Nations Unies

CAT/C/ETH/2

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

26 mai 2020

Français

Original : anglais

Anglais, espagnol et français seulement

Comité contre la torture

Deuxième rapport périodique soumis par l’Éthiopie en application de l’article 19 de la Convention, attendu en 2014 *

[Date de réception : 6 mars 2020]

Liste des acronymes

CICRComité international de la Croix-Rouge

EPUExamen périodique universel

HCDHHaut-Commissariat aux droits de l’homme

MGFMutilations génitales féminines

I.Introduction

1.Le présent document est le rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques de l’Éthiopie, élaboré en application de l’article 19 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il a été établi conformément à la Compilation des directives concernant la présentation et le contenu des rapports à présenter par les États parties aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme HRI/GEN/2/Rev.6 du 3 juin 2009, ainsi qu’aux Directives générales adoptées par le Comité contre la torture concernant la forme et le contenu des rapports périodiques que les États parties doivent présenter en application du paragraphe 1 de l’article 19 de la Convention CAT/C/14/Rev.1 du 2 juin 1998. En outre, toutes les observations générales du Comité ont été consultées et des explications ont été fournies en réponse aux préoccupations soulevées dans les observations finales du Comité, telles qu’elles figurent dans le document CAT/C/ETH/CO/1.

2.Le rapport a été préparé par un groupe d’experts interministériel dirigé par le Bureau du Procureur général. Ainsi, les rédacteurs du rapport sont notamment des experts du Bureau du Procureur général, du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de la santé, du Ministère de l’éducation, du Ministère du travail et des affaires sociales, du Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse, du Ministère de la paix, du Bureau central de la statistique et de l’Agence pour les organisations de la société civile. En outre, le Bureau régional de l’Afrique de l’Est du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a apporté un appui technique fondamental à la préparation du rapport.

3.Afin d’étayer le projet de rapport et de veiller à ce qu’il décrive avec précision la situation des droits de l’homme en Éthiopie pendant la période considérée, des réunions de consultation nationales ont été tenues avec des organisations gouvernementales et non gouvernementales.

4.L’Éthiopie a soumis son rapport au titre du troisième cycle de l’Examen périodique universel (EPU) en janvier et son rapport valant deuxième et troisième rapports périodiques au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en septembre 2019. Elle s’efforce en outre de s’acquitter de son obligation de présenter des rapports à tous les organes créés en vertu d’instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme, au moyen de son nouveau mécanisme national de mise en œuvre, de contrôle, d’établissement de rapports et de suivi.

5.L’État est disposé à répondre aux demandes de précisions concernant le contenu du présent rapport.

II.Renseignements sur les nouvelles mesures et les faits nouveaux touchant l’application de la Convention

6.Les renseignements qui ont été fournis dans le rapport initial de l’Éthiopie concernant les articles 5, 6, 7, 8 et 9 sont toujours valables.

Article premierDéfinition

7.La définition de la torture a été traitée dans le rapport initial de l’Éthiopie, dont la position en ce qui concerne l’incorporation de la Convention dans le droit interne est précisée dans le contexte de la Constitution. Au sujet du statut et de l’application des instruments internationaux, la Constitution de la République fédérale démocratique d’Éthiopie prévoit, au paragraphe 4 de l’article 9, que tous les accords internationaux ratifiés par l’Éthiopie font partie intégrante du droit interne. C’est dans ce cadre que la Convention a acquis sa légitimité en tant que législation nationale. Par conséquent, la Convention dans son intégralité, et la définition énoncée à l’article premier en particulier, font déjà partie du droit interne du pays.

8.Les limitations concernant la définition globale de la torture dans l’ordonnancement juridique éthiopien et les mesures prévues pour rectifier ces limitations sont examinées au paragraphe 84 ci-après.

Article 2Prévention de tous les actes de torture

Cadre juridique

9.L’article 18 de la Constitution éthiopienne dispose expressément que tout individu a le droit d’être protégé contre les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le droit consacré par cet article n’admet aucune exception, ce qui garantit l’indérogeabilité du droit à la protection contre les traitements cruels, inhumains ou dégradants en toute circonstance.

10.Conformément au paragraphe 2 de l’article 13 de la Constitution, les droits et libertés consacrés dans le chapitre relatif aux droits fondamentaux, qui comprend le droit à la protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, doivent être interprétés d’une manière conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme, aux Pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme et aux instruments internationaux adoptés par l’Éthiopie.

11.Outre les dispositions constitutionnelles, le Code pénal éthiopien précise, au paragraphe 1 de l’article 74, que l’ordre d’un supérieur ne peut être invoqué comme moyen de défense dans les cas où le subordonné est conscient de la nature criminelle de l’ordre du supérieur, notamment dans les cas de crimes odieux, y compris les actes de torture. De plus, les articles 243 3), 424, 270 a), 271 1) a), 272 a) et d’autres dispositions du Code pénal éthiopien ont érigé les actes de torture en infraction pénale.

12.L’Éthiopie a promulgué la loi no 699/2010 sur la protection des témoins et des dénonciateurs d’infractions pénales. La loi a prévu des mesures à prendre par l’État pour protéger les témoins et les dénonciateurs contre les intimidations et les attaques directes ou indirectes dont ils pourraient faire l’objet en raison de leur témoignage. À cet effet, le Bureau du Procureur général a créé une direction chargée de faciliter les mesures de protection de manière organisée.

13.Le Bureau du Procureur général, la Commission fédérale de la police et la Commission fédérale des prisons ont été respectivement créés par les lois no 943/2016, no 720/2011 (telle que modifiée par la loi no 944/2016) et no 1174/2019. En outre, le règlement no 138/1999 sur le traitement des prisonniers fédéraux a été promulgué pour préciser les mesures à prendre afin de garantir les droits et la sécurité des prisonniers, notamment la protection contre les peines ou traitements cruels et inhumains.

14.Au cours de la période considérée, l’une des principales évolutions législatives a été la promulgation de la nouvelle loi sur les prisons. Cette loi a considérablement renforcé le respect par l’Éthiopie des principes et des normes des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme s’agissant des conditions de détention et des droits des prisonniers. Parmi les évolutions notables par rapport aux dispositions précédentes, on peut citer l’interdiction expresse de la torture et des peines ou traitements cruels et inhumains, l’interdiction de la mise à l’isolement pendant plus de quinze jours consécutifs et l’introduction d’un mécanisme de plainte permettant d’exercer des recours devant les tribunaux à propos des traitements et des mesures disciplinaires.

15.De plus, un projet de règlement a été élaboré sur la base de la loi sur la police fédérale, qui prévoit expressément que les agents de police sont soumis à des mesures disciplinaires s’il existe un motif valable de croire qu’ils ont commis des actes de torture. Une loi distincte a également été élaborée sur le recours à la force. Les consultations sont en cours avant sa soumission à la Chambre des représentants des peuples.

16.Des mesures importantes ont été prises dans le but de rendre le système de justice militaire davantage conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme. À cet égard, la loi no 1100/2019 récemment adoptée donne aux tribunaux militaires le pouvoir de juger tout membre des forces militaires accusé d’avoir commis l’un des actes criminels spécifiés dans le Code pénal éthiopien (voir art. 270 a), 271 1) a) et 272 a)). En outre, des règlements ont été adoptés pour interdire aux membres de la force de défense nationale de porter atteinte aux droits et à la dignité humaine des citoyens et mettre en place des protections contre les lésions corporelles et les traitements inhumains infligés par des militaires en service.

Mesures administratives et politique générale

17.L’Éthiopie a adopté une politique de justice pénale en 2011. Selon cette politique, dans toute procédure pénale, les preuves doivent être recueillies selon les modalités prévues par la loi. Ainsi, toute preuve recueillie arbitrairement, sans respecter les normes de procédure spécifiées par la loi, y compris toute preuve obtenue par la contrainte, n’est pas recevable. Ceci est conforme au principe constitutionnel et aux règles détaillées du Code de procédure pénale.

18.À titre de mesure administrative, l’Éthiopie a adopté son premier Plan d’action national pour les droits de l’homme, qui a duré de 2011 à 2015, et met actuellement en œuvre son deuxième Plan d’action national pour les droits de l’homme, qui restera en vigueur jusqu’à la mi-2020. Afin de suivre la mise en œuvre du plan d’action, un Conseil national de coordination, composé de neuf hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral et dirigé par le Procureur général, a été créé.

19.Dans le cadre des réformes politiques qui ont débuté en avril 2018, le centre de détention de Ma’ekelawi, où des personnes soupçonnées d’infractions graves étaient torturées et détenues dans des conditions inhumaines, a été fermé. L’enquête menée par la suite et dirigée par le Bureau du Procureur général a révélé l’existence de plusieurs centres de détention secrets, où des suspects étaient soumis à la torture et à d’autres formes de violence par d’anciens membres du Service national de renseignements et de sécurité, et conduit à la fermeture de ces centres. D’autres lieux de torture et de traitements cruels ont également été fermés, comme la prison centrale de Jigjiga, située dans la capitale de l’État de Sumale.

20.Le Conseil de réforme du secteur de la justice, composé du Président de la Cour suprême fédérale, du Procureur général, du Chef de la Commission fédérale de la police et du Chef de la Commission fédérale des prisons, supervise la mise en œuvre des initiatives de réforme qui visent, entre autres, à améliorer les conditions de détention des personnes arrêtées et des prisonniers condamnés.

21.Conformément aux règlements et directives pertinents, la Commission fédérale de la police et la Force de défense nationale ont créé des comités de discipline pour recevoir les plaintes émanant de personnes détenues ou déposées en leur nom. Dans les cas où des membres de la police fédérale ou de la force de défense nationale portent atteinte aux droits et à la dignité humaine des individus, en particulier au droit d’être protégé contre les lésions corporelles et les traitements infligés par des militaires en service, un mécanisme est en place pour veiller à ce que les auteurs aient à répondre de leurs actes.

22.La police fédérale et régionale ainsi que les commissions des prisons ont intégré le droit à la dignité humaine et l’interdiction de la torture et des traitements inhumains dans les programmes de leurs établissements de formation respectifs. Des formations préalables et en cours d’emploi sont régulièrement dispensées à leurs membres afin de veiller à ce qu’ils ne commettent pas de violations et soient en mesure de prévenir les violations par des tiers.

