Nations Unies

CCPR/C/106/D/1849/2008

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Distr. générale

4 décembre 2012

Français

Original: anglais

C omité des droits de l ’ homme

Communication no 1849/2008

Décision adoptée par le Comité à sa 106e session(15 octobre-2 novembre 2012)

Communication p résentée par:

M. B. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

24 avril 2006 (date de la lettre initiale)

Références:

Décision prise par le Rapporteur spécial en application de l’article 97 du Règlement intérieur, communiquée à l’État partie le 5 octobre 2007 (non publiée sous forme de document)

Date de la présente décision:

29 octobre 2012

Objet:

Discrimination fondée sur la nationalité

Questions de procédure:

Non-épuisement des recours internes; abus du droit de présenter une communication

Questions de fond:

Égalité devant la loi

Article du Pacte:

26

Article du Protocole facultatif:

3

Annexe

Décision du Comité des droits de l’hommeen vertu du Protocole facultatif se rapportantau Pacte international relatif aux droits civilset politiques (106e session)

concernant la

Communication no1849/2008 *

Présentée par:

M. B. (non représentée par un conseil)

Au nom de:

L’auteur

État partie:

République tchèque

Date de la communication:

24 avril 2006 (date de la lettre initiale)

Le Comité des droits de l ’ homme, institué en vertu de l’article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

Réuni le 29 octobre 2012,

Adopte ce qui suit:

Décision concernant la recevabilité

1.L’auteur de la communication est M. B., de nationalité américaine par naturalisation, née en 1933 en ex-Tchécoslovaquie. Elle affirme être victime d’une violation par la République tchèque du droit consacré par l’article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle n’est pas représentée par un conseil.

Rappel des faits présentés par l’auteur

2.1L’auteur a quitté la Tchécoslovaquie pour des raisons politiques, en 1976, et a émigré aux États-Unis d’Amérique, où elle vit depuis. En 1987, elle a obtenu la nationalité américaine et a perdu sa nationalité tchécoslovaque.

2.2L’auteur fait valoir que lorsqu’elle est partie, elle a laissé derrière elle une maison en brique dans la région cadastrale de Petrov, avec un grenier et une cave. La maison jouissait de tout le confort nécessaire parce que la famille de l’auteur avait l’intention d’en faire son lieu de résidence principale une fois à la retraite. L’auteur ayant quitté le pays sans autorisation, son bien a été confisqué par décision d’un tribunal à une date non précisée. Elle estime la valeur actuelle de ce bien à 2,5 millions de couronnes tchèques.

2.3À une date non précisée, à la suite de l’adoption de la loi no 119/1990 sur la réhabilitation judiciaire, l’auteur et son mari ont été réhabilités et la décision par laquelle le tribunal avait confisqué le bien de l’auteur a été annulée.

2.4L’auteur a fait plusieurs démarches pour recouvrer son bien. Elle a d’abord pris contact avec un avocat et, le 28 février 1991, a été informée que l’Assemblée fédérale de la République tchèque et slovaque avait adopté le 21 février 1991 une loi sur la réhabilitation judiciaire (entrée en vigueur le 1er avril 1991). Conformément à l’article 3 de cette loi, une personne pouvant prétendre à la restitution d’un bien dont la propriété a été transférée à l’État était une personne qui avait la nationalité de la République fédérale tchèque et slovaque et qui avait sa résidence permanente dans le pays. Par conséquent, si l’auteur souhaitait recouvrer son bien, elle devait satisfaire aux conditions ci-dessus.

2.5L’auteur a ensuite pris contact avec le Bureau du Président de la République fédérale tchèque et slovaque et, le 31 octobre 1991, a été informée que l’Assemblée fédérale, dans le but d’atténuer les injustices commises entre 1948 et 1989, avait adopté plusieurs lois sur la restitution, notamment la loi no 119/1990 sur la réhabilitation judiciaire, la loi no 87/1991 sur la réhabilitation extrajudiciaire et la loi no 92/1991 sur le transfert de biens appartenant à l’État à d’autres personnes. Elle a en outre été informée que dans les préambules de ces lois sur la restitution, il était indiqué que ces dispositions ne répareraient que quelques préjudices, que les diverses injustices dont avaient été plus ou moins victimes tous les citoyens honnêtes de l’État concerné ne pourraient jamais être entièrement réparées et que les procédures juridiques engagées avaient pour but de réparer au moins les plus grands préjudices et d’empêcher que de tels agissements ne se reproduisent. Enfin, l’auteur a été informée que l’article 3 de la loi no 87/1991 disposait que les nationaux de la République tchèque et slovaque qui avaient leur résidence permanente dans le pays avaient droit à la restitution de leurs biens.

