Nations Unies

CED/C/BFA/Q/1/Add.1

Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées

Distr. générale

7 décembre 2015

Original : français

Anglais, espagnol et français seulement

Comité des disparitions forcées

Dixième session

7-18 mars 2016

Point 6 de l’ordre du jour provisoire

Examen des rapports des États parties à la Convention

Liste de points concernant le rapport soumis par le Burkina Faso en application du paragraphe 1 de l’article 29 de la Convention

Additif

Réponses du Burkina Faso à la liste de points *

[Date de réception : 1er décembre 2015]

I.Renseignements d’ordre général

1.Au Burkina Faso, tout processus par lequel l’État contracte des engagements internationaux obéit à une démarche participative et inclusive qui implique une consultation préalable des acteurs nationaux, notamment les organisations de la société civile et les institutions publiques. La déclaration d’acceptation de la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par des personnes ou par un État partie au sujet d’un autre État partie conformément aux dispositions des articles 31 et 32 de la Convention devra être le fruit d’un consensus entre les acteurs privés et publiques intervenant dans le domaine des droits humains. Le Burkina Faso examinera cette question dans le cadre d’une rencontre d’échange sur l’opportunité de faire la déclaration d’acceptation de la compétence du Comité. Toutefois, le Burkina Faso reste disponible pour coopérer avec le comité pour donner effet aux dispositions de la convention.

2.Aux termes de l’article 151 de la Constitution du Burkina Faso « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». En vertu de cette disposition, la Convention peut être directement invoquée devant les tribunaux ou d’autres autorités compétentes. Toutefois, l’érection de la disparition forcée en infraction autonome assortie de peine appropriée est inscrite dans le projet de révision du Code pénal. Le projet de code pénal a été validé en atelier national et le processus de son adoption est en cours.

3.Comme mentionné au paragraphe 24 du rapport, depuis la ratification de la convention, aucun cas de disparition forcée n’a encore été enregistré par les juridictions burkinabè. Toutefois, si une affaire nécessite qu’un juge ou un avocat invoque les dispositions de cette convention, cela pourrait se faire sans difficulté.

4.À l’heure actuelle, une nouvelle Commission Nationale des droits humains (CNDH) a été mise en place en mars 2013 en vertu de la loi no 062-2009/AN portant institution d’une commission nationale des droits humain. Compte tenu de la longue période de léthargie qu’elle a connue depuis l’adoption de la loi et des difficultés de fonctionnement, la commission n’a pas encore pu obtenir son accréditation auprès du Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme.

5.La commission est confronté à des difficultés sont liées, entre autres, la faiblesse du budget de l’institution. Par ailleurs, au regard des insuffisances de la loi no 062-2009/AN portant institution d’une commission nationale des droits humains, un processus de révision est enclenché. L’avant-projet de loi qui a été élaboré et validé le 28 octobre 2015 par les différents acteurs consacre :

•La réduction du nombre de commissaires qui passera de 27 à 9 : les membres seront désormais permanents;

•L’autonomie financière qui permettra à la CNDH de défendre directement son budget devant le parlement.

6.L’adoption définitive de cette loi va renforcer les capacités, l’indépendance ainsi que le mandat de cette institution et lui permettra de se conformer pleinement aux Principes de Paris. Ces réformes faciliteront l’obtention de l’accréditation.

7.L’Observatoire national de prévention de la torture et autres pratiques assimilées (ONPT) est prévu dans la loi no 022-2015/AN du 27 mai 2014 portant répression et prévention de la torture et des pratiques assimilées. Aux termes de l’article 23 de cette loi, l’Observatoire a pour attributions :

•De prévenir la torture et les pratiques assimilées, compte tenu des normes en vigueur au niveau national, régional, sous-régional et international;

•De visiter, avec un droit d’accès sans restriction, les lieux de privation de liberté ainsi que leurs équipements et installations;

•D’examiner régulièrement la situation des personnes privées de liberté se trouvant dans les lieux de détention visés à l’article 2 de la présente loi, en vue de renforcer, le cas échéant, leur protection contre la torture et les pratiques assimilées;

•De formuler des recommandations à l’attention des autorités compétentes afin d’améliorer le traitement et la situation des personnes privées de liberté;

•De présenter des propositions et des observations à l’autorité compétente au sujet de la législation en vigueur ou des projets de loi en la matière. L’autorité compétente informe d’office l’Observatoire de tout projet de loi en la matière.

