Nations Unies

CAT/C/GBR/CO/5

Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

Distr. générale

24 juin 2013

Français

Original: anglais

Comité contre la torture

Observations finales concernant le cinquième rapport périodique du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, adoptées par le Comité à sa cinquantième session (6-31 mai 2013)

Le Comité contre la torture a examiné le cinquième rapport du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (CAT/C/GBR/5) à ses 1136e et 1139e séances, les 7 et 8 mai 2013 (CAT/C/SR.1136 et 1139), et adopté les observations finales ci-après à ses 1160e et 1161e séances (CAT/C/SR.1160 et 1161), le 27 mai 2013.

A.Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction le cinquième rapport périodique du Royaume‑Uni, qui est dans l’ensemble conforme aux directives concernant l’établissement des rapports. Le Comité remercie l’État partie des réponses écrites détaillées qu’il a apportées à la liste de points à traiter (CAT/C/GBR/Q/5/Add.1 et annexes).

Le Comité salue l’engagement positif et constructif dont la délégation de haut niveau de l’État partie a témoigné au cours du dialogue, ainsi que les efforts qu’elle a déployés pour fournir des réponses complètes aux questions posées par les membres du Comité durant le dialogue.

B.Aspects positifs

Le Comité constate avec satisfaction que l’État partie a ratifié les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2009;

b)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2009.

Le Comité salue les faits nouveaux intervenus sur le plan judiciaire et les efforts constants que déploie l’État partie pour réviser sa législation afin de donner effet aux recommandations du Comité et de mieux appliquer la Convention, notamment:

a)La modification de la loi de 2001 sur la Cour pénale internationale par l’article 70 de la loi de 2009 sur les coroners et la justice, qui étend la compétence ratione personae et ratione temporis des tribunaux du Royaume-Uni pour les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité aux résidents du Royaume‑Uni et aux actes commis à l’étranger après le 1er janvier 1991;

b)L’adoption de la loi de 2012 sur la protection des libertés, qui a modifié l’article 8 de la loi de 2000 sur le terrorisme et a rabaissé de vingt-huit à quatorze jours la durée maximale de la détention avant inculpation des personnes soupçonnées de terrorisme;

c)L’arrêt rendu par la Chambre des lords dans l’affaire A and o thers v . Secretary of State for the Home Department (no2) [2005], qui établit clairement que les éléments de preuve obtenus par la torture ne sont pas recevables dans les procédures judiciaires;

d)Le Code de procédure pénale (Aide judiciaire, détention et recours) (Écosse) de 2010, qui prévoit en Écosse le droit des détenus de consulter un avocat;

e)La loi de 2006 sur la police et les preuves judiciaires, qui consacre auxBermudes le droit des personnes en état d’arrestation d’informer un tiers de leur détention;

f)L’abrogation, en 2007, des dispositions spécifiques à l’Irlande du Nord contenues dans la section VII de la loi de 2000 contre le terrorisme, dans le cadre du programme de réglementation entrepris en Irlande du Nord;

g)L’entrée en vigueur de nouvelles ordonnances constitutionnelles consacrant les droits fondamentaux et les libertés individuelles des résidents des îles Vierges, des îles Caïmanes, des îlesFalkland (Malouines) et des îles Sainte-Hélène, Ascension et Tristan da Cunha, en 2009, ainsi que des îles Turques et Caïques en 2012;

h)L’entrée en vigueur en 2006 de la loi de 2000 du Bailliage de Guernesey sur les droits de l’homme, de la loi de 2000 de Jersey sur les droits de l’homme et de la loi de 2001 de l’île de Man sur les droits de l’homme, visant l’incorporation de dispositions relatives aux droits de l’homme, notamment l’interdiction de la torture;

i)L’élaboration en 2008 d’une nouvelle loi sur les plaintes contre la police (Guernesey), et la promulgation en 2006 de la loi sur la justice pénale (Dispositions diverses) (Bailliage de Guernesey), qui renforce la protection des témoins.

Le Comité salue également les efforts déployés par l’État partie pour modifier ses politiques, programmes et mesures administratives afin de mieux protéger les droits de l’homme et de donner effet à la Convention, notamment:

a)La création de la Commission pour l’égalité et les droits de l’homme, en 2007, et de la Commission écossaise des droits de l’homme, en 2008;

b)La nomination en 2005 d’un Médiateur des prisons en Irlande du Nord;

c)L’adoption de la Stratégie du Ministère des affaires étrangères et du Commonwealth pour la prévention de la torture (2011-2015);

d)La création de l’Équipe d’enquête sur les faits du passé, chargée de réévaluer les décès imputables aux «troubles» intervenus en Irlande du Nord entre 1968 et 1998, et la conduite d’un certain nombre d’enquêtes publiques sur des décès liés au conflit;

e)Les mesures prises en Angleterre, en Écosse et en Irlande du Nord pour réformer le système de justice pénale, et en Angleterre et en Écosse pour rénover le parc pénitentiaire;

f)L’adoption de stratégies de prévention du suicide et de l’automutilation en détention, dont le plan «Évaluation, prise en charge pénitentiaire et travail de groupe», mis en place entre 2005 et 2007 en Angleterre et au pays de Galles; la version révisée de la stratégie de gestion du risque de suicide «ACT2Care» («Agir pour protéger»), introduite en 2005 en Écosse; les procédures de soutien des détenus à risque introduites en 2009; et la version révisée de la politique et des modes opératoires normalisés en matière de prévention du suicide et de l’automutilation, adoptée en 2011 en Irlande du Nord;

g)Les réformes apportées au système de justice pour mineurs en Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord afin de réduire le nombre de mineurs en détention et de développer le recours aux peines d’intérêt général;

h)L’extension à l’île de Man du champ d’application de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Transposition de la Convention dans l’ordre juridique interne

Le Comité note que l’État partie considère que la loi sur les droits de l’homme transpose la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, y compris l’interdiction de la torture qui y est consacrée, dans sa législation. Cependant, le Comité est d’avis que l’incorporation de la Convention contre la torture dans le droit interne de l’État partie et l’adoptiond’une définition de la torture pleinement conforme à celle qui figure àl’article premier de la Convention renforceraient le cadre de protection qui permet aux individus d’invoquer directement les dispositions de la Convention devant les tribunaux (art.2).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ incorporer l ’ ensemble des dispositions de la Convention contre la torture dans son droit interne et de les faire mieux connaître aux membres de la magistrature et à l ’ ensemble de la population.