2.6À une date non précisée, l’auteur a demandé au Bureau tchèque de topographie, cartographie et cadastre de Prague-Ouest de lui transférer la propriété de son bien. Cependant, le 10 octobre 1995, elle a été informée que, pour recouvrer ses droits de propriété, elle devait satisfaire aux conditions préalables prévues par la loi no 87/1991.

2.7À une date non précisée, l’auteur a demandé à être rétablie dans sa nationalité tchèque, ce qui lui a été accordé le 22 janvier 2002, soit après la date limite de présentation des demandes de restitution de biens en vertu de la loi no 87/1991.

2.8L’auteur soutient qu’en tout état de cause, aucun recours utile ne lui était ouvert et que compte tenu de la décision du 4 juin 1997 par laquelle la Cour constitutionnelle avait jugé que la condition de nationalité prévue par la loi no 87/1991 était compatible avec la Constitution tchèque, elle n’a aucun recours utile à épuiser.

Teneur de la plainte

3.L’auteur affirme qu’elle est victime de discrimination et fait valoir que la condition de nationalité prévue par la loi no 87/1991 pour la restitution de son bien constitue une violation de l’article 26 du Pacte.

Observations de l’État partie sur la recevabilité et sur le fond

4.1Par une note verbale du 21 mai 2009, l’État partie a fait part de ses observations sur la recevabilité et le fond de la communication. Il note que l’auteur a émigré de Tchécoslovaquie et s’est installée à l’étranger. L’auteur a obtenu la nationalité américaine le 10 juillet 1987 et, en conséquence, a perdu sa nationalité tchécoslovaque conformément au traité relatif à la naturalisation conclu entre les États-Unis d’Amérique et la Tchécoslovaquie le 16 juillet 1928. Elle a de nouveau obtenu la nationalité tchèque le 22 janvier 2002.

4.2L’État partie a demandé au Bureau tchèque de topographie, cartographie et cadastre de Prague-Ouest des informations sur le bien qui appartenait autrefois à l’auteur − une maison de vacances no 1167 dans la région cadastrale de Petrov. Cependant, le Bureau a indiqué que ce bien n’était pas inscrit au registre foncier de la région cadastrale de Petrov.

4.3L’État partie note en outre que l’auteur n’a pas épuisé les recours internes en ce qui concerne sa demande de restitution, car elle n’a jamais engagé d’action judiciaire en vue d’être réintégrée dans la propriété du bien en question. Il rappelle que conformément au paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, le Comité n’examine aucune communication d’un particulier sans s’être assuré que tous les recours internes ont été épuisés.

4.4À ce sujet, l’État partie fait valoir que le système judiciaire de la République tchèque se compose de plusieurs degrés de juridiction, dont la Cour constitutionnelle est le plus élevé. Il note que l’auteur de la présente communication ne mentionne que le strict minimum d’informations sur le bien qui aurait été confisqué. En conséquence, étant donné que l’auteur n’a pas utilisé les recours internes disponibles dans le système judiciaire national, notamment en déposant une plainte auprès de la Cour constitutionnelle, certains faits importants relatifs aux circonstances de sa communication n’ont pas été vérifiés au niveau national et les tribunaux de la République tchèque n’ont pas eu l’occasion d’examiner le bien-fondé de sa plainte pour discrimination au sens de l’article 26 du Pacte.

