Nations Unies

CCPR/C/107/D/1886/2009

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

10 mai 2013

Français

Original: anglais

C omité des droits de l’homme

Communication no 1886/2009

Décision adoptée par le Comité à sa 107e session (11-28 mars 2013)

Communication p résentée par:

X (représentée par un conseil,Marcel Schuckink Kool)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

22 octobre 2005 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 17 juillet 2009 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

28 mars 2013

Objet:

Anonymat

Questions de procédure:

Griefs insuffisamment étayés

Questions de fond:

Impossibilité de faire examiner une condamnation par une juridiction supérieurepour des raisons d’anonymat

Article du Pacte:

14 (par. 5)

Article du Protocole facultatif:

2

Annexe

Décision du Comité des droits de l’hommeen vertu du Protocole facultatif se rapportantau Pacte international relatif aux droits civilset politiques (107e session)

concernant la

Communication no 1886/2009 *

Présentée par:

X (représentée par un conseil,Marcel Schuckink Kool)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

Pays-Bas

Date de la communication:

22 octobre 2005 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l’homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 28 mars 2013,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est Mme X, de nationalité néerlandaise, née en 1968. Elle se déclare victime d’une violation par les Pays-Bas des droits énoncés au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle est représentée par un conseil, M. Marcel Schuckink Kool.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur affirme, sans donner davantage d’explications, qu’elle a été reconnue coupable d’une infraction le 22 avril 2005. Elle affirme qu’elle n’a pas fait appel de sa condamnation car elle refusait de dévoiler son identité dans le mémoire d’appel. Elle fait référence à un arrêt de la Cour suprême en date du 24 juin 2003, dans l’affaire no 01948/02, qui conclut que «il faut déduire des articles 449 à 452 du Code de procédure pénale, qui établit les règles de formation des recours, que le suspect qui est l’objet d’une décision de justice dans laquelle il a été identifié autrement que par son nom ne peut pas faire appel d’un jugement définitif si ce n’est en dévoilant son identité». L’auteur relève toutefois que son refus de dévoiler son identité dans l’affaire jugée en première instance n’a pas empêché le tribunal de la déclarer coupable. Elle ajoute que jusqu’à récemment il était possible de faire appel sans dévoiler son identité. Mais la législation a été modifiée et exclut désormais une telle possibilité, sans que ce soit catégorique.

2.2Étant donné qu’elle souhaitait rester anonyme dans le cadre de la procédure pénale et qu’elle estime que l’État partie peut l’identifier par la référence de l’affaire, l’auteur a décidé de ne pas dévoiler son identité au Comité non plus.

2.3Le 28 octobre, le 8 novembre et le 2 décembre 2005, l’auteur a demandé de nouveau que son identité reste cachée. En particulier, le 2 décembre 2005, elle a rappelé qu’il lui était impossible de faire appel de sa condamnation puisqu’elle refusait de dévoiler son identité, ce qui constituait d’après elle une violation des droits énoncés au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte. Elle ajoute qu’à son avis le droit de rester anonyme est directement lié au droit à un procès équitable, qui comprend le droit de ne pas s’avouer coupable.

2.4L’auteur rappelle que son souhait de rester anonyme n’empêche pas l’État partie de l’identifier, étant donné qu’elle avait indiqué les numéros d’identification pertinents et pouvait donc être aisément identifiée.

2.5Le 9 juin 2006, l’auteur a fait connaître son nom, à la condition qu’il serait tenu strictement confidentiel et ne serait pas communiqué à l’État partie.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme être victime d’une violation des droits énoncés au paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte parce qu’elle n’a pas pu faire appel de sa condamnation du fait qu’elle a refusé de dévoiler son nom.

Observations de l’État partie sur la recevabilité

4.Par une note verbale du 27 août 2009, l’État partie a contesté la recevabilité de la communication. Il souligne que la communication est anonyme alors que l’article 3 du Protocole facultatif interdit expressément au Comité d’examiner les communications anonymes. Il note en outre qu’il ne comprend pas pourquoi cette communication a été portée à son attention en dépit des dispositions de l’article 3 du Protocole facultatif. De plus, d’après l’État partie, la communication elle-même ne contient aucune explication justifiant le maintien de l’anonymat.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une réponse du 26 juillet 2011, l’auteur a rejeté les observations de l’État partie. En ce qui concerne la question de l’anonymat, elle explique que sa communication n’est pas anonyme, puisque l’État partie est en mesure de l’identifier. Elle ajoute que quoi qu’il en soit, son anonymat n’a pas empêché que l’action pénale engagée se poursuive.

5.2L’auteur rappelle ses commentaires du 2 décembre 2005, et renvoie aux conclusions de la Cour européenne des droits de l’homme dans la requête no 36378/02, Chama ï ev c. Géorgie et Russie, dans laquelle, selon elle, la Cour avait conclu que si les requérants avaient dissimulé leur identité pour des raisons compréhensibles, c’étaient bien des individus, qu’il était possible d’identifier grâce à des indications autres que leur nom.

Délibérations du Comité

Examen de la recevabilité

6.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

6.2Le Comité a relevé les objections de l’État partie qui conteste la recevabilité de la communication en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte. Il note en outre que, conformément à l’article 3 du Protocole facultatif ainsi qu’à l’alinéa a de l’article 96 du Règlement intérieur du Comité, «le Comité déclare irrecevable toute communication présentée en vertu du présent Protocole qui est anonyme (…)».

6.3Le Comité note que l’auteur souhaitait conserver l’anonymat à l’égard aussi bien du Comité que de l’État partie. Le 9 juin 2006, elle a dévoilé son identité au Comité; elle a toutefois insisté pour conserver l’anonymat vis-à-vis de l’État partie parce que, d’après elle, les autorités pouvaient facilement l’identifier. À ce sujet, le Comité fait observer que ni dans sa communication initiale ni dans les communications ultérieures l’auteur n’a indiqué pour quelles raisons elle ne voulait pas dévoiler son nom dans le contexte de la présente communication ni dans le cadre d’une procédure d’appel devant les juridictions nationales. Le Comité note que le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte ne protège pas le droit des parties à une procédure de rester anonymes. Il découle au contraire de l’article 14 du Pacte qu’en l’absence de circonstances particulières toute procédure, y compris en appel, doit être publique.

6.4Compte tenu de ce qui précède, et en l’absence d’informations utiles supplémentaires concernant l’affaire, le Comité conclut que l’auteur n’a pas étayé suffisamment sa plainte, aux fins de la recevabilité, et déclare celle-ci irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif.

7.En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 2 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et, pour information, à l’auteur de la communication.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinoiset en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]