Loi de 1998 sur les droits de l’homme

Le Comité accueille avec satisfaction l’assurance donnée par la délégation de l’État partie que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme continuera de faire partie intégrante de sa législation, quelle que soit la décision qui sera prise quant à la rédaction d’une charte des droits. Il s’inquiète toutefois des critiques de la part de personnalités publiques dont la loi de 1998 sur les droits de l’homme fait régulièrement l’objet (art.2).

L ’ État partie devrait veiller à ce qu ’ aucune déclaration publique ni aucune modification législative telle que l ’ établissement d ’ une charte des droits ne viennent affaiblir le niveau de protection constitutionnelle que la loi sur les droits de l ’ homme confère actuellement à l ’ interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Extraterritorialité

Le Comité s’inquiète de la position de l’État partie vis-à-vis de l’applicabilité extraterritoriale de la Convention, notamment du fait que l’État partie considère que même si ses forces armées sont tenues de respecter l’interdiction absolue de la torture telle qu’énoncée dans la Convention, le champ d’application de chaque article de la Convention «doit être envisagé selon ses termes» (CAT/C/GBR/Q/5/Add.1, par. 4.5) (art. 2).

Le Comité demande à l ’ État partie de reconnaître publiquement que la Convention s ’ applique à toutes les personnes relevant de sa juridiction ou de son autorité, y compris ses forces armées, ses conseillers militaires et les autres fonctionnaires déployés sur des lieux d ’ opérations à l ’ étranger. Se référant à son Observation générale n o 2 (2008) relative à l ’ application de l ’ article 2 par les États parties, le  Comité rappelle à l ’ État partie l ’ obligation qui lui incombe de prendre des mesures efficaces pour empêcher que des actes de torture ne soient commis «non seulement sur son propre territoire mais aussi dans tout territoire sous sa juridiction», y compris «toutes les régions sur lesquelles l ’ État partie exerce de fait ou de droit, directement ou indirectement, en tout ou en partie, un contrôle effectif, conformément au droit internation al» (par.  16).

Ambiguïtés dans la législation

Le Comité est préoccupé par la persistance, dans la législation de l’État partie, d’ambiguïtés qui semblent ménager une «clause échappatoire» face à l’interdiction absolue de la torture. Il note en particulier qu’en dépit de ses précédentes observations finales (CAT/C/CR/33/3, par. 4 a) ii)), l’État partie n’a pas encore abrogé les paragraphes 4 et 5 de l’article 134 de la loi de 1988 sur la justice pénale qui permettent à l’auteur d’un acte de torture de se défendre d’une accusation d’infliction intentionnelle d’une douleur ou d’une souffrance aiguë en soutenant qu’il a agi sous couvert «d’une autorité, d’une justification ou d’une excuse légitime» ou en arguant que l’acte est autorisé en droit étranger même s’il est illégal en vertu de la législation de l’État partie (art. 2).

L ’ État partie devrait abroger les paragraphes  4 et 5 de l ’ article 134 de la loi de 1988 sur la justice pénale et veiller à ce que sa législation reflète l ’ interdiction absolue de la torture telle qu ’ énoncée au paragraphe  2 de l ’ article 2 de la Convention, qui stipule qu ’ aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu ’ elle soit, ne peut être invoquée pour justifier la torture.

Recueil de directives à l’intention des agents des services de renseignements et des membres des forces armées

Le Comité accueille avec satisfaction la publication en 2010 du Recueil de directives à l’intention des agents des services de renseignements et des membres des forces armées sur la détention et les interrogatoires de détenus à l’étranger et sur la transmission et la réception d’informations relatives à ces détenus (Recueil de directives), qu’il considère comme un progrès important s’agissant d’assurer la transparence et la responsabilisation à l’égard des actes du personnel en opération à l’étranger et de ses relations avec les services de renseignements étrangers. Le Comité accueille en outre avec satisfaction l’assurance donnée par la délégation que ce cadre n’est «nullement destiné à autoriser la torture» mais plutôt «à l’empêcher». Il reste toutefois préoccupé par les ambiguïtés qui demeurent dans le Recueil de directives et note en particulier qui y est prévue la possibilité, dans les situations où le comportement de services de renseignements et de sécurité étrangers pose un risque important de torture ou d’autres mauvais traitements, de demander des assurances afin de «faire baisser le niveau de risque à un niveau inférieur à celui du risque grave» (Recueil de directives, par. 17 à 21) (art. 2 et 3).

Le Comité demande instamment que les directives soient reformulées afin d ’ éliminer toute ambiguïté ou possibilité d ’ erreur d ’ interprétation. L ’ État partie devrait en particulier supprimer la possibilité d ’ avoir recours à des assurances lorsqu ’ il existe un risque grave de torture ou de mauvais traitements, et exiger que les services de renseignement s et les forces armées cessent de procéder à des interrogatoires ou de collecter des renseignements auprès de détenus qui sont sous la garde de services de renseignement s étrangers lorsqu ’ il existe un risque de torture ou de mauvais traitements. L ’ État partie devrait également veiller à ce que le personnel militaire et les services de renseignement s reçoivent une formation concern ant l ’ interdiction absolue de la torture et des mauvais traitements.

