

Communication p résentée par:

Svetlana Orazova (représentée par un conseil, Timur Misrikhanov)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Turkménistan

Date de la communication:

1er mars 2009 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 13 juillet 2009 (non publiée sous forme de document)

Date de l ’ adoption des constatations:

20 mars 2012

Objet:

Restrictions injustifiées des déplacements à l’étranger et à l’intérieur du pays; surveillance policière illégale, notamment perquisitions, écoutes téléphoniques et immixtion dans la correspondance sans autorisation

Questions de procédure:

Griefs insuffisamment étayés

Questions de fond:

Recours utile; droit de circuler librement et droit de quitter n’importe quel pays, y compris le sien; restrictions nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui; droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial; immixtions arbitraires ou illégales dans la vie privée, la famille, le domicile ou la correspondance

Articles du Pacte:

2 (par. 3 a) et b)), 12 (par. 1 et 2), 14 (par. 1), 17 (par. 1)

Article du Protocole facultatif:

2

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatifse rapportant au Pacte international relatif aux droitscivils et politiques (104e session)

concernant la

Communication no 1883/2009 *

Présentée par:

Svetlana Orazova (représentée par un conseil, Timur Misrikhanov)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Turkménistan

Date de la communication:

1er mars 2009 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 20 mars 2012,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1883/2009 présentée au nom de Mme Svetlana Orazova en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été communiquées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5du Protocole facultatif

1.L’auteur de la communication est Mme Svetlana Orazova, de nationalité turkmène, née en 1964. Elle se déclare victime de violations par le Turkménistan des droits consacrés par les paragraphes 3 a) et b) de l’article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les paragraphes 1 et 2 de l’article 12, le paragraphe 1 de l’article 14, et le paragraphe 1 de l’article 17. L’auteur est représentée par un conseil, M. Timur Misrikhanov.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1En janvier 2004, des fonctionnaires chargés de la surveillance des frontières turkmènes ont empêché l’auteur de monter à bord d’un avion reliant Achgabat à Tachkent, sans lui donner d’explications. Depuis lors, elle ne peut pas se rendre à l’étranger ni se déplacer à l’intérieur du pays. En juin 2008, on a empêché son mari, Annaev Ovez, d’embarquer dans un vol pour Moscou, où il devait être soigné pour une maladie cardiaque. Les autorités ont également empêché leur fille, A. S., alors étudiante à l’Université de Beijing, de quitter le pays.

2.2En juillet 2004, le père de l’auteur, qui vivait dans la région de Dashoguz, est venu à Achgabat pour recevoir des soins médicaux. L’auteur et son père ont été arrêtés et placés en garde à vue illégalement pendant huit heures. Le père de l’auteur a ensuite été renvoyé à Dashoguz, où les autorités ont interdit à l’auteur et à sa famille de lui rendre visite. L’auteur indique que sa mère, qui vivait avec elle à Achgabat, est décédée en 2005 et que son père n’a même pas pu assister aux obsèques de son épouse, en raison de l’interdiction de déplacement imposée par les autorités. En septembre 2005, lorsque le père de l’auteur est mort, elle n’a pas été autorisée à se rendre à Dashoguz pour assister aux obsèques.

2.3Le 24 novembre 2007, les autorités ont empêché l’auteur et sa fille de monter à bord d’un avion à destination de Moscou. L’auteur a alors cherché à obtenir des explications auprès des autorités au sujet de l’interdiction de circuler dont elle et sa famille faisaient l’objet. Le 17 décembre 2007, elle a adressé une plainte au Service national d’enregistrement des étrangers (appelé Service des migrations du Turkménistan en 2007), mais elle n’a reçu aucune réponse par écrit. Cependant, dans une conversation avec les employés de ce service, elle a appris que les restrictions avaient été ordonnées par le Ministère de la sécurité nationale. Elle a alors pris contact avec ce Ministère pour obtenir des explications mais elle n’a reçu aucune réponse. Toutefois, lors d’une conversation avec un employé du Ministère, G. K., l’auteur a été informée de façon officieuse que les restrictions du droit de se déplacer à l’étranger et à l’intérieur du pays leur avaient été imposées parce que son frère, M. Khudaiberdy Orazov, ancien Vice-Premier Ministre du Turkménistan, avait quitté le pays en 2001 et rejoint des groupes d’opposition à l’étranger.

