Nations Unies

CAT/OP/9

Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

31 mars 2020

Français

Original : anglais

Sous-Comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Avis rendu par le Sous-Comité à l’intention du mécanisme national de prévention du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord concernant l’obligation de quarantaine imposée en réponse au coronavirus (virus COVID-19) *

1.Le mécanisme national de prévention du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a sollicité l’avis du Sous-Comité s’agissant de l’exercice de son mandat dans les lieux où des personnes sont placées en quarantaine obligatoire pour des raisons de santé publique.

2.Le Sous-Comité note que l’article 4 du Protocole facultatif dispose que :

a)Chaque État partie autorise les mécanismes visés aux articles 2 et 3 à effectuer des visites, conformément au présent Protocole, dans tout lieu placé sous sa juridiction ou sous son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation, ou avec son consentement exprès ou tacite ;

b)Aux fins du présent Protocole, on entend par privation de liberté toute forme de détention ou d’emprisonnement, ou le placement d’une personne dans un établissement public ou privé de surveillance dont elle n’est pas autorisée à sortir à son gré, ordonné par une autorité judiciaire ou administrative ou toute autre autorité publique.

3.Il découle de cette définition, lue conjointement avec l’alinéa a) du paragraphe 19 du Protocole facultatif concernant les droits de visite des mécanismes nationaux de prévention, que tout lieu où une personne est placée en quarantaine et qu’elle ne peut quitter librement est un lieu de privation de liberté aux fins du Protocole facultatif et relève du mandat de visite d’un mécanisme national de prévention.

4.Même si ce n’est pas expressément indiqué, il est implicite compte tenu de la structure du Protocole facultatif que des visites nationales de prévention, comme celles du Sous-Comité, peuvent être temporairement restreintes conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 14 du Protocole facultatif. Il y est énoncé qu’il ne peut être fait objection à la visite d’un lieu de détention déterminé que pour des raisons pressantes et impérieuses liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves là où la visite doit avoir lieu, qui empêchent provisoirement que la visite ait lieu et qu’un État partie ne saurait invoquer l’existence d’un état d’urgence pour faire objection à une visite.

5.Ces dispositions suggèrent que même s’il peut être fait objection à une visite pour des raisons de sécurité publique pouvant inclure une urgence médicale nécessitant une quarantaine, il ne peut s’agir que d’une restriction temporaire qui ne peut empêcher totalement les visites au lieu de quarantaine. En d’autres termes, il faudrait qu’il existe une raison particulière pour qu’une telle visite ne puisse avoir lieu à un moment donné dans le temps, plutôt que ces visites n’aient pas lieu du tout.

6.Ces dispositions confirment que les lieux de quarantaine relèvent des attributions d’un mécanisme national de prévention en matière de visites, même si l’accès peut être restreint temporairement pour des motifs strictement limités et non parce que le lieu en question est un lieu de quarantaine.

7.Le Sous-Comité note que le Protocole facultatif prévoit que les mécanismes nationaux de prévention doivent avoir accès à tous les lieux de détention et à leurs installations et équipements (art. 20 c)) et la possibilité de s’entretenir en privé avec les personnes privées de liberté, sans témoins (art. 20 d)).

8.Le Sous-Comité reconnaît que même si la quarantaine est imposée dans l’intérêt public, elle ne doit pas être à l’origine de mauvais traitements à l’encontre des personnes détenues. Un mécanisme national de prévention a pour mission de veiller à ce que toutes les garanties fondamentales soient respectées, y compris le droit d’être informé des raisons de la mise en quarantaine, de pouvoir informer un tiers, d’avoir accès à des services indépendants d’aide juridique et d’être examiné par un médecin de son choix.

9.En outre, des mesures suffisantes et appropriées devraient être prises afin de prévenir toute violation de l’interdiction des mauvais traitements. De telles violations peuvent inclure (ou découler) des pratiques et actes discriminatoires qui ont pour effet de stigmatiser ou de marginaliser des groupes particuliers de personnes. Il peut s’agir notamment d’individus et de groupes considérés comme à risque en termes de contamination, ou comme étant potentiellement porteurs de virus.

10.Même si les attributions d’un mécanisme national de prévention en termes de visites comprennent également les lieux de quarantaine obligatoire, celui-ci doit toutefois tenir compte du principe consistant à « ne pas nuire » dans l’exercice de son mandat. Il faudra peut-être adapter les pratiques de travail normales dans l’intérêt particulier de ceux qui sont en quarantaine et de ceux qui effectuent les visites, tout comme dans l’intérêt général de stopper la propagation de la maladie. Par exemple, la possibilité de s’entretenir en privé peut être raisonnablement garantie à l’aide de méthodes qui empêchent la transmission de l’infection, et les membres d’un mécanisme national de prévention peuvent être légitimement soumis à des examens médicaux et autres formes d’inspections et de restrictions afin d’assurer le respect de la quarantaine, comme pour tous ceux qui doivent satisfaire aux besoins des personnes détenues.

11.Dans les rapports établis à l’issue de ces visites, les mécanismes nationaux de prévention doivent veiller au respect de la confidentialité des personnes détenues et ne pas contribuer à la stigmatisation potentielle ou au risque de discrimination à l’encontre de ceux qui ont été soumis à une quarantaine obligatoire. On trouvera d’autres informations utiles dans les documents pertinents publiés par les Centers for Disease Control and Prevention et l’Organisation mondiale de la Santé.