Procédures fermées

Bien que l’État partie considère que la loi de 2013 sur la justice et la sécurité renforcera le contrôle et la surveillance des services de renseignements et de sécurité, le Comité s’inquiète que la loi étende l’utilisation des procédures fermées (Closed Material Procedures) aux affaires civiles mettant en jeu la sécurité nationale. Le Comité note que la décision a été prise en dépit du fait que la Cour européenne des droits de l’homme ait jugé, dans l’affaire A.  et autres c. Royaume ‑ Uni (requête no 3455/05), que le système des avocats spéciaux utilisé dans les procédures fermées ne permettait pas de protéger efficacement les droits des détenus, et malgré les critiques sévères, formulées notamment par le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et la majorité des avocats spéciaux (mémorandums adressés à la Commission mixte des droits de l’homme au sujet du projet de loi sur la justice et la sécurité, juin 2012 et février 2013). Le Comité note en particulier que (art. 2, 15 et 16):

a)Les avocats spéciaux n’ont guère la possibilité de conduire des contre-interrogatoires et ne peuvent pas débattre du contenu intégral des documents confidentiels avec leur client, ce qui constitue une atteinte au droit à un procès équitable;

b)De nombreux éléments de preuve confidentiels reposent largement sur des informations émanant de services secrets de renseignements et peuvent contenir des témoignages de seconde − ou troisième − main ou d’autres éléments ou déclarations susceptibles d’avoir été obtenus par la torture, qui ne seraient pas recevables dans des procédures pénales ou civiles ordinaires, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une déclaration a été faite;

c)Les procédures fermées peuvent compromettre la possibilité d’établir la responsabilité de l’État.

Le Comité recommande de faire en sorte que tous les moyens utilisés pour restreindre ou limiter les garanties d ’ une procédure régulière pour des motifs ayant trait à la sécurité nationale soient pleinement conformes à la Convention. L ’ État partie devrait en particulier:

a) Répondre aux préoccupations soulevées par la Commission mixte des droits de l ’ homme et les avocats spéciaux au sujet de la loi de 2013 sur la justice et la sécurité;

b) Faire en sorte que les documents provenant de services de renseignement s et autres documents confidentiels puissent être divulgués si le tribunal considère qu ’ ils contiennent des preuves de l ’ existence de violations des droits de l ’ homme telles que des actes de torture ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants;

c) Veiller à ce que la loi de 2013 sur la justice et la sécurité ne vienne pas faire obstacle à la responsabilité de l ’ État pour participation ou complicité à la torture ou à un traitement cruel, inhumain ou dégradant et à ce qu ’ elle n ’ empêche pas les victimes d ’ obtenir une réparation, un recours et une indemnisation juste et appropriée.

Procès sans jury en Irlande du Nord

Le Comité prend note avec satisfaction des mesures qui ont été prises en Irlande du Nord dans le cadre du programme de réglementation de la sécurité mais regrette que la loi de 2007 (d’Irlande du Nord) sur la justice et la sécurité continue de prévoir la possibilité de conduire des procès sans jury alors qu’il semble que la plupart des acteurs s’accordent àpenser que l’existence d’un problème d’intimidation des jurés en Irlande du Nord reste àprouver (art.2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de tenir dûment compte des principes de nécessité et de proportionnalité lorsqu ’ il se prononcera sur le renouvellement des pouvoirs exceptionnels en Irlande du Nord, notamment les dispositions relatives aux procès sans jury. Il encourage l ’ État partie à poursuivre la réglementation de la sécurité en Irlande du Nord et à envisager d ’ autres moyens de protéger les jurés.

Mécanisme national de prévention

Le Comité, pleinement conscient de l’importance que l’État partie accorde à l’échange d’expériences, note que la pratique consistant à détacher des agents de l’État employés dans des lieux de privation de liberté auprès des organes qui composent le mécanisme national de prévention soulève des questions quant à la pleine indépendance dont doivent jouir de tels organes (art. 2).

Le Comité recommande à l ’ État partie de faire cesser la pratique consistant à détacher des personnes employées dans les lieux de privation de liberté auprès des organes qui composent le mécanisme national de prévention. Il recommande à l ’ État partie de continuer de doter les organes qui composent le mécanisme national de prévention au Royaume-Uni de ressources humaines, matérielles et financières suffisantes pour leur permettre de s ’ acquitter de leur mission de prévention en toute indépendance et avec efficacité.

Enquêtes sur les allégations d’actes de torture à l’étranger

Le Comité est profondément préoccupé par le nombre croissant d’allégations graves de torture et de mauvais traitements, y compris de complicité de tels actes, liées aux interventions militaires de l’État partie en Iraq et en Afghanistan. Il sait gré à l’État partie de lui avoir assuré avoir l’intention de confier la tenue d’une enquête indépendante à des juges et de publier la plus grande partie possible du rapport provisoire de l’Enquête sur le traitement des détenus conduite par Sir Peter Gibson dans le but de déterminer si les services de sécurité et de renseignements de l’État étaient impliqués dans des mauvais traitements à l’égard de personnes détenues par d’autres pays dans le cadre d’opérations de lutte contre le terrorisme menées à l’étranger. Le Comité constate avec préoccupation que l’État partie n’a pas encore établi de calendrier précis pour la réalisation de la nouvelle enquête, qui pourrait déboucher sur la modification des paragraphes 4 et 5 de l’article 134 de la loi de 1988 sur la justice pénale, ni pour la publication du rapport provisoire de l’Enquête sur le traitement des détenus (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ ouvrir sans plus tarder une enquête sur les allégations d ’ actes de torture et autres mauvais traitements à l ’ égard de personnes détenues à l ’ étranger qui auraient été commis par des représentants du Gouvernement britannique, à leur instigation ou avec leur consentement ou leur a pprob ation. L ’ État partie devrait s ’ assurer que la nouvelle enquête est conçue de manière à éviter les écueils de l ’ Enquête sur le traitement des détenus que de nombreux acteurs ont signalé s . À cet égard, le Comité encourage l ’ État partie à accorder l ’ attention voulue au rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (A/HRC/19/61). L ’ État partie devrait veiller à ce que tous les auteurs d ’ actes de torture et de mauvais traitements identifiés dans le cadre de l ’ enquête soient dûment poursuivis et punis comme il convient, et à ce que des moyens effectifs de réparation, y compris une indemnisation adéquate, soient offerts à chaque victime. En outre, le Comité engage l ’ État partie à publier rapidement la plus grande partie possible du rapport provisoire sur l ’ Enquête sur le traitement des détenus.

