Nations Unies

CAT/C/SYR/CO/1

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

25 mai 2010

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Quarante-quatrième session

26 avril-14 mai 2010

Examen des rapports présentés par les États parties en application de l’article 19 de la Convention

Observations finales du Comité contre la tortureRépublique arabe syrienne

République arabe syrienne

1.Le Comité contre la torture a examiné le rapport initial de la République arabe syrienne (CAT/C/SYR/1) à ses 937e et 939e séances (CAT/C/SR.937 et 939), tenues les 3 et 4 mai 2010, et a adopté, à sa 951e séance (CAT/C/SR.951), les observations finales ci-après.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de la République arabe syrienne qui suit généralement les directives du Comité pour l’établissement des rapports mais ne contient pas suffisamment d’informations statistiques et pratiques sur l’application des dispositions de la Convention et la législation interne relative à la question. Toutefois, le Comité regrette que le rapport ait été présenté avec cinq années de retard, ce qui l’a empêché de procéder à une analyse de l’application de la Convention par l’État partie après la ratification de celle-ci en 2004.

3.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a envoyé une délégation de haut niveau à la quatrième session du Comité et se réjouit de pouvoir engager un dialogue constructif avec la République arabe syrienne sur les questions d’intérêt commun concernant la Convention.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux suivants ou y a adhéré:

a)Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 21 avril 1969;

b)Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le 21 avril 1969;

c)Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le 21 avril 1969;

d)Convention relative aux droits de l’enfant, le 15 juillet 1993 et Protocoles facultatifs s’y rapportant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, le 25 mai 2000;

e)Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, le 28 mars 2003;

f)Convention internationale sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, le 2 juin 2005;

g)Convention relative aux droits des personnes handicapées, le 10 juillet 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Définition de la torture

5.Tout en relevant que l’article 28 de la Constitution de la République arabe syrienne interdit la torture, le Comité note avec préoccupation l’absence dans le système juridique de l’État partie d’une définition de la torture conforme à l’article premier de la Convention, ce qui entrave sérieusement l’application de la Convention dans l’État partie (art. 1).

L’État partie devrait modifier sa législation de façon à y incorporer une définition de la torture qui soit pleinement conforme à la définition qui figure à l’article premier de la Convention, avec tous les éléments de cette définition. Le Comité estime qu’en qualifiant et en définissant le crime de torture conformément aux articles 1 er et 4 de la Convention, les États parties contribueront directement à promouvoir la réalisation de son objectif central qui est de prévenir la torture, entre autres, en alertant chacun, y compris les auteurs d’actes de torture, les victimes et le public, à l’extrême gravité de ce crime et en améliorant l’effet dissuasif de l’interdiction elle-même.

Criminalisation de la torture

6.Tout en constatant que la torture est réprimée par le paragraphe 1 de l’article 391 du Code pénal et que, conformément à l’article 29 de la Constitution, aucune infraction ni peine n’est reconnue en l’absence d’une disposition législative correspondante, le Comité note avec une vive préoccupation que ces dispositions ne permettent pas de réprimer comme il convient les actes de torture, dans la mesure où ils fixent la peine maximum à trois ans d’emprisonnement (art. 4).

L’État partie devrait revoir sa législation en vue de faire en sorte que les actes de torture soient érigés en infraction dans son droit pénal et emportent des peines appropriées qui tiennent compte de la gravité des actes en cause, comme le requiert le paragraphe 2 de l’article 4 de la Convention.

Recours à la torture sur une vaste échelle

7.Le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses, persistantes et cohérentes concernant le recours routinier à la torture par les fonctionnaires chargés de l’application de la loi et des enquêtes, à leur instigation ou avec leur consentement, en particulier dans les lieux de détention. Il est également préoccupé par des informations crédibles indiquant que de tels actes sont courants avant même que des accusations soient portées, ainsi que pendant la détention avant jugement, lorsque le détenu est privé des garanties juridiques fondamentales, en particulier du droit d’accéder à un avocat. Cette situation est exacerbée par l’application présumée de règlements internes qui, dans la pratique, autorisent des procédures contraires aux lois publiées et allant à l’encontre de la Convention. Le Comité est également gravement préoccupé par l’absence d’enregistrement systématique de tous les détenus dans les lieux de détention relevant de la juridiction de l’État partie (art. 2, 12 et 13).

L’État partie devrait:

a) Réaffirmer clairement l’interdiction absolue de la torture et condamner publiquement sa pratique, en particulier par la police et le personnel des prisons, en faisant clairement savoir que quiconque commettrait de tels actes en serait complice ou y participerait serait tenu personnellement responsable devant la loi, ferait l’objet de poursuites pénales et se verrait infliger des peines appropriées;

b) Adopter immédiatement, en vue de combattre l’impunité, toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que dans la pratique toutes les allégations de torture fassent l’objet d’une enquête rapide, impartiale et efficace, poursuivre ceux qui s’en rendent coupables, y compris les agents chargés de l’application de la loi et des enquêtes, et leur infliger des peines à la mesure de la gravité du crime de torture. Les enquêtes devraient être menées par un organe pleinement indépendant;

c) Faire en sorte que tous les détenus soient dûment et promptement enregistrés dans les lieux de détention aux fins de prévenir les actes de torture. L’enregistrement devrait inclure l’identité du détenu, la date, l’heure, le lieu et le motif de l’arrestation, l’identité de l’autorité chargée de la détention, le lieu et l’heure d’admission du détenu dans le centre de détention, l’état de santé de ce dernier au moment de la mise en détention et tout changement que connaîtrait cet état, ainsi que l’heure et le lieu des interrogatoires et le nom de toutes les personnes qui y participent et la date et le lieu de la libération ou du transfert dans un autre lieu de détention.