4.5L’État partie souligne que des lettres à un conseil, au Président de la République ou au bureau du cadastre ne sauraient être considérées comme l’exercice d’un recours, seule une action en vue de la remise d’une chose engagée devant un tribunal compétent pouvant être considérée comme tel. L’État partie estime donc que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu du paragraphe 2 b) de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

4.6L’État partie affirme en outre que la communication devrait être déclarée irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif car elle constitue un abus du droit de présenter une communication. Il relève que le Protocole facultatif ne fixe aucun délai précis pour la présentation d’une communication et qu’un simple retard dans la présentation d’une communication n’est pas en soi constitutif d’un abus. Néanmoins, l’État partie considère que le fait que des auteurs saisissent le Comité dans un délai qui est manifestement déraisonnable et sans aucune justification raisonnable de ce retard peut constituer un abus du droit de présenter une communication au Comité.

4.7L’État partie note que le Pacte ne prévoit ni le droit à la jouissance paisible de ses biens ni le droit à réparation pour des injustices passées, mais que l’auteur dirige ses critiques contre la loi sur la restitution. Il estime qu’en l’absence de toute décision des tribunaux nationaux concernant l’affaire de l’auteur, il convient de conclure que le dernier fait juridiquement pertinent est, en l’espèce, l’expiration du délai accordé par les lois sur la restitution pour notifier la requête à la personne responsable qui possède actuellement le bien litigieux. En fait, au moment où ce délai a expiré, les lois sur la restitution ont cessé d’être applicables, et si ces lois étaient discriminatoires à son égard, comme l’auteur l’affirme, la situation de discrimination a pris fin. L’État partie note en outre qu’il n’est guère possible de fonder sa pensée sur l’espoir que les lois seront modifiées, cet espoir n’étant pas une perspective protégée par le droit.

4.8En l’espèce, le délai pour notifier la requête à la personne responsable et lui demander de restituer le bien litigieux avait expiré, en vertu de la loi no 87/1991, le 1er avril 1995. Or l’auteur n’a présenté sa communication au Comité que le 24 avril 2006, soit plus de onze ans après l’expiration des délais normaux pour entreprendre des démarches au titre des lois sur la restitution.

4.9Compte tenu de ce qui précède, l’État partie suggère au Comité d’adopter l’approche de la Cour européenne des droits de l’homme, qui rejette toute requête n’ayant pas été présentée dans un délai de six mois à compter de la date de la décision interne définitive, conformément au paragraphe 1 de l’article 35 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

4.10De plus, selon l’État partie, il convient d’exiger de l’auteur qu’elle fournisse, en ce qui concerne le retard, une explication raisonnable qui ait un fondement objectif et qui soit rationnelle. L’absence d’abus du droit de présenter une communication, ou, en d’autres termes, le respect de l’obligation de faire valoir ses droits, qui existe dans un certain nombre d’ordres juridiques, ne peut pas dépendre uniquement de la mesure dans laquelle un auteur, a posteriori, croit subjectivement qu’il n’a eu la possibilité de saisir le Comité qu’après un long délai.

4.11L’État partie fait valoir en outre que les conclusions du Comité sur la recevabilité de différentes communications au regard de la longueur du délai écoulé semblent plutôt contradictoires et loin de la sécurité juridique.

4.12Compte tenu de ce qui précède, l’État partie réaffirme qu’en saisissant le Comité de nombreuses années après le 1er avril 1995 (voir par. 4.8) sans fournir d’explication objective et raisonnable, l’auteur a abusé du droit de présenter une communication au Comité.

4.13Sur le fond, l’État partie note que l’auteur n’a pas démontré, ni en République tchèque ni dans la présente communication, qu’elle était propriétaire du bien qui est devenu propriété de l’État dans les conditions prévues par la loi sur la réhabilitation judiciaire. Il rappelle que, selon les informations fournies par les autorités compétentes en matière de cadastre, le bien indiqué par l’auteur n’est pas inscrit au cadastre. Selon l’État partie, si l’auteur ne peut pas démontrer qu’elle était effectivement propriétaire du bien qui est devenu propriété de l’État, il ne peut donc pas être conclu qu’elle n’a pas bénéficié d’une égale protection de la loi nationale et qu’elle a été victime de discrimination parce qu’il lui a été impossible de recouvrer son bien présumé. En conséquence, l’État partie affirme que la communication devrait être déclarée non étayée et manifestement mal fondée.