Responsabilité des exactions commises en Iraq

Le Comité prend acte des enquêtes ayant été ouvertes sur les allégations portées contre l’armée de l’État partie en Iraq, notamment l’enquête publique menée sur le cas de Baha Mousa et l’enquête publique en cours sur l’affaire Al-Sweady. Il prend note de la création de l’Équipe d’enquête sur les allégations historiques chargée d’enquêter sur les allégations de mauvais traitements infligés à des citoyens iraquiens par des soldats britanniques, mais continue de craindre que la composition et l’indépendance de cette Équipe soient compromises par les liens institutionnels étroits qu’elle conserve avec le Ministère de la défense. Compte tenu du nombre et de la persistance des plaintes d’Iraquiens qui déclarent avoir fait l’objet de mauvais traitements de la part d’officiers britanniques en Iraq entre 2003 et 2009, le Comité regrette que l’État partie continue de refuser la conduite d’une enquête publique complète qui permettrait d’évaluer l’ampleur de la torture et des mauvais traitements et d’établir les responsabilités éventuelles des responsables politiques et militaires. En outre, le Comité s’inquiète vivement du fait qu’il n’y a pas eu jusqu’à présent de poursuites pénales pour actes de torture ou complicité d’actes de torture impliquant des agents de l’État, des membres des services de sécurité ou des militaires, alors que des soldats sont passés en cour martiale pour des mauvais traitements infligés à des civils en Iraq (art. 2, 13, 14 et 16).

Le Comité prie instamment l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires en vue d ’ établir les responsabilités et de veiller à ce que les responsables répondent de leurs actes, y compris de mettre en place une commission unique et indépendante d ’ enquête publique, pour enquêter sur les allégations d ’ actes de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants commis en Iraq entre 2003 et 2009. Conformément à l ’ Observation générale n o 3 (2012) du Comité concer nant l ’ application de l ’ article  14 par les États parties, l ’ État partie devrait également faire en sorte que toutes les victimes de torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants obtiennent réparation et bénéfici ent d ’ un recours utile et d ’ une répara tion appropriée, comprenant la restitution, une indemnisation financière juste et adéquate, des mesures de satisfaction et des soins médicaux ainsi que des moyens de réadaptation appropriés.

Peines appropriées

Le Comité est vivement préoccupé par le fait qu’en dépit de la gravité des blessures infligées à Baha Mousa, l’enquête sur les circonstances de sa mort et les poursuites menées se sont soldées pour six des soldats britanniques mis en cause par un acquittement ou par un abandon de charges, et par une peine d’un an d’emprisonnement seulement pour le caporal-chef qui a reconnu être coupable de traitements inhumains (art. 4, 13 et 14).

Rappelant qu ’ il est indispensable que les peines s oient proportionn é es à la gravité du crime de torture afin d ’ être pleinement dissuasives, le Comité prie instamment l ’ État partie de faire en sorte que les actes de torture ou la complicité d ’ actes de torture commis par des agents de l ’ État, des membres des services de sécurité ou des soldats à l ’ étranger soient sanctionnés par des peines appropriées, proportionnées à la gravité du crime, conformément à l ’ article 4 de la Convention.

Recours aux assurances diplomatiques

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie s’appuie sur les assurances diplomatiques pour justifier l’expulsion d’étrangers soupçonnés d’infractions liées au terrorisme vers des pays où la torture serait pratiquée de manière systématique (art. 3 et 13).

Le Comité invite l ’ État partie à veiller à ce qu ’ aucune personne, même soupçonnée de terrorisme, qui fait l ’ objet d ’ une expulsion, d ’ un refoulement, d ’ une extradition ou d ’ un renvoi, ne soit exposée au risque d ’ être soumise à la torture ou à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il prie instamment l ’ État partie de s ’ abstenir de demander des assurances diplomatiques et de s ’ appuyer sur de telles assurances lorsqu ’ «il y a des raisons sérieuses de croire que [la personne] risque d ’ être soumise à la torture» (art. 3). Plus la pratique de la torture ou de traitements cruels, inhumains ou dégradants est généralisée, moins il existe de chances que les assurances diplomatiques permettent d ’ éviter le risque réel d ’ un tel traitement, aussi stricte que soit la procédure de suivi arrêtée. Le Comité estime donc que les assurances diplomatiques sont peu fiables et inefficaces, et qu ’ elles ne devraient pas être utilisées pour con tourner les dispositions de la Convention.

Transfert de détenus vers l’Afghanistan

Le Comité prend note du moratoire sur le transfert de détenus aux autorités afghanes décidé par le Secrétaire d’État à la défense au vu des risques de torture et de mauvais traitements, et accueille avec satisfaction l’assurance donnée par l’État partie qu’il ne transférera pas de détenus vers les pays où il estime qu’il existe un risque réel de mauvais traitements ou de torture (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ adopter une politique sans équivoque et de garantir dans la pratique que le transfert de détenus vers un autre pays est clairement interdit lorsqu ’ il y a des motifs sérieux de croire que l ’ intéressé risque d ’ être soumis à la torture. Il recommande également à l ’ État partie de reconnaître que les assurances diplomatiques et les mécanismes de surveillance ne peuvent pas être invoqués pour justifier les transferts de détenus lorsqu ’ il existe des risques importants de torture .

