Nations Unies

CCPR/C/100/D/1633/2007

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. restreinte*

2 novembre 2010

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Centième session

11-29 octobre 2010

Constatations

Communication no 1633/2007

Présentée par:

Khilal Avadanov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur et son épouse, Simnara Avadanova

État partie:

Azerbaïdjan

Date de la communication:

31 juillet 2007 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 4 décembre 2007 (non publiée sous forme de document)

CCPR/C/96/D/1633/2007 − Décision concernant la recevabilité, adoptée le 28 juillet 2009

Date de l’adoption des constatations:

25 octobre 2010

Objet:

Refus d’engager des poursuites contre un particulier qui avait porté préjudice à la famille de l’auteur et refus d’enquêter sur des allégations de mauvais traitements commis par des policiers envers l’auteur et sa femme

Questions de procédure:

Ratione temporis; épuisement des recours internes

Questions de fond:

Torture, traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants; immixtion arbitraire dans la famille; protection de la famille; droit à une égale protection de la loi

Articles du Pacte:

7, 17, 23 (par. 1) et 26

Article s du Protocole facultatif:

1er et 5 (par. 2 b))

Le 25 octobre 2010, le Comité des droits de l’homme a adopté le texte ci-après en tant que constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif concernant la communication no 1633/2007.

[Annexe]

Annexe

Constatations du Comité des droits de l’homme au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (centième session)

concernant la

Communication no 1633/2007 **

Présentée par:

Khilal Avadanov (non représenté par un conseil)

Au nom de:

L’auteur et son épouse, Simnara Avadanova

État partie:

Azerbaïdjan

Date de la communication:

31 juillet 2007 (date de la lettre initiale)

Date de la décision concernant la recevabilité:

28 juillet 2009

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réunile 25 octobre 2010,

Ayant achevé l’examen de la communication no 1633/2007 présentée par Khilal Avadanov en son nom propre et au nom de son épouse Simnara Avadanova, en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Ayant tenu compte de toutes les informations écrites qui lui ont été adressées par l’auteur de la communication et l’État partie,

Adopte ce qui suit:

Constatations au titre du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif

1.1L’auteur de la communication, Khilal Avadanov, Azerbaïdjanais, né en 1950, est marié à Simnara Avadanova, elle aussi Azerbaïdjanaise, née en 1953. Le 14 mars 2006, lui et sa femme ont obtenu le statut de réfugié en Grèce, où ils vivent actuellement. L’auteur agit en son propre nom et au nom de sa femme, et allègue une violation par l’Azerbaïdjan des droits qu’ils tiennent des articles 7, 17, 23 (par. 1) et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’auteur n’est pas représenté par un conseil. Le Protocole facultatif est entré en vigueur pour l’Azerbaïdjan le 27 février 2002.

1.2Le 19 mai 2009, le Rapporteur spécial chargé des nouvelles communications et des mesures provisoires a décidé, au nom du Comité, que la question de la recevabilité serait examinée séparément de celle du fond.

Exposé des faits

2.1Le 27 octobre 1999, la maison de l’auteur à Bakou, en Azerbaïdjan, a été partiellement détruite par son neveu, B. G., à l’instigation de la sœur de l’auteur, d’après l’auteur. Au cours de cet incident, B. G. aurait insulté et frappé la femme de l’auteur, laquelle aurait, ce même jour, porté plainte pour insultes, coups et destruction de biens auprès de la 29e section du département de police du district de Yasamal à Bakou, en demandant qu’une procédure pénale soit engagée contre B. G. Un examen médico-légal pratiqué le 28 octobre 1999 aurait montré que la femme de l’auteur avait subi des lésions corporelles légères sans dommages à court terme pour sa santé.

2.2Le 10 novembre 1999, un enquêteur de la 29e section de police, T. G., a ouvert une procédure pénale contre B. G. en vertu du paragraphe 2 de l’article 105 (fait d’infliger volontairement des lésions corporelles simples) et du paragraphe 2 de l’article 207 (vandalisme) du Code pénal en vigueur alors, sur la base des déclarations de l’auteur, de sa femme et d’autres témoins. L’enquêteur a transmis le dossier au bureau du Procureur du district de Yasamal pour approbation et transmission ultérieure au tribunal du district de Yasamal. À une date non précisée, le Procureur adjoint du district de Yasamal a renvoyé l’affaire à la 29e section de police. Par la suite, à une date non précisée, l’affaire a été transmise au tribunal du district de Yasamal. Une procédure pénale a cette fois été engagée contre B. G., en vertu du seul paragraphe 1 de l’article 106 (fait d’infliger volontairement des lésions corporelles légères) du Code pénal.