4.14En tout état de cause, l’État partie fait observer que le droit consacré par l’article 26, que l’auteur invoque à l’appui de ses griefs, est un droit autonome, indépendant de tout autre droit garanti par le Pacte. Il renvoie à la jurisprudence du Comité et rappelle que celui-ci a affirmé à maintes reprises que les différences de traitement n’étaient pas toutes discriminatoires et qu’une différenciation fondée sur des motifs objectifs et raisonnables ne constituait pas une discrimination interdite au sens de l’article 26.

4.15Selon l’État partie, l’article 26 ne signifie pas que l’État est tenu de réparer une injustice passée, compte tenu en particulier du fait que le Pacte n’était pas applicable à l’époque de l’ancien État de Tchécoslovaquie. L’État partie renvoie à ses observations antérieures dans des affaires analogues et réaffirme qu’il n’est pas possible de remédier à toutes les injustices passées et que, dans le cadre de ses prérogatives légitimes, le législateur, exerçant sa marge de pouvoir discrétionnaire, a dû déterminer dans quels domaines factuels il allait légiférer, et dans quel sens, afin d’atténuer les préjudices. L’État partie conclut qu’il n’y a pas eu de violation de l’article 26 dans le cas d’espèce.

4.16Malgré la pratique du Comité en matière de prise de décisions, l’État partie est toujours convaincu qu’en énonçant les conditions dans lesquelles certaines injustices passées seraient partiellement réparées ou atténuées, le législateur disposait d’une marge de pouvoir discrétionnaire qui lui permettait de prévoir aussi une condition de nationalité pour les personnes qui demandent la restitution de biens. Toutefois, il ne souhaite pas répéter tous les arguments à l’appui de cette assertion, qui figurent dans plusieurs de ses précédentes observations sur la recevabilité et le fond des communications présentées au Comité et qu’il a exposés lors de son dialogue constructif avec le Comité à l’occasion de l’examen des rapports périodiques de l’État partie sur le respect des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

Commentaires de l’auteur sur les observations de l’État partie

5.1Dans une lettre du 6 septembre 2009, l’auteur joint plusieurs documents attestant que le bien litigieux, situé au 1 rue Stepanska − 11000, Prague, appartenait à son mari, M. B., ou aux deux conjoints. Elle indique que son mari est décédé le 3 mai 1993 et que depuis, elle essaie de recouvrer la propriété de leur bien par ses propres moyens.

5.2L’auteur explique en outre qu’à la suite des changements politiques qui s’étaient produits en 1989, son mari et elle s’étaient rendus à plusieurs reprises à Prague pour tâcher d’être rétablis dans la propriété du bien litigieux, mais que plusieurs conseils leur avaient dit qu’ils n’avaient pas le droit de recouvrer la propriété du bien en question. Ils avaient ensuite sollicité l’avis du Chancelier de Prague et du Bureau du Président de la République fédérale tchèque et slovaque, en vain.

5.3En 1992, l’auteur et son mari s’étaient de nouveau rendus à Prague pour demander la nationalité tchèque afin d’être habilités à demander la restitution de leur bien. Cependant, on leur a dit qu’ils devaient attendre car au moment des faits les autorités ne rétablissaient dans leur nationalité que ceux qui revenaient s’établir en Tchécoslovaquie.

5.4Après que l’auteur a été rétablie dans sa nationalité tchèque le 22 janvier 2002, elle a été informée par des conseils et par les autorités de l’État qu’il était trop tard pour recouvrer son bien conformément à la loi no 87/1991, car tous les délais avaient expiré.

Observations complémentaires de l’État partie

6.1Dans une lettre du 7 janvier 2010, l’État partie a reconnu, compte tenu des informations complémentaires présentées par l’auteur, que l’auteur et son mari étaient propriétaires, avant d’émigrer de Tchécoslovaquie, de la maison de vacances no 1167 située dans la région cadastrale de Petrov.