Expulsions vers Sri Lanka

Le Comité note que le 28 février la High Court a ordonné la suspension du renvoi à Sri Lanka des Tamouls dont les demandes d’asile n’avaient pas abouti, compte tenu des allégations et des éléments de preuve d’actes de torture et de mauvais traitements, dont certains Tamouls sri‑lankais avaient été victimes après leur retour forcé ou volontaire. Cependant, le Comité s’inquiète de ce que de tels éléments de preuve n’aient pas encore trouvé écho dans la politique d’asile de l’État partie (art. 3).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ observer les règles garantissant le respect du principe de non-refoulement, notamment l ’ obligation de vérifier s ’ il existe de sérieux motifs de croire qu ’ un demandeur d ’ asile risque d ’ être torturé ou maltraité en cas d ’ expulsion vers son pays d ’ origine. Il demande à l ’ État partie de soumettre le s situations visées à l ’ article  3 de la Convention à un examen approfondi des risques, notamment en tenant compte des éléments de preuve apportés par des Sri ‑ Lankais dont les allégations de torture après leur renvoi ont été jugées crédibles, et de réviser en conséquence ses directives relatives à ce pays.

Shaker Aamer

Le Comité prend note avec une vive préoccupation du cas de Shaker Aamer, dernier résident britannique détenu à Guantanamo Bay, qui est détenu sans inculpation depuis plus de onze ans et dont l’état de santé se détériore rapidement, en particulier depuis qu’il a entamé une grève de la faim. Le Comité regrette que, bien que l’État partie «fasse de son mieux» pour obtenir sa libération, aucun signe ne laisse espérer qu’elle intervienne dans un avenir proche (art. 2 et 16).

Le Comité prie instamment l ’ État partie d ’ envisager toutes les mesures susceptibles d ’ assurer, dans les meilleurs délais, la remise en liberté et le retour au Royaume ‑ Uni de Shaker  Aamer qui est détenu sans inculpation depuis plus de onze ans. Dans ce contexte, l ’ État partie devrait s ’ enquérir de la suite donnée aux demandes de dérogation qu ’ il a présentées en juin 2012 et en mai 2013 au Secrétaire d ’ État à la défense des États-Unis d ’ Amérique pour obtenir la remise en liberté de Shaker Aamer, conformément aux dispositions de la loi d ’ autorisation de la défense nationale ( National Defence Authorisation Act ) de 2012.

Compétence universelle

Le Comité note avec satisfaction que la stratégie de l’État partie pour la prévention de la torture (2011-2015) renvoie à l’obligation qui découle de la Convention de faire en sorte qu’il n’y ait aucun refuge pour les personnes accusées de torture et se félicite des modifications apportées à la législation qui élargissent la compétence des tribunaux du Royaume-Uni pour poursuivre les auteurs de crimes internationaux. Le Comité s’inquiète toutefois de l’adoption d’une législation (loi sur la police et la responsabilité sociale de 2011) qui rend plus difficile l’émission d’un mandat d’arrêt privé contre un suspect se trouvant sur le territoire de l’État partie (art. 5).

Le Comité recommande à l ’ État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l ’ exercice de sa compétence universelle à l ’ égard des responsables présumés d ’ actes de torture, y compris lorsqu ’ il s ’ agit d ’ étrangers se trouvant temporairement au Royaume ‑ Uni. De plus, le Comité recommande à l ’ État partie de remédier à l ’ «impunité» constatée par la Commission parlementaire mixte des droits de l ’ homme (Joint Committee on Human Rights) en 2009 en adoptant le projet de loi sur la torture (réparation), qui établirait la compétence civile universelle pour certains griefs.

Justice de transition en Irlande du Nord

Le Comité accueille avec satisfaction la mise en place par le Northern Ireland Office et le Département de la justice d’Irlande du Nord d’un «train de mesures» pour en finir avec le passé en Irlande du Nord, notamment la création de mécanismes chargés de mener des enquêtes historiques sur les décès liés au conflit, dont ceux des victimes de torture et de mauvais traitements. Il prend note toutefois des informations faisant état d’incohérences apparentes dans les procédures d’enquête visant des responsables militaires, qui retardent les enquêtes ou entraînent leur suspension, ce qui nuit à la capacité des organismes compétents de procéder immédiatement à des enquêtes impartiales sur les violations des droits de l’homme et de mener un examen approfondi du caractère systémique ou systématique des violations et des abus commis en vue de poursuivre les responsables et d’offrir un recours utile. De plus, le Comité est préoccupé par la décision de l’État partie de ne pas mener une enquête publique sur le décès de Patrick Finucane (art. 2, 12, 13, 14 et16).

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ élaborer un cadre exhaustif pour la justice de transition en Irlande du Nord et de faire en sorte que des enquêtes promptes, complètes et indépendantes soient menées pour établir la vérité et pour identifier, poursuivre et punir les coupables. Dans ce contexte, le Comité estime qu ’ en adoptant une telle approche globale, comprenant l ’ enquête publique sur la mort de Patrick  Finucane, l ’ État partie manifesterait clairement sa volonté d ’ examiner avec impartialité et transparence les violations des droits de l ’ homme commises par le passé. L ’ État partie devrait également faire en sorte que toutes les victimes d ’ actes de torture et de mauvais traitements puissent obtenir une réparation et une indemnisation adéquates.