2.4Ses plaintes auprès du Ministère de la sécurité nationale, du Ministère de l’intérieur et du bureau du Procureur étant restées sans réponse, l’auteur s’est tournée vers la justice. Le 16 février 2008, le tribunal du district de Kopetdag a refusé d’examiner son dossier, au motif qu’elle ne s’était pas prévalue de la procédure de règlement extrajudiciaire prévue par la loi avant de saisir la justice, et il lui a recommandé d’adresser ses plaintes directement au Service national d’enregistrement des étrangers ou à l’organe qui lui est hiérarchiquement supérieur. Le recours formé par l’auteur contre cette décision a été rejeté par le tribunal municipal d’Achgabat le 16 avril 2008 pour les mêmes raisons. Le 20 mai 2008, la Cour suprême a confirmé les décisions des autres juridictions. L’auteur s’est alors adressée au Président du Turkménistan, mais en vain.

2.5Le 16 janvier 2009, l’auteur a adressé au bureau du Procureur général du Turkménistan une requête dans laquelle elle se plaignait de la violation du droit de quitter le pays dont elle et les siens étaient victimes. Dans une lettre datée du 3 février 2009, le bureau du Procureur général a fait savoir à l’auteur que, en vertu de l’article 32 de la loi relative aux migrations du 7 décembre 2005, le droit de quitter le pays avait été limité temporairement et que rien dans la situation actuelle ne justifiait la levée des restrictions. Le 20 février 2009, l’auteur a déposé une deuxième requête, dans laquelle elle demandait des explications sur le fondement en droit des mesures de restriction. Dans une lettre datée du 10 mars 2009, le bureau du Procureur général a invoqué les mêmes dispositions de l’article 32 de la loi relative aux migrations, sans toutefois citer de motif juridique qui justifierait les restrictions. Il a également relevé qu’à l’époque, le droit de quitter le pays n’était aucunement limité dans le cas de leur fille S.

2.6L’auteur fait valoir que, en vertu du paragraphe 1 de l’article 26 de la loi relative aux migrations, du 7 décembre 2005, et de l’article premier de la loi sur l’entrée et la sortie du Turkménistan pour les nationaux turkmènes, du 18 juin 1995, les Turkmènes ont le droit de quitter le pays et d’y entrer. Selon les mêmes dispositions, les nationaux turkmènes ne peuvent être privés de ce droit, mais le droit de quitter le pays peut être limité temporairement en vertu de l’article 32 de la loi sur les migrations. Toute restriction du droit de quitter le pays doit cependant satisfaire à deux conditions: 1) elle doit avoir un caractère temporaire, en d’autres termes, être limitée par une date précise; 2) elle doit être imposée pour un des 11 motifs énoncés au paragraphe 1 de l’article 32 de la loi en question, qui sont les suivants: 1) l’intéressé a connaissance d’informations constituant des secrets d’État − jusqu’à l’expiration du délai fixé par la législation; 2) des poursuites pénales sont engagées contre l’intéressé − jusqu’au terme de la procédure; 3) l’intéressé est condamné pénalement − jusqu’à ce qu’il ait fini d’exécuter sa peine ou qu’il soit exonéré de sa responsabilité pénale; 4) l’intéressé se soustrait aux obligations imposées par une décision de justice − jusqu’à ce que ces obligations soient honorées; 5) l’intéressé a sciemment donné de fausses informations à son sujet; 6) l’intéressé est assujetti au service militaire obligatoire − jusqu’à ce qu’il ait achevé le service militaire actif ou en ait été dispensé, sauf dans les cas où il quitte le territoire pour résider de façon permanente à l’étranger; 7) l’intéressé est partie à une action civile − jusqu’au terme de la procédure; 8) l’intéressé est déclaré, en vertu d’une décision de justice, auteur récidiviste d’une infraction particulièrement dangereuse ou est sous la surveillance de la police administrative − jusqu’à l’extinction de la peine ou jusqu’au terme de la période de surveillance; 9) il y a des raisons de penser qu’un Turkmène court le risque d’être victime de traite ou d’esclavage à l’étranger; 10) l’intéressé a, lors d’un précédent séjour à l’étranger, enfreint la législation du pays où il se trouvait; 11) son départ est contraire aux intérêts de la sécurité nationale de l’État.

