Nations Unies

CRPD/C/ARG/CO/1

Convention relative aux droits des personnes handicapées

Distr. générale

19 octobre 2012

Français

Original: espagnol

Comité des droits des personnes handicapées

Observations finales sur le rapport initial de l’Argentine, approuvées par le Comité à sa huitième session (17 -28 septembre 2012)

Argentine

1.Le Comité a examiné le rapport initial de l’Argentine (CRPD/C/ARG/1) à ses 79e et 80e séances, les 19 et 20 septembre 2012, et a adopté les observations finales ci-après à sa 91e séance, le 27 septembre 2012.

I.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie pour la présentation de son rapport initial, élaboré conformément aux Directives concernant le document spécifique à l’instrument à soumettre par les États parties (CRPD/C/2/3), ainsi que pour les réponses écrites fournies à la liste des points à traiter (CRPD/C/ARG/Q/1/Add.1).

3.Le Comité se déclare satisfait du dialogue constructif engagé entre la délégation et les membres du Comité, et se félicite de la présence de la délégation de l’État partie.

II.Aspects positifs

4.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts qu’a déployés l’État partie pour donner effet à la Convention à travers l’adoption de lois, de projets et de programmes, notamment de:

a)L’adoption de la loi no 26571 (2009) sur la démocratisation de la représentation politique, la transparence et l’équité électorale;

b)L’adoption de la loi no 26522 (2009) sur les services de communication audiovisuelle;

c)La création (approuvée en décembre 2010) de l’Unité chargée du handicap et de l’intégration professionnelle, rattachée à la Cour suprême, et celle du Programme national d’aide aux personnes handicapées dans leurs relations avec les instances chargées de l’administration de la justice (décret 1375/2011);

d)La création du Centre de technologie pour la santé et le handicap.

III.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

A.Obligations et principes généraux (art. 1er à 4)

5.Le Comité constate avec préoccupation que malgré les dispositions prises pour aligner l’ordre juridique interne surla Convention, il subsiste des divergences majeures avec les principes et les dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne la reconnaissance de la personnalité juridique des personnes handicapées dans des conditions d’égalité. De même, le Comité constate avec inquiétude que l’absence d’harmonisation totale entre les lois des provinces de l’État partie et la Convention entraîne des disparités, au niveau local, dans la façon dont les droits des personnes handicapées sont compris et respectés.

6. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre les mesures nécessaires pour mettre l ’ ensemble de sa législation, aux niveaux fédéral, provincial et local, en conformité avec les dispositions de la Convention, en s ’ appuyant sur la participation effective des organisations de personnes handicapées, en application du paragraphe 3 de l ’ article 4 de la Convention.

7.Le Comité s’inquiète de l’absence d’une stratégie cohérente et globale visant à adopter l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme consacrée par la Convention, qui prévoit l’adoption de mesures d’action positive pour garantir l’égalité de fait et de droit des personnes handicapées et la pleine application des principes et dispositions de la Convention à tous les niveaux.

8. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de se doter d ’ une stratégie globale et intégrée pour la réalisation de tous les droits consacrés par la Convention, en prenant dûment en compte l ’ approche du handicap axée sur les droits de l ’ homme . Le Comité recommande également à l ’ État partie de prendre des mesures efficaces pour garantir la participation active des personnes handicapées, y compris des femmes et des enfants handicapés, à la conception, à l ’ exécution, au suivi et à l ’ évaluation de ladite stratégie.

9.Le Comité reconnaît que la mise en place du Certificat unique (CUD), instauré pour attester du handicap, représente un progrès. Il constate cependant avec préoccupation que son application n’est pas uniforme sur l’ensemble du territoire et que les critères sur la base desquels il est délivré varient. Le Comité est également préoccupé par le fait que certaines provinces n’appliquent toujours pas la loi no 24901, qui institue un système de prestations de base pour la prise en charge des personnes handicapées.

10. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre des mesures pour garantir la mise en œuvre effective du CUD sur l ’ ensemble du territoire et d ’ uniformiser les critères appliqués pour son octroi par le Service national de réadaptation et les commissions d ’ évaluation de chaque province. De même, le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à l ’ application de la loi n o  24 901 par toutes les provinces.

B.Droits spécifiques (art. 5 à 30)

Égalité et non-discrimination (art. 5)

11.Le Comité constate avec préoccupation que ni la notion d’aménagement raisonnable ni la reconnaissance du refus d’aménagement raisonnable comme forme de discrimination ne font explicitement partie du cadre législatif de lutte contre la discrimination, ou de la législation, notamment en matière de travail, de santé et d’éducation. Il est également préoccupé par l’absence de recours judiciaires et administratifs simplifiés permettant aux personnes handicapées de porter plainte pour discrimination fondée sur le handicap. Le Comité est en outre préoccupé par le manque d’informations sur les mesures prises pour répondre aux cas particuliers des personnes handicapées autochtones et des personnes sourdes-aveugles.

12. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ intégrer à son cadre législatif de lutte contre la discrimination la notion d ’ aménagement raisonnable et de reconnaître expressément dans les lois et règlements adoptés sur la question que le refus d ’ aménagement raisonnable constitue une discrimination fondée sur le handicap. Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre des mesures visant à simplifier les recours judiciaires et administratifs existants afin que les personnes handicapées puissent porter plainte pour les discriminations dont elles ont été victimes. Le Comité recommande à l ’ État partie de s ’ attacher tout particulièrement à l ’ élaboration de politiques et de programmes en faveur des personnes handicapées autochtones et des personnes sourdes - aveugles, afin de mettre un terme aux multiples formes de discrimination dont celles-ci peuvent être victimes.

Femmes handicapées (art. 6)

13.Le Comité s’inquiète du caractère rudimentaire des mesures que l’État partie a adoptées afin de répondre aux besoins spécifiques des filles et des femmes handicapées et il regrette que leurs droits ne soient pas suffisamment protégés (voir CEDAW/C/ARG/CO/6, par. 43 et 44). Il est notamment préoccupé par l’absence d’une stratégie d’intégration des considérations liées à l’égalité des sexes face au handicap dans la législation et les programmes visant les femmes, notamment s’agissant de la violence, de l’accès à la justice, des droits sexuels et génésiques et de l’accès au marché du travail.

14. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ adopter une stratégie spécifique en faveur des filles et des femmes handicapées qui garantisse la pleine protection et le plein exercice de leurs droits, en les faisant participer effectivement aux processus de prise de décisions. Le Comité recommande en outre à l ’ État partie d ’ intégrer les questio ns relatives au handicap à tou s les programmes et toutes les politiques visant à garantir l ’ égalité des sexes , afin que les femmes handicapées puissent y participer pleinement dans les mêmes conditions que les autres femmes.

Enfants handicapés (art. 7)

15.Le Comité constate avec préoccupation que la loi no 26061 sur la protection intégrale des droits des enfants et des adolescents ne contient aucune disposition concernant spécifiquement les enfants handicapés. Il est en outre préoccupé par le manque d’informations sur la situation des enfants handicapés dans l’État partie.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ intégrer d ’ urgence des dispositions relatives au handicap dans la loi n o  26 061 et le système de protection intégrale des dr oits des enfants et adolescents . Il prie instamment l ’ État partie de consacrer le maximum de ressources disponibles à l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des enfants handicapés et de veiller à ce que ces derniers soient couverts dans les régimes d ’ assurance maladie et bénéficient des services et prestations auxquels ils ont droit, notamment en matière de pension et de logement.

Accessibilité (art. 9)

17.Le Comité prend note du cadre législatif en place dans l’État partie en matière d’accessibilité pour les personnes handicapées. Il constate cependant avec préoccupation que, malgré la création du Comité de conseil et de supervision, l’État partie ne dispose d’aucun mécanisme efficace de contrôle et d’évaluation du respect des prescriptions en matière d’accessibilité dans tous les domaines prévus par la Convention, ni de dispositif lui permettant d’imposer des sanctions en cas de non-respect de ces prescriptions et d’assurer le suivi de ces sanctions. Le Comité est également préoccupé par le fait que la structure fédérale de l’État constitue un obstacle à la réalisation de la pleine accessibilité des personnes handicapées dans toutes les provinces et municipalités du pays.

18. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ instaurer un mécanisme de contrôle et d ’ évaluation effectif s du respect du cadre législatif existant en matière d ’ accessibilité dans l ’ État partie. Il lui recommande de prendre toutes les mesures voulues pour mettre rapidement la législation adoptée dans ce domaine aux niveaux fédéral et provincial en conformité avec la Convention , et pour élaborer et mettre en œuvre des plans d ’ accessibilité. De même, le Comité demande instamment à l ’ État partie de veiller à ce que les organismes privés prennent dûment en compte tous les aspects relatifs à l ’ accessibilité des personnes handicapées.

Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (art. 12)

19.Le Comité est gravement préoccupé par les incompatibilités relevées aussi bien dans les dispositions législatives en vigueur que dans les projets de loi en cours qui, en violation claire des dispositions de l’article 12 de la Convention, se fondent ou continuent de se fonder sur un modèle de prise de décisions qui se substitue à la volonté de la personne. Il est également inquiet de la résistance de certains acteurs judiciaires qui s’opposent à l’application de la règle visant à limiter le pouvoir discrétionnaire dont dispose l’autorité judiciaire pour réduire la capacité juridique des personnes handicapées.

20. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de procéder immédiatement à la révision de tous les textes législatifs en vigueur qui, en s ’ appuyant sur le principe de la prise de décisions substitutive, privent les personnes handicapées de leur capacité juridique. Parallèlement, il l ’ exhorte à prendre des mesures en vue d ’ adopter des lois et des politiques visant à remplacer le régime de prise de décisions substitutive par un système de prise de décisions assistée qui respecte l ’ autonomie, la volonté et les préférences de la personne. Le Comité recommande en outre l ’ organisation d ’ ateliers de formation à l ’ approche du handicap axée sur les droits de l ’ homme à l ’ intention des juges , afin que ceux-ci adoptent le système de prise de décisions assistée au lieu des régimes de tutelle et de curatelle.

21.Le Comité exprime sa préoccupation concernant les contradictions avec les dispositions de la Convention relevées dans le projet de nouveau code civil et commercial unifié, qui maintient l’interdiction judiciaire et le pouvoir discrétionnaire des juges de décider de la désignation d’un curateur ou de l’octroi des aides nécessaires à la prise de décisions par les personnes handicapées.

22. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de faire le nécessaire pour que le projet de nouveau c ode civil et commercial unifié prévoie la suppression de l ’ interdiction judiciaire , et de garantir la participation effective des associations de personnes handicapées à ces travaux de révision.

Liberté et sécurité de la personne (art. 14)

23.Le Comité note avec préoccupation que le placement en institution pour une durée prolongée contre la volonté de la personne continue d’être pratiqué dans l’État partie, malgré l’adoption de plans de désinstitutionalisation et malgré le fait que la loi nationale sur la santé mentale (loi no 26657) repose sur l’approche du handicap axée sur les droits de l’homme.

24. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ appliquer de manière efficace les stratégies de désinstitutionalisation qui ont été adoptées, ainsi que d ’ élaborer et d ’ appliquer des plans de santé mentale fondés sur l ’ approche du handicap axée sur les droits de l ’ homme et des mesures efficaces qui favorisent la désinstitutionalisation des personnes handicapées.

25.Le Comité note avec préoccupation que lorsqu’une personne présentant un handicap psychosocial ou intellectuel est déclarée pénalement irresponsable, elle ne fait l’objet d’aucune procédure respectant les garanties prévues par la loi et se trouve immédiatement privée de liberté sans même que son lien avec les faits reprochés soit établi.

26. Le Comité prie l ’ État partie d ’ adapter les dispositions du droit pénal, tant au niveau fédéral qu ’ au niveau des provinces, de façon que la décision d ’ imposer des mesures de sécurité aux personnes déclarées pénalement irresponsables ne soit prise qu ’ à l ’ issue d ’ une procédure dans le cadre de laquelle elles bénéficient de s services d ’ un avocat et d ’ une assistance qualifiée , y compris grâce aux aménagements procéduraux pouvant s ’ avérer nécessaires pour garantir l ’ exercice des droits de ces personnes.

Protection contre la torture (art. 15)

27.Le Comité prend note avec préoccupation du retard pris en ce qui concerne l’approbation par le Sénat du projet de loi portant création du Mécanisme national de prévention de la torture.

28. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ approuver immédiatement le projet de loi portant création du Mécanisme national de prévention de la torture, outil qui permettra de surveiller la situation des personnes handicapées vivant en institution et de les protéger contre les actes assimilables à des faits de torture et à d ’ autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance (art. 16)

29.Le Comité note avec préoccupation que ni la loi no 26485 sur la protection intégrale visant à prévenir, punir et éliminer la violence contre les femmes, ni la loi no 26061 sur la protection intégrale des droits des enfants et des adolescents ne prennent en considération la situation particulière des femmes et des enfants handicapés. De plus, il s’inquiète de l’absence de protection contre les actes de violence et de maltraitance qui peuvent être infligés aux personnes handicapées vivant en institution.

30. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de garantir la protection des femmes et des enfants handicapés dans la version révisée des lois n o  26 485 et n o  26 061 et dans leurs règlements d ’ application. Il l ’ exhorte également à prendre en compte le handicap dans les politiques et les programmes élaborés sur la base de cette législation. Il lui recommande en outre de mettre en place des protocoles appropriés de prévention de la violence à l ’ égard des personnes handicapée s vivant en institution. L e Comité recommande à l ’ État partie de recueillir des données et des informations sur les actes de violence et de maltraitance commis contre les personnes handicapées, en prêtant une attention spéciale aux femmes, aux enfants et aux personnes vivant en institution. À cette fin, il devra, entre autres mesures, créer des mécanismes institutionnels chargés de la détection précoce des situations dans lesquelles il existe des risques de violence, enquêter dans les meilleurs délais sur les allégations de violence, en recourant à des aménagements procéduraux permettant de recueillir le témoignage des victimes, et traduire en justice les responsables.

Protection de l’intégrité de la personne (art. 17)

31.Le Comité déplore que le représentant légal d’une femme handicapée sous tutelle ou sous curatelle soit habilité à donner son consentement à un avortement légal au nom de la femme handicapée. Le Comité exprime également son inquiétude face aux cas de personnes handicapées soumises à une stérilisation sans avoir donné leur consentement librement et en connaissance de cause.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie de modifier l ’ article 86 du Code pénal, ainsi que l ’ article  3 de la loi n o  26 130 relative au régime applicable dans le cas des interventions chirurgicales aux fins de contraception, conformément à la Convention, et de prendre les mesures qui s ’ imposent pour fournir aux femmes sous tutelle ou sous curatelle les aides qui leur permettront de donner elles-mêmes, en connaissance de cause , leur consentement à un avortement légal ou à une stérilisation.

Autonomie de vie et inclusion dans la société (art. 19)

33.Le Comité regrette que le Programme de services d’assistance à une vie autonome (SAVA) ne soit pas encore appliqué dans l’État partie et exprime son inquiétude face au manque de ressources et de services appropriés pour garantir le droit des personnes handicapées à vivre d’une manière autonome et à être intégrées dans la collectivité.

34. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de mettre en œuvre dans les meilleurs délais le Programme de services d ’ assistance à une vie autonome , et d ’ élaborer et d ’ appliquer des stratégies intégrées pour que les personnes handicapées aient accès à un large éventail de programmes de réadaptation à la vie à domicile, en foyer d ’ hébergement, dans la collectivité et autres, et puissent choisir librement leur lieu et leur mode de vie.

Respect du domicile et de la famille (art. 23)

35.Le Comité observe avec inquiétude que le droit de fonder une famille n’est pas reconnu à certaines personnes handicapées, en particulier à celles qui sont déclarées «aliénées» ou «incapables», selon l’article 309 du Code civil de l’État partie.

36.Le Comité demande instamment à l ’ État partie de modifier le Code civil en tenant compte de l ’ article 12 et de l ’ alinéa b du paragraphe  1 de l ’ article  23 de la Convention et de fournir aux personnes handicapées qui en ont besoin les aides nécessaires à l ’ exercice de la maternité et de la paternité.

Éducation (art. 24)

37.Le Comité note que le principe de l’éducation pour tous figure expressément dans la législation de l’État partie relative à l’éducation (art. 11 de la loi no 26206). Toutefois, il constate avec préoccupation que l’application de ce principe reste limitée, dans la pratique, du fait de l’inadaptation des programmes et des plans d’études aux besoins des élèves handicapés et des obstacles de tous ordres qui empêchent les personnes handicapées d’accéder au système éducatif sans discrimination et dans les mêmes conditions que les autres élèves. Le Comité exprime sa profonde inquiétude face au nombre élevé d’enfants qui fréquentent des écoles spécialisées et à l’absence de centres de soutien pédagogique capables de contribuer à l’inclusion effective des élèves handicapés dans le système éducatif.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer une politique publique pour un enseignement sans exclusive qui garantisse le droit à cet enseignement et qui alloue des ressources budgétaires suffisantes à la mise en place d ’ un système éducatif intégrant les élèves handicapés. Le Comité lui demande aussi instamment de redoubler d ’ efforts pour garantir la scolarisation de tous les enfants handicapés d ’ âge scolaire, en prêtant attention aux communautés autochtones et aux autres communautés rurales. Il exhorte également l ’ État partie à prendre les mesures nécessaires pour que les élèves handicapés inscrits dans des écoles spécialisées intègrent des écoles ordinaires et à faire bénéficier ces élèves d ’ aménagements raisonnables dans le système éducatif ordinaire.

Santé (art. 25)

39.Le Comité est préoccupé par les obstacles qui existent dans le système de santé de l’État partie et qui empêchent les personnes handicapées d’accéder aux services de santé − obstacles physiques, manque de documentation en formats accessibles, manque de professionnels de la santé formés à l’approche du handicap axée sur les droits de l’homme, et restrictions de l’exercice par les personnes handicapées de leur capacité juridique de prendre des décisions concernant leur traitement.

40. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer des programmes de santé intégrés qui prévoient l ’ accueil des personnes handicapées et leur garantissent l ’ accès à des services d ’ adaptation et de réadaptation dans le domaine de la santé. Il l ’ engage à allouer des ressources budgétaires et à former le personnel de santé de manière à donner effet au droit à la santé des personnes handicapées, tout en veillant à ce que les établissements hospitaliers et les centres de santé soient accessibles à ces personnes.

41.Le Comité regrette que l’application effective de la loi nationale sur la santé mentale (loi n° 26657) soit compromise parce que son règlement d’application n’a toujours pas été adopté et que son organe de révision n’est pas encore constitué. Il regrette également l’absence de mécanisme clair garantissant qu’aucun traitement médical ne puisse être administré à une personne handicapée sans qu’elle y ait consenti librement et en connaissance de cause.

42. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ adopter dans les meilleurs délais le règlement d ’ application de la loi nationale n o  26657 sur la santé mentale , de mettre en place l ’ organe de révision, et de renforcer le réseau des services de santé mentale de proximité et leur coordination avec les mécanismes d ’ intégration dans le secteur de l ’ emploi, de l ’ éducation et du logement afin de garantir la mise en œuvre efficace de la loi nationale sur la santé mentale. Il lui recommande également d ’ adopter des protocoles garantissant qu ’ aucun traitement médical ne puisse être administré à une personne handicapée sans qu ’ elle y ait consenti librement et en connaissance de cause.

Travail et emploi (art. 27)

43. Le Comité prend note des dispositions de la législation du travail faisant obligation au secteur public d’employer 4 % de personnes handicapées (loi n° 25689), ainsi que des programmes divers d’insertion professionnelle des personnes handicapées mis en place dans le domaine de la fonction publique. Cependant, le Comité relève avec préoccupation l’absence de données ventilées (notamment par sexe, âge, type de handicap, zone géographique, etc.) permettant d’analyser la façon dont ce quota est respecté aux niveaux national et provincial. De plus, le Comité exprime son inquiétude face aux barrières culturelles et aux préjugés qui limitent l’accès des personnes handicapées au marché de l’emploi, notamment dans le secteur privé, malgré l’existence d’avantages fiscaux pour les employeurs; il fait également part de sa préoccupation face à la discrimination dont les femmes handicapées font l’objet dans le travail.

44. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ élaborer une politique publique encourageant l ’ insertion des personnes handicapées sur le marché du travail, par exemple en concevant des campagnes de sensibilisation du secteur privé et du grand public visant à éliminer les obstacles culturels et les préjugés auxquels les personnes handicapées sont confrontées, en mettant en place des aménagements raisonnables pour garantir l ’ insertion professionnelle des personnes handicapées ayant besoin de tels aménagements et en élaborant des programmes de formation et d ’ aide à l ’ activité indépendante. Le Comité recommande à l ’ État partie de renforcer les mesures destinées à assurer le suivi et le contrôle de la façon dont le quota d ’ emploi des personnes handicapées est respecté dans le secteur public, ainsi que de collecter de manière systématique des données ventilées permettant de réaliser une analyse précise de la façon dont le quota d ’ emploi est respecté aux niveaux national et provincial.

Niveau de vie adéquat et protection sociale (art. 28)

45.Le Comité s’inquiète des dispositions législatives de l’État partie sur l’accès aux pensions non contributives qui instaurent directement ou indirectement une discrimination à l’égard des personnes handicapées, notamment la condition imposée par le décret réglementaire no 432/1997 et le critère établi dans la loi no 18910 pour pouvoir bénéficier d’une pension d’invalidité. Le Comité exprime également sa préoccupation face au traitement inéquitable dont les travailleurs migrants handicapés et les enfants handicapés de travailleurs migrants font l’objet en ce qui concerne l’accès aux mesures de protection sociale, notamment pour ce qui est des pensions d’invalidité, des soins de santé, de la réadaptation et du logement.

46. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de réviser son cadre législatif en matière de sécurité sociale et de reformuler les dispositions qui empêchent les personnes handicapées, y compris les travailleurs migrants et les enfants handicapés de travailleurs migrants, d ’ accéder sur la base de l ’ égalité avec les autres à la protection sociale, conformément à l ’ article  28 de la Convention.

Participation à la vie politique et à la vie publique (art. 29)

47.Le Comité remercie l’État partie d’avoir abrogé les dispositions du Code électoral qui privaient de l’exercice du droit de vote «les sourds-muets qui ne savent pas se faire comprendre par écrit» et les personnes présentant un handicap psychosocial et intellectuel qui «sont internées dans des établissements publics». Cependant, le Comité demeure préoccupé par:

a)Le fait que les réformes du Code électoral ne concernent pas les personnes frappées d’incapacité juridique à la suite d’une décision judiciaire, qui demeurent privées du droit de vote;

b)L’absence de mesures appropriées visant à garantir l’accessibilité des bureaux de vote aux personnes handicapées vivant en institution, qui leur permettraient de sortir de l’établissement pour se rendre aux urnes.

48. Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) Réviser le Code électoral et de lui apporter les modifications nécessaires pour le rendre conforme aux dispositions de la Convention, notamment en ce qui concerne la capacité juridique et l ’ exercice du droit de vote dans des conditions d ’ égalité;

b) P oursuivre ses efforts pour garantir aux personnes handicapées vivant en institution l ’ accès aux urnes , par exemple en élaborant et en appliquant un plan national destiné à garantir l ’ exercice du droit de participer à la vie politique (CRPD/C/ARG/Q/1/Add.1, par. 249), ou en optant pour d ’ autres solutions.

C. Obligations particulières (art. 31 à 33)

Statistiques et collecte des données ( art.  31)

49.Le Comité tient à exprimer à l’État partie sa reconnaissance pour les travaux qu’il a engagés en vue de réaliser la deuxième enquête nationale sur le handicap. Il souligne à quel point il est important de disposer de données actualisées permettant de connaître avec précision la situation de catégories particulières de personnes handicapées susceptibles de subir des formes d’exclusion multiples, en particulier les femmes, les enfants, les personnes vivant en institution ainsi que les personnes privées de capacité juridique ou les autochtones.

50. Le Comité recommande à l ’ État partie de systématiser la collecte, l ’ analyse et la diffusion de données statistiques en prenant en considération la situation de catégories particulières de personnes handicapées susceptibles de subir des formes d ’ exclusion multiples. Le Comité demande instamment à l ’ État partie d ’ intensifier les mesures destinées à renforcer ses capacités dans ce domaine , et d ’ élaborer des indicateurs tenant compte des questions de discrimination multiple et d ’ intersectionnalité qui concernent les personnes handicapées, en prenant en considération le passage de l ’ approche médicale du handicap à l ’ approche axée sur les droits de l ’ homme.

Application et suivi au niveau national (art. 33)

51.Le Comité relève avec inquiétude que la Commission nationale consultative pour l’intégration des personnes handicapées (CONADIS) ne dispose pas d’une place suffisamment élevée au sein de la hiérarchie institutionnelle pour assumer efficacement son rôle de mécanisme facilitateur et de coordonnateur des questions relatives à l’application de la Convention à tous les niveaux et dans tous les services de l’État. Le Comité constate également avec préoccupation que l’Observatoire du handicap, organisme ayant pour mandat de superviser la mise en œuvre de la Convention, dépend de la CONADIS, ce qui est contraire aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 33 de la Convention et aux Principes de Paris.

52. Le Comité recommande à l ’ État partie de conférer à la CONADIS un rang institutionnel plus élevé et de la doter des ressources humaines et financières nécessaires pour qu ’ elle puisse remplir efficacement son mandat en coordonnant l ’ application de la Convention à tous les niveaux et dans tous les services de l ’ État. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de désigner un mécanisme national de contrôle indépendant, qui soit pleinement conforme aux Principes de Paris et qui garantisse, à titre prioritaire, la pleine participation des personnes handicapées et des organisations qui les représentent au processus de contrôle.

Suivi des observations finales et diffusion

53.Le Comité demande à l’État partie de donner suite aux recommandations formulées dans les présentes observations finales. Il recommande à l’État partie de transmettre les observations finales, en vue de leur examen et de l’adoption de mesures, aux membres du Gouvernement et du Parlement, aux fonctionnaires des ministères concernés, aux membres du corps judiciaire et des groupes professionnels concernés, aux professionnels de l’éducation, de la médecine et du droit, ainsi qu’aux autorités locales, au secteur privé et aux médias, en recourant aux stratégies de communication modernes.

54.Le Comité demande à l’État partie de diffuser largement, sous des formes accessibles, les présentes observations finales, en particulier auprès des organisations non gouvernementales et des organisations qui représentent les personnes handicapées, ainsi qu’auprès de ces personnes et de leurs proches.

55.Le Comité encourage vivement l’État partie à associer les organisations de la société civile, notamment les organisations de personnes handicapées, à la préparation de son deuxième rapport périodique.

56.Le Comité demande à l’État partie de lui présenter par écrit, dans un délai de douze mois et conformément au paragraphe 2 de l’article 35 de la Convention, des informations sur les mesures adoptées pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 22 et 48 des présentes observations finales.

Coopération technique

57.Le Comité recommande à l’État partie de solliciter la coopération technique des organisations appartenant au Groupe d’appui interorganisations pour la Convention relative aux droits des personnes handicapées afin de bénéficier de conseils et d’une assistance pour donner effet à la Convention et aux présentes observations finales.

Prochain rapport

58.Le Comité demande à l’État partie de présenter son prochain rapport périodique en octobre 2014.