Enquête sur les cas de maltraitance commis par le passé dans des institutions

Le Comité salue la création, en mai 2012, de l’Historical Institutional Abuse Inquiry, entité chargée d’enquêter sur les cas de maltraitance d’enfants placés dans des institutions survenus en Irlande du Nord entre 1922 et 1995, mais regrette que le cas de certaines victimes, notamment les femmes âgées de plus de 18 ans qui ont été recluses contre leur gré dans les laveries des sœurs de Marie-Madeleine et dans des institutions équivalentes, ainsi que les survivants de maltraitances infligées par le clergé, ne relève pas de son mandat (art. 2, 12, 13, 14 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de mener des enquêtes promptes, indépendantes et approfondies sur tous les cas de maltraitance survenus dans des institutions d ’ Irlande du Nord entre 1922 et 1995, notamment celui des femmes de plus de 18  ans recluses contre leur gré dans les laveries des sœurs de Marie-Madeleine et dans des institutions équivalentes en Irlande du Nord, et de faire en sorte que les responsables soient poursuivis et punis, dans la mesure du possible et s ’ il y a lieu, et que toutes les victimes de maltraitance obtiennent réparation et indemnisation, y compris les moyens nécessaires à une réadaptation complète dans les meilleurs délais, conformé ment à l ’ Observation générale n o 3 du Comité concer nant l ’ application de l ’ article  14 par les États parties.

Utilisation d’éléments de preuve obtenus par la torture

Le Comité prend acte de l’arrêt rendu par la Chambre des lords dans l’affaire A and others v. Secretary of State for the Home Department (no 2) [2005] (UKHL71) (CAT/C/GBR/5, par. 27) qui établit que les éléments de preuve obtenus par la torture ne sont pas recevables dans les procédures judiciaires. Il constate toutefois avec préoccupation que la charge de la preuve incombe toujours au défendeur ou au demandeur en ce qui concerne l’admissibilité des éléments de preuve obtenus par la torture (art. 15).

Le Comité demande à l ’ État partie de faire en sorte que, lorsqu ’ il est allégué que des aveux ont été faits sous la torture, la charge de la preuve incombe à l ’ État. De plus, l ’ État partie ne devrait jamais s ’ appuyer sur des documents émanan t des services de renseignement s de pays tiers et obtenu s par la torture ou un autre traitement cruel, inhumain ou dégradant.

Armes à impulsions électriques (Taser)

Le Comité prend note des orientations applicables en Angleterre et au pays de Galles qui tendent à limiter l’utilisation des armes à impulsions électriques aux situations dans lesquelles il existe des menaces graves de violence, mais il constate avec préoccupation que l’utilisation de telles armes a presque doublé en 2011 et que l’État partie a l’intention de l’étendre encore dans la zone placée sous l’autorité de la police métropolitaine. De plus, il est profondément préoccupé par l’utilisation d’armes à impulsions électriques contre des enfants ou des personnes handicapées et lors de récentes opérations de police où l’existence de menaces graves de violence n’était pas manifeste selon certains (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait veiller à ce que les armes à impulsions électriques soient utilisées exclusivement dans des situations extrêmes et restreintes −  dans lesquelles il existe un danger réel et immédiat de mort ou de blessure grave − et par des membres des forces de l ’ ordre formés à cet effet, à la place d ’ armes létales. L ’ État partie devrait réviser la réglementation régissant l ’ utilisation des armes à impulsions électriques en vue de fixer des conditions restrictives en la matière et d ’ interdire expressément l ’ utilisation de telles armes contre des enfants et des femmes enceintes. Le Comité estime que l ’ utilisation d ’ armes à impulsions électriques devrait être soumise aux principes de nécessité et de proportionnalité et interdite au personnel de surveillance dans les prisons ou dans tout autre lieu de privation de liberté. Le Comité exhorte l ’ État partie à fournir des instructions précises et une formation adéquate aux membres des forces de l ’ ordre autorisé s à utiliser les armes à impulsions électriques, et à surveiller et contrôler strictement l ’ utilisation de telles armes.

Âge de la responsabilité pénale

Le Comité accueille avec satisfaction la promulgation de la loi de 2010 sur la justice pénale et la délivrance d’autorisations (Écosse), qui porte l’âge minimum auquel une personne peut faire l’objet de poursuites pénales de 8 à 12 ans en Écosse. Il demeure néanmoins préoccupé par le fait que la responsabilité pénale commence à l’âge de 8 ans en Écosse et de 10 ans en Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord, et regrette la réticence de l’État partie à relever cet âge malgré l’appel lancé par plus de 50 organisations, œuvres caritatives et experts en décembre 2012 et les recommandations répétées du Comité des droits de l’enfant (art. 2 et 16).

L ’ État partie devrait relever l ’ âge minimum de la responsabilité pénale et veiller à l ’ application intégrale des normes relat ives à la justice pour mineurs, comme le recommande le Comité des droits de l ’ enfant dans son O bservation générale n o 10 (2007) sur les droits de l ’ enfant dans le système de justice pour mineurs (par.  32 et  33). L ’ État partie devrait veiller à l ’ application intégrale de l ’ Ensemb le de règles minima des Nations  Unies concernant l ’ administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) (résolution 40 / 33 de l ’ Assemblée générale, annexe ) et des P rincipes directeurs des Nations  Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) (résolution  45/112 de l ’ Assemblée générale, annexe).

Mesures d’immobilisation à l’égard d’enfants

Le Comité relève avec préoccupation que l’État partie utilise encore des techniques d’immobilisation qui visent délibérément à infliger une douleur aux enfants dans les établissements pour jeunes délinquants, notamment pour maintenir l’ordre et la discipline (art. 2 et 16).

Le Comité réitère la recommandation formulée par le Comité des droits de l ’ enfant qui l ’ engage à faire en sorte que les mesures d ’ immobilisation à l ’ égard des enfants ne soient utilisées qu ’ en dernier ressort et exclusivement pour empêcher que l ’ enfant ne se fasse du mal ou fasse du mal à autrui et que toutes les méthodes d ’ immobilisation physique à des fins disciplinaires soient abolies (CRC/C/GBR/CO/4). Le Comité recommande également à l ’ État partie d ’ interdire le recours à toute technique conçue pour in fliger une douleur aux enfants.