2.7L’auteur affirme qu’elle et sa famille n’entrent dans aucune des catégories de personnes dont les déplacements peuvent être limités en vertu de la loi. Les autorités n’ont donné aucune explication officielle pour justifier les restrictions. Le seul élément dont l’auteur dispose est l’ordre donné par le Ministère de la sécurité nationale aux postes de police de les arrêter, elle et ses proches, s’ils tentent de quitter la ville. L’auteur indique que ce type d’instruction est généralement donné quand il s’agit de rechercher des délinquants. Elle ajoute que depuis 2004 toute la correspondance de sa famille est ouverte et censurée. Ses proches sont surveillés vingt-quatre heures sur vingt-quatre et leurs téléphones sont sur écoute.

2.8L’auteur affirme également que des agents de la sécurité nationale ou des policiers peuvent se présenter à leur domicile à tout moment pour procéder à des perquisitions. Elle s’est plainte auprès de divers organes publics depuis 2004, notamment auprès des services chargés des migrations et du Président turkmène, mais sans résultat. Elle fait également valoir qu’elle ne bénéficie pas d’une défense professionnelle qualifiée puisque les avocats au titre de l’aide juridictionnelle ont refusé de se charger de l’affaire après avoir reçu des instructions en ce sens de la part de responsables des services du renseignement et du Ministère de la justice.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme que les faits rapportés constituent une violation par l’État partie des droits qu’elle tient des paragraphes 3 a) et b) de l’article 2, des paragraphes 1 et 2 de l’article 12, du paragraphe 1 de l’article 14 et du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte. Elle demande au Comité de recommander une indemnisation pour le préjudice moral et matériel qu’elle a subi du fait des actes illicites des autorités.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1En date du 26 mars 2010, l’État partie a fait part de ses observations. Il réfute les déclarations de l’auteur concernant les restrictions du droit de circuler librement, les jugeant dénuées de fondement. Il fait valoir que la fille de l’auteur, S., a été admise à l’Université de Beijing et a pu aller librement en Chine plusieurs fois. Le 19 janvier 2010, après avoir obtenu son diplôme, elle est rentrée au Turkménistan et il n’existe aucune restriction du droit de quitter le pays et d’y entrer en ce qui la concerne.

4.2En 2007, le fils de l’auteur, M., a intégré une école de musique spécialisée en Fédération de Russie. Il vit temporairement en Fédération de Russie et rend régulièrement visite à sa famille au Turkménistan. Il ne subit aucune restriction pour entrer dans le pays et le quitter. Pour ce qui est du mari de l’auteur, Ovez, il a quitté le Turkménistan en 2007 pour se faire opérer du cœur à Moscou. Cependant, il ne s’est jamais présenté au Centre de cardiologie; il a travaillé sur des chantiers de construction à Moscou et est rentré au Turkménistan en 2008.

4.3L’État partie réfute le grief de l’auteur qui affirme qu’on l’a empêchée d’assister aux obsèques de son père en 2005 (voir plus haut par. 2.2) et indique que l’auteur et d’autres membres de la famille se sont délibérément abstenus d’aller à l’enterrement en raison d’un conflit qui les opposait à leur père pour une question de biens. Il ajoute que ni le nom de l’auteur ni ceux de ses proches, à l’exception de M. Khudaiberdy Orazov, ne figurent sur les listes officielles des personnes dont le droit de quitter Achgabat est restreint.