2.3Se fondant sur une loi d’amnistie votée par le Parlement (Milli Majlis) le 10 décembre 1999, le tribunal du district de Yasamal a mis fin le 14 décembre 1999 à la procédure pénale engagée contre B. G. en vertu de l’article 106 du Code pénal. Le 17 mai 2000, le Procureur de Bakou a formé opposition contre la décision du tribunal du district de Yasamal, laquelle a été annulée le 9 juin 2000 par le tribunal de Bakou qui a ordonné un nouvel examen de l’affaire par le même tribunal de première instance. Le 25 août 2000, le tribunal du district de Yasamal a rejeté la demande d’ouverture d’une procédure pénale contre B. G. et a mis fin une seconde fois à la procédure. Selon ses conclusions, les faits commis par B. G. présentaient bien certains éléments constitutifs de l’infraction définie à l’article 106 (par. 1) du Code pénal, mais ces faits avaient un caractère familial, les lésions corporelles n’avaient pas causé de dommages à court terme à la santé de la femme de l’auteur et celle-ci s’était abstenue, sans raison valable, de se présenter devant le tribunal.

2.4À une date non précisée, la femme de l’auteur a fait appel devant la cour d’appel d’Azerbaïdjan (la cour d’appel) de la décision du tribunal du district de Yasamal en date du 25 août 2000. Le 30 novembre 2000, la cour d’appel a annulé la décision de la juridiction inférieure au motif qu’en vertu des articles 108 et 109 du Code de procédure pénale, le tribunal du district de Yasamal aurait dû engager une procédure pénale avant d’y mettre fin et qu’aucun élément n’établissait que la femme de l’auteur et B. G. avaient été dûment cités à comparaître le jour de l’audience. La cour d’appel a néanmoins rejeté la demande d’ouverture d’une procédure pénale contre B. G., se fondant sur l’article 13 de la loi d’amnistie du 10 décembre 1999. Cette décision est devenue exécutoire.

2.5En date du 12 décembre 2000, la femme de l’auteur s’est pourvue en cassation contre la décision de la cour d’appel devant la chambre judiciaire des affaires pénales et administratives de la Cour suprême. Le 11 janvier 2001, le Vice-Président de la Cour suprême a fait savoir que le pourvoi était infondé et qu’il n’existait aucun motif permettant d’attaquer la décision de la cour d’appel. Le 2 février 2001, l’auteur a présenté une requête au Président de la Cour suprême. Le 21 février 2001, le Vice-Président de la Cour suprême a répondu que la femme de l’auteur pouvait se pourvoir en cassation devant la chambre judiciaire des affaires pénales et administratives de la Cour suprême contre la décision de la cour d’appel.

2.6Le 27 juin 2001, la chambre judiciaire des affaires pénales et administratives de la Cour suprême a confirmé la décision de la cour d’appel et rejeté le pourvoi en cassation de la femme de l’auteur. L’auteur affirme qu’au cours de l’audience, le Procureur a déclaré que les faits commis par B. G. et sa mère pouvaient être constitutifs du délit défini à l’article 128 (fait d’infliger volontairement des atteintes légères à la santé), au paragraphe 2 de l’article 186 (destruction volontaire ou atteinte aux biens) et au paragraphe 2 de l’article 221 (vandalisme) du nouveau Code pénal. Craignant cependant qu’une décision défavorable n’incite B. G. et sa mère à commettre un délit plus grave, le Procureur aurait proposé de confirmer la décision de la cour d’appel.

2.7Le 2 août 2001, l’auteur et sa femme ont saisi le Plenum de la Cour suprême pour demander l’annulation de la décision de la chambre judiciaire des affaires pénales et administratives de la Cour suprême du 27 juin 2001 et un nouvel examen de l’affaire par une juridiction d’appel. Le 12 septembre 2001, cette requête a été rejetée par le Président de la Cour suprême.

2.8Le 22 juillet 2003, l’auteur a soumis une requête à la Cour constitutionnelle. Le 21 août 2003, le chef du département de l’accueil des citoyens et de l’examen des requêtes de la Cour constitutionnelle lui a fait savoir que, bien que l’article 130 de la Constitution azerbaïdjanaise autorise les particuliers à saisir directement la Cour constitutionnelle, la loi alors en vigueur n’avait pas encore défini la procédure d’examen des requêtes ainsi présentées. La Cour constitutionnelle ne pouvait donc pas encore donner suite à la requête de l’auteur.

2.9Insatisfait de la manière dont les autorités et les juridictions de l’État partie traitaient son affaire, l’auteur a tenté d’obtenir réparation devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le 28 octobre 2003, la requête de l’auteur contre l’Azerbaïdjan devant la CEDH, en date du 18 septembre 2003, a été enregistrée sous le numéro 34014/03. L’auteur a reçu la lettre confirmant cet enregistrement le 4 novembre 2003.

