NATIONS UNIES

CAT

Convention contre

la torture et autres peines

ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants

Distr.GÉNÉRALE

CAT/C/73/Add.14 juillet 2005

FRANÇAISOriginal: RUSSE

COMITÉ CONTRE LA TORTURE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 19 DE LA CONVENTION

Troisièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 2003

Additif

[27 novembre 2003]

GÉORGIE*

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes Page

Introduction1 − 103

Articles 1 et 2 (Dispositions générales)11 − 246

Article 3 (Expulsion, refoulement, extradition)25 − 288

Article 4 (Peines pour actes de torture)29 − 349

Article 5 (Compétence de l’État dans les cas de torture)3510

Article 6 (Procédure régissant la détention des personnes soupçonnéesd’avoir commis des actes de torture)36 − 3911

Article 7 (Poursuites contre des personnes soupçonnées d’avoir commisdes actes de torture)40 − 4311

Article 8 (Extradition)44 − 4513

Article 9 (Entraide judiciaire)46 − 4813

Article 10 (Programmes de formation du personnel)49 − 5513

Article 11 (Contrôle de la procédure)56 − 7415

Article 12 (Enquête sur d’éventuels actes de torture)75 − 8220

Article 13 (Droit de porter plainte)83 − 8521

Article 14 (Réparation et réadaptation)86 − 8722

Article 15 (Déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue parla torture)88 − 9322

Article 16 (Autres formes de peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants)94 − 9523

Liste des annexes24

Introduction

1.La Géorgie a adhéré à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en septembre 1994. La Convention est entrée en vigueur pour la Géorgie en novembre 1994. En application de l’article 19 de celle‑ci, la Géorgie a présenté au Comité contre la torture en juin 1996 son rapport initial sur les mesures prises pour s’acquitter de ses obligations aux termes de la Convention.

2.En novembre 1999, soit dans les délais prescrits, la Géorgie a présenté son deuxième rapport périodique sur l’application de la Convention (CAT/C/48/Add.1), dans lequel il a été tenu compte des conclusions et recommandations que le Comité contre la torture avait adoptées à l’issue de l’examen du rapport initial. En mai 2001, le Comité contre la torture a examiné le deuxième rapport périodique et a adopté des conclusions et recommandations à l’issue de l’examen (A/56/44, par. 82). Pour donner effet à l’une des recommandations du Comité, le rapport avait été traduit dans la langue officielle du pays (le géorgien) et publié au Journal officiel. En outre, les textes du deuxième rapport périodique et des conclusions et recommandations du Comité ont été diffusés sur le site Web du Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire du Conseil de la sécurité nationale (www.dhr‑nsc.gov.ge) et sont ainsi accessibles à chacun.

3.Le troisième rapport périodique sur l’application de la Convention a été établi par le Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire du Conseil de la sécurité nationale, sous la direction du Secrétaire adjoint chargé de la protection des droits de l’homme dudit conseil. Depuis janvier 2000, cette institution est chargée d’établir les rapports du Gouvernement destinés aux organes conventionnels de l’ONU. Le Conseil de la sécurité nationale est un organe constitutionnel consultatif présidé par le Président de la Géorgie. Le présent rapport se fonde sur les informations communiquées par différents organes du pouvoir exécutif et des organisations non gouvernementales, sur des statistiques et d’autres sources.

4.Depuis la présentation du deuxième rapport périodique et son examen par le Comité contre la torture, la Géorgie a adopté une série de textes législatifs et réglementaires visant à prévenir la torture et d’autres formes de traitements illicites et à faire en sorte que les auteurs de tels actes soient systématiquement punis. Cette évolution est reflétée dans le détail dans les parties du présent rapport consacrées aux différents articles de la Convention. En outre, il convient d’appeler particulièrement l’attention du Comité sur l’acte normatif le plus récent dans ce domaine. Il s’agit du décret présidentiel no 468, daté du 27 septembre 2003, portant approbation du Plan d’action contre la torture en Géorgie pour 2003‑2005.

5.Le projet de cet acte normatif avait été élaboré par le Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire du Conseil de la sécurité nationale, dans le cadre d’un accord de coopération avec le Bureau de la dimension humaine de l’OSCE en Géorgie. Le projet de Plan d’action a été examiné au cours de deux tables rondes organisées dans la capitale, auxquelles ont participé de hauts fonctionnaires des ministères et départements intéressés, des représentants d’organisations internationales et d’organisations non gouvernementales locales. Le projet a été soumis à l’expertise du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE, qui en a donné une appréciation positive. Le Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire a examiné le projet de Plan d’action in situ − dans huit régions de la Géorgie − avec les personnels des organes chargés de l’application des lois et des parquets d’une cinquantaine de districts. Ces missions régionales ont également permis aux représentants du Département d’offrir aux personnels en question une formation en matière de lutte contre la torture. Les réunions qui ont été organisées dans les régions ont montré que les personnels des organes chargés de l’application des lois et des parquets, qui auront la possibilité de veiller concrètement à l’application des dispositions du Plan d’action, traitaient la question avec tout le sérieux et la compréhension nécessaires. Cela laisse à penser que l’exécution des directives prévues par le Plan d’action aura les effets escomptés. À cet égard, il convient de souligner que la coopération entre le Département du Conseil de la sécurité nationale et le Bureau de la dimension humaine de l’OSCE a été pleinement satisfaisante. Les deux parties partagent ce point de vue et entendent poursuivre cette coopération dans le cadre du suivi du Plan d’action.

6.Les principaux buts et objectifs du Plan d’action contre la torture en Géorgie pour 2003‑2005 sont les suivants:

La modification de la législation en vigueur et l’élaboration de nouveaux textes législatifs pour permettre à la Géorgie de s’acquitter de ses obligations internationales et pour assurer la conformité du droit interne avec les normes de l’ONU et du Conseil de l’Europe. Les institutions chargées de l’exécution de cette partie du Plan d’action sont la commission interministérielle provisoire à laquelle a été confié le soin de faire des propositions de réforme des organes chargés de l’application des lois et des organes de la sécurité (commission relevant du Conseil de la sécurité nationale), ainsi que les Ministères des affaires étrangères et de la justice;

La prévention de la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et sanction de tels actes, la disparition de la torture et autres traitements de ce type, l’engagement de poursuites pénales et administratives et l’application de sanctions à l’égard de toutes les personnes qui commettent de tels actes, l’élimination du sentiment d’impunité. La mise en œuvre de cette partie du Plan d’action incombe essentiellement au ministère public géorgien, mais les Ministères de l’intérieur et de la justice, les services du Défenseur du peuple (Médiateur) et les organisations non gouvernementales de la Géorgie participeront également à l’exécution de certaines tâches;

La garantie que les traitements cruels, inhumains ou dégradants soient interdits dans le système d’exécution des peines, grâce à la réforme du système en question, à l’amélioration des conditions de vie, de l’alimentation et du suivi médical des personnes condamnées. L’essentiel des objectifs dans ce domaine incombe au Ministère de la justice, qui sera assisté de la Procurature, du Ministère du travail, de la santé publique et de la protection sociale ainsi que des organisations non gouvernementales de la Géorgie;

L’application de mesures spéciales de protection des femmes et des mineurs contre la torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants visant à éliminer complètement ce type d’actes et à améliorer les conditions de détention des mineurs, notamment la qualité de leur alimentation et des soins médicaux. L’exécution des tâches prévues dans cette partie du Plan d’action incombe à la Procurature et aux Ministères de l’intérieur, de la justice et de l’éducation;

Le suivi permanent de la situation dans le domaine de la lutte contre la torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants avec, comme objectif, la supervision de l’exécution du Plan d’action, la mise en évidence et l’analyse des problèmes existants et l’élaboration de recommandations concernant les moyens de les surmonter. Conformément au Plan d’action, les ministères et les départements chargés de son exécution sont tenus d’assurer un contrôle interne et de présenter annuellement un rapport au Président de la République. En outre, un contrôle extérieur auquel participent le Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire du Conseil de la sécurité nationale et les services du Médiateur est également effectué. Les différentes étapes du suivi et les résultats obtenus seront largement diffusés à travers le site Web du Département des droits de l’homme et par l’intermédiaire des médias et des organisations non gouvernementales géorgiennes concernées.