4.4L’État partie affirme qu’il ne dispose d’aucune information indiquant que l’auteur a voulu quitter le pays légalement et que les autorités nationales compétentes l’en ont empêchée. Il réfute également les propos de l’auteur selon lesquels elle a été informée de façon officieuse par G. K., employé du Ministère de la sécurité nationale, que les restrictions du droit de se rendre à l’étranger et de circuler à l’intérieur du pays avaient été imposées à tous les proches du frère de l’auteur, M. Khudaiberdy Orazov (voir plus haut par. 2.3). L’État partie indique que G. K. a été interrogé sur ces allégations et qu’il les a démenties.

4.5Pour ce qui est du grief de l’auteur qui dit que son père et elle-même ont été arrêtés par la police municipale d’Achgabat et maintenus en garde à vue pendant huit heures sans être inculpés (voir plus haut par. 2.2), l’État partie objecte que leur arrestation ou leur garde à vue n’est consignée dans aucun registre. Il ajoute qu’aucun des proches de l’auteur ne fait l’objet d’un mandat de recherche délivré par le Ministère de l’intérieur du Turkménistan, à l’exception de son frère, M. Khudaiberdy Orazov.

4.6En ce qui concerne les allégations de l’auteur relatives à des écoutes téléphoniques, à une mise sous surveillance et à des perquisitions auxquelles des membres des forces de l’ordre auraient procédé sans autorisation (voir par. 2.7 et 2.8), l’État partie répond que la loi exige l’autorisation préalable d’un procureur pour ces opérations; aucun document ne montre que l’auteur a fait l’objet de tels actes.

4.7Pour ce qui est du grief de l’auteur qui affirme qu’elle ne bénéficie pas des services d’un défenseur qualifié parce que les avocats au titre de l’aide juridictionnelle ont reçu pour instruction de refuser de la représenter, l’État partie fait valoir qu’elle a toujours la possibilité de recourir aux services d’avocats privés (le Turkménistan comptant une quarantaine d’avocats et cabinets d’avocats de ce type) si elle ne fait pas confiance aux institutions nationales.

4.8L’État partie conclut que les allégations de l’auteur sont dénuées de fondement.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans ses commentaires datés du 23 juin 2008, l’auteur souligne que l’État partie n’a toujours pas expliqué quel était le fondement en droit des restrictions du droit de circuler librement à l’intérieur du pays qui les touchent, elle et sa famille. De plus, il n’est pas dit clairement si les autorités vont lever les restrictions imposées par le Ministère de la sécurité nationale. Elle ajoute que l’État partie cherche à tromper le Comité lorsqu’il affirme qu’aucune restriction du droit de circuler librement à l’intérieur du pays ne lui a jamais été imposée.

5.2En ce qui concerne les avocats exerçant à titre privé au Turkménistan, l’auteur fait valoir qu’ils ne sont que 40 dans un pays qui compte 5 millions d’habitants. Par conséquent, ils sont indisponibles et la plupart des gens ignorent jusqu’à leur existence. De plus, ces avocats refusent d’emblée de défendre des plaignants comme l’auteur parce qu’ils subissent des pressions de la part de fonctionnaires du Ministère de la sécurité nationale et risqueraient de perdre leur autorisation d’exercer.

5.3Pour ce qui est de l’objection de l’État partie qui affirme qu’aucune mesure d’enquête n’est menée sans l’autorisation du procureur, l’auteur maintient que, lorsqu’il s’agit de personnes comme elle, les écoutes téléphoniques, la surveillance et les perquisitions non autorisées sont pratiquées sans restriction.

5.4L’auteur confirme que les autorités ont permis à sa fille de se rendre en Chine et à son fils d’aller en Fédération de Russie pour y étudier, mais elle ajoute que l’autorisation n’a été accordée qu’après qu’elle eut saisi le Comité des droits de l’homme. L’auteur elle-même n’a jamais été autorisée à quitter le pays.

5.5L’auteur réitère ses griefs et demande au Comité de faire en sorte que le droit de se rendre à l’étranger et de circuler librement à l’intérieur du pays soit rétabli pour elle et sa famille. Elle fait valoir que l’interdiction de quitter le pays imposée à son mari l’a empêché d’être opéré du cœur à Moscou et que cela a entraîné sa mort, à la fin de l’année 2009.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) et b) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, et que tous les recours internes avaient été épuisés.