2.10Selon l’auteur, les fonctionnaires de la 29e section de police auprès desquels sa femme avait initialement porté plainte contre B. G. ayant eu vent que la requête visant leurs actes avait été enregistrée par la CEDH ont demandé à l’auteur de leur remettre la lettre de confirmation de l’enregistrement. L’auteur a refusé d’obtempérer et pendant une quarantaine de jours il a vécu chez des amis pour tenter d’éviter toute rencontre avec la police. Le 10 décembre 2003, la police l’aurait appréhendé à son domicile. Il affirme avoir été frappé violemment par des policiers, avoir eu des dents cassées, et porter sur le nez et sous le sourcil gauche des cicatrices laissées par les coups. En définitive, il a été conduit à la section de police où il aurait été torturé à l’électricité. Les policiers le torturant ainsi lui auraient dit qu’il subissait ce châtiment pour avoir osé «divulguer des secrets sur les méthodes de travail des systèmes azerbaïdjanais de maintien de l’ordre et de justice». Selon l’auteur, quatre fonctionnaires de police auraient le même jour en sa présence violé sa femme. Trois d’entre eux lui étaient inconnus mais il a reconnu le quatrième comme étant l’inspecteur de district. Ces mêmes fonctionnaires de police ont menacé l’auteur de violer aussi sa fille, mais ils n’ont pas pu la trouver. L’auteur affirme que les faits commis par les policiers n’ont été consignés nulle part, les fonctionnaires n’entendant assumer aucune responsabilité.

2.11Tôt le matin du 11 décembre 2003, l’auteur aurait été transporté en voiture de la section de police jusqu’à la périphérie de Bakou et abandonné sur un terrain vague. Il ne s’est pas rendu dans un hôpital pour se faire examiner et obtenir un certificat parce que tout examen médico-légal doit être conduit en présence d’un fonctionnaire de police. Si ni lui ni sa femme n’ont formulé d’allégations de torture et de viol devant les autorités ou les juridictions de l’État partie, c’est selon eux par crainte de représailles et parce qu’en tout état de cause la police aurait fait front collectivement pour défendre sa réputation en tant que corps.

2.12Sur le conseil de l’avocat assurant leur défense, à leurs dires, l’auteur et sa femme ont quitté l’Azerbaïdjan le 3 janvier 2004. Selon cet avocat, si l’auteur restait en Azerbaïdjan, il serait physiquement «liquidé» par la police. Le 8 janvier 2004, l’auteur et sa femme sont arrivés aux Pays-Bas, se sont présentés aux autorités et ont demandé l’asile.

2.13Le 20 janvier 2004, l’auteur a informé la CEDH qu’il avait dû quitter l’Azerbaïdjan et a communiqué ses coordonnées aux Pays-Bas. À la mi-février 2004 il a été informé que le 6 février 2004 un comité de trois juges de la Cour avait déclaré sa requête no 34014/03 irrecevable ratione temporis, conformément au paragraphe 3 de l’article 35 de la Convention européenne des droits de l’homme, parce que les faits de la cause s’étaient produits avant que la Convention entre en vigueur à l’égard de l’Azerbaïdjan.

2.14À une date non précisée, les autorités néerlandaises ont rejeté les demandes d’asile de l’auteur et de sa femme au motif qu’ils étaient entrés dans l’espace Schengen avec des visas délivrés par les autorités grecques. À une date non précisée, ils ont été renvoyés en Grèce en vertu du Règlement de Dublin.

2.15Le 24 mai 2005, l’auteur a été soumis à un examen médical et clinique par le Directeur médical du Centre médical de réadaptation des victimes de torture d’Athènes. Dans le rapport médical établi le 20 juillet 2005, il est indiqué qu’il avait, selon lui, été arrêté plus de 50 fois par la police azerbaïdjanaise à Bakou, où il vivait avec sa famille, entre 1999 et 2003. Il avait affirmé avoir été frappé à la tête et à la poitrine, ce qui lui aurait laissé une cicatrice horizontale de 6 cm et une autre verticale de 4 cm au sourcil. Les coups lui auraient aussi cassé 14 dents au total, 6 du maxillaire supérieur et 8 du maxillaire inférieur. L’auteur avait en outre affirmé avoir été torturé à l’électricité. Il avait raconté que la police, après l’avoir attaché à une chaise métallique, l’avait arrosé d’eau, avait relié la chaise à des électrodes et avait branché le courant. Selon ses dires il avait été soumis quatre fois à la torture et sa femme avait été violée par quatre fonctionnaires de police. Dans le rapport il était constaté que l’auteur avait été torturé et continuait à souffrir des conséquences physiques et psychologiques des tortures subies.

2.16Le 14 mars 2006, l’auteur et sa femme ont obtenu le statut de réfugié en Grèce.

Teneur de la plainte

3.L’auteur invoque une violation par l’Azerbaïdjan des droits que sa femme et lui-même tiennent des articles 7, 17, 23 (par. 1) et 26 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.1Dans une note du 2 février 2009, l’État partie a confirmé les faits relatés plus haut aux paragraphes 2.1 à 2.7 mais a contesté la recevabilité de la communication.

4.2Tout d’abord, l’État partie a affirmé que tous les faits liés à l’affaire pour laquelle l’auteur et sa femme avaient demandé aux autorités d’engager une procédure pénale contre B. G. avaient eu lieu avant l’adhésion de l’État partie au Protocole facultatif, le 27 novembre 2001, et avant son entrée en vigueur à son égard.