Châtiments corporels

Le Comité prend acte des modifications apportées à la législation en Angleterre, au pays de Galles, en Écosse et en Irlande du Nord qui limitent la possibilité d’invoquer comme moyen de défense la notion de «châtiments raisonnables» (ou, en Écosse, «justifiables»), mais demeure préoccupé par le fait que la loi autorise encore les parents et les personnes agissant in loco parentis à recourir à certaines formes de châtiment corporel à la maison. Il note également avec préoccupation que les châtiments corporels sont licites à la maison, à l’école et dans les structures assurant une protection de remplacement dans la quasi-totalité des territoires d’outre-mer et des dépendances de la Couronne.

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ interdire les châtiments corporels sur les enfants dans tous les contextes sur le territoire métropolitain, dans les dépendances de la Couronne et dans les territoires d ’ outre-mer, en supprimant les moyens de défense qui peuvent actuellement être invoqués pour justifier ces châtiments, et en continuant de promouvoir, par des campagnes d ’ information du public, des formes de discipline constructives et non violentes à subst ituer aux châtiments corporels.

Rétention des immigrants

Le Comité constate que l’expansion de la rétention des immigrants a suscité quelques initiatives, notamment l’adoption de la loi sur les frontières, la citoyenneté et l’immigration (2009), qui visait à simplifier les procédures d’immigration, le désaveu officiel de la rétention d’enfants et la révision des procédures d’application de l’article 35 du Règlement des centres de rétention. Le Comité demeure préoccupé par:

a)Les cas où des enfants, des personnes ayant survécu à la torture, des victimes de la traite et des personnes atteintes de troubles mentaux graves ont été détenus en attendant qu’une décision soit prise au sujet de leur demande d’asile;

b)Les cas où des personnes ayant survécu à la torture et des personnes atteintes de troubles mentaux sont soumises à la procédure accélérée de traitement des demandes d’asile applicable aux personnes en rétention, en raison du manque de directives claires et des lacunes de la procédure de présélection; et le fait que les personnes ayant survécu à la torture aient besoin de fournir des «éléments de preuve émanant d’une source indépendante» lors de l’entretien de présélection pour être reconnues comme ne relevant pas de la procédure accélérée;

c)Le fait que la durée du séjour dans les centres de rétention du service de l’immigration ne soit pas limitée (art. 2, 3, 11 et 16).

Le Comité engage vivement l ’ État partie à:

a) Garantir que la détention est uniquement utilisée en dernier ressort conformément aux dispositions du droit international et non pas par commodité administrative;

b) Prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que les personnes vulnérables et les personnes ayant survécu à la torture ne soient pas orientées vers la procédure accélérée pour les person nes en rétention, notamment: i)  en révisant la procédure d ’ examen de la situation visant à établir si un demandeur d ’ asile doit être placé en détention administrative à so n entrée sur le territoire; ii)  en allégeant la charge de la preuve pour les personnes a yant survécu à la torture; iii)  en menant immédiatement un examen indépendant de l ’ application de l ’ article  35 du Règlement des centres de rétention, conformément à la recommandation formulée par la Commission des affaires intérieures et en veillant à ce que des règles similaires s ’ appliquent aux centres de rétentio n provisoire à court terme; iv)  en modifiant les Instructions et directives du Service britannique de contrôle des frontières de 2010 ( Enforcement Instructions and Guidance ), qui autorisent la détention de personnes atteintes de troubles mentaux dans des centres de rétention à moins que ces troubles ne soient si graves qu ’ ils ne puissent être gérés en détention ;

c) Limiter la durée de séjour dans les centres de rétention du service de l ’ immigration et prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que des personnes ne soient de fait détenues pendant une durée illimitée.

Conditions de détention

Le Comité est préoccupé par l’augmentation constante de la population carcérale aucours des dix dernières années et par le problème de la surpopulation, qui augmente le taux de suicide et les cas d’automutilation, favorise la violence dans les prisons et entrave l’accès aux activités de loisirs. Le Comité fait écho aux préoccupations exprimées en 2010 par le mécanisme national de prévention au sujet des lacunes en matière d’accès à des soins et traitements psychiatriques adaptés et des placements inopportuns d’enfants. Il est profondément préoccupé par le fait que des enfants handicapés mentaux puissent parfois être placés en garde à vue en Angleterre «dans leur propre intérêt et pour protéger autrui» (art. 11 et 16).

Le Comité engage instamment l ’ État partie à intensifier ses efforts et à établir des objectifs concrets pour réduire le taux élevé d ’ emprisonnement et la surpopulation carcérale, en particulier en ayant davantage recours à des peines non privatives de liberté se substituant aux peines d ’ emprisonnement, conformément aux Règles minima des Nations Unies pour l ’ élaboration de mesures non privatives de liberté (Règles de Tokyo) ( résolution  45/110 de l ’ Assemblée générale, annexe). Il recommande également à l ’ État partie de mettre rapidement en œuvre les réformes entreprises en vue de réduire le taux de récidive. L ’ État partie devrait veiller à ce que les enfants handicapés mentaux ne soient en aucun cas placés en garde à vue, mais transférés vers des établissements psychiatriques adaptés. Il devrait aussi fournir des conditions d ’ hébergement adéquates et une aide psychosociale aux détenus qui ont besoin d ’ une surveillance et d ’ un traitement psychiatriques. Le Comité recommande également à l ’ État partie de redoubler d ’ efforts pour prévenir la violence et l ’ automutilation dans les lieux de détention.

Délinquantes

Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption en Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord de nouvelles stratégies visant à réduire le nombre de femmes détenues et à recourir davantage aux peines d’intérêt général associées à des services de soutien et de réinsertion. Il accueille également avec satisfaction le plan élaboré par le Ministre de la justice d’Irlande du Nord en vue de construire un lieu de détention séparé pour les femmes en Irlande du Nord et les mesures adoptées par le Gouvernement écossais pour mettre en œuvre les recommandations faites par la Commission sur les détenues. Le Comité s’inquiète néanmoins de l’augmentation sans précédent du nombre de femmes détenues au cours des quinze dernières années, des informations selon lesquelles environ la moitié d’entre elles sont atteintes de troubles mentaux graves et chroniques, et du fait que l’automutilation touche davantage les femmes que les hommes parmi la population carcérale (art. 11 et 16).