8.L’ONPT n’a pas d’attributions spécifiques en matière de disparition forcée. Toutefois, à travers les visites des lieux de détention et l’examen régulier de la situation des personnes privées de liberté, il peut contribuer à lutter contre les disparitions forcées.

9.S’agissant du Médiateur du Faso, il sied de rappeler qu’il est une institution indépendante mise en place par la loi organique no 22/94/ADP du 17 mai 1997. Conformément à l’article premier de ladite loi, le Médiateur du Faso est un organe intercesseur gracieux entre l’administration publique et les administrés. L’article 11 de la même loi lui confie la mission de recevoir des réclamations des administrés contre l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et tout autre organisme investi d’une mission de service public.

10.Au regard de ses missions, le Médiateur du Faso n’a pas reçu un mandat exprès pour traiter des cas de disparitions forcées. Toutefois, s’il est saisi d’une réclamation portant sur un cas de disparition forcée, il pourrait interpeller les institutions étatiques afin d’avoir des informations relatives à la situation de la personne disparue.

II.Définition et criminalisation de la disparition forcée (art. 1er à 7)

11.L’infraction de disparition forcée n’est pas encore prévue par la législation burkinabè, toutefois, les actes liés à la disparition forcée sont réprimés. Sont constitutifs de délits les actes de détention, d’arrestation, d’enlèvement ou de séquestration lorsqu’ils sont effectués sans ordre des autorités constituées ou lorsqu’ils sont effectués sans que la loi ne les ordonne (art. 356 et suivants du Code pénal). Sont constitutifs de crimes, les actes liés à la disparition forcée lorsqu’ils sont commis à l’aide d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique, au regard de l’article 314 du Code pénal.

12.Le processus de révision du Code pénal en cours permettra de corriger de les insuffisances de législation pour la rendre conforme au la convention. La définition de la disparition forcée par la convention a été prise en compte dans l’avant-projet de Code pénal.

13.À ce jour, aucune plainte n’a été déposée concernant des agissements définis à l’article 2 de la Convention depuis la ratification de la convention.

14.Les auteurs, complices, co-auteurs et commanditaires des actes liés à la disparition forcée sont punissables. Il en est de même des personnes qui auront tenté de commettre ces actes. En outre, l’ordre d’un supérieur ou d’une autorité publique ne peut être invoqué pour justifier les actes liés à la disparition forcée tels que la torture et les pratiques assimilés à la torture au regard de l’article 3 de la loi no 022-2014/AN du 27 mai 2014 portant prévention et répression de la torture et des pratiques assimilées.

15.Bien que la législation nationale ne prévoit pas la disparition forcée comme une infraction autonome, les dispositions de l’article 7 de la convention sur les circonstances aggravantes et atténuantes sont applicables aux actes liés à la disparition forcée en vertu des articles 81, 357, 358 et des articles 398 à 405 du Code pénal.

III.Procédure judiciaire et coopération dans les affaires pénales (art. 8 à 15)

16.La prescription pour l’action pénale en cas de disparition forcée rentre dans les mêmes délais de prescription de l’action pénale telle que prévue par le Code de procédure pénale. S’il s’agit de crime l’action pénale se prescrit en dix (10) ans et s’il s’agit d’un délit la prescription est de trois (3) ans. La disparition forcée étant une infraction continue, le délai de prescription ne pourrait courir qu’à partir du jour où la situation de la personne disparue a été clarifiée.

17.Les garanties sont les mêmes dans la procédure pénale burkinabè en matière de suspension de la prescription de l’action pénale quel que soit l’acte posé en matière d’instruction et à quelque niveau que soit dans la procédure. Toute action d’instruction suspend le délai de prescription jusqu’à la décision de l’autorité saisie.

18.La disparition forcée n’est pas encore considérée comme une infraction autonome au Burkina Faso.

19.Conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, lorsque l’extradition d’un auteur présumé d’un crime se trouvant sur le territoire sous la juridiction burkinabè est refusée à l’État requérant, il est fait application de la dénonciation officielle en vue des poursuites. Dès réception de cette dénonciation, le Procureur du Faso engage les poursuites.

20.En effet, aux termes de l’article 671 « quiconque s’est, sur le territoire [du Burkina Faso], rendu complice d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger peut être poursuivi et jugé par les juridictions [burkinabè] si le fait est puni à la fois par la loi étrangère et par la loi [burkinabè] à la condition que le fait qualifié crime ou délit ait été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère ». En outre, l’article 672 précise que « en cas de délit commis contre un particulier, la poursuite ne peut être intentée qu’à la requête du ministère public; elle doit être précédée d’une plainte de la partie offensée ou d’une dénonciation officielle à l’autorité [burkinabè] par l’autorité du pays où le fait a été commis ».