4.3En second lieu, s’agissant des allégations de l’auteur indiquant qu’il aurait été torturé par la police en Azerbaïdjan, l’État partie a fait valoir que, contrairement à ce qu’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, cette question n’avait jamais été soulevée devant les juridictions internes et en a conclu que la communication devrait être déclarée irrecevable faute pour l’auteur d’avoir épuisé tous les recours internes disponibles.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans ses commentaires du 4 mars et du 14 mai 2009, l’auteur souligne que dans les observations de l’État partie sur la recevabilité, il n’est fait référence qu’à l’article 106 (par. 1) du Code pénal, alors que la femme de l’auteur et leur avocat avaient demandé aux autorités d’engager une procédure pénale contre B. G. sur la base de trois dispositions du Code pénal. Or, selon l’auteur, si l’action pénale avait été engagée sur le fondement de trois articles du Code pénal, il aurait été impossible d’exonérer ensuite B. G. de toute responsabilité par application de la loi d’amnistie.

5.2Au sujet de l’argument ratione temporis de l’État partie, l’auteur affirme qu’en fait sa requête devant la Cour constitutionnelle et la réponse de la Cour datent respectivement des 22 juillet 2003 et 21 août 2003.

5.3Concernant l’argument de l’État partie qui affirme que les allégations de torture de l’auteur n’auraient jamais été formulées devant les juridictions internes, l’auteur renvoie à sa lettre initiale du 31 juillet 2007 dans laquelle il expliquait pourquoi il lui avait été impossible d’épuiser les recours internes avant son départ d’Azerbaïdjan. Il affirme avoir tenté d’épuiser les recours internes disponibles en Azerbaïdjan depuis l’étranger, en soumettant une communication individuelle au Comité des droits de l’homme le 14 mai 2004 et en sollicitant l’avis de l’avocat que les autorités grecques avaient désigné pour aider son couple à étayer sa demande d’asile. L’auteur affirme que l’avocat a refusé «d’aborder le problème de la violence policière» dans le pays d’origine de l’auteur, en expliquant que cela outrepassait son mandat. L’auteur n’avait pas les moyens financiers d’engager un autre avocat en Grèce. Quant à la possibilité de se faire représenter par un membre de sa famille en Azerbaïdjan, l’auteur estime qu’y recourir mettrait en danger la vie des membres de sa famille. Il en conclut que pour lui, les recours internes en Azerbaïdjan ne sont pas disponibles. Il prie le Comité de l’exonérer de l’obligation de les épuiser.

Décision concernant la recevabilité

6.1Le 28 juillet 2009, à sa quatre-vingt-seizième session, le Comité a examiné la recevabilité de la communication. Il s’est assuré, comme il est tenue de le faire en vertu du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, qu’une plainte analogue présentée par l’auteur avait été déclarée irrecevable ratione temporis par un comité de trois juges de la Cour européenne des droits de l’homme, le 6 février 2004 (requête no 34014/03). Le Comité en a donc conclu que les dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 ne l’empêchaient pas d’examiner la présente communication dès lors que l’affaire n’était plus en cours d’examen devant la Cour européenne.

6.2Le Comité a pris note de l’argument de l’État partie qui estimait que la communication était irrecevable ratione temporis parce qu’elle portait sur des faits survenus avant l’adhésion de l’Azerbaïdjan au Protocole facultatif, le 27 novembre 2001. À ce propos, le Comité, rappelant sa jurisprudence, a réaffirmé qu’il ne pouvait examiner des allégations de violations du Pacte survenues avant l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie concerné, sauf si après cette date ces violations perduraient ou continuaient d’avoir des effets qui, en soi, constituaient une violation du Pacte. En l’espèce, le Comité a noté que les insultes et les coups subis par la femme de l’auteur et la destruction de la maison de l’auteur le 27 octobre 1999 ainsi que la décision exécutoire de la cour d’appel du 30 novembre 2000 de ne pas engager de procédure pénale contre B. G. étaient antérieurs à l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie. Le Comité n’a pas considéré que ces violations alléguées avaient continué d’avoir, après le 30 novembre 2000, des effets qui auraient constitué, en eux-mêmes, une violation des droits garantis à l’auteur et à sa femme en vertu du Pacte. Par conséquent, le Comité a estimé que cette partie de la communication était irrecevable ratione temporis en vertu de l’article premier du Protocole facultatif.

6.3L’État partie a fait valoir que les allégations de torture de l’auteur n’avaient jamais été formulées devant les juridictions internes, ce qui rendait cette partie de la communication irrecevable faute d’épuisement de tous les recours internes disponibles. L’auteur a admis que ni lui ni sa femme, ni aucune autre personne agissant en leur nom, n’avait jamais formulé ces allégations devant les autorités ou les juridictions de l’État partie, avant ou après leur départ d’Azerbaïdjan. Il a indiqué que cette omission était imputable à la crainte de représailles et au manque de moyens financiers pour engager un avocat, et en partie à l’inutilité présumée de cette démarche puisqu’en tout état de cause la police aurait fait bloc pour se défendre. L’auteur a affirmé qu’à son égard les recours internes en Azerbaïdjan n’étaient ni efficaces ni disponibles.