Le Comité recommande à l ’ État partie de commencer sans plus tarder la construction du nouveau lieu de détention pour femmes en Irlande du Nord et de mettre d ’ urgence en  œuvre sa nouvelle stratégie pour les délinquantes conformément aux Règles des Nations Unies concernant le traitement des détenues et l ’ imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok) (résolution  2010/16 du Conseil économique et social, annexe). Il recommande également à l ’ État partie d ’ accorder l ’ attention voulue aux recommandations de la Commission sur les délinquantes (Écosse) et à celles qui figurent dans le «rapport Corston» (Angleterre et pays de Galles), en particulier celles l ’ invitant à faire en sorte que les délinquantes non violentes ayant commis des infractions mineures n ’ aient pas affaire au système de justice pénale, en ayant davantage recours aux peines d ’ intérêt général et en modifiant le régime carcéral pour réduire encore le nombre de décès et de cas d ’ automutilation.

Enquête publique sur l’hôpital de Stafford (NHS Foundation Trust)

Le Comité note avec intérêt les rapports publiés en 2010 et 2013 sur l’enquête publique menée sous la présidence de Robert Francis, Queen’s Counsel, qui met en lumière l’échec des dirigeants et des organismes de surveillance du Système national de santé pour ce qui est d’identifier les problèmes qui ont entraîné 400 à 1 200 décès à l’hôpital de Stafford entre 2005 et 2009, et de prendre les mesures nécessaires pour y remédier. Il relève en particulier les informations selon lesquelles «le système […] a ignoré les signaux d’alarme et placé l’intérêt commercial et la maîtrise des coûts avant les patients et leur sécurité» (communiqué de presse du 6 février 2013) (art. 11 et 16).

Le Comité demande à l ’ État partie de donner effet à l ’ engagement pris de mettre en œuvre les recommandations figurant dans les rapports concernant l ’ enquête publique sur l ’ hôpital de Stafford, et en particulier d ’ établir un ensemble de règles fondamentales et de mesures d ’ exécution afin d ’ éviter que de mauvais traitements ne soient infligés aux patients qui reçoivent des soins de santé.

Déclaration prévue à l’article 22

Le Comité regrette que l’État partie ne soit «pas encore convaincu de l’utilité pratique des communications individuelles» et relève que la Commission parlementaire mixte des droits de l’homme, formée des membres de la Chambre des lords et de la Chambre des communes, craint que «la lenteur avec laquelle [le Royaume-Uni] progresse vers l’acceptation des communications individuelles […] ne nuise à sa crédibilité en matière de promotion et de protection des droits de l’homme au niveau international» (dix‑septième rapport, session de 2004-2005, HL 99/HC 264) (art. 22).

Le Comité recommande à l ’ État partie de revoir sa position et de faire la déclaration prévue à l ’ article 22 de la Convention, afin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des communications individuelles.

Collecte de données

Le Comité prend note avec satisfaction des efforts faits par l’État partie pour lui communiquer des renseignements, des données et des statistiques détaillés, mais regrette que l’État partie n’ait pas fourni de données complètes et ventilées au sujet des enquêtes sur les allégations d’actes de torture et de mauvais traitements qui auraient été commis par des membres des forces de l’ordre, des forces de sécurité, des forces armées et du personnel pénitentiaire dans le cadre d’opérations menées par les forces de l’ordre et le personnel pénitentiaire à l’étranger et sur les poursuites engagées. Il regrette également que la délégation ne lui ait pas communiqué des informations détaillées sur les mesures de réparation ou d’indemnisation dont ont bénéficié les victimes d’actes de torture ou de mauvais traitements, ainsi que sur les techniques d’interrogatoire et la formation dispensée à cet égard.

L ’ État partie devrait rassembler des données statistiques relatives au suivi de la mise en œuvre de la Convention à l ’ échelon national, portant notamment sur les plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations concernant des cas de torture et de mauvais traitements, ainsi que sur les moyens pour les victimes d ’ obtenir réparation, y compris une indemnisation et des services de réadaptation. Il devrait également donner des informations sur les programmes d ’ éducation et les activités de formation, portant notamment sur les techniques d ’ interrogatoire, dispensés à tous les fonctionnaires, y compris les agents des forces de l ’ ordre et des forces de sécurité et le personnel pénitentiaire .

Autres questions

Le Comité invite l’État partie à ratifier les principaux instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

L’État partie est invité à diffuser largement le rapport soumis au Comité ainsi que les présentes observations finales, dans les langues appropriées, au moyen des sites Internet officiels, des médias et des organisations non gouvernementales.

Le Comité demande à l’État partie de lui faire parvenir, le 31 mai 2014 au plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux recommandations concernant: a) les enquêtes sur les allégations d’actes de torture à l’étranger; b) l’observation des règles garantissant le respect du principe de non-refoulement; c) les mesures prises pour assurer la remise en liberté et le retour au Royaume-Uni de Shaker Aamer dans les meilleurs délais; d) l’adoption d’un cadre exhaustif pour la justice de transition en Irlande du Nord; et e) l’ouverture sans délai d’enquêtes approfondies et indépendantes, recommandations figurant aux paragraphes 15, 19, 20, 21 et 23 du présent document.

L’État partie est invité à présenter son prochain rapport périodique, qui sera son sixième, le 31 mai 2017 au plus tard. Le Comité prie l’État partie de lui indiquer d’ici au 31 mai 2014 s’il accepte de lui soumettre son rapport en suivant la procédure facultative d’établissement des rapports. Dans le cadre de cette procédure, le Comité adresse à l’État partie une liste de points à traiter avant la soumission du rapport périodique et les réponses de l’État partie à la liste de points à traiter constitueront son prochain rapport périodique au titre de l’article 19 de la Convention.