6.2L’État partie fait valoir que les allégations de l’auteur, qui affirme n’avoir pas pu obtenir la nationalité tchèque en 1991 (ou même avant) ne sont pas fondées. Au contraire, malgré le traité relatif à la naturalisation conclu entre les États-Unis et la Tchécoslovaquie, entre autres, les personnes souhaitant recouvrer des biens pouvaient acquérir la nationalité tchèque à partir de 1990 en présentant une demande ainsi que dans le délai fixé pour la soumission des demandes de restitution. Le Ministère de l’intérieur de la République fédérale tchèque et slovaque avait accordé toutes les demandes de nationalité tchèque qui avaient été soumises de 1990 à 1992 par d’anciens Tchèques (ou Tchécoslovaques) qui avaient acquis la nationalité américaine. L’État partie indique à titre d’exemple qu’en 1991, 72 personnes sont devenues des nationaux tchèques par cette voie.

6.3Enfin, l’État partie réaffirme que la présente communication devrait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes et/ou pour abus du droit de présenter une communication, et partiellement irrecevable ratione temporis. Ou, en tout état de cause, le Comité devrait déclarer que, dans le cas d’espèce, la République tchèque n’a pas commis de violation de l’article 26 du Pacte.

Délibérations du Comité

7.1Avant d’examiner toute plainte soumise dans une communication, le Comité des droits de l’homme doit, conformément à l’article 93 de son règlement intérieur, déterminer si la communication est recevable en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte.

7.2Le Comité s’est assuré, comme il est tenu de le faire conformément aux dispositions du paragraphe 2 a) de l’article 5 du Protocole facultatif, que la même affaire n’était pas en cours d’examen devant une autre instance internationale d’enquête ou de règlement.

7.3Le Comité a pris note des observations de l’État partie qui fait valoir que la communication doit être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes. Il rappelle que, selon sa jurisprudence établie, l’auteur d’une communication n’a pas besoin, aux fins du Protocole facultatif, d’épuiser les recours internes lorsque ceux-ci sont réputés inutiles. Il relève qu’en raison des conditions préalables prévues par la loi no 87/1991, l’auteur ne pouvait pas présenter à l’époque une demande de restitution parce qu’elle n’avait pas la nationalité tchèque. Le Comité note à ce propos que d’autres demandeurs ont contesté sans succès la constitutionnalité de cette loi, que les constatations qu’il a formulées précédemment dans des affaires analogues n’ont pas été suivies d’effet et que, malgré ces plaintes, la Cour constitutionnelle a réaffirmé la constitutionnalité de la loi relative à la réhabilitation judiciaire. Le Comité en conclut que l’auteur n’était pas tenue d’épuiser tous les recours au niveau national.

7.4Le Comité a également pris note de l’argument de l’État partie selon lequel la soumission de la communication au Comité constitue, en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif, un abus du droit de présenter des communications. Dans l’examen de la présente communication, le Comité suit sa jurisprudence qui établit qu’une communication peut constituer un abus lorsqu’elle est présentée après un délai exceptionnellement long, sans raisons suffisantes pour justifier ce retard. À ce sujet, il relève que l’auteur lui a soumis la présente communication près de quinze ans après que la loi no 87/1991 qui est attaquée est entrée en vigueur et près de onze ans après que cette loi a cessé de s’appliquer. Il note que l’auteur n’a pas donné pour justifier ce retard d’autre explication que la simple affirmation qu’à l’époque, elle n’avait pas pu être rétablie dans sa nationalité tchèque. En l’espèce, bien que l’État partie ait soulevé la question du retard qui, d’après lui, constitue un abus du droit de présenter une communication, l’auteur n’a pas expliqué ni justifié pourquoi elle avait attendu près de quinze ans avant de soumettre sa communication au Comité. Compte tenu de ces éléments, considérés dans leur ensemble, et étant donné que la décisiondu Comité dans l’affaire Simunek (première communication relative aux questions de propriété visant la République tchèque) a été rendue en 1995, le Comité considère ce retard comme déraisonnable et excessif au point de constituer un abus du droit de présenter une communication. Par conséquent, dans les circonstances particulières de l’espèce, il déclare la communication irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif.

7.5En conséquence, le Comité des droits de l’homme décide:

a)Que la communication est irrecevable en vertu de l’article 3 du Protocole facultatif;

b)Que la présente décision sera communiquée à l’État partie et à l’auteur.

[Adopté en anglais (version originale), en espagnol et en français. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.]