6.4Le Comité a relevé que l’État partie avait simplement affirmé in abstracto que, contrairement à ce qu’exige le paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif, les allégations de torture de l’auteur n’avaient jamais été formulées devant les juridictions internes, sans évoquer les menaces qui auraient été proférées contre l’auteur et sa famille. Le Comité en a conclu que dans la présente espèce et en l’absence d’autres renseignements de l’État partie, on ne pouvait reprocher à l’auteur de n’avoir pas formulé ces allégations devant les autorités ou les juridictions de l’État partie par crainte de persécutions envers lui et sa famille. À ce propos, le Comité a relevé aussi avec intérêt que l’auteur avait obtenu le statut de réfugié dans un autre État. En conséquence, il a admis l’argument de l’auteur selon lequel, à son égard, les recours internes en Azerbaïdjan n’étaient ni efficaces ni disponibles et a considéré que les dispositions du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif ne l’empêchaient pas d’examiner la communication.

6.5En conséquence, le Comité des droits de l’homme a décidé que la communication était recevable en ce qu’elle soulevait des questions au titre de l’article 7 du Pacte pour les faits survenus après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif à l’égard de l’État partie.

Observations de l’État partie sur le fond

7.1Dans une lettre du 4 mars 2010, l’État partie a présenté ses observations sur le fond. Il a rappelé les faits concernant l’infliction de lésions corporelles légères à l’épouse de l’auteur par B. G. et la procédure pénale consécutive. L’État partie a également rappelé que la requête de l’auteur contre l’Azerbaïdjan, datée du 15 septembre 2003, avait été enregistrée par la CEDH le 23 octobre 2003 et que le 6 février 2004 un comité de trois juges l’avait considérée à juste titre irrecevable ratione temporis.

7.2L’État partie a attiré l’attention du Comité sur le fait que l’auteur n’avait jamais, dans les plaintes qu’il avait adressées à des organes d’État, à la justice, au Bureau du Médiateur ou à des représentants d’organisations des droits de l’homme, affirmé avoir été soumis à la torture ou à tout autre acte illégal par des policiers. L’État partie a indiqué que, conformément à l’article 214.1.1 du Code de procédure pénale, une procédure ne pouvait être ouverte que sur la base d’une déclaration écrite ou d’une déposition orale d’une personne physique. Il a ajouté que l’auteur était parfaitement au courant de cette exigence légale après ses démêlés avec B. G., mais avait omis de faire usage de ce droit en ne saisissant aucun organe de l’État ou organisme non étatique d’une plainte pour torture ou autres actes illégaux commis par la police.

7.3L’État partie a fait valoir que le grief de l’auteur concernant la non-disponibilité des recours internes s’agissant des allégations relatives aux mauvais traitements et à l’exercice de pressions sur sa famille par des policiers était «déconcertant» vu que dans l’affaire l’opposant à B. G. il avait épuisé tous les recours internes, sans aucune entrave et sans qu’aucune pression ne soit exercée sur lui.

7.4L’État partie a fait valoir que le grief de l’auteur qui affirme qu’il avait été persécuté par la police pour avoir porté plainte auprès de la CEDH était «totalement infondé», car aucune personne ayant déposé une plainte contre l’Azerbaïdjan auprès de la CEDH n’avait jamais affirmé avoir été soumise pour cette raison à des actes illégaux. L’État partie a contesté la véracité des allégations de l’auteur résumées plus haut au paragraphe 2.10 en objectant que les blessures du type prétendument infligées à l’auteur l’auraient nécessairement amené à solliciter une assistance médicale et que le médecin requis aurait été légalement tenu de signaler l’affaire aux forces de l’ordre.

7.5L’État partie a fait valoir que la venue de policiers au domicile de l’auteur était sans rapport avec ses allégations, mais était liée à l’ouverture d’une procédure pénale en vertu de l’article 194 (partie 2) du Code pénal contre le fils de l’auteur, qui avait été accusé d’usage de faux documents aux fins d’échapper au service militaire. Comme le fils de l’auteur était recherché par la police, des agents de la 29e section de police s’étaient rendus à plusieurs reprises au domicile de l’auteur entre 1999 et 2003 et avaient rédigé les procès-verbaux pertinents, avec la participation de membres de la famille de l’auteur.

7.6L’État partie a en outre fait valoir que l’auteur aurait pu se plaindre des abus de pouvoir dont il aurait été victime de la part de la police auprès des autorités de poursuite en vertu de l’article 215.3.2 du Code de procédure pénale. Il est peu probable que l’auteur n’ait pas eu connaissance de ce recours puisqu’il avait «porté plainte devant plusieurs organes de nombreuses années durant». L’État partie a donc estimé dénuée de fondement l’affirmation de l’auteur selon laquelle la crainte l’aurait empêché de s’adresser aux organes de l’État. Il a ajouté qu’en vertu de l’article 204.6 du Code de procédure pénale, le seul obstacle possible à l’ouverture d’une procédure pénale était la présentation d’une déclaration écrite non signée, d’une déclaration écrite portant une fausse signature ou d’une déclaration anonyme. Ainsi, l’État partie a estimé que, même si l’auteur avait craint d’être persécuté par la police en Azerbaïdjan, il aurait pu faire authentifier sa signature par un notaire dans son pays de résidence et porter plainte depuis l’étranger auprès des forces de l’ordre.