6.3Le Comité a pris note des griefs de l’auteur qui se plaint de faire l’objet d’une restriction du droit de circuler librement à l’intérieur du pays, garanti par le paragraphe 1 de l’article 12 du Pacte et du fait que ses proches sont surveillés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, que leur correspondance est ouverte et censurée et qu’ils font l’objet d’écoutes téléphoniques et de perquisitions illégales, ce qui constitue une violation du paragraphe 1 de l’article 17. À la lumière des renseignements dont il est saisi, le Comité considère que ces griefs n’ont pas été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité. Le Comité déclare donc ces griefs, qui soulèvent des questions au regard du paragraphe 1 de l’article 12 et du paragraphe 1 de l’article 17 du Pacte, irrecevables en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.4Le Comité note que l’auteur invoque une violation du paragraphe 1 de l’article 14 du Pacte, sans toutefois donner d’informations ni d’arguments à l’appui de ces allégations. En l’absence d’éléments pertinents, le Comité considère que cette partie de la communication est insuffisamment étayée aux fins de la recevabilité et la déclare irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

6.5Le Comité considère que les griefs tirés du paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte ont été suffisamment étayés aux fins de la recevabilité et procède à leur examen quant au fond.

Examen au fond

7.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations qui lui ont été communiquées.

7.2Le Comité prend note des griefs de l’auteur qui affirme que les autorités nationales ont restreint de manière injustifiée le droit de circuler librement, et qu’en conséquence elle a été empêchée de se rendre librement à l’étranger, ce qui constitue une violation du paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte. L’État partie rejette ces allégations, qu’il estime dénuées de fondement. Le Comité relève que, d’après les pièces versées au dossier, le bureau du Procureur général a confirmé dans ses réponses du 3 février et du 10 mars 2009 que le droit de se rendre à l’étranger garanti à l’auteur et à sa famille avait été restreint à titre temporaire en application de l’article 32 de la loi relative aux migrations, sans préciser toutefois le fondement juridique qui aurait justifié l’imposition de ces restrictions (voir plus haut par. 2.5).

7.3Le Comité rappelle son Observation générale no 27 (1999) sur la liberté de circulation, dans laquelle il a indiqué que la liberté de circulation était une condition indispensable au libre développement de l’individu. Il rappelle toutefois aussi que les droits visés au paragraphe 2 de l’article 12 ne sont pas absolus et que leur exercice peut être restreint, pour autant que soient respectés les critères énoncés au paragraphe 3 de l’article 12, qui dispose que ces restrictions doivent être prévues par la loi, nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques, ou les droits et libertés d’autrui, et compatibles avec les autres droits reconnus par le Pacte. Dans son Observation générale no 27, le Comité a également noté qu’«il ne suffit pas que les restrictions servent les buts autorisés; celles-ci doivent être également nécessaires pour protéger ces buts» et que «les mesures restrictives doivent être conformes au principe de la proportionnalité; elles doivent être appropriées pour remplir leurs fonctions de protection».

7.4Au vu des lettres du bureau du Procureur général datées des 3 février et 10 mars 2009 (voir plus haut par. 2.5), qui semblent confirmer clairement que, comme elle l’affirme, l’auteur a fait l’objet d’une restriction temporaire par les autorités du droit de se rendre à l’étranger, et en l’absence d’explications de l’État partie à ce sujet, le Comité conclut qu’il y a eu violation du droit conféré à l’auteur par le paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte.

8.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate qu’il y a eu violation par l’État partie des droits que l’auteur tient du paragraphe 2 de l’article 12 du Pacte.

9.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu d’assurer à l’auteur un recours utile. Ce recours doit consister en des mesures permettant immédiatement à Mme Orazova de retrouver sa liberté de se rendre à l’étranger quand elle le souhaite, ainsi que d’une indemnisation appropriée. L’État partie est en outre tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

10.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est invité en outre à rendre publiques les présentes constatations, à les faire traduire dans la langue officielle et à les diffuser largement.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]