8.Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses informations faisant état d’actes de torture, de mauvais traitements, de décès en détention et de détention au secret de personnes appartenant à la minorité kurde, qui sont nombreuses à être apatrides, en particulier de militants politiques d’origine kurde. Le Comité est en outre préoccupé par les condamnations prononcées par les tribunaux militaires à l’encontre de détenus kurdes, qui avaient fait l’objet de chefs d’accusation aussi vagues que l’«affaiblissement du sentiment national» ou la «propagation de nouvelles fausses ou exagérées». En outre, le Comité note avec préoccupation les informations faisant état d’un nombre croissant de décès parmi les conscrits kurdes effectuant leur service militaire obligatoire et indiquant que les dépouilles, remises aux familles, portaient des marques de graves blessures (art. 1er, 2, 12 et 16).

L’État partie devrait prendre des mesures urgentes pour faire en sorte qu’il soit enquêté rapidement et de manière approfondie, impartiale et efficace sur toutes les allégations de torture, de mauvais traitements, de décès en détention, de décès pendant le service militaire et de détention au secret de personnes appartenant à la minorité kurde, notamment de militants politiques d’origine kurde et pour poursuivre et punir les agents chargés d’appliquer la loi et le personnel des forces de sécurité, des services du renseignement et des prisons qui se sont livrés à de telles pratiques, les ont ordonnées ou y ont consenti. En outre, l’État partie devrait modifier ou abolir les vagues dispositions relatives à la sécurité figurant dans le Code pénal qui restreignent illégalement le droit à la liberté d’expression, d’association ou de réunion.

Garanties juridiques fondamentales dont doit jouir le détenu dès le début de sa détention

9.Tout en notant que le Règlement no 1222 relatif aux prisons garantit le droit des prisonniers de voir un avocat et les membres de leur famille, ainsi que le droit de recevoir des visites, le Comité note avec une vive préoccupation que, dans la pratique, ces dispositions ne permettent pas à tous les détenus de jouir de toutes leurs garanties juridiques fondamentales et qu’elles ne sont pas appliquées dès le début de la détention. De telles garanties comprennent le droit du détenu de voir rapidement un avocat, de subir un examen médical indépendant, d’informer un proche, d’être informé de ses droits au moment de son arrestation, ainsi que de toute accusation portée contre lui et de comparaître devant un juge dans un délai déterminé, conforme aux normes internationales (art. 2).

L’État partie devrait prendre rapidement les mesures voulues pour faire en sorte que l’ensemble des détenus jouissent, en pratique, de toutes les garanties juridiques fondamentales dès le début de leur détention, notamment des droits de voir rapidement un avocat, de subir un examen médical indépendant, d’informer un proche, d’être informés de leurs droits au moment de leur arrestation, ainsi que des accusations portées contre eux, et de comparaître devant un juge dans un délai conforme aux normes internationales.

État d’urgence

10.En dépit des informations fournies par la délégation de l’État partie pendant le dialogue, le Comité note avec préoccupation que l’état d’urgence proclamé en vertu du décret-loi no 51 du 22 décembre 1962 et modifié par le décret-loi no 1 du 9 mars 1963, qui est censé être appliqué dans des circonstance exceptionnelles où il y a une menace interne ou externe à la survie de la nation, revêt désormais un caractère quasi permanent et permet de suspendre les droits et les libertés fondamentaux. Le Comité note avec préoccupation que du fait de l’état d’urgence, de vastes pouvoirs exceptionnels sont conférés à différents corps des forces de sécurité sans aucun contrôle judiciaire, ce qui donne lieu dans la pratique à de graves violations de la Convention par les agents de l’État. En particulier, le Comité est préoccupé par le fait que l’état d’urgence est incompatible avec les engagements pris par la République arabe syrienne au titre de l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 2 et d’autres articles pertinents de la Convention (art. 2, 4, 11, 12, 13, 15 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte que soit intégré dans sa législation pénale le principe de l’interdiction absolue de la torture et veiller au strict respect de ce principe conformément au paragraphe 2 de l’article 2 de la Convention, aux termes duquel aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’ils s’agisse d’un état de guerre ou d’une menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture. En outre, l’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour mettre sa législation en pleine conformité avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de la Convention.