7.Il convient de souligner en particulier que, lors de l’élaboration du Plan d’action contre la torture, les recommandations du Comité contre la torture ont été scrupuleusement prises en compte. Comme indiqué plus loin dans les sections pertinentes du présent rapport, ce Plan n’est pas le premier texte normatif du genre. Sa particularité réside dans le fait que la lutte contre la torture y est abordée selon une approche globale et coordonnée faisant activement appel aux capacités de la société civile dans ce domaine. Ses objectifs prioritaires ont été définis en fonction des institutions où le problème de la lutte contre la torture et les autres traitements interdits et illégaux est le plus grave. Fait notable, l’exécution des mesures prévues dans le Plan d’action ne nécessite généralement pas de crédits supplémentaires, ce qui n’est pas sans importance dans un pays comme la Géorgie. Par exemple, le budget de l’État prévoit toujours des fonds destinés à l’amélioration des conditions de détention et de la qualité des repas des détenus. Parallèlement, l’accent est mis dans le Plan d’action sur la nécessité de mieux répartir les moyens et ressources disponibles et des délais stricts mais réalistes sont fixés pour l’application de chacune des mesures prévues. Il convient d’ajouter à ce propos que, lors de la Réunion supplémentaire sur la dimension humaine consacrée à la prévention de la torture, qui a eu lieu à Vienne en novembre 2003 et à laquelle ont participé des représentants des pays membres de l’OSCE, le Plan d’action a été accueilli favorablement. En particulier, des participants ont fait observer qu’il serait utile d’élaborer et d’exécuter des plans de ce type dans d’autres pays membres de l’OSCE également. On trouvera la traduction anglaise du Plan d’action et du décret présidentiel pertinent en annexe au présent rapport.

8.Comme indiqué dans le deuxième rapport périodique, la Géorgie a adhéré à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et aux protocoles s’y rapportant. En mai 2001, la Géorgie a accueilli pour la première fois une délégation du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). Conformément au mandat de cet organe, la délégation a pu avoir librement accès durant sa visite aux établissements et aux institutions dans lesquels les probabilités de mettre au jour des cas de torture ou de traitements cruels, inhumains et dégradants étaient les plus fortes. À la suite de cette visite, le CPT a établi un rapport et élaboré des recommandations à l’intention du Gouvernement géorgien, qu’il a publiés, avec l’accord de ce dernier, en anglais, puis en géorgien également (document du CPT publié sous la cote CPT/Inf (2002) 14). Le Gouvernement géorgien collabore étroitement avec le CPT et est attentif à son point de vue. En particulier, plusieurs de ses recommandations sont prises en compte dans le Plan d’action contre la torture. Le CPT a prévu d’effectuer une nouvelle visite en Géorgie fin 2003.

9.Lors de l’examen du deuxième rapport périodique, les membres du Comité ont recommandé à la Géorgie d’envisager de faire la déclaration prévue à l’article 22 de la Convention. Pendant la période couverte par le présent rapport, la Géorgie a suivi cette recommandation en déclarant qu’elle reconnaissait la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications présentées par ou pour le compte de particuliers relevant de sa juridiction qui prétendent être victimes d’une violation, par un État partie, des dispositions de la Convention. En outre, dans le cadre du Plan d’action contre la torture, le Ministère des affaires étrangères et le Ministère de la justice ont été chargés d’élaborer avant la fin 2003 des propositions concernant la ratification du Protocole additionnel à la Convention.

10.Pendant la période considérée, la Convention contre la torture a été traduite plusieurs fois en géorgien, principalement par des organisations non gouvernementales.

Articles 1 et 2 (Dispositions générales)

11.Dans ses recommandations formulées à l’issue de l’examen du deuxième rapport périodique relatif à l’application par la Géorgie de la Convention contre la torture, le Comité contre la torture avait recommandé à l’État partie de modifier sa législation pénale nationale en vue d’y intégrer une définition de la torture pleinement compatible avec la définition donnée à l’article premier de la Convention, et de prévoir des peines appropriées (A/50/44, par. 82 a)).

12.Le 17 mai 2002, le Président de la République a promulgué le décret n° 240 sur les mesures visant à renforcer la protection des droits de l’homme en Géorgie, conformément auquel il a notamment chargé le Ministère de la justice «de présenter des propositions au sujet de la compatibilité de la notion de “torture” selon la définition du Code pénal géorgien avec les dispositions de la Convention contre la torture … et d’établir un projet de loi visant à apporter les modifications nécessaires au Code pénal géorgien». Le Ministère de la justice a donc élaboré un projet de loi tendant à modifier et à compléter le Code pénal géorgien, qui a été adopté par le Parlement en juin 2003. En vertu de ce texte, l’article 335 du Code pénal (déclarations, dépositions ou conclusions obtenues par la contrainte) figurant dans le chapitre relatif aux infractions commises par les fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions a été complété. Le nouvel article 335, tel que modifié, prévoit que le fait, pour un fonctionnaire ou toute personne assimilée, de contraindre un suspect à faire des déclarations ou des dépositions, ou d’obliger un expert à rendre des conclusions en recourant à la menace, à la tromperie, au chantage ou à tout autre moyen illicite est passible d’une peine de deux à cinq ans d’emprisonnement et de la révocation ou de l’interdiction d’exercer certaines fonctions pendant une période pouvant atteindre cinq ans. Les mêmes actes accompagnés de violences mettant en péril la vie ou la santé ou de menaces de telles violences, ou encore d’actes de torture, sont punis d’une peine d’emprisonnement de quatre à dix ans et de la révocation ou de l’interdiction d’exercer certaines fonctions pendant une période pouvant atteindre cinq ans.

13.L’analyse du nouvel article 335 du Code pénal montre que, dans l’ensemble, il reprend la définition de la torture telle qu’elle figure à l’article premier de la Convention. Cet article prévoit en outre des peines relativement lourdes. Il convient de préciser que le Code pénal réprime les voies de fait (art. 125) et la torture (art. 126), mais que les articles pertinents figurent dans le chapitre intitulé «crimes contre la santé des personnes». Les dispositions de l’article 335 du Code pénal érigent en crime le recours à la torture et à d’autres traitements illégaux par un agent de l’État, facilitent la qualification des faits de ce type et permettent de déterminer plus précisément la nature concrète de ces actes et les peines qu’ils emportent.

14.Conformément au Plan d’action, le Ministère de la justice a été chargé d’établir avant la fin 2003 un projet de loi faisant du fait que la victime d’un acte de torture soit une femme une circonstance aggravante.

15.En février 2002, le Président de la République a signé un décret par lequel il a chargé les Ministères de l’intérieur et de la justice et la Procurature de prévoir conjointement des mesures pour donner effet à sa décision de faire de la Géorgie une «zone exempte de torture», initiative qu’il avait lancée fin 2001 et qui avait recueilli un large soutien aussi bien des pouvoirs publics que de la société civile. Ces mesures d’application ont été mises au point et sont en cours d’exécution. De plus amples informations à ce sujet figurent ci‑après dans les sections pertinentes du présent rapport.

16.Les renseignements fournis dans le deuxième rapport périodique sur les dispositions constitutionnelles et juridiques visant à prévenir les actes de torture sont toujours d’actualité. Par ailleurs, la législation a subi des modifications qui revêtent une grande importance du point de vue du renforcement de la protection contre le recours à la torture et à d’autres traitements contraires à la loi.

17.Le 29 janvier 2003, la Cour constitutionnelle a examiné le recours en inconstitutionnalité introduit par le médiateur et plusieurs organisations non gouvernementales au sujet d’un certain nombre de dispositions du Code de procédure pénale, qui a été confirmé en partie. Il s’agissait des règles qui régissent la détention et l’exercice du droit à un défenseur. Les principales décisions de la Cour sur la question sont reproduites ci‑après.

18.La Cour constitutionnelle a accordé une importance considérable à la définition du moment précis de l’arrestation et déclaré: «Une personne est réputée être en détention dès le moment où, dans les cas et pour les motifs prévus par la loi, une personne spécialement habilitée à procéder à une arrestation impose une restriction aux droits que lui garantit la Constitution.».

19.La Cour a déclaré anticonstitutionnels les motifs de détention ci‑après, qui étaient prévus dans les règles de procédure antérieures:

Nécessité de présenter la personne à la police;

Absence de domicile fixe;

Impossibilité d’établir l’identité de l’individu;

Existence d’«autres éléments de preuve».

20.La Cour a également précisé que seules les personnes officiellement reconnues en tant que suspects peuvent être détenues.

21.Dans sa décision, la Cour constitutionnelle a fait ressortir ce qui suit: «Dès leur arrestation les personnes doivent être informées de leurs droits et avoir la possibilité d’exercer les droits ci‑après:

Le droit de garder le silence;

Le droit de ne pas s’incriminer soi‑même;

Le droit d’être assisté d’un défenseur.».

22.À propos de la dernière disposition ci‑dessus, la Cour a estimé nécessaire de préciser que «les suspects mis en détention peuvent demander l’assistance d’un conseil non seulement avant l’(le premier) interrogatoire, mais dès leur arrestation, afin de préserver leurs intérêts légitimes et d’être représentés en justice par une personne compétente».

23.Il convient aussi d’informer le Comité d’un certain nombre de modifications qui ont été apportées à la législation géorgienne à la suite de la décision de la Cour constitutionnelle. La Cour a en effet précisé: «La limite réglementaire de la durée des entretiens qui ont lieu en privé entre (les détenus) et leur conseil (une heure par jour) est inconstitutionnelle … parce que la durée de cet entretien devrait dépendre de la complexité de l’affaire pénale. De plus, cette restriction ne devrait pas servir à entraver intentionnellement l’action de l’une ou l’autre des parties à la procédure, les deux parties jouissant des mêmes droits.». Enfin, la Cour a considéré que l’entité compétente doit ajourner une mesure d’instruction ou une audience si l’avocat est empêché pour des raisons valables.

24.Il est à noter par ailleurs qu’il arrive, dans la pratique, que se produisent des violations de la durée de garde à vue de 72 heures prévue dans la Constitution et dans la loi. C’est pourquoi l’Inspection générale du Ministère de l’intérieur procède, par exemple, à des vérifications programmées ou inopinées dans des postes de garde et des locaux de détention de la police. Soixante‑cinq inspections de cet ordre ont été effectuées en 2002 et ont donné lieu à des sanctions disciplinaires à l’encontre des personnes qui s’étaient rendues coupables des délits susvisés; 26 personnes ont été démises de leurs fonctions. Selon des chiffres du Département de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice, en 2001, 238 gardés à vue ont été transférés dans des prisons au mépris des délais réglementaires; au cours des 10 premiers mois de 2002, cette tendance s’est ralentie et le nombre de cas de ce genre a été de 136. D’après les statistiques les plus récentes du Ministère de l’intérieur, de janvier à juillet 2003, seules 12 personnes ont été gardées en détention après expiration de la durée maximale de garde à vue, qui est de 72 heures. On peut donc constater que les obligations prévues dans la législation commencent à être beaucoup mieux respectées.

Article 3 (Expulsion, refoulement, extradition)

25.Pendant la période couverte par le présent rapport, certaines modifications ont été apportées aux dispositions du Code de procédure pénale régissant l’expulsion, le refoulement et l’extradition s’agissant de la procédure et des formalités administratives liées à ces mesures. En particulier, l’article 257 du Code de procédure pénale, selon lequel, notamment, l’extradition d’une personne n’est pas acceptable lorsqu’il y a prescription pour l’infraction visée, en vertu du Code pénal géorgien, a été modifié par l’adjonction de la réserve suivante: «sauf disposition contraire des accords internationaux conclus par la Géorgie».

26.Comme indiqué dans le deuxième rapport périodique, en devenant membre du Conseil de l’Europe, la Géorgie s’est engagée à adhérer à la Convention européenne d’extradition. En février 2001, le Parlement a ratifié cet instrument. En outre, la Géorgie est partie à la Convention de Minsk de 1993 sur les relations juridiques et l’entraide judiciaire en matière civile, familiale et commerciale, qui réglemente notamment toute une série de questions liées à l’extradition.

27.Pendant la période considérée, des affaires liées à l’extradition d’un certain nombre de ressortissants de la Fédération de Russie d’origine tchétchène, qui avaient passé la frontière et se trouvaient en territoire géorgien, ont fait grand bruit. La Procurature de la Fédération de Russie avait adressé une demande d’extradition aux organes compétents de la Géorgie, au motif que ces personnes avaient commis des infractions sur le territoire russe. Une fois remplies les formalités prévues par la loi, quelques-unes d’entre elles avaient été remises aux autorités russes. Auparavant, les autorités géorgiennes compétentes avaient reçu des assurances officielles de la Procurature générale de la Fédération de Russie selon lesquelles «ces personnes jouiraient de tous […] les droits de la défense et ne seraient pas soumises à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants» (lettre en date du 27 septembre 2002). Après avoir procédé à des vérifications, les autorités géorgiennes ont découvert que certaines des personnes qui avaient passé la frontière étaient de nationalité géorgienne, ce qui excluait automatiquement toute possibilité d’extradition, étant donné que la Convention de Minsk (art. 57) et l’accord d’entraide judiciaire conclu entre la Géorgie et la Fédération de Russie (art. 62) interdisent sans ambiguïté l’extradition de ressortissants de l’un de ces États vers l’autre.

28.Dans le contexte de cette affaire, une partie de ce groupe de Tchétchènes a saisi la Cour européenne des droits de l’homme, en invoquant en particulier une violation de l’article 3 (Interdiction de la torture) de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La requête a été déclarée recevable, mais la Cour n’en a pas encore délibéré au fond.

Article 4 (Peines pour actes de torture)

29.Selon la Procurature de Géorgie, pendant la période allant de 2000 à la fin du premier semestre de 2003, 55 poursuites pénales ont été engagées par le ministère public pour des actes illicites divers (24 en 2000 et 2001 et 31 en 2002 et au cours des six premiers mois de 2003). Une vingtaine de cas étaient motivés par des manquements de fonctionnaires − dépassement de compétences ou abus de pouvoir, mise en détention illicite ou traitement inadmissible infligé à des détenus. Neuf policiers ont été mis en détention provisoire. En 2000 et 2001, les accusés ont été reconnus coupables des faits dans deux affaires seulement. En 2002 et au cours des six premiers mois de 2003, quatre affaires pénales ont été déférées devant les tribunaux pour examen au fond, et quatre autres affaires font l’objet d’une enquête préliminaire.

30.La Procurature générale et les parquets ont mis en service une ligne téléphonique permettant à quiconque d’entrer en contact à tout moment avec un magistrat du parquet pour dénoncer une violation de ses droits. La Procurature suit de près les cas de violence physique illicite à l’encontre des détenus et des personnes en garde à vue commis par des policiers en vue, le cas échéant, de mener une enquête et de poursuivre les coupables. En outre, au cours de la période considérée, un département chargé en particulier des droits de l’homme a été créé au sein de la Procurature générale, qui a notamment pour tâche de répondre sans délai aux plaintes émanant de particuliers et, dans la limite de ses attributions, de faire cesser les violations portées à son attention.

31.Le Ministère de l’intérieur a signalé que 287 dossiers concernant des enquêtes internes ouvertes à la suite d’actes interdits et de violations des droits de l’homme avaient été transmis à la Procurature en 2002. Ce chiffre est en hausse d’environ 25 % par rapport à celui de 2001. Outre les poursuites ainsi engagées, 92 policiers ont été destitués, dont 12 officiers de police de divers grades. Soixante-quatorze policiers ont été démis de leurs fonctions, dont 33 officiers de police de divers grades. Au total, 382 policiers ont subi des mesures disciplinaires, dont 177 ont fait l’objet d’un blâme et 198 d’un blâme sévère. Tous ces chiffres étaient nettement supérieurs à ceux de 2001.

32.Le Ministère de la justice signale qu’entre janvier et décembre 2002, 8 gardiens de prison ont fait l’objet de poursuites pénales, dont 4 pour manquement à leur devoir (art. 342, par. 1, du Code pénal), 2 pour excès de pouvoir (art. 333, par. 1) et 2 pour abus de pouvoir (art. 332, par. 1). De plus, pendant la même période, des mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre de 390 autres personnes. Cent soixante d’entre elles ont été démises de leurs fonctions pour manquement dans l’exécution de leurs fonctions et 84 ont été destituées. Les autres ont fait l’objet de sanctions disciplinaires plus ou moins sévères.

33.Par ailleurs, selon le Ministère de la justice, aucune plainte pour mauvais traitements infligés par des gardiens de prison n’a été présentée au service de protection des droits de l’homme du Département de l’administration pénitentiaire par des personnes en détention provisoire ou des condamnés, en 2002. Il y a lieu de souligner que la loi sur la privation de liberté et la loi sur le Médiateur permettent d’exercer librement ce genre de recours.

34.Un groupe dit de réaction rapide a été constitué au sein des services du Médiateur, dont le financement est assuré par le programme du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE. Ce groupe est habilité à inspecter les lieux de détention, y compris les postes de police, à recevoir des plaintes et à ouvrir promptement des enquêtes sur ces dernières. Les activités de ce groupe pendant la période considérée ont été plutôt efficaces. Ainsi, d’après le rapport du Médiateur portant sur les six premiers mois de 2002, elles ont permis au Médiateur de présenter 54 recommandations au Procureur général et au Ministre de l’intérieur au sujet de violations des droits de l’homme qui lui ont été signalées. Comme il est dit dans le rapport, l’intervention du Médiateur a permis dans un certain nombre de cas de rétablir les victimes dans leurs droits.

Article 5 (Compétence de l’État dans les cas de torture)

35.La situation législative présentée dans le rapport initial n’a pas changé mais, comme souligné dans le deuxième rapport périodique, son application au territoire tout entier est compliquée dans les faits par l’existence des républiques autoproclamées d’Abkhazie et de l’ex‑Ossétie du Sud où, de facto, l’État géorgien n’exerce pas sa compétence. Malheureusement, aucun progrès n’a été accompli vers un règlement de cette question pendant la période considérée. Toutefois, le Gouvernement géorgien réaffirme que ces circonstances ne l’autorisent en aucun cas à se soustraire aux responsabilités découlant de la Convention, qui portent sur l’ensemble du territoire.

Article 6 (Procédure régissant la détention des personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de torture)

36.Comme indiqué précédemment (par. 17 à 21), toute une série de mesures novatrices ont été adoptées en ce qui concerne la détention des personnes à la suite d’une décision de la Cour constitutionnelle, dont les dispositions seront incorporées dans le nouveau Code de procédure pénale.

37.Il est à noter par ailleurs qu’il arrive, dans la pratique, que des violations de la durée légale et constitutionnelle de la garde à vue, qui est de 72 heures, se produisent. C’est pourquoi l’Inspection générale du Ministère de l’intérieur procède, par exemple, à des vérifications programmées ou inopinées dans les postes de garde et locaux de détention de la police. Soixante‑cinq inspections de cet ordre ont été effectuées en 2002 et ont donné lieu à des sanctions disciplinaires à l’encontre des personnes qui s’étaient rendues coupables des délits énumérés ci‑dessus et 26 personnes ont été démises de leurs fonctions.

38.Il convient de signaler qu’au cours de la période considérée, les organes chargés des enquêtes préliminaires ont été renforcés par la création en leur sein des deux nouvelles entités suivantes:

Une unité du service de la sécurité du Département de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice, qui est chargée des infractions commises dans les établissements pénitentiaires ainsi que des infractions au règlement commises par le personnel de ces établissements;

Une direction de la police relevant du Département de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice chargée de la répression des entraves à l’exécution des décisions judiciaires.

Les modifications susmentionnées ont été apportées à l’article 66 du Code de procédure pénale en mars 2002.

39.La disposition relative à l’indemnisation du préjudice résultant d’une garde à vue illégale et infondée qui avait été citée dans le deuxième rapport périodique (par. 51) est toujours en vigueur.

Article 7 (Poursuites contre des personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de torture)

40.Les renseignements fournis dans le deuxième rapport périodique concernant les garanties de la législation pénale donnant effet à l’article 7 de la Convention contre la torture, qui avaient été fournis dans le deuxième rapport périodique, sont toujours d’actualité.

41.Des mesures tendant à appliquer la décision du Président de faire de la Géorgie une «zone ’exempte de torture» (voir plus haut, par. 15) ont été mises au point et sont en cours d’exécution. Le plan élaboré à cet effet par la Procurature prévoit ce qui suit:

Les parquets vérifieront systématiquement ce qui aura été fait par les agents de la force publique pour prévenir et déceler les cas de torture et autres formes de comportement illicite, et prendront si nécessaire les mesures prévues par la loi pour en poursuivre les auteurs;

Il sera procédé à des vérifications du même ordre (et à des enquêtes si nécessaire) en cas de plainte déposée par les citoyens et leurs avocats et d’allégations avancées dans les médias;

Les services chargés de superviser l’activité des organes d’instruction et d’enquête préliminaire ainsi que de l’administration pénitentiaire suivront le déroulement des vérifications ou des enquêtes concernant les cas de châtiments corporels illicites infligés aux personnes incarcérées et en détention provisoire;

Les services centraux et locaux du Ministère de l’intérieur informeront sans délai les parquets de tous les cas de torture ou autres formes de comportement illicite dont ils auront connaissance et feront rapport sur les mesures prises à cet égard;

Si une personne en détention provisoire présente des lésions corporelles, les responsables du Département des affaires pénitentiaires du Ministère de la justice transmettront immédiatement le dossier au ministère public pour suite à donner;

La Procurature est appelée à coopérer avec la Commission parlementaire des droits de l’homme, le Médiateur, le Département de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice et d’autres entités compétentes.

42.Dans le décret promulgué en mai 2002 sur les mesures visant à renforcer la protection des droits de l’homme en Géorgie, le Président de la République demande à la Procurature:

«b)D’engager des poursuites pénales et d’ouvrir une enquête lorsqu’il est constaté qu’une personne dont la liberté est restreinte présente des lésions corporelles;

c)De prévoir des mesures de surveillance spéciale dans les lieux de détention afin de déceler et de faire cesser les cas de torture et de peines et traitements dégradants et d’en poursuivre les auteurs.».

43.Des renseignements ont été déjà été donnés plus haut sur les mesures appliquées par la Procurature en vue de donner effet aux décisions du Président de la République ainsi que sur les résultats concrets auxquels ont abouti les poursuites lancées contre les auteurs d’actes de torture et d’autres types de traitements contraires à la loi. Il convient toutefois de préciser que, dans toute une série de cas, les poursuites pénales ont été engagées sur la base d’allégations publiées dans la presse et d’informations diffusées à la télévision et qu’en général les informations judiciaires ouvertes sur ce type d’affaires ont débouché sur des condamnations avec sursis.

Article 8 (Extradition)

44.On trouvera dans la partie du deuxième rapport périodique consacrée à l’article 8 de la Convention des renseignements complets sur la législation relative à l’extradition.

45.Concrètement, d’après la Procurature, au cours de la période 2000-2003, les autorités géorgiennes n’ont pas eu à demander l’extradition d’auteurs présumés d’actes de torture ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Par ailleurs, la Géorgie n’a pas non plus reçu de demandes d’extradition pendant la période considérée.

Article 9 (Entraide judiciaire)

46.À la suite de la ratification par la Géorgie du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, les dispositions du Code de procédure pénale régissant la question de l’entraide judiciaire ont subi un certain nombre de modifications. Ainsi, l’article 252 dudit Code prévoit désormais que, lorsqu’un non-ressortissant ou un apatride ayant commis une infraction sur le territoire géorgien a quitté le pays, tous les éléments du dossier le concernant doivent être remis au Procureur et/ou à un autre organe habilité par la législation géorgienne à coopérer avec la Cour pénale internationale, afin que le dossier soit transmis à l’organe compétent de l’État concerné ou à la Cour pour que l’action pénale suive son cours.

47.En mai 2003, le Parlement géorgien a ratifié un accord avec les États-Unis d’Amérique concernant la remise de suspects à la Cour pénale internationale, qui prévoit que chacune des parties s’engage à ne pas remettre de ressortissants de l’autre partie qui se trouvent sur son territoire à la Cour pénale internationale sans le consentement de l’autre partie. Il convient de signaler que l’une des dispositions dudit accord stipule qu’il prend en compte l’article 98 du Statut de Rome, lequel a trait à la question de la coopération entre la Cour et les États parties, s’agissant de la levée de l’immunité et la remise d’individus.

48.En juin 2003, le Parlement géorgien a ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Article 10 (Programmes de formation du personnel)

49.Suite à la recommandation du Comité selon laquelle l’État partie devrait veiller à ce que «les forces de police et le personnel pénitentiaire reçoivent une formation en matière de droits de l’homme, s’agissant en particulier de l’interdiction de la torture», il convient de signaler qu’un certain nombre de mesures concrètes ont déjà été adoptées en ce sens.

50.Parmi les dispositions qui ont été prises, on peut citer la demande faite dans le décret présidentiel no 240 (voir par. 12 du présent rapport) aux services concernés «de relever le niveau de la formation du personnel des membres du Parquet, des policiers et des gardiens de prison afin de prévenir les actes de torture et autres formes de comportement illicite et d’organiser des cours de formation spéciaux pour apprendre aux experts et au personnel médical à déceler les cas de torture et à en apporter des preuves».

51.En 2002, des représentants du Ministère de l’intérieur ont participé à un certain nombre d’activités de formation, dont les suivantes:

Des cours de perfectionnement sur le fondement législatif des droits de l’homme et des libertés fondamentales ont été organisés à la mi-mai par le Programme des Nations Unies pour le développement, l’ambassade des Pays‑Bas en Géorgie, le Médiateur et le Ministère de l’intérieur;

Un séminaire sur la protection des droits de l’homme et le travail de la police a été organisé en juin à l’Académie du Ministère de l’intérieur, avec la participation de fonctionnaires du bureau du Médiateur, de la Procurature, et des services de l’intérieur chargés d’activités dans le domaine des droits de l’homme;

Un séminaire sur l’organisation du travail de la police et l’élaboration d’un code d’éthique de la police a été organisé en octobre avec la participation d’experts du Conseil de l’Europe;

Un séminaire a été organisé en novembre par le bureau du Médiateur, avec l’aide du Conseil de l’Europe, sur les moyens de prévenir l’infliction de traitements illicites aux détenus par les membres de la police;

Un séminaire sur la situation des droits de l’homme en Géorgie et les normes européennes en matière de droits de l’homme a eu lieu en novembre à l’Académie du Ministère de l’intérieur;

Un projet intitulé «Séminaires organisés dans des commissariats de police et surveillance des installations de mise en détention provisoire», organisé conjointement par le Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire du Conseil de la sécurité nationale, et l’organisation non gouvernementale Ex-prisonniers politiques pour les droits de l’homme, a été exécuté de novembre 2002 à juin 2003. Il comprenait l’organisation de cours de formation aux droits de l’homme destinés à des policiers dans 45 commissariats de police du pays.

52.Le programme d’études de l’Académie du Ministère de l’intérieur prévoit un certain nombre de cours et de séminaires sur le thème de la protection des droits de l’homme. Les mesures de prévention de la torture et des autres traitements inhumains et dégradants font l’objet d’un enseignement à part, quatre cours et deux séminaires étant consacrés à ces questions.

53.Au cours des entretiens d’évaluation que doivent passer les fonctionnaires du Ministère de l’intérieur, une attention particulière est accordée à la connaissance qu’ont les membres des forces de l’ordre des dispositions et garanties constitutionnelles liées aux droits de l’homme et, en particulier, l’interdiction de la torture, et à l’interprétation qu’ils en donnent.

54.Comme indiqué plus haut, le Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire du Conseil de sécurité nationale a organisé des cours de formation en juin et août 2003 dans le cadre de l’élaboration du plan d’action contre la torture. Cet organe a tenu des séminaires sur le thème de la lutte contre la torture dans huit des principales régions de la Géorgie, auxquels ont participé des responsables des organes chargés de l’application des lois et des parquets d’une cinquantaine de districts (soit près de 300 personnes). Les questions suivantes ont été abordées: а) la Convention contre la torture, ses grandes lignes et les principales obligations incombant à la Géorgie en vertu de cet instrument et b) la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants et les attributions, pouvoirs et activités du CPT en Géorgie. Des représentants de la Mission de l’OSCE en Géorgie y ont également participé.

55.D’après des informations communiquées par le Ministère du travail, de la santé et de la protection sociale, des travaux sont en cours en vue de mettre en place des programmes de spécialisation en médecine légale destinés à former en internat des spécialistes capables de reconnaître les indices de tortures ou d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants ainsi que les séquelles de pressions psychologiques illicites qui entrent dans le champ de la définition de la torture telle qu’elle figure dans la Convention.

Article 11 (Contrôle de la procédure)

56.Dans l’ensemble, les normes constitutionnelles et juridiques garantissant l’application des dispositions de l’article 11 de la Convention contre la torture sont toujours en vigueur. Par ailleurs, un projet de loi sur la privation de liberté, où les modalités et la procédure de la détention avant jugement et de l’exécution des peines sont clairement définies, a été adopté en juillet 1999. Ce texte a globalement acquis force de loi en janvier 2000, mais certaines de ses dispositions ne sont entrées en vigueur qu’en 2002 (notamment celles fixant le nombre de m2 par détenu et certaines modalités d’exécution des peines prononcées contre des mineurs). En janvier 2004 entrera en vigueur une disposition de cette loi en vertu de laquelle tout détenu ne maîtrisant pas la langue officielle (le géorgien) doit être informé de ses droits, du règlement de l’établissement et des obligations qui lui incombent dans sa langue maternelle ou dans une langue qu’il comprend (art. 21, par. 4).

57.La loi sur la privation de liberté est entrée en vigueur précisément au moment où l’administration pénitentiaire, qui relevait du Ministère de l’intérieur, est passée sous la tutelle du Ministère de la justice. On trouvera ci‑après des renseignements sur les mesures concrètes prises dans le pays pendant la période considérée qui sont directement liées aux dispositions de l’article 11 de la Convention.

58.Comme indiqué précédemment, un décret présidentiel promulgué en février 2002 stipule que le Ministère de l’intérieur, le Ministère de la justice et la Procurature doivent prévoir des mesures pour donner effet à la décision du Président de faire de la Géorgie une «zone exempte de torture». Afin de traduire dans les faits ce décret (voir plus haut, par. 15) et son propre plan d’action, le Ministère de l’intérieur s’emploie actuellement à:

Organiser à l’intention du personnel une formation et des conférences sur le caractère inadmissible de la torture et des autres traitements illicites;

Créer une ligne téléphonique spéciale et en informer le public par l’intermédiaire des médias;

Procéder à des inspections inopinées des lieux de détention afin de faire apparaître au grand jour les cas de torture et autres traitements illicites;

Procéder à des actions préventives afin de déceler les cas de garde à vue prolongée au‑delà des délais réglementaires, ou de détenus présentant des lésions corporelles, et prendre des mesures à cet égard;

Prévoir la présentation régulière, au cours de réunions élargies du conseil du Ministère de l’intérieur, de rapports des directeurs des services de l’intérieur centraux et locaux et de fonctionnaires de l’Inspection générale du Ministère sur les initiatives prises pour déceler les cas de torture et autres formes de traitement illicite, et les mesures prises en pareil cas;

Établir des liens étroits avec les organisations non gouvernementales afin de déceler les cas de torture et autres formes de traitement illicite et de prendre rapidement des mesures à cet égard.

Droits et garanties des personnes soumises à une mesure restrictive de liberté

59.Les mesures prises par le Ministère de la justice pour mettre en œuvre son plan d’action sont les suivantes:

Des principes généraux ont été élaborés en vue de réformer radicalement le système pénitentiaire afin d’instaurer des conditions plus humaines dans les lieux de détention, conformément aux normes internationales en vigueur en la matière;

Un système de surveillance spécial a été mis en place à l’intention des personnes en détention avant jugement qui présentent des lésions corporelles, soit à leur arrivée dans l’établissement pénitentiaire, soit au cours de leur séjour. En pareil cas, quelles que soient les raisons avancées par le détenu pour expliquer ces lésions, le dossier sera immédiatement transmis au parquet;

Un poste de médecin spécialiste a été créé au Département de l’administration pénitentiaire; le titulaire est chargé notamment de procéder à un examen médical de toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire présentant des lésions corporelles;

Un organe indépendant de surveillance a été créé à l’intérieur du Ministère; une de ses principales fonctions consiste à déceler et à prévenir les violations des droits de l’homme, les actes de torture et autres formes de traitement illicite, etc. Ses membres peuvent visiter librement les établissements pénitentiaires et s’entretenir avec les détenus. Pour exercer ce contrôle, il possède la liste des personnes maintenues dans des lieux de détention au-delà des délais réglementaires, ou qui présentent des lésions corporelles;

Un département créé au sein du Ministère de la justice est chargé de réformer et de surveiller le système pénitentiaire; il a notamment pour tâche d’élaborer des recommandations au sujet de la défense des droits des détenus condamnés. Les fonctionnaires du département s’enquièrent régulièrement du point de vue des détenus eux‑mêmes;

Des commissions permanentes ont été créées dans les établissements pénitentiaires pour encourager l’adoption de mesures visant à prévenir les actes de torture et autres traitements cruels et inhumains et aider les autorités pénitentiaires à résoudre les problèmes qui touchent aux équipements collectifs, à l’alimentation, aux soins médicaux, au travail et à la formation des détenus;

Un programme de formation destiné aux gardiens de prison a été mis au point; il met l’accent sur les règles relatives au traitement des personnes privées de liberté figurant dans les instruments internationaux en vigueur. Il comprend des séminaires et des cours de formation, qui ont lieu au centre de formation du Ministère.

60.Selon des chiffres officiels, 39 détenus sont morts dans des établissements pénitentiaires relevant du Ministère de la justice en 2002. Vingt‑neuf sont morts de maladie, les 10 autres de mort violente (4 suicides, 5 homicides et 1 accident). Les décès pour cause de maladie se répartissaient comme suit: 9 cas d’insuffisance cardio‑vasculaire aiguë; 6 cas de tuberculose pulmonaire; 6 cas d’infarctus aigu du myocarde; 2 cas d’ischémie aiguë; 1 cas de cirrhose du foie, 1 de dystrophie alimentaire, 1 d’encéphalite, 1 de cardiosclérose artériosclérotique, 1 d’hémorragie cérébrale et 1 de cancer du poumon. Au cours des six premiers mois de 2003, 23 détenus sont décédés, dont 18 de maladies diverses et 5 de mort violente.

61.Le nombre de décès survenus dans des établissements pénitentiaires a légèrement augmenté en 2002 et de janvier à juin 2003 par rapport à 2001, année où il avait été de 31. Cependant, en 2000, le nombre de décès de prisonniers avait été de 52. Le nombre de décès dus à la tuberculose a sensiblement diminué, tombant à 6 en 2002, contre 13 en 2001 et 23 en 2000.

62.Quatre détenus se sont suicidés en 2002; il n’y avait pas eu de suicide en 2001, mais leur nombre avait été de 6 en 2000. Afin de réduire le nombre de suicides dans les établissements pénitentiaires, des médecins, des psychiatres et des neurologues du Département des affaires médicales du Ministère de la justice viennent sur place prendre en consultation les détenus psychiquement fragiles et déséquilibrés. En cas de nécessité, ces détenus sont hospitalisés ou bénéficient d’un traitement ambulatoire. Dans l’établissement pénitentiaire même, ils sont pris en charge et constamment suivis par le personnel médical.

63.En règle générale, lorsqu’un détenu meurt, la nouvelle est transmise au service de garde du Département de l’administration pénitentiaire du Ministère de la justice et au parquet compétent, qui engage la procédure requise par la loi.

64.En 2002, le Département des affaires médicales du Ministère de la justice a pris un certain nombre de mesures afin d’améliorer la qualité des soins médicaux dispensés dans les établissements pénitentiaires. Le Ministère de la justice a, notamment, adopté des dispositions intérimaires sur les hôpitaux pénitentiaires, et les services médicaux sont dorénavant indépendants du Département de l’administration pénitentiaire. Des programmes ont aussi été adoptés pour protéger la santé des personnes se trouvant dans des établissements qui relèvent du Département de l’administration pénitentiaire, ainsi que pour éviter la propagation du VIH/sida et autres maladies sexuellement transmissibles dans ces établissements. À l’issue d’un arrangement entre le Ministère de la justice et le Ministère du travail, de la santé et de la sécurité sociale, depuis janvier 2003 les bilans psychiatriques ne se font plus dans les hôpitaux pénitentiaires mais dans des établissements psychiatriques ordinaires.

65.Il convient de noter qu’un certain nombre de mesures pratiques ont été prises, comme suit:

Un service médical dûment équipé a été créé dans l’établissement d’éducation des mineurs délinquants;

Un service médical dûment équipé a été créé dans l’établissement pénitentiaire pour adultes no7;

Quatre salles du service hospitalier destiné aux détenus ont été rénovées avec l’aide et le soutien financier du Comité international de la Croix‑Rouge (CICR);

Pour mettre en application la stratégie de «traitement de brève durée sous surveillance directe (DOTS)», 10 cellules médicalisées destinées aux détenus atteints de tuberculose ont été rénovées. Ce programme est déjà en place dans l’établissement pénitentiaire de Rustavi.

66.En ce qui concerne les mesures prises pour éviter la propagation de la tuberculose dans les prisons, il importe de préciser qu’avec l’aide du CICR, des examens de dépistage de la tuberculose pulmonaire ont été effectués dans des établissements pénitentiaires, auxquels ont été soumis:

En 2001, 7 081 détenus, dont 446 se sont vu prescrire un traitement;

En 2002, 8 502 détenus, dont 458 se sont vu prescrire un traitement;

Au cours du premier semestre de 2003, 2 468 détenus, dont 234 se sont vu prescrire un traitement.

Tous les malades ont été soumis à un traitement de brève durée sous surveillance directe. La plupart des détenus ont été transférés dans un service pour tuberculeux pour y être traités; le reste étant soigné dans l’établissement où ils purgeaient leur peine.

67.Des médecins des prisons, des fonctionnaires du Département des affaires médicales du Ministère de la justice et des représentants du Ministère du travail, de la santé et de la sécurité sociale se rendent régulièrement dans les prisons pour procéder à des examens de dépistage ou donner des consultations aux détenus malades. C’est ainsi qu’en 2002, le Ministère de la justice a organisé 63 visites de fonctionnaires du Département des affaires médicales dans des prisons avec la participation d’équipes de médecins spécialistes. Au total, 2 060 détenus ont été soumis à un dépistage et ont fait l’objet d’un traitement approprié. Au cours du premier semestre de 2003, ces équipes ont vérifié l’état de santé de 596 détenus.

68.De plus, avec le concours du Centre national de prévention du VIH/sida, des personnes condamnées ou en détention avant jugement (y compris celles qui se trouvaient dans le service des tuberculeux et dans l’établissement pour mineurs délinquants) ont été soumises à un dépistage afin de détecter celles qui étaient infectées par le VIH et celles qui étaient atteintes du sida. En 2001, 456 personnes ont été soumises à cet examen contre 2 066 personnes en 2002 et 200 personnes au cours du premier semestre de 2003. Il s’est avéré que 16 personnes étaient infectées par le VIH; elles ont été enregistrées en conséquence. En janvier 2003, 11 prisonniers atteints du sida étaient en observation constante sous la vigilance du personnel du centre national de prévention de la propagation du sida et des médecins de la prison. Actuellement (novembre 2003), ces malades sont au nombre de 8.

69.Une importance particulière est accordée à l’examen visuel des personnes qui sont transférées des locaux de garde à vue vers les établissements pénitentiaires, ce afin de détecter d’éventuels traumatismes et lésions corporelles. Lorsqu’il en est découvert, un médecin‑légiste agréé par le Département des affaires médicales du Ministère de la justice établit un constat médical. En 2002, plus de 300 cas de lésions corporelles diverses constatées à l’occasion d’un transfert dans un établissement pénitentiaire ont été enregistrés. Au cours du premier semestre de 2003, on en recensait 259. Les résultats de l’enquête ouverte sur la base de ces constats sont communiqués au Ministère de la justice ainsi qu’aux parquets et aux avocats des intéressés.

70.En janvier 2003, le nombre total de patients se trouvant dans des hôpitaux pénitentiaires était de 1 696. En tout, 39 415 prisonniers avaient reçu un traitement ambulatoire. À la fin du premier semestre de 2003, leur nombre avait atteint 22 373 personnes.

71.En 2002, des spécialistes du Département des affaires médicales du Ministère de la justice se sont penchés tout particulièrement sur les questions d’assainissement et d’hygiène dans le système pénitentiaire. Il a ainsi été procédé à des inspections dans sept établissements pénitentiaires, quatre prisons, un service hospitalier pour personnes mises en détention avant jugement ou condamnées, à Tbilissi, et dans un service spécial pour tuberculeux. Les inspections étaient axées sur l’assainissement et l’hygiène dans l’établissement et dans les équipements collectifs. Un certain nombre d’irrégularités ont été constatées à cette occasion et des mesures ont été prises pour y remédier.

72.C’est ainsi que des mesures de désinfection et de dératisation ont été prises dans deux colonies et une prison. Les véhicules qui servent au transport des prisonniers sont désinfectés régulièrement.

73.Il est à noter que par suite de la diminution du nombre total de détenus, les dépenses d’alimentation par personne sont passées de 23 à 33 lari (environ 15 dollars É.‑U.), ce qui a permis d’améliorer la ration alimentaire et de porter la teneur en calories au niveau prévu par la loi, soit entre 2 753 et 2 964 kilocalories.

74.En octobre 2002, le Président de la République a promulgué une décision portant approbation du plan de réforme et de modernisation du système pénitentiaire du Ministère de la justice pour 2002‑2007. Comme l’a signalé cet organe, actuellement, seules les parties du plan dont la mise en œuvre ne nécessite pas de ressources importantes et celles qui sont financées par le Fonds d’affectation spéciale du Ministère sont exécutées de manière satisfaisante. S’agissant des autres activités prévues telles que l’élaboration de projets préparant la transition vers un système carcéral (coût: 85 000 lari), l’achèvement de la construction de la nouvelle prison de Rustavi (coût: 2 millions de lari), l’amélioration de la prestation des services publics de distribution dans les établissements pénitentiaires, les ressources budgétaires réservées à leur financement ont été insuffisantes ou n’ont pas été allouées du tout pendant la période considérée, ce qui est dû au fait que, ces dernières années, la Géorgie a connu des problèmes considérables d’exécution du budget, en particulier s’agissant des rentrées.

Article 12 (Enquête sur d’éventuels actes de torture)

75.Pendant la période considérée, les enquêtes ouvertes dans les cas où suffisamment d’éléments étaient réunis pour présumer que des actes de torture avaient été commis ont été menées conformément aux normes juridiques et aux procédures en vigueur décrites dans le deuxième rapport périodique de la Géorgie au Comité contre la torture (par. 95 à 99).

76.Lors de l’établissement du présent rapport, la Procurature et le Ministère de l’intérieur ont fourni des renseignements complets sur les affaires de traitements illicites impliquant des membres des forces de l’ordre qui ont été mises au jour et qui ont fait l’objet d’une enquête (voir plus haut, par. 29 et 31). L’examen de ces renseignements montre que, dans la plupart des cas, l’action pénale a été engagée pour violation des articles 118 (placement illégal en garde à vue ou en détention provisoire en connaissance de cause), 332 (excès d’autorité) et 333 (abus de pouvoir) du Code pénal. Les victimes de traitements cruels sont généralement des hommes adultes; il est très rare qu’on trouve des femmes ou des mineurs parmi elles. Dans les documents fournis par l’Inspection générale du Ministère de l’intérieur figure le cas (les faits datent de février 2002) d’un mineur, B. G., qui s’est plaint de violences physiques que lui auraient infligées des membres de la police. Le dossier de cette affaire a été transmis à la Procurature de Géorgie, qui n’a toutefois pas reçu confirmation des faits. S’agissant de l’origine ethnique des victimes, les documents qui ont été examinés ne donnent pas à penser que l’un des incidents recensés pendant la période considérée ait été fondé sur des considérations raciales. Parmi les victimes de bavures policières, l’écrasante majorité était de souche géorgienne.

77.Dans le cadre de l’application de l’article 12 de la Convention, il convient de rappeler que ce sont les parquets qui, dans tous les cas de recours présumé à la torture ou à d’autres formes de traitements illicites, lancent des poursuites et mènent l’enquête, sur la base d’informations communiquées par l’organe compétent du Ministère de l’intérieur.

78.Dans ses conclusions concernant le deuxième rapport périodique de la Géorgie, le Comité contre la torture s’est dit préoccupé par les «actes collectifs de violence contre les minorités religieuses» et l’inaction de la police face à ces incidents. Le Gouvernement géorgien partage les inquiétudes du Comité et tient à lui signaler que, pendant la période considérée, toute une série de mesures ont été prises en vue de prévenir et de sanctionner les actes de violence fondés sur l’appartenance religieuse. On trouvera en annexe au présent rapport une étude intitulée «L’intolérance religieuse: ses divers visages et les mesures visant à l’éliminer» (en anglais), qui a été établie par le Département de la protection des droits de l’homme et de la sécurité intellectuelle et humanitaire du Conseil de la sécurité nationale. Ce document contient des informations relativement détaillées aussi bien sur l’évolution historique de ce phénomène que sur la situation actuelle.

79.Dans ses recommandations, le Comité contre la torture a en outre mis l’accent sur le problème de la violence contre les femmes et de la traite. Le Gouvernement géorgien assure le Comité qu’il est pleinement conscient des dangers de cette infraction transnationale et se dit prêt à mobiliser tous les moyens dont il dispose afin de lutter contre ce phénomène dans le respect scrupuleux de la loi.

80.Le 17 janvier 2003, le Président de la République a signé un décret portant approbation du plan d’action contre la traite des personnes 2003‑2005, qui est joint en annexe au présent rapport dans une traduction anglaise. En prenant connaissance du contenu de ce décret, le Comité pourra juger si les mesures prévues dans le plan d’action donnent suite à ses recommandations. En relativement peu de temps, le Gouvernement géorgien a pris toute une série de mesures concrètes pour appliquer ce décret présidentiel. Des informations détaillées sur ce point figurent dans les deuxième et troisième rapports de la Géorgie concernant l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui ont été présentés en un rapport unique en novembre 2003 (par. 60 à 70).

81.Le rapport susmentionné contient des renseignements sur la lutte contre les coutumes dégradantes pour les femmes (par. 59) et les violences sexuelles contre les femmes (par. 76).

82.Comme indiqué plus haut, le plan national d’action contre la torture contient un volet consacré spécifiquement à la prévention de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, la répression et la réduction du nombre d’actes de ce type, l’ouverture de procédures pénales et administratives contre leurs auteurs présumés, le châtiment de tous les coupables et la lutte contre l’impunité. Dans cette partie du plan d’action, un certain nombre de mesures concrètes sont prévues, en particulier:

L’élaboration et le lancement d’un ensemble d’activités coordonnées que mèneront la Procurature et les Ministères de l’intérieur et de la justice en vue de mettre en lumière les actes de torture et autres formes de traitement illicite et les réprimer comme il convient (délai d’exécution: décembre 2003);

La création de conseils indépendants de contrôle social auprès de la Direction générale du Ministère de l’intérieur à Tbilissi et des départements régionaux du Ministère (délai d’exécution: février 2004). Les organisations non gouvernementales qui ont activement soutenu cette initiative participeront à sa mise en œuvre.

Article 13 (Droit de porter plainte)

83.On se rapportera au deuxième rapport périodique pour une description de la procédure pénale régissant le droit de saisir les autorités compétentes d’une plainte et de voir sa cause entendue sans délai et traitée avec impartialité. De manière générale, les dispositions pertinentes continuent d’être en vigueur. Il convient toutefois de signaler qu’une modification a été apportée en juin 2001 au paragraphe 3 de l’article 242 du Code de procédure pénale, aux termes de laquelle «toutes les parties engagées dans une poursuite ont le droit de porter plainte contre les actes et décisions de l’organe d’enquête ou du magistrat instructeur devant le tribunal, soit après que leur plainte a été rejetée par le Procureur, soit directement».

84.Conformément à la loi sur la privation de liberté, toute personne purgeant une peine d’emprisonnement a le droit de porter plainte si elle s’estime victime d’actes illicites commis par l’administration pénitentiaire, des fonctionnaires, le Département et d’autres organismes publics (art. 26, par. 1). En outre, l’administration pénitentiaire interdit tout acte tendant à retarder la communication de la plainte au tribunal, au Département, au défenseur du détenu ou au procureur ou à en vérifier le contenu (art. 26 par. 2).

85.Malheureusement, depuis l’examen du deuxième rapport périodique de la Géorgie par le Comité des droits de l’homme, aucune modification n’a été apportée à la législation en vigueur concernant le droit de l’inculpé de dénoncer devant un juge les mauvais traitements dont il a pu faire l’objet au cours de l’instruction préparatoire. Le paragraphe 4 de l’article 416 du Code de procédure pénale dispose qu’aucune requête ou plainte ne peut être présentée directement au tribunal tant que l’affaire n’a pas été renvoyée devant la juridiction de jugement. Toutefois, cette lacune sera comblée dans les meilleurs délais. En effet, conformément au plan d’action contre la torture, le Président de la République a prié une commission interministérielle temporaire chargée d’élaborer avant fin 2003 des propositions concernant la réforme des autorités de police et des organes chargés de la sécurité près le Conseil de la sécurité nationale d’établir des projets de nouvelles dispositions à intégrer dans le Code de procédure pénale concernant le droit de tout inculpé de porter plainte pour mauvais traitements à n’importe quel stade de la procédure. Il convient de souligner à cet égard que cette commission travaille actuellement à un projet de nouveau Code de procédure pénale qui contiendra justement une disposition de ce type.

Article 14 (Réparation et réadaptation)

86.Les renseignements fournis dans la section du deuxième rapport périodique consacrée à l’article 14 de la Convention sont toujours en vigueur. Toute victime d’actes de torture ou d’autres traitements contraires à la loi a le droit à une indemnisation et à une réparation justes et équitables. Il convient toutefois de relever que, d’après les renseignements disponibles, aucun cas d’application de ces dispositions n’a été recensé pendant la période considérée.

87.Les dispositions finales du Code de procédure pénale prévoient l’entrée en vigueur, le 15 mai 2005, d’une disposition selon laquelle les sommes versées à la victime en réparation des dommages subis seront affectées aux frais de justice si les organes de l’État n’ont pas été en mesure d’élucider le crime (art. 217, par. 2, al. k). En pareil cas, le paragraphe 4 de l’article 33 du Code s’applique également, qui dispose que, «lorsque le suspect est en fuite et qu’on ne sait pas où il se trouve ou que l’identité de l’auteur présumé n’a pas pu être déterminée, une demande de réparation du préjudice peut être introduite contre l’État par la voie civile».

Article 15 (Déclaration dont il est établi qu’elle a été obtenue par la torture)

88.À propos de la recommandation du Comité selon laquelle «toutes les allégations de déclarations obtenues de détenus par la force devraient être vérifiées et ne pourront jamais avoir valeur de preuve», il convient de souligner que le paragraphe 7 de l’article 42 de la Constitution dispose que les preuves obtenues par des moyens illicites n’ont pas valeur juridique.

89.Les termes mêmes de la disposition constitutionnelle qui précède ont été repris dans le Code de procédure pénale qui stipule, à l’article 7, que «les preuves obtenues par des moyens illicites n’ont aucune valeur juridique». L’article 10 consacré à la présomption d’innocence est entièrement conforme à ce principe universellement reconnu, qui figure pour la première fois en tant que tel dans les règles de procédure de la Géorgie. Le contrôle judiciaire a été institué pour tout acte de procédure émanant d’un magistrat instructeur, d’un enquêteur ou du ministère public qui restreint les droits et libertés des citoyens reconnus par la Constitution; les suspects et les inculpés et autres parties à une procédure sont habilités à saisir les tribunaux si leur plainte ou leur requête est rejetée par le magistrat instructeur, l’enquêteur ou le ministère public (art. 15).

90.Le Code de procédure pénale précise en outre que les aveux des inculpés, s’ils ne sont pas étayés par des éléments de preuve, ne suffisent pas pour conclure que les intéressés sont les auteurs du délit. Nul témoignage ne peut être obtenu sous la menace. Le recours à la contrainte, physique ou mentale, pour obtenir des aveux, est interdit, de même que le chantage; tout témoignage ainsi obtenu est écarté (art. 19 et 119). Toute preuve obtenue en violation de la procédure réglementaire et plus précisément par la violence, la menace, le chantage ou le harcèlement, est réputée irrecevable et écartée. Les éléments de preuve produits par l’accusation qui ont été jugés non valables peuvent toutefois être acceptés à la demande de la défense (art. 111).

91.Du fait du caractère contradictoire du procès et de l’égalité des parties, les indications et les aveux obtenus par des moyens illicites peuvent être décelés, reconnus comme tels, et écartés (art. 475 du Code de procédure pénale).

92.Le Gouvernement géorgien estime que les garanties de procédure ci‑dessus sont suffisantes et s’est toujours attaché à faire en sorte qu’elles soient strictement appliquées.

93.S’agissant de la recommandation du Comité concernant l’adoption par la Géorgie de mesures tendant à faire cesser la pratique qui consiste à soumettre à un interrogatoire des suspects qualifiés de témoins, ce qui a pour effet de leur dénier le droit d’être assistés par un avocat, il convient de relever qu’en vertu de l’article 305 du Code de procédure pénale, «tout témoin peut obtenir que son avocat assiste à son interrogatoire à sa demande» (par. 5). Ainsi, le fait de refuser à un témoin le droit de se faire assister d’un défenseur est illégal. De toute évidence, cette disposition rend parfaitement vaine toute tentative de qualification procédurale sciemment inexacte d’un détenu.

Article 16 (Autres formes de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants)

94.S’agissant de l’article 16 de la Convention, les informations fournies dans le deuxième rapport périodique concernant les garanties de procédure contre les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture au sens de l’article premier de la Convention, sont toujours valables.

95.Il convient de souligner qu’à l’heure actuelle, les conditions de détention et l’état des infrastructures, aussi bien dans les établissements pénitentiaires que dans les locaux de la police utilisés pour le placement en garde à vue, ne sont absolument pas conformes aux normes internationales dans ce domaine, comme l’a souligné en particulier le CPT dans son rapport sur sa visite en Géorgie. L’état déplorable de ces établissements et locaux est dû à leur amortissement et à la pénurie chronique de fonds destinés à couvrir les dépenses budgétaires correspondantes. Comme indiqué précédemment, le Gouvernement géorgien ne ferme pas les yeux sur ce problème et cherche les moyens de le résoudre. En particulier, la prison pour femmes et le centre pour mineurs délinquants sont déjà conformes aux normes internationales sur certains points essentiels. Le Gouvernement géorgien a pris des initiatives concrètes dans ce sens, comme en témoignent l’adoption du plan d’action en vue de la réforme et de la modernisation du système pénitentiaire du Ministère de la justice pour 2002‑2007 et d’autres mesures décrites plus haut dans le présent rapport.

Liste des annexes *

1.Décret présidentiel portant approbation du plan d’action contre la torture en Géorgie pour 2003-2005.

2.Décret présidentiel sur le renforcement de la protection des droits de l’homme en Géorgie.

3.Décret présidentiel portant approbation du plan d’action contre la traite d’êtres humains pour 2003‑2005.

4.Décret présidentiel portant approbation du plan d’action visant à renforcer la protection des droits et libertés des divers groupes de population en Géorgie pour 2003‑2005.

5.Document intitulé «L’intolérance religieuse: ses divers visages et les mesures visant à l’éliminer».

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