7.7Quant à l’allégation de l’auteur qui affirme qu’il a été arrêté par des policiers plus d’une cinquantaine de fois entre 1999 et 2003 (voir le paragraphe 2.15), l’État partie a indiqué qu’il n’apparaissait pas clairement pourquoi l’auteur ne pouvait se rappeler du nom que d’un seul des policiers: l’inspecteur de district. L’État partie a contesté aussi l’affirmation de l’auteur selon laquelle tout examen médico-légal devrait être effectué en présence d’un policier. L’État partie a ajouté que dans son ordre juridique tout examen médico-légal est effectué dans un établissement médical en l’absence de la police.

7.8L’État partie a conclu que malgré l’existence de recours internes et leur accessibilité, même depuis l’étranger, la famille de l’auteur ne s’en était jamais prévalue. La décision du Comité concernant la recevabilité était donc contraire au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif.

7.9Dans ses observations supplémentaires du 8 avril 2010 concernant le fond, l’État partie a mentionné l’article 25 de la loi relative aux activités du Service national des examens médico-légaux, qui dispose que seules les parties à la procédure pénale peuvent assister à la réalisation d’un examen médico-légal; elles ne peuvent interférer avec le déroulement de l’examen, mais ont la possibilité de poser des questions à un expert et d’apporter des éclaircissements. En vertu de l’article 5 de la loi précitée, toute personne estimant que des actes du Service national des examens médico-légaux ont violé ses droits et libertés peut contester ces actes devant le chef du service des examens médico-légaux ou la justice. L’État partie renvoie à l’article 268.1.6 du Code de procédure pénale et fournit la liste des droits garantis à tout suspect ou accusé au cours d’un examen médico-légal. L’État partie ajoute que toute personne assujettie à des mesures obligatoires d’ordre médical jouit de ces mêmes droits, pourvu que son état mental en permette l’exercice.

7.10L’État partie se réfère en outre à l’article 66 de la Constitution, aux termes duquel nulle personne ne peut être contrainte de témoigner contre elle-même, son conjoint, son enfant, un parent, un frère ou une sœur. L’article 7.0.32 du Code de procédure pénale précise que par proches parents il faut entendre le conjoint, les grands-parents, les parents, les frères et sœurs et les enfants. L’article 20 du Code de procédure pénale dispose que nulle personne ne peut être contrainte de témoigner contre elle-même ou contre ses proches, ni être persécutée pour l’amener à le faire. Une personne qui a été poussée à témoigner contre elle-même ou des proches au cours de l’enquête préliminaire ou au tribunal a le droit de se rétracter sans crainte de conséquences juridiques défavorables. L’État partie ajoute que le Code pénal contient des dispositions qui, dans certaines circonstances précises, exonèrent de leur responsabilité pénale des témoins ou des personnes blessées qui ont délibérément donné un faux témoignage ou refusé de témoigner.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie concernant le fond

8.1Le 25 juin 2010, l’auteur a adressé des commentaires sur les observations de l’État partie. Il a réitéré ses griefs, résumés plus haut aux paragraphes 2.1 à 2.8, 5.1 et 5.2, et a contesté l’affirmation de l’État partie selon laquelle aucun obstacle ne l’aurait empêché d’épuiser les recours internes dans l’affaire l’opposant à B. G.

8.2L’auteur a réfuté l’argument de l’État partie qui affirme que dans les plaintes qu’il avait adressées à des organes de l’État, à la justice, au Bureau du Médiateur et à des organisations des droits de l’homme, il n’aurait jamais signalé avoir été soumis à la torture ou à d’autres actes illégaux par des policiers. Il a affirmé qu’il avait porté plainte pour torture devant tous ces organes tant oralement que par écrit et qu’on ne pouvait faire valoir à son détriment le fait que ces organes avaient indûment rejeté ses plaintes. Au sujet des derniers mauvais traitements infligés par la police, le 10 décembre 2003, l’auteur a expliqué que l’absence de plainte de la part de sa femme et de lui-même était imputable au désespoir et à la crainte de représailles. Il a rappelé que leur défenseur leur avait conseillé de quitter l’Azerbaïdjan, parce qu’ils risquaient d’être physiquement «liquidés» (voir le paragraphe 2.12).

8.3Au sujet de l’argument de l’État partie qui objecte que la procédure pénale ne pouvait être ouverte que sur la base d’une déclaration écrite ou d’une déposition orale et l’auteur aurait pu se plaindre auprès des autorités de poursuite en vertu de l’article 215.3.2 du Code de procédure pénale, l’auteur a indiqué que toutes les plaintes que lui-même et son avocat avaient formulées devant les tribunaux et les autorités de poursuite dans l’affaire l’opposant à B. G. avaient entraîné des violences, des actes d’intimidation et des humiliations supplémentaires de la part de la police, de B. G. et d’agents de l’État qui protégeaient la famille de B. G. L’auteur a ajouté que chaque fois qu’il portait plainte il était conduit pour «entretien» au chef adjoint de la 29e section de police, surnommé «brise-os», et roué de coups pour le «calmer». L’auteur signalait alors à son avocat avoir été frappé, lequel se rendait à la police pour exiger une explication, mais que les policiers «faisaient bloc».