Cour suprême de sûreté de l’État

11.Tout en prenant acte des informations fournies par l’État partie au Comité sur la composition, les fonctions et les procédures de la Cour suprême de sûreté de l’État, le Comité est profondément préoccupé par les allégations nombreuses, cohérentes et graves selon lesquelles cette juridiction ne fonctionne pas selon les normes internationales régissant les tribunaux. Il note que la Cour suprême de sûreté de l’État a été créée en vertu du décret no 47 de 1968 en tant que juridiction d’exception opérant en marge du système de justice pénale ordinaire, ne rendant compte qu’au Ministère de l’intérieur. La Cour, qui est composée de deux magistrats, un juge civil et un juge militaire, est habilitée à prononcer des condamnations et imposer des sanctions pénales pour des crimes qui sont très vaguement définis tels que «l’affaiblissement du sentiment national» ou «le fait de susciter des tensions raciales ou sectaires alors que la République arable syrienne est en guerre ou s’attend à l’être». Selon les informations dont dispose le Comité, la Cour n’est pas obligée d’appliquer les règles de procédure pénale et autorise la détention au secret prolongée sans contrôle judiciaire. En outre, les avocats ne sont pas autorisés à rencontrer leur client avant le début du procès et les décisions de la Cour ne sont pas susceptibles d’appel (art. 2, 11 et 12).

L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour faire en sorte que la composition et le fonctionnement de la Cour suprême de sûreté de l’État soient rendus pleinement conformes aux dispositions de la Convention et aux normes internationales régissant les tribunaux et, qu’en particulier, les personnes traduites devant cette juridiction bénéficient de toutes les garanties juridiques fondamentales, notamment du droit de faire appel des décisions de la Cour, ou envisager, si cela n’est pas possible, d’abolir cette juridiction.

Indépendance des tribunaux

12.Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles le manque d’indépendance du pouvoir judiciaire et des procédures arbitraires fait que le droit à un procès équitable est systématiquement violé. En outre, en vertu des dispositions du décret-loi no 40 du 21 mai 1966, les juges ne jouissent pas de l’immunité, pouvant être mutés en application d’un ordre qui n’est soumis à aucune forme de contrôle (art. 2 et 11).

L’État partie devrait adopter d’urgence toutes les mesures nécessaires pour protéger l’indépendance des tribunaux, ainsi que l’indépendance et l’immunité des juges, conformément aux normes internationales.

Immunité de poursuites

13.Selon les informations dont dispose le Comité, le décret-loi no 61 de 1950 et le décret no 64 de 2008 confèrent aux membres des organes du renseignement, notamment militaire, et des forces de la sûreté publique une immunité de poursuites de facto en cas de crime commis dans l’exercice de leurs fonctions. Le Comité est profondément préoccupé par le fait que l’impunité qui règne sur une vaste échelle empêche l’engagement de poursuites contre les personnes qui commettent des crimes, notamment des actes de torture et des mauvais traitements, dans l’exercice de leurs fonctions en violation totale des dispositions de la Convention (art. 2, 4, 12, 15 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures vigoureuses pour abolir les décrets qui légalisent l’immunité pour les crimes commis par des personnes dans l’exercice de leurs fonctions, lesquels consacrent dans la pratique l’immunité des membres des services de la sûreté, des organes du renseignement et de la police qui commettent des actes de torture. En outre, l’État partie devrait enquêter rapidement et de manière impartiale et approfondie sur de tels actes, traduire leurs auteurs en justice et leur imposer, lorsqu’ils sont condamnés, des peines à la mesure de la gravité des infractions commises.

Surveillance et inspection des lieux de privation de liberté

14.Le Comité note que le Ministère de la justice, le Ministère de l’intérieur et le Procureur général sont habilités à inspecter les prisons pour vérifier si les détenus sont traités avec humanité. Le Comité est néanmoins préoccupé par l’absence d’une surveillance et d’une inspection systématique, effective et indépendante de tous les lieux de détention (art. 11 et 12).

Le Comité demande instamment à l’État partie de mettre en place un mécanisme national pour assurer une surveillance et une inspection effectives de tous les lieux de détention et de faire en sorte qu’il soit donné suite au résultat d’un tel processus. Le mécanisme en question devrait inclure des visites périodiques et inopinées effectuées par des observateurs nationaux et internationaux destinées à prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Centres de détention secrets

15.Le Comité est également préoccupé par les informations selon lesquelles l’État partie a créé des centres de détention secrets placés sous l’autorité des organes du renseignement tels que le service du renseignement militaire, la Direction de la sûreté politique, la Direction générale des services du renseignement et la Direction des services du renseignement des forces aériennes. Les centres relevant de ces services ne font l’objet d’aucune surveillance ou inspection par des organes indépendants et ne sont pas contrôlés par les autorités. Le Comité note en outre avec préoccupation que les détenus sont privés des garanties juridiques fondamentales, notamment d’un contrôle de leur traitement et des procédures relatives à leur détention. Le Comité est également préoccupé par les allégations selon lesquelles les personnes qui se trouvent dans ces centres peuvent être détenues pendant de longues périodes sans contrôle judiciaire, font l’objet, en pratique, d’une détention au secret et sont soumises à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait faire en sorte que nul ne soit gardé dans un centre de détention secret placé sous son contrôle effectif de facto. Comme le Comité l’a souvent souligné, la détention de personnes dans de telles conditions constitue en elle-même une violation de la Convention. L’État partie devrait en ouvre enquêter sur de tels lieux de détention, en révéler l’existence, et indiquer sous la responsabilité de quelles autorités ils ont été mis en place et la manière dont les détenus y sont traités. Le Comité demande instamment à l’État partie de fermer tous ces centres.

Mécanisme de plainte

16.En dépit des informations fournies au Comité dans le rapport de l’État partie quant à la possibilité qu’a une personne de présenter au Bureau du Procureur public une plainte contre des actes de torture imputés à un agent de l’État, le Comité regrette l’absence d’un mécanisme de plainte indépendant habilité à recevoir les nombreuses allégations de torture transmises aux autorités, à enquêter de manière impartiale et approfondie sur ces allégations et à faire en sorte que ceux qui s’en rendent coupables soient punis comme il convient. Il regrette également l’absence d’informations, notamment de statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements et les résultats de toutes les procédures entamées tant pénales que disciplinaires (art. 2, 5, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour mettre en place un mécanisme de plainte entièrement indépendant, faire en sorte qu’il soit enquêté rapidement et de manière impartiale et approfondie sur les nombreuses allégations de torture et poursuivre les auteurs présumés de tels actes et les punir comme il convient. Il devrait en outre faire en sorte que, dans la pratique, ceux qui déposent des plaintes soient protégés de tout mauvais traitement ou acte d’intimidation dont ils pourraient faire l’objet en raison de leur plainte ou de leur déposition. Le Comité invite l’État partie à fournir des informations, notamment des données statistiques, sur le nombre de plaintes pour torture et mauvais traitements déposées contre des agents de l’État, ainsi que des renseignements sur l’issue des procédures engagées tant pénales que disciplinaires.

Réfugiés et demandeurs d’asile

17.Tout en prenant acte avec satisfaction de la généreuse politique de l’État partie, qui a admis un grand nombre de réfugiés originaires d’Iraq et des territoires palestiniens occupés et a autorisé leur séjour, le Comité est préoccupé par l’absence d’une procédure nationale pour déterminer le statut de réfugié et par le fait que la législation sur les étrangers ne reconnaît aucun statut spécial attribué par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas adhéré à la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et à son protocole facultatif de 1967, ni à la Convention relative au statut des apatrides de 1954 ou à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie de 1961 (art. 2, 3, 11 et 16).

L’État partie devrait mettre en place une procédure nationale pour déterminer le statut de réfugié et modifier sa législation dans le sens d’une reconnaissance du statut spécial attribué par le HCR. Le Comité recommande à l’État partie de songer à adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés et au protocole facultatif s’y rapportant, ainsi qu’à d’autres instruments internationaux connexes.

Non-refoulement

18.Le Comité est gravement préoccupé par les nombreuses informations faisant état de mesures d’expulsion, de refoulement ou d’extradition, touchant, dans bien des cas, des réfugiés ou des demandeurs d’asile reconnus auprès du HCR, en violation du principe de non-refoulement figurant à l’article 3 de la Convention. Le Comité est en outre préoccupé par les informations selon lesquelles la participation de la République arabe syrienne dans la guerre dite «contre le terrorisme» s’est traduite par la détention au secret et le transfert de terroristes présumés en violation du principe de non-refoulement (art. 3).

L’État partie devrait formuler, incorporer dans son droit interne et appliquer de manière effective des dispositions législatives conformes à l’article 3 de la Convention, y compris la garantie d’un traitement équitable à tous les stades de la procédure et la possibilité d’un contrôle effectif indépendant et impartial des décisions d’expulsion, de refoulement ou d’extradition. En aucune circonstance, l’État partie ne doit expulser, refouler ou extrader une personne vers un État où il y a des sérieux motifs de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ou à des mauvais traitements. L’État partie devrait aussi assurer une protection contre le refoulement, notamment en s’abstenant d’expulser ou de renvoyer de force des personnes détentrices d’un certificat de réfugié ou d’un certificat de demandeur d’asile établi par le HCR. En outre, il devrait ouvrir une enquête indépendante sur les allégations relatives à sa participation à des «transferts extrajudiciaires» et informer le Comité de l’issue de cette enquête dans son prochain rapport périodique.

19.Le Comité est en outre préoccupé par le recours persistant à l’internement administratif pour une durée indéterminée − et donc arbitraire − de ressortissants iraniens d’origine arabe (Ahwazis) en vue de leur expulsion (art. 3).

L’État partie devrait fournir des renseignements sur la situation des ressortissants iraniens d’origine arabe (Ahwazis) et les mesures prises pour assurer leur protection contre le refoulement.

Formation

20.Le Comité prend note des renseignements figurant dans le rapport de l’État partie et fournis dans sa présentation orale concernant la formation, les séminaires et les cours sur les droits de l’homme destinés aux membres de la police. Il regrette toutefois de n’avoir reçu que des informations peu nombreuses et incomplètes sur les programmes pour la formation du personnel des forces de sécurité et des services du renseignement, ainsi que des juges, des procureurs, des médecins légistes et du personnel médical en contact avec les détenus, aux dispositions de la Convention et à la façon de déceler et de documenter les séquelles physiques et psychologiques de la torture. Le Comité regrette aussi le manque d’informations sur le suivi et l’évaluation de l’impact de tels programmes de formation quant à la diminution des cas de torture et de mauvais traitements (art. 10).

L’État partie devrait développer et renforcer des programmes éducatifs pour faire en sorte que tous les fonctionnaires, y compris les agents chargés d’appliquer la loi, les membres de la sûreté et des services du renseignement et le personnel pénitentiaire soient pleinement au fait des dispositions de la Convention, sachent que les violations de cet instrument ne seront pas tolérées et feront l’objet d’enquêtes rapides et efficaces et que leurs auteurs seront poursuivis. En outre, tout le personnel concerné, y compris le corps médical, devrait recevoir une formation spécifique à la façon de déceler les signes de torture et de mauvais traitements et, notamment, à l’utilisation du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), lequel devrait être suivi de manière effective. En outre, l’État partie devrait mesurer l’efficacité et l’impact de tels programmes de formation/d’éducation.

Disparitions forcées

21.Le Comité est profondément préoccupé par les nombreuses informations faisant état d’un nombre élevé de disparitions involontaires dans l’État partie. Le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires de 2009 (A/HRC/13/31) mentionne les disparitions forcées présumées de 28 personnes à propos desquelles la délégation n’a pas fourni d’explication ni d’informations suffisantes et précises. En outre, le Comité a reçu de nombreuses informations crédibles faisant état d’un nombre encore plus grand de disparitions forcées. Ces allégations concernent en particulier la disparition de membres de l’association des Frères musulmans ainsi que des disparitions survenues pendant la présence militaire de la République arabe syrienne au Liban à compter du début des années 70. Le Comité a été informé qu’une commission officielle libano-syrienne avait été créée le 31 juillet 2005 pour examiner la question des Syriens disparus au Liban et des Libanais disparus en République arabe syrienne. Au total, 640 cas ont été soumis à la Commission mais aucune mesure n’a jusqu’à présent été prise pour enquêter sur ces cas. En outre, le Secrétaire général du Centre libanais des droits de l’homme, qui est aussi un membre du Comité exécutif du Réseau euroméditerranéen des droits de l’homme, n’a pas été autorisé à se rendre dans l’État partie pour y effectuer des recherches. Le Comité a noté avec préoccupation que les autorités compétentes n’ont ouvert aucune procédure d’enquête sur le sort des personnes disparues et pour identifier, poursuivre et punir ceux qui sont à l’origine de disparitions forcées en violation de la Convention (art. 1er, 2, 11, 12, 13, 14 et 16).

L’État partie devrait enquêter d’urgence sur chaque cas de disparition forcée présumée et communiquer les résultats de ses investigations aux familles des personnes disparues. Le Comité invite instamment l’État partie à mettre en place, dans des délais appropriés, une commission indépendante pour enquêter sur toutes les disparitions, y compris celles de membres de l’association des Frères musulmans et celles qui se sont produites pendant la présence militaire de la République arabe syrienne au Liban à compter du début des années 70, en vue de poursuivre et de punir les auteurs et d’assurer un recours utile et une réadaptation aux victimes. Le Comité encourage l’État partie à collaborer avec les organisations internationales sur les questions relatives aux disparitions forcées et involontaires.

Enquêtes

22.Compte tenu des explications fournies par l’État partie pendant le dialogue, le Comité reste préoccupé par les émeutes qui se seraient produites dans la prison de Sednaya, le 4 juillet 2008, où une intervention des forces de police à la suite d’un mouvement de protestation des prisonniers a fait plusieurs morts ou blessés. Malgré des demandes répétées, il n’y a eu aucune enquête officielle et indépendante sur cet incident ni annonce publique de l’identité des personnes tuées ou blessées ni la moindre information sur les mesures prises pour faire la lumière sur les conditions dans lesquelles la force a été employée et sur d’autres circonstances entourant l’événement (art. 12).

L’État partie devrait ouvrir d’urgence une enquête indépendante sur les événements de la prison de Sednaya de juillet 2008 et fournir au Comité des informations détaillées sur les circonstances dans lesquelles des prisonniers ont trouvé la mort lors de cet incident. Il devrait également faire savoir aux familles des prisonniers impliqués dans l’incident si leurs proches sont encore vivants et détenus dans la prison. L’État partie devrait en outre faire savoir au Comité s’il effectue une surveillance régulière de la prison.

23.Le Comité est préoccupé par le cas de trois ressortissants canadiens, Ahmed Al-Maati (arrêté à son arrivée à l’aéroport de Damas le 12 novembre 2001), Abdullah Almalki (arrêté à son arrivée à l’aéroport de Damas le 3 mai 2002), et Maher Arar (arrêté en septembre 2002 aux États-Unis d’Amérique, où il a été détenu sans que la procédure légale ait été respectée pendant quinze jours avant d’être expulsé en Jordanie puis en République arabe syrienne). Le Comité craint que ces trois personnes aient été détenues et torturées dans le principal centre de détention des services du renseignement militaire, dans la section Palestine, en raison de leurs liens présumés avec Al-Qaida. Le Comité note avec préoccupation qu’aucune enquête n’a été menée sur cette affaire et que les victimes n’ont bénéficié d’aucune indemnisation. Il note en outre avec préoccupation que l’État partie n’a mené aucune enquête complète et efficace sur cette affaire (art. 12, 13 et 14).

Le Comité invite instamment l’État partie à ouvrir rapidement des enquêtes approfondies et impartiales sur les cas d’Ahmed Al-Maati, d’Abdullah Almalki et de Maher Arar en vue de faire en sorte que tous les responsables présumés de violations de la Convention soient traduits en justice. Le Comité recommande que de telles enquêtes soient menées par des experts indépendants afin que toutes les informations soient examinées de manière complète, de parvenir à des conclusions sur les faits et les mesures prises et d’indemniser les victimes.

24.Le Comité est préoccupé par la détention prolongée d’Abdelkader Mohammed Sheikh Ahmed, qui a déjà purgé sa peine et aurait dû être libéré en 1979, mais qui, selon des informations reçues par le Comité, était toujours en prison en 2004. Le Comité regrette qu’aucune information n’ait été fournie pendant le dialogue sur le cas de cette personne (art. 12).

Le Comité invite instamment l’État partie à fournir des informations sur la situation actuelle d’Abdelkader Mohammed Sheikh Ahmed et d’ouvrir promptement une enquête approfondie et impartiale sur cette affaire et sur les raisons pour lesquelles l’intéressé n’a pas été remis en liberté après avoir purgé sa peine. Le Comité recommande qu’une telle enquête soit menée par des experts indépendants afin que toutes les informations soient examinées de manière complète, de parvenir à des conclusions sur les faits et les mesures prises, et de faire en sorte que les personnes responsables de violations soient traduites en justice.

Absence de protection juridique pour les femmes et impunité des auteursde crimes d’«honneur»

25.Le Comité note avec préoccupation que le rapport de l’État partie ne contient pas suffisamment d’informations sur le régime juridique des femmes et les pratiques qui les touchent. Il est préoccupé par les nombreuses informations selon lesquelles la violence contre les femmes, en tant qu’acte de discrimination, est un problème très répandu dans l’État partie et que le processus de réforme législative et, plus précisément, la modification de la loi sur le statut personnel, du Code pénal et de la loi sur la nationalité, a été différé, et qu’en conséquence une culture de l’impunité en cas de violences au foyer et fondées sur le sexe s’est instaurée. À ce propos, le Comité note avec une vive préoccupation que les crimes intervenant dans des situations où l’«honneur» de la famille est considéré comme avoir été bafoué restent souvent impunis et que lorsqu’ils le sont les peines prononcées sont plus légères que celles infligées pour d’autres crimes de la même violence (art. 1er, 2, 4 et 16).

Le Comité demande à l’État partie de prendre des mesures globales pour faire face à toutes les formes de violence contre les femmes et d’adopter, dans les meilleurs délais, une législation sur la violence contre les femmes, y compris au foyer. Le Comité invite en outre l’État partie à modifier sans délai les dispositions applicables du Code pénal pour faire en sorte que les auteurs de crimes d’«honneur» ne bénéficient pas d’une réduction de peine en application de l’article 548. Il invite instamment l’État partie à faire en sorte que les crimes d’«honneur» soient traités aussi sérieusement dans le cadre des enquêtes et des poursuites que les autres crimes violents, et que des efforts de prévention effectifs soient entrepris.

26.Tout en prenant acte des informations fournies par la délégation de l’État partie pendant le dialogue, le Comité est vivement préoccupé par la pratique consistant à permettre aux auteurs de viol d’échapper aux poursuites en épousant leur victime (art. 508 du Code pénal) ou à autoriser les familles à renoncer à leur «droit de porter plainte» (art. 2, 13 et 16).

Rappelant que de nombreux organes judiciaires et quasi judiciaires internationaux ont assimilé le viol à une forme de torture, le Comité invite l’État partie à abolir la disposition d’exonération de responsabilité prévue à l’article 508 du Code pénal pour qu’aucun violeur ne puisse échapper aux sanctions en épousant sa victime.

Violence au foyer

27.Le Comité est préoccupé par l’absence d’informations dans le rapport concernant les mesures prises pour combattre la torture et les mauvais traitements dont sont victimes les femmes et les filles, eu égard en particulier à la fréquence des cas de violence au foyer et d’autres formes de violence fondée sur le sexe dans l’État partie. À ce propos, il note avec préoccupation que le viol conjugal n’est pas une infraction pénale en vertu de la loi. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que la législation nationale n’érige pas explicitement en infraction la violence au foyer et ne prévoit pas de poursuites à l’encontre de ceux qui s’en rendent coupables; il relève en particulier avec préoccupation que la définition du viol à l’article 489 du Code pénal exclut le viol conjugal, que l’article 508 du Code pénal permet aux violeurs d’échapper à toute punition s’ils épousent leur victime et que l’article 548 du Code pénal exempte de sanctions les auteurs de crime d’«honneur». Le Comité est en outre préoccupé par le manque d’informations, en particulier de données statistiques, sur les plaintes, les poursuites et les condamnations dans les affaires de violence au foyer (art. 1er, 2, 4, 12 et 16).

a) L’État partie devrait prendre immédiatement des mesures pour renforcer ses efforts visant à prévenir et à combattre la violence contre les femmes et les enfants et faire en sorte que la législation nationale couvre les nombreuses formes de violation commises contre les femmes, notamment en érigeant en infraction pénale le viol conjugal;

b) L’État partie est encouragé à participer directement aux programmes de réadaptation et d’assistance juridique et à mener de vastes campagnes de sensibilisation à l’intention des fonctionnaires (juges, membres du personnel judiciaire, agents chargés d’appliquer la loi et travailleurs sociaux) qui sont en contact direct avec les victimes;

c) L’État partie devrait fournir aux victimes qui déposent des plaintes pour viol, sévices et autres formes de violence fondée sur le sexe une protection contre les représailles;

d) L’État partie devrait également renforcer ses efforts dans le domaine de la recherche et de la collecte de données sur l’ampleur de la violence au foyer et fournir au Comité, dans son prochain rapport périodique, des données statistiques sur les plaintes, les poursuites et les condamnations.