21.L’article 673 prévoit que dans les cas visés aux articles précédents, qu’il s’agisse d’un crime ou d’un délit, aucune poursuite n’a lieu si l’inculpé justifie qu’il a été jugé définitivement à l’étranger et, en cas de condamnation, qu’il a subi ou prescrit sa peine ou obtenu sa grâce.

22.Par ailleurs, aux termes de l’article 675 « tout étranger, qui, hors du territoire [du Burkina Faso], s’est rendu coupable soit comme auteur, soit comme complice, d’un crime ou d’un délit attentatoire à la sûreté de l’État ou de contrefaçon du sceau de l’État ou de monnaies nationales ayant cours, peut être poursuivi et jugé d’après les dispositions des lois [burkinabè], s’il est arrêté [au Burkina Faso] ou si le Gouvernement obtient son extradition ».

23.Les autorités de la justice militaire sont compétentes pour les infractions commises par des militaires dans le cadre de l’exercice de leur fonction. La gendarmerie est chargée d’enquêter sur les infractions assimilées à la disparition forcée commis par le personnel des forces armées. Lorsque l’infraction est commise sur un civil, le tribunal militaire est compétent.

24.En vertu de la loi no 052-2009/AN du 3 décembre 2009 portant détermination des compétences et de la procédure de mise en œuvre du statut de Rome relatif à la Cour pénale internationale par les juridictions burkinabè la simple présence sur le territoire burkinabè de l’auteur présumé d’un crime de disparition forcée suffit pour que les juridictions burkinabè soient compétentes si l’infraction a été commise dans l’exécution de crime contre l’humanité, du génocide ou de crime de guerre.

25.Aux termes de l’article 17 de loi no 052/AN, la disparition forcée de personnes constituent un crime contre l’humanité lorsqu’elle est commise dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque. À ce titre, les juridictions burkinabè reçoivent compétence pour connaitre d’une telle infraction même si l’auteur présumé n’a pas sa résidence habituelle au Burkina Faso.

26.Pour l’instant, il n’existe pas de projet de création d’organismes spécialisés pour mener des enquêtes et instruire les affaires de disparitions forcées. Toutefois, les juridictions ordinaires sont compétentes pour instruire les affaires de disparitions forcées. En cas de nécessité, une commission d’enquête pourrait être créée.

27.Dans la pratique, lorsqu’un élément d’une unité chargée du maintien de l’ordre est accusé d’avoir commis une infraction, les membres de cette unité sont écartés de l’enquête. Le procureur compétent désigne l’unité de police judiciaire pour diligenter l’enquête.

28.Le processus de révision de la loi du 10 mars 1927 est déjà en cours. Un atelier légistique organisé avec l’appui de l’ONUDC a permis de produire un draft de l’avant-projet de la loi dont la validation interviendra courant janvier 2016. Ce projet de révision contient une disposition qui érige le crime de disparition forcée, tel que défini à l’article 2 de la convention, au nombre des infractions donnant lieu à extradition dans tout traité conclu avec d’autres États.

29.Dans la perspective de corriger les lacunes de la loi du 10 mars 1927 et éviter que la disparition forcée ne soit abusivement considérée comme une infraction politique, le projet de révision de cette loi prévoit l’insertion d’une disposition qui exclut expressément, pour le crime de disparition forcée, la possibilité de refuser une extradition pour motif politique.

30.La condition de réciprocité est exigée pour extrader un individu vers un État non partie à la convention. En général, la clause de réciprocité est inscrite dans les accords d’extradition ou d’entraide judiciaire qui existent ou qui pourraient être conclus entre le Burkina Faso et d’autres États.

31.S’agissant des expulsions, elles ne peuvent être ordonnées dans l’exécution de mesures d’une décision de justice. Comme mesure administrative, elle est mise en œuvre pour des troubles à l’ordre public ou de santé publique. Les forces de sécurité sont chargées de son exécution. Comme décision judiciaire elle est susceptible de voie de recours de droit commun. La décision ne sera exécutée qu’après épuisement des voies de recours.

32.Comme mesure administrative elle est ordonnée par le Ministre en charge de la sécurité. Cette décision est susceptible de recours devant les tribunaux administratifs. Un recours en sursis d’exécution peut être peut permettre au juge de suspendre l’exécution de la décision en attendant une décision définitive.