8.4L’auteur a appelé l’attention du Comité sur le caractère contradictoire des divers arguments avancés par l’État partie, résumés plus haut aux paragraphes 7.4 et 7.7, et a réaffirmé que tout examen médico-légal devait être effectué en présence d’un fonctionnaire de police. Il a ajouté que lorsque son avocat avait tenté d’obtenir l’établissement d’un tel certificat médical, un médecin lui avait dit qu’il ne pouvait en établir un qu’en présence d’un fonctionnaire de police. L’avocat s’était alors rendu à la 29e section de police, mais les policiers avaient refusé d’aller avec lui dans un établissement médical.

8.5L’auteur a réfuté l’affirmation de l’État partie selon laquelle la venue de policiers au domicile de l’auteur entre 1999 et 2003 était liée à l’ouverture d’une procédure pénale contre son fils, ajoutant que ces visites avaient commencé en même temps que son «problème» avec la police, tandis que son fils avait été libéré de ses obligations militaires deux années auparavant, en décembre 1997.

8.6L’auteur a affirmé que tout ce que lui et sa famille avaient enduré était une «punition» pour le rôle qu’il avait joué dans l’affaire M. A. et a fourni à l’appui de ses dires la copie d’un article intitulé «Tragédie à Qusar: une enquête bâclée ou ...», publié dans le journal «Le Miroir» du 4 avril 1998. Cet article portait sur le déroulement de l’enquête pénale visant M. A., frère de l’épouse de l’auteur, accusé puis reconnu coupable par le tribunal du district de Qusar d’avoir tué lors d’une rixe sous le coup de l’ivresse S. B., le 15 novembre 1997. L’article contestait la version des faits établie par l’enquête et faisait ressortir certaines irrégularités dans sa conduite.

8.7Dans la lettre explicative qu’il a adressée au Comité, l’auteur indique qu’après la condamnation de M. A. par le tribunal de première instance, il a engagé deux avocats «qui ont rapidement découvert le véritable meurtrier», un frère du chef de l’Inspection de la circulation routière, G. G. Ce dernier aurait soudoyé le chef de la police, le procureur et le juge afin d’éviter des ennuis à son frère et aurait trouvé des «boucs émissaires»: M. A. et un coaccusé, qui avaient été jugés à la place du meurtrier. Les solides éléments de preuve allant dans le sens de l’innocence de M. A. qu’avaient recueillis les avocats engagés par l’auteur avaient amené la Cour suprême de l’Azerbaïdjan à annuler la condamnation de M. A. par le tribunal du district de Qusar et à renvoyer l’affaire devant le tribunal du district de Quba pour un nouveau procès. Malgré ces preuves solides allant dans le sens de l’innocence de M. A., il avait de nouveau été reconnu coupable du meurtre de S. B. mais avait cette fois été libéré dans la salle d’audience, après avoir passé treize mois en détention.

8.8L’auteur a indiqué qu’«une personne de sa connaissance employée au Bureau du Procureur général» l’avait mis en garde contre un risque de vengeance voire de «liquidation» par des membres des forces de l’ordre de Qusar pour son rôle dans l’affaire M. A. Apparemment, l’auteur avait suscité la «colère de personnes qui avaient dû verser beaucoup d’argent» pour sortir d’affaire le frère de G. G. et qu’on «ne le lui pardonnerait». Il a été conseillé à l’auteur «d’être prudent et de rester sur ses gardes». L’auteur a en outre affirmé que neuf mois plus tard, en octobre 1999, «ils» étaient parvenus à dresser sa sœur contre lui en menaçant d’emprisonner le fils de celle-ci (employé à l’Inspection de la circulation routière) au cas où elle refuserait de coopérer. L’auteur a estimé que tout avait été orchestré par le Procureur adjoint du district de Yasamal, B. P. «Ils» avaient espéré que l’auteur réagirait violemment face à la destruction de sa maison et au tabassage de sa femme afin de pouvoir l’emprisonner et au bout du compte de le punir pour son activisme.

8.9Au sujet de l’argument de l’État partie qui affirme que l’auteur aurait pu porter plainte depuis l’étranger, l’auteur a rappelé avoir indiqué qu’un avocat nommé par les autorités grecques pour l’aider lui et sa femme à étayer leur demande d’asile avait refusé «d’aborder le problème de la violence policière» en Azerbaïdjan et que l’auteur n’avait pas les moyens financiers d’engager un autre avocat (voir par. 5.3). L’auteur a donc demandé au Comité de se ranger à sa position selon laquelle, en raison de l’impossibilité d’obtenir une aide juridique, il devrait être exonéré de l’obligation d’épuiser les recours internes en Azerbaïdjan.

8.10L’auteur a indiqué ne pas comprendre en quoi les observations supplémentaires de l’État partie en date du 8 avril 2010 étaient pertinentes en l’espèce.

Examen au fond

9.1Conformément au paragraphe 1 de l’article 5 du Protocole facultatif, le Comité des droits de l’homme a examiné la présente communication en tenant compte de toutes les informations transmises par les parties.

9.2Le Comité a pris note des observations de l’État partie en date du 4 mars 2010 dans lesquelles il contestait la recevabilité de la communication. Il estime que les arguments avancés par l’État partie ne sont pas de nature à amener le Comité à justifier un réexamen de la décision concernant la recevabilité, eu égard en particulier à l’absence de nouvelles informations utiles sur les menaces qui auraient été proférées contre l’auteur et sa famille. Le Comité ne voit donc aucune raison de réexaminer sa décision concernant la recevabilité et passe à l’examen au fond de la communication.

9.3Le Comité rappelle que, lorsqu’il a estimé la présente communication recevable en ce qu’elle soulevait des questions au titre de l’article 7 du Pacte pour les faits survenus après l’entrée en vigueur du Protocole facultatif pour l’État partie, il a demandé à l’État partie de lui soumettre des explications ou déclarations écrites pour apporter des éclaircissements sur l’affaire et indiquer, le cas échéant, les mesures qui pourraient avoir été prises. À cet égard, le Comité rappelle également son Observation générale no 20 sur l’article 7 qui indique que le texte de l’article 7 ne souffre aucune limitation et aucune dérogation, même en cas de danger public. Par conséquent, pour que l’interdiction des mauvais traitements contraires à l’article 7 revête un caractère absolu, les États parties sont tenus d’enquêter rapidement et impartialement sur les allégations bien étayées de torture et d’autres violations flagrantes des droits de l’homme. Si une enquête révèle la violation de certains droits reconnus dans le Pacte, les États parties doivent veiller à ce que les responsables soient traduits en justice.

9.4Dans la présente affaire, l’auteur a décrit en détail les mauvais traitements que la police lui aurait infligés ainsi qu’à sa femme les 10 et 11 décembre 2003 et a corroboré ses dires en adressant copie d’un rapport établi le 20 juillet 2005 par le Centre médical de réadaptation des victimes de torture d’Athènes, dans lequel il était constaté que l’auteur avait été torturé et continuait à souffrir des effets physiques et psychologiques de la torture subie. L’État partie a réfuté cette allégation en indiquant que dans les plaintes que l’auteur avait adressées à des organes de l’État, à la justice, au Bureau du Médiateur et à des représentants d’organisations des droits de l’homme en Azerbaïdjan, il n’avait jamais signalé avoir été soumis à la torture ou à d’autres actes illégaux par des policiers. Le Comité note toutefois qu’il a admis dans la décision concernant la recevabilité l’argument de l’auteur selon lequel les recours internes en Azerbaïdjan n’étaient ni efficaces ni disponibles pour lui et estime que les arguments avancés par l’auteur en rapport avec la présente communication justifiaient au strict minimum une enquête sur la possible implication d’agents des forces de l’ordre de l’État partie dans les mauvais traitements infligés à l’auteur et à sa femme.

9.5Le Comité rappelle également sa jurisprudence selon laquelle la charge de la preuve ne saurait incomber uniquement à l’auteur d’une communication, d’autant plus que l’auteur et l’État partie n’ont pas toujours un accès égal aux éléments de preuve et que souvent seul l’État partie dispose des informations nécessaires. Si, au vu des éléments dont il est saisi, le Comité n’est pas en mesure de conclure de façon positive que l’auteur et sa femme ont été maltraités par les agents des forces de l’ordre de l’État partie, il ressort implicitement du paragraphe 2 de l’article 4 du Protocole facultatif que l’État partie doit enquêter de bonne foi sur toutes les allégations de violation du Pacte formulées contre lui et contre ses représentants, et fournir au Comité les informations dont il dispose. Or l’État partie n’a fourni aucune information précisant si une enquête avait été menée par les autorités dans le contexte de la présente communication pour répondre aux allégations détaillées et précises formulées par l’auteur en les étayant. Dans ces circonstances, le crédit voulu doit être accordé à ces allégations. Le Comité considère donc que l’État partie a manqué à son devoir d’enquêter de manière adéquate sur les allégations formulées par l’auteur et conclut que les faits tels que présentés font apparaître une violation de l’article 7, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, du Pacte.

10.Le Comité des droits de l’homme, agissant en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constate que les faits dont il est saisi font apparaître une violation par l’État partie de l’article 7, lu conjointement avec le paragraphe 3 de l’article 2, du Pacte.

11.En vertu du paragraphe 3 a) de l’article 2 du Pacte, l’État partie est tenu de garantir à l’auteur et à sa famille un recours utile sous la forme, notamment, d’une enquête impartiale sur le grief de l’auteur au titre de l’article 7 du Pacte, de la mise en cause des responsables et d’une indemnisation appropriée. L’État partie est également tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent pas à l’avenir.

12.Étant donné qu’en adhérant au Protocole facultatif l’État partie a reconnu que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et que, conformément à l’article 2 du Pacte, il s’est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir de l’État partie, dans un délai de cent quatre-vingts jours, des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constatations. L’État partie est également prié de rendre publiques les présentes constatations.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel présenté par le Comité à l’Assemblée générale.]