Traite des personnes

28.Tout en se félicitant de la ratification de la Convention pour la répression de la traite des femmes et des enfants de 1921, de la Convention internationale relative à la répression de la traite des femmes majeures de 1933 et de la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui de 1950, le Comité note avec préoccupation l’absence générale d’informations sur l’ampleur de la traite dans l’État partie, notamment sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations dans des affaires de traite, ainsi que sur les mesures concrètes prises pour prévenir et combattre ce phénomène (art. 1er, 2, 4, 12 et 16).

Le Comité recommande l’adoption d’une loi spécifique contre la traite des personnes pour qualifier les crimes et fixer les peines appropriées et prévoir des mesures pour faciliter la réadaptation et la réintégration sociale des victimes. L’État partie devrait intensifier ses efforts pour prévenir et combattre la traite des femmes et des enfants, notamment en appliquant les lois en vigueur destinées à combattre la traite, en apportant une protection aux victimes et en leur assurant l’accès aux services médicaux, sociaux, de réadaptation et juridiques, ainsi qu’aux services de conseil, selon que de besoin. L’État partie devrait en outre instaurer des conditions propices à l’exercice par des victimes de leur droit de porter plainte, mener rapidement des enquêtes impartiales et efficaces sur toutes les allégations de traite de personnes et faire en sorte que les auteurs soient traduits en justice et que leur soient infligées des peines à la mesure de la gravité de leur crime.

Réparation et indemnisation des victimes de la torture, y compris les mesures de réadaptation

29.Le Comité note que le Code de procédure pénale et le Code pénal contiennent certaines dispositions sur le droit de saisir un tribunal compétent pour obtenir une indemnisation équitable, qui tienne compte de tout le préjudice matériel et psychologique subi. Il note avec préoccupation l’absence d’informations sur tout service de traitement et de réadaptation sociale des victimes et d’autres formes d’assistance, notamment en matière de réadaptation médicale et psychosociale (art. 14).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour assurer l’application effective de la loi et assurer à toutes les victimes d’actes de torture et de mauvais traitements un recours sous la forme d’une indemnisation appropriée et d’une réadaptation aussi complète que possible. Il devrait fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations sur les mesures de réparation et d’indemnisation ordonnées par les tribunaux dont ont bénéficié les victimes d’actes de torture ou leur famille pendant la période considérée. Cette information devrait inclure des données sur le nombre des demandes qui ont été déposées et de celles auxquelles il a été fait droit ainsi que sur les montants accordés et effectivement versés dans chaque cas. En outre, l’État partie devrait fournir des informations sur tout programme de réparation en cours, notamment pour le traitement des traumatismes, et sur d’autres formes de service de réadaptation fournis aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que sur l’affectation des ressources requises pour assurer le bon fonctionnement d’un tel programme.

Conditions de détention

30.Tout en notant que le règlement des prisons prévoit la fourniture de soins de santé aux prisonniers, le Comité est préoccupé par les informations faisant état de conditions de vie déplorables dans les lieux de détention, d’un surpeuplement des prisons, d’un manque d’hygiène, d’une alimentation insuffisante, de risques sanitaires et de soins de santé insuffisants. Il est également préoccupé par le fait que les mineurs ne sont pas séparés des adultes dans les lieux de détention (art. 11 et 16).

L’État partie devrait prendre d’urgence des mesures pour mettre les conditions de détention dans les postes de police, les prisons et les autres lieux de détention en conformité avec l’Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, notamment en:

a) Réduisant le surpeuplement carcéral, grâce en particulier au recours à des formes de détention non privatives de liberté et en veillant, dans le cas des mineurs, à ce que la détention ne soit utilisée qu’en dernier ressort;

b) Améliorant la nourriture et les soins de santé offerts aux détenus;

c) Améliorant les conditions de détention des mineurs, qui doivent être séparés des adultes;

d) Renforçant le contrôle judiciaire des conditions de détention.

Enfants en détention

31.Tout en prenant acte des informations émanant de l’État partie selon lesquelles les mineurs délinquants n’ont pas de casier judiciaire et ne sont pas passibles de la peine de mort, le Comité est préoccupé par le fait que la loi no 18 sur les délinquants mineurs ne s’applique qu’aux enfants âgés de moins de 15 ans (art. 2, 11 et 16).

L’État partie devrait classer toutes les personnes âgées de moins de 18 ans dans la catégorie des mineurs pour les faire bénéficier de la protection prévue dans la loi sur les délinquants mineurs.

Décès en détention

32.Le Comité note avec préoccupation les informations crédibles sur le nombre de décès en détention et sur les restrictions présumées au droit à un examen par un médecin légiste indépendant en cas de décès en détention (art. 12 et 16).

L’État partie devrait enquêter rapidement et de manière approfondie et impartiale sur tous les décès en détention et poursuivre ceux qui en sont responsables. Il devrait fournir au Comité des informations sur tout cas de décès en détention résultant d’actes de torture, de mauvais traitements ou d’une négligence volontaire. L’État partie devrait aussi assurer des examens par des médecins légistes indépendants et accepter les conclusions de ces examens en tant que preuves dans les affaires pénales et civiles.

Aveux obtenus par la contrainte

33.Le Comité est préoccupé par l’absence de disposition législative interdisant explicitement l’utilisation d’aveux et de déclarations obtenus sous la torture comme éléments de preuve dans les procédures judiciaires. Il est alarmé par les informations selon lesquelles des aveux obtenus sous la torture sont utilisés comme éléments de preuve par les tribunaux, en particulier par la Cour suprême de la sûreté de l’État et les tribunaux militaires, et que les affirmations des défenseurs selon lesquelles ils auraient été torturés ne font presque jamais l’objet d’une enquête (art. 15).

L’État partie devrait modifier le Code de procédure pénale en vue d’interdire explicitement l’utilisation de toute déclaration obtenue sous la torture comme éléments de preuve dans une procédure judiciaire. Il devrait également prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que, conformément aux dispositions de la Convention, les déclarations faites sous la torture ne puissent pas être invoquées en tant qu’éléments de preuve dans de telles procédures sauf contre des personnes accusées de torture. L’État partie est prié de revoir les condamnations pénales fondées uniquement sur des aveux, notamment celles prononcées par la Cour suprême de la sûreté de l’État et les tribunaux militaires en vue d’identifier celles qui reposent sur des éléments de preuve obtenus sous la torture ou par des mauvais traitements et prendre les mesures correctives requises.

Défenseurs des droits de l’homme

34.Le Comité est préoccupé par des informations faisant état d’actes persistants de harcèlement et de persécution, notamment de menaces et d’autres violations des droits de l’homme, à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme et par le fait que de tels actes restent impunis (art. 12 et 16).

L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que toutes les personnes, notamment les observateurs des droits de l’homme, soient protégées contre les actes d’intimidation ou de violence dont elles sont victimes du fait de leurs activités et jouissent des garanties relatives aux droits de l’homme, et qu’il soit enquêté rapidement et de manière impartiale et efficace sur de tels actes, que leurs auteurs soient poursuivis et punis et que les victimes soient indemnisées.

35.Le Comité préoccupé par le cas de Muhannad Al-Hassani, Président de l’Organisation syrienne des droits de l’homme (Swasiah), qui a été arrêté le 28 juillet 2009 et accusé d’«affaiblissement du sentiment national» et de «propagation de nouvelles fausses ou exagérées» dans le cadre de ses activités d’observation des délibérations de la Cour suprême de la sûreté de l’État. Le Comité est également préoccupé par le cas de Haytham al-Maleh, éminent avocat de 79 ans travaillant dans le domaine des droits de l’homme, qui a été maintes fois détenu et qui est actuellement jugé (art. 12 et 16).

Le Comité invite instamment l’État partie à fournir des informations sur la situation juridique et l’intégrité physique et mentale de Muhannad Al-Hassani, ainsi que sur le procès en cours de Haytham al-Maleh.

Institution nationale des droits de l’homme

36.Le Comité note avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore mis en place d’institution nationale pour promouvoir et protéger les droits de l’homme conformément aux Principes de Paris (art. 2).

L’État partie devrait mettre en place une institution nationale indépendante des droits de l’homme conformément aux Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris), qui figurent en annexe de la résolution 48/134 de l’Assemblée générale.

Collecte de données

37.Tout en notant que certaines statistiques ont été fournies, le Comité regrette l’absence de données globales et ventilées sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations pour des actes de torture imputés à des fonctionnaires chargés d’appliquer la loi, ainsi que sur la traite des personnes et la violence au foyer et sexuelle (art. 2, 12, 13 et 16).

L’État partie devrait mettre en place un système efficace en vue de recueillir toutes les données statistiques utiles pour le suivi de l’application de la Convention au niveau national, notamment sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations dans des affaires de torture et de mauvais traitements, et sur la traite des personnes et les actes de violence au foyer et sexuelle.

Coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies

38.Le Comité recommande à l’État partie de renforcer sa coopération avec les mécanismes des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, notamment en autorisant les visites, entre autres, du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme dans la lutte antiterroriste, du Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, du Groupe de travail sur la détention arbitraire et du Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme.

39.Le Comité recommande à l’État partie de songer à ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

40.L’État partie devrait songer à retirer sa réserve à l’article 20 de la Convention.

41.Le Comité recommande à l’État partie de songer à faire les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

42.Le Comité recommande à l’État partie de songer à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

43.Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments relatifs aux droits de l’homme de l’ONU auxquels il n’est pas encore partie, notamment la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

44.Le Comité invite l’État partie à soumettre son document de base en suivant les directives harmonisées pour l’établissement de rapports approuvées récemment par les organes chargés de surveiller l’application des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme (HRI/GEN/2/Rev.6).

45.L’État partie est encouragé à diffuser largement les rapports présentés au Comité et les présentes observations finales, dans les langues appropriées, par le biais des sites Web officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

46.Le Comité prie l’État partie de lui fournir, dans un délai d’un an, des informations sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations figurant aux paragraphes 15, 24, 25 et 35 du présent document.

47.L’État partie est invité à présenter son prochain rapport périodique, qui sera son deuxième, au plus tard le 14 mai 2014.