33.Le refoulement quant à lui est une mesure administrative ordonnée par le ministre en charge de la sécurité en application de la législation en matière d’immigration. Étant un acte administratif, le refoulement est susceptible de recours devant le juge administratif. Il peut également s’agir soit d’un recours pour excès de pouvoir, soit d’un recours en sursis d’exécution ou encore d’un recours en annulation.

34.La détention secrète ou non officielle est interdite par la loi. Le Code pénal et le Code de procédure pénale prévoient les cas de détention que sont : la garde à vue, la détention préventive, l’emprisonnement. Aucune autre mesure de détention n’est autorisée en dehors de ces cas ci-dessus cités. Les lieux de détention officielle sont les locaux de la police et de la gendarmerie, les maisons d’arrêt et de correction. Toutefois, les règlements de discipline des corps de défense et de sécurité prévoient des salles de discipline pour l’exécution des sanctions disciplinaires. Ces salles de discipline ne sont pas non plus des lieux de détention secrète.

35.Toute détention en dehors de ces lieux de détention indiqués tombe sous le coup de la détention illégale ou arbitraire sanctionnée par les articles 146 et 147 du Code pénal.

36.Tous les éléments mentionnés figurent dans les registres légaux de détention. Aucun cas de mauvaise tenue de registres légaux n’a été encore enregistré. Le procureur exerce des contrôles réguliers des locaux et cellules de détention et la bonne tenue des registres de garde à vue.

37.L’article 63 du Code de procédure pénale donne à la personne gardée à vue, la possibilité de bénéficier de la visite d’un médecin à n’importe quel moment de la garde à vue. En outre, l’article 5 du règlement no 5/CM/UEMOA prévoit que dès l’enquête préliminaire, toute personne interpellée ait droit à un Conseil. Cette disposition constitue des garanties pour les personnes interpellées et leur permet d’avoir accès à l’information concernant les poursuites engagées contre elles. Par ailleurs, elle permet aussi à toute personne ayant un intérêt légitime de disposer des informations relatives à la détention de la personne.

38.Bien que la disparition forcée ne soit, pour l’instant, pas prévue dans la législation burkinabè comme une infraction spécifique, les actes constitutifs peuvent être rattachés à certaines infractions réprimées par le Code pénal et des lois spécifiques. Il s’agit notamment de la détention illégale et arbitraire, de la torture, de la séquestration. Les auteurs d’actes de disparition forcée peuvent être poursuivis sur la base des dispositions du Code pénal et de la loi portant prévention et répression de la torture. La réparation est prévue pour le préjudice causé par toute infraction, y compris celui résultant des actes liés à la disparition forcée. En cas de torture et de pratiques assimilées, l’article 17 de la loi no 022-2014/AN du 27 mai 2014 portant prévention et répression de la torture et des pratiques assimilées stipule que « la victime a droit à une réparation et à une indemnisation équitable et adéquate, y compris des moyens nécessaires à sa réadaptation la plus complète possible. En cas de décès de la victime résultant d’un acte de torture ou de pratiques assimilées, les ayants droit de celle-ci ont droit à indemnisation. Nonobstant toutes poursuites pénales, l’État a l’obligation d’accorder réparation aux victimes ». En vertu de cet article, c’est à l’État qu’il revient de réparer le préjudice subi, même si l’auteur n’a pas été identifié.

39.Les régimes de l’absence et de la disparition sont traités par les articles 8 à 20 du Code des personnes et de la famille. Ainsi en cas d’absence ou de disparition, le tribunal désigne un administrateur provisoire pour l’administration des biens de l’absent ou du disparu. Celui-ci doit établir et déposer au greffe du tribunal civil un inventaire des biens appartenant au présumé absent ou disparu. Il a le pouvoir de faire des actes conservatoires et de pure administration. S’il y a urgence et nécessité dûment constatées, le président du tribunal peut l’autoriser à faire des actes de disposition dans les conditions fixées par ordonnance. Le jugement déclaratif d’absence permet au conjoint de demander le divorce pour cause d’absence. S’il y a des enfants mineurs, ils sont placés sous la responsabilité du conjoint survivant. À défaut de conjoint survivant, ils sont soumis au régime de la tutelle.

40.Le droit commun incrimine le faux et usage de faux. Il n’y a pas de textes spécifiques pour prévenir ces cas. Pour la prévention, des formations sont régulièrement organisées au profit de la police des frontières et des agents chargés de la légalisation des actes administratifs. De même, une direction de la modernisation de l’état civil a été créée au sein du ministère en charge de l’administration du territoire et de la décentralisation.