23.Depuis 2010, une démarche de reconfiguration de processus a été mise en œuvre dans le secteur de la justice afin de renforcer la coopération entre les institutions dans ce secteur. En conséquence, des procureurs sont affectés à chaque poste de police et centre d’enquête et supervisent l’ensemble du processus d’enquête. Ces procureurs rendent visite aux personnes détenues et prennent des mesures juridiques en cas de violation des droits de l’homme. Pour renforcer encore ce dispositif, le Bureau du Procureur général a désormais légalement compétence pour diriger, superviser, suivre et coordonner la fonction d’enquête criminelle de la police fédérale, conformément à la définition des pouvoirs et des devoirs des organes exécutifs énoncée dans la loi éthiopienne no 1097/2018. Les bureaux équivalents des États régionaux sont également chargés de tâches et de responsabilités similaires.

24.En 2018, le Bureau du Procureur général a créé un organe indépendant, le Conseil consultatif pour la justice et les affaires juridiques, qui a pour mandat de recommander des mesures de réforme juridique et administrative dans le secteur de la justice. Les membres du Conseil sont notamment des experts juridiques, des juristes et des praticiens privés reconnus. Avec l’aide et l’engagement sérieux du Conseil, les lois présumées avoir porté atteinte à la jouissance des droits, comme la loi antiterroriste, la loi sur les associations caritatives et les sociétés, la loi sur les médias et la loi électorale, sont en cours de révision. Parmi celles-ci, la loi sur les associations caritatives et les sociétés et la loi antiterroriste ont déjà été abrogées et respectivement remplacées par la loi sur l’organisation des sociétés civiles no 1113/2019 et la loi sur la prévention et la répression des crimes terroristes no 1176/2020. De même, la nouvelle loi sur les élections, l’enregistrement des partis politiques et le code de conduite lors des élections a récemment été adoptée en tant que loi no 1162/2019.

25.À la suite de la décision politique de relâcher les contrôles excessifs dans la période post-réforme, la presse écrite et les médias électroniques ont joué un rôle essentiel dans le suivi et le signalement des violations des droits de l’homme, en particulier dans les centres de détention et les prisons, ce qui a aidé l’État à prendre des mesures visant à garantir que les auteurs aient à répondre de leurs actes et à prévenir de nouvelles violations des droits de l’homme.

26.En avril 2016, le Bureau du Procureur général a élaboré un manuel relatif aux poursuites. Ce manuel fournit des orientations sur les bonnes procédures à adopter pour enquêter sur tous les crimes et engager des poursuites. L’accent y est mis sur la protection des suspects et des détenus, notamment sur leur droit d’être protégés contre la torture. Sur la base de ce manuel, les procureurs suivent régulièrement des formations avant et après leur prise de fonctions. De même, la Commission fédérale de la police achève actuellement la préparation d’un manuel relatif aux enquêtes.

27.Les commissions des prisons disposent de mécanismes intégrés pour recevoir et examiner les demandes de transfert des prisonniers vers des établissements pénitentiaires proches du domicile de leur famille.

28.En 2010, afin de réduire la durée de la détention provisoire, l’Éthiopie a adopté et mis en œuvre le modèle de justice pénale basé sur le traitement en temps réel (Real Time Dispatch, RTD). En conséquence, les suspects accusés d’infractions flagrantes et sans complications comparaissent et sont jugés devant un tribunal de manière accélérée et dans le respect des garanties d’un procès équitable.

29.Les tribunaux éthiopiens ont créé des sections spécialisées dans les affaires concernant des enfants en conflit avec la loi. Les articles 52 à 56 et 157 à 168 du Code pénal éthiopien prévoient des procédures et des mesures spéciales à appliquer dans les affaires concernant ces enfants, notamment pour qu’ils soient séparés des adultes.

30.De même, les tribunaux ont créé des sections spécialisées pour connaître des affaires de traite des personnes et de trafic de migrants. Les juges affectés aux sections spécialisées ont également suivi des formations spéciales sur le jugement de ces affaires.

Article 3Expulsion, renvoi et extradition

31.La politique éthiopienne de justice pénale a établi le cadre de la coopération internationale en matière pénale, y compris l’extradition. Ce cadre devrait être fondé sur les principes du droit international et sur les conventions auxquels l’Éthiopie est partie. Par conséquent, la politique de justice pénale exige le respect du principe énoncé à l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants concernant l’extradition des personnes.

32.L’Éthiopie a conclu des accords bilatéraux d’extradition avec l’Ouganda, la République de Djibouti, la République populaire de Chine, le Rwanda et le Soudan. Le pays est également devenu partie, en 2011, à la Convention relative à l’extradition de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Les questions relatives à l’extradition des auteurs ou des suspects d’une infraction pénale sont traitées conformément à ces accords et aux normes fixées par le droit éthiopien et les traités internationaux, y compris la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

33.Le principe du non-refoulement a été consacré dans l’article 11 de la loi sur les réfugiés no 1110/2019, ce qui signifie que l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est dûment pris en compte. L’article 11 énonce que nul ne peut se voir refuser l’entrée en Éthiopie, ni être expulsé ou renvoyé d’Éthiopie vers un autre pays, ni faire l’objet d’une mesure similaire si, à la suite de ce refus, de cette expulsion ou de ce renvoi ou de toute autre mesure, il est contraint de retourner ou de rester dans un pays où il risque d’être soumis à la torture. L’Éthiopie, qui est actuellement le deuxième plus grand pays d’accueil d’Afrique, compte plus de 950 000 réfugiés et respecte le principe de non-refoulement.

34.Le processus de prise de décisions concernant le statut de réfugié et la demande d’asile assure au demandeur les garanties d’une procédure régulière, y compris l’octroi d’un statut d’observateur à un représentant du Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.

35.L’une des évolutions importantes introduites par la loi sur les réfugiés no 1110/2019 concernant la détermination du statut de réfugié est une procédure de recours par laquelle, en plus du système de recours administratif déjà existant, un demandeur qui se voit refuser le statut de réfugié peut contester la légalité des décisions administratives devant la Cour suprême fédérale.

36.En ce qui concerne l’expulsion d’un délinquant de nationalité étrangère, l’article 150 du Code pénal éthiopien énonce que la décision est réservée au pouvoir judiciaire. En outre, la même disposition prévoit que cette décision ne doit pas être en contradiction avec les conventions internationales auxquelles l’Éthiopie est partie.

Article 4Actes de torture, tentatives de commettre des actes de torture, participation à des actes de torture et peines prévues par la loi

37.En dépit des limitations concernant une législation globale sur la torture, l’Éthiopie a promulgué, au cours de la période considérée, un certain nombre de lois qui érigent en infraction les actes assimilables à la torture et à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il s’agit notamment de la loi sur la prévention et l’élimination de la traite des personnes et du trafic de migrants, de la loi sur la prévention et l’élimination du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme, ainsi que de la loi sur la criminalité informatique.

38.À titre d’exemple, la loi no 909/2015 sur la prévention et l’élimination de la traite des personnes et du trafic de migrants prévoit que quiconque, y compris des fonctionnaires et agents de la fonction publique, utilise la menace, la force ou d’autres moyens de coercition à des fins d’exploitation ou à toute autre fin, pour se livrer à la traite des personnes et au trafic de migrants, sera puni d’une peine de réclusion criminelle et d’une amende ou, dans des cas extrêmes, comme lorsque la victime a perdu la vie à la suite de l’infraction, de la peine de mort.

39.La loi no 780/2013 sur la prévention et l’élimination du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme a également prévu que toute personne qui se livre à des actes de menace, d’incitation ou de violence dans le but d’empêcher le témoignage d’une personne qui est, ou qui peut être, un témoin ou le témoignage d’une personne qui entretient une relation étroite avec le témoin d’un acte de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, est passible d’une peine de réclusion criminelle de cinq à dix ans et d’une amende de 10 000 à 50 000 birr.

40.De même, la loi sur la criminalité informatique no 958/2016 prévoit une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de réclusion criminelle pour les auteurs qui intimident une autre personne ou sa famille, ou qui la menacent d’un danger ou d’une blessure grave en diffusant tout document écrit, vidéo, audio ou toute autre image par le biais de systèmes informatiques. La loi énonce en outre que toute personne qui se livre à des menaces ou provoque chez une autre personne une peur ou une tension psychologique, en envoyant ou en transmettant de manière répétée des informations sur la victime ou sa famille au moyen d’un système informatique ou en surveillant les communications informatiques de la victime, sera punie d’une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de réclusion criminelle.

Article 10Enseignement et information

41.Pour favoriser l’application pleine et effective de la Convention, l’Éthiopie a organisé de nombreuses formations sur la protection et la promotion des droits de l’homme, notamment le droit d’être protégé contre les actes de torture et les mauvais traitements, à l’intention de différents personnels des institutions chargées de l’application de la loi et du public en général. À ce jour, la formation a été dispensée au personnel de la police, de l’armée, du ministère public, des tribunaux, de l’administration pénitentiaire et des services médicaux ainsi qu’aux avocats commis d’office. Les étudiants et le grand public ont également bénéficié de formations sur les droits de l’homme.

42.Les formations portent sur divers thèmes, notamment les garanties constitutionnelles, la protection des droits de l’homme pendant les enquêtes criminelles, l’appréciation des preuves dans l’administration de la justice, les techniques d’interrogation et d’enquête, l’élaboration des accusations pénales, les techniques à employer par les avocats commis d’office et les compétences en matière d’identification et de signalement des actes de torture.

43.Pour la seule période 2017-2018, la Commission éthiopienne des droits de l’homme a organisé des formations et des ateliers sur ce sujet à l’intention de 32 088 personnes, dont des membres des forces de police, de l’administration pénitentiaire et des Forces de défense nationale, des anciens, des élèves, des femmes, des personnes handicapées et d’autres personnes. Au cours de la même période, le Bureau du Procureur général a également organisé des formations à l’intention de plus de 5 300 fonctionnaires, experts et personnes issues du grand public, qui portaient sur les droits de l’homme et le Plan d’action national pour les droits de l’homme (ce chiffre ne tient pas compte des personnes sensibilisées grâce aux médias). En 2017-2018, la Commission fédérale de la police a formé 6 500 nouvelles recrues et agents de police à la lutte contre le terrorisme et aux droits de l’homme.

44.En outre, les cours sur le droit constitutionnel, les droits de l’homme et le droit humanitaire font partie intégrante des programmes de toutes les universités dotées de facultés de droit. De plus, le droit international des droits de l’homme est un courant de spécialisation dans les universités offrant des programmes de troisième cycle.

45.Par ailleurs, le Ministère de la santé a dispensé des formations aux praticiens du secteur de la santé travaillant dans différentes institutions publiques afin de les doter des compétences nécessaires pour identifier et signaler les signes de torture et de mauvais traitements.

46.À la suite de la levée des restrictions légales qui empêchaient les organisations de la société civile de militer en faveur des droits de la personne, plusieurs formations ont également été dispensées par de telles organisations, en particulier dans la dernière phase de la période considérée. La loi no 1113/2019 sur les organisations de la société civile a ainsi supprimé les restrictions financières et autres qui avaient été mises en place en vertu de la loi précédente (loi no 621/2009). Par conséquent, si les organisations de la société civile nationales qui militent en faveur des droits de la personne peuvent désormais collecter des fonds importants auprès de sources étrangères, les organisations de la société civile étrangères enregistrées localement peuvent directement participer elles-mêmes à de telles activités.

Article 11Règles régissant l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement

47.Les renseignements relatifs aux règles d’arrestation, de détention ou d’emprisonnement et aux normes de traitement des prisonniers qui figurent aux paragraphes 52 à56 du rapport initial de l’Éthiopie sur la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT/C/ETH/1) sont toujours valables.

48.L’article 19 de la Constitution éthiopienne énonce que tout individu a le droit d’être informé du motif de son arrestation. Certaines autres garanties fondamentales spécifiées dans ladite norme constitutionnelle sont examinées dans les paragraphes du présent rapport qui traitent de l’article 13 de la Convention. En outre, la politique éthiopienne de justice pénale s’attache en priorité à limiter fortement le recours des enquêteurs à des actions ou des mesures de nature à enfreindre les droits de la personne.

49.Le Code de procédure pénale éthiopien a expressément prévu des garanties procédurales pour les droits des suspects et des personnes accusées. En conséquence, conformément à l’article 27 du Code, l’agent qui procède à l’arrestation ou à l’enquête est tenu d’indiquer expressément à la personne détenue qu’elle a le droit de garder le silence et que toute déclaration effectuée de son plein gré peut être utilisée comme preuve contre elle devant un tribunal. De même, l’article 31 de ce Code interdit aux agents de police d’employer l’incitation, la menace ou une quelconque autre méthode inappropriée lors de l’audition des témoins. En fait, la révision du Code de procédure proprement dit est maintenant achevée et le document a été soumis au Conseil des ministres éthiopien en vue de la poursuite des délibérations. Une fois adopté par la Chambre des représentants des peuples, le Code fournira des protections supplémentaires à ces égards.

50.Conformément à l’article 19 de la Constitution éthiopienne, les personnes arrêtées ont le droit d’être libérées sous caution. Ce droit peut être exercé dès le début de la détention et pendant toute la durée du procès. Lorsqu’un agent de police chargé de l’enquête refuse de libérer des détenus sous caution ou n’est pas mandaté pour le faire, et qu’il ne les traduit pas devant un tribunal dans le délai prescrit ; ou lorsque l’agent chargé de l’application de la loi ou l’agent de police qui a procédé à l’arrestation ne communique pas les motifs qui la justifient, les détenus bénéficient du droit d’habeas corpus.

51.Sur la base du Plan d’action national pour les droits de l’homme (2015/2016-2019/2020), la Commission fédérale de l’administration pénitentiaire a adopté, sous réserve d’une révision annuelle, son propre plan d’action sur la protection des droits des prisonniers. Ce plan a intégré le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

52.La Commission éthiopienne des droits de l’homme effectue à intervalles réguliers des visites dans les centres de détention de la police et les prisons du pays afin de s’assurer qu’ils respectent les normes internationales en matière de droits de l’homme. Ces visites donnent lieu chaque année à des rapports dont les conclusions sont communiquées aux autorités concernées et des mesures sont régulièrement prises pour améliorer les conditions de détention compte tenu des ressources disponibles. Des membres de la Chambre des représentants des peuples, des conseils régionaux, des bureaux fédéraux et régionaux du Procureur général et des bureaux de la justice se rendent périodiquement dans les centres de détention de la police et les prisons pour s’assurer que les responsables de ces établissements font en sorte de constamment améliorer les conditions de détention.

53.En outre, des observateurs indépendants ont accès aux lieux de détention. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et des organisations de la société civile qui traitent des questions liées aux droits de l’homme effectuent des visites. Le CICR a signé avec l’État un mémorandum d’accord qui lui donne librement accès à tous les établissements pénitentiaires. En 2017, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme s’est rendu à la maison d’arrêt de Kilinto, située à Addis-Abeba. Ces observateurs indépendants et organisations de la société civile communiquent leurs conclusions aux administrations pénitentiaires pour toute préoccupation appelant leur réaction immédiate et des mesures appropriées sont prises en conséquence. De plus, dans la mesure où ces conclusions sont jugées crédibles et utiles, elles sont incorporées dans le Plan d’action national pour les droits de l’homme afin d’améliorer les conditions de détention.

54.Par ailleurs, l’État a créé un système d’inspection des conditions d’existence dans les établissements pénitentiaires, comme nous l’avons vu au paragraphe 19 ci-dessus.

55.Les autorités ont mis en place plusieurs mécanismes et pris plusieurs mesures de sauvegarde pour prévenir la détention au secret. Celle-ci n’est jamais reconnue comme une pratique légitime par la loi. Par conséquent, les actes constitutifs d’une détention au secret sont illégaux en soi. En outre, la Constitution reconnaît différents droits aux personnes arrêtées, accusées et condamnées, dont l’habeas corpus, le droit de recevoir la visite du conjoint, de parents, d’amis, de conseillers juridiques et religieux et de médecins. De plus, comme indiqué au paragraphe 18, l’État a fermé sept centres de détention secrets qui étaient gérés par le Service national de renseignement et de sécurité et dans lesquels des individus étaient détenus au secret, en violation des obligations juridiques nationales et internationales du pays. D’autres enquêtes criminelles se poursuivent afin de traduire en justice les auteurs de graves violations des droits de l’homme.

56.Conformément à la loi no 210/2000, la Commission éthiopienne des droits de l’homme est chargée d’enquêter, en réponse à une plainte ou de sa propre initiative, sur les violations des droits de l’homme et de faire des recommandations aux organes publics concernés. Par conséquent, la Commission visite régulièrement les prisons et soumet ses conclusions et recommandations à l’État. Celui-ci accorde l’attention nécessaire à la mise en œuvre des recommandations de la Commission.

Article 12Enquêtes

57.La politique éthiopienne de justice pénale définit les principes de l’enquête criminelle. La section 3.4 énonce qu’une enquête criminelle peut être menée sur des projets de commission d’infractions, sur des préparatifs en vue de commettre des infractions, sur une tentative de commission d’infractions ou sur des infractions présumées pleinement commises. En plus des règles du Code de procédure pénale, cette politique a introduit un système d’enquête organisé impliquant la police et le ministère public. Le parquet fédéral et les parquets régionaux sont tenus de diriger et de suivre l’enquête afin de vérifier sa légalité.

58.La loi no 943/2016 relative au Procureur général de la République énonce au point a) du paragraphe 3 de l’article 6 que le Bureau du Procureur général est habilité à ouvrir, suivre, interrompre ou reprendre des enquêtes criminelles et à veiller à ce qu’elles soient menées dans le respect de la loi. Conformément au devoir de supervision des enquêtes qui lui incombe, le Procureur général de la République a également la responsabilité, conformément au point c du paragraphe 8 de l’article 6, d’assurer la protection des droits de l’homme des personnes arrêtées en prenant les mesures appropriées pour éviter, ou corriger immédiatement, tout acte illégal. En outre, il prend ou fait prendre des mesures fondées sur la loi à l’égard des personnes reconnues coupables de l’avoir transgressée. Les bureaux régionaux du Procureur général et les bureaux de la justice sont également investis des mêmes pouvoirs.

59.Les institutions de la police ont le pouvoir et le devoir d’enquêter sur les infractions. En vertu des articles 22 et suivants du Code de procédure pénale éthiopien, les services de police sont tenus d’enquêter dès lors qu’ils savent ou soupçonnent qu’une infraction est commise. Ils doivent enquêter même s’ils estiment que l’accusation ou l’information qu’ils détiennent est sujette à caution. La loi éthiopienne exige l’ouverture obligatoire d’enquêtes criminelles et disciplinaires concernant toutes les allégations de torture.

60.Le règlement administratif no 268/2012 sur les agents de la police fédérale qualifie d’infraction disciplinaire grave tout acte de torture ou toute blessure infligée par un membre des forces de police. Les membres qui font l’objet d’enquêtes disciplinaires et criminelles pour violation du droit pénal et pour infraction disciplinaire grave peuvent être suspendus pour une durée maximale de deux mois pendant l’enquête, lorsqu’il y a des raisons de penser qu’ils peuvent faire obstruction à l’enquête ou que l’infraction peut entraîner un licenciement.

61.De même, le règlement administratif no 443/2018 sur le ministère public fédéral exige que les procureurs respectent et fassent respecter la dignité humaine dans l’exercice de leurs fonctions. Tout manquement à cette responsabilité entraîne des mesures disciplinaires en plus de la responsabilité pénale. Pendant la durée de l’enquête, les procureurs peuvent être suspendus pour une durée maximale de quarante-cinq jours.

62.Il existe également un cas où un tribunal de justice peut suivre une enquête. La lecture conjointe du paragraphe 2 de l’article 22 et de l’article 172 du Code de procédure pénale montre que les enquêtes sur des mineurs ne peuvent être menées que sur ordre exprès d’un tribunal. Le tribunal donne des instructions à l’agent de police quant à la manière dont l’enquête doit être menée. Dans les cas où l’infraction dont un mineur est accusé entraîne une peine de réclusion criminelle de plus de dix ans ou la peine de mort, le tribunal demande au ministère public de rédiger un acte d’accusation.

63.En ce qui concerne les garanties fondamentales pour les personnes visées par une enquête, la Constitution et d’autres lois éthiopiennes ont prévu plusieurs principes essentiels. Il s’agit notamment du droit de ne pas être arbitrairement arrêtées, d’être informées de toute accusation portée contre elles dans une langue qu’elles comprennent, de ne pas être contraintes de répondre à des questions, d’être informées de leur droit de garder le silence, d’être informées que toute déclaration qu’elles pourraient faire peut être utilisée comme preuve devant le tribunal, d’être présentées au tribunal dans les quarante-huit heures, d’être libérées par les tribunaux de toute arrestation arbitraire ou d’être libérées sous caution, et de ne pas être fouillées sans mandat.

64.Après le lancement des réformes politiques en 2018, l’une des principales priorités a été de veiller à ce que les auteurs de violations graves des droits de l’homme aient à répondre de leurs actes. Des enquêtes criminelles ont été menées sur de hauts fonctionnaires fédéraux et régionaux concernant des actes de torture et la plupart des auteurs sont actuellement jugés. À titre d’exemple, les affaires de torture et autres graves violations des droits de l’homme actuellement jugées devant les tribunaux fédéraux sont notamment les suivantes : M.  Getachew Assefa (ancien Directeur du Service national de renseignement et de sécurité) et consorts (26 personnes), M. Abdi Illey (ancien Président de l’État régional du Sumale), le général Abdurrahman Abdullahi Duralleh (haut commandant de la police Liyu (spéciale) de l’État régional du Sumale) et consorts (autres dirigeants de la police Liyu (spéciale) du Sumale, 47 personnes), le commandant Alemayehu Hailu (ancien Directeur de la division d’enquête sur les crimes terroristes de la police fédérale) et consorts (10 personnes), l ’ officier Gebremariam Welday (ancien responsable de la surveillance de la prison de Kilinto) et consorts (8 personnes).

Article 13Droit de plainte

65.Étant donné que la Constitution interdit expressément les actes de torture et les mauvais traitements et que le Code pénal et d’autres lois érigent ces actes en infraction pénale, le mécanisme ordinaire de plainte prévu par le Code de procédure pénale s’applique en tant que tel.

66.Dans ses articles 11 à 18, le Code de procédure pénale dispose que toute personne a le droit de signaler toute infraction, qu’elle ait ou non été témoin de la commission de l’acte, en vue de l’ouverture d’une procédure pénale. En outre, des mécanismes de plaintes/accusations anonymes sont autorisés en vue de signaler de graves violations de la loi.

67.Conformément à l’article 19 de la Constitution éthiopienne et au paragraphe 1 de l’article 29 du Code de procédure pénale, une personne arrêtée a le droit d’être traduite devant un tribunal dans les quarante-huit heures suivant son arrestation. Une personne arrêtée peut porter plainte auprès d’un juge pour mauvais traitements en garde à vue. La Cour peut ordonner l’ouverture d’une enquête pénale et l’administration de soins médicaux au détenu, la remise en liberté de la victime ou toute autre réparation jugée appropriée compte tenu des circonstances de l’espèce. Les personnes arrêtées reçoivent aussi régulièrement la visite de procureurs qui sont légalement tenus de veiller au bien-être physique et mental des détenus et de prendre les mesures juridiques appropriées en cas de violations des droits ou de réception de plaintes.

68.Parallèlement aux mécanismes de plainte susmentionnés, la Commission éthiopienne des droits de l’homme fait office d’organe de plainte pour les victimes de torture ou de mauvais traitements. La Commission est habilitée à enquêter sur les plaintes et à proposer des recommandations et des mesures de réparation. Le fait de ne pas appliquer les recommandations de la Commission sans motif valable est puni d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende.

69.Les institutions fédérales et régionales chargées de l’application de la loi, comme la police, les bureaux du Procureur général, la Commission des prisons et les administrations pénitentiaires, ont mis en place des mécanismes de plainte au moyen de leurs directives et règlements respectifs. Par exemple, conformément à l’article 28 du règlement no 138/2007 du Conseil des ministres sur le traitement des prisonniers fédéraux, les prisonniers ont le droit de déposer toute plainte, y compris des plaintes pour torture ou mauvais traitements, oralement ou par écrit, auprès des agents concernés de la Commission des prisons ou de l’administration pénitentiaire. La nouvelle loi fédérale sur les prisons autorise le dépôt de plaintes auprès des tribunaux, en plus de l’administration pénitentiaire.

70.La loi no 699/2010 sur la protection des témoins et des dénonciateurs d’infractions pénales accorde une protection égale aux personnes qui portent plainte pour des actes de torture, qu’il s’agisse de témoins ou de dénonciateurs. De même, la loi no 210/2000 étend la protection des personnes qui portent plainte pour des violations des droits, y compris des actes de torture ou de mauvais traitements, auprès de la Commission éthiopienne des droits de l’homme. Quiconque cause un préjudice aux personnes qui témoignent (ou portent plainte) devant la Commission est passible d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende.

71.Étant donné que les articles 561 à 570 du Code pénal érigent en infraction les pratiques traditionnelles préjudiciables, l’appareil répressif de l’État est tenu de recevoir et d’examiner toutes les plaintes et allégations relatives à ces infractions. Les structures de la police et des milices présentes au niveau local dans tout le pays sont priées de se référer à des centres polyvalents (présentés plus en détail au paragraphe 138) afin de rendre l’environnement propice aux plaintes pour infractions liées aux pratiques traditionnelles préjudiciables.

72.En parallèle du rôle que joue la structure chargée de l’application de la loi, les institutions nationales des droits de l’homme comme la Commission éthiopienne des droits de l’homme et le Médiateur sont chargées de recevoir, de transmettre et d’examiner les plaintes relatives aux pratiques traditionnelles préjudiciables. Certaines organisations de la société civile reçoivent également des plaintes et les transmettent aux institutions concernées.

73.Malgré la présence de mécanismes de plainte internes au sein des différents services chargés de l’application de la loi, l’État sait que l’indépendance et l’impartialité de ces mécanismes laissent encore beaucoup à désirer. C’est dans cette optique qu’il s’attache actuellement à concevoir un nouveau système de responsabilité pour l’institution policière ainsi qu’une nouvelle législation pour réglementer l’emploi de la force. Le projet de loi vise à établir un mécanisme de plainte solide, indépendant des services réguliers de prévention de la criminalité et d’enquête au sein de l’institution policière, afin de renforcer la responsabilité en matière de violations des droits de l’homme.

Article 14Voies de recours ouvertes aux victimes

74.En plus des renseignements fournis dans le rapport précédent, la loi no 909/2015 prévoit la création d’un fonds pour prévenir et contrôler les infractions de traite des personnes et de trafic de migrants et pour réadapter les victimes de ces infractions. Le fonds est financé par l’État, par le produit de la vente des biens confisqués ou des amendes infligées conformément à la loi, par des contributions volontaires de particuliers, par le secteur privé, par des organisations de la société civile et par des dons de différentes organisations internationales et de donateurs. Les crédits servent à fournir une assistance et un appui matériel aux victimes, à organiser des formations, à couvrir les frais de réparation, de réadaptation et de réintégration pour les victimes et à construire des lieux d’accueil temporaire. Ces crédits peuvent également être utilisés pour les victimes de torture lorsque les actes qu’elles sont subi sont liés à des infractions de traite des personnes.

75.À la suite de l’arrestation et de la poursuite de hauts responsables des services chargés de la sécurité et de l’application de la loi, puis de l’abandon des poursuites contre un certain nombre d’accusés, les autorités fédérales et régionales ont pris une série de mesures pour offrir une indemnisation et une réadaptation aux victimes de torture. Ces mesures ont essentiellement consisté à fournir gratuitement un logement ou un terrain public, à favoriser la création d’emplois et, dans certains cas, à verser une aide financière. L’État reconnaît toutefois qu’il est nécessaire de systématiser les mesures de réparation et de réadaptation.

Article 15Déclarations obtenues par la torture

76.En plus des renseignements fournis dans le rapport initial de l’État, la politique de justice pénale de 2011 interdit l’admission devant un tribunal de preuves obtenues illégalement, y compris les aveux obtenus par la contrainte. C’est l’une des principales raisons qui a conduit, en 2018, à la libération de milliers de personnes arrêtées et détenues ou à l’abandon des poursuites contre elles.

Article 16Actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

77.La législation éthiopienne interdit les actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L’interdiction de la torture énoncée dans la Constitution et dans d’autres lois, les mesures de prévention et les voies de recours prévues pour les cas de torture s’appliquent également en ce qui concerne ces actes.

78.En outre, plusieurs textes législatifs ont fait des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants une infraction passible de sanction. En premier lieu, dans le Code pénal, le paragraphe 3 de l’article 243 (Mise en danger de migrants ou soumission de ces personnes à des traitements inhumains ou dégradants dans le cadre d’un trafic), l’article 590 (Infractions aggravées de coercition, de contrainte illégale et d’enlèvement) et les articles 620 à 628 et 634 à 638 (Violence sexuelle, y compris le viol) visent, d’une manière ou d’une autre, à ériger en infraction pénale les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. De plus, la loi no 909/2015 érige en infraction pénale la traite des personnes, qui constitue l’une des formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

79.La politique de justice pénale de 2011 prend en compte les besoins et la situation particulière des femmes, qu’il s’agisse d’accusées ou de victimes. Cette politique prévoit en outre l’instauration d’un système distinct de prévention, d’enquête et de poursuites en cas d’infractions commises contre des femmes, des enfants ou des personnes handicapées.

80.En parallèle, l’État a également adopté, en 2013, la Stratégie nationale sur les pratiques traditionnelles préjudiciables, assortie d’un plan d’action sur les mutilations génitales féminines (MGF) et les mariages et enlèvements d’enfants. En 2012, la Cour suprême fédérale a émis la directive révisée no 2/2012 relative à la fixation de la peine afin de faciliter la détermination des sanctions pénales. En conséquence, la directive a alourdi la peine minimale appliquée pour les infractions de violence sexuelle visées aux articles 620 à 628 du Code pénal.

81.L’État a créé des plateformes pour faciliter le dialogue de proximité concernant les pratiques traditionnelles préjudiciables profondément enracinées et les différentes formes de violence fondée sur le genre. Ces plateformes ont permis de sensibiliser 385 organisations religieuses et 830 352 chefs religieux et animateurs de collectivité à la nécessité de mettre fin aux mutilations génitales féminines et aux autres formes de pratiques traditionnelles préjudiciables. Le thème de ces pratiques et de la violence fondée sur le genre a été intégré au programme d’enseignement des facultés de théologie. De plus, des messages sur support papier et support électronique concernant les mutilations génitales féminines et les pratiques traditionnelles préjudiciables ont été diffusés auprès d’environ neuf millions de personnes. Ces actions ont contribué à réduire le taux de mutilations génitales féminines de 56 % à 23 % et le taux de mariage d’enfants de 21 % à 8 %, ainsi qu’à faire reculer le taux d’enlèvements de 12,7 %.

82.De vastes mesures ont été prises en Éthiopie pour améliorer les conditions d’existence dans les centres de détention et les prisons. Parmi elles figure l’amélioration des services de base dans les centres de détention de la police et les prisons. En conséquence, le budget journalier de l’administration pénitentiaire fédérale consacré à l’alimentation et à la boisson d’un seul prisonnier a été doublé. En mai 2019, une décision a été prise en vue d’accroître encore l’allocation budgétaire journalière. Le Bureau du Procureur général travaille également avec des partenaires de développement pour améliorer les conditions de détention dans tous les commissariats de police d’Addis-Abeba, notamment en réduisant la surpopulation, en améliorant l’approvisionnement en eau et en offrant de meilleurs lieux de couchage et d’autres éléments de confort de base.

83.La Commission fédérale des prisons et les administrations pénitentiaires des États régionaux construisent de nouveaux établissements pénitentiaires et modernisent les installations existantes afin de mieux respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme. À titre d’exemple, l’État fédéral construit actuellement quatre nouvelles prisons afin de garantir des conditions de détention respectueuses de la dignité humaine. Ces établissements comprennent notamment des cellules modernes, des blocs administratifs et des écoles d’enseignement supérieur et professionnel. Ils sont également équipés de rampes et de toilettes adaptées aux personnes handicapées.

III.Complément d’information demandé par le Comité

84.Les informations complémentaires demandées au paragraphe 42 des observations finales du Comité (CAT/C/ETH/CO/1) sont traitées dans les paragraphes de la section suivante du présent rapport, relative au respect des conclusions et recommandations du Comité.

IV.Respect des conclusions et recommandations du Comité

85.L’Éthiopie a accepté une recommandation formulée par le Comité dans ses observations finales (CAT/C/ETH/CO/1, par. 9 et 10) et dans le cadre du troisième cycle de l’EPU. Cette recommandation concerne le fait d’ériger la torture en infraction dans sa législation pénale et de la rendre passible de peines appropriées tenant compte de sa gravité. La nouvelle législation sur la torture intégrera une définition comprenant tous les éléments énoncés à l’article premier de la Convention.

86.En réponse aux préoccupations du Comité et à sa recommandation de veiller à ce que les auteurs d’actes de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants aient à répondre de leurs actes, ainsi que de prendre des mesures efficaces de prévention et de réparation (CAT/C/ETH/CO/1, par. 10), l’Éthiopie a mis en place des mesures importantes décrites aux paragraphes 18, 63 et 74 du présent rapport.

87.De plus, lors d’un discours prononcé devant le Parlement et retransmis à la télévision, le Premier Ministre éthiopien a reconnu publiquement que les forces de sécurité pratiquaient la torture afin d’étouffer la dissidence politique et d’extorquer des aveux aux suspects. Il a présenté des excuses et condamné cette pratique. Immédiatement après, il a fait en sorte que les auteurs, notamment des hauts responsables des services chargés de la sécurité et de l’application de la loi, aient à répondre de leurs actes. Cet événement a marqué le début d’une nouvelle ère d’engagement en faveur des droits de l’homme en Éthiopie et scellé l’interdiction inconditionnelle de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants.

88.S’agissant des préoccupations du Comité et de ses recommandations concernant les enquêtes sur les actes de torture et les peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants ainsi que la poursuite de leurs auteurs (CAT/C/ETH/CO/1, par. 11), des mesures ont été prises, comme indiqué aux paragraphes 18, 63 et 74 du présent rapport. Ainsi, s’il existe des cas où des fonctionnaires et des membres des milices régionales sont amenés à répondre d’actes de torture, il n’existe cependant pas de milices privées intervenant dans les États régionaux de l’Éthiopie.

89.Pour ce qui est des préoccupations du Comité relatives aux garanties juridiques offertes aux personnes détenues (CAT/C/ETH/CO/1, par. 12), le paragraphe 3 de l’article 19 de la Constitution garantit aux personnes arrêtées le droit d’être traduites devant un tribunal dans les quarante-huit heures suivant leur arrestation. Ainsi, la loi exige que toute personne arrêtée soit traduite rapidement devant un tribunal et dans un délai ne dépassant pas quarante-huit heures. Toutefois, étant donné que l’Éthiopie comporte des régions particulièrement éloignées et difficiles d’accès, situées à plus de deux jours de voyage de tout tribunal, la loi crée une exception à la limite maximale de quarante-huit heures. En conséquence, la police demeure tenue de présenter rapidement la personne arrêtée, compte tenu du temps raisonnable consacré au déplacement jusqu’au tribunal. L’État s’emploie activement à améliorer l’accessibilité des tribunaux dans tout le pays afin de limiter les retards dans la comparution des personnes arrêtées et de respecter les délais prescrits.

90.En ce qui concerne les préoccupations liées à la possibilité d’ordonner des détentions provisoires répétées d’une durée de quatorze jours, le paragraphe 3 de l’article 59 du Code de procédure pénale énonce que le placement en détention provisoire ne peut être accordé que pour une durée maximale de quatorze jours à chaque fois. Cependant, la police est tenue de justifier clairement chaque demande de détention provisoire, tandis que les juges ont l’obligation légale de veiller à ce que chaque détention provisoire se limite à la durée strictement nécessaire pour mener à bien l’enquête et à ce que les enquêteurs ne perdent pas de temps. Lorsque le tribunal estime qu’aucun motif légal ne justifie la détention, ou que le maintien du suspect en détention n’est plus nécessaire pour les besoins de l’enquête, ou que la police n’a pas utilisé efficacement le délai prévu pour la détention provisoire, il est habilité à accorder au suspect une libération sous caution ou à ordonner sa libération. Des actions sont actuellement menées pour que les enquêteurs respectent strictement ces dispositions et pour que les tribunaux soient plus rigoureux dans leur interprétation de la loi.

91.Afin de réduire la durée de la détention provisoire, la politique de justice pénale prévoit que les enquêtes criminelles doivent être assorties de délais. Si les autorités chargées de l’enquête ne parviennent pas terminer leur travail dans les délais prescrits, en raison de manquements injustifiables, alors que le suspect s’est vu refuser une libération sous caution, l’enquêteur doit faire l’objet de mesures disciplinaires. Ainsi, les documents de reconfiguration de processus adoptés par la police et les autorités chargées des poursuites aux niveaux fédéral et régional fixent des délais pour l’achèvement des enquêtes sur les infractions mineures, moyennes et graves. Les enquêteurs et les procureurs sont tenus de respecter ces règles et sont évalués en conséquence.

92.Le paragraphe 5 de l’article 20 de la Constitution éthiopienne garantit aux personnes accusées le droit d’être représentées par l’avocat de leur choix. En outre, si ces personnes ne disposent pas de ressources suffisantes pour le rémunérer et qu’il en résulterait un déni de justice, elles ont droit à une représentation en justice financée par l’État. Bien que la loi garantisse explicitement ce droit à chacun, la plupart des personnes arrêtées n’ont pas les moyens de bénéficier des services d’un avocat ou d’une représentation en justice dès le moment de leur arrestation. Cette situation, associée aux graves difficultés que connaît le pays en raison du nombre limité de praticiens privés, de prestataires d’aide juridictionnelle et d’avocats commis d’office, fait que la plupart des personnes indigentes arrêtées se retrouvent sans avocat. Pour remédier à ces problèmes, l’État achève actuellement l’élaboration d’une stratégie nationale d’aide juridictionnelle qui renforcera la prestation de services d’aide juridictionnelle gratuits aux personnes dans le besoin, dans les affaires civiles comme pénales. De plus, la nouvelle loi sur la société civile devrait renforcer les capacités des prestataires non gouvernementaux de services d’aide juridictionnelle gratuits et créer un environnement propice aux partenariats avec l’État.

93.Les paragraphes 1 et 2 de l’article 19 de la Constitution énoncent que les personnes arrêtées ont le droit d’être informées sans délai, dans une langue qu’elles comprennent, des motifs de leur arrestation et de toute accusation portée contre elles. Ces personnes ont également le droit de garder le silence et d’être averties rapidement du fait que toute déclaration de leur part peut être utilisée comme preuve contre elles devant un tribunal. Le paragraphe 2 de l’article 27 du Code de procédure pénale prévoit les mêmes garanties. Cependant, dans les faits, les évaluations effectuées à plusieurs reprises par le Bureau du Procureur général et par la Commission éthiopienne des droits de l’homme ont montré que les suspects étaient rarement informés de leurs droits. Pour remédier à cette situation, l’État a récemment adopté un manuel d’enquête qui oblige les enquêteurs à informer les personnes arrêtées de leurs droits. Toutes les formations dispensées aux enquêteurs avant et après leur prise de fonctions insistent également sur ce droit.

94.En réponse aux préoccupations du Comité et à ses recommandations concernant la visite des prisons par des entités indépendantes, et pour traiter les points soulevés dans les conclusions du rapport de la Commission éthiopienne des droits de l’homme (CAT/C/ETH/CO/1, par. 13), l’État a pris diverses mesures importantes. S’agissant des conditions de détention et des établissements pénitentiaires, les mesures prises ont déjà été évoquées aux paragraphes 81 et 82 ci-dessus.

95.En outre, les visites des établissements pénitentiaires par des organisations humanitaires indépendantes telles que le CICR sont traitées au paragraphe 52 du présent rapport. Les restrictions imposées aux activités du CICR dans l’État régional du Sumale sont désormais levées et l’organisation mène ses opérations dans tout le pays. En outre, la nouvelle loi fédérale sur les prisons a prévu un système de permis pour autoriser les organismes locaux et internationaux à visiter les établissements pénitentiaires.

96.Par ailleurs, des réformes sont menées au sein de la Commission éthiopienne des droits de l’homme afin d’accroître sa capacité à assurer un contrôle régulier, sérieux et suivi d’effets dans les lieux de détention. À cette fin, la Commission revoit actuellement la loi à l’origine de sa création afin de renforcer son mandat et de mieux se conformer aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris).

97.Compte tenu des recommandations du Comité concernant la loi antiterroriste (CAT/C/ETH/CO/1, par. 14) et d’autres préoccupations soulevées, l’Éthiopie a abrogé la loi antiterroriste no 652/2009 et l’a remplacée par une nouvelle loi. Les dispositions de l’ancienne loi, selon lesquelles les agents de police étaient autorisés à arrêter, sans mandat émis par un juge, toute personne dont ils avaient des raisons de soupçonner qu’elle avait commis ou était en train de commettre un acte terroriste, ainsi que les autres règles de preuve et de procédure, qui restreignaient indûment les garanties juridiques des personnes contre la torture et les mauvais traitements, notamment les dispositions relatives à la détention, au placement en détention provisoire et à la recevabilité des preuves, sont entièrement supprimées. Désormais, le droit applicable pour enquêter sur les crimes terroristes et en poursuivre les auteurs est le Code de procédure pénale ordinaire.

98.S’agissant de l’arrestation ou de la détention arbitraire (CAT/C/ETH/CO/1, par. 15), l’article 17 de la Constitution éthiopienne a expressément reconnu le droit à la liberté et protège ainsi toute personne contre les arrestations arbitraires. L’arrestation ou la détention illégale est un acte passible de sanctions en vertu de l’article 423 du Code pénal éthiopien. En outre, l’État a pris des mesures importantes pour limiter la détention provisoire prolongée, comme exposé aux paragraphes 89 et 90 ci-dessus.

99.Il ne fait aucun doute que les actes mentionnés dans la recommandation du Comité (CAT/C/ETH/CO/1, par. 16) sont atroces et passibles de lourdes peines en vertu du droit pénal. Tout membre des services chargés de la sécurité ou de la Force de défense nationale soupçonné d’avoir commis de tels actes sera donc traduit devant les tribunaux ordinaires ou militaires, selon le cas. Sur cette question, comme indiqué au paragraphe 63 ci-dessus, l’État a pris des mesures importantes pour veiller à ce que les auteurs de graves violations des droits de l’homme, y compris la torture, aient à répondre de leurs actes. Cependant, nous regrettons de ne pas pouvoir mentionner de mesures spécifiques prises contre des membres de ces forces en réponse au paragraphe 16 des observations finales, en raison de l’absence de preuves permettant d’ouvrir des enquêtes et d’engager des poursuites contre ces personnes.

100.En ce qui concerne les recommandations du Comité relatives à des mécanismes de plainte efficaces (CAT/C/ETH/CO/1, par. 18), l’Éthiopie a pris les mesures évoquées aux paragraphes 18, 63 et 74 du présent rapport.

101.Conformément à la recommandation du Comité (CAT/C/ETH/CO/1, par. 19), l’Éthiopie a adopté la loi sur les réfugiés no 1110/2019. Selon cette loi, quiconque se voit refuser le statut de réfugié par le service chargé des réfugiés et des retours a le droit de saisir le Conseil d’examen des appels établi en vertu de cette même loi. Si l’intéressé demeure insatisfait à la suite de la décision du Conseil, il peut, dans les trente jours suivant la réception de la décision écrite du Conseil, former un recours devant la Cour suprême fédérale en invoquant une erreur de droit.

102.Par ailleurs, l’Éthiopie mène une enquête et des consultations pour faire le point sur l’existence et l’ampleur du problème de l’apatridie dans le pays. La ratification de la Convention relative au statut des apatrides et de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie dépend des résultats de l’enquête et de ces consultations.

103.Pour ce qui est des recommandations concernant l’enlèvement de personnes soupçonnées de terrorisme dans des pays tiers (CAT/C/ETH/CO/1, par. 20), l’État partage les préoccupations du Comité. Bien que l’Éthiopie n’ait pas connaissance de cas précis d’enlèvements qui auraient été menés dans la Somalie voisine, il existe quelques cas où des suspects et des auteurs condamnés par contumace ont été amenés en Éthiopie sans respecter les conditions officielles. À la suite des réformes politiques qui ont débuté en 2018, les suspects (qui avaient été accusés de terrorisme pour des raisons politiques) ont été libérés et les agents de renseignement et de police responsables des irrégularités et d’un certain nombre d’autres violations des droits de l’homme sont actuellement jugés.

104.En ce qui concerne la recommandation du Comité relative à la formation du personnel des secteurs de la justice, de l’application de la loi et autres (CAT/C/ETH/CO/1, par. 21), l’État a assuré des formations préalables et en cours d’emploi, comme indiqué aux paragraphes 40, 41 et 42 du présent rapport.

105.S’agissant des préoccupations du Comité et de sa recommandation concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire (CAT/C/ETH/CO/1, par. 22), l’article 78 de la Constitution éthiopienne a consacré l’indépendance du pouvoir judiciaire. Les tribunaux font actuellement l’objet de profondes réformes qui visent à garantir leur indépendance et à les rendre plus efficaces. La Cour suprême fédérale a récemment créé un conseil consultatif indépendant sur la réforme du système judiciaire. Ce conseil, qui se compose de 15 professionnels du droit indépendants et influents dans le pays, est chargé de recenser et de recommander des mesures qui renforceront l’indépendance et le professionnalisme des tribunaux.

106.Les autorités révisent actuellement la loi sur l’administration judiciaire fédérale en vue d’assurer la transparence et la crédibilité du recrutement et de la nomination des juges, de garantir l’indépendance, la neutralité et la responsabilité du pouvoir judiciaire et de limiter toute intervention indue dans son fonctionnement.

107.Pour affirmer son indépendance institutionnelle et conformément à la loi, la Cour suprême fédérale a, pour la première fois, présenté sa demande de budget 2019-2020 directement au Parlement et non au pouvoir exécutif (Ministère des finances) comme le voulait la pratique.

108.En réponse aux préoccupations du Comité et à ses recommandations concernant les tribunaux de la charia et coutumiers (CAT/C/ETH/CO/1, par. 23), il convient de préciser que le paragraphe 5 de l’article 78 de la Constitution dispose que la Chambre des représentants des peuples et les Conseils d’État peuvent créer ou reconnaître officiellement des tribunaux religieux et coutumiers. En outre, les tribunaux religieux et coutumiers qui étaient reconnus par l’État et qui fonctionnaient avant l’adoption de la Constitution seront organisés.

109.Ainsi, s’il n’existe pas encore de tribunaux coutumiers officiellement reconnus, des tribunaux de la charia sont établis comme des tribunaux indépendants tant au niveau fédéral qu’au niveau régional, en vertu de la loi no 188/1999 sur la consolidation des tribunaux fédéraux de la charia au niveau fédéral.

110.En conséquence, des tribunaux de première instance, des hautes cours et des cours suprêmes de la charia sont créés en vertu du paragraphe 4 de l’article 2 de la loi susmentionnée. Toutefois, ces tribunaux ne sont pas compétents en matière pénale et leur compétence civile, outre qu’elle est limitée aux affaires familiales et successorales, est subordonnée au consentement des deux parties au différend. En outre, s’agissant des différends familiaux et des successions, ces tribunaux sont compétents uniquement si toutes les parties et si le défunt sont musulmans. Les décisions rendues par les tribunaux régionaux et fédéraux de la charia font l’objet d’un contrôle supplémentaire puisqu’elles peuvent être attaquées devant la section de cassation de la Cour suprême fédérale si une erreur de droit fondamentale y est constatée.

111.Ainsi, les décisions rendues par le tribunal de première instance, la Haute Cour et la Cour suprême de la charia de Dire Dawa concernant un litige de droit de possession ont été annulées pour défaut de compétence des tribunaux sur cette question. Dans une autre affaire relative à la dissolution d’un mariage, la partie demanderesse a introduit le recours pour défaut de consentement et res judicata. Acceptant le deuxième motif, la section de cassation de la Cour suprême fédérale a annulé les décisions de la Haute Cour et de la Cour suprême de la charia de l’État régional d’Afar en faveur de la partie demanderesse, puisque l’affaire avait déjà été portée devant le tribunal de première instance de l’État régional et tranchée avant d’être portée à l’attention des tribunaux de la charia.

112.S’agissant de la recommandation du Comité relative à l’imposition de la peine de mort (CAT/C/ETH/CO/1, par. 24), en plus des informations relevées par le Comité dans ses observations finales, la Cour suprême fédérale d’Éthiopie a publié, au cours de la période considérée, une directive relative à la fixation de la peine qui a encore réduit la probabilité de l’imposition de la peine de mort. Ainsi, alors qu’en avril 2019, le quartier des condamnés à mort comptait 147 détenus (143 hommes et 4 femmes), aucun n’a été exécuté depuis le dernier rapport. En outre, au cours de la période considérée, 41 personnes condamnées à mort ont été graciées et remises en liberté.

113.En réponse aux recommandations du Comité concernant la Commission éthiopienne des droits de l’homme (CAT/C/ETH/CO/1, par. 25), l’État a pris des mesures et amorcé des évolutions importantes exposées aux paragraphes 51 et 55 du présent rapport.

114.Pour ce qui est de la recommandation du Comité relative aux conditions de détention (CAT/C/ETH/CO/1, par. 26), l’Éthiopie reconnaît que les conditions d’existence dans les centres de détention et les établissements pénitentiaires ne sont plus réglementaires et que des améliorations significatives sont requises pour respecter les normes internationales. En conséquence, les problèmes tels que la surpopulation, les infrastructures inadéquates ou obsolètes, le manque d’hygiène, les maladies, la malnutrition et les violences entre les détenus restent à résoudre et requièrent des efforts constants pour aboutir à une amélioration significative. L’État s’est engagé à remédier à ces lacunes et s’y emploie sans relâche au moyen de l’attribution de ressources supplémentaires et d’un renforcement des capacités.

115.Ainsi, comme indiqué au paragraphe 82 ci-dessus, l’État fédéral construit actuellement quatre complexes pénitentiaires modernes, conçus pour respecter au moins les normes internationales minimales en matière de droits de l’homme, dans le but de réduire la surpopulation et de fournir de meilleurs services aux détenus afin de faciliter leur réadaptation. Ces complexes comprennent notamment des cellules, des blocs administratifs, des écoles d’enseignement supérieur et professionnel, des garages et des ateliers, des installations de vidéoconférence pour assister aux audiences au tribunal et des zones pour les visites des familles. Ils sont également équipés de rampes et de toilettes adaptées aux personnes handicapées. Les administrations des États régionaux et des villes s’efforcent elles aussi d’améliorer les conditions de détention, notamment en améliorant la fourniture d’eau, les services médicaux, l’assainissement, les équipements de sport et les bibliothèques.

116.Au niveau fédéral, pour l’instant, les jeunes délinquants sont détenus dans une zone ou un quartier à l’écart des adultes dans le même établissement pénitentiaire. Toutefois, lorsque les nouveaux complexes seront terminés, il est prévu de consacrer l’un des établissements existants ou nouvellement construits à l’accueil des jeunes délinquants.

117.Le budget de subsistance consacré à chaque prisonnier a été modifié en 2015 afin d’améliorer la qualité et la quantité des repas fournis. Les efforts se poursuivent pour continuer à améliorer l’allocation budgétaire et, très récemment, en avril 2019, il a été décidé d’augmenter à nouveau le budget quotidien par prisonnier. Les États régionaux sont également tenus d’allouer un budget croissant aux établissements pénitentiaires placés sous leur responsabilité.

118.Afin d’améliorer la prestation des services de santé, des centres de soins de santé standard sont en cours de construction dans chaque établissement pénitentiaire. En outre, l’administration pénitentiaire a employé dix médecins exerçant différentes spécialités. Les établissements pénitentiaires abritent également des laboratoires standard. Des quartiers séparés sont aménagés pour le traitement des malades mentaux et l’administration pénitentiaire dispose de ses propres psychiatres.

119.L’administration pénitentiaire fédérale tient également à jour des informations appropriées sur les prisonniers vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Ces renseignements sont utilisés pour administrer le traitement antirétroviral et dans le cadre des services de conseil assurés par l’administration. La prévention du VIH fait également partie des services fournis.

120.Malgré l’existence d’un large cadre législatif et d’institutions chargées de la protection des droits des personnes privées de liberté, de graves violations des droits de l’homme ont été constatées au cours de la période considérée. Les mécanismes de plainte existants, même ceux qui étaient considérés comme impartiaux (notamment les visites régulières effectuées par la Commission éthiopienne des droits de l’homme dans les centres de détention de la police et les prisons afin de vérifier le respect des normes internationales en matière de droits de l’homme) se sont révélés parfois inefficaces pour prévenir toutes sortes de violations des droits de l’homme survenues dans les centres de détention de la police et les prisons de nombreuses régions du pays.

121.Les autorités ont donc lancé après la réforme de grandes initiatives pour renforcer le cadre juridique et améliorer la capacité et la conformité des institutions aux fins de la protection des droits des personnes privées de liberté. La première étape a été de licencier les hauts responsables de la police, des prisons et des services de renseignement et de les remplacer par de nouveaux dirigeants attachés à la protection des droits de l’homme. Elle a été immédiatement suivie par l’ouverture d’enquêtes criminelles contre certains des anciens hauts responsables de ces institutions soupçonnés de crimes tels que la torture, des traitements inhumains et dégradants ou encore des exécutions extrajudiciaires.

122.En plus des renseignements présentés au paragraphe 95, la Chambre des représentants des peuples a récemment nommé à la tête de la Commission éthiopienne des droits de l’homme, fin juin 2019, un chercheur réputé pour son activisme en faveur des droits de l’homme.

123.Par ailleurs, l’élaboration d’une nouvelle loi sur l’emploi de la force par la police et d’un nouveau système de responsabilité, actuellement à l’examen, constitue un autre élément essentiel des initiatives lancées. Le principal objectif de ce projet de loi est de réglementer les contacts entre les policiers et les agents pénitentiaires et les personnes privées de liberté et de réduire la grande marge d’appréciation que les lois existantes laissent aux forces de l’ordre quant au type de force à utiliser.

124.En outre, des observateurs indépendants ont accès aux lieux de détention. Le CICR et des organisations de la société civile qui traitent des questions liées aux droits de l’homme effectuent des visites. Comme indiqué au paragraphe 94 du présent rapport, la nouvelle loi sur les prisons prévoit un système de permis pour autoriser les visites des établissements pénitentiaires.

125.En ce qui concerne le contrôle judiciaire, un comité conjoint comprenant le Président de la Cour suprême fédérale, le Procureur général et le chef de la police fédérale effectue un contrôle semestriel dans les prisons et s’efforce d’apporter des réponses aux plaintes des prisonniers concernant leurs bureaux respectifs.

126.La nouvelle loi sur les prisons impose notamment à l’administration d’autoriser les prisonniers à porter leurs griefs contre la Commission devant des tribunaux officiels, et de permettre aux chercheurs et aux organismes nationaux et internationaux dûment mandatés, y compris les divers comités et rapporteurs spéciaux des Nations Unies, d’accéder aux prisons et aux prisonniers et d’inspecter les conditions de détention. Toutes ces mesures sont encourageantes et contribuent à améliorer les conditions de détention.

127.En réponse aux recommandations du Comité concernant les enfants en détention (CAT/C/ETH/CO/1, par. 27), à moins qu’il n’existe une divergence entre les versions amharique et anglaise du Code pénal éthiopien, auquel cas la première prévaut, la lecture conjointe des articles 53 et 56 du Code indique que toutes les personnes âgées de 9 à 18 ans sont traitées comme des mineurs.

128.Ainsi, alors que selon la loi, les mineurs de 9 à 15 ans ne sont pas jugés selon la procédure pénale ordinaire et ne sont pas passibles des peines ordinaires prévues pour les délinquants adultes, les mineurs de 15 à 18 ans peuvent, en revanche, être jugés selon les procédures ordinaires et être passibles, dans des circonstances exceptionnelles, comme lorsque le délinquant est récidiviste ou que le crime est odieux, des peines prévues pour les délinquants adultes.

129.Toutefois, même dans le cas du groupe de mineurs de 15 à 18 ans, il convient de souligner que l’âge d’un jeune délinquant peut constituer, à lui seul, une circonstance atténuante permettant de réduire toute peine éventuelle. En outre, un mineur de cette tranche d’âge ne peut jamais être condamné à mort, cette peine étant par ailleurs contestée.

130.Il convient également de relever que l’article 56 du Code pénal révisé n’exclut pas totalement la possibilité d’appliquer les sanctions prévues aux articles 166 à 168 pour les jeunes délinquants de 9 à 15 ans aux jeunes délinquants de 15 à 18 ans.

131.La création de tribunaux adaptés aux enfants et de services de protection de l’enfance au sein de la police, qui accordent la priorité au droit de l’enfant d’être protégé, a également permis de faire progresser la mise en œuvre d’une procédure judiciaire rapide et efficace qui réduit au minimum la détention arbitraire et prolongée des enfants. Cette protection contre la détention arbitraire ne se limite pas à la détention dans le cadre de la justice pénale ou de la justice pour mineurs, mais s’applique également dans tous les cas où l’État prive des enfants de leur liberté pour cause de maladie mentale, de vagabondage ou de toxicomanie, ou encore à des fins de contrôle de l’immigration.

132.Actuellement, les centres de redressement fédéraux et la plupart des centres régionaux disposent d’un quartier ou d’une zone de détention à part pour les délinquants juvéniles de plus de 15 ans. Il existe aussi un centre de réadaptation distinct pour les enfants de 9 à 15 ans en conflit avec la loi. D’autre part, les centres de réhabilitation pour toxicomanes fournissent leurs services avec le consentement libre et entier des bénéficiaires.

133.En réponse aux recommandations du Comité concernant les châtiments corporels (CAT/C/ETH/CO/1, par. 28), le Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse et le Ministère de l’éducation ont adopté conjointement un manuel sur la discipline positive. Ce manuel a pour but d’éviter que les enfants ne reçoivent des châtiments corporels à l’école, dans les orphelinats et à la maison. Des activités sont régulièrement organisées dans divers secteurs de la société pour faire connaître ce manuel et vérifier son application.

134.En ce qui concerne la demande du Comité de fournir des renseignements détaillés sur le nombre de décès en détention, les causes de ces décès et les mesures prises (CAT/C/ETH/CO/1, par. 29), l’État a mis en place une série de mesures pour veiller à établir les responsabilités dans un certain nombre de décès survenus au cours d’enquêtes de police. Plusieurs cas de décès en détention en rapport avec des allégations de torture ont fait l’objet d’enquêtes et d’anciens membres de la police et des services de renseignement soupçonnés d’être responsables de ces décès sont actuellement jugés.

135.La fourniture de soins de santé appropriés, dans la limite des ressources disponibles, est également l’une des principales priorités des administrations pénitentiaires et des institutions de police dans tout le pays, afin de prévenir les décès en détention. L’administration pénitentiaire fédérale et la Commission fédérale de la police gèrent leurs propres hôpitaux, équipés du matériel médical nécessaire pour fournir des services médicaux aux prisonniers. À l’échelon régional, la plupart des établissements pénitentiaires disposent également de centres de soins pour examiner les détenus au moment de leur admission et assurer en continu des soins médicaux et des services de prévention. Les établissements qui ne possèdent pas de dispensaire veillent à ce que les prisonniers soient soignés dans les établissements de santé publique les plus proches. Toutefois, en raison principalement de contraintes budgétaires, la plupart des centres de soins des établissements pénitentiaires fédéraux et régionaux manquent de personnel et de médicaments.

136.La demande du Comité de fournir des renseignements détaillés sur les réparations accordées aux victimes de torture ou de mauvais traitements et aux membres de leur famille (CAT/C/ETH/CO/1, par. 30) a été traitée dans la partie du présent rapport consacrée aux faits nouveaux, au paragraphe 74 ci-dessus.

137.S’agissant de la demande du Comité de fournir des renseignements sur l’application des dispositions interdisant que des preuves obtenues par la torture soient recevables et d’indiquer si des agents de l’État ont été poursuivis et sanctionnés pour avoir extorqué des aveux (CAT/C/ETH/CO/1, par. 31), tant la Constitution que le Code pénal interdisent le fait d’extorquer des aveux et érigent cet acte en infraction. Toutefois, comme l’avait relevé à juste titre le Comité dans ses précédentes observations finales, il s’était avéré particulièrement difficile de garantir l’application pratique de ces interdictions dans la mesure où la police et les services de renseignement utilisaient couramment la torture et les mauvais traitements pour soutirer des aveux. Comme indiqué plus haut, l’État a pris un certain nombre de mesures pratiques pour veiller à ce que les auteurs de ces actes soient traduits en justice, tout en menant une série de réformes au sein de la police et des services de renseignement afin de garantir que toutes les enquêtes criminelles soient menées dans le strict respect de la loi. Les réformes menées au sein des tribunaux ont considérablement renforcé l’indépendance du pouvoir judiciaire. Désormais, les juges ne subissent plus aucune ingérence dans l’exercice de leurs fonctions et ne sont guidés que par le droit et par leur conscience.

138.Comme expliqué au paragraphe 96, la loi antiterroriste a été abrogée et remplacée par une nouvelle loi. La révision de cette loi a notamment été requise pour veiller à ce que les actions de lutte contre le terrorisme soient menées dans le respect des normes en matière de droits de l’homme. Les autorités estiment que la nouvelle loi a comblé les lacunes de la précédente. Plus précisément, la nouvelle loi a imposé l’obligation de confier les enquêtes à des professionnels qui ont suivi une formation sur les questions de crimes terroristes et de protection des droits de l’homme et qui possèdent l’expérience, les compétences et le bon comportement éthique requis. En outre, afin de protéger la dignité et les droits fondamentaux des prisonniers et de proscrire toute agression ou torture, ou tout autre traitement ou châtiment cruel, inhumain et dégradant, la Commission fédérale des prisons est tenue de mettre en place et d’exercer un contrôle interne et externe, d’autoriser la visite de tiers et de respecter le droit des prisonniers de déposer une plainte tant auprès de l’administration que des tribunaux.

139.En ce qui concerne les recommandations du Comité visant à garantir aux victimes d’enlèvements d’enfants et de traite des personnes un accès aux services juridiques, médicaux, psychologiques et de réadaptation (CAT/C/ETH/CO/1, par. 33), l’Éthiopie a augmenté le nombre de tribunaux adaptés aux enfants dans tout le pays. Dans le droit fil de ces initiatives, 36 centres polyvalents et 22 centres d’accueil sont répartis dans l’ensemble du pays pour garantir la sécurité et la réadaptation des victimes de violences sexuelles et psychologiques. En outre, une politique nationale pour l’enfance, adoptée en 2017, donne des orientations afin de créer un environnement propice à la prévention et au contrôle de la maltraitance, de la traite, du travail et des pratiques traditionnelles préjudiciables concernant des enfants, en développant les services de réadaptation requis et des tribunaux adaptés aux enfants afin de garantir des procès rapides.

140.Le Bureau du Procureur général, le Ministère de la femme, de l’enfance et de la jeunesse et les bureaux de différentes régions ont organisé, avec leurs propres moyens et en collaboration avec des organisations internationales et des organisations de la société civile, plusieurs formations destinées aux organes chargés de l’application de la loi concernant les pratiques traditionnelles préjudiciables et les violences sexuelles contre les femmes.

141.En ce qui concerne la demande du Comité de fournir des données statistiques sur le nombre de poursuites engagées contre les auteurs de crimes liés à des pratiques traditionnelles préjudiciables et à d’autres formes de violence à l’égard des femmes, un nombre considérable de personnes ont été poursuivies et condamnées tant au niveau fédéral que régional. Cependant, en raison du manque de documentation bien organisée et d’infrastructures des technologies de l’information et de la communication (TIC), nous regrettons de ne pas pouvoir produire de données agrégées sur le sujet.

142.Il convient également de rappeler que le Comité a prié l’Éthiopie de fournir des informations sur les mesures prises pour apporter une assistance aux victimes de la traite, ainsi que des données statistiques sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations dans ce contexte (CAT/C/ETH/CO/1, par. 33). En conséquence, l’Éthiopie a ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses deux Protocoles additionnels au moyen des lois no 526/2007, no 736/2012 et no 737/2012, respectivement. S’appuyant sur ces instruments, l’organe législatif de l’État a également promulgué la loi no 909/2015 sur la prévention et l’élimination de la traite des personnes et du trafic de migrants.

143.En plus d’établir un fonds pour la prévention, la protection des victimes et leur réadaptation, comme expliqué au paragraphe 73 du présent rapport, cette loi a donné lieu à la création d’un comité national et d’un groupe de travail pour la lutte contre la traite des personnes et le trafic de migrants. Ces deux organes ont pour objectifs d’assurer une meilleure coordination des activités conçues pour protéger, aider et réadapter les victimes, de formuler des avis sur l’établissement des politiques, des plans et du cadre de mise en œuvre, d’assurer la prise en compte des intérêts des victimes et de lutter contre la traite des personnes et le trafic de migrants.

144.Pour ce qui est des enquêtes et des poursuites concernant les cas signalés, en 2017-2018, des mises en examen ont été ordonnées dans 731 affaires contre des personnes soupçonnées de traite au niveau fédéral et dans les États régionaux d’Amhara, d’Oromia et de la Région des nations, nationalités et peuples du Sud. Sur ce nombre, une déclaration de culpabilité a été prononcée dans 312 affaires, l’accusé a été acquitté dans 62 affaires et les 357 affaires restantes sont pendantes. En outre, depuis l’adoption de la loi no 909/2015 sur la prévention et l’élimination de la traite des personnes et du trafic de migrants, 2 686 personnes ont été inculpées aux niveaux fédéral et régional, dont 1 178 ont été condamnées à ce jour.

145.En ce qui concerne la recommandation du Comité d’adopter une stratégie de lutte contre la traite des personnes, l’Éthiopie a préparé le plan d’action national de lutte contre ce fléau. Ce plan prévoit une stratégie globale qui sera déployée à titre de mode opératoire standard pour prévenir et combattre ce crime ainsi que pour aider les victimes. En outre, l’Éthiopie a commencé à élaborer sa politique migratoire nationale dans le but de prévenir et combattre la traite des personnes et le trafic de migrants.

146.S’agissant de la demande adressée par le Comité à l’Éthiopie, en tant qu’État partie, de songer à lever les restrictions financières imposées aux organisations de la société civile locales travaillant dans le domaine des droits de l’homme et de reconnaître le rôle crucial de ces organisations dans la prévention des actes de torture et des mauvais traitements, la collecte d’informations sur ces pratiques et l’assistance aux victimes (CAT/C/ETH/CO/1, par. 34), l’Éthiopie a levé les restrictions qui empêchaient les organisations de la société civile locales de militer en faveur des droits de la personne. En outre, comme expliqué au paragraphe 45 du présent rapport, la loi no 1113/2019 sur les organisations de la société civile a supprimé les restrictions financières et autres qui avaient été mises en place en vertu de la loi précédente.

147.Les paragraphes 45, 52, 71 et 139 du présent rapport reconnaissent le rôle que jouent les organisations de la société civile en matière de prévention et d’assistance aux victimes de torture et de mauvais traitements. En outre, la loi no 909/2015 sur la prévention et l’élimination de la traite des personnes et du trafic de migrants prévoit expressément que les organisations de la société civile constituent l’une des sources de financement des activités de protection, d’assistance et de réadaptation des victimes, ainsi que de lutte contre l’infraction de traite des personnes et de trafic de migrants.

148.En ce qui concerne la recommandation du Comité d’intensifier la coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’ONU et d’autres organisations internationales (CAT/C/ETH/CO/1, par. 36), l’Éthiopie souhaite mentionner des faits nouveaux. Le Haut‑Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme s’est rendu en Éthiopie à deux reprises, en 2017 et 2018, sur invitation de l’État. Récemment, nous avons également accepté les demandes de visite adressées par le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, le Rapporteur spécial pour la liberté d’expression, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, le Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation et le Rapporteur spécial sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille. À cet égard, l’Éthiopie tient à réaffirmer sa volonté de continuer à travailler en étroite collaboration avec tous les titulaires de mandat au titre d’une procédure spéciale et avec la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.

149.Par ailleurs, l’Éthiopie mène une action concertée avec des organismes des Nations Unies comme le Programme des Nations Unies pour le développement, le Haut‑Commissariat aux droits de l’homme, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, ONU-Femmes, et l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime ainsi qu’avec l’Organisation internationale pour les migrations afin d’améliorer la promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme.

150.S’agissant de la recommandation du Comité de ratifier des traités et protocoles des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels l’Éthiopie n’est pas encore partie (CAT/C/ETH/CO/1, par. 39), l’Éthiopie précise qu’elle est partie à de nombreux instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme et est prête à envisager la ratification d’autres instruments. À cette fin, l’Éthiopie se prépare à adhérer à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

151.L’Éthiopie a adhéré au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés le 14 mai 2014 et au Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants le 25 mars 2014. Le pays continuera à travailler avec toutes les parties prenantes en vue d’adopter des instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme.

152.En ce qui concerne les instruments régionaux relatifs aux droits de l’homme, l’Éthiopie est partie à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et à la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. Récemment, en février 2018, l’Éthiopie a ratifié le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo). En outre, l’État se prépare à adhérer à la Convention de l